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Ô Sombrero de la Mer...

Vous auriez une. Cigarette ?
J'ai pas fumé. Depuis hier
Après celle-là, c'est sûr, j'arrête.
Ce sera la dernière
Je t'excuse pour ma. Tabatière
Qu't'as balancé c'matin en l'air
Y'en avait partout sur la caf'tière
Même. Dans le bol du marmot
T'es belle quand tu t'mets en colère
Mais je supporte pas tous tes mots
Quand tu me dis, " Ah t'en es fier ?
L'tabac c'est l'pire de tous les maux
Tu vas te ressaisir. J'espère
Avant de t'chopper, un cancer
Tu vas te ressaisir, salaud
Avant de finir à l'hosto "


Vous me servez une, petite bière ?
J'en ai pas. Bu de la s'maine
Parait qu'ça doit être, la dernière.
On va voir où elle me mène
Et si c'est loin, qu'à cela n'tienne
Moi. J'suis venu en moto
Tu dis que j'fais encore des miennes.
Tu trouves que je bois trop
Pourtant, j'ai juste envie de fuir
D'abandonner mon quotidien
D'enfiler un blouson de cuir
De tracer ma route en vaurien
Et je t'entends encore me dire
" Arrête de boire, fais une pause
Va passer ton permis d'conduire
Freine. Avant d'atteindre la cyrrhose "


Est-ce que je veux d'une. cigarette ?
Oui mais. j'dois pas rentrer trop tard
C'est dit la bière, demain j'arrête
'fin. Je s'rai peut-être en r'tard
De toute façon j'ai pas d'briquet
Je l'ai balancé par la f'nêtre
Venez tous je paye ma tournée
Hé. Je crois que j'perds la tête
Mais. Vous auriez une cigarette ?
Mon verre est vide comme un vieux vase
J'trouve plus mes clefs, j'vois pas net
C'est. L'extase ou les métastases
Mais c'est promis demain j'arrête
Je dis ça, c'est pas qu'une bête phrase
J'veux juste une dernière cigarette
Et d'mon passé j'fais table rase... et de mon passé j'fais table rase.



Merci encore, m'sieurs dames, merci ! J'espère que vous aimez écouter les bonnes chansons de Eustache Ier ! Ouais, je sais, il pleut, il fait gris et il fait froid, mais j'vous f'rai remarquer que lorsqu'il pleut, ben y fait souvent gris alors ça fait déjà un problème de moins, pas vrai ? Et puis, ça fait trois jours qu'il flotte, vous étiez prévenus que ça allait continuer, non ?

Alors qu'est-ce que ça change... ? Ça change que si vous en avez vraiment quelque chose à fiche de la pluie, mon bon m'sieur, vous faites comme la gentille dame là-bas, vous prenez un parapluie. Ça change que si elle vous embêtait vraiment, cette drache, vous auriez fait comme l'autre jeune qu'on a vu partir un peu plus tôt s'abriter en courant et en dressant bien haut le col de son manteau. Et ça change que, si vous faites rien de tout ça, c'est que dans le fond, la pluie vous dérange pas vraiment alors faut pas s'en plaindre. Y'a suffisamment de vrais problèmes qui nous arrivent tous les jours sans en plus s'attacher à s'en rajouter là où il n'y en a pas. Et puis, vous savez, y'a des tas d'gens qui rêveraient d'une bonne averse. Tenez, pas plus tard que l'autre jour, j'ai rencontré un malandrin originaire d'Alabasta. Un loubard sympa comme tout, il avait un perroquet qui s'appelait Burt et un tricorne à moitié bouffé par le temps et les mites. Beh là-bas, de là où il vient, c'est douze jours de pluie dans l'année, le tarif. Z'imaginez quand elle se pointe ? St'une célébration, une ôde à la vie et à la nature.

C'est parce que... ? Ils ont pas l'habitude ? Certes, certes. Mais voyez-vous, la beauté réside dans tout un tas de choses, chère madame; un arbre, une fleur, le vent, les nuages... et le plus grave, c'est de ne pas se rendre compte qu'on la côtoie au quotidien. Elle devient normale, cette beauté, presque dérangeante parfois. On l'admet comme étant là, on en est plutôt content mais le pouvoir de la rengaine fait qu'on ne lui accorde plus l'attention qu'elle mérite. C'est comme avec les gens. Sous prétexte qu'on se voit tous les jours, on s'échange plus de compliments, on se rappelle plus qu'on s'apprécie, on laisse mourir à petit feu toutes ces bulles d'amour et de joie de vivre qui ne demandaient qu'à s'épanouir encore. C'est bien dommage, vous croyez pas ?

Mais j'vais arrêter de vous bassiner avec des remarques, c'est pas ce qu'on a envie d'entendre d'un artiste des rues, pas vrai ? Offrir un conseil, c'est le devoir de chacun, se montrer moralisateur, s'autoriser à juger autrui, personne ne devrait se le permettre. Alors j'coupe court aux remarques intempestives. De toute façon, c'est pas pour m'entendre baver ma complainte que vous vous êtes arrêtés si nombreux. Oui, vous êtes six je sais, mais moi, ça me suffit. Si je peux donner un sourire à six personnes, j'en aurai déjà fait beaucoup aujourd'hui. Bien plus que pas mal de gens.

Bon, je sais qu'c'est la nouvelle année, et croyez-moi, j'voulais écrire rien que des sons joyeux pour célébrer ça. Quelque chose qui suscite de la chaleur humaine et du sourire, parce qu'on a tous des êtres chers auxquels on veut en communiquer. Mais j'sais pas, j'ai laissé flirter mes méninges avec les suggestions qui m'traversaient l'esprit pendant toute la journée, et ça donnait pas le résultat voulu. Je me suis retrouvé à gribouiller des choses plus engagées. Et finalement, je me suis rendu compte que c'était aussi bien, parce que l'Art sans motivation, l'Art pour l'Art, parfois, ça laisse un goût d'inachevé en bouche. Alors mille excuses de vous imposer un message derrière la mélodie qui suit, mais rassurez-vous, vous pouvez tout aussi bien vous contenter d'apprécier les tonalités sous vous attacher à adhérer au fond du message si d'aventure vous le désapprouviez. Vous rentrerez passer le réveillon avec vos proches bien vite, vous avez peut-être préparé un repas spécial pour l'occasion, et je ne vais pas faire s'impatienter vos convives qui regretteraient votre manque de ponctualité. J'espère simplement que mes chansons vous toucheront. Oh, juste un peu, pas beaucoup non. Un peu c'est déjà bien et... oui, assez parlé, vous avez raison; j'en vois qui s'impatientent...



Il ramène les pieds sur terre, ceux qui ont voulu s'envoler
Il les balance dans la misère, la gueule ouverte, les poings liés
Et quand il finit son service, il rejoint son pâle destin
Il noie ses vices, dans les sévices, qu'il fait subir au quotidien

Il va charmer dans la bouteille, sa haine de ses congénères
Y'a que dans les brumes de vermeil, qu'il peut contenter sa colère
Son âme est morte, son cœur de pierre, et pendant qu'les sanglots s'endorment
Lui il marche, flingue en bandoulière, une belle charogne dans son uniforme


À vot' bon cœur messieurs dames... !


Ça fait longtemps qu'il sourit plus, qu'il a pas l'vé les yeux au ciel
Il squatte la zone, le bitume, la rue, il est libre d'y cracher son fiel
Le monde lui vomit à la gueule, de faire appliquer ces sombres lois
Mais il s'en fout, d'être tout seul, il touche sa paye en fin de mois

En l'être humain, il veut pas croire, il est trop lâche pour faire confiance
Il va de bavure en déboire, mais il craint pas trop la potence
Chaque soldat manie poudre et fer, faire une bévue, c'est dans les normes
Alors il marche, flingue en bandoulière, une belle charogne dans son uniforme


Merci monsieur, au revoir, et une bonne année à vous !


Il fait pas ça par conviction, il en a pas, il est trop bête
Tout c'qu'il lui faut c'est de l'action, et ne pas se servir d'sa tête
Le grand système des corrompus, l'enrichit pour de la violence
Il est leur catin, rien de plus, et il croit faire partie d'Byzance

Mais quand viendra sa dernière heure, quand le peuple se soulèvera
Pour lui faire payer ses horreurs, ils l'abandonneront, les bourgeois
Il diront juste : " C'est moche la guerre, trouvez lui un remplaçant conforme
Un qui marchera, flingue en bandoulière, une belle charogne dans son uniforme.



Ah ben... Faut croire que l'air était trop acidulé pour l'ouïe des gens sans histoires. Il reste plus qu'vous mon bon messire. Je suppose que c'est déjà bien. Ouh, et le vent se lève, il va faire froid d'ici peu, on dirait, je ferais peut-être mieux d'aller me planquer autre part.

Mais dites moi, avant qu'on se quitte, c'est pour quoi, ce masque ? On fête la nouvelle année, ce soir, pas le Carnaval. Oh, pas que ça m'importe vraiment, tant qu'il y a un bon prétexte pour amener les gens à se rassembler et à se dire des belles choses, c'est l'essentiel, vous n'croyez pas ? Mais ça m'intrigue. C'est quoi votre histoire ?
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J’frappe dans mes mains. Sept fois. Moins ça aurait été simplement par politesse. Plus, ça aurait été afficher clairement mes opinions. C’est une bien jolie chanson qu’tu viens d’nous servir là. Mais d’toute évidence, les gens l’aiment bien cette charogne en uniforme, ils n’aiment pas trop qu’un « m’sieur tout l’monde » viennent lui casser du sucre sur l’dos. Dis-toi bien qu’sans lui, ils sauraient plus à qui graisser la patte. Au fait, j’espère qu’ça t’vexe pas. T’es un « m’sieur tout l’monde » après tout. Comme tout l’monde. Nan, vraiment, c’était sympa. Allez viens, j’te paye un coup. J’pourrais t’filer du fric pour la performance, mais j’sais qu’tu viendrais l’claquer là, t’payer une bonne binouze alors autant gagner du temps. Une binouze ? Une binouze. A la tienne, va.

Ce masque ? Quel masque ? C’est mon apparence normale. Certes, il est important d’vouloir savoir ce qui s’cache derrière les choses et d’pas accepter comme vérité absolue tout ce qu’on nous place bien en évidence devant les yeux. Mais la personne qui se cache en dessous d’ce masque, ce n’est pas la personne à qui tu es en train d’parler alors pourquoi s’en soucier ? Cette personne n’existe même plus. Oui, physiquement seulement. Et encore, on partage cette existence physique en deux, tu vois l’tableau ? Ce masque est neutre, oui, pas de sourire, pas de grimace, pas d’émotion, sinon, je devrais changer d’masque à chaque situation et c’serait légèrement handicapant. Quoi qu’il en soit, c’est ce masque qui est connu, ce masque qui sert de symbole et ce masque qui est reconnu dans la rue par ceux qui traînent dans les mêmes eaux que moi. Alors… Peut-on dire dans ces conditions que j’en porte un ? Je m’pose la question. Un masque, ça sert à se cacher, non ? Pourtant moi, pour disparaître, il suffirait que je le retire.

Enfin, on va pas passer la soirée là-dessus, hein ? T’as une vision du monde plutôt sympa, même si tu m’sembles un peu perché, les pieds bien en l’air et la tête sur terre. C’est une image hein, j’vois bien qu’t’es à l’endroit. Mais malheureusement, c’est ce petit côté « déconnecté » qui t’empêche d’approfondir cette pensée fugace qu’a cogné quelques neurones, qui les a collés ensemble et qu’a abouti à cette chanson. L’idée qui plane, omniprésente, mais ignorée de tous parce qu’elle dérange. C’est l’idée que quelque chose ne tourne pas rond dans notre vie. Tu peux t’dire que c’est l’climat qui rend morose, que c’est d’la parano, qu’ça va passer, qu’c’est un coup de mou, un coup d’blues ou un coup d’cafard. Mais ça n’reste qu’un coup. Et pourtant… Non. Quelque chose cloche. Tu ne t'es jamais posé la question?
    M'en pose des tas des questions, man. Surtout devant une petite binche. La bonne idée que t'as eue de m'en offrir une. Une seule ? À voir, m'est avis qu'on va tailler le bout de gras un chemin, ce soir. Déjà, on est bien posés dans c'petit troquet, tu connais tes adresses, toi, c'est bien. Et en plus, n'est-ce pas la parfaite soirée pour parler aux inconnus ? Un réveillon, ça doit illuminer, ça doit briller au fond des iris et embraser d'un crépitement douillet tout l'intérieur du corps. Tout ce monde dans les rues, les bars ou les chaumières, un peu grisé par l'atmosphère de liesse qui embaume chaque bulle d'air autour de nous, ça incite à distribuer des capsules de bonne humeur, à partager avec ses semblables quelque chose de vrai, de chaud et doux. C'est l'occasion idéale pour quelque chose d'inhabituel, de surprenant, d'imprévu parce qu'on est dans le parfait état d'esprit pour savoir retirer de la scène unique que l'on vivra toute la sève dont il faut se nourrir pour sourire demain aussi. Toujours plus facile de toucher les gens quand ils sont dans les bonnes dispositions pour jouer avec toi. Pour partager un tour de valse.

    Tout ça pour dire, on est bien mis, quoi.

    Après, c'est vrai, parfois, y'a l'cafard. Je le vois sur ton masque. Si comme tu le dis, tu ne t'en sépares jamais, il est devenu ton visage. Il a forcément les mêmes attributs qu'un autre pour qui saura l'observer finement. Savais-tu que le visage se scinde en deux parties distinctes ? La première offre toujours à voir ce que l'on veut montrer aux gens; de l'assurance, de la bonne humeur, du charme. La seconde, elle, renferme tout ce qui ne doit pas remonter à la surface; la peur, la colère, l'appréhension. Nous avons tous tendance à vouloir renvoyer une image donnée de nous, qui serait une vérité embellie, une réalité améliorée, mais on ne peut se tromper soi-même. Toutes ces émotions que l'on contient, que l'on bride, elles restent tapies au premier abord, mais il faut bien qu'elles aillent quelque part. Alors elles se manifestent à celui qui a la sagesse et la bonté de regarder les gens pour ce qu'ils sont vraiment, conscients que c'est dans leur nature propre, dans cette sincérité timide, enfouie qu'ils sont les plus beaux. Et moi, je me dis que ton masque renvoie beaucoup, et que, plus qu'à son heure, il doit traverser les averses. Mais c'est aussi la magie de la vie.

    Y'a parfois de gros nuages partout dans la tête et nos paupières refusent de s'ouvrir de peur d'être agressées par un monde trop triste. On en vient souvent à regretter ce monde trop autoritaire, tu tombes en déréliction devant ces gens austères, ces mines graves, ces lois rigides. Mais il faut réagir, lutter contre cette peine à sa façon. Moi, quand c'est trop dur de regarder et ne rien dire, j'écris. Les mots, ils savent caresser l'âme des gens, c'est pour ça qu'il est précieux de savoir les manier; pour permettre au langage de rayonner, pour à la fois le mettre en valeur et faire vibrer une corde sensible chez celui qui s'ouvrira à lui. C'est une forme de reconnaissance nourricière. Seulement, tu as parfois le sentiment de ne pas arriver à des résultats probants comme ça, tu vois de quoi j'parle ? L'audience n'est pas sur la même longueur d'onde. Toi, tu as trouvé cet exutoire qui laisse filtrer ton ressenti, qui te soulage de tes peines et tu as envie de faire profiter les autres, pour faire se résorber la boule qui les étreint chaque matin et les tient éloignés d'un bien-être entier. Mais eux, ils se ferment. C'est pas facile de tenter de les apprivoiser, les humains. C'est l'animal le plus farouche peut-être. Faire la différence, c'est pour les pionniers de l'esprit, pour les aventuriers du cœur et des songes, ceux qui veulent offrir un peu de chaleur partout autour d'eux. Les altruistes. Ceux-là savent qu'il y a des jours meilleurs derrière les orages, comme ils savent très bien que certains jours n'arriveront jamais. Alors, oui, c'est dur. Mais c'est là leur force : ils persistent malgré tout.

    Le tout, c'est d'adopter la bonne méthode. De mon côté, j'sais bien, j'dois encore peaufiner quelques détails. Déjà, parce que c'est la remise en question perpétuelle qui fait avancer, et en plus parce que, je veux toujours atteindre plus les gens. Pour le moment, je dispense des mots, et pas n'importe lesquels. Des mots qu'je choisis avec soin, que je crois justes, des mots que je sens à même de faire réfléchir. Mais les mots, beh, ça doit transcender les actes. Alors, devant le bordel des ports, le marasme des bidonvilles ou la crasse d'une poignée de mains trop propres, ça m'arrive encore de rester figé parce qu'indécis sur l'attitude adéquate pour répondre à ce que la Vie me montre. Pourtant crois-moi, mes pensées sont le fruit d'une réflexion poussée. Constante, épanouie. Aboutie, oui, parachevée, non, personne ne peut prétendre avoir complété entièrement son raisonnement. Admettre que l'on a trouvé une position, et s'y tenir pour la défendre sans jamais la travailler, c'est le début de la fin. Attention, des certitudes c'est bien pour avoir une base et monter des piloris, manière de pas se retrouver les pieds dans la gadoue trop vite, mais après... c'est un jeu de pistes. Y'a des points de passage à rallier, d'autres dont il faut découvrir l'emplacement sans boussole ni étoile comme guide. Juste l'esprit. Alors, je vagabonde, et j'avance dans ces flux pour trouver la bonne partition. Et le plus souvent, j'y arrive. Il manque juste la manifestation gestuelle qui reflètera ma pensée, la portera au firmament. C'est ça l'truc.

    Le challenge a changé. Il faut trouver à lui associer le bon partenaire de tango, à cette partition, pour donner une représentation qui claque. La bonne intervention, associée à la bonne motivation. C'est ça, l'plan. Il se façonne au gré des jours, des rires, des pleurs, du soleil et de la pluie. Patiemment. Délicatement.

    Si ton masque souffre de ne pas assez aimer ce qu'il voit du monde, il devrait chercher le sourire ailleurs. C'est dans ce qui se trouve derrière les choses trop visibles qu'on nous jette à la face qu'on entrevoit les réponses. Elles sont là, toutes belles, tout accueillantes. La révélation, l'angle d'approche, la détermination pour aboutir à la résolution d'un problème. Toutes ces petites choses-là.

    Et crois-moi, pour se caler sur la bonne vibration, la picole, ça aide un max. D'ailleurs, on parle, on parle, mais les verres sont vides. La prochaine est pour moi. J'vais chercher le ravitaillement, et tu m'dis c'que tu penses de tout ça, toi. J'suis curieux d'entendre ta recette face aux emmerdes et pour avancer dans la vie.
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    J’dis pas non à une autre tournée, ce s’rait malpoli et c’est pas mon genre de vexer ceux que j’viens à peine de rencontrer. Pas la peine de trinquer, j’me méfie de mes ennemis, d’mes amis plus encore mais pas des inconnus. Et ça m’perdras, pas d’doutes là-dessus. Mais qu’est-ce que tu veux ? Il faut bien faire confiance à quelqu’un sinon on vire dans la paranoïa et qu’elle soit légitime ou non, c’est jamais bon pour le karma d’avoir une étiquette accrochée au front avec un nom de maladie mentale écrite dessus. Enfin… Maladie mentale…

    T’as r’marqué le nombre de maladie mentale qu’on connait ? Névrosé, autiste, paranoïaque, pervers, psychopathe… Tant de mots bien définis pour une notion aussi abstraite que la folie. Comme si un psychisme pouvait être rangé dans une case. Alors que les limites de la folie, personne ne les connait. Mis à part ceux qui les franchisse. Moi-même, suis-je fou ? C’est possible. Tout dépend d’à qui on pose la question. Certains te diront que oui. Quelqu’un qui passe sa vie à s’cacher, à s’dissimuler pour fomenter des plans qui mettent en péril l’équilibre mondial tout entier et qui pourrait bouleverser radicalement tout l’système mis en place depuis des siècles n’doit pas avoir toute sa tête. C’est vrai. Mais d’autres te diront que celui qui s’élève face à l’oppression du pouvoir en place pour faire valoir ses droits en tant qu’être humain à la liberté de penser et d’agir comme bon lui semble est un héros. Et si tu m’demande à moi, j’te dirais que j’suis simplement un homme libre. Libre dans sa tête et qui veut l’être de tout son corps et de toute son âme.

    Toi, t’essayes de faire passer des messages par tes chansons, par tes textes en manipulant les lettres pour former des mots, manipulant les mots pour former des phrases et manipulant les phrases pour mettre des claques dans la gueule. Sacrée responsabilité qu’tu t’es foutu sur les épaules, là. Réveiller les consciences ? Faire en sorte de foutre du baume au cœur du mec lambda ? J’te souhaite tout le succès du monde mais j’vais pas t’mentir, j’y crois pas. Parce qu’il y a un truc que t’as pas bien saisi. J’crois pas détenir la vérité absolue, hein, j’te donne mon point d’vue. Toi t’es jeune, t’as une belle gueule et t’es positif. Moi j’ai roulé ma bosse dans l’milieu comme on dit et ça fait bien longtemps que j’ai jeté au rebut mes illusions. Le truc c’est qu’les gens, ils n’sont pas malheureux ! Ils ont leurs petites vies, leurs petites habitudes, quand ils ont un souci, la Marine les aide en général et ça leur suffit. Alors du coup, tes chansons, aussi bien écrites, aussi parfaites qu’elles soient, ils ne voudront simplement pas les écouter. Tu connais l’expression « Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre » ? Et ben regarde autour de toi et tu verras que c’est une vérité universelle. Je suis l’seul à être resté. Parce que j’ai envie d’entendre, moi. Entendre que je n’suis pas le seul à entendre ce que j’entends. J’aime les répétitions. Ca marque bien l’intensité du propos.

    Tu dis qu’mon masque n’aime pas ce qu’il voit. Qu’il devrait regarder derrière les choses. Mais que faire quand c’est justement ce qu’il y a derrière qui lui déplait ? Continuer à regarder droit devant, se mettre des œillères comme tous les autres et faire semblant de ne pas savoir ? Regarder les beaux tableaux sur les murs, s’extasier sur le parquet du salon et sur le confort des fauteuils et ignorer la puanteur qui se dégage de la cave ? Clouer la porte, la verrouiller et avaler la clef pour être certain de ne jamais voir les cadavres entassés de ceux qui ont construit la bâtisse ?

    Si j’avais pas peur de faire un anachronisme dégueulasse, j’te dirais bien qu’la plupart des gens préfèrent prendre la pilule bleue. Mais j’le ferais pas. C’est pour ça que tu devrais faire attention avec les convictions. Tu te créés des bases, les fondations même de ta vie et tout repose dessus. Et un jour, tu te rends compte que t’as posé tes fondations dans une fosse à purin et tout se pète la gueule en emportant tout sur son passage. Le jour où j’ai pris conscience du problème de fond, du véritable problème, c’est comme si mon âme avait été retirée de mon corps et que je regardais le monde, les gens et même ma propre existence d’un point de vue totalement extérieur. J’étais là, mais je n’appartenais pas à cette société. Avec le recul j’ai alors pu voir ce qui se cache derrière les belles images que l’on voit tous les jours, derrière le décor en carton qui constitue le spectacle de la vie, les marionnettistes qui usent de tout leur talent pour créer le monde de leurs rêves. Alors j’ai mis ce masque. Et j’ai cessé d’exister. Et cela n’a rien changé.

    C’est seulement à partir de là que j’ai pu commencer à travailler pour améliorer les choses. Rendre les choses justes. Pas pour moi. Pas pour les gens. Pour que le monde soit en adéquation avec sa vraie nature. Pourquoi certains décident et d’autres obéissent ? De quel droit ? Selon qui ? Selon eux, oui, c’est vrai. Mais qui leur a donné le droit de décider qui décide ? Héhé, encore eux. Le serpent se mord tellement la queue qu’au bout d’un moment ça touchera sa glotte et il vomira. Tu peux me croire.

    Patron, la même chose.
      Arf, elle fait un peu soupe à la grimace, ta recette, l'ami. J'me doutais qu't'aurais pas un sort miracle pour tout régler mais de c'que tu m'en racontes, ça m'a pas l'air facile tous les jours de sauver le monde derrière ce faciès rigide et impersonnel. Rassure-moi, y'a du progrès depuis que tu t'es mis au turbin ? Ou t'es un comme moi, qui continue d'alimenter la boite à magie avant tout parce que ça l'aide à se sentir bien ? Vrai qu'il faut pas perdre de vue un point, on est altruiste souvent car on y trouve une certaine chaleur, dans cette conduite, et le baume pour apaiser les coups de blues. Et c'est très bien ainsi. Ça rend peut-être la motivation moins noble, pas d'élan complètement désintéressé et purement humaniste, mais justement, c'est dans la quête que l'on se révèle grand, et dans les efforts consentis que l'on se montre fort. Personne ne pourra reprocher la démarche.

      Moi, j'me demande souvent à partir de quel moment tu en arrives à être assez détaché de ta propre personne pour dire : je fais le bien pour le bien. Tu captes le deal ? Est-ce même possible d'atteindre cet état là ? Le détachement de soi qui permet de se focaliser totalement sur les autres pour mieux les supporter, les encourager, les guérir. Plein de questions dont il est déjà 'chement délicat de cerner le véritable poids. Une autre qui m'taraude pas qu'un peu, c'est : à partir de quel moment peut-on s'estimer satisfait de son action ? Est-ce la débauche d'énergie qui fait office de critère clef, ou la portée ? Un mélange des deux ou peut-être quelque chose de complètement différent ? Hm. Compliqué, compliqué tout ça ... Y m'faut une autre bière. J'reviens.

      ...

      Bon, en fait, j'en ai profité pour aller pisser un coup. Vlà ta binouze. T'inquiète, j'me suis lavé les pognes entre temps. Santé. Glou. Glou.

      T'sais, j'me dis qu'il n'y a pas forcément de bonne ou de mauvaise méthode. Et qu'il sert pas à grand chose de trop cogiter sur le comment. Tant que tu as le pourquoi, t'es dans le bon. Pour le reste, y'a juste des façons d'agir qui peuvent voir à se situer les unes par rapport aux autres justement parce qu'elles sont plusieurs. Et ensuite, c'est plus question d'accroche. T'as le tempérament pour, tu arpentes les campagnes et tu lèves un poing frondeur pour défendre la veuve et l'orphelin. T'es plus dans l'réfléchi, tu échafaudes des plans, plus dans l'social, tu brasses les foules et distribues des poignées de main. Tout ça, tu vois l'délire ? Là où j'veux en venir, c'est : j'pense pas qu'une approche ait fondamentalement plus d'impact qu'une autre. De la même manière qu'il y a plusieurs formes d'acteurs, il y a plusieurs profils de public. Certains seront plus sensibles à une démarche, d'autres à une autre... Et ouais ce soir, j'ai pris un vent monumental avec ma gratte, mais c'est simplement que je suis pas tombé sur les bons électrons. Ceux-là étaient plus du genre indifférent. Qu'à cela ne tienne, j'recommencerai plus loin demain, et ça s'passera mieux. Et si pas demain, alors ce sera le jour d'après.

      Le truc primordial, c'est d'avoir cette persévérance pour porter ses convictions à bout de bras. Même quand t'en chopes des crampes. On est bien trop nombreux pour ne pas faire une différence, à son échelle, si on s'investit, si on se livre sans réserve pour défendre ses idées. Y'a forcément plein de gens ici, là-bas, ailleurs, qui sauront se retrouver dans mes textes. Suffit que j'aille à leur rencontre.

      Glou. Glou. Aaah'.

      Et toi alors, dans les grandes lignes, ça marche comment pour toi ? Moi, je chante, nuits et jours, et j'picole. Mais toi, tu fais quoi hein ? Tu montes de la manif' populiste ? Tu pars au front armé de ton courage et d'un brin d'paille ? C'est quoi ton quotidien ? T'es plutôt du genre à tourner des jolies phrases qui évitent soigneusement le concret, on dirait mon coco, mais j'ai vu clair dans ton jeu.

      Allez, passe à table, Eustache Ier est tout ouïe. Et omets pas les p'tis détails. J'aime bien les p'tis détails cocasses. Toute façon, la fermeture dans c'rade, c'est pas avant l'aube, on est pas pressés, pas vrai ?
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      La binouze qui fait du bien. Et la pause pour s’refaire un neuf mental. S’vider la pinte sur un bar, toucher le bois tout seul ça permet de poser les choses. Tu t’demandes d’où je viens, ce que je fais. Y’a pas trente-six solutions, et c’est toujours la même histoire. Un gusse qui fait des choix, d’autres qui les assument. Ainsi va l’monde, ainsi va la misère. Mais la discussion est bienvenue, prendre le gris a tendance à griser l’moral.

      Tout savoir, c’est se couler du plomb à la place de la gnôle, ça fait pas du bien. Les manifs, les cassages de vitrine s’pour les pognes des p’tits bleus ça. Battre le fer quand il est chaud, foutre la cargaison de mouettes à la cave. Les mouettes sales, celles qui sentent bon le guano et le sang chaud. Bah, y’a pas de raison d’avoir des remords : faut avoir les chaloupes de le dire, et d’le faire. S’comme une chanson qui vaut le coup d’être écoutée.

      Et ça y’avait pas grand monde pour sourire à tes rimes salées. Toi tu chantes, y’en a d’autres qui hurlent. C’est pour ça qu’il en faut aux pognes qui sentent elles aussi le sang chaud. Parce qu’une chanson, c’est le premier pas. Après t’as le changement, t’as … plein de mots et d’notions plutôt vagues. Tu la sens la métaphore nautique ? Ouaip : l’eau salé et le vomi. Tout pareil. Par moment tu sais pas trop de quoi est faite la tasse que tu bois. Mais ah, ça c’est la binouze qui parle. Qui fait tourner la tête, qui m’chavire le masque en l’en faire faire des saloperies.

      Des détails, y’en a toujours. Des croustillants comme les cailloux qu’un bagnard peut gratter ou l’son d’une mouette qui s’écrase sur un rocher y’en a moins. C’est d’être timbré d’penser que faut avoir les mains propres pour trier les ordures.

      Mais j’te retourne la politesse car ça s’fait pas de parler autant sur soi. Un peu d’modestie, mais pas un zeste de méfiance. Camarade de beuverie, c’est un rite sacré. Les piliers se soutiennent et le devoir est d’écouter ses comparses. Ainsi donc, s’ton tour : quelle verve animait cet auguste langue ? Ce qui est drôle dans les métaphores c’est qu’on en comprend pas le sens nous-mêmes. On est que des hommes, amigo, et toi t’en es un à quel point ? T’as les chaloupes bien pendues ?

      Oh, et puis moi aussi j’aime les détails. Les détails qui sentent bon le guano et le sang chaud.
        Quand on s'envoie dans la carcasse c'que je prends plus que de raison, y'a intérêt à les avoir bien accrochées, je te le garantis man. Mon système immunitaire a été éduqué à la spartiate et à l'indigeste, l'est aussi résistant qu'un ténia. Mais c'est sans doute pas ça qui t'intéresse vraiment, pas vrai ? Héhé.

        Nan plus sérieusement... glou glou... à ma façon, j'suis un indécrottable battant. J'persiste dans ma Voie, j'zappe les appels de phare des sirènes - ouais, moi aussi j'fais du jeu de mots tordant à mes heures, t'as vu ? - et j'demeure fidèle à ce que je suis; et je le clame. Ça d'mande une bonne dose de caractère, et une volonté de fer tu sais. Avoir le courage de défendre sa philosophie et d'adapter son mode de vie quotidien en fonction de ce qu'elle est et requiert pour s'épanouir. Sans imposer sa vision, sans tyranniser son environnement, bien au contraire; simplement en mode caméléon, souple, attentif, pour apprivoiser ce monde qui tourne et dont tu fais modestement partie, et y trouver le moyen de briller et de faire briller autour de soi. Alors ok, on est loin du gaillard qui va se jeter dans la mêlée à un contre cent armé de sa troisième jambe et d'son couteau en haranguant l'ennemi parce qu'il est trop bourrin, mais c'est une autre forme de force. Celle-là, elle a un regard qui te porte plus loin que l'horizon rougi par le sang, et elle est difficilement brisable parce que trop autonome, trop éprouvée par le temps et les contrecoups pour offrir encore le moindre point sensible, un point faible en particulier. Ce que tu amortis en hauteur, tu l'reprends en longueur. Moins tape-à-l'œil, plus endurant. Ça, les châteaux-forts nous l'ont appris. Une épaisse muraille, c'est bien. Mais si tu cales une poterne à un endroit stratégique de ta construction, tu te fous dans la mouise quand bien même le reste de la boutique est digne de la porte des cieux. Si on admet qu'une fois là-haut, les mecs sont du genre tatillons et qu'ils te font poireauter au pied d'un rempart de ouf' avant de te laisser passer, bien sûr. Bref, c'que j'veux dire c'est : mieux vaut viser plus sobre et plus fiable. Voilà, c'est ça le mot juste. J'suis un mec fiable. Fidèle à lui-même, imperturbable devant les épreuves et les échecs que la vie nous envoie. J'puise ma force dans l'aube qui revient indifférent aux peines et aux joies de la veille. Faut voir grand.

        Glou. Glou. Glouc.

        Tu veux savoir si je suis le genre de coco qui a pas froid aux yeux, ne tremble pas face à la peur et rit aux éclats devant la grande Faucheuse qui vient réclamer ton dernier souffle quittance à l'appui ? J'en sais foutrement rien, mec. Eustache Ier ne se cale jamais dans des situations stressantes. À moins que ce ne soit le stress qui m'évite, va savoir. Hm, tiens... en voilà une remarque intéressante. Et si je n'étais pas sujet aux réactions émotionnelles trop dark - la déprime, la frayeur, la fureur - simplement parce qu'elles m'évitent ? Me souviens pas m'être déjà mis en colère, ou avoir chagriné sur mon sort. Hm, ouais, j'm'égare, tu dis vrai. Bref, de mémoire de moi, je me suis jamais confronté à une situation trop speed. Genre, courir pour un autre motif que la joie brouillonne de l'ivresse et les aspirations à l'effort physique qu'elle suscite parfois, ou prendre une arme autre que le briquet ou un mic', tu cernes le délire. Moi, je zappe tout ça. Ce qu'on veut faire en se pressant, on le fera mieux en se posant un peu avant. Donc je te concède ça, je ne sais pas quelle serait ma réaction.

        D'ailleurs, enfant du savoir que je suis, être aspirant à la Connaissance sous toute forme possible et imaginable, j'me dois de te tenir dans la confidence : dans une poignée de chopes soit un futur moyen-court, j'vais évaluer de plus en plus sérieusement la possibilité d'aller foutre le ramdam dehors pour découvrir de quel bois je suis fait là-dedans. C'est le premier pas vers tout, de se connaître en tant que personne. Et je suis curieux de découvrir ma réaction en situation d'inconfort.

        Pas pour faire du mal, ni du bien, pas parce que j'ai des motivations à défendre, par pour répondre à un cliché. Juste pour savoir. Et rien que de l'énoncer, le simple fait de rappeler cette absence totale de revendications derrière mon entreprise, ça m'botte encore plus d'aller foutre le boxon.

        J'en ai des fourmis dans l'bide. Croustillante curiosité.

        T'en dis quoi ? On s'tombe une chope et on trouve un truc abscons à faire ? La nouvelle année mérite bien ça, pas vrai ?
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        Mais persister, c’est pas déjà un combat ? Rester dans l’ombre, se jeter des godets dans un troquet infâme et balancer des rimes acerbes, c’est une partie d’réglée. Moi j’suis là, j’ai que mes mains pour pleurer sur l’avenir du monde. Mais toi tu peux le chanter, tu peux le déclamer. C’est pas un don qu’n’importe qui peut avoir. L’art des mots, l’art de changer les mentalités. On se souvient d’nous pour nos actes, amigo, mais pas assez pour nos mots. Or, c’est de mots que l’histoire est faite, tu penses pas ? Que savoir, c’est pouvoir. Et le savoir, c’est le pouvoir. Ouaip. Les vainqueurs écrivent l’histoire, mais moi j’essaie d’la changer. D’faire de mes mains le grain de sable qui fera sauter la roue de son ornière. On est tous des p’tits grains de sable. Une goutte d’eau dans l’océan. Mais des milliers de grains ou de gouttes, ça fait quelque chose qui pèse. Ça te fait une montagne, un océan. L’action locale, amigo. Le pouvoir des mots. Et la force de caractère. M’semble que t’as déjà tout ça de bien pendu non ?

        Mais t'as l'air d'un bon gars, tu trouves pas ? T'as l'courage de me dire que tu crois en rien. Moi c'que je vois, c'est que t'as pas eu l'occase de croire en quelque chose. Quelque chose qui te titille les entrailles comme cette sale curiosité qu'tu me confies. Mais c'est comme ça qu'on apprend que le feu brûle ou que la gnôle ça fait regretter. On est curieux, on touche. Alors j'ai comme l'envie de t'y faire toucher à cette flamme qui me fend le coeur. Mais pourtant, j'me tais en lorgnant mon verre. Avec ce même sourire qu'j'avais lorsque mon propre paternel me causait de ce qui le troublait. J'me prends d'un rire. Un rire gras, qui éclate dans la taverne et qui fait sursauter les vieux briscards endormis dans leur vêtements constellés de moisissure. M'essuie les yeux, ça s'fait pas de rire quand on te parle. Du bien, ça en fait. Y'avait longtemps que j'avais pas explosé comme ça. Réellement. Plus que les petits éclats que tes rimes m'avaient arraché.

        Mais si j’ricane en t’écoutant, c’est pas ma faute. C’est parce que tu ressembles beaucoup à mes aïeux. Et comme tu leur ressembles, j’ai bien envie de réitérer l’expérience du paternel. Sortir de la zone de confort, voir de quoi la crasse est faite. J’ai vu des champs de bataille, j’ai vu des morts. Mais toi ? T’as déjà connu le plaisir de survivre ? Hé, c’est que t’as de la chance. Mais trouver l’abscons, c’est pas ma veine. C’est toujours l’abscons qui me tombe dessus, à défaut du gascon. Un dernier qui tituber puis c’est la suite. La sortie de l’étable des ivrognes, où on abandonne l’confort de la paille chaude et des godets qui font trinquer.

        Et toi. Toi, là. Ouais, j’te parle. Mon copain et moi, on veut savoir. Tu les a foutues où tes couilles ? Je te demande pas où tu veux les mettre, vu qu’la donzelle a pas l’air d’accord, je te demande où elles sont maintenant avant que je te les arrache.

        Hé. À défaut d'obscur, je sais être con. Foi de Janaï. Ah ah.
          C'qu'y a de bien avec la picole, c'est qu'elle te rappelle aux réalités scientifiques basiques, type la gravité. Quand t'as bien bu, bouger ton cul, ça te pèse; encore plus que d'ordinaire. Type aussi, notre planète, il parait qu'elle est ronde. Parfois j'ai comme un doute, je suis jamais monté assez haut dans le ciel pour avoir une vue d'ensemble et depuis la terre ferme, j'ai pas vraiment la sensation que le décor se dérobe à notre regard, à l'horizon, sauf quand on a le soleil dans les loupiotes à la rigueur. Bref, d'ordinaire, ça penche des masses; mais là, avec un full houblon par la mousse dans la musette, je la retrouve vite, l'instabilité de notre sol. Elle a quelque chose de familier et de doucement plaisant, comme ça, à peine prononcée. Juste ce qu'il faut pour te donner envie de faire un pas de plus parce que tu as la sensation qu'en t'arrêtant, tu risques de te vautrer en beauté. Et ça s'rait pas bien. Hm, je m'égare.

          Qu'est-ce que j'disais ? ... Oui, les lois de la physique. Très important.

          Tout ça pour dire, j'aime bien trinquer. Mais là, j'ai plus de chope.

          Mon excentrique collègue de boisson m'a entrainé dehors. Il est passé du mode prolixe au mutisme profond, d'un coup, alors que je bavassais encore une tartine pleine de jolis mots comme j'aime à le faire après quelques verres. Et d'un coup, vers la fin de ma tirade, il a explosé dans un rire tonitruant qui était trop flippant pour être vraiment communicatif. Bon, moi, j'ai trouvé la saute d'humeur saugrenue alors je me suis mis à piaffer bêtement dans la fin de ma bière, mais autour de nous, j'ai senti dans l'audience troublée comme une réticence à rejoindre le manège de la bonne humeur extravagante. Les loustics étaient un peu trop méfiants à l'idée de s'acoquiner avec deux zigotos que l'alcool guide vers des états trop insolites. Alors, on a juste suivi notre plan, se barrer, sans emporter de joyeux drilles sur le porte-bagages, et on est allés tailler le grand froid pour aller houspiller un couillon dramatiquement banal et aux bonnes manières évaporées dans les effluves de mauvais whisky qui le suivent.

          D'habitude, ma rengaine, c'est de faire ami-ami avec l'homme soûl. Je mets ça sur le compte de ma tendance à chercher le rapport humain partout où il zone. Et entre mon empathie naturelle et l'heure tardive, les derniers spécimens qui vadrouillent encore dehors et que j'accoste sont soit de mauvais sacripants, soit d'authentiques pochards lustrés à l'alcool de mauvais prix. Curieusement, les deux profils me sont sympathiques, et la réciproque est assez vrai dans une grande majorité des cas. Mais là, on va pas finir comme cul et chemise avec le sac-à-vin. Mon Jo' l'rigolo, il a décidé de lui jouer la sérénade dite du " j'te cherche les noises ". Derrière une pointe de regret bien légitime à l'idée de passer à côté d'une possible fin d'apéro dans un hangar miteux avec trois clodos graveleux à moitié musicos, je me prends au jeu. Faut dire, son initiative est bonne, elle colle assez à mon humeur guillerette et à mon envie de me défriser les méninges en faisant des conneries plutôt qu'en leur balançant une dose d'addictif dans les gencives, cette nuit.

          Alors après avoir roulé une tige, je m'incruste poliment dans le début de querelle; et comme je suis moi, le joli rôle m'échoit naturellement, sans que je le demande. Je frotte mes deux paluches rougies par la neige qui tombe bon train et je viens me placer entre le véhément personnage et la donzelle plutôt gentiment carrossée en bon prince, désargenté, ivre, un peu crados mais quand même un minimum charmant au naturel. Et là, je place une réplique bien sentie : " Dis donc, l'ventripotant, si tu laissais la p'tite dame tranquille ? " à laquelle l'autre répond par un dégueulis d'insultes et une vaine tentative de droite qui vient juste tacler méchamment deux-trois flocons. Mais ça ne va pas en rester là. Je hume dans l'air comme une ode à la baston, et ce soir, je l'accueille avec enthousiasme. Je présente deux poings fermés à l'autre, qui accepte l'invitation sans rechigner.

          J'vais t'écraser, l'merdeux ! qu'il grogne encore.
          Cochon qui s'en dédit, p'ti père ! je réponds en me poêlant pas mal, parce que cette scène entière commence à me plaire et pas qu'un peu.

          Le zigue a cependant dans les gênes des aptitudes à l'échauffourée que je n'ai jamais pris le temps de chercher en mon for intérieur; ça se sent dès la première baffe qu'il m'aligne et qui manque de me couper la joue en deux. Ma clope s'envole au loin, moi un peu moins, parce que le mur arrête mon roulé-boulé au bout de trois mètres. La minette qui commençait à tomber amoureuse de moi lâche un soupir où se mêlent crainte et déception. Moi je dis juste " Aouch ".

          Aouch.

          C'est sorti par réflexe, parce que c'est ce qu'on doit dire dans ce cas de figure. Et puis je me masse la tronche pour faire passer la douleur. Mais d'un coup, j'arrête, comme émerveillé, je regarde la neige qui fond au creux de ma paume bien chaude et je souris. Je viens de me rendre compte que j'ai pas si mal que ça. J'ai même pour ainsi dire rien senti et si l'alcool y est sans doute pour quelque chose, c'est néanmoins rassurant et grisant à la fois de réaliser que le corps humain est pas si facile que ça à mettre hors-service. Je me relève dans un sourire exalté. Je me sens rudement vivant, là, de suite. J'ai envie de recommencer et ça se sent. Le grincheux a de nouveau monté sa garde, prêt à envoyer la petite sœur mais ce coup-ci, c'est à mon tour de jouer des phalanges et mon coup est nettement plus probant que le sien juste avant. Ma paluche droite remonte, ça fait ping contre son menton et le zigue va s'emplâtrer dans un bonhomme de neige qui passera pas la nuit. La technique était certes assez perfectible mais l'efficacité y était. Un arbitre pourrait prononcer le K-O.

          Je me retiens de sauter sur place, j'ai un costume de sauveur à endosser et la jeunette a bien besoin de rencontrer au moins une personne relativement respectable en apparence parce qu'entre le tripatouilleur soûl et mon acolyte au masque retors, elle a un capital confiance en la gent masculine assez bas, en ce moment.

          Z'êtes sauvée, belle gosse, je fais faussement modeste.

          Je pourrais me fendre d'une révérence si j'avais pas si peur de me casser la gueule. Elle, elle me dit merci et elle s'en va, pas top rassurée tout de même. Ce qui nous laisse de nouveau tous les deux, mon pote l'inconnu et moi, au milieu d'une ruelle froide et mal éclairée. Mais je m'en fous pas mal de tout ça, moi je ris et lui, il en fait autant je parie.

          Chouette moment. On fait quoi maintenant ?
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          Les pognes pleines de sang, l’écume aux lèvres. C’est bon. Parce que la révo, c’est aussi de savoir faire parler ses tripes. Et en plus d’être r’muées, elles avaient vachement envie d’parler ce soir. Puis c’était aussi manière de te montrer. T’montrer qu’on parle souvent de choses plus qu’on ne les fait. Mais ce soir, la bibine aidant, t’avais fait les deux. Parler. Agir. Maintenant, fallait plus qu’le faire continuer. Encore, toujours. Mais tu m’fais rire de bon cœur, avec ce sourire amusé qu’est tout mitigé sur ta trogne. Ce qu’il y a de bon après l’action, c’est souvent encore plus d’action. Ce soir, p’t’être. P’t’être pas.

          Quoi qu’il en soit, c’qui est bon c’est la clope que je te tends. Sans filtre, pleine de saveurs. Elle est tordue, battue par le temps et les évènements. Comme moi. L’autre a le visage dans son propre sang, l’esprit et la pommette apaisés. C’qu’on faisait maintenant ? Bah profiter, quelle question. On est dehors, au calme. L’frais picote la peau et me rappelle que j’ai les bras nus en plein hiver. Les flocons viennent fondre sur la fraise d’la cigarette.


          - J’sais pas. J’avais prévu de vomir dans le caniveau puis d’boire encore. Toi ?

          J’relâche la fumée qui se mélange avec mon souffle trop chaud pour l’atmosphère. Pas la peine de tergiverser, l’alcool fait fourmiller mes extrémités et après ce mégot taché de sang, faudra bien que je nettoie l’endroit. Du coup, par pure mesquinerie, j’lance mon mégot dans la flaque de sang pour qu’il s’y éteigne puis je vais nettoyer mes mains pas loin. Te fais signe d’en faire de même, le sang ça pue. Autant que le sable chaud. Pire que le guano.

          Alors que reste-t-il pour inaugurer cette nouvelle année ? Pas la chaleur tiédasse d’un de ces tripots à marmaille des mers. Un truc accroché à l’âme qui te ferait faire des merveilles. Un truc qui fait passer la meilleure des nuits pour un sale souvenir. Un truc marquant, un truc unique. Et non, pas un bordel. D’un geste, faut m’suivre. Me lisse la moustache, papa c’est pour toi. J’ai juste besoin de savoir jusqu’où t’irais, si prendre le gris c’est une option ou pas. Si t’as envie de voir ce dont j’te parle, la vraie raison pour laquelle j’t’ai regardé tabasser un type en collant qu’une ou deux, ou pas. T’en dis quoi amigo ? Le gris, ou tu fermes les yeux ? Parce que ce que j’vais te montrer, moi ça m’a changé l’monde. C’est ma vocation, mon leitmotiv.

            Plan simple et bon. Libérer la bile, soulager l'estomac - dans le caniveau et proprement, pas tels de jeunes novices qui ne savent garder le contrôle, roulent par terre et dans leurs déjections après avoir voulu danser trop près de la flamme - et repartir écluser d'autres mousses un peu plus loin. Programme suprême réservé aux authentiques enfants de la boisson, aux oiseaux nocturnes qui se sentent mal s'ils ne goûtent pas ce ciel d'encre pleinement pour en retirer jusqu'à sa moelle avant de s'évanouir enfin en même temps que la lune, ivres et apaisés, dans les premières lueurs du jour. Rien que d'y penser, j'en ai des frissons. À moins que ce ne soit là l'effet du froid. Oui, il est bien loin le climat invariablement doux de ces contrées envoutantes de South Blue où l'on peut réveillonner sur une plage paisible, les pieds dans l'eau, le cerveau dans le rhum, avant de s'écrouler sur le sable fin pour y dormir à la belle étoile. Ah, souvenirs agréables...

            Mais, ici, l'hiver, il fait froid. Cette nuit sera au moins conventionnelle sur ce plan-là. Et sur aucun autre, à en juger les notes de reviens-y qui dansent dans la voix de l'homme au masque. Il a encore dans sa boite à magie quelques truculentes idées qu'il ne demande qu'à libérer si je dis le mot. Je suis pas farouche à l'idée de jouer les prolongations, j'ai encore soif de picole et faim d'initiatives insolites.

            Après toi, je fais, enthousiaste.

            Pour mieux ouvrir la voie la seconde qui suit. Je viens de percuter que ma gratte est restée couchée à mes pieds dans le troquet où l'on s'est perdus un peu plus tôt alors même que mes pieds prenaient la tangente. Fulgurance salvatrice. Mu par un instinct redoutable, je taille la route sans une fausse note d'orientation pour revenir humer le doux parfum de tabac et de whisky premier prix qui règne dans la place. Déformation professionnelle oblige, je me sens obligé de me présenter au comptoir pour y commander deux pintes quand bien même on a toujours pas fait la vidange niveau intestins. Petite entorse au programme, mon binôme ne s'en offusque pas le moins du monde. On siphonne soigneusement nos godets et j'ai enfin la chance de retrouver mon instrument fétiche qui ronquait sagement depuis tout ce temps à l'endroit où je l'avais oublié.

            Au moins une qui ne se faisait pas trop de mouron.

            Deux, trois, trente même, si l'on admet que ni moi, ni mon inconnu ni personne d'autre ici n'a l'air franchement soulagé devant nos retrouvailles. La notion de planning et le respect qui lui est dû commençant à perdre sérieusement de leur superbe, je résiste pas à l'envie de ressortir l'engin pour gratouiller les cordes avec entrain. Aucun accord franchement cohérent ne sort de l'instrument, il est un peu tard pour ça et ma sobriété a pris du plomb dans l'aile. Juste des notes qui gazouillent gentiment et se mêlent au brouhaha général. Ça passionne personne en particulier mais tout le monde apprécie le changement d'ambiance qu'elles distillent. Alors, pendant une durée indéterminée, qui doit quand même porter sur la demi-heure si j'en juge les deux recharges qu'on se jette dans le gosier, je joue. Les gens tapent parfois des mains, parfois de leur verre contre la table; on improvise une danse. C'est sympa. Et d'un coup, l'envie s'estompe, mes airs ne m'amusent plus alors j'arrête.

            Le collègue a tranquillement profité de l'entracte presque mélodique tout ce temps, souriant; son masque a fait mine d'apprécier, preuve que, s'il peut revendiquer tout un tas de qualités, il a l'oreille foutrement pas musicale. Je le rappelle à nos mirifiques projets. Ils ne peuvent qu'en être, j'en ai envie. Je l'alpague alors qu'il commençait de nouveau à reluquer le bar comme s'il était une gonze des plus désirables :

            Allez, on y va. On a deux bonnes heures avant l'aube et des tas de trucs passionnants qui nous attendent.

            Quoi exactement, aucune idée. Mais je suis dans l'ambiance pour me laisser surprendre. Ce qu'il me montre à voir depuis tout à l'heure me plait, j'espère que la finalité m'aguichera au moins autant. On se lève, le doux balancier du pendule accompagne nos pas. On salut pas trop bas nos camarades alcoolos et on fait notre sortie en vrais princes pour aller chasser l'aventure ailleurs.
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            [hrp : sorry pour l'attente, quelques indispo irl ^^']
            L’ambiance est au rendez-vous. Le bois dont est fait l’compagnon était assuré. C’est le moment de voir s’il prend feu ou pas. Quelque chose d’classique, quelque chose d’amusant. L’éternelle lutte des classes, à rentrer ou pas dans le rang. Qu’on profite de cette soirée, compadre, l’alcool donnait du cœur à l’ouvrage, à défaut de l’avoir au bord des lèvres. Les godets vidés, l’instrument récupéré. Il est temps d’mettre les voiles vers la suite de la soirée. Il neige dru maintenant. Assez pour recouvrir les pavés d’un duvet blanchâtre. Pas encore pour faire croustiller les pas. La fraîcheur de l’attente terminée. Non pas qu’les chansons fussent pas appréciables, mais au moins la courbe d’alcoolémie est repassée sous la barrière supportable, à défaut de légale.

            - Nous y voilà, l’ami.

            C’est qu’un vieil entrepôt. Avec un vieux type qui sirote un cigarillo. Rien de palpitant. Mais attends, attends. Ecoute. Y’a des voix, y’a des gens. Y’a des chiards. Beaucoup de chiards.

            - ‘jourd’hui j’ai l’honneur de fêter le nouvel an comme il se doit. En f’sant ce que je préfère.

            Qu’on se craque les doigts, qu’on échange des sourires amusés. Elle te plaît ma moustache, hein ? Tout comme mon bandana. Hé, c’t’un souvenir de maman. Maman elle déconne pas avec les souvenirs. Rah putain, j’suis dans la courbe descendante de mon alcoolisme. Faut de l’action pour tempérer. Pas question de chanter, d’amuser ici. C’est de faire parler ce que t’as de plus sacré. Et voilà qu’en s’approchant, le docker écrase son cigarillo. Une sale odeur rance le suit. Le port est à vingt mètres et il a jamais eu l’audace de se rafraîchir. Ma remarque le fait pas rire d’ailleurs. Venant d’un gars refluant la vomissure, ça doit pas passer. Rien à voir, rien à faire qu’il dit. Hé hé. On m’la fait pas.

            - Et tous ces gars dans ton entrepôt, ils sont pas à voir non plus ?

            Il vire au rouge, il vire au vert. Sait pas quoi faire. Jusqu’à ce que son poing s’envole vers moi. Mais avec l’expérience, j’ai appris à m’faire confiance. J’lui vole son poing, puis lui chatouille le maxillaire avec. Et ça l’envoie retrouver son mégot. J’t’avoue que j’ai pas été totalement honnête avec toi, l’ami. Ça fait bien d’puis dix jours que je suis dans les parages. Et que je cherchais du courage pour m’attaquer à d’la pourriture. Alors t’en dis quoi, tu fais l’affaire comme courage ? T’es prêt à faire cracher des pourris pour libérer quelques âmes misérables d’une vie de servitude ? ‘fin, si j’te laissais le temps de réagir, ça s’rait pas drôle. Pas plus que de pas attaquer frontalement en foutant le boxon. Allez, l’est temps de se révéler.

            - Salut les filles. Ouvrez les cages.

            Et c’est la levée des armes. Avant de tituber, s’enfoncer et rebondir dans le sol. Hé hé, quitte à en être un, j’ai plusieurs as dans ma manche. Ma paluche posée sur le sol l’a illico transformé en matelas, c’est drôle hein ? Enfin, pour nous. Eux, ils tombent et se cognent les uns contre les autres. Alors, qu’est-ce que t’attends ?
              Ils sont trois. Ils sont forts. Ils sont en colère. Je suis seul, saoul et joyeux. Sur le papier, la confrontation est pas gagnée. À côté de moi, mon pote au masque fait un nettoyage minutieux de la salle. Il est aux prises avec une dizaine de chenapans d'un profil similaire aux miens, et ça n'a pas l'air de l'éprouver plus que ça de leur tenir tête. Mince alors, ça s'bastonne pour vrai. Rien à voir avec l'échange précédant, dans la ruelle. C'était du festif de fin de soirée. Là, c'est de la guérilla urbaine et je suis vraiment pas taillé pour l'exercice. Mes gorilles me braquent de leurs mines cabossées, j'ose pas trop faire le mariol. Je reste sagement campé à l'entrée en affichant un sourire serviable pas vraiment adapté à la situation. Pourtant, rien à faire, même ainsi, je leur reviens pas on dirait. J'ai pourtant la tronche d'un mec génial. Les malfrats s'approchent, l'œil mauvais, une matraque ou un biseau à la main. Mais qu'est-ce qu'il se passe, bordel ?

              J'ai pas franchement vu dégénérer la situation avant qu'on ait atteint le point de non-retour. Moi, quand je proposais à l'artiste de nous trouver une distraction de fin de nuit, je pensais à quelque chose de plus posé, un after en charmante compagnie, une dernière bouteille de schnaps pour la forme... bref, un atterrissage paisible vers le monde de Morphée. Visiblement, on était pas sur la même longueur d'ondes. Vlà qu'il m'a conduit au temple de la pègre locale. Même si je suis passablement beurré, j'ai conscience que ces mecs-là ne succomberont pas au charisme ravageur de Eustache Ier. Pas de sauf-conduit pour rockstar qui vaille dans le coin. Je suis dans la panade. Vite, négocions avant d'en ramasser plein la truffe.

              " Burps...'tendez les gars, moi je le connais super mal, ce type. C'est pas mon pote, j'vous jure.
              Pas notre problème.
              Je sais même pas son nom, c'est dir...hips ! C'est lui le fouteur de merde !
              Pas notre problème.
              Mais j'ai rien à voir avec tout ça, à la fin !
              Pas notre problème !
              Oh, ça va hein ! Ton problème à toi, c'est qu't'es un vrai con, tu l'sais ça ? Ça doit pas être facile à porter tous les jours. "

              Léger blanc. Mince, j'ai gaffé. Avec l'alcool, j'ai parfois tendance à penser tout haut. Et le colosse a pas apprécié ma petite remarque pleine de bon-sens. Vite, rattrapons le coup.

              " Attendez, j'ai dit con ? Non... je voulais dire : t'es un vrai blond. Ce qui n'a rien à voir, jamais je n'irai dire de vous que vous êtes idiot. Je voudrais pas qu'il y ait de malentendu entre nous, monsieur le blond.
              Je suis chauve.
              Hm. Moui... Mais, à la racine, je suis sûr que...
              Yeuaahh !!
              Aaaah !! "

              Alerte, alerte ! Il attaque. Vite, la fuite. C'est une solution comme une autre, et pas moins honorable en tout cas. Je commence à décamper dare-dare dans tout l'entrepôt en criant bien fort. Je passe au milieu de l'échauffourée générale dans laquelle tout le monde s'en donne à cœur-joie, surtout mon suicidaire acolyte, esquive au passage une praline égarée et me réfugie vaillamment derrière un tas de caisses de bois très grandes et très lourdes. Mes assaillants ne m'y ont pas suivi. Ouf. Je suis un survivant. C'était carrément terrible comme expérience. Quand je raconterai ça à Shurik'n, il en reviendra pas. Beeh. En plus, je crois que j'vais vomir. Non, vraiment, plus jamais ç...

              " Yeuaaah !!
              Beeeuarg'. "

              Misère. Pris au dépourvu en plein moment de faiblesse. Les trois cerbères me chargent, moi je multiple les petits pas à reculons en continuant mon lavage d'estomac. Jusqu'à me retrouver dos à une des caisses de marchandise. Ouille, ça sent le roussi. Pris en traître par d'immondes salopards sans une once d'esprit chevaleresque. Monde cruel. Je me protège la tête de mes bras et grimace. Ça va faire mal.

              Ziiouup.

              Hm ? Voilà qui est intéressant. Mes agresseurs se retrouvent pris dans le marécage de vomi qui est fraîchement sorti de mes intestins. Puissant stratagème. Les gredins galèrent un max à garder leur équilibre sur cette plaque répugnante; deux d'entre eux se retiennent mutuellement de tomber, un dernier patine tellement vite que je le vois en double. Je me gausse. Il l'a mauvaise. Mais - maudite ivresse - je commence seulement à me dire qu'il serait bon de profiter de leur infortune pour fuir quand les lascars parviennent enfin à trouver appui contre l'un des coffres. Je me raidis à nouveau. Mes vis-à-vis soufflent longuement, encore pas totalement rassurés, et me dardent de leurs yeux fous. Ils apprécient pas d'avoir été moqués. Pas à pas, le reprend sa progression. J'ai de nouveau la trouille. Et plus la moindre munition qui fermente dans les tripes. Merde.

              Tant pis, je vais charger. Avec la vaillance d'une rockstar. En plus, tu t'es jamais vraiment battu, si ça se trouve, t'as ça dans le sang. On va le découvrir. Hardi Eustache, fais-leur voir tes accords maison ! Si je tombe ce soir, ce sera au champ d'honneur, en accomplissant une action héroïque qui me vaudra une postérité éternelle.

              Tayooo !!
              Yeuaaah !!


              On charge. En criant fort. Et en se déplaçant pourtant hyper lentement sur ce marécage méphitique qui menace de nous faire perdre l'équilibre à chaque instant. Centimètre par centimètre, je me rapproche d'eux, et eux de moi. Deux des fennecs sont armés de poignards, le dernier a un gourdin en main. Moi, je sors pas le mien sinon je vais juste avoir l'air con. J'y vais à mains nues. Déchainé. Et je me rue sur l'ennemi tel l'escargot, dans un assaut infinitésimal et grandiose. Oh, ouais, c'est beau. Je tire ma tronche la plus télégénique et commence même à crier au ralenti. Mes adversaires m'imitent, convaincus de voir poindre une carrière d'acteur à succès derrière cet affrontement.

              Teeeuuuaaaayyyoooo-eeeuh !!
              Yeeuuuuaaaa-BLAM !!


              Blam ? Quelque chose vient brutalement écraser les bonhommes. L'une des caisses de marchandise. Par quel miracle ? Je comprends vite. Un autre homme de main - probablement balancé sans ménagement par mon partenaire - aura percuté à toute vitesse celle des boites qui trônait au sommet de l'édifice et provoqué sa chute. Et l'anéantissement de ses collègues. Quel dommage, notre scène de gloire sauvagement décapitée. Je ronchonne une seconde. Mais qu'à cela ne tienne. J'ai vaincu.

              Je quitte ma planque en me servant des corps inanimés des quatre hommes et des débris de bois pour éviter de marcher dans mes vomissures. Ça sort peut-être de mon estomac, mais c'est proprement dégueulasse. Puis j'arrive au cœur de l'entrepôt, goguenard, où il ne reste qu'un homme debout, au milieu d'un lit de corps inconscients. C'est mon fidèle mais néanmoins aliéné bras-droit.

              Victoire ! je lance en le rejoignant. Ces truands ont été dument châtiés. Allons libérer ces malheureux opprimés maintenant. Et après, on ira se jeter un godet pour fêter ça.

              Ah, c'est beau d'être un sauveur.
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              [HRP : en accord avec le joueur, et pour palier à la confusion sur l'identité du PNJ incarné, je confirme ici qu'il s'agit de Peyn Aucho. Merci d'ignorer les mentions faites de Janaï Reïzon.]


              A l'impossible, nul n'est tenu. C'est joli, les proverbes, mais Mémé Ghislaine qui t'a sorti ça, elle n'avait pas vu de ses petits yeux chafouins pas encore à moitié bouffés par la cataracte ce que pouvaient réaliser deux âmes à la volonté bien trempée. Difficile de dire cependant ce qui motiva réellement les deux hommes qui, dans les replis de la nuit, s'en prirent à la Marine : la promesse d'une vie meilleure, l'envie de frapper sur plus con que soit, la compassion fulgurante pour autrui allant jusqu'à les libérer d'un triste sort ? Ceci dit, pourquoi choisir ? Pourquoi faudrait-il dans la vie n'être qu'une seule chose ? Quelle sale manie, que celle de vouloir faire rentrer les gens dans une boite préformatée.

              Dans la révolution, on aime se répandre. Comme du fromage bien fait, comme de la cire autour d'une flamme. Ça s'appelle la marée grise (enfin, rose-marron-glacée maintenant), et voilà que tu te sentirais peut-être un appel du large. Les Mouettes, ça ne semble pas te tenter, mais voilà, il n'y a pas qu'elles, dans le ciel. Si tu te sens pousser des ailes, mon gars, y'a pleins de courants dérivatifs qui n'attendent que toi.

              Vous êtes seuls maintenant. Les pauvres hères que vous avez délivrés n'ont attendu que le temps de balbutier des remerciements avant de se carapater. Ce n'est pas qu'ils ont la reconnaissance sèche, mais un instinct de survie qui a prévalu sur tout le reste. Ils ont disparu dans les premières lueurs de l'aube, silhouettes fantomatiques avalées par les ombres de cette nuit qui n'en finit pas d'agoniser. Le ciel se teinte de pourpre à l'est tandis qu'à l'occident, les étoiles tiennent bon. Elles résistent, elles scintillent, car c'est sous leurs égides que la révolution grandit. Au Gouvernement, le soleil. On le lui laisse, cette saloperie de boule de feu qui vous dessécherait tout. Jusqu'aux cœurs des hommes.
              Vous êtes assis sur le ponton. Les poutres vermoulus où vivent des colonies de moules émettent une odeur lourde de moisi iodée. L'odeur de la vie, qu'il te dit, le Peyn, en trinquant avec toi. D'où il a sorti cette bouteille, aucune idée. C'est un tort-boyaux ça. Sûrement fabriqué par Papi Romulus dans sa cave, à base de on-ne-veut-pas-savoir quoi. Une boisson d'homme, qui te tort la gorge, te perce le ventre et te mitraille l'intestin. Avec ça, tu te sens vivant, car ce n'est jamais qu'à l'embrasure de la mort qu'on se sent le plus vivant. Et là, quand tu humes les vapeurs qui sortent de ton petit verre presque trop ridicule, tu te dis que La Faucheuse doit se mettre ça en eau de Cologne tous les matins. C'est que tu la connais bien, la Grande Noire. Tu viens de lui envoyer quelques copains, quelques heures de ça. Et tes doigts qui serrent ce petit verre, ben, il est sale de sang. Le leur. Celui des hommes qui ont laissé le soleil les aveugler, de telle sorte que les rayons se sont frayés un chemin jusqu'au cœur. Complètement sec, le cœur. Ouais, ce n'est pas anatomiquement cohérent, tout ça. Mais tu vois le topo.

              L'eau glougloute sous vos pieds. Le soleil pointe, presque timide, et les nuages moutonnent comme de paisibles bovins célestes. C'est vachement beau, ce lever de soleil. Pourtant, c'est la mort de la nuit et de ses étoiles. Et voilà, il faut se dépêcher, car Peyn et tout ce qu'il représente disparaît avec l'astre. Tu te sens un peu comme Cendrillon, la robe en froufrous en moi.
              Tu connais l'histoire d'Icare, qu'il te dit.
              Bien sûr que tu connais l'histoire d'Icare ! Est-ce que tu as une gueule à ne pas connaître l'histoire d'Icare ? Mais il vient faire quoi, celui-ci ? On parle de conte là, pas de mythologie ancienne, non ? Faut suivre, mec.
              Ben voilà, c'est exactement ça. Les contes de fée, c'est pas pour les types comme toi.
              Les types comme toi, les types comme toi. Qu'est-ce qu'ils ont, les types comme toi, hein ? Tu te le demandes bien.
              Rien, et c'est là le problème. Ils ont arrêté de rêver depuis longtemps, les types comme toi. On leur a volé leur nuit et leurs rêves, et leurs marchands de sable. Plus de conte de fée pour eux. Plus que de la mythologie ancienne, où il n'y a que des héros et des monstres. Vient un moment où il faut choisir. Rester le cul entre deux chaises, c'est juste mauvais pour son image. En plus, ça te massacre le dos et avoir une sciatique, mon pauvre, dans le monde moderne, ce n'est pas une sinécure.

              Voilà, il te parle, le Peyn. Derrière son masque, tu devines ses yeux. Pourriture de soleil qui n'éclaire pas plus que ça. Impossible de bien voir. Pourtant, les yeux, c'est la porte de l'âme. Mais tu sens qu'il est sérieux. Oh, il vide toujours son p'tit verre et tout, et il déconne bien, mais là, tu sens que c'est du sérieux. Il t'épargne les trémolos, la pose dramatique et les violons, mais voilà. Le carrefour de ta vie, mon p'tit père.
              Là, tu peux finir la bouteille – cadeau de la maison – y trouver au fond la vérité que tu veux, et retourner à ta petite vie. Chanter des chansons, risquer la taule voir pire, juste pour avoir chanter. On ne parle même pas de troncher des idiots et délivrer des pov' gars. Juste chanter, juste penser.
              Ou alors, tu peux faire tout ça, mais avec un but. On ne te demanderait pas plus que ce que tu ne fais déjà. Juste de le faire par conviction plus que par rigolade.
              C'est bien gentil de lever le coude et de faire la nique à la Mouette. Mais quitte à te payer un cancer du foi ou un guano dans la tronche, tu ne voudrais pas le faire pour une plus grande cause ? Ouais, je sais, comme ça, ça fait tellement cliché. J'te parle de cause, avec ma gueule. Mais bon, t'admettras bien que je n'ai pas le look du justicier avec sa cape et ses collants. J'suis pas là pour te vendre du rêve. Ma gueule, quoi, ma gueule, tu disais, mais la mienne, elle ressemble à un marchand de sable peut-être ? Nan, je ne te vends pas du rêve. Je te vends rien même. Je n'ai rien dans les poches, que ma détermination, et ma haine peut-être.
              Non, je suis là pour te faire une proposition : dans la famille mythologique, tu ne veux pas devenir le monstre ? Laisse-les jouer aux héros, avec leurs petits uniformes. Toi, tu sais la vérité. Puisqu'ils sont ce qu'ils sont, deviens leur ennemi pour de bon. Embrasse ce vide en toi, celui qu'ils ont crée. Nourris ta colère, ta déception, au feu de notre cause. Deviens leur pire cauchemar. T'es plutôt doué pour ça. Mais voilà, faut que ça te motive, car il n'y a pas de retour en arrière. Une fois que tu as topé, tu es le monstre dont les mamans menacent les petits s'ils ne veulent pas de leur brocolis. Tu seras une bête de la nuit, dont le rugissement annonce la punition divine. Tu seras Salamandre, Ogre, Hydre, Kraken, Cerbère ou Basilic. Les étoiles seront tes muses, car c'est dans les constellations que tu liras ton destin. Tu seras une star ! Ah ! Ta tronche sur les affiches. Ouais avec « wanted » en titre du show, mais l'un dans l'autre, tu finiras comme ça. Tout ce qu'on te demande, c'est de la bonne volonté et un peu de compassion pour les malheurs des autres. C'est être contre eux, pas cons comme eux. Je ne te dis pas d'aimer ton prochain, juste de ne pas lui cracher à la gueule.

              C'est ton choix. Il t'a montré une voie, il t'a ouvert une porte. T'es libre. Tu sais ce que ça coûte, de le suivre. Tu sais aussi ce que ça coûte, de ne pas le suivre. Il n'a pas trop appuyé dessus, car les beaux discours, ce n'est votre truc, à lui comme à toi. La cause. C'est plus de la rigolade. Ce n'est pas juste faire comme bon te semble, juste parce que. Enfin, si. Il te veut pour tout ce que tu es. Et ce que tu es, c'est un mec qui chante des chansons et qui boit son p'tit verre après. Il n'a pas parlé de changement, pas vraiment, mais tu sens que là, c'est la cours des grands qui t'es offerte. La clé des champs. A toi de voir ce que tu veux cultiver.

              Si t'es partant... Tu vois la petite barque là, sur l'autre ponton ? Ben elle est pour toi. Jusqu'au lever du soleil, elle t'attend. Tu montes, on t'embarque. Vers l'infini et l'au-delà. Ouais, pas de mensonge, tu vas sûrement y laisser ta vie. C'est mieux que ton âme hein ? Si tu ne veux pas, il te suffit de tourner les talons. Ça sera sans rancune, c'est juste que le métier perdra un bon p'tit soldat. Ton choix, ta vie.

              Il se lève, et te salue. La marée monte, le soleil se lève. Quelque part dans le monde, un homme se lève aussi, éclairé de la rue par une aurore avare, le visage éclairé d'une lueur d'espoir. Il sifflote, et les notes se posent comme le font les souhaits, sans jamais hésiter un instant. Coulant comme autant de torrents au printemps, elles racontent son histoire, ses rêves d'autres vies, ses rêves d'autres gloires, elles racontent le fil d'un autre temps.

              Il croise Peyn, le salue d'un hochement de tête. Il a un uniforme bien caractéristique. La marée monte, le soleil se lève. Et le monde tourne.
                Que cherches-tu, mec ? Vraiment. T'es jamais le dernier quand il s'agit de se creuser la soupière sur les grandes questions de la vie, et là, tu te trouves rendu à un carrefour; te voilà arrivé à un de ces moments cruciaux pour lesquels les individus dans ton genre se préparent quotidiennement. Vrai, c'est censé faciliter le processus d'introspection duquel on ne peut se soustraire éternellement que de s'y prendre en avance. De sonder son âme un peu plus chaque jour pour lui laisser le temps de nous dévoiler nos idées, nos rêves, comme on livre un secret à un enfant qui aura atteint l'âge de raison. Et, en veillant sur nos aspirations, on les laisse grandir, s'épanouir, se renfoncer pour devenir objectifs et certitudes. C'est ça, ta façon de faire. Mais en dépit de ces prévoyances, la réponse n'est pas simple à trouver. Elle n'apparait pas comme une évidence, chaude, protectrice. Il y a trop de paramètres. Dommage, t'aimes te tortiller les méninges, mais tu aimes aussi t'accorder le temps. L'empressement est le plus grand ennemi de Eustache Ier.

                Pourtant, cette nuit, les choses se sont précipitées. Comme de coutume avec la bouteille et autres substances festives. Elles ont toujours été l'agent catalyseur capable de me sortir de mon confort. Cette nuit, l'inconnu et moi, on a fait quelque chose d'inédit : on a apporté la Liberté aux opprimés. J'ai goûté à une sensation nouvelle, j'ai passé le pied dans la porte et entrevu un couloir qui mène vers une existence radicalement différente. Et maintenant, le masque s'est barré et m'a laissé à mes questionnements, tout seul dans l'aube naissant, la tête dans les nuages, les pieds dans l'eau, la main sur la picole. Que faire ? Entrer, ne pas entrer ?

                Inutile de se tourner vers la mouette bavarde ou la lune moribonde en quête de la réponse, c'est à toi qu'il revient de la trouver. Avant que la ville ait repris sa routine quotidienne, que les devantures des boutiques s'ouvrent et que le port s'anime de son bouillonnement habituel, tu sauras. Et tu t'en iras présenter tes vœux de bonne année aux marins, ou au barman, en fonction. En vérité, tu sais déjà. Tu n'es simplement pas au courant. Réfléchis.

                Pourquois vit-on ? Pour atteindre ce qui nous apportera la satisfaction, le bonheur. Tout le monde est ainsi. Pour réussir, il convient alors de savoir ce qu'est le bonheur. Ce qui, pour nous, constitue le bonheur. Est-ce la sensation de faire ce que l'on aime, au jour le jour ? Ou bien est-ce plutôt le fait de vivre sans avoir à se froisser, à s'imposer de sortir de son confort ? J'aime bien cette version. Ou bien, n'est-ce pas le fait d'être riche, fort et célèbre ? C'est un peu de tout ça, probablement. Mais c'est surtout bien plus. Le bonheur qui se veut entier, plein, qui se veut plus qu'un contentement secondaire, doit exiger plus que le plaisir quotidien que l'on retire de la vie. Les occasions de capter du positif ne manquent pas, et savoir les mettre à profit constitue un vrai don; don que tu peux te targuer d'avoir, mec. Néanmoins, il faut avoir un objectif plus grand, qui s'impose comme supérieur et qui transcende le plaisir que l'on a à vivre et à agir tel qu'on l'a choisi. C'est la concrétisation d'un objectif plus grand que la vie ordinaire qui procure la vraie sensation de bonheur. La satisfaction d'avoir accompli ce à quoi l'on aspirait. Elle procure bien-être, fierté, plaisir modeste ou euphorie en fonction de l'individu. Souvent un mix de tout. Mais ce besoin, quelque forme qu'il prenne, est universel. L'homme n'aspire pas à vivre un jour de plus. Tout le monde court après quelque chose. Pour caresser la consécration, pour goûter au cocktail magique du succès, il faut donc savoir ce que l'on poursuit et tout mettre en œuvre pour l'atteindre. Et le meilleur moyen d'y arriver reste de se connaitre, d'explorer son for intérieur continuellement en quête des fameux objectifs. C'est pour ça que tu agis ainsi.

                Toi, tu aspires à comprendre. Tu aspires à savoir comment le monde tourne, quand la Terre dort et qui nous observe depuis les étoiles, tout là-haut. Tu veux parler avec les insectes, écouter chanter les cigales, apprendre du vent. Tu veux échanger avec autrui. Parce que le savoir, au delà de la phase de questionnement, passe par l'enseignement, régulièrement, et par l'échange, forcément. Tu sais déjà, au stade où tu en es, qu'une recherche, même fructueuse, même assouvie, ne saurait pleinement te satisfaire si elle se cantonne à ta seule personne. Il est peut-être même plus grave de refuser de transmettre ce que l'on sait que d'être ignorant. Bien souvent, tu es élève de la vie, tu es encore jeune et des plus grands mystères aux plus simples exercices, nombre d'entre eux te restent méconnus. Mais, d'un autre côté, tu aimes aussi offrir, partager; du savoir parfois, du bonheur à ta modeste échelle, surtout. Parce que tu sais qu'ils le recherchent tous, un peu comme toi peut-être, à leur propre façon sans doute. Qu'ils en soient conscients ou non. Ils y aspirent. Chacun, à son échelle et s'il se tourne vers les autres, participe à assister ses semblables dans leurs quêtes. À les encourager, à les seconder à tel ou tel moment et à puiser de leurs connaissances le substrat magique dans le même temps. C'est ta conviction. Ton être entier t'appelle à te tourner vers autrui, tant pour t'approcher de l'apothéose que pour épauler les autres. Il faut donc trouver dans ce que tu aimes, dans ce que tu fais au quotidien, une façon de sublimer ta vocation en la mettant au service des autres. En témoignage de ta recherche, et de ta réussite. Parce que le témoignage est le premier pas de l'échange et forme la passerelle vers la transmission. Et si l'aspiration au bonheur est universelle, la recherche pour avoir un sens et se montrer aboutie, doit déboucher sur un héritage au monde. Réussir pour soi et simplement pour soi est contraire même à la notion de bonheur. Au même titre que réussir en se refusant à l'échange est impossible.

                Toi, pour grandir, pour progresser et donner à progresser, tu composes. Tu chantes, tu joues. C'est ton vecteur d'ouverture aux autres. Chacun choisit le biais qui lui correspond pour communiquer. Toi, tu as la musique. Et jusqu'ici, tu avais la sensation d'avoir trouvé ta voie. Pourtant, ce soir, tu as vu qu'il y avait plus à faire. Tu as vu que ton don pouvait être optimisé pour faire une différence. Pouvait être mis au service de plus grands desseins. Si réussir pour plusieurs est une merveille, réussir pour tous demeure l'utopie qui doit être poursuivie. La noblesse de la quête fait que de deux objectifs, on doit toujours se tourner vers celui qui a le plus de chance d'atteindre les gens, sans réfléchir en matière de contraintes et d'obstacles à franchir. Par la musique, tu offres du plaisir, de la joie aux gens. Tu espères les faire rêver, les divertir et chasser un temps les soucis qui les assaillent. Tu mets l'art au service de l'être humain parce qu'il est celui qui magnifie la Vie. Par son biais, tu grandis, tu as du bon temps, tu voyages, rencontres, ris, aimes. Vis. Pourtant, il serait vain de connaître tout ceci dès lors que personne n'en profiterait réellement, que personne n'y puiserait plus qu'un bien-être passager..

                Si tu t'engages sur l'autre chemin, tu fuiras, tu auras faim et parfois mal. Tu affronteras la vie et ses aspects les plus durs. Tu t'engageras à bras-le-corps dans un combat sans fin. Mais la seule question qui vaille la peine d'être étudiée est celle-ci : par le biais de son offre, penses-tu pouvoir t'approcher des chimères qui doivent motiver tes actions ? Apprendras-tu de la vie ? Toucheras-tu les gens ? Feras-tu une différence ?

                Puisque tu ne peux te baser que sur les événements de cette nuit pour proposer une réponse, inutile d'aller la chercher plus loin.

                Tu n'as pas d'autre choix que celui d'accepter.

                Et tu vois, c'est marrant. Tout à tes réflexions, tu as mis le cap vers l'embarcadère dont te parlait l'autre rastacouère. Instinctivement. Il n'y a que toi qui ignorais encore l'évidence, en fin de compte. Curieux, non ?

                Il est là, sur la barque, au milieu des autres matelots. Toujours avec son masque. On te regarde. Des braves gars tannés par le sel marin. Un peu méfiants, un peu surpris. Leur a-t-il déjà parlé de toi ? Sans doute. Eux tiennent des cordages. Toi, tu trimballes ta gratte. On fais tous des petits nuages de buée. Bonne scène dans le soleil levant. C'est le début de quelque chose.

                Yo. Bonne année, les gars.

                Et hop, on embarque.
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