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Le RP de la Momie

Prologue

Immuablement planté dans le ciel, le soleil, comme une tache sur un mur, brillait dans l’indifférence générale au-dessus de Rainbase. Les gens, au mieux, levaient la tête en se protégeant les yeux et en souhaitant qu’il frappe moins fort. Ils ne savaient pas à quel point ils lui étaient redevables. Souvent, lorsqu’on bénéficie depuis trop longtemps d’un confort, comme l’eau courante ou le den-den mushi sans fil, on oublie à quel point ça n’allait pas de soi, autrefois. Pour preuve : de nos jours, les gens d’Alabasta pensaient que la lumière était apportée par le soleil, comme ça, chaque jour, gratuitement. Alors que les sauvages des tribus primitives des Iles Perdues savaient pertinemment, eux, que s’ils ne sacrifiaient pas 100 vierges tous les jours, l’astre solaire mourrait, plongeant le monde dans l’obscurité la plus totale. Ceci dit, ils étaient aussi persuadés que se tailler les dents en pointe assure sagesse, force et fécondité. Alors bon…



Dans la pénombre d’une taverne, trois personnes mystérieuses étaient assises. Tous les trois portaient des capes à capuches, et faisaient de grands mystères au-dessus de leurs verres de mauvais panaché, même si personne ne faisait attention à eux.

« Ma mère me gonfle », fit la première capuche. Des mèches bleues indisciplinées dépassaient de sa capuche, qui trahissaient une appartenance à la famille royale. Si ridicule qu’elle puisse paraître, cette capuche, c’était peut-être une bonne idée que son porteur ne s’avance pas à tête découverte.

« Encore ? Que veut-elle, cette fois ? Elle trouve que tu pars trop à l’aventure ? »

La seconde capuche, celle qui venait de parler, laissait voir de grandes lunettes rondes, et un visage poupin. Des traces de bière entouraient ses lèvres.

« Mouais. Elle veut que je me comporte comme une princesse, que je me tienne bien, que je respecte l’étiquette, que je prenne l’air béat devant des nobles qui racontent des anecdotes qu’ils croient amusantes, alors qu’ils sont bêtes comme des chaises ! »

La première capuche, visiblement, était énervée.

« Oh, allez, tu t’amuses bien, parfois ! »

La troisième capuche avait enfin parlé. De son porteur, on ne pouvait voir que son teint basané, et des lèvres charnues toujours souriantes. La personne cachée sous cette capuche avait l’air d’être toujours optimiste et motivée, voyant le bon côté des choses et capable de pousser ses amis à se dépasser. Il avait l’air d’être gentil, à l’écoute, et il ne devait certainement pas juger ceux qu’il voyait, même si on pouvait dire qu’il devait être légèrement écervelé. En fait, même si, il ne faut pas l’oublier, il restait caché sous une capuche, il avait l’air d’être le « meilleur ami » parfait qui n’existe que dans les films ou les BD, et heureusement, parce que dans la vraie vie il serait tout simplement insupportable.

« C’est vrai ! » admit la première capuche. « Mais j’ai envie de changer d’air, un peu… »

« Alors, on n’a qu’à repartir à l’aventure ! »

Le ton enjoué, c’était signé : la troisième capuche avait de nouveau parlé.

« Oh, non… Tu te souviens comment ça c’était passé, la dernière fois ? La meute de chacals ? Les provisions oubliées au palais ? Le… »  La seconde capuche déglutit. « La betterave ? »

« Oui » répartit la troisième capuche. « Mais cette fois, on est rodés ! Il ne peut plus rien nous arriver… Juste, on va où ?»

La première capuche eut un sourire :

« Moi je sais… »



***


«  Et voilà ! Depuis cette pyramide, six siècles nous contemplent ! »

C’était vrai. La pyramide dressait sa pointe rhomboïdale vers le ciel, construction massive en pierre de taille autour de laquelle le temps semblait s’être arrêté. Elle était haute d’une trentaine de mètre, large d’une quarantaine. Malgré son âge, chacune de ses parois était restée lisse comme au premier jour ; seule, la patine consécutive à l’âge laissait des marques et montrait l’antiquité de l’édifice.
En bas de l’une des faces de l’édifice, une porte flanquée de deux sphinx énigmatiques ouvrait un chemin qui s’enfonçait dans l’obscurité.

Le garçon à la deuxième capuche repoussa son couvre-chef, laissant apparaître une chevelure brune et un air inquiet :

« Euh, Cloclo ? Tu es sûre de toi, là ! »

La première capuche repoussa une mèche bleue et glissa à bas de son dromadaire.

« Mais oui ! Ne me dit pas que tu as peur, toi, Sebebet Hes-senié ! »

La troisième capuche intervint :

« Je dois dire que… »

« Toi aussi, Yapa Dlezar ? Quelle bande de chiffes molles ! On fait le tour et on ressort ! Dans trois heures, on est de retour pour le goûter ! »


Et, d’un pas assuré, la dénommée Cloclo s’enfonça dans la pénombre.  Ne voulant pas passer pour un lâche, ni ternir sa réputation du meilleur ami courageux, Yapa Dlezar la troisième capuche lui emboita le pas. Sebebet Hes-senié, lui, se devait de respecter un tout autre schéma narratif. Il se mit à hurler :

« Vous êtes fous ! Vous ne vous en sortirez jamais ! Revenez ! Moi, je n’irai pas là-dedans ! Je… Je monte la garde, puis j’irai dire aux secours où vous êtes quand vous serez morts !»

Pendant une longue minute, Sebebet fit les cent pas, se rongea les ongles. Il regarda l’entrée béante. Puis de l’autre côté, le désert brûlant. Un scorpion passa. Sebebet déglutit, puis s’enfonça à son tour dans la pyramide, en criant à pleins poumons :

« Hé ! Attendez-moi ! »

Dans le désert, il n’y eut plus que le silence à peine troublé par les dromadaires restés attaché à l’entrée, occupés à des occupations de dromadaires. Puis, même eux finirent par se taire. Deux heures passèrent…



    Gros plan sur un bousier, dont la carapace noire luisante se distingue dans l'étendue jaune et infinie du désert. L'insecte progressait à petites enjambées, l'air déterminé -pour autant que puisse en avoir l'air un insecte-, au milieu des milliards de grains de sable vers un but que lui seul connaissait.
    Et soudain, une grosse patte beige, munie de deux gros ongles marrons, s'imposa dans le champ, atterrissant implacablement a l'endroit ou se tenait le bousier. Un braiment de la part du coupable indiqua qu'il s'agissait d'un chameau -ou d'un dromadaire-.
    On assiste alors à un zoom en arrière, pour laisser apparaître progressivement s, puis toute une file de dromadaires, chacun identique au premier, et chevauché par une silhouette correspondant à tout ce que l'on attend de plus cliché en matière de bédouin en voyage : un long manteau à rayures, et l'incontournable cagoule de tissu sur le visage.

    Le réalisateur jubila : son entrée en scène était parfaite ! Et peu importaient les histoires que lui feraient la SPA à propos du bousier.

    ***

    Et en dépit de tout ce que l'on pourrait broder à son sujet, ni les animaux, ni leurs cavaliers, n'étaient sensibles à grandeur du plan dont ils faisaient partie, ni à la poésie du soleil, à sa beauté et ses bienfaits. Pour eux, c'était tout au plus une saleté de cagnard qui leur pourrissait la vie, au milieu de cette cochonnerie de désert plein de sable.

    En particulier, l'un des chameliers -euh... dromadairiers- était un pirate du nom de Gaspari. Plus que les autres encore, l'homme était totalement hermétique à ce qui pouvait bien se passer autour de lui, se contentant de râler et de pester sur les raisons qui l'avaient poussé dans cet endroit pourri, sur le dos de cet animal stupide, moche bruyant et inconfortable ! Et D'ailleurs, c'était lui qui avait écrasé le bousier.

    Pourtant, comme la dizaine de pirates qui participaient à l'expédition, Gaspari avait d'abord été enthousiasmé par l'idée. Lui, et quelques autres fortes têtes de l'équipage des Truands, étaient allés un matin trouver leur capitaine, dans son casino ou il passait ses journées. Ils s'étaient tous serrés les coudes pour faire pression sur Ange Del Flo, afin de lui faire comprendre qu'ils en avaient assez de rester à Alabasta sans rien faire tandis que lui amassait une fortune, et qu'ils avaient la certitude d'être exploités, tandis que lui se fichait d'eux !
    Devinant qu'il était au pied du mur, Ange avaient cédé à leurs exigences d'exercer un peu plus de "véritables activités de pirates" et leur avait même proposé de choisir ensemble leur prochain coup.  
    L'un des "représentants syndicaux" des Truands avait entendu parler d'une étrange coutume Alabastienne, qui consistait à enterrer certains morts dans d'immenses bâtisses pointues, au milieu du désert, avec des monceaux de richesses. Tous les pirates, alléchés par  la perspective de tout cet or facile, acceptèrent le plan sans hésiter !

    C'était nettement moins drôle maintenant qu'ils y étaient.

    ***

    Parmi ceux qui étaient particulièrement mécontents de participer au voyage, et non l'un des moindres, il y avait le capitaine Ange lui-même. Afin de montrer sa bonne volonté,il n'avait pas lésiné sur la dépense, et avait loué pour chacun une monture et des atours de bédouins pour se protéger du soleil. Pour lui même, il avait fait l'acquisition d'un magnifique manteau rouge à épaulettes qu'il portait à la manière d'une cape, comme tout capitaine pirate qui se respecte se devait d'en posséder ! C'était aussi, d'une certaine manière, une occasion de rappeler à l'équipage qui commandait, malgré tout. Pour l'instant, l'homme aux dents d'or avait lui aussi le visage recouvert d'une cagoule de bédouin, a cause du soleil, mais il la retirerait à la première occasion par respect pour les conventions cinématographiques qui veulent que les personnages principaux soient le plus souvent possible tête nue, même quand cela est totalement stupide ou dangereux.

    Il importait peu, en revanche, que les autres pirates gardent leur visage masqué ou non. A l'exception de deux ou trois d'entre eux (tels Gaspari, et Bongo, qui seraient sans doute les seuls noms qui valaient la peine d'être retenus),  leur statut de pnj non nommé leur garantissait une mort ingrate à la première occasion venue, que ce soit pour les tuer à la place d'un personnage important de l'histoire, ou simplement histoire d'écouler les stocks de teinture "rouge sang" qu'on avait en rab'. Les présenter plus en détail maintenant relèverait de la perte de temps.

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    ***

    Tout comme les trois amis deux heures plus tôt, les Truands finirent par arriver au pied de l'imposante pyramide. De Cloclo et de ses camarades aux noms aussi improbables que témoignant de l'humour très... particulier de leurs parents, plus aucune trace. Même leurs chameaux avaient fini par aller voir si le sable était plus jaune ailleurs.
    A l'instar de la jeune fille, probablement lui aussi inspiré par la majesté de l'édifice, Ange eut envie de lâcher une phrase qui en jetait, du genre que l'on pourrait écrire un gros et entre guillemets dans un livre d'histoire, ou sur une stèle commémorant sa venue ici.
    Ainsi, en contemplant la demeure d'éternité du grand roi Semonsket, le capitaine Ange Del Flo Déclara :

    « - Euh...  c'est bizarre de vouloir se faire enterrer dans un truc pareil, non ? »

    Le souci, c'était qu'il n'avait vraiment pas d'imagination pour les citations.

    C'était nul !
    Il y a peut être moyen de... parler de sa taille ?
    Non, c'est idiot ! Tout le monde le voit bien, qu'elle est grande cette pyramide !
    Alors je pourrais parler de son ancienneté ?
    Pour faire quoi ? Leur rappeler qu'elle pourrait vous tomber sur la tête à tout moment, tellement elle est vieille ?
    Et si je parlais du soleil ? C'est complètement cliché, mais il y a moyen de faire des disgressions à volonté sur ce sujet !
    Tu ferais mieux de ne rien dire du tout, tu sais...


    - Bon, on oublie la citation. Attachez les chameaux... ou les dromadaires, plutôt ! Ou peu importe, je m'en fiche !

    Finalement, cette expédition entre pirates lui apportait une certaine tranquillité par rapport a ce qu'il avait du vivre ses derniers jours, ou il avait du apprendre à surveiller son comportement, afin d'essayer de passer pour un homme respectable aux yeux du monde.  Pour un moment, le nouvel Ange, parton, et homme du monde, pouvait laisser place à Ange le pirate, ce qui était tout de même plus reposant pour la tête. En omettant la chaleur et le sable, bien sûr.
    Reprenant ses habitudes, il s'adressa à celui qui ferait office de second et de maître d'équipage, le temps de l'expédition :

    - Tiens, euh... Bango !
    - C'est Bongo, mon nom !
    - C'est ça,... Assure toi que les gars prennent tous le matériel utile. On ne sait pas comment ce sera, là dedans. Et puis, euh... il faudrait peut être des torches, aussi. Pas la peine de monter la garde dehors, je pense... ce n'est pas comme s'il y avait des gens dans un désert.

    Bongo était un sale type, du point de vue de son chef. Enfin, d'avantage que le pirate moyen? Trop ambitieux, et surtout réfractaire à l'autorité. Mais il était fort, et sûr de lui. D'ailleurs, il se montra très satisfait de cette promotion officieuse au rang de bras droit, et s'exécuta presque sans rechigner.

    Tandis que ses hommes s'activaient, l'homme aux dents d'or s'avança vers l'immense porte en pierre sculptée qui barrait l'entrée. La lecture des inscriptions en hiéroglyphes anciens lui aurait sans douté été instructive, mais en bon méchant pilleur de tombes, il les ignora. De toute manière, à tous les coups, elle promettait la malédiction éternelle à quiconque violerait les lieux. Personne ne croyait encore à ce genre de trucs de nos jours !

    Le pirate posa ses deux mains blanches et griffues contre la dalle de pierre, et poussa, manifestement sans effort. Une porte apparue de nulle part s'ouvrit au centre de la dalle. Elle avait la forme d'une silhouette d'un gars qui aurait une coiffure asses moche, et un manteau de capitaine pirate.
    Les pilleurs de tombe traversèrent un a un l'ouverture dans la porte crée par Ange, et s’enfoncèrent dans les ténèbres dans les ténèbres du tombeau ancien...
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    Dédé le Bousier souleva la tête et claqua des mandibules pour chasser le sable qui était resté coincé dessus. Il avait eu de la chance : la patte du dromadaire, au lieu de l’écraser, n’avait fait que l’enfoncer dans le sol meuble ; un plus loin, en zone caillouteuse, il eut été immanquablement réduit à l’état de bouillie ! Reprenant son parcours, Dédé le Bousier avança de quelques mètres… Avant de se faire à nouveau marcher dessus dans un grand « sprotch ! » bien visqueux, victime moins de la négligence d’un chameau inattentif que de l’humour particulièrement lourd du narrateur de service.

    Du haut du chameau coupable, Yudhisthira Dharma sourit. Pas de raison particulière à cela, il avait juste envie d’éclipser un instant le soleil par l’éclat de sa dentition parfaite. Depuis quelques heures, le demi-dieu suivait de loin le groupe des Truands. Il n’avait rien fait pour se cacher, aussi il était passé inaperçu ; de toute façon, des touristes à chameau, il y en a partout dans le désert, non ?

    Pour la troisième fois dans la journée, un explorateur arriva devant la porte de la pyramide. Une porte faite d’un bloc de granit rose d’un seul tenant, du type qu’on ne balaye pas d’un simple coup de pied. D’un air perplexe, le héros regarda tout autour, sur le linteau… Ah, sur le linteau, une inscription en hiéroglyphes. Yudhisthira la considéra un instant : la syntaxe était un peu archaïque, mais n’importe quel érudit un peu au fait de l’écriture hiératique d’Alabasta pouvait lire « Entrée de service. Appuyez sur l’aigle en bas à droite ». Le demi-dieu appuya donc et entra dans l’édifice. Ce qui frappait d’abord, c’était les nombreuses traces de pas imprimés dans la poussière sur le sol. Beaucoup de monde était passé par là. En revanche, personne n’avait pensé à prendre la torche posée obligeamment sur une torchère fixée dans le mur. Peut-être parce qu’il y a toujours une torche disponible dans les bâtiments antédiluviens, histoire que les héros tête-en-l’air puissent les explorer même s’ils ont oublié d’apporter de l’éclairage.



    ***



    Dans les profondeurs de la pyramide, un déclic. L’obscurité ambiante empêche de voir des paupières qui s’ouvrent. Mais elle n’empêche pas de percevoir un râle sépulcral, qu’on préfèrerait oublier vite.  



    ***



    Yudhisthira s’avança dans les couloirs du pas des promeneurs du dimanche après-midi, apparemment insensible à l’ambiance de menace latente qui pesait dans les environs depuis le paragraphe précédent. Depuis quelques minutes, il progressait dans un dédale qui semblait s’étendre à l’infini. La pyramide semblait contenir beaucoup plus d’espace à l’intérieur qu’on aurait pu le soupçonner en la voyant de l’extérieur. Alors que l’édifice ne faisait que  quelques dizaines de mètres de côtés, les corridors se déroulaient sur des kilomètres. A croire que les architectes de Semonskhet avaient eu un sens des proportions particulièrement déficient. Mais bon, il faut bien coller l’inévitable lac de lave quelque part…

    Un changement dans l’air ambiant fit dresser l’oreille du demi-dieu autoproclamé. D’un bond, il fut à terre. Bien lui en prit : des flèches jaillirent des deux côtés du mur à mi-hauteur d’homme, pour passer avec un désagréable sifflement strident juste au-dessus de lui. Au même moment, un grondement se fit entendre. Le héros du CP5 roula sur le côté, juste à temps pour éviter une roche tombant du plafond dans un bruit à réveiller les morts. Celle-ci s’écrasa là où aurait dû encore se trouver Yudhisthira. Puis, lentement, elle fut remontée dans un couinement par la chaîne à laquelle elle était attachée, et reprit sa place au plafond, prête à servir de nouveau.

    « Visiblement, quelqu’un ici s’est beaucoup amusé en plaçant les pièges… »

    Content de lui, et content de la remarque classe qu’il avait pu placer, Yudhisthira épousseta son kimono et reprit sa progression. Ce n’était pas difficile pour lui de décider du chemin : il suffisait tout simplement pour lui de suivre les traces de pas dans la poussière, en évitant de temps en temps une lame acérée comme un rasoir jaillissant des murs, ou en sautant adroitement au-dessus de chausse-trappes garnies de piquant, tout en esquivant les herses mortelles qui choisissaient ce moment pour tomber. Au loin, un claquement sourd et un cri : visiblement, tout le monde ne disposait pas du talent inné du héros pour éviter les traquenards placés dans la demeure d’éternité de Semonskhet avec un talent que n’égalait que le manque total de retenue...  


    D’ailleurs, l’état du corridor suivant le prouvait bien : ici les pièges s’étaient  déclenchés sans se remettre en position ensuite. De longues trainées noires le long des murs montraient que c’était tout aussi bien. Différentes flèches de toutes tailles dispersées un peu partout donnaient l’impression de se trouver sur un champ de bataille, et les traces de sang sur le sol aidaient beaucoup à donner de la valeur à cette comparaison.

    Cependant, peu à peu, les pièges, même déclenchés, se firent plus rares, pour finir par disparaître complètement. Etonnant, songea Yudhisthira. Mais un rapide coup d’œil sur les murs lui permit de comprendre : les malédictions et les imprécations qui y étaient gravées constituaient pour  l’éventuel explorateur le pire des pièges. En tout cas, elles lui promettaient les pires malheurs décrivaient une infinie variété de morts possibles si jamais il venait à poser l’œil dessus. Un peu du genre : « Celui qui lit ce message mourra dans d’atroces souffrances ». Le demi-dieu n’y prêta pas garde. Il savait que dans ces situations, en explorant la pyramide, il honorait le dieu des Aventures, des Explorateurs, de la Recherche et des Petits Curieux ; et il savait pouvoir disposer en retour de sa protection de ce dernier. Quoique… L’ombre d’un doute affreux perturba le ciel habituellement azuréen de l’optimisme de Yudhisthira. Récemment, le dieu des Aventures, des Explorateurs, de la Recherche et des Petits Curieux s’était encore faire prendre en train de regarder par le trou de la serrure pendant que la déesse de la Beauté, de la Mode, des Talons Aiguilles et du Fond de Teint prenait son bain… Après la raclée qu’il s’était prise, il ne devait sûrement plus être en mesure d’aider qui que ce soit avant un bout de temps. Yudhisthira haussa les épaules : il devrait faire sans lui…

    Soudain, le héros dressa l’oreille, abandonnant ses considérations théologiques. Là, au fond du couloir, il entendait les sons déformés d’une course éperdue et haletante. Avec le grand sourire de celui qui contre-attaque après n’avoir fait qu’esquiver des coups, il décida d’aller voir de plus près.



    ***



    Johnny et Niko (ils auraient pu s’appeler Tatihamene Tepake et Yaderamen Dan-Monssake, mais bon…) couraient à perdre haleine, la mort au trousse. Pas question de rester dans le coin plus longtemps ! Ils enchaînèrent plusieurs couloirs, et, quand ils estimèrent avoir fait assez de distance, c'est-à-dire, quand ils furent à bout de souffle, ils décidèrent de faire une pause.

    « Pfff… pfff… Tu crois… tu crois qu’on l’a semé, Niko ? »

    « Han… Han… O… Oui, elle a pas pu nous suivre aussi loin… »


    Johnny s’effondra sur le sol, soulagé. Soudain,  Niko reprit :
    « Attends, je crois que j’ai… »

    Il ne put en dire plus. Jaillissant de l’ombre, Yudhisthira bondit vers lui, le maîtrisa et l’assomma. Puis, le héros se tourna vers le deuxième homme :
    « La fête est finie, bandit ! Tu fais partie de l’équipage pirate ?  Qu’est-ce que vous trafiquez dans le coin ? »

    Quelque chose dans le regard flamboyant du demi-dieu intima Johnny de ne pas jouer les héros :

    « Heu… Oui monsieur. Moi c’est Johnny  et lui, c’est Niko Nérien. On est des Truands. S’il vous plaît, monsieur, il faut partir maintenant ! Vite ! »

    Yudhisthira sourit. C’étaient bien des membres de l’équipage qu’il cherchait. Presque malgré lui, devant la terreur de l’homme à ses pieds, il se radoucit :
    « Du calme. Tant que tu me réponds, tu ne crains rien… Qu’est-ce que font les Truands aussi loin de chez eux ? »

    « Je… je sais pas, chef ! Bongo m’a dit de le suivre, donc je suis venu… Il m’a pas dit pourquoi ! »


    Yudhisthira eut l’air interdit. Quelque chose ne collait pas avec les informations dont il disposait.
    « Bongo, c’est ton capitaine ? »

    « Heu… Non, le capitaine c’est Ange del Flo. Mais, heu… En fait, Bongo est beaucoup plus impressionnant, Monsieur ! Je… Je peux m’enfuir maintenant ? Aaaaaaaaah ! »


    Alerté par le cri de Johnny, Yudhisthira se retourna. Au fond du couloir venait d’apparaître une momie. Apparition cauchemardesque venue du fond des âges, elle avançait à grand pas vers les trois hommes, remplissant tout l’espace du chuintement saccadé qui s’échappait de sa bouche. Mais, alors qu’elle avait parcouru la moitié du chemin, elle se prit les pieds dans ses bandelettes, tenta de retrouver son équilibre, échoua lamentablement et s’écrasa contre le sol. La tête de la créature se détacha, rebondit et finit sa course en tournant sur elle-même au pied de Yudhisthira. Ce dernier abandonna la Posture de Surprise Héroïque qu’il adoptait en ses circonstances et qui lui donnait l’air constipé s’il la gardait trop longtemps. Il se pencha, et ramassa la tête qui essaya de le mordre.

    « M’ont l’air un peu rouillées, les momies dans le coin… Bon, Johnny, tu ramasses Nikos et tu me suis ! »

    « Mais… »


    Yudhisthira jeta la tête dans un coin :

    « Je veux rien entendre ! Suis-moi ! »

    Et, sans vérifier qu’il était suivit ou non, il s’élança vers l’endroit d’où était venue la momie.
      Si les pirates avaient, comme Yudihs Hyudi Yuhd,... comme le héros, abordé l'exploration de la pyramide avec beaucoup d’enthousiasme et d'insouciance, ils avaient rapidement déchanté. Ils avaient commencé à parcourir les couloirs empoussiérés et mal éclairés,  avec des airs de conquérant, très satisfaits de leur rôle des vandales sans scrupules qui s'apprêtent à dérober des trésors de valeur.
      Aucun d'entre eux n'était vraiment sensible à la beauté de l'édifice auquel les torches donnaient une couleur ocre, ni à l'art des gravures, des sculptures et des moulages qui tapissaient les murs, et qui étaient ni plus ni moins des trésors du passé d'Alabasta ; ce n'était rien d'autre pour eux que de la décoration irrécupérable, et surtout invendable.

      Le premier obstacle notable se présenta sous la forme d'un cadavre adossé contre le mur du couloir, plusieurs flèches plantées dans la poitrine. L'usure du temps l'avait réduit à un squelette recouvert d'une vague couche de peau desséchée,  conservée malgré tout par l'air sec qui régnait dans l'édifice. Le malheureux était vêtu d'une veste de cuir et d'un chapeau assorti, et tout en lui laissait supposer qu'il s'agissait d'un aventurier, ou d'un explorateur courageux. Et malchanceux. Maintenant qu'il était mort, il avait acquis le statut de panneau indicateur dont l'avertissement était clair : attention, les ennuis commencent ici.

      Oh... c'est un peu glauque.
      Oui. Ils pourraient envoyer du personnel de temps en temps. Pour leur vider les poches, récupérer leurs têtes pour les réduire, et tout ça.
      Non, je veux dire... ça donne une idée de ce qui risque de nous arriver si on continue !
      Ah, ça. Forcément, c'était trop simple ! Les Alabastiens sont peut-être stupides, mais pas au point de laisser leurs trésors dans les bâtiments sans défense, à la portée de n'importe quel crétin dans votre genre.
      Tant mieux ! Sinon, les trésors auraient déjà été volés à notre arrivée.
      Oui. D'ailleurs, il faut espérer que ça ne soit pas le cas sinon je n'ose pas imaginer la réaction de tes gars !
      Et sinon, je fais quoi pour les pièges ?
      Eh bien c'est simple : tu fais ce que tout sale type, chef d'expédition, fait dans ta situation !


      Il y avait effectivement certains codes incontournables lorsque l'on était le meneur sans scrupules d'une bande de pilleurs de pyramides. Et sans posséder l'accent germanique ou le crâne rasé -quoique-, Ange se sentait bien dans le rôle ! Il avait même gardé ses lunettes de soleil, malgré le fait qu'avec elles il n'y voyait pas grand-chose, juste parce qu'il sentait qu'il le devait. Il n'hésita pas longtemps avant de se fendre d'un sourire mauvais et de déclarer :

      - Il nous faut un volontaire pour passer devant.

      Chacun, parmi les membres de l'équipage, détourna la tête, regarda ses pieds, ou commença à manifester un grand intérêt pour les hiéroglyphes aux murs.

      - Hum... Yaderamen, passe devant.

      Un silence tendu suivit l'annonce du malheureux candidat à l'exécution. Mais, alors qu'Ange s'était attendu à un gémissement résigné de la part de sa victime désignée, personne ne se manifesta.

      - Yaderamen ?

      Toujours le même silence un peu tendu...

      -En fait, aucun de vous ne s'appelle Yaderamen c'est ça ?
      - Euh... non.

      Il serait vraiment temps que tu apprennes à retenir les noms de tes camarades, tu ne crois pas ?
      Ils ont tous des noms à coucher dehors, aussi !
      Peut-être, mais les connaître t'éviterait ce genre de situation embarrassante.
      Bon, alors, euh...

      Ce fut Bongo, qui prenait très à cœur son rôle officieux de bras droit, qui remédia à la situation.

      - Bon ! Ne faites pas les malins ! Toi, Günther, tu y vas !
      - Hein ?.... Nooon !

      Le malheureux était un pirate semblable aux autres, vêtu d'une longue robe de bédouin et d'une coiffe du même genre qui lui masquait le visage, derrière laquelle on devinait néanmoins un homme terrifié.
      Pour faire plaisir aux amateurs de jeux de mots bidons, on peut dire qu'il s'appelle Günther Minet.

      - Exécution ! Tu vois bien que c'est un ordre de ton capitaine ?!
      - Mais s'il y a des pièges... je vais... enfin...
      - Allez, Yaderam... euh, Günther. Ce n'est pas sympa pour tes camarades de ne pas vouloir obéir. Tu ne voudrais pas que quelqu'un d'autre soit forcé de faire ton travail à ta place ?
      - C'est vrai ça ! T'abuses Gün' !

      Abandonné par tous, le pauvre homme s'avança en tremblant, tendant sa torche à bout de bras pour essayer d'y voir quelque chose. Il lançait des regards affolés autour de lui, cherchant à voir d’où la mort sortirait pour lui bondir dessus. Tout de même, explorer les pyramides c'était nettement plus amusant quand on n'y était pas !
      Son supplice ne dura pas longtemps : soudain, un craquement sinistre retentit, suivi d'un déclic, et du bruit d'une corde que l'on détend. Le tout conclu par le hurlement déchirant du malheureux Günther.

      - Aaaaaargh !

      Durant de longues secondes, chacun resta silencieux, à fixer avec un mélange d'empathie et de fascination dégoûtée leur camarade vautré sur le sol. Personne ne tenait vraiment à se manifester le premier, d'autant que la tendance semblait être à la désignation de volontaires. Au bout d'un moment, une voix gémissante mais où pointait un peu d’agacement demanda :  

      - Euh... les gars ? Quelqu'un pourrait venir m'aider ? Parce que j'ai une flèche plantée dans l'épaule, et ça fait super mal !
      - Hein ? Ahem... oui, on arrive Gün'.
      - Ouais. Mais faites attention, des fois qu'il y ait d'autres flèches qui sortent des murs.

      ***

      En réalité, une fois qu'on avait compris le principe, éviter les pièges n'était pas si compliqué. Aussi doués qu'aient été les architectes de l'antique pharaon, ils n'avaient pas pu dissimuler entièrement les ouvertures les fentes dans les murs, la d'où jaillissaient les lames, pieux et toutes sortes d'appareils à donner la mort aussi originaux qu'ingénieux. Les Truands eurent toutefois à déplorer une victime, qui, trop occupée à surveiller les murs, fut engloutie par une trappe cachée dans le sol.
      Comme on n'avait même pas pris la peine de le nommer et qu'il avait la même tête que tout le monde, ce n'était pas très important.

      ***

      Les vrais ennuis commencèrent peu après, lorsque sortis du couloir, les Truands pénétrèrent dans une antichambre basse de plafond. De chaque côté, le long des murs, de longs bacs avaient été aménagés pour y accueillir du pétrole, ce qui permettait d'obtenir un très bel effet lorsqu'on allumait le tout. C'était en fait particulièrement stupide d'installer de genre de dispositifs dans un bâtiment qui est sensé n'accueillir aucun visiteur ; c'était aussi un moyen d'éclairage à usage unique assez coûteux et donc peu pratique. Mais c'était un accessoire indispensable de tout édifice ancien et abandonné qui se respecte!

      Avec un air solennel, Ange s'avança et plongea sa torche dans le bac de pierre. Malheureusement pour lui, quelqu'un avait déjà eu la même idée que lui auparavant, et il ne restait plus au fond que quelques restes de cendre et des traces de brûlé -et il était plus que probable que ce "quelqu'un" soit Cloclo, Sebebet et Yapa, qui avaient trouvé l'effet particulièrement amusant !-.

      C'est à ce moment que les pirates entendirent le bruit. C'était un bruit de pas légèrement étouffé, traînant, saccadé. Il n'aurait pas été inquiétant en soi s'il n'avait pas été entendu dans un lieu sensément habité uniquement par des morts !
      C'était le moment pour glisser une petite musique oppressante, qui allait en crescendo.
      Et puis ils entendirent le râle. Hors contexte, on aurait pu la qualifier d'espèce de souffle issu d'un vieux magnétophone usé. Mais ici, dans cette pyramide mal éclairée, après tous ces pièges, dans cette ambiance morbide... c'était l'incarnation de la terreur !
      La musique allait de plus en plus vite, et il ne faisait aucun doute que la menace était toute proche !

      Enfin, la momie apparut à la lumière des torches, toute en bandelettes et en silhouette voûtée, les bras tendus devant elle. Puisque l'on attendait ça d'elle, elle lâcha un râle agressif. Estimant que sa collègue avait suffisamment profité du feu des projecteurs, une seconde momie s'avança dans le champ de la caméra. Suivie d'une troisième, puis de six autres.
      Bien à l'abri à l'arrière du groupe, Günther, le bras en écharpe se haussait sur la pointe des pieds pour apercevoir ce qui se passait par-dessus les épaules de ses camarades. Tout à coup, il sentit une main sèche et lourde se poser sur son épaule... Elle sentait le chat crevé.

      Le cri suraigu du pirate raisonna dans tous les couloirs avoisinants.

      Ce fut le signal de la débandade !

      ***

      Un peu plus loin dans la pyramide, dans le noir complet, une dizaine de respiration haletantes récupéraient de leur course. Les Truands avaient perdu ou éteint leurs torches, mais c'était tout aussi bien : ils préféraient ne pas voir ce qu'il pourrait y avoir à voir. Ils avaient aussi perdu leur chemin, mais comparé à la menace des morts-vivants ce n'était qu'un détail. Quelqu'un lâcha :

      - C... c'était quoi ça ?
      - Des saletés de momies, voilà ce que c'était !
      - On est morts ! On est tous morts !!
      - Et on a perdu Günther. Et Johnny et Niko ! Et quelqu’un sait où est passé Bongo ?


      Personne, à aucun moment, ne s'était étonné de l’existence de morts-vivants ici. C'était une pyramide, il était naturel d'y trouver des trucs louches. Des considérations telles que l'impossibilité scientifique de faire marcher les morts, ou le pouvoir limité des fruits du démon, perdaient tout leur sens ici.

      Je veux sortir d'ici !
      Et perdre la face devant ton équipage ?
      Je m'en fiche ! En plus, je n'aime pas être enfermé ici.
      Et le trésor, alors ?
      Bein... je le veux bien mais... si je meurs, je n'en profiterai jamais.
      De toute manière tu ne peux pas sortir, la pyramide est trop épaisse.
      Alors on fait quoi ?
      Continuez, massacrez les momies ! De toute manière, vous êtes trop en danger si vous restez ici !


      - Capitaine ! Tu nous écoutes ?
      - Hein ?
      - ça fait un moment qu'on te parle.
      - Oh ? Ah, zut.
      - Alors, on fait quoi ?
      - On continue, qu'est-ce que vous voulez faire d'autre ? Et votre peur des momies, vous n'aviez qu'à y penser avant de demander à venir ici. Moi, gagner de l'argent avec les casinos, ça me suffisait !

      Mais moi aussi j'ai peur des momies !
      Oh, tais-toi !


      ***

      Bongo, le terrible pirate à la coupe afro, marchait d'un pas assuré dans un des nombreux et interminables couloirs de la demeure d'éternité du pharaon. Il allait dans la bonne direction, évidemment, puisqu'il était le plus doué de l'équipage. Il tenait sa torche dans une main, et un boomerang à bord aiguisé, son arme de prédilection qui lui avait valu le surnom du « magicien », dans l'autre. Grâce à la confusion qui avait suivi l'apparition des momies, il avait enfin réussi à ce débarrasser de ce nigaud de capitaine. Il trouverait bien mieux la salle du trésor de cette manière, ce qui ne faisait aucun doute puisqu'il était le meilleur. Et il n'était pas seul, il était accompagné de Johnny et Niko... enfin... était ?

      Ou étaient-ils passés, ces deux crétins la ?!

      Le RP de la Momie 688496BongoTP
      Bongo, le matelot ambitieux

      ***

      Les deux crétins en question n'étaient pas très loin en réalité : à un ou deux couloirs de là, ils suivaient le jeune héros avec un air penaud. Leur seul vague espoir consistait en le fait qu'ils étaient convaincus d'avoir vu l'homme en kimono jeter la momie au sol en tirant sur ses bandelettes, avant de la décapiter à mains nues. Si, si, c'était vrai ! C'était ce qu'il avait fait ! Ils étaient donc probablement plus en sécurité avec lui que n'importe ou ailleurs.

      D'ailleurs, il saurait très probablement quoi faire avec ces cinq momies à l'air menaçant qui leur barraient le passage. Même si l'une d'elles mesurait près de deux mètres cinquante !
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      Oui, Yudhisthira savait quoi faire face à cinq momies à l’air menaçant barrant le passage. Tout d’abord, les observer. Contrairement à celle qu’il avait rencontrée précédemment, celles-ci avaient l’air en forme. Elles avaient toutes des bandages impeccablement enroulés, tissés dans du lin premier choix, avec toutes les amulettes et protections magiques nécessaires pour assurer une parfaite mort-vie. Leurs orbites vides le fixaient, lui, avec une insistance qu’on n’aurait pas soupçonné de la part de cadavres ambulants dont les yeux se trouvaient sans doute entreposés dans des jarres à plusieurs mètres de là. Particulièrement impressionnante, la momie du milieu culminait à une taille surprenante. Vu la hauteur de certains couloirs, elle devait souvent se cogner la tête aux linteaux de porte.

      Toutes avaient des gestes déliés, souples, et se ramassaient comme des félins prêts à bondir. Elles exhalaient leur râle habituel, mais plus parce que ça faisait bien dans le décor que par réel besoin. Oh, et la cinquième momie arborait une collection de bijoux tous plus kitsch les uns que les autres. Mais bon, ce n’est pas parce qu’on est une momie qu’on est forcé d’avoir bon goût.

      « Bon, les gars », fit Yudhisthira d’une légèrement tendue, « on va reculer lentement. J’ai une idée… »

      « Vas-y, Yudhi ! » Cria Johnny Vepa du fond du couloir « On est avec toi ! »

      « Ouais ! » renchérit Niko Nérien « Poutre-les ! »

      Le héros soupira. L’équipage d’un corsaire était censé être composé de méchants gros calibres. Visiblement, il était tombé sur les moins dégourdis du tas… Mais bon, des gens comptaient sur lui maintenant et il se devait de ne pas les décevoir !

      Un sifflement d’air le fit se retourner. Sans un bruit, l’une des momies avait franchi les quatre mètres qui le séparaient de lui et bondissait vers lui. D’un retrait du corps vers l’arrière réalisé au ralenti, que toute autre personne n’aurait pu exécuter que dans l’environnement propice d’un univers parallèle imaginaire, matrice d’évènements improbables, le héros esquiva son attaquant. Se retournant vivement, il le cueillit au moment où il atterrit d’un finger gun bien placé… Qui n’eut pas d’effet. En revanche, un puissant revers de la momie envoya Yudhisthira valdinguer au fond du  couloir.

      « Ca va ? » Demanda un Niko un poil terrifié.

      « Ca va ! » Réplica le héros avec un sourire éclatant en reprenant son souffle. « Je fais ça tout le temps. Maintenant, ça va chauffer pour les enrubannés de service ! Regardez !»

      La première momie s’était mise à sprinter vers eux. Tout à coup, dans un déclic désagréable se fit entendre, assorti d’un léger bruit de ressort. La momie parut hésiter, l’air confus. Puis, dans un bruit de fin du monde, un bloc de maçonnerie s’écrasa sur elle. Une de moins, pensa Yudhisthira.

      Mais déjà, une seconde momie avait escaladé le bloc pour attaquer à son tour. Yudhistira bondit vers elle, pour lui assener une droite météorique qu’elle para sans broncher d’un revers de main. Sans lui laisser le temps de répliquer, le héros répliqua d’un formidable coup de pied, qui projeta le mort-vivant en l’air ; la force du coup l’envoya dans le mur tout proche, où il s’encastra, coincé entre un décor de roseaux et une rangée de hiéroglyphes. Naturellement, il était de profil.



      ***



      Yudhisthira recula de quelques mètres, frottant son poignet endolori. Deux autres momies avaient eu le temps de passer, la plus grande, ainsi qu’une autre, vraisemblablement Momie n°4. La cinquième momie, celle qui trimballait une quincaillerie dont même un go’auld n’aurait pas voulu, était un peu à la traine, et semblait faire de grands efforts pour ne pas se salir. A y regarder de plus près, ses bandages étaient différents de ceux des autres. Plus larges, ils avaient une couleur rose douteuse, avec des lotus dessus, et ils semblaient très doux au toucher. Mais bon, ce n’est pas parce qu’on est une momie qu’on n’a pas le droit à son petit confort…

      Momie n°4 fut la plus rapide. Dégainant un cimeterre, elle se précipita vers Yudhisthira, bondissant habilement par-dessus les trappes qui se déclenchaient à son passage. Le héros esquiva l’assaut d’une pirouette. Puis, se baissant vivement, il balaya de son pied le sol devant lui. Son adversaire, les appuis fauchés, bascula vers l’arrière. Le dieu de la Guerre, des Combats, des Torgnoles et des Décorations Posthumes était de son côté : la momie s’abîma dans l’un des pièges qu’elle avait déclenchés durant son assaut. Dans sa chute, le mort-vivant enrubanné avait lâché son arme, qui tomba en tintant sur le sol. Le héros du CP5 la récupéra : on ne sait jamais, ça pouvait toujours servir.

      Mais Yudhisthira n’eut pas le temps de souffler : la grande momie, ayant elle aussi évité les chausse-trappes disséminées sur son chemin, était déjà sur elle. Elle avait à la main un kopesh d’une taille largement au-dessus de la moyenne, et imprimait de furieux moulinets à son arme à mesure qu’elle avançait vers le héros. L’agent du CP5 tenta de bloquer les mouvements de la momie avec sa propre arme, mais, d’un autre coup vigoureux, la momie fit lâcher sa lame au héros. Sans lui laisser le temps de réagir, elle enchaîna avec un puissant coup de pied. Yudhisthira, la respiration coupée, fut propulsé encore plus loin le long du couloir. Son vol plané fut stoppé par un mur chargé de scènes de chasse à l’hippopotame. Sa tête heurta un mufle hippopotamesque, lequel s’enfonça avec un bruit déplaisant, porteur de mauvais augure. Mais, tout à son combat, le demi-dieu autoproclamé n’y prit pas garde.



      ***



      Peut-être aurait-il dû. Dans les tréfonds de la pyramide, des roues dentées bien huilées tournèrent, des poids se déplacèrent de quelques millimètres, des godets se vidèrent. Assurément quelqu’un, quelque part, allait avoir bientôt de gros problèmes…


      ***



      La momie fonçait vers Yudhisthira et ce dernier décida qu’il était temps d’en finir. Il courut à son tour vers son adversaire, mais, arrivé à son niveau, il se laissa tomber à genoux et glissa sur  le dernier mètre. Puis, il s’agrippa à la jambe entourée de bandelettes et s’en servit d’appui pour, grâce à mouvement rotatif digne des plus grands acrobates, se retrouver juché sur les épaules du mort-vivant. D’un mouvement sec, Yudhisthira prit la tête enrubannée de la momie entre ses mains, et lui fit exécuter un tour complet. Cela ne suffirait pas à la mettre hors-combat, mais, il suffisait au héros de quelques instants. Lâchant l’occiput de son adversaire, il se mit à chercher dans sa ceinture.



      ***



      Tous les héros, et la plupart des agents secrets, semblent se balader toujours avec très peu d’équipement. A priori, rien d’étonnant à cela : rien de plus suspect qu’un type qui se coltine partout un sac à dos monstrueux bourré de matos, sauf s’il s’agit d’un boy-scout. Pourtant, lors des moments difficiles, les héros et autres agents secret ont justement le couteau, la pelote de ficelle, la loupe ou la clé à molette, qu’ils sortent de leur poche avec un grand sourire en la montrant ostensiblement, qui convient parfaitement et qui permet de sauver la situation au dernier moment. Comme de par hasard.

      Comment est-ce possible ? Peut-être que les héros, en as du camouflage, cachent un tas d’accessoires partout sur eux, pour les sortir avec une fausse désinvolture en cas de besoin. Peut-être qu’ils ont accès à une dimension parallèle de poche auxquels eux seul ont accès et qui leur sert de dépotoir collectif où ils entreposent des tas de bricoles, juste au cas où. Mais bon… Sinon, on peut penser qu’ils ont juste une chance monstre. Mais cette solution n’est pas très crédible.




      ***



      Farfouillant dans sa ceinture, donc, Yudhisthira en sortit le briquet qui ne le quittait jamais / qu’il avait été récupérer dans une réalité alternative / qu’il avait sur lui par hasard et qui lui avait servi à allumer la torche à son entrée dans la pyramide. Il battit le silex et détacha une bande de lin de la tête de la momie géante. Il dut s’y reprendre à plusieurs fois pour l’allumer, d’autant que le mort-vivant essayait désespérément de lui asséner des coups avec ses bras comme des marteaux-pilons, mais, quand le héros sauta à bas de son adversaire, ce dernier brûlait déjà à moitié.

      « Bien joué, Yudhi ! » pensa le concerné. « Il ne reste plus qu’à retrouver Johnny et Niko, battre la dernière momie, et… » Il n’alla pas plus loin, car un cri déchirant alerta son attention. Pendant qu’il combattait la momie géante, la cinquième momie, la momie rose aux bijoux, s’en prenait à ses comparses, qui comme tout bon PNJs, se défendaient tant bien que mal en attendant que le héros les sauve. Le sang de l’héroïque agent du CP5 ne fit qu’un tour : il bondit vers le mort-vivant, et entreprit de le soulever de terre. La momie était lourde, bien plus lourde que son apparence extérieure et son agilité ne le laissait supposer, comme si elle était très dense. Cependant, Yudhisthira réussit à la faire passer par-dessus son épaule, et à l’envoyer voler quelque mètre plus loin.

      Sans doute moins solide que les autres, la momie s’écrasa au sol en se désarticulant dans un fracas métallique. Un glapissement de douleur salua sa chute brutale, glapissement que Yudhisthira n’aurait jamais imaginé sortir de la bouche d’une momie. Mais bon, ce n’est pas parce qu’on est une momie que l’on doit toujours conserver sa posture hiératique, non ?

      Ah, si. Sous la momie, un homme essayait en grognant de se dépêtrer du piège soudain que représentait 110 kilos de bandelettes, amulettes, squelette et autres éléments non-identifiés lui tombant sur le paletot. La splendide coupe afro de l’homme ne faisait aucun doute : Yudhisthira se trouvait en présence d’un élément incontournable dans un équipage où les postes-clés semblaient revenir exclusivement à des hommes exprimant un goût plus que douteux en matière capillaire. C’était…

      « C’est Bongo ! » Fit Johnny dans un souffle, avec une grimace trahissant le soulagement de retrouver son chef, la culpabilité de l’avoir abandonné et l’appréhension concernant sa réaction.

      « Ah, bingo ! » Fit Yudhisthira avec un sourire ravi, très heureux de son trait d'esprit. Il aida le pirate à se relever, tout en reprenant :

      « Bingo, où est ton capitaine ? J’aimerais le… persuader de laisser cette pyramide tranquille. Dis, ça te dirait de me conduire jusqu’à lui ? »

      Quelque chose dans sa voix laissait entendre qu’il valait mieux que ça lui dise, à Bongo, de mener le héros jusqu’à son capitaine. Mais ce faisant, Yudhisthira ne prêtait pas attention au bruit, de plus en plus fort, d’eau écoulant dans des canalisations.




      ***



      Peut-être aurait-il dû. Dans les tréfonds de la pyramide, mais pas si loin que ça tout de même, des trombes d’eau se ruaient dans des conduits. Dans l’antichambre aux grands bacs de pierre, là où se trouvaient les Truands, d’épaisses portes en pierre coulissèrent dans un claquement sec, d’étroites ouvertures s’ouvrirent à la jonction du mur et du plafond, et l’eau se déversa, coulant à gros bouillons.

      Il ne reste plus à espérer que tout le monde dans le coin sache nager !
        Les Truands avaient été interrompus dans leurs discussions par les claquements consécutifs des deux portes qui se refermaient. Plutôt que de s'inquiéter des moyens de sortir de cette salle murée, ils avaient entrepris de se disputer pour décider qui d'entre eux était le "bougre de crétin qui avait actionné par mégarde la fermeture". A cause du brouhaha de leur querelle, ils ne se rendirent compte que de l'eau se déversait dans la pièce que lorsque celle-ci les atteignit aux chevilles.
        S'ensuivit, bien sûr, un mouvement de panique générale et désespérée. Les uns tentaient d'enfoncer les portes de pierre, d'autres cherchaient une issue au plafond ; d'autres encore essayaient, en palpant au hasard, de trouver sur le mur un hypothétique mécanisme qui arrêterait la montée des eaux. Ce fut seulement après plusieurs minutes que l'évidence s'imposa à l'un des pirates :

        - Eh, les gars. Le capitaine Ange ne pourrait pas simplement utiliser son pouvoir pour nous ouvrir une porte ?

        Un immense soulagement se répandit parmi les pirates. C'était si simple, si évident que ça leur avait échappé ! Ils allaient pouvoir fuir cette horrible salle ! Sauf que...

        - Ben ouais mais... où est-il encore passé celui-là ?

        De l'homme aux dents d'or, aucune trace. La folie les reprit de plus belle.

        ***

        Le capitaine des Truands n'avait pas perdu un instant : dès qu'il avait senti l'eau lui mouiller les sandales, il avait poussé un glapissement et s'était jeté contre un mur, le traversant tout simplement.
        Il était maintenant là, allongé dans le noir. Les dalles étaient particulièrement sales et poussiéreuses ici, mais au moins il était au sec.

        Fiou ! Je l'ai échappé belle !
        Et tu n'as pas honte d'avoir abandonné tous tes gars ?
        Bien sûr que non ! Je préfère être un lâche en vie plutôt qu'un courageux  mort.
        Ils vont se noyer si tu ne fais rien. Et tu auras besoin d'eux pour combattre les momies.
        Je ne vais quand même pas ré-ouvrir le mur ?! Et si l'eau était déjà montée au plafond ?
        Tu n'es qu'un pauvre pouilleux ! Hm, pour commencer, tu devrais faire de la lumière ici.


        Contrairement aux Héros avec un grand "H", les simples personnages principaux de l'envergure d'Ange n'avaient ni les poches toujours pleines de matériel utile, ni accès à des dimensions parallèles ou ranger leurs briquets. Après un rapide inventaire, il constata qu'il était en possession de son pistolet avec des munitions, de ses deux dagues, d'une poignée de jetons de casino, d'une liasse de billets, et d'un gâteau sec écrasé encore dans son emballage. Un type comme le héros blond qui prenait la pose quelques couloirs plus loin aurait sans doute pu faire des merveilles avec aussi peu, mais le sauvage était à court d'idées.

        Oh, et puis zut : j'ouvre le mur, comme ça je pourrais m'éclairer avec les torches que les gars ont toujours.
        Sauf si la pièce est déjà inondée, héhéhé !


        Le sauvage posa sa main contre le mur. Avec beaucoup d'appréhension il poussa, et une trappe s'y ouvrit à hauteur de son visage. Aussitôt, une lumière ocre s'infiltra par l'orifice.
        Par curiosité, Ange jeta un coup d’œil : les Truands étaient toujours là, et l'eau leur montait à peine aux genoux. Trop occupés à paniquer, ils ne l'avaient pas encore remarqué.

        Momentanément soulagé, mais se sentant observé, le capitaine pirate s'intéressa à son côté de la cloison. Il y avait à sa gauche une momie, debout face au mur, et occupée à tirer série de manivelles qui selon toute vraisemblance devait actionner divers mécanismes de la pyramide. Elle avait tourné la tête et le regardait d'un air surpris, pour autant qu'un humanoïde couvert de la tête aux pieds de bandelettes de lin puisse avoir l'air étonné.

        Gyaaah !

        L'endroit dans lequel il se trouvait était large de deux mètres à peine. C'était sans doute un passage de service, qui séparait deux couloirs de la pyramide. Désireux d'échapper au mort vivant avant que celui-ci ne fasse mine de lui vouloir des ennuis, Ange fit demi-tour et s'élança dans l'autre sens. Il tomba presque dans les bras d'un autre groupe de momies, toutes affairées à remplir des cruches et à les déverser dans d'espèces de bouches de communication qui, vraisemblablement, avec la salle où était enfermé son équipage.

        Nyyyyargh ! Je fuis comment moi, maintenant ?!
        Ces momies, elles sont tout juste quatre ou cinq. Avec les Truands, vous seriez plus nombreux.
        Mais je veux fuir moi, pas combattre !
        Il va être temps que tu prennes tes responsabilités en main, si tu ne veux pas finir ton existence comme squelette abandonné dans un couloir en guise d'avertissement pour le prochain explorateur. Alors active-toi !
        Mais... euh...
        Et puis retire tes lunettes de soleil : tu ne peux rien y voir avec ces stupides verres teintés sur la figure.


        Ce fut avec une expression de résolution et de fermeté assez inhabituelle chez lui que le sauvage se lança à l'attaque des momies. Il pointa son pistolet, et visa le porteur de cruche de plus proche en pleine tête. La balle frappa la créature à l'épaule, ricocha dans un tintement métallique, et fila dans la direction opposée pour aller se perdre dans le vide.

        Hein ?
        Espèce de nul... depuis le temps, tu tires toujours aussi mal !
        Mais...je... j'y peux rien, moi !
        Tu ne vas pas les combattre tout seul ? On avait dit quoi ?! Ouvre le mur, crétin !!
        Ah, pardon !


        Le capitaine des Truands libéra une nouvelle fois ses pouvoirs, et une large portion de mur se détacha de la cloison, seulement encore reliée par le bas, au niveau de l'eau, aménageant ainsi une ouverture sur presque toute la longueur du mur.

        - Ahem... venez les gars, on va se sortir d'ici !
        - Ange, ordure ! Ou avais-tu filé ?!

        Zut, ils se sont rendu compte de mon absence...

        - Ce n'est pas le moment : virez moi ces momies d'ici, ce sont elles qui essaient de nous noyer !

        ***

        Bongo dévisagea Yudistira Yudhisthira avec l'expression de celui à qui on vient de ruiner tous ces effets, et qui en veut à mort au fautif. Il se releva aussi dignement que possible et épousseta ses vêtements tout en évaluant du regard l'inconnu qui lui faisait face. C'était un homme d'une vingtaine d'années au visage sympathique dont les yeux irradiaient d'une confiance inébranlable, et dont les dents blanches illuminaient le couloir aussi efficacement qu'une torche. En revanche, l'aura de sympathie qui entouraient le personnage n'avait pas d'effet sur quelqu'un d'aussi hautain et narcissique que le pirate à la coupe afro. D'ailleurs, il était habillé n'importe comment : quelle personne sensée aurait idée de se vêtir d'une espèce de robe de chambre -complaisamment appelée "kimono"- grise et informe. Si certains étaient coiffés avec une serpillière, d'autres s'habillaient avec !

        Se détournant du héros pour lui signifier qu'il ne méritait pas son attention, il s'adressa à ses deux complices Johnny et Nico :

        - Vous l'avez pêché ou, ce gars ? Bah, peu importe ! Qu'il nous suive s'il veut, nous on va chercher la salle du trésor.

        ***

        Profitant de cet interlude, pirates et morts-vivants s'étaient bagarrés joyeusement. Avec beaucoup d'à-propos, la dernière momie s'écroula juste au moment où l'action se centrait de nouveau sur Ange et cie, répandant sur le sol du fatras de bras, de jambes, et de torse enrubannés. Le combat qui avait opposé les Truands aux gardiens de la pyramide avait été bref, mais violent : les cinq momies étaient au tapis, tandis que les Truands avaient à déplorer une victime et plusieurs blessés, dont un assez sévère. La bagarre avait aussi causé l'effondrement des deux cloisons du mur creux où étaient réfugiés leurs adversaires, libérant ainsi l'accès au couloir.
        Ange y prit pied en chancelant, essuyant avec un mouchoir le sang qui lui recouvrait le bras. Ce n'était pas le sien, il était à peu près certain de ne pas être blessé, mais théoriquement les momies ne saignaient pas. Hum... mieux valait probablement ne pas trop creuser le sujet.

        - Bon, euh... il ne faut pas qu'on reste ici, des fois que des renforts arrivent...
        - Et on fait quoi de Teddy alors ? Il perd beaucoup de sang.
        - Qui ça ? Oh, eh bien, hum...
        - Il n'est pas en état de marcher.

        Le pauvre, je ne sais pas s'il pourra suivre.
        Il est casse-pieds ce blessé ! Il aurait mieux fait de mourir tiens, ça t'aurait simplifié la vie.
        Mais... c'est ignoble comme réflexion !
        Peut-être, mais c'est vrai. Bref ! Colle-lui un garde-malade et éloigne toi d'ici au plus vite.


        - Très bien... puisque tu as l'air de tellement t'en soucier, tu vas rester ici à t'occuper de lui !
        - Tu veux dire... rester la, tout seul avec un blessé, alors que d'autres momies peuvent venir ?
        - Je ne te force pas, hein ?
        - Bon... désolé Teddy. Ce n'est pas contre toi tu sais. Mais... on te récupérera au retour. Promiiis !
        - Enflure !

        Abandonnant sans trop de remords leur camarade, les pirates reprirent leur progression dans le couloir. Par peur de déloger d'autres momies, Ange refusait catégoriquement d'utiliser son pouvoir pour traverser l'édifice en ligne droite, ce qui les contraignait à suivre le parcours classique, toujours balisé de pièges.

        ***

        Le désert, c'était pourri ; vraiment ! Mais ce n'était rien, vraiment rien, à côté de cette saleté de fichue de pyramide pourrie ! De l'avis de Gaspari, le Truand râleur, en tout cas. Et il s'était retrouvé conforté dans son opinion lorsque ce gros casse-pieds de capitaine l'avait désigné comme éclaireur pour détecter les pièges. Décidément, il ne savait pas ce qui le retenait de faire demi-tour et de se casser d'ici ! Enfin si, il y avait ses compagnons, une dizaine de mètres derrière lui, qui l'en empêcheraient. Et puis il y avait ces salopiauds d'enrubannés, aussi, qui en plus d'être moches et terrifiants, étaient horriblement difficiles à tuer. Ou re-tuer, puisqu'un mort-vivant est censé être déjà mort.

        Trop occupé à ruminer ses rancunes, le pirate ne vit qu'au dernier moment la plaque couverte de pics qui lui arrivait dessus à grande vitesse par la droite. Il ne survécut que grâce à un réflexe qui le poussa à se jeter en avant la tête la première. Il se reçut en roulé-boulé et se relava à demi, le fleuret à la main, les sens aux aguets. La grande plaque hérissée qui avait manqué de l'empaler s'était encastrée sur le mur d'à côté. Dans mur d’où elle était partie se trouvait maintenant une large ouverture noire, d'où émergèrent deux momies. Gaspari se raidit, mais elles ne lui prêtèrent pas la moindre attention : avec l'air de ceux qui ont failli à leur mission d'écraser les intrus mais qui n'y attachent pas grande importance, les deux morts-vivants allèrent récupérer leur piège. Ils tirèrent un bon coup pour le décoincer, puis, le traînant derrière eux, retournèrent s'installer dans leur cachette, prêts à lancer leur engin de mort sur les visiteurs suivants.

        Plutôt que de pousser un soupir de soulagement qui aurait pourtant été de circonstance, Gaspari déversa cette fois sa mauvaise humeur sur tous ces fichus pièges, leurs stupides inventeurs, en particulier de gros nazeux d'architecte, mais aussi sur sa saleté de mission d'éclairage, et surtout sur son équipage de planqués au complet. Il leur signala tout de même le piège afin qu'ils puissent l'éviter, parce qu'aussi agaçants qu'ils étaient, ils lui restaient plus utiles vivants que réduits à l'état de bouillie d'humains.
        C'est alors que, au moment où il s'apprêtait à repartir, le pirate vit une lueur jaune grandir en face de lui, à l'autre bout du couloir.

        Gaspari ayant déclaré qu'il avait "suffisamment risqué sa peau avec toutes ces bêtises", on tira au sort son remplaçant. Ce fut donc Ange qui s'y colla.

        Et pourquoi je n'ai pas pu refuser ?! C'est moi le capitaine, tout de même !
        Tu sais bien qu'ils y tiennent, à toutes ces notions d'égalités, d'équité, et les autres bêtises du même genre...
        Je ferais mieux de partir tout de suite, et de les laisser dans la pyramide. J'ai une situation, moi, maintenant ! Je n'ai même plus besoin d'être pirate !
        Et tu voudrais sortir comment, gros malin ? De toute manière, ton équipage peut encore servir.


        C'est avec beaucoup d'appréhension que, une torche à la main, le sauvage mena la progression. Il s'attendait à tout moment à ressentir une douleur qui lui traverserait le corps. Plus que jamais il aurait aimé prendre la fuite.
        La lueur en face grandissait, et l'on entendait distinctement des bruits de pas.

        ***

        Nous nous désintéressons un moment des Truands, qui de toute manière passent leur temps à râler, pour focaliser notre attention sur une des alcôves qui ornent le couloir. Ou, plus précisément, sur le vase qu'elle abrite. C'était une de ces immenses urnes funéraires, presque de la taille d'un homme, qui servaient probablement à contenir les cendres d'on-ne-sait-qui, a moins que ça ne soit juste ses entrailles. Ou les cendres de ses entrailles. Ou alors un truc tout bête, comme du parfum ou de la nourriture pour l'au-delà. Ou alors elle était censée être vide, et servir juste de décor.
        En fait ce n'était vraiment pas important, puisque pour le moment elle abritait un humain bien vivant.

        C'était Sebebet Hes-senié, un des trois personnages du prologue, qui depuis avait passé les cinq derniers posts à essayer de se faire oublier. C'était une attitude de gros lâche, mais de toute manière son air plutôt bébête, ses lunettes de travers, ses cheveux bruns coiffés peu élégamment, et ses vêtements qui ne lui allaient pas, le désignaient tout à fait pour ce rôle. Et puis, quand on portait un nom pareil, on était prédestiné pour ce genre de choses.
        Pour ajouter à tout ça, ce qu'il avait vu dans la salle du tombeau hanterait ses cauchemars pour le reste de ses jours. Quant à ce qu'il avait pu advenir de ses amis...

        Le RP de la Momie 948703Sebebet1

        Il fut tiré de ses pensées morbides par une succession de bruits de pas. En tendant l'oreille, il supposa qu'elles venaient des deux côtés du couloir. Ce qui était encourageant, c'était que les momies ne marchaient pas aussi vite. Et puis elles n'utilisaient pas de torches. Sebebet l'ignorait encore, mais par un des hasards scénaristiques qui n'en était pas un, une scène potentiellement clé de l'histoire allait se  dérouler juste devant sa cachette...
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