Le Deal du moment : -20%
-20% sur le Lot de 2 écrans PC GIGABYTE ...
Voir le deal
429 €

Une ptite histoire...

Les balles sifflaient aux oreilles de Rei, retranché à l'intérieur de la banque de Manshon. Porte barricadée, mais criblée des impacts causés par divers projectiles. À côté de lui, un homme fort bien vétû, une sévère entaille à la cuisse gauche, ligotté. À côté de lui également, un pauvre hère en uniforme, l'un des guichetiers de l'établissement, qui gémissait, et maudissait tout à la fois Rei, le captif et son patron. Il suspendit sa complainte, le temps de lancer d'une voix brisée par la peur :

- Vous pensez qu'on va s'en sortir, dites ?

Jetant de temps à autre oeil dans la rue, Rei apercevait deux, peut-être trois assaillants. Peut-être y en avait-il d'autres embusqués sur les toits alentours. Ils s'étaient lancés dans une séance de tirs nourrie. Maintenant, ils semblaient décidés à enfoncer la porte, laquelle ne soutiendrait pas longtemps les efforts des gros bras qui approchaient. Prenant conscience de la demande du jeune employé, pourtant plus âgé que lui, Rei se retourna, le visage presque impassible, essayant de véhiculer un peu de son assurance à l'autre auquel le courage en cet instant faisait cruellement défaut.

-Ne vous en faites donc pas, la situation est sous contrôle. Faites moi confiance et tout se passera pour le mieux...

Pourtant, même Rei était obligé de le reconnaître, l'affaire s'était mal goupillée. Dommage, tout avait pourtant si bien commencé...

[...]

Un ciel démesurément bleu. Le temps serait au beau fixe, c'était la première certitude du jour. Rei l'admirait, depuis la fenêtre de la piaule, tout sauf luxueuse voire miteuse, n'en déplaise à son penchant pour le chic de manière générale, qu'il occupait à l'occasion de ce détour sur l'île de Manshon, North Blue. Il se délectait de la scène majestueuse que constituait le lever du soleil, depuis désormais une petite heure. D'abord, l'aube. Puis l'aurore. Enfin, l'étoile, brillant de mille feux, entamant son ascension. La pénombre s'en était allée vers d'autres contrées au gré des minutes, pour laisser place à un horizon radieux. S'il avait la chance de boucler sa traque aujourd'hui, la voûte céleste serait aux premières loges pour assister au dénouement de l'affaire. Pas le moindre nuage pour jouer les troubles-fêtes. Ce constat tira un sourire satisfait à Rei. Oui, c'était aujourd'hui que tout se jouerait, il en était persuadé.

Mais quelle pièce devait-il se jouer exactement ? Une arrestation. La cible ? Un pirate, évidemment. Le jeune homme traquait depuis plus d'une semaine un dénommé "Flock le gentlemen", bandit de grand chemin qui tirait son surnom non pas de la propension de ses troupes à distribuer des claques voire plus lors de ses vols et autres pillages, mais bien des costumes distingués dont il aimait se revêtir pour procéder à ses actions. Rei s'était mis en tête de mettre le grappin sur lui. Pourquoi ? Peut-être par curiosité; pour croiser un individu qui, en dépit de son statut de criminel, appréciait lui aussi de se vêtir avec élégance. Également bien entendu pour faire son devoir, mais la première raison avait une valeur prépondérante ici. Mais le forban n'était point sot et savait faire preuve d'une prudence remarquable entre deux casses. Depuis la petite dizaine de jours qu'il était sur l'affaire, Rei n'avait pas eu la moindre opportunité d'intervenir. Cependant, le génie avait trouvé une ouverture. Flock lui-même devait partir en reconnaissance dans la ville pour évaluer la situation et recueillir toutes les informations indispensables pour monter le coup iminent. Et pour l'occasion, il viendrait seul, pour ne pas que le groupe entier soit repéré et leurs projets mis à jour. Sage précaution...le rendant ainsi seul et sans escorte dans la ville même. Une occasion à ne pas manquer.

Car Flock n'avait pas repéré l'agent du Cp5 qui lui avait filé le train des jours durant, récoltant les croustillantes données dont son plan dépendait. Le plan en lui-même, quel était-il, d'ailleurs ? Il s'agissait d'intervenir avant le braquage à proprement parler, qui lui se déroulerait probablement le lendemain de l'examen préliminaire. Agir pendant que sa cible serait encore seule, procédant à l'inspection précédant l'action en elle-même. Et quel pouvait bien être l'objet de la convoitise d'un braqueur ? La banque bien sûr. La suite, comme une évidence. Cueillir le voleur avec le concours de la marine pour mettre en état d'arrestation le "gentlemen" et éviter ainsi un bain de sang. Et l'affaire serait dans le sac.

Huit heures et demi. Prêt à respecter à la lettre le schéma établi, Rei sortit de la taverne où il logeait, son identité évidemment tenue secrète de tous. Il se présenta au poste marine de Manshon. Ce n'était qu'un maigre contingent, en comparaison à la quantité de gredins qui faisaient de l'île leur terrain de jeu. Mais leur aide s'avèrerait peut-être indispensable. Rien ne devait être laissé au hasard. Le jeune agent prit donc le soin de peaufiner tous les détails avec le sergent-chef qui avait valeur d'autorité supérieure ici. Celui-ci promit à Rei de lui fournir deux hommes, en civil, qui surveilleraient la banque et ses alentours, et se tiendraient prêt à intervenir au moindre incident. Deux hommes, c'était beaucoup et si peu à la fois. L'agent s'en contenterait. Après les remerciements protocolaires qu'il ne manquait jamais d'adresser à ceux dont il était redevable, il sortit. Pour aller directement à la banque. Là où tout se jouerait. En cette heure matinale, il n'y avait pas encore foule. Seuls trois employés, lesquels ouvraient l'établissement. Ils semblèrent surpris de rencontrer un client si tôt, mais ne bronchèrent point. Rei ne leur expliqua pas en détail l'objet de sa visite, se contentant d'éconduire poliment les questions le concernant. Le jeune homme prit un siège, et s'assit. Maintenant, il ne lui restait plus "qu'à" attendre son poisson pour le pêcher.

[...]

Onze heures. Dans la salle principale, les trois guichets étaient occupés. Un bourgeois d'âge avancé au premier, une mère de famille et ses deux enfants au second, un fier aventurier au style élégant au troisième. Costume vert flash impeccable, cheveux ondulés lui tombant jusqu'aux épaules, chapeau coloré un brin tape-à-l'oeil enfoncé sur la tête. C'était lui. Flock. Rei gardait les yeux rivés sur lui. Toujours assis sur la banquette disposée contre un mur pour ne pas bloquer les files d'attente. Il guettait le bon moment pour passer à l'action, attentif aux moindres détails. Aux moindres détails comme ces nouveaux entrants. Le premier, il le reconnaissait, c'était un des marines en civil, qui se tenait prêt à intervenir lui aussi si Rei le lui demandait. Les deux autres en revanche, ne payaient pas de mine. Vêtements élimés, coiffures brouillonnes. Que venaient-il faire dans un respectable établissement ? D'où pouvaient-il bien débarquer ? Un coup d'oeil dehors. Une mauvaise troupe entière guettait à l'autre bout de l'allée. Bizarre, vous avez dit bizarre...

Et soudain, la vision.

-Non, ne me dites pas qu'ils vont... ?

Trop tard.

-Hauts les mains ! Ceci est un hold-up !

La voix était hystérique, les gestes mal assurés. Pas des professionnels, loin de là. Rei ne broncha pas. Flock non plus. Le marine sembla hésiter mais pris de surprise, se figea. Les autres furent saisis d'une peur panique. L'inexpérience des apprentis-bandits se lisait dans toutes leurs actions. Chacun des deux bougres, une pétoire dans chaque main, visa une moitié de l'auditoire.

-Personne ne bouge ou on truffe tout le monde de plomb !! Vous, les trois clampins, vous ramenez de suite tout le fric ici ! Les autres, vous vous rassemblez dans ce coin là de la pièce.

Leur stress communicatif plongea en un rien de temps la pièce dans le chaos. Le vieux noble, interdit, sembla manquer un temps d'air, puis s'évanouit. Les enfants de la citadine, terrorisés, tentèrent de s'échapper en courant vers la sortie, provoquant la colère des braqueurs. L'un d'eux fit mine de tirer. Et soudain, tout alla très vite. Le marine-civil posté à l'intérieur devança Rei et s'interposa d'un pas. Grand tort lui en prit. Il fut ajusté à bout portant par le premier braqueur, et s'écroula lourdement, une balle en plein bas-ventre. Ses cris de douleur emplirent le lieu entier. Son assassin ouvrit la bouche, pour repartir sur un nouveau flot de menaces, mais le seul son à passer ses lèvres fut un gargouilli quasi-inaudible. Coutelas fiché en pleine poitrine, il se traina sur quelques pas mal ajustés avant de s'effondrer à son tour. Ce coutelas, il partait de la main experte en la matière de Flock. Lequel faillit payer cher son intervention car deux canons pointèrent dangereusement vers sa poitrine.

-T'as tué mon frère, enfoiré, j'vais t'butteeer !!

Mais aucune détonation ne retentit. Au lieu de cela, une lame transperça en pleine poitrine le deuxième braqueur, qui, un souffle plus tard, s'en allait retrouver son frère dans l'au delà. Cette lame-ci, c'était celle du wakizashi de Rei. Les deux gêneurs morts, il se retrouvait seul face à Flock. Lequel comprit vite à la mine fermée qu'affichait le jeune agent du Cipher Pol 5 qu'il n'avait pas à faire à un simple civil.

-Ne vous avisez pas de bouger d'un pouce, vous êtes en état d'arrestation, assena Rei, avant de s'adresser à l'un des guichetiers. Cet homme n'est autre que Flock dit "le gentlemen", trouvez de quoi le ligoter je vous prie.

L'interpelé s'exécuta et disparut en arrière-boutique. Mais le pirate n'en perdit pas une once de son aplomb.

-Navré, très cher, mais vous allez devoir remettre à plus tard ce beau programme, on dirait que le reste de la famille vient nous demander des comptes...

À peine la phrase achevée, ceux des braqueurs qui avaient fait le guet dans la rue ouvraient déjà le feu sur la banque. D'un saut, Rei se projeta vers la porte de l'établissement, dont il bloqua sommairement la poignée avec une chaise. Conscient d'avoir dû quitter son homme des yeux, il se retourna promptement, prêt à parer une éventuelle attaque. La première dague qui lui était destinée vint zébrer sa hanche gauche. Rapidement suivie de sa jumelle qui avait elle sa poitrine dans le viseur. Incapable d'esquiver, Rei encaissa l'attaque en faisant valoir son entrainement au Rokushiki.

Tekkai.

La lame pénétra sur deux ou trois centimètres simplement. Blessures superficielles, rien de plus. Flock avait abattu ses cartes, il avait échoué. Mais il ne s'avoua pas vaincu pour autant, au grand regret de Rei qui aurait apprécié que son ennemi, en plus de savoir s'habiller de manière distinguée, soit aussi beau perdant. Mais c'était trop demander. Tant pis pour lui. Quand il fit mine de s'emparer d'un des pistolets reposant à côté des corps inertes des braqueurs, Rei bondit. Son wakizashi griffa une cuisse sur toute la longueur, puis vint se positionner juste devant la gorge. Un échange de regards plus loin, l'affaire était entendu.

-Alors, avez-vous pu dénicher de la corde ?

[...]

Flock neutralisé, solidement attaché, les deux premiers braqueurs morts, Rei s'enquit ensuite de l'état de santé du représentant de la Justice. Il avait déjà perdu beaucoup de sang, son état était fort préoccupant. Sans perdre son calme, le jeune homme fit se diriger les clients vers la chambre forte où étaient entreposés les fonds. Dans cette pièce blindée, tous seraient à l'abri d'une balle perdue. Il porta lui-même le blessé, peut-être même mourant, avec les autres, et tâcha de réconforter chacun de son mieux. Il fit valoir ses sommaires connaissances en médecine pour freiner la perte de sang, mais dut se rendre à l'évidence, il fallait trouver un vrai médecin d'urgence. Cependant, il ne tint pas de propos alarmistes, gardant un air apaisé. Ses douces paroles eurent le don de remettre un peu de baume au coeur de chacun.

-Excusez-moi, je dois aller faire taire ces fusils, rappela t-il en souriant presque, une fois les esprits de chacun un peu rassérénés.

[...]

Incapable de riposter pour n'être armé que de son simple wakizashi, Rei se contenta d'analyser la situation. Ce qui attira la curiosité de Flock, lequel entama la conversation. Finalement, de fil en aiguille, les deux hommes en arrivèrent à deviser de leurs préférences vestimentaires. Pour une discussion qui les absorbait totalement, à tel point que le contexte s'en trouva rejeté au second rang l'espace de quelques minutes.

-...Un ensemble n'est pas fait pour être folklorique, voyons...Il doit être de bon goût, sobre mais distingué.

-Mais on peut très bien allier élégance et couleurs chatoyantes, cher ami ! Jugez par vous même avec mon costume !

-Ah oui, parce que vous trouvez ça sérieux ? On croirait que vous partez pour Carnaval !

-Que nenni. Tenez, vous par exemple, une veste dans des tons pourpres vous irait à merveille, j'en suis persuadé !

La réplique suivante ne vint pas. Sous une salve quasi-ininterrompue, un guichetier revenait, mettant ainsi un terme aux débats. Et il était porteur de nouvelles inquiétantes. L'état du marine était très sérieux. Il nécessitait des soins au plus vite. Rei le savait pertinemment, mais il ne prit pas pour autant la peine de le faire remarquer au nouvel arrivant. Au lieu de ça, il entreprit de passer à l'action.

-Je vais sortir et créer une diversion pour vous laisser l'opportunité d'emmener le blessé chez un médecin compétent.

-Mais, comment comptez-vous faire ? On ne peut pas faire trois pas dehors sans être descendu.

-C'est un risque à prendre, au vu de la situation.

-Mais c'est terrible, vous pourriez mourir. Nous pourrions mourir ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas mourir ! Tout ça c'est de votre faute ! Et si je n'étais pas assez stupide pour accepter de faire des heures sup' aussi ! Fichu patron ! Ah, monde de merde ! Ah...euh, vous pensez qu'on va s'en sortir, dites ?

-...Ne vous en faites donc pas, la situation est sous contrôle. Faites moi confiance et tout se passera pour le mieux...

Rei, grâce à la séance de tir précédente, avait pu identifier quatre armes différentes. Soit quatre tireurs. De plus, après s'être accordé un temps d'observation, il avait pu déterminer la localisation des dits tireurs. Deux à l'autre bout de la rue, juste en face. L'un légèrement sur leur droite, dans une ruelle, et le dernier posté sur le toit. En outre, désormais deux des quatre assaillants avaient abandonné leur position pour enfoncer la porte. Probablement les deux plus proches de l'établissement. Des informations suffisantes pour passer à l'action sans attendre de renforts, puisque la situation l'imposait. Se rappelant également l'amateurisme dont avaient fait preuve les deux premiers lascars, il évalua que ses chances de triompher dépassait largement la moyenne. Moral à bloc, il bondit.

S'appuyant sur le fait que les deux individus au contact bloquaient l'axe de tir de leurs comparses, il ouvrit la porte et passa à l'assaut. Surpris, les gorilles furent maîtrisés en un fluide enchaînement qui vit le premier s'écrouler et le second réduit à l'état d'otage. Et de part sa corpulence, il proposait une parfaite protection à Rei. Devant cette situation embarrassante, et la précédente démonstration que venait de proposer un individu dont il ne connaissait rien, ce qui restait de courage aux braqueurs s'envola. Les deux prirent la fuite sans demander leur reste, abandonnant leurs compagnons à leur sort.

-Pas d'honneur chez les voleurs, hein...

C'était cependant le jour de chance des deux fuyards. Rei ayant déjà fort à faire sur place, il ne put se lancer à leur poursuite. Il se "contenta" de ligoter les deux derniers captifs, puis fit quérir au plus vite un médecin. Enfin, il confia les civils victimes de l'incident aux marines enfin arrivés sur place. Son oeuvre s'arrêtait donc là. Il put prendre la direction de la prison, pour y faire enfermer Flock, couronnant ainsi de succès sa chasse à l'homme. Pourtant, tandis qu'il repartait en direction du port, une question le taraudait. Une question dont il n'arrivait pas à se défaire. Une question de la plus haute importance.

- Indigo ? Hmm, non. Bordeaux ? Hééé...Non. Non plus... Mais alors, quelle était donc cette couleur ?