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Evil


Le Royaume d’XXXX.

Un territoire isolé, en bordure large de Calm Belt, qui prospérait paisiblement à l’écart des grands circuits du reste du monde.

Ici, sans surprise, les récits entourant les monstres marins allaient bon train. Ca n’était pas des légendes. Pour bon nombre de marins, il s’agissait d’un dangereux quotidien.

Pour autant…

Personne ne se serait attendu à ça.

C’était une magnifique journée. Les quelques nuages qui moutonnaient paresseusement dans le ciel servaient tout juste à égayer l’immensité bleue qui s’étendait à perte de vue. En levant les yeux, on pouvait apercevoir des nuées entières d’Albatopazes, ces incroyables oiseaux migrateurs au plumage étincelant tel de l'or. Plus bas, une colonie de Cachalions profitait tranquillement de ce début d’après midi pour prendre le soleil à la surface de l’eau. Ces imposants mammifères marins ne s’attaquaient généralement qu’aux bancs de poissons, mais l’énorme carcasse sanguinolente qui flottait non loin d’ici suggérait qu’il en avait été autrement pour l’occasion.

Ce qui nous intéressait se trouvait un peu plus loin de là, au large. C’était un grand navire arborant un pavillon noir, qui sillonnait rapidement les eaux comme si…

-Y’en a un autre !, s’écria la vigie.
-Y’en a un autre !, reprirent en chœur plusieurs marins.

Très vite, la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre sur tout le navire. Moins d’une heure plus tôt, l’Arvato avait été aux prises avec un navire de la marine mondiale. La bataille avait été brève, les pirates ayant réussi à pulvériser l’armature de leurs poursuivants d’un heureux coup de canon corrosif. Sans voiles et avec un début d’incendie à bord, les militaires avaient été contraints d’abandonner la poursuite, et d’envoyer un signal de détresse.

Et il était fort probable que le navire qui talonnait maintenant l’Arvato faisait partie de ceux qui avaient reçu ce message.

-Okay. Suggestions ?, demanda la capitaine Barbabsente à sa petite bande de conseillers.
-On leur pourrit la gueule et basta ?
-Ca, ou alors on met le turbo et on les sème.
-C’est quoi cette journée pourrie ? J’vous l’avais dit, qu’on aurait du attendre un mois avant de…
-Boah, pouffa la patronne.
-Pour info, ils ont pas l’air d’être de la marine. C’est de la milice. Des petites frappes, quoi.
-Mmmmh. Pas mal, marmonna la pirate. Et vous dîtes qu’on commence à être low sur les réserves ?
-Yup, indiqua le magasinier du navire.
-Dans le genre ?
-Presque plus de viandes, de cerv’, de papier, de sucre…
-De papier ?
-Papier toilette, précisa l’enseigne.
-QUOI ? ON VA ETRE A COURT DE PQ ET PERSONNE NE S’INQUIETE ?
-Euh…
-TOUT LE MONDE S’ACTIVE, ON VA FAIRE NOS COURSES ICI ET MAINTENANT ! ALLEZ ME LOOTER CE NAVIRE, ET QUE CA SAUTE !
-Il nous reste encore des…
-IL EST ABSOLUMENT HORS DE QUESTION QUE JE FASSE CA AVEC DES MORCEAUX DE CARTON COMME L’AUTRE FOIS ! GOOOOOOOOOOOOO !

Et c’est ainsi que…
 
*
*     *
*

Ça n'avait jamais été aussi facile, songea Barbabsente.

Dans un premier temps, les pirates avaient fait mine de vouloir prolonger leur fuite. Il leur fallait du temps pour se préparer, et ils n'avaient pas chômé.

Pendant cette dizaine de minutes, le navire de leurs poursuivants avait tout mis en œuvre pour raccourcir la distance qui les séparait. Ils n'avaient pas eu besoin d'aide pour y parvenir, d'ailleurs. Barbabsente ricana en pensant avoir prit la bonne décision. S'ils avaient véritablement tenté de prendre la fuite, dieu seul savait combien de temps les miliciens leur auraient collé aux basques.

Mais là, au contraire, les pirates avaient pu frapper un grand coup. Alors que les militaires se rapprochaient dangereusement, l'Arvato manœuvra rapidement, de sorte à basculer d'un coup pour présenter ses flancs à son ennemi. Une manœuvre presque impossible à réaliser aussi vite, et particulièrement dangereuse. Elle aurait exposé n'importe quel autre navire à un éperonnage potentiellement fatal.

Mais pas pour ce navire.

Barbabsente avait concédé de très grosses avances à son fournisseur, en plus de lui servir de factor pour récupérer les commandes de quelques clients particulièrement réticents. En échange de quoi, l'équipe d'ingénieurs chargés de la conception de l'Arvato s'était dépassée pour se procurer les bons matériaux, et satisfaire aux demandes spécifiques de sa cliente.

Les flancs de ce navire avaient été lourdement renforcés, et ne craignaient plus grand chose de ce que la nature ou les humains pouvait lui opposer.
 
Le navire des miliciens, au contraire…

Un véritable barrage d’artillerie se déversa sur le Tarmac, navire régulier de la marine du royaume d’XXXX. Les uns après les autres, les canons de l’Arvato lui crachèrent dessus. La coque du bâtiment ennemi fut partiellement éventrée, et sa proue ne tenait plus en place. Les quelques groupes de soldats regroupés en escouades sur le pont du navire furent grossièrement nettoyées par ces tirs, et si peu de miliciens furent véritablement blessés, leurs formations serrées n’en avaient pas réchappé.

Dans un second temps, c’était les tirs du mortier de l’Arvato qui fit son office. Dont notamment un boulet incendiaire, largué en plein milieu du pont ennemi, et qui affolerait très certainement les troupes adverses.

A ce stade, les forces de Barbabsente savaient qu’elles pourraient aborder le navire sans prendre de risques. Un pont mécanique s’avança, guidé par quelques acrobates doublés d’ingénieurs, et fut complété par quelques planches bien spéciales. On les doubla de grappins, arrangea le tout de cordages, et la petite bande acheva en moins d’une minute sa bien sombre besogne.

Mais la contrattaque ne tarda pas.

Contrairement à d’habitude, les militaires prirent la peine de réagir. Les pirates notèrent la différence, et l’organisation qui s’était rapidement installée dans les rangs adverses. Ceux-ci s’étaient très rapidement ressaisis après le choc initial, et avaient même rapidement resserré les rangs. Trop rapidement.

Pendant quelques minutes, les pirates furent contraints de se replier. Barbabsente envisagea même de sonner la retraite, voyant comment la situation s’enlisait.

Mais les batailles se jouaient parfois à peu de choses, et ce jour là, elle offrit à ses acrobates les dizaines de secondes qu’il fallait pour qu’ils accomplissent des miracles. Un tir de mortier précéda leur action ; bien coordonnés, les tireurs des pirates en profitèrent pour arroser le pont.  Les miliciens manquèrent de se faire pulvériser, et furent contraint de se replier le temps que le barrage de tirs s’adoucisse.

Lorsqu’ils purent enfin se rapprocher, le pont mécanique des forbans était bien en place, et la voie grande ouverte pour que les pirates continuent leur assaut.

Sans surprise, c’était des troupes de chocs qui précédèrent la ruée des malfrats. Des Bark Knights.

Bark Knight, c’était le nom d’un terrifiant équipage, qui avait écumé les mers de North Blue il y a cinquante ans de cela. La troupe s’était démarquée par son usage de combattants en armures lourdes, et rarement homogènes. Un pirate équipé à la manière d’un chevalier pouvait parfaitement côtoyer un guerrier revêtant une armure de samouraï ; chacun marquait librement de sa griffe l’aspect visuel de ses armes, dès lors que son équipement respectait la nomenclature du groupe. Leurs exactions durèrent cinq ans, avant que des dissensions en interne n’entraînent la dissolution de la petite armada qui s’était rapidement formée.

Mais ça n’avait pas sonné le glas des Bark Knights. Plutôt leurs débuts, en réalité. Ces pirates s’étaient dispersés, avaient rejoints d’autres équipages, ou monté les leurs, et bien rapidement, la vision de boucaniers en armure lourdes s’était répandue dans la frange septentrionale de North Blue.

Depuis, l’effet de mode était passé, même si l’on pouvait encore en croiser à l’occasion.

Et aujourd’hui, ces combattants allaient à nouveau démontrer que s’ils étaient appuyé par une logistique adéquate, ils restaient tout à fait à même de faire honneur à leur nom.

-Bombarde demandée : B-6, indiqua la capitaine à ses artilleurs, via escargophone. Okay les Bark, au boulot.

Barbabsente avait fini d’enfiler son armure : elle aussi emprunta le pont pour se lancer à l’attaque. Rapidement, elle gagna l’avant de sa formation, et entra au contact avec la troupe adverse. A ses yeux, les militaires n’avaient visiblement pas compris la futilité de leur combat : elle retint pour preuve le coup de sabre qui plongea droit sur elle. La pirate vit l’attaque venir, et réagit en conséquence pour esquiver l’assaut.

Dans son cas, esquiver signifiait amortir les coups en présentant les parties les plus résistantes de sa carapace de métal. Il s’agissait du torse. Car il ne suffisait pas de porter une armure en espérant qu’elle résiste aux chocs : il fallait la manier, au même titre qu’une arme.
Bien calée sur ses appuis, elle se décala légèrement sur sa droite, et absorba le coup qui ripa sur son poitrail.

C’était complètement contre-intuitif. C’était propre aux Bark Knights.

Satisfaite, la pirate tenta de riposter, mais aucune de ses cibles ne resta à portée. Elle continua donc sa progression, sans tout de suite remarquer que quelque chose clochait.

Et pourtant…

Une minute plus tard, la pirate commença à douter. Ses combattants gagnaient du terrain, et même très facilement. Mais ils n’avaient pas vraiment engagé les miliciens, qui se repliaient inlassablement, petit à petit. Ca n’était pas du tout comme ça qu’un abordage se passait normalement.

C’était trop ordonné. Trop maîtrisé. Le combat aurait du être plongé dans le chaos le plus total, tout spécialement vu l’entrée en matière qu’avaient fait les canons des pirates. Pourtant, les deux camps ne s’étaient pas encore mélangés. Il s’agissait davantage d’une succession de petites escarmouches, trop timides de la part des miliciens pour être violentes.

Et elle n’avait vu aucun gradé adverse… c’étaient généralement les meilleurs éléments des militaires. Non pas qu’elle attende grand-chose de la part d’une milice. Mais quand même.

-Lucky shot : bombarde D-5. J’ai aucune idée de ce qu’ils foutent, mais s’ils veulent jouer à ça… on va partir sur du toucher-couler.

Les artilleurs prirent note de la directive, et orientèrent le mortier sur l’arrière des positions adverses. L’énorme boulet expédié décrivit un large arc de cercle, transperçant la voilure du Tarmac sans pour autant diverger de sa trajectoire.

De là où elle était, Barbabsente n’avait aucune idée de ce qu’ils avaient pu toucher. C’était l’un des inconvénients des capitaines qui s’investissaient directement dans les affrontements. Ils étaient aux premières loges pour observer l’évolution du combat, mais n’avaient pas de recul.

Son adversaire préférait visiblement faire le contraire. Peut être plus du genre chef d’orchestre, songea-t-elle. Elle n’eut pas le temps de s’attarder en réflexions : les attaques s’écrasaient toujours sur elle, en pure perte. Elle-même avait l’impression d’agiter son arme dans le vent.

L’avantage, c’était qu’ils ne pourraient plus reculer longtemps.


Dernière édition par Sigurd Dogaku le Lun 21 Avr 2014 - 21:14, édité 3 fois (Raison : Putain d'blockquote, pas envie de me faire sucrer à la récomp' comme quoi c'est pas une mise en page harmonieuse, nan mais oh. + Optimisations diverses.)
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-EH ! OH, OH, OH, HEEEEEEEEAAAAAA !

Une voix métallisée recouvra le champ de bataille. Elle n’avait rien de digne, mais elle se rattrapait largement en termes de puissance.

-ARRETEZ CA !

Puissance artificielle. Maintenant qu’elle commençait à articuler des mots, on pouvait très distinctement reconnaître l’usage d’un porte-voix.

-PAUSE, PAUSE, STOP, POOOOOUUUUUUUUUUUUUCE !

Ces mots provenaient clairement de derrière les militaires. Probablement un porte-parole, peut être le commandant de bord lui-même. Il ne prit pas la peine de se présenter.

Voyant que les miliciens ne cherchaient toujours pas le contact, les pirates acceptèrent d’écouter un instant, et interrompirent leur marche. Sans baisser leur garde.

-D’aaaaccoooord. Donc. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, vous nous avez méchamment torpillés. On lâche l’affaire, on peut rien faire, ça sert à rien de continuer. Du coup, je dis stop. Vous pouvez partir. On vous pourchassera pas. C’est pas franchement comme si on en avait les moyens, de toute manière. Z’en dîtes quoi ? Pour le moment, personne a vraiment trop trop morflé, et ça serait vraiment sympa que ça reste le cas. Dans un sens comme dans l’autre, hein. Je dis pas qu’on a les moyens de vous retourner, bien sûr. Encore que si vous levez les…

Les miliciens, qui essayaient de négocier ?

-Bingo. Bombarde incendiaire en F-3. On va l’avoir.

Hors de question, décida Barbabsente. Dans d’autres circonstances, elle aurait très certainement accepté. En l’occurrence, elle ne se permettrait pas des pourparlers avec un militaire qui se terrait bien à l’arrière. Quand ils faisaient partie de la ligne de front, les risques étaient équilibrés. Si la situation dérapait, les représailles pouvaient être immédiates. Mais pas ici. Au fond des choses, tout cela ne tenait qu’à un seul facteur : que le gradé tienne réellement sa parole.

Un pari qu’elle ne se hasarderait jamais à prendre.

Et le boulet incandescent qui s’écrasa sur le navire retranscrit fidèlement sa réponse. La voix du commandant de la milice s’interrompit aussitôt, laissant juste échapper un juron avant de disparaître complètement.

D’un certain point de vue, elle avait fait un excellent choix. Le moral de ses troupes, déjà bien élevé, était ressorti galvanisé de cette intervention. En refusant tout compromis, les pirates affirmaient leur suprématie, en plus d’envoyer un fantastique pied-de-nez aux représentants de l’ordre. Inverser les rôles de la sorte, et écraser des militaires à ce point, c’était une satisfaction qui ne se présentait pas tous les jours.

De fait, les Bark Knights redoublèrent d’ardeur. Et la multitude de matelots qui s’avançaient à leur suite n’était pas en reste.

Ils n’allaient pas simplement remporter cette bataille : cela serait un vrai triomphe.

Mais les miliciens étaient encore loin d’être morts.

« Levez les yeux ». C’est ce qu’avait essayé de dire leur officier supérieur.

Quelques pirates l’avaient fait. Personne n’avait rien remarqué d’anormal sur les cordages et les mâts du Tarmac.

C’était normal. Ce qu’ils auraient dû chercher se situait un peu plus haut dans le ciel.  Dans les airs.

La milice d’XXXX ne disposait bien évidemment pas des moyens et des avancées technologiques de la marine mondiale. Néanmoins, elle était dotée de ses propres services d’ingénierie, parfaitement à même de développer des armements dignes de ce nom.

Et puis, il y avait les services annexes.

A ce stade, peu de monde connaissait l’existence des D.R.O.N.E. aériens. Il s’agissait de Dispositifs de Reconnaissance et d’Observation Naturels à Escargovision. En d’autres termes, des pélicans, entraînés par des maîtres-fauconniers, qui transportaient des commandos Den Den : des escargots spécialement sélectionnés et retenus après une âpre formation intensive de six mois, avec un taux de réussite qui avoisinait les 3%. Les rares éléments qui arrivaient au terme du parcours étaient déclarés aptes à participer aux opérations en situations extrêmes. Et il allait sans dire que se retrouver à une cinquantaine de mètres au-dessus du sol rentrait dans cette catégorie.

Pour certaines opérations spéciales, de plus en plus, on commençait néanmoins à remplacer le D.R.O.N.E. par un autre dispositif.

Le B.O.M.B.A.R.D.I.E.R., notamment. Il s’agissait d’un Binôme Offensif Militarisé de Bombardement Aérien Relâchant des Dispositifs Incandescents à Explosion Radiale. En d'autres termes, deux cormorans, chacun pilotés par un commando Den Den, entre lesquels était harnaché l’équivalant artisanal d’une grenade à fragmentation. Le maître fauconnier, basé au sol, transmettait ses ordres aux escargophones, qui relayaient les directives aux deux oiseaux. Pour relâcher leur explosif, les cormorans n’avaient qu’à entamer un looping, une manœuvre que pouvait supporter le mucus adhésif des deux escargots. Tout ça était un formidable travail d'équipe, une osmose incroyable entre le dresseur et ses partenaires. Préparer une unité de B.O.M.B.A.R.D.I.E.R. demandait des mois de préparation. Mais les résultats étaient à la hauteur des efforts consentis.

Et c’est très précisément pour cette raison que les miliciens n’avaient pas engagé leurs ennemis.

Une première explosion éventra les rangs des pirates. La bombe frappa en arrière de la formation des Bark Knights, au milieu des pirates les moins équipés, renversant une bonne dizaine de combattants à elle seule. Quelques uns en ressortirent grièvement blessés ; les autres furent davantage étourdis par le choc. Tous crurent bel et bien que le ciel leur tomba sur la tête. La surprise desserra les rangs, la peur abaissa les armes. Et les quatre explosions ultérieures achevèrent d’entériner ce sentiment de terreur dans le cœur des pirates. Pas un seul d’entre eux ne comprit ce qu’il se passait.

D’un coté, les explosions inattendues qui venaient tout juste d’handicaper leurs forces. Y'en aurait-il
d'autres? Non. Mais ils ne le savaient pas.
De l’autre, les miliciens, qui avaient immédiatement profité de l’occasion pour engager le combat. L’une des bombes avait balayé les Bark Knights, qui se retrouvèrent subitement en grande difficulté. Ceux qui n’avaient pas été renversés s’efforcèrent de gagner du temps pour que les autres se remettent, et leurs appuis se mobilisèrent de leur mieux pour soutenir leur position. Ils pouvaient encore y arriver.

Les miliciens le comprirent rapidement, et réagirent en conséquence. Leurs manœuvres étaient prévues d'avance, et coordonnées avec brio par toute une équipe de sous-officiers compétents.

D’un même mouvement, la ligne de front des militaires se scinda en deux, cédant de l'espace à une petite forme rouge qui s’avança rapidement. Dans le chaos où ils étaient plongés, pas un pirate ne prêta attention à l’avancée de ce soldat, vêtu d’une combinaison caoutchouteuse et d’un masque de métal. Quelques-uns remarquèrent qu’il s’agissait d’une tenue ignifugée, doublée d’un masque de soudure, mais même ceux-ci ne comprirent pas l’importance de ces détails.

Puis, lorsque cette personne actionna son lance-flammes en direction des guerriers cuirassés, le monde se figea, l'espace d'un instant, pour laisser la place à un grand univers fait d'impuissance et d'injustice.

Toute l’avant-garde des pirates se précipita en arrière. Certains écrasèrent leurs alliés, déjà au sol, et plusieurs bousculades s'ensuivirent. Rares avaient été ceux à être affectés. Mais les malheureux mordus par le souffle de flammes hurlèrent à la mort, peu importe l'étendue de leurs brûlures.

Un pirate en armure, en particulier, fut abondamment arrosé par les jets de l'instrument ravageur. Ce fut un spectacle qui passa inaperçu pour la majorité des combattants. Ceux qui le contemplèrent se sentirent mourir avec lui.

Cette fois, toute la scène fut plongée dans un chaos indescriptible. Les chocs, les cris, les éclats, les actes, le son des canons, les odeurs de fioul mêlées de chair brûlée, rien n'avait plus aucun sens.

Le chaos qu'attendait Barbabsente venait de se déclarer. A son désavantage, malheureusement. Les armements lourds étaient régulièrement utilisés pour abattre les Bark Knights, mais de là à affronter ça…

Cette fois, songea la pirate, la tendance s’était inversée.

Mais il n’appartenait qu’à elle de remettre de l’ordre dans tout ça.




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La pirate n'avait pas perdu un instant.

Même s'ils étaient affaiblis, même s'ils étaient acculés, ses Bark Knights remporteraient leur combat. Leur stratégie initiale, celle du rouleau compresseur, avait complètement échoué. Peu importe. Dans un chaos généralisé, ces combattants armoriés avaient un énorme avantage, et elle ne les voyait pas perdre aussi facilement.

Quant au lance-flammes, sa prestation n'avait été que de courte durée. Il n'avait pas fallu plus de dix secondes aux hommes de Barbabsente pour réagir, et concentrer leurs tirs sur cette cible de choix. Les autres miliciens avaient tenté de la protéger, de lui offrir une couverture, mais bien rapidement, elle en avait été réduite à se replier.

En moins d'une minute, les pirates s'étaient ressaisis, et avaient repris du terrain. Les bombardements avaient anéanti leur moral, et ruiné leur mécanique pourtant bien huilée, mais fait très peu de victimes dans l'absolu.

Avec toutes ces données en tête, la capitaine pouvait se permettre de faire cavalier seul, et de payer une petite visite à son homologue de la milice. Elle affirma sa prise sur ses armes, un duo de marteaux vieillissants, et chargea droit devant elle en hurlant.

Ses troupes de chocs suivirent son exemple, et enfoncèrent à leur tour les lignes ennemies. Ils furent pourtant bien vite arrêtés par des barricades de fortune, érigées à la hâte par les miliciens lorsqu'ils retenaient leurs ennemis.

Barbabsente, au contraire, parvint à passer au travers des défenses. Très vite, elle devint la cible prioritaire de la marée humaine qu'elle traversait au pas de course. Mais rien n'aurait pu l'arrêter. Les coups de sabre ricochaient sur ses épaulières. Aucun de ceux qui se dressaient sur son chemin ne parvenaient à la ralentir: elle les renversait tous comme de vulgaires pantins. Étrangement, personne n'osa lui tirer dessus, sûrement par peur de toucher un ami.

Finalement, elle enjamba un tireur embusqué, évita une escouade en défonçant un tas de caisses, et arriva enfin à destination. Elle le sut aussitôt.

Contrairement aux premières lignes, où les hommes s'étaient amassés à proximité des barricades, très peu de soldats étaient présents aux alentours. Il y avait encore beaucoup de miliciens, mais pratiquement tous relevaient du personnel non combattant. La majorité n'était même pas armée. Et un certain nombre s'affairait à contenir les flammes répandues par le dernier boulet incendiaire.

Et, dans ce tableau, un emplacement attira tout particulièrement son attention.

C'était une simple table, recouverte d'un grand nombre de documents divers, et sur laquelle étaient alignés pas moins de six escargophones. Trois fauteuils de cuir et quelques chaises pliables se trouvaient à proximité. Elle remarqua également quelques bouteilles de limonade, à moitié entamées, qui traînaient sur place. L'excentricité locale, sûrement.

Exactement le genre de nid dans lequel elle imaginait son petit chef d'orchestre.

Le nid était vide, néanmoins. Ça, elle ne s'y attendait pas. Le gradé avait-il fuit? Était-ce un piège? C'étaient des questions qu'elle n'avait pas le temps de se poser.

Tout sourire sous son casque, la pirate empoigna un homme au hasard, se fiant au nombre de rubans sur ses épaulettes pour déterminer la valeur de sa proie, et lui agrippa la nuque. Elle s'exprima face à tous.

-Okay les gars. Où est votre capitaine? Je lui décapsule le crâne si j'ai pas de réponse.

Quelques soldats hésitèrent à intervenir. D'autres lui répondirent aussitôt, en livrant assez de précisions pour la satisfaire.

Elle se retourna en direction de la table. D'après les miliciens, le boulet explosif avait propulsé quelques éclats sur le capitaine, et les quelques hommes qui l'assistaient. On les avait éloignés, et fait venir un médecin.

En fait, elle l'avait raté de peu, comprit-elle en libérant son otage.

Barbabsente fit demi-tour, et se dirigera vers l'endroit où son homologue était allongé. Moins en arrière, un peu plus près des combats. Un bloc de soldat s'opposa à elle. Ils ne faisaient pas le poids, et ses marteaux accomplirent leur besogne en une vingtaine de secondes. Rapidement, elle arriva à destination. La plupart des infirmiers s'écartèrent précipitamment, et tous les autres furent écartés avec juste ce qu'il fallait de violence pour qu'on la laisse tranquille.

-Bwooh. C'est ça, le patron? J'perds mon temps, là. T'es vivant?

Elle s'agenouilla devant lui, curieuse. Il était habillé en civil, un shirt bleu assorti d'une chemise rouge, par dessus laquelle il avait enfilé sa veste d'uniforme. Probablement pour essayer d'avoir l'air respectable, face aux pirates, lorsqu'ils communiqueraient.

Plutôt raté. Il n'était pas grièvement blessé, mais n'arrivait pas à se débattre pour autant. Un de ses flancs était morcelé d'éclats métalliques, et l'empêchait de faire le moindre mouvement.

Il la regardait fixement, était très clairement effrayé, mais avait trop mal pour ramper où que ce soit.

-Tss. Tu serviras à rien, toi.

Elle aurait pu le tuer. Mais c'était une erreur qu'elle n'était pas prête de commettre. Ce qu'elle avait voulu faire, c'était tout simplement priver les miliciens de leur grand coordinateur. C'était chose faîte, visiblement. Maintenant, il lui serait beaucoup plus utile vivant que mort.

Elle aurait aimé l'utiliser pour forcer ses hommes à capituler. Les miracles de la hiérarchie. Malheureusement, il lui faudrait trouver quelqu'un d'autre.

-Bon, déclara-t-elle à l'assemblée. Vous devez bien avoir un second, dans la bande. Y'a quelqu'un?

Barbabsente s'était redressée, marteaux bien en mains, et les agita devant tous.

-Je lui explose le crâne si j'ai pas ma réponse. Dix secondes.

Étrangement, personne n'osa répondre, cette fois. L'espace de quelques instants seulement.

Bien vite, on lui donna sa réponse. Il s'agissait de la jeune femme en robe longue, qui se tenait non loin de là. Celle qui tremblait de terreur, au même titre que beaucoup d'autres.

Celle qui portait le grade de commissaire, et était en charge de tout ce qui ne relevait pas du militaire.

Celle qui s'appelait Evangeline Haylor, et se sentait prête à vomir tant elle avait peur.

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-Cool, une fille ! Ça change de tous ces bonhommes. Pas trop dur, la vie?

La Bark Knight s'avança tranquillement, en direction de celle qui était désormais le centre de toutes les attentions. Haylor se sentait rétrécir à vue d'oeil, et manqua bien de vaciller à quelques reprises. Ses jambes ne la soutenaient plus vraiment. Une sensation glaciale lui transperçait les veines, alors même qu'elle se sentait bouillonner sous la tension.

C'était la peur, tout simplement. Un malaise. Elle somatisait. Ce qui était évident pour tous, même la pirate.

-Aaaaarh, t'as pas l'air du genre bien solide non plus, remarqua-t-elle en arrivant à sa hauteur. Eh bah c'est beau, la milice. Allez, on se réveeeiiille. Du nerf.

Haylor leva les bras, mais ils furent aisément repoussés par Barbabsente, qui lui enserra l'épaule. Elle tenta de la tracter à sa suite, mais la commissaire ne fit que lui tomber dessus ; suite à quoi, la pirate la redressa, et lui asséna quelques claques, dans l'espoir de la raffermir. Elle ne la frappa pas, mais n'y alla pas de main morte pour autant.

En voyant des larmes couler lentement sur le visage de son otage, la capitaine manqua de s'esclaffer. D'une voix teintée de pitié, elle reprit.

-Allez, quoi. J'aimerais que tu passes une annonce, pour moi. Si vous déposez vos armes, on vous épargnera. On est là pour faire les courses, pas pour faire un carton. Moins mes bonshommes prendront de risques, mieux ce sera. Comme les tiens, j'imagine.

La milicienne ne réagit pas. Elle ne comprenait pas. Elle n'entendait même pas. Ses oreilles bourdonnaient, et elle ne captait que le son du combat, non loin, qui se poursuivait encore. Elle était terrorisée, et aussi inutile qu'un pantin.

Pourtant, l'instinct de survie prit le dessus. Elle repoussa sauvagement Barbabsente, et tenta de prendre ses jambes à son cou. Sans succès. Cette fois, la pirate s'énerva, et la frappa d'un revers de son poing. Atteinte au visage, Haylor trébucha.

Sa tortionnaire s'avança pour la relever, mais fut distraite par une autre forme qui s'approchait d'elles.

Une forme rouge.

Elle l'avait vue peu de temps auparavant, celle-là.

La Bark Knight pivota, pour observer plus en détail le soldat au lance-flammes. Il était là, revenu pour elle. Haylor en profita pour s'éloigner.

-Eh. Ils déconnaient pas, quand ils ont dit qu'on avait besoin de moi ici, remarqua sombrement le nouvel arrivant.
-...
-...
-On a pas besoin de toi ailleurs, non plus?
-J'ai mieux à faire ici, visiblement, répliqua le soldat.

Une voix de femme. Ça expliquait la petite taille, à défaut de la silhouette brouillonne. Sa combinaison ignifuge ne permettait pas de s'en rendre facilement compte. Un vrai sac poubelle.

-Bon sang, même eux, quoi, remarqua la milicienne. Vous les attaquez. Franchement? C'est aussi utile que de tuer des cuistots. À quoi ça vous sert?
-...

Elle voulait lui faire la morale? Barbabsente sentit son humeur s'assombrir. Si personne ne lui facilitait la tâche, si tout le monde se mettait à lui faire perdre son temps, elle finirait par tous les tuer. Ça, ça serait vite expédié, au moins. À défaut d'être propre et optimal.

Elle empoigna ses armes, et fit quelques pas en direction d'une victime. N'importe laquelle ferait l'affaire, à titre d'exemple. Mais l'autre réagit bien plus vite.

-Tut tut tut. Pas bouger. J'ai un lance-flammes, signala la militaire.
-Si je te dis que j'ai tout plein de jolis otages?, retoqua l’autre, en jouant la bravade.

Sa satisfaction fut pourtant de courte durée. Lorsqu'ils entendirent ces paroles, la quasi totalité des personnes armées décidèrent de dégainer.
Dans la milice, même le personnel non combattant recevait une formation militaire. La pirate se sentit nettement moins à l'aise en comprenant cela. L'arrivée de la femme en rouge les avaient réveillé: ils se sentaient plus à l'aise, maintenant qu'elle était là. Et l’autre le remarqua tout de suite.

-Otages? Je vois surtout que j'ai plein de copains.
-Eh. Fwefefefefeh. D'accord. Un point pour toi.

Des sabres. Des pistolets. Et un lance-flammes. La pirate devinait qu'elle ne tiendrait pas vraiment si elle restait là.

Barbabsente aurait bien voulu s'élancer en direction de la commissaire, pour en refaire son otage, mais c'était trop risqué. Elle préférait retourner auprès des siens, et revenir avec plus de bras. Tant pis pour la reddition rapide.

Mais avec cette milicienne et son barbecue portatif pour lui barrer la route, ça serait difficile.

Finalement, elle opta pour une autre solution. Et fonça vers Haylor.

Tout le monde anticipa la prise d'otage, et s'élança à sa suite. Même la soudeuse.

Surtout la soudeuse, songea Barbabsente.

La pirate fit alors volte-face, avec une rapidité incroyable compte tenu de son élan et de son armure. Elle était maintenant parfaitement placée pour s'en prendre à la milicienne, qui s'approchait dangereusement d'elle.

Car la combattante au lance-flamme portait elle aussi de l'équipement lourd. Elle pouvait courir, mais pas s'arrêter si facilement. Elle était piégée.

Sentant le contact venir, elle actionna son arme. Cette fois, ça n'étaient pas des langues de flammes, mais une espèce de gelée jaunâtre qui sortit du bec de l'objet.

La pirate décida d'ignorer, et de profiter de cette chance. Elle n'avait besoin que d'un coup. Elle devinait ce qu'elle devait faire.

Son ennemie ne comprit pas tout de suite pourquoi elle s'avançait autant. Jusqu'à ce qu'elle voie la trajectoire que suivait le marteau.

C'était un coup horizontal, mais qui ne la visait pas directement. Barbabsente visait un peu derrière, ce qui se trouvait sur le dos de la milicienne.

La grosse bonbonne qui faisait à la fois office de moteur à combustion, et de réservoir à gelée. Si le marteau faisait mouche, l'équipement qu'elle portait avait de fortes chances d'exploser. Une chance sur trois, savait-elle par expérience. Ça n'était jamais beau à voir. Et elle ne voulait pas du tout prendre ce risque. Encore moins ici, au milieu d’autant de monde.

Par pur réflexe, la militaire bondit sur le coté. Le marteau manqua le moteur, mais foudroya sa porteuse.  Le choc fut terrible. Et largement suffisant pour mettre un terme à leur interaction.

La milicienne s'écrasa au sol, et ne se releva pas. Elle ne marcherait pas avant plusieurs jours, au mieux. Si elle survivait. Quelques soldats s'approchèrent rapidement pour la délester de son arme, potentiellement dangereuse, et pour la mettre à l'écart. Elle était finie.

Pour autant, sa défaite n'avait rien d'un échec.

La gelée incendiaire, l'espèce de napalm corrosif que la Bark Knight avait du traverser pour frapper, était déjà en train de faire son office. Les grumeaux enflammés rongeaient rapidement les plaques métalliques de l'armure, au point tel qu'elles ne tarderaient pas à être complètement traversées.

Barbabsente s'empressa de retirer les pièces d'armures qui avaient été exposées. Son bras droit avait supporté l'essentiel du contact : à certains endroits, c'était jusqu'aux pièces de cuir, portées en deçà des protections métalliques, qui commençaient à être creusées.

Venait ensuite l'avant de son plastron, à hauteur du sein droit. Elle arracha maladroitement la plaque correspondante, faute de temps pour retirer correctement l'ensemble.

Et enfin, son casque, qui avait lui aussi été légèrement éclaboussé. Ça n'était que quelques tâches de gelée, mais c'était tout ce qu'il fallait pour la mettre en danger.

Quelques soldats s'étaient déjà avancés. Certains avaient voulu l'empêcher de détacher son armure, dans l'espoir qu'elle finisse brûlée vive. Ils ne furent pas assez rapides, et Barbabsente les repoussa férocement. Ils revinrent à la charge, plus nombreux, et submergèrent facilement la pirate. Dans un premier temps, la Bark Knight tint bon. Après plusieurs mauvais coups, elle s'effondra à terre. C'est à ce moment là que les miliciens se jetèrent tous sur elle pour la maîtriser.

À grands coups de poings au visage, notamment. Elle se débattait violemment, mais ne pouvait plus rien faire. C’était comme lutter contre une meute de loups enragés. Elle n’avait aucune chance.

-Ne la tuez pas!, aboya une voix rauque.

Finalement, elle abandonna. Reçut plusieurs autres coups, jusqu’à ce qu’on soit sûr qu’elle soit véritablement matée. Alors seulement, on la redressa.

-Amenez là, continua Haylor.

La commissaire s'était légèrement ressaisie.

Elle n'avait eu qu'à se baisser pour mettre la main sur un pistolet à silex. Elle aussi, avait reçu sa formation militaire.

Sans son casque, la tête de Barbabsente était exposée. On pouvait voir ses magnifiques cheveux de jade, emprisonnés sous un filet à moitié défait. Son visage charcuté, maintenant recouvert de sang, de morve et de larmes, compte tenu du tabassage en règle qu'elle venait de recevoir. Et son expression distordue, une mélange de souffrance, d'appréhension et de haine, lorsqu'elle aperçu le canon de l'arme braquée sur elle.

-Vous avez de la chance. La marine mondiale nous a transmit votre signalement. C'est leur capitaine, articula distinctement la jeune femme aux autres soldats. Il faut la montrer aux pirates. Maintenant!

Haylor la tenait en joue. Mais elle ne devait absolument pas tirer. Si eux capturaient la capitaine des pirates, ils pourraient encore renverser la tendance. Il y aurait peut être une reddition. De la part des pirates, cette fois.

Il fallait faire vite.

Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il se passait sur la zone de combat principale. Ni l'expertise ou l'expérience nécessaire pour en avoir la moindre idée.

Elle espérait juste que...

-Vite, vite. Faîtes la marcher. S'ils voient qu'elle est à nous, ils arrêteront. Ils seront perdus. Sans elle.

À ses yeux, le gros des forces de ces pirates de bas étage n'étaient que de pauvres hères sans futur, des déchus du monde entier qui survivaient en se rassemblant autour d'un chef. Sans figure pour les guider, leur existence même ne serait plus qu'une incertitude en sursis. Leur meilleur choix serait de rejoindre un autre équipage, et ils auraient alors autant de chances de conserver leur train de vie que de devenir esclaves.

Non, se dit-elle. Sans Barbabsente, ils ne seraient rien. D'innombrables bandes de pirates s'étaient disloquées suite à la perte de leur chef: les exemples étaient légions. Ceux là n'avaient aucune raison de faire exception.

C'était un fait que la Bark Knight savait aussi. Elle avait compris l'idée des militaires, et ne la supportait pas. Pas eux. Pas elle. Et pas comme ça.

Il était absolument hors de question que les choses finissent ainsi.

Elle ne les laisserait pas.

Et finalement, comme une bête acculée, elle trouva dans sa haine assez d’énergie pour continuer à se battre. D’une bourrade, la Bark Knight souleva l’homme qui lui retenait le bras gauche, et le balança à terre. L’autre fut tout bonnement repoussé sur sa droite, et manqua bien de se fracasser contre le sol.

La pirate se retourna, des éclairs pleins les yeux. Elle s’élança vers Haylor, les deux bras tendus devant elle, avec la ferme intention de la prendre à la gorge. Son sang bouillonnait de rage, ses doigts brûlaient de saisir celle qu’elle voulait maintenant tuer. Elle serrerait la nuque de la jeune femme jusqu’à ce qu’elle suffoque, avec tellement de hargne qu’elle lui arracherait la tête.

Pour la commissaire, c’était beaucoup plus simple. Elle s’appliqua à viser la tête de Barbabsente, et…

Trois miliciens lui sautèrent dessus. Ils s'acharnèrent sur elle un moment, jusqu'à ce qu'elle capitule. Malgré ses élans, la bête restait sous contrôle.

Haylor retint sa respiration. Elle avait failli tirer, au risque de toucher l’un des siens. Comme pour se convaincre de ne pas le faire, elle se répéta que la capitaine leur serait plus utile vivante.

À coté de cela, elle n'avait pas la moindre envie d'épargner sa cible. Et avait toutes les raisons de la tuer. Elle en tremblait d'envie, en fait.

Le navire sur lequel ils se trouvaient, le Tarmac, n'était ni plus ni moins que la maison flottante de tout l'équipage, et ce depuis plus d'un an. Ici, tout le monde connaissait tout le monde. Les marins étaient environ deux cent cinquante à s'être embarqués sur le bâtiment. Suffisamment pour qu'ils aient à souhaiter plusieurs anniversaires chaque semaine. Et son travail à elle, la gestionnaire, était de s'assurer que tout ce monde puisse vivre convenablement au quotidien.

C'était aussi elle, qui validait systématiquement les commandes de renouvellement de stocks de fournitures médicales. Cette fois, elle les verrait passer.

C'était aussi elle, qui devrait préparer et superviser le traitement des blessés et des dépouilles par les services généraux de la milice.

Tout ce qui se passait en ce moment-même aurait d'horribles conséquences. Et ça, elle ne le leur pardonnerait pas.

Elle voulait qu’elle meure.

Elle voulait qu’ils meurent, tous.

Elle était absolument incapable de faire quoi que ce soit. Impuissante.

Et pourtant...

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A ce stade, les deux femmes se haïssaient avec suffisamment d’ardeur pour se souhaiter l'une et l'autre les pires horreurs du monde.

Ce qu’elles ignoraient, c’était que leurs vœux de mort pouvaient parfaitement être exaucés. Une oreille extérieure venait tout juste de prêter attention à leurs humeurs réciproques. A moins qu’il ne s’agisse du vacarme de la bataille, mêlé au concert des canons et de l’artillerie vrombissante, qui l'aient attirée.

Quoi qu’il en soit, c’était bel et bien une horreur qui se présenta à elles.

Un premier choc, perçu de tous, fit vibrer l’ensemble du navire. La surprise fit hésiter la plupart des acteurs du combat, sans toutefois retenir leurs bras.

Ca n’allait pas tarder.

Dans un grincement terrifiant, le Tarmac se suréleva d'une dizaine de mètres, catapulté à la verticale par une masse informe d'eau de mer qui accompagna le mouvement. Le pont mécanique des pirates se brisa net ; la majorité des marins furent renversés par le choc. Quelques uns basculèrent à la mer, et s'enfoncèrent jusqu'à leurs morts, happés par le mouvement des eaux refluées.

Le même frisson d'horreur résonna dans tous les esprits lorsque le bateau termina sa chute. Cette fois, personne ne fut prit de court, et aucun accident ne fut à déplorer.

Puis vint le vide. Le calme. Le grand rien.

Absolument rien ne se passa pendant neuf longues secondes.

D'un coté comme de l'autre, on crut que le navire commençait à couler. Chez les pirates, on savait que le mortier était  presque incapable d’endommager à ce point un navire de cette taille. Ce qui ne les rassurait pas pour autant.

À ce stade, les assaillants restèrent globalement calmes. Sur le Tarmac, ils se replièrent proprement, ce que les militaires laissèrent faire sans hésiter.

Sur l'Arvato, des consignes furent échangées avec énergie, et l'expérience des bons marins prit le dessus sur la panique passagère. La majorité des matelots se pressèrent de regagner leurs postes usuels, sans se gêner les uns les autres. Peu importe ce qui venait d'arriver, le mieux était de permettre à leurs compagnons de revenir à leur bord. On amena des passerelles de fortune, et de quoi les assembler en quelque chose de convenable.

C'est à peu près là que tous la remarquèrent. Une odeur effroyable, quelque chose qui les prit au nez, au ventre et jusque dans les tripes. Quelques uns s'arrêtèrent pour cracher, d'autres ravalèrent leur nausée. C’était une odeur de pourriture, une infection du fond des mers, de la matière organique en décomposition. Des algues, de petits organismes, mais pas seulement.

Pour la seconde fois, le Tarmac vibra violemment. Le bateau s’enfonça de plusieurs mètres, et commença doucement à se retourner. Imperceptiblement, au début. On commença à prendre peur.

Et puis, on le vit.

Le monstre.

Une immense masse spongieuse, informe et difforme, d’un noir de charbon tirant sur le vert, fut repérée à proximité de la coque du Tarmac. On ne pouvait la voir que depuis l’Arvato, et c’est bien de là que surgirent les premières exclamations. Pas vraiment poilue, pas vraiment velue, la chose avait l’allure d’une gelée géante, une pâte à la fois rugueuse et visqueuse. Ses contours étaient pourtant parfaitement discernables.

Deux protubérances, des membres, des antennes, des pinces, des tentacules ou peu importe, étaient dressées et s’échinaient à gratter contre le bâtiment des militaires. La bête continuait de secouer le navire par à-coups, sans réellement réussir à faire plus que l’incliner.

Au prix de quelques efforts, le nouvel arrivant parvint à faire vaciller le navire ; la poussée restait pourtant insuffisante, et son poids naturel fit rapidement contrepoids. Le Tarmac bascula alors dans l’autre sens, comme une balançoire, en repoussant mollement la créature marine. L’horreur flotta un peu plus loin, et tous purent alors la contempler. Le monstre était gigantesque. Moitié moins haut que la masse non immergée des deux navires, et probablement aussi large que haut. Et il ne s’agissait que de la partie discernable de la bête : personne ne pouvait deviner ce qui permettait à une telle chose de se maintenir dans l’eau.

Les canons des pirates en profitèrent pour marteler la créature des abysses, sans pouvoir l'affecter de quelque manière que ce soit. Le mortier cracha un trio de boulets incendiaires, et parvint étrangement à enflammer la surface de la bête. Le feu s'y implanta sans difficulté, sans pour autant parvenir à se propager. Le monstre marin n'y prêta pas la moindre attention, et continua à pousser sur l'autre navire.

Peut être à cause des flammes, l'odeur de mort charriée par l'abomination s'intensifia cruellement, en commençant à se charger de nuances toujours plus odieuses. Et pour cause. Cette fois, on comprit pourquoi la bête était de cette couleur noire. Il ne s'agissait pas du véritable aspect extérieur de la chose. C'était l’odeur caractéristique des algues, qui avaient poussé et prospéré à la surface de la créature, au point de la recouvrir presque entièrement.

Rapidement, on eu une meilleure compréhension de ce que pouvait être le monstre marin.

Deux autres membres émergèrent hors de l’eau, pour stabiliser la prise de l’animal sur le navire. C’était de longues pattes chitineuses, ornées de nombreuses épines, terminées par une unique griffe, le tout composant une large carapace brune partiellement articulée. Grâce à elles, le monstre pu se redresser, et révéler à tous quel était son vrai visage.

Des antennes, des mandibules, deux yeux minuscules par rapport au reste, et une gueule qui ne ressemblait à rien de normal. Un genre de crustacé géant, comprirent-ils juste avant que la créature ne reprenne son assaut.

Dans un fracas terrifiant, l’araignée de mer se jeta contre la coque du Tarmac. Le navire tout entier donna l’air d’être prit de convulsions, comme un misérable animal, déchiqueté vif par les griffes du violent prédateur. Et les craquements sinistres, ceux des appendices monstrueux qui grattaient contre la paroi, se mêlèrent aux cris des marins, peu importe leur camp.

Le combat avait instantanément prit fin avec l’arrivée de cette chose. Personne n’avait jamais rien vu de tel.

Pour la seconde fois, l’animal fut arrosé de tirs, sans réagir d’aucune façon. L’araignée des abysses se contenta de frapper la coque, à la recherche d’appuis, en donnant l’impression de vouloir simplement remuer le navire.

Elle voulait maintenant monter à bord, et s’appliquait énergiquement à le faire.

Les secousses qui en résultaient étaient intenables. Barbabsente, notamment, se retrouva rapidement les quatre fers en l’air, et eut toutes les peines du monde à se rétablir. A peine s’était-elle redressée que, déjà, l’horreur océanique basculait le navire, et la fit glisser jusqu’à elle.

La pirate hurla, essayant de son mieux de se raccrocher à quelque chose, à quelqu’un, n’importe quoi. La seule chose qui se présenta à elle était cette femme. Evangeline Haylor. Loin de la soutenir, la commissaire se retrouva tractée à sa suite. Se sentant partir dans le vide, Barbabsente finit par la lâcher, et glissa jusqu’à s’écraser sur des barres de métal. Le bastingage. Elle n’avait été retenue que par ces ridicules centimètres qui la séparaient du vide.

Elle faisait maintenant face à l’abîme. Devant cette majestueuse horreur, alors qu’elle peinait déjà à conserver son équilibre, la pirate ne parvenait même plus à articuler des pensées cohérentes.

Il ne restait qu’elle, et la peur. Une terreur universelle. Elle ne voulait pas mourir.

Pourtant, le monde continuait de tourner. Rien qu’à quelques mètres derrière elle, il y avait encore Haylor. La commissaire était partie à la renverse, elle aussi, et s’en était à peu près retrouvée au même point que Barbabsente. Elle aurait pu essayer de se réfugier plus haut, en amont du navire. Elle aurait du, d’ailleurs. Ce qu’elle allait faire ne lui ressemblait pas, mais elle n'était plus du tout en état de raisonner convenablement.

Dans un élan de furie aveuglée, Haylor se précipita vers la capitaine des pirates, pour la projeter à la mer. Elle balança tout son poids contre l’autre femme, et commença à lutter pour la renverser.

En se sentant partir dans le vide, Barbabsente devint elle aussi folle de rage. Elle était déjà aux portes de la mort, et voilà que quelqu’un s’escrimait à vouloir la tuer. La capitaine ne pouvait rien faire contre l’araignée, mais là, ça n’était qu’une grabataire abjecte qui voulait précipiter sa fin. Et qui avait toutes ses chances de le faire, par dessus le marché. Impensable. C’était une affaire de vie ou de mort, et son existence toute entière se révolta face à l’idée de finir ainsi.

Avec une énergie renouvelée, la pirate parvint à pivoter sur place. D’une main, elle s’était accrochée au bastingage. Coincée serait d’ailleurs un terme plus approprié : son bras était pris entre deux barres, orienté selon un angle inquiétant, et la tension qui s’exerçait dessus l’aurait faite hurler de douleur en toutes autres circonstances. Mais à cet instant, la hargne et la panique l’anesthésiaient complètement.

Mais ça n’était pas là son seul appui. De la main gauche, elle avait réussi à agripper la taille de sa meurtrière, Haylor.  Et maintenant, les deux femmes s’acharnaient au-dessus du néant, hurlant, grondant, frappant et griffant l’autre dans le fol espoir de pouvoir s’en tirer. Elles étaient devenues folles, frénétiques, et se débattaient comme des démones qu’on voulait placer sur l’échafaud. Elles ne voulaient pas mourir, et étaient prêtes à damner l’autre pour en réchapper.

Sans surprise, ce qui devait arriver arriva.

Ces femmes basculèrent toutes les deux dans le vide. Pour de bon.

Vers l’abime, et sa créature sans nom.

Vers la gueule béante, et sa promesse de mort.




Dernière édition par Sigurd Dogaku le Lun 21 Avr 2014 - 22:41, édité 1 fois
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C’était fini.

Mais elle n’était pas morte, étrangement.

Quelques heures s'étaient écoulées, depuis.

A son réveil, la jeune femme ne réalisa pas quelle était sa situation.

Elle se trouvait dans un état de faiblesse extrême. La mer l’avait terriblement affaiblie.

Complètement abrutie par son épuisement, elle resta simplement là, à exister, à végéter, incapable de fournir l’effort nécessaire pour émerger complètement, et laisser ses pensées reprendre leur cours.

Pendant de longues minutes, des dizaines de minutes, elle se laissa reposer de la sorte, allongée au sol. Sur cette plage de galets, de pierres qui s’enfonçaient contre son corps, dans une position terriblement inconfortable.

Petit à petit, progressivement, ses sens la rappelèrent à elle.

Elle pouvait sentir le soleil lui brûler les chairs. Elle frissonnait encore, gelée par les courants marins.
Elle était trempée, et dans le même temps, se sentait sèche et craquelée. C’était l’effet du sel, qui lui cuisinait lentement l’épiderme.
Elle avait failli se noyer. Aurait dû se noyer. Et pourtant,  n’avait jamais eu aussi soif de toute sa vie.

Mais elle n’avait pas la force, et encore moins la volonté de faire le moindre geste. Elle aurait voulu dormir, ne pas se réveiller, et paresser dans le confort de son sommeil mortuaire.

Bien malgré elle, son esprit redémarra sur cette simple pensée. Elle essaya de le lui refuser, mais ne fit que s’éveiller davantage.

C’est à ce moment précis que la réalité la rappela à elle. Ses souvenirs étaient vivaces, et un nombre incroyable de choses détestables lui envahirent la tête.

Ces dernières heures…

Cette bataille…

Ce monstre…

Cette femme…

Et ce qui s’était passé…



Ce qui s’était passé…



Rien.



Trop.



Trop, oui. Beaucoup trop. Elle aurait préféré que rien de tout ça ne puisse jamais exister.

Dans un long gémissement plaintif, elle commença à ressasser tout ce qui se bousculait dans sa tête. Elle en aurait pour des heures.

Puis, elle se lèverait. Elle prendrait sur elle de survivre, et de continuer son existence pour un bout de temps.

Un peu plus loin, au moins.

Mais pas encore. Pour l’instant, elle ne voulait plus rien, si ce n’était rester là, à terre, le plus longtemps possible. Pratiquement morte, non loin du repos éternel.

Tout juste ce qu’il lui fallait.
Après tout, elle avait encore un rôle, une chance et une destinée qui l’attendaient toutes les trois. De tout ce qui venait de se passer, rien n’était dû au hasard. Il s’agissait d’une possibilité, faible mais existante, qui finirait bien par se reproduire.

Et ça, l’énorme sillon monstrueux au sein duquel elle reposait, le grand cratère qui défigurait la vaste étendue plane de galets, en témoignait fidèlement. On pouvait encore discerner les marques, et l’odeur, des appendices monstrueux de la créature marine.

Elle n’avait pas échoué sur le rivage.

L’horreur l’y avait déposée.

Elle, qui s’appelait Savannah Barbabsente, et qui venait, pour la première fois, de croiser l’une de ses némésis.


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