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La menace du mecha-canard s'abat sur la ville !

Luvneelpraad est à North Blue ce que Las camp est à West Blue, un lieu retranché marqué du sceau du pêché et de la désolation. Les bourgeois et nobles de la capitale adjacente n’avaient même pas pris soin de reconstruire la ville côtière, cette dernière trop exposé aux marées houleuses et autres joyeusetés marines que réserve un océan déchaîné. Ils l’avaient laissé gentiment péricliter, se confortant dans le luxe, les fastes et l’opulence de leur petite cage doré et laissant par cet état de fait, germer les graines de l’opprobre et de l’infamie. Qu’on se le dise, Luvneelpraad n’était en réalité qu’un ghetto officieux où les riches nantis aimaient entasser la vermine rampante et se dire que celle-ci dieu merci n’inhalait pas le même air, pur, sain de leur auguste cité. Ils aimaient à se dire qu’à leurs pieds gisaient toute la misère du monde  qu’ils s’évertuaient à piétiner, à dénigrer, à calomnier, chaque jour que dieu fait de leurs misérables vies.

Bien que j’avais rejoint les rangs du gouvernement, j’éprouvais toujours une profonde aversion pour ces nobles qui, se gaussent fièrement d’être les descendants de ceux qui ont établi les règles régissant ce monde. J’abhorrais de les voir glousser lorsque de leur royal popotin, ils asservissaient pour des motifs triviaux tout ce qui leur passait sous le main. J’exécrais l’idée de leur devoir un respect immérité, un respect de gradation, de rang, qui ne n’avait aucun trait à l’hémoglobine épandu par le passé. Je maudissais cette forme de royauté et de loi filiale où ces presque consanguins s’entremêlaient dans toute la bourbe qui était la leur. Cependant, je devais faire avec et mettre mon mouchoir par-dessus, cela faisait partie des règles élémentaires des Cipher Pol et bien que ces règlements avaient été édictés par cette noblesse désabusé, nous apportions bien plus de bien que ces grandiloquents engendraient le mal.

Lorsque que j’avais été mandaté par le gouvernement pour rejoindre le royaume, il y a de çà quelques mois, on m’avait chargé alors de m’infiltrer au sein d’un groupe de mercenaires particulièrement coriaces, bossant pour un grand ponte du crime organisé. Les dits lascars s’affairaient à opérer en meute, frappaient les zones névralgiques vite et fort et donnaient du fil à retordre aux autorités dans la mesure où ils ne laissaient guère de témoins dans leur sillon. Ce groupe de mercenaires avait élu domicile dans la lagune désolée de Luvneelpraad, quartier général des opérations à partir duquel, ils déployaient leurs membres tentaculaires pour le plus grand comble de leur patriarche.

J’avais eu bien de peine à remonter le filon pour me faire repérer par leurs soins, à montrer pâte blanche à bien des occasions, à mettre du cœur à l’ouvrage. Je n’étais tout de même pas parvenu à identifier le patron en haut de la pyramide, la distance hiérarchique entre les lascars et la tête pensante, la mother brain comme disent les gars d’ici, était foncièrement longue et il n’était pas une mince affaire d’enrayer la machinerie avec un grain de sable dans les rouages de l’ingénieux mécanisme du crime. Rares étaient ceux qui avaient vu en personne le tenancier du groupuscule. L’homme était infiniment prudent et suspicieux quant à sa sécurité et à celle de ses affaires.

Nous avions bien travaillés, il était fier de ses troupes, de tout sa petite milice privée qu’il pouvait déplacer où bon lui semblait tant qu’il crachait au bassinet les billets verts. Il se sentait puissant et en confiance parmi les siens à tel point qu’il convoqua un bon paquet d’hommes de confiance pour les mettre dans la confidence de son prochain coup.

Vingt heures sonnèrent au loin au beffroi de la capitale, nous avions gagné le terrain d’une ancienne friche industrielle sur laquelle autrefois, les navires autrefois étaient inaugurés et mis pour la première fois à l’eau. Sur cette friche, un reste de chantier de naval de béton et de bouts de tôle qui portent les stigmates de son triste sort, abandonné en ce lieu et place depuis presque 25 ans maintenant. A l’intérieur de celle-ci, une dizaine d’hommes tuent le temps, en fumant, en jouant aux cartes ou en lustrant leurs pompes, attendent celui qui, détient les rennes du business. J’ai la chance d’y figurer pour les bons et loyaux services rendus à la maison et on m’a a maintes reprises signalés qu’il s’agissait d’un insigne honneur. Je m’en grille une comme les autres, je suis le Judas de la troupe mais je demeure le type d'expérience qu'on questionne pas et à qui on va pas chercher des noises. C'est mon rôle, ma couverture, mon honneur également qui sont dans la balance.

Une silhouette obscure, encapuchonné et emmitouflé dans une longue tenture kaki, à priori de bonne facture, apparaît bientôt à l’extrémité sud de l’ancien chantier naval.

« Messieurs, c’est avec un plaisir non dissimulé que vous ai réunis aujourd’hui pour fomenter notre prochain coup d’éclat. Vous vous êtes rendus particulièrement efficaces ces derniers temps et je suis particulièrement fier de pouvoir collaborer avec des professionnels de votre calibre. »

« Nous avons eu vent de l’arrivée imminente en notre belle et criminelle contrée d’une femme qui, outre ses talents éminents en mécanique, a construit une sorte de canard robotique, agrégat de boulons et de plaque d’acier. On prétend que la bestiole est dotée d’une carapace d’acier et est truffé d’armes en tous genres. Cette femme en question se prénomme Lilou B. Jacob et tout porte à croire qu’elle est venue agrémenter son modèle de fonctionnalités supplémentaires. Messieurs, je vais être clair, il nous faut à tout prix faire main basse sur cette arme. Imaginez donc la puissance de feu que nous posséderions avec une telle arme entre nos mains. Nous pourrions peut être même dominer le monde! ».

L’homme devint fiévreux, fébrile, son œil bouillonnait de tous les méfaits qu’il se voyait déjà accomplir avec l’arme en question. Un rire sardonique transperça le silence froid implacable de l’immense hangar à bateaux tandis qu’il regagnait les ténèbres en compagnon de ses plus fidèles acolytes. Un écho émergea des tréfonds de la pièce, une voix parfaitement audible grâce à l’agencement du lieu qui faisait office de caisse de résonance.

« Je vous paierai extrêmement bien si vous veniez à vous emparer de Bee. La fille, vous pouvez la liquider. »
« Bee ? «
« Oui, ‘fin le robot quoi ! »
« En vl’a, un nom étrange, moi je l’appellerai Gontran tiens haha.» lança l’un des mercenaires.

La dizaine d’hommes que nous étions nous éclipsâmes bientôt de l’ancien chantier naval pour rejoindre nos pénates respectifs. La chose promettait d’être hasardeuse pour l’ingénieure mécano qu’elle était et il allait falloir que tôt ou tard, je rentre en contact avec Lilou B.Jacob. La nuit porte conseil, essayons donc de fermer l’œil et de s’abandonner à un court séjour dans les bras de Morphée.
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Les tentes et les bâtisses en bois s'empilaient les unes sur les autres, toutes placés sur un terrain boueux ou pierreux. Les anciennes dalles qui formaient le port et les quais servaient à construire des maisons en dure ou à les réparer, à colmater les brèches des murs des bâtiments à peine viables, à caler des meubles bancales. L'entrée de notre "maison" était faite d'un rideau défraichie, de plusieurs morceaux de tissus crasseux cousu ensemble. Et notre "maison" avait plus les allures d'une tente que d'une véritable maison. La terre recouvrait le sol, je n'avais qu'une paillasse comme lit, quelques meubles rongés par les mythes en train de décrépir à force d'être mal mené. La "pièce" était prise aux quatre vents et on s'y gelait de jour comme de nuit.
Mais à force d'y vivre, j'avais fini par m'y faire. Trois semaines déjà que la paille me gratter le dos tous les soirs, que je me faisais réveiller par les mêmes ivrognes toutes les nuits, que je discutais avec les mêmes bonnes femmes me parlant chiffons, que je me faisais rabrouer par ces brigands des bas fonds pensant mieux parler d'ingénierie que moi et qui construisaient des bateaux ressemblant à des passoires. Je m'y étais faite, à tout ça. A être prise de haut quotidiennement parce que je n'étais pas exactement comme ces gens qui grandissaient dans cette misère, que je ne faisais pas parmi de ceux qui luttaient pour partir, mais plutôt pour y rester et y être bien le temps qu'il fallait.

C'était sans doute ça qui perturbait tout ce beau monde gravitant autour de nous.

Je retrouvai Bee dans ma tente, m'effondrant à côté de lui dans ma couchette de fortune, plaçant mon manteau derrière ma tête pour me faire un coussin digne de ce nom. L'animal me regarda comme en me posant une question, mais je me contentai de soupirer de plus belle, préférant ne pas répondre. Une réponse semblable à celle d'hier comme à celle d'avant-hier :

La commande n'est toujours pas arrivée...

Bee haussa les épaules, poussant à son tour un soupir qui en disait long sur ce qu'il pensait. J'avais les mains dans les poches de mon jean et l'air contrarié. J'en avais assez d'attendre après ces pièces pour continuer à travailler. J'avais comme l'impression que quelque chose n'allait pas, qu'on jouait avec mes nerfs justement pour voir ce que je valais. J'avais joué la patience jusqu'ici, pourtant légendaire chez moi, mais je commençai à perdre cette patience à force de les voir tirer abusivement sur la corde.

Ca fait trois semaines déjà...

Je dis cela sans vraiment le dire. C'était une constatation qui me laissait un goût amère dans la bouche. Car trois semaines sans vraiment pouvoir travailler, pour une fille qui ne savait pas tenir en place, c'était pire que se passer soi-même la corde au cou. Bee posa son bec sur mon épaule, me lançant un regard brillant pour me faire réagir. Je détournai les yeux, un peu piteuse d'être repartie sans rien en poche.

Qu'est-ce que je devrais faire, à ton avis ? Partir sans mon argent ?... Vivre sans un sous, c'est pas comme si on avait pas l'habitude, toi et moi...

L'animal leva ses mirettes au ciel, poussant un autre soupir. Il ne me disait rien de particulier, il n'avait pas la solution à mon problème. Il savait, tout comme moi, que je m'étais faite avoir comme une bleue. Le marchant à qui je m'étais adressée n'avait pas mes pièces. Il n'avait peut-être jamais eu l'intention de les avoir. Il avait vu en moi un moyen de se faire de l'argent facilement, sans avoir à m'être redevable de quoique ce soit. Et pourtant, l'argent que je lui avais confié, je l'avais durement gagné... Une veine palpita à ma tempe, tandis que je me relevai précipitamment :

Tu as raison, il ne faut pas que je me laisse faire ! J'y retourne de ce pas, et ils vont voir de quel bois je me chauffe !

Si la patience n'était pas mon fort, la charité non plus. Et qu'on essayait de me baiser salement, ça ne me convenait guerre plus ! Poings fermés, air décidé, je quittai déjà ma tente pour faire comprendre à ces escrocs à qui ils avaient à faire !

Bouge pas de là, j'en ai pas pour longtemps.
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Le cas de l’ingénieure renommée et de son phénomène de foire me collait une belle écharde dans le pied. La déontologie professionnelle inhérente au Cipher Pol voudrait que je ne me préoccupe guère du bourbier dans lequel elle s’était fourrée sans même en avoir conscience, et que j’assure mes arrières pour remonter jusqu’au cerveau du petit groupuscule. Au Cipher Pol, on appelle ca des pertes collatérales et on ne s’en soucie que peu ou prou et on s’arrange toujours pour dégager tout responsabilité lorsque l’affaire survient.  Cependant, je ne pouvais m’évertuer à la laisser à son triste sort, ca ferait tâche dans le dossier et on viendrait tôt ou tard à me reprocher la mort de l’ingénieure. Il allait falloir que je concilie mon action avec la protection éminente de Lilou B.Jacob et faire d’une pierre deux coups.

J’avais fini par me rapprocher des mes indics du Cipher Pol pour en savoir un peu plus sur la brillante ingénieure avant de croiser sa route. La vingtaine, une longue chevelure rousse, maigrichonne, un peu court sur pattes et point important : atteinte d’immunodéficience osseuse ou plus communément appelé, la pathologie des os de verre. Compte tenu de ces circonstances, il était guère étonnant qu’elle se soit tournée très tôt vers la mécanique pour surmonter le syndrome dont elle était affectée. Je présumais que le Bee en question soit devenue son confident, son allié et ami à qui elle devait tout confier et dont elle devait s’occuper des heures durant toute la sainte journée. Nul doute qu’elle préférerait rendre l’âme plutôt que laisser le groupe de mercenaires s’emparer de sa créature de tôle et d’acier. Quant à estimer le potentiel de son canard et ce qu’il renfermait comme mécanismes destructeurs, c’était là une véritable zone d’ombre pour nos services. Les autorités ne savaient guère où créchait la jeune demoiselle, ni même le motif de sa venue en ces lieux, j’allais devoir en faire mon affaire et localiser la demoiselle. Quoi qu’il en soit, la jeune fille n’était guère rentré en grande pompe sur le territoire, elle semblait s’être fait toute petite et ce en dépit de la renommée éminente qui lui collait à la peau. Elle devait être au fait que sa créature ne rameutait pas que du beau monde passionné de mécanique mais aussi toute sorte de lascars appâtés par les opportunités d’enrichissement suscités par le robot.

J’arpentais la capitale en quête d’informations sur la demoiselle, ses caractéristiques physiques me facilitant la laborieuse besogne. L’opération nécessitait un certain doigté dans la mesure où je devais m’efforcer de ne pas attirer l’attention sur mon compte. Les mercenaires étaient loin d’être des ânes bâtés, ils savaient arroser leurs nombreux indics, ces derniers leur apportant des renseignements judicieux et opportun pour leur faciliter ce qui leur avait été confié.  C’était là tout le paradoxe et la complexité de l’agent double, un statut que j’avais revêtu à de bien nombreuses occurrences et qui bien qu’il comportait un péril omniprésent, demeurait l’optique la plus captivante, la plus palpitante pour un homme d’expérience tel que moi. Je présumais que la demoiselle ait fait halte dans ce grand royaume pour bichonner son bijou ou du moins entretenir sa créature, on pouvait résolument penser qu’elle ne trimbalait guère ses outils et autres bidons d’huile nécessaires pour maintenir son bijou en état de fonctionnement. Aussi avais-je décidé de réduire cercle d’enquête aux ferrailleurs, aux casses en tous genre et aux négociants de pièces de machinerie. Durant toute la matinée, j’avais passé en revue les plus importants d’entre eux bien que je n’en avais rien tiré. Ils m’avaient livré leur verve mielleuse, sirupeuse à souhait sans pour autant me renseigner quant à la demoiselle, certains pensaient me flouer en me faisant miroiter le renseignement escompté mais ceux-ci s’étaient fourvoyés à mon sujet. Bientôt, je fus interpellé par un évènement inattendu, une voix féminine s’élevait un ton plus haut que l’accoutumée, un accrochage verbale avec un mercanti il semblerait. Je m’interrompais devant l’étale adjacent, fit mine de m’intéresser aux produits du chaland tandis que je prêtais une oreille discrète à l’altercation. Il était question de pièces mécaniques, de modules, la jeune fille se plaignait de manière virulente et n’en démordait pas sa discussion avec le commerçant. Elle lui avait versé des ares et n’avait pas reçu sa commande.

Ce petit démêlé me mit brusquement la puce à l’oreille quant à l’identité de la jeune femme. Je jetais alors un œil discret sur l’esthétique de l’interlocutrice et me rendit aussitôt compte qu’elle était correspondait à la description qu’il m’en avait été faite. Je griffonnais quelques mots sur un papelard, heurta sciemment la jeune demoiselle bien que la bousculade eut été perçu comme une mégarde de ma part, puis profitais de l’occasion pour lui glisser le mot dans la doublure de sa veste.

« Veuillez m’excuser gente demoiselle, je vous avais guère aperçu. Bonne journée, surtout »


Je ne pouvais résolument me rapprocher d’elle d’une manière trop évidente et flagrante. Il fallait la jouer fine. Un rendez-vous ce soir même sur les berges de Luvneelpraad avait sans doute de quoi fourrer froid dans le dos pour une femme de sa trempe mais c’était le seul moyen d’éviter les importuns tout en préservant ma condition auprès des mercenaires.

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Lorsque j'avais passé les portes pour réclamer mon due, le ton était rapidement monté entre le marchant et moi-même. Assez pour que tous les clients dans la boutique miteuse s'arrêtent un temps et nous regardent d'un air mauvais, mitigé ou tout simplement curieux. Devant moi, l'homme croisait ses bras sur son buste nu et couvert de cicatrice. Le crâne rasé et la mine agressive, la plaie rosée à son oeil se tordait lorsqu'il fronçait les sourcils de colère. Il retroussait les babines comme un loup prêt à mordre, me montrant des dents aiguisés. Sa voix grave me donnait la chair de poule, mais je lui tenais tête, poings posés sur le comptoir pour me donner de l'aplomb et de la prestance...

... Je comprends pas c'qu'il s'est passé, ok ?! On a dérobé les biens lors de la livraison, on a pillé le navire lors du transport... Encore une histoire de maudits pirates, j'y peux absolument rien ! T'as plus qu'à être patiente, point barre !
J'ai plus qu'à être patiente ? Non mais je rêve... ÇA FAIT TROIS SEMAINES QUE JE PATIENTE...! Remboursez moi ! Si je ne suis pas livrée, je n'ai pas à vous payer ! J'irai acheter ailleurs !
T'es pas dans la haute ville, ma p'tite. Tu réclames pas ton bien comme ça, te fourvoie pas... Tu risques des problèmes.
C'est une menace ?
Une précision.
Une pré- Outch !
Veuillez m’excuser gente demoiselle, je vous avais guère aperçu. Bonne journée, surtout.

Je regardai d'un oeil fâché le bonhomme qui s'éclipsait de la boutique. Ce grand type m'était rentré dedans pour filer la seconde d'après comme un courant d'air. Je n'avais même pas eu le temps de distinguer son visage, mise à part cette moustache broussailleuse qui m'avait sauté aux yeux sans me laisser voir le reste de son propriétaire. Il me fallut quelques minutes avant de me remettre d'aplomb et de me relancer pleinement dans la conversation en cours. En colère, nez plissé qui signifiait mon mécontentement, je fis juste un signe de tête au vendeur avant de tourner les talons :

Vous savez quoi ? Laissez tomber. Je repasserai demain. Vous avez intérêt à avoir les pièces que j'ai commandé ou à me rembourser.

La menace était claire. Je ne savais pas trop ce que je pourrais faire, mais l'intimidation avait parfois du bon. Peut-être même que ça aurait des résultats. Sortant de la boutique miteuse, je repris la direction de mon taudis en enfonçant profondément mes mains dans mes poches, rageant à voix haute. Cette entrevue n'avait servi à rien. J'avais perdu mon temps à essayer de convaincre une porte de prison de me rendre les années de liberté qu'elle m'avait prise. Mes poings se serraient dans mes poches nerveusement et au bout de quelques pas rageurs, je sentis un bout de papier à l'intérieur de l'une d'elles, papier dont je ne me rappelai pas la présence. Le sortant, prête à le déchirer après l'avoir lu, les quelques mots posés dessus me stoppèrent dans mon élan.
Je relevai le nez pour voir si quelqu'un m'observait, si quelqu'un me suivait. Je ne savais pas comment ça avait atterris dans mes fringues, mais je n'aimais clairement pas ça. Un éclair de lucidité plus tard et je compris que c'était le vieux à la moustache qui avait fait des siennes. Allez savoir pour quoi... Un soupir m'échappa, tandis que je passais une main sur mon visage pour rabattre les cheveux qui me tombaient devant les yeux vers l'arrière. Ce genre de rendez-vous sur le pouce, ça avait tout l'air d'un truc vicieux, auquel je ne devais surtout pas assister...

Mais d'un autre côté, en prenant mes dispositions...

Non ! Mauvais idée.

*

Le soir tombé, mes pas me menèrent jusqu'au petit coin du port de Luvneelpraad indiqué sur le bout de papier. Froissant celui-ci pour le jeter à la mer d'un geste nonchalant, je me stoppai brutalement près des quais, m'asseyant sur un amas de caisses laissé pour être chargé le lendemain. Il faisait frais, mais encore bon. Les premiers rayons de la lune venaient lécher la mer calme du vieux port. Un soupir s'échappa.

J'attendis. Jusqu'à ce qu'une silhouette étrangement massive émergea de la pénombre pour s'avancer. Je me relevai en hâte et me plantai comme un piquet devant lui, l'arrêtant d'un geste de main pour ne pas le voir plus approcher :

Qu'est-ce que tu veux ?
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La jeune femme n’avait pas sa langue dans la poche et ce n’était guère l’archétype de la savante ingénue, un peu crédule sur les bords, que j’escomptais rencontrer. Cette fille ci, faisait preuve d’un certain aplomb, d’une audace certaine et d’une assurance encore plus grande pour une ingénieure qui ne savait guère sur quel olibrius elle allait avoir à faire. Afficher une telle hardiesse, une telle confiance en soi témoignait d’une maturité manifeste, d’une expérience certaine de la vie. Elle n’était guère le perdreau de l’année, la rouquemoute était quelque peu barbouillé, elle avait une mine renfrogné, une bouille des mauvais jours, de ceux qu’on vit péniblement et qui vous laisse des traces sur le faciès. Peut-être me fourvoyais-je totalement et c’était là une désinvolture de sa part, peut-être était t’elle tellement happé par son travail qu’elle en oubliait l’allure et la prestance qui seyait à une femme de sa condition… ou peut-être étais-je dans la méprise.

Quoi qu’il en soit, son immunodéficience osseuse ne semblait en rien remettre en cause la détermination et la force d’âme de la jeune femme, elle n’était pas femme à s’apitoyer sur la malédiction dont elle était empreinte. Faire comme si de rien n’était demeurait indéniablement le moyen le plus efficace pour camoufler l’existence de la pathologie, j’aurais sans doute opéré de tel sorte si j’avais été frappé de ce mal.   Je présumais qu’elle n’avait guère eu l’existence facile, qu’elle en avait sérieusement bavé pour se hisser jusqu’ici, elle n’était pas la savante présomptueuse à la science infuse comme le monde en compte tant.  Cette hostilité ostensible était cependant tout à fait légitime, chose dont j’allais m’empresser de désamorcer le bien-fondé.

« Te sauver la mise, jeune demoiselle »

Je repoussais avec soin le poignet de la demoiselle et m’avançant de quelques pas sur la berge, le regard tourné vers le plan d’eau, je poursuivais :

« Vous vous êtes mis dans une fâcheuse position Madame Jacob, très fâcheuse… je ne suis guère votre ennemi, ni votre ami non plus. Accordons nous plutôt sur le fait, que votre intérêt concorde avec le mien et qu’il faut que vous restiez en vie et que vous gardiez la main mise sur votre créature. »

Le mutisme de la jeune femme pour seul réponse, vraisemblablement lié à la surprise quant à l’existence de Bee ou gontran comme l’appelaient les mercenaires.

« Des personnes malavisés en ont après votre créature, des individus suffisamment influent pour vous subtiliser votre œuvre métallique et effacer la moindre preuve manifeste de votre existence. Tôt ou tard, ils vous trouveront et vous aurez beau déployer futilement toute votre assurance, ca ne les arrêtera en rien dans leur sombre desseins. »

Je posais ma voix avec suffisamment de conviction dans le ton pour calmer le zèle de la demoiselle. Je ne visais pas pour autant à la rassurer ou à l’induire en erreur, elle n’était pas au bout de ses surprises et je ne pouvais garantir qu’elle n’ait pas à en découdre avec certains mercenaires pour rester saine et sauve. J’allais lui éviter autant que faire se peut, que notre petite équipe lui tombe sur le coin de la couenne, faire en sorte de brouiller les pistes et d’aiguiller à faux l’attention et le discernement de mes petits camarades.  

« Ne nous égarons guère en question frivoles portant sur mon identité ou encore la façon dont j’ai pu prendre connaissance de votre maladie singulière. Il est important que vous m’expliquiez plus en détail ce dont est capable votre robot. Il attise bien des ambitions de l’ombre et nombreuses sont les rumeurs portant sur son potentiel latent… »

La jeune femme ne semblait guère convaincue par mes allégations, je la pressentais hésitante, dubitative. Ses traits témoignaient d’une profonde suspicion, d’une profonde défiance à mon égard. Pourquoi accorderait t’elle sa confiance à un inconnu qu’elle ne connait ni d’eve ni d’adam, prétextant lui porter assistance, alors qu’il pourrait tout aussi bien vouloir mettre la main sur son canard et doubler le groupuscule mercenaire. Je brandis rapidement l’insigne gouvernemental devant ses prunelles, comme gage de ma bonne foi, et me retournant vers son corps frêle, je portais mon regard sur son pâle minois.
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Je le regardai de haut en bas, lui et sa moustache cachés derrière un voile de mystère. Les sourcils froncés par la curiosité comme le sidération. J'écoutai attentivement ses propos, jetant ensuite un coup d'oeil derrière moi et autour de moi, m'attendant presque à voir sortir les caméras pour le gag, ou les agents secrets en costards et lunettes de soleil sombres là pour me pointer une lumière dans les yeux et me faire oublier cette conversation. Mais après un silence long et pesant, rien ne vint. Pas un chat, pas un homme en costard et lunettes sombres. Juste lui et moi sur un quai lugubre et des déclarations aussi sérieuses que discutables...

Et qu'est-ce qui me fait croire que tu n'es pas du tout en train de me berner et que je peux te faire un minimum confiance ?

Une petite voix dans ma tête me murmurait de ne surtout pas faire confiance à un agent qui se disait venir d'une branche curieusement louche et mégasecrète du gouvernement. Si c'était vrai et qu'il ne me bassinait pas avec un tissu de conneries en tout genre pour me mettre "en confiance". Même si ce mot était bien grand lorsqu'on se trouvait dans un lieu désert avec un illustre inconnu qui en savait beaucoup trop sur moi ou sur mes affaires. Je savais que c'était une mauvaise idée de venir ici, et que ça allait m'attirer plus d'ennuis qu'autre chose. Pestant contre un moi, je repris tout aussi vite, avec une voix froide et pourtant peu assurée :

Parce qu'en attendant, tu en sais beaucoup plus... Non, beaucoup trop sur moi ou sur Bee, pour être vraiment aussi transparent que tu penses l'être. Et qui me dit que tu vas pas essayer de me la faire à l'envers pour me dérober ma "créature" ? Après tout, un robot canard de quatre mètres de haut aux mains d'une petite fille fragile, qu'est-ce qui te retient ?

Oui, hein. Qu'est-ce qui le retenait vraiment ? Qu'est-ce que j'avais comme assurance de sa bonne foi dans tout ça ? Qu'est-ce qui me disait qu'il ne faisait pas simplement parti de son gang dont il me parlait tantôt et que j'allai pas me retrouver avec du béton au pied lancée tout droit dans le grand large de North Blue...

L'éthique ? La morale ?

Un agent secret avec de l'éthique ou une morale ? N'était-ce pas dans la définition même de l'agent secret d'être un putain d'enfoiré retord prêt à tout pour réussir sa mission ou servir ses intérêts ? Si ce qui faisait était un minimum éthique ou moral, il ne ferait certainement pas ça en secret, sous couverture, il ne prendrait certainement pas rendez-vous dans un lieu perdu avec une jeune fille qu'il ne connait que sur le papier... Et puis d'ailleurs, d'où ils sortaient ce papier, hein ?

T'aurais confiance en toi si tu venais te voir comme ça ?

Question légitime. Je fronçai les sourcils et poussai un long soupir, retrouvant de l'aplomb dans ma voix incertaine et tâtonnante de tantôt...

Alors avant d'expliquer quoi que ce soit sur Bee -Pas "créature", on parle d'un être vivant doué de pensées, sois en certain-, va peut-être falloir étaler un peu plus ton jeu sur la table. Je suis peut-être une petite fille fragile, mais je suis sûre d'être encore apte à te coller mon trente-huit fillette dans le derche si tu tentes de m'entuber.
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J’avais quelque peu oublié le soupçon d’arrogance et de dédain inhérents à ces génies scientifiques croyant avoir inventé l’eau chaude. Les propos de la jeune femme étaient bien trop acerbes à mon goût, emplis d’une insolence rare et d’une antipathie manifeste à mon égard. Ce genre d’hostilité était monnaie courante pour les agents du gouvernement que nous demeurions, nous autres, faute à la réputation et aux casseroles qui incombait à notre éminente fonction et que des générations entières d’émissaires du gouvernement trainaient derrière eux.

M’évertuer à lui exposer et illustrer en détail notre véritable rôle et à quel point nous étions indispensable pour que des populations, à son instar d’ailleurs, puissent vivre sereinement sans craindre de se faire détrousser au moindre coin de rue, était une frivolité à laquelle je ne me m’abaisserais pas. Les civils avaient besoin d’un bouc-émissaire, coupable ou non, sur qui répandre toute leur animosité et l’aversion de leur existence. Logique naturelle et immuable, propre à la nature humaine dans toute sa splendeur. Casser des œufs sur le dos de la cible la plus évidente et manifeste, celui des nantis qui s’évertuent à se mettre du beurre dans les épinards sur le compte des laborieux, des prolétaires, c’était presque un sport international auquel le monde se livrait avec un engouement rare.

Cette demoiselle avait beau bomber le torse en paradant avec toute sa suffisance pour ensuite me balancer au visage toutes ses répliques  venimeuses à souhait qu’elle devait garder précieusement en réserve, paré à les faire déferler au moindre importun qui aurait l’audace de ne pas infléchir en son sens. La chose me faisait ni chaud ni froid. Le ton, empreint de zèle et de désinvolture qui seyait parfaitement à la représentation que je me faisais de ces scientifiques, hautains comme pas deux, imbus d’eux-mêmes  et qui s’arrangeaient pour toujours faire en sorte que vous vous adaptiez à leur personnalité dérangé plutôt que de daigner de leur côté, prendre en considération votre tempérament.

Lorsqu’un chien a peur, il fait d’abord tout un foin, il s’adonne au plus bruyant des vacarmes, fait des pieds et des mains pour que l’hypothétique intrus se carapate presto puis lorsqu’il n’est plus capable d’enrayer la progression de l’indésirable, il montre les crocs et grogne consécutivement pour enfin, lorsqu’il prend conscience que l’individu n’est pas pavé de mauvaises intentions, se résigner à donner la patte. Et ça, trente-huit fillettes ou non.

Rengaine habituelle du Cipher Pol que d’avoir à traiter avec les récalcitrants peu enclin à ce qu’on leur porte assistance, m’enfin je veux bien admettre à la décharge de la demoiselle, qu’elle devait être quelque peu estomaqué par un le flot de renseignements dont je venais de faire état. Aussi, je décide de me comporter comme un gentleman et de faire preuve de bonne foi avec la rouquine et d’accéder à quelques-unes de ces requêtes du moins dans la limite du possible, histoire de me la mettre dans la poche.

« L’éthique et la morale sont deux pendants d’une seule et même pièce, Madame Jacob. Elles dépendent autant de l’interprétation que vous leur accordez que des actes que vous perpétuez en leurs noms propres. Pour autant, je ne me permettrais guère de me figurer de juger votre étique ou votre sens moral. Maintenant, vous savez éperdument que dans votre situation présente et compte tenu de l’absence manifeste de Bee, j’aurais d’ores et déjà pu m’évertuer à vous capturer et vous faire parler dans les jours à venir. Pourtant, je ne me suis guère aventuré à le faire et ce principalement en raison de l’insigne que vous venez d’apercevoir. «

Visiblement quelque peu chiffonnée de la dénomination sous laquelle je parlais du robot, je décidais d’adopter un langage différent et de faire preuve d’empathie envers la jeune femme.

« Pour ce qui concerne Bee, je n’en avais pas la moindre idée Hmmmh, alors il se rapproche d’un humanoïde et comprend de facto notre langue ? Peut-il aussi la parler ? En quoi Bee, s’il en est une, constitue une menace ? Sachez que Bee est la cible d’une bande de mercenaires sans foi ni loi de la capitale et tôt ou tard si nous ne collaborons pas, ils vous trouveront et j’imagine ne pas avoir à vous dire le sort qu’ils vous réserveront. Maintenant, vous pouvez tout aussi bien faire cavalière seule et aller voir les autorités du royaume mais le fait que vous n’avez aucune base de plainte, aucun faisceau de preuve attestant que votre vie est menacé risque de poser problème, sans compter qu’ils possèdent aussi des contacts bien placés dans le lot. Autrement dit… »

Je laissais planer un silence de quelques secondes.

« Je constitue votre seul espoir d’en rechaper. »
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Mais hé, Nick Fury, tu réponds toujours pas à mes questions !

Je rétorquai ça avec les sourcils froncés et la gueule qui en disait long sur ce que je pensais. J'avais un objectif en tête et en visu, que je ne lâchai pas des yeux. Pour la bonne et simple raison qu'avec tous ces mots, cette manière d'endormir la vigilance avec quelques phrases alambiquées, j'allai forcément me faire avoir de tous les côtés. Et je trouvai ça dingue qu'il ne s'y accommode pas et qu'il insiste encore. A grand renfort d'une fausse diplomatie somnolente, il entendait me convaincre ? J'avais été élevé avec des personnes qui parlaient avec les poings, qui distribuaient équitablement les claques dans ma gueule. J'allai sans doute pas m'adoucir face à un moustachu qui se disait être le gentil et vouloir à tout prix m'aider.

Ouais, en effet, j'ai aucune preuve de ce qu'il va se passer. Mais à part des grandes tirades sur le fait que j'suis gravement en danger et que mon ami va m'être dérobé, t'avances pas beaucoup de preuves non plus...

Je n'avais pas besoin d'adopter un air pédant ou suffisant, ni éminemment scientifique pour faire ces remarques. Je parlais comme une personne qui défendait ses intérêts et qui demandait une très bonne raison de prendre ces soit-disants menaces au sérieux. Et pour l'instant, mise à part des mots compliqués et un air vaniteux à souhait de celui qui sait apparemment tout mieux que tout le monde vu qu'il a tout vu, tout vécu et tout entendu, je n'avais rien à me mettre sous la dent. A croire que le B.A.BA de l'échange avec un confrère humain lui échappait totalement.

Chouette pour toi, t'es de la maison, et t'es un espion. Mais justement parce que tu es apparemment un espion, qu'est-ce qui me dit que je peux te faire confiance ? Tes secrets ont des secrets... J'ai lu des livres d'espionnages, tu sais ? J'suis pas née de la dernière pluie.

J'aurais pu me passer de cette remarque. Mais elle laissait entendre que j'étais dure à convaincre (et encore plus à persuader) et que ce n'était pas ses paroles pseudo-dramatiques qui allaient changé grand chose à ma position. C'était un peu le principe du "pas de corps, pas de crime". On devait démontrer le crime par d'autres moyens, en toute logique, pour révéler le pire. Et bien là, nous étions dans une situation semblable.

En attendant, tu m'fais nager dans un flou artistique en me promettant la fin du monde et l'apocalypse, mais j'en vois pas la couleur. Alors, on peut faire un deal.

Mes jambes battaient le vide, assise sur ma caisse débarquée en le regardant fixement. Je faisais l'effort d'aller vers lui et de me prouver que j'étais en effet en danger. Soit il restait sur ses positions, et il me suffisait de lui rire au nez avant de lui tourner le dos, soit il avait en effet des choses à me montrer et dans ce cas, notre collaboration en profiterait. Je ne voulais pas me lancer tête baissée dans une connerie ou m'affoler pour rien. Oui, ses propos étaient inquiétants. Mais il y avait tellement plus important tant qu'ils n'étaient pas expliqués. Genre... Mes pièces manquantes ! Ça, ça travaillait mon esprit...

Si tu me prouves que t'es pas juste un connard d'illuminé ou un fumier qu'est là pour me baiser, si tu me donnes des preuves que je peux vérifier, je t'amène à Bee. Et tu verras par toi-même ce dont il est capable. Et là, on envisagera éventuellement un plan pour sauver ta place et mes miches.
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Foutrement cocasse la donzelle, elle n’avait pas sa langue dans la poche. Fallait bien avouer à ma décharge que je ne songeais pas que son joli minois ait pu parfois, par la plus malheureuse mégarde, se faire baffer crûment. En règle générale, ces types, tout leur est dû ou presque et en cela, elle semblait faire mentir les conventions, loin d’être l’enfant-roi que je présumais qu’elle soit. Elle essayait tant bien que mal de rafraîchir l’atmosphère, de prendre la chose avec une perspective différente, s’adonnant aux petites taquineries de scientifiques, le genre de petite trivialité qu’ils se lancent à la machine à café pour se rembarrer et comparer leurs quotients intellectuelles.

« Allons bon, Madame Jacob, ne montez pas sur vos grands chevaux, c’est que vous en perdriez votre sang-froid. Je vais m’efforcer d’aller droit au fait puisque friande de romans d’espionnages comme vous semblez l’être, c’est bel et bien le dénouement qui vous intéresse si je ne m’abuse. Cela fait maintenant plusieurs semaines que je me suis vu infiltré une cellule de mercenaires qui sévit dans ce royaume depuis un paquet de temps. Ils préparent un coup d’envergure dans l’ombre et se sont affairés pendant les dernières semaines à rassembler des armes et du matos pour mener à bien leur sinistre entreprise. Ils opèrent pour le compte d’un col blanc, un gars assez malin pour sous-traiter le sale boulot et éviter de se faire mouiller. Cet homme-ci, en dépit des apparences, nous sert d’intermédiaire avec le véritable cerveau de l’affaire. »

Je sortais une photographie chiffonné de la doublure de mon veston, lui tendant le portrait du dit personnage.





« Rupert Flynn, l’un des pires malfrats n’ayant jamais posé le pied sur le sol de Luvneel. On le soupçonne d’être l’instigateur de dossiers bidons pour compromettre des témoignages, d’avoir commandité des exécutions, d’avoir planifié des évasions de pirates, et d’avoir blanchi un bon paquet d’argent sale pour le compte de son patron. Pour sûr, une sale teigne cependant il demeure intouchable, il arrive toujours à s’arranger pour demeurer là où les preuves ne sont pas. Et la cible de notre cher ami, Rupert, est votre Bee. Inutile de vous dire que celui qui tire les ficelles là-haut a les moyens de ses ambitions. «

Mon discours semblait trouver une consonance certaine chez la jeune femme. Une expression à demi-satisfaite comme le sont ceux de ses foutus cartésiens, et oui je n’avais guère toutes les données de l’équation mais il allait falloir t’en contenter mademoiselle.  Elle avait de la chance que la marine ait des visées dessus, sinon je te la laissais à son triste sort la chieuse. Pour le peu qu’elle s’imaginerait à l’instar de M, dans le roman James Blond, il y avait pas loin tiens, ce serait bien ma veine.

« En passant, histoire que vous ayez la conscience tranquille et pour vous prouver que je ne suis pas un illuminé cherchant à vous la mettre à l’envers, pour le dire plus poliment. J’ai récupéré les fameuses pièces qui vous semblaient si importantes auprès du marchand. »

Visiblement quelque peu stupéfaite de ce retournement. La demoiselle semble quelque peu interpellée.

« Disons que j’ai su user de plus de diplomatie que vous Madame Jacob…du moins de plus de conviction. Pourquoi vous aurais-je fait venir ici auquel cas ? hmmh »

J’indiquais du regard les caisses empilés et recouvert d’une maigre bâche sur le ponton. Me rapprochant des dites caisses, je saisis le pied de biche laissé là par mes soins et enfonce les encoches dans le bois, dévoilant leur précieux contenu à mon espéré collaboratrice.

« Voyez-donc si ce n’est pas un gage de bonne foi, vous pouvez vérifier vous-même le matos, tout y est. Je présume que ma part du contrat est remplie. Qu’en t’il de la vôtre ? »

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Mhhhh... J'ai un plan.

L'homme avait fini de parler de mon potentiel agresseur et de son secteur d'activité. Je tenais dans mes mains sa photo en la regardant attentivement, comprenant très vite que je n'avais jamais vu ce type de ma vie, ni n'en avais entendu parler, mais par contre, lui, devait vraiment bien me connaitre pour en vouloir à Bee. Je me demandais, sans détour, si ce type avait pu connaitre Yumen, mon père, d'une quelconque manière. S'il était une de ses fréquentations et s'il connaissait le robot-canard par ce biais. Je relevai le nez vers mon vis à vis, lui rendant sa photographie en gardant une mine sérieux :

On le retrouve, et on lui pète la mouille. Ca devrait le faire, non ?

Et pour la suite, le gars pouvait pas s'empêcher de se la jouer papa ours en me causant de diplomatie et de conviction. Je devais dire que sur le moment, je ne pensais surtout qu'au début de sa phrase, lorsqu'il m'annonça de but en blanc qu'il avait récupérer les pièces mécaniques que j'avais payé y'a de ça plus de deux semaines. Mes yeux s'arrondirent d'eux-même alors que je cherchai du regard ou elles pouvaient être. Lorsque l'agent me désigna une caisse, je m'y ruai, l'ouvris pour en regarder le contenu et sautai de joie :

OH ! TROP BIEEEEEEN !

Loin d'être une personne très expressive lorsqu'il s'agissait de montrer son bonheur, j'étais pourtant, là, présentement, tellement heureuse que je ne pouvais me retenir en saisissant l'une des pièces. J'avais mis tellement de temps pour me les procurer que j'aurais pu être une gamine le soir de noël qui obtient le poney dont elle rêve depuis des lustres. C'était, certes, pas un poney, mais beaucoup mieux que ça. Avec ça, j'en devais une à ce type, sans vraiment savoir si je pouvais vraiment lui accorder ma confiance. Tout ce qu'il désirait pour l'instant, c'était voir Bee. Et je pouvais lui accorder.

Suis-moi, Nick Fury !

Je refermai la caisse et me mis en route les mains dans les poches pour quitter cet endroit sordide. Mais avant d'être talonné par l'agent, je me tournai vers lui et lâchai effrontément :

Bon, par contre, tu portes les pièces, ça va de soi.

Combien même j'adorai ces pièces et j'avais hâte de les monter sur Bee, j'étais tout bonnement incapable de les transporter toute seule. Et fallait pas être particulièrement futé pour comprendre que ma carrure et ma maladie (dont il était apparemment au courant), ne pouvait soulever de lourdes charges. Alors, je me contentai d'un sourire entendu, en me retournant à nouveau pour reprendre la route. J'étais du genre gonflée, pire qu'une montgolfière quand je m'y mettais. Quittant le quai ou nous nous trouvions, je me dirigeai à travers les rues malfamées de Luvneel, allant et venant sur l'avenue principale en passant par des petites ruelles étroites. L'homme derrière moi me suivait sans broncher, alors que je n'osai pas avouer simplement que j'étais perdue. Il nous fallut pas loin d'une heure pour retrouver ma chambre de fortune. En ouvrant la toile, Bee se présenta à nous, allonge sur le lit de camp en cancanant de joie.

Voilàààààà !

Je désignai le canard sur le lit, le montrant fièrement à l'homme. Certes, ça n'avait rien de transcendant en l'état. D'un regard entendu, le canard se leva simplement, se mit au milieu de la pièce étroite, et se transforma en robot.
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Jacob était une bien étrange demoiselle, le genre de donzelle qui te parle de te fourrer son trente-huit fillette au coin du derch’ et qui se ravise quelques minutes plus tard pour exprimer tout ce bonheur éphémère qui semblait l’habiter à la découverte des pièces. Que de la gueule ouais ! Non pas que je veuille donner dans le préjugé misogyne à la mord moi le nœud, mais si ce genre de comportement ne dénotait pas du caractère changeant du pendant féminin, je veux bien rentrer dans les ordres héhé. C’en était presque à croire à une pathologie clinique ou pt’et qu’elle était une schizophrène chronique. Changer du tout au tout en si peu de temps, ca a le mérite d’être profondément déconcertant, je voudrais pas être le pauvre bougre qui doit supporter les écarts de la demoiselle. Une Calamity Jeanne en devenir cette gonz ‘ là, manquait plus qu’elle se torch et qu’elle crache comme un cow-boy, qu’elle enfile des culottes de cheval pour que le tableau soit parfait.

« Si je suis Nick Fury, t’es Kalamity Jane gonz’ «

Les pièces avaient finalement fini par faire infléchir et calmer les ardeurs de la feu terreur-rousse, sorte de levier psychologique dissipant la maigre hostilité qui s’était immiscé entre nous.  Croyez-vous que Rupert Flynn et ses mecs semblaient intimider la demoiselle ?  Pas le moins du monde, pensez-vous, elle avait dégoté ses pièces et c’était tout ce qui comptait à l’heure actuelle. Sorte de fougue inhérente à la jeunesse, sorte d’effervescence décomplexée, d’exubérance ostentatoire, d’enthousiasme délibéré pour ces petites choses simplettes, elle trépignait d’impatience d’agrémenter son robot de toutes ces nouvelles pièces, la pupille ne ment jamais à fortiori lorsqu’elle se dilate lorsque l’engouement est trop intense. C’était sans doute sa manière à elle de ne pas se laisser ronger par cette menace de tous les instants, cette épée de Damoclès s’apprêtant tôt ou tard à s’abattre sur son corps chétif et fragile, manière de relativiser et de tempérer une situation sur laquelle elle n’avait que peu ou pas de prises. Jacob sait que se morfondre était de loin la pire solution à retenir et fournir du petit bois à cette pression qui, devait d’une manière ou d’une autre poindre en elle, ne faisait qu’attiser les braises d’une gêne déjà assez oppressante.  Rupert Flynn était, en comparaison avec les autres lascars, la petite tafiole du groupe, grand bien m’a pris de ne pas lui révéler l’identité des autres loubards assoiffés de sang parés à dépecer la bête et à l’accrocher à leurs tableaux de chasse.  

On battit la semelle pendant une bonne heure, nous engouffrant dans le dédale des rues ténébreuses de la capitale sous les regards suspicieux de la gente locale, la belle plante ouvrant la marche. La petite maligne me faisant porter ses babioles, passant et repassant devant les mêmes enseignes, les mêmes foutus devantures parfois plusieurs fois d’affilée, à croire qu’elle prenait un malin plaisir à me faire suer, sorte de petite revanche personnelle pour bien me signifier que j’étais celui qui avait besoin d’elle et pas inversement. Les femmes aiment toujours avoir l’ascendant ou plutôt aime avoir l’illusion qu’elles tiennent les rênes et qu’elles gèrent tout en sous-main, que la suprématie physique loué aux hommes est loin d’égaler les dispositions mentales de nos alter ego féminins… le genre de gonz’ qui te soutient mordicus que si l’homme fut le premier jet du créateur, est que pour tout chef d’œuvre il faut un brouillon.
On finit par déboucher dans le Q.G de fortune de la rouquemoute où son acolyte l’accueille chaleureusement.

Témoin d’un spectacle improbable, sensationnel, inouï, le palmipède robotique fait la fête à sa créatrice comme s’il s’était entiché d’elle, il revêt des traits presque humains, une expression pleine de  contentement, de satisfaction. L’euphorie de l’animal retrouvant son seigneur et maître, un amour indéfectible, une sorte de lien inextricable entre la belle et la bête, quelque chose qui dépasse la compréhension d’un homme aussi fin limier puisse t’il être. Cette connexion avait plus du lien maternelle que de la simple subordination entre l’inventeur et son prodige, c’était  quelque chose de bien plus complexe, ca avait presque trait à de la filiation, une sorte de rapport entre une mère et sa progéniture. Valait mieux pas que je cabosse l’animal sinon il risquait de m’en cuire.  Je le zieutais sous toutes ces coutures comme un gamin émerveillé devant sa première figurine, c’était le genre de robot que n’importe quel gosse aurait voulu avoir, l’archétype du géant robotique qui fait rêver les mômes,  qui leur file des étoiles dans la rétine et leur fait entrevoir des lendemain super-héroïques. Le bordel taillait bien dans les trois mètres de haut,  agrégat de plaques d’acier, de boulons, de vis et de rivets en tout genre, un alliage visiblement renforcé, une lourde plaque d’acier trempé en guise de blindage de l’animal, un spectacle prodigieux, fabuleux même. Je me rends compte que j’aurais tué à l’époque pour être en ce lieu et place devant un tel titan d’acier.

Devait bien y’avoir du sacré gadget sous cette carlingue, Jacob regardait elle aussi son œuvre de cet œil entremêlant bienveillance et fierté, de l’œil de celle qui avait sué sang et eau pour confectionner cet amas mécanique. J’effleurai bientôt la carcasse de l’animal lorsque celui-ci pointa bientôt machinalement son aile à mon visu, soulevant le carénage et  dévoilant de petits canons parés à faire cracher l’acier.

« Oula, oula, on se calme l’ami, je veux point te faire des misères, ni à toi, ni à ta maîtresse. Tranquille le caneton, tranquillou même.»

Il devait plus ou moins sentir que sa maîtresse n’était guère comme elle avait l’habitude de l’être avec lui, c’est que les deux tourtereaux devaient copieusement se bécoter, voire se rouler de sacrées galoches en aparté, enfin tout comme. Il était indubitable qu’une sorte de tension planait sur la zone, sorte de calme avant la tempête où on sent épié, où le mercure monte et où les états d’âmes s’exacerbent.  M’étonnerait pas que la demoiselle me joue un petit tour et ait ingénieusement commandé à son protégé de me faire une petite frayeur, savoir si le paquet que j’avais au coin du futal était du rembourrage ou quelque chose de plus consistant.

« Tu m’as l’air d’être un sacré gaillard, Bee. Sans compter que tu dois en avoir sous le capot héhé. Protège donc ta fidèle amie, c’est tout le bien que je te souhaite «

Il allait pas falloir que ses gars foutent leurs paluches crasseuses sur l’animal, le risque semblait bel et bien réel, sans compter qu’ils devaient avoir du sacré matos pour armer la bête. Il allait me falloir poursuivre mon investigation du côté des truands avant de me les farcir avec la miss, histoire que j’ai assez de billes dans mon giron pour marchander au cas où son jolie minois se retrouvait à être dans la balance. C’est que je commençais à apprécier son putain de franc-parler à la demoiselle, ca me ferait presque frétiller l’âme toute cette franchise désobligeante héhé.

« Je vais vous laisser vaquer à vos occupations, c’est que je pense que vous avez guère besoin de chandelle pour installer tout ce fourbi sur Bee, si ? Je préviendrais quelques indics qui feront une ronde à heure fixe, c’est que j’ai guère envie que vous vous fassiez décalquer la tête pendant que je mène l’enquête de mon côté. Tâchez de pas faire de vaguelettes et prenez donc ce den den. Hésitez pas à m’appeler en cas de besoin, même pour me glisser des mots doux dans le pavillon si ca vous chante. »

Je m’’en grille une pour faire passer le mauvais pressentiment qui me file des aigreurs, c’est l’instinct qui parle, qui s’exprime et me fait songer que la belle plante risque gros. Alors je tire latte sur latte en la toisant, réfléchissant aux coups de sagouins que les mercenaires peuvent lui faire, l’œil dans le vide, à moitié torve. Je soulève bientôt intérieurement l’éventualité que pt’et, on pourrait utiliser le palmipède pour un petit traquenard des chaumières et orchestrer un coup de filet général mais j’ai besoin de plus d’infos sur la petite troupe et je veux guère filer matière à faire du mouron pour mon alter-égo rouquaillone, elle fait la balèze physiquement pour sauver les apparences mais au fond, je suis certain que comme toutes les gonz’, y’a un cœur d’artichaut qui se cache en dessous et c’est bien mieux comme ca.

Echange de politesses et puis s’en vont,  elle se fourre dans son boulot monstre tandis que je fais machine arrière et que je regagne les ruelles sinueuses dont les murs suintent, dont les murs suppurent cette mouscaille innommable qui fait partie de moi, qui fait corps avec moi et qu’est mon foutu gagne-pain. Enquêter et chasser ouais, c’est ce que j’ai toujours fait, et je sais rien faire d’autre.
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