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Juges, Jurés et Bourreaux

Silence.
En cette somptueuse nuit bénie par les étoiles, la nature elle-même avait le respect de se taire, comme pour mieux profiter du spectacle qui allait s'offrir à ses yeux. Le vent, d'habitude si ferme, s'était arrêté, les quelques animaux se terraient dans leurs habitats, leurs yeux fixés sur un point unique.
Isolé du reste de la ville de Manshon se trouvait ce qui semblait être un manoir délabré, laissé à l'écart par le reste de la populace, qui semblait désireux de l'oublier. Cette relique branlante, qui tenait encore debout par on ne sait quel miracle, avait décidé de simplement finir sa longue vie dans la paix et la tranquillité, nostalgique des temps anciens où il devait trôner, resplendissant avec fierté, au centre de l'île.

Alors que Rufus observait la pièce du premier étage où il avait atteri, il ne pouvait s'empêcher de noter qu'il y avait des gens beaucoup trop idiots pour vivre.
Il n'y avait aucun doute qu'il était arrivé au bon endroit. Le cadavre en face de lui devrait suffire comme preuve. Un simple bandit dont tout le monde oubliera l'existence parmi les nombreuses pertes, qui n'avait eu ni le temps ni la présence d'esprit de réagir au tueur qui s'était faufilé par l'une des fenêtres brisées. Son seul réflexe avait été de fouiller dans sa veste afin d'y ramasser son couteau, avant de tomber sur le sol, inerte, un léger flot de sang s'évadant de sa gorge. Par chance, il était seul dans la pièce, même s'il était évident que le reste de la bande était dispersé à travers la bâtisse.

Depuis quelques jours, le calme typique de la ville de Manshon avait été mis à mal par une bande de brigands sans scrupules, sans finesse et sans raison, qui hurlaient à chaque coin de rue qu'ils allaient conquérir les mers. Figés par la surprise et le choc, les passants n'avaient pu que rester immobile et terrifié faces à leurs actes barbares qui avaient mis à sec plusieurs des commerces. Incapable de rester satisfait de simple vandalisme, on avait aussi noté de nombreux cas de civils malmenés, soit à cause d'une tentative folle de stopper ces voleurs, soit car ils se trouvaient tout betement sur leur route destructrice. Une fois le méfait accompli, ils disparaissaient, ne laissant derrière eux que les fruits de leur saccage.
Au bout de trois jours de cette farce, les mafias avaient décidé à l'unison que cela était assez.

Evènement assez rare pour être noté, elles avaient décidé d'agir en commun, et donné une mission cruciale au marcheur d'ombre apatride. Seul, il devait infiltrer le repaire de ces pirates de bas étage et tuer leur chef. L'exercice de la force létale était autorisé, et même encouragé. Toute résistance devrait être sévèrement punie, et le message devait être imprimé dans leurs crânes pour le restant de leurs jours : personne ne s'oppose aux sept familles et en ressort indemne.


*Bon.* pensa Rufus en fouillant la pièce avec la plus grande discrétion possible. Naturellement, l'endroit était toujours à moitié en ruine. Les murs étaient rongés à moitié par les vers, la poussière avait envahi chaque centimètre carré des lieux, et le bois donnait l'impression que le moindre coup brusque pouvait le briser. Bien que le lieu entier avait l'avantage d'être dans un coin tranquille, la sécurité des lieux était à pleurer. Ou du moins, il s'imaginait que c'était à pleurer.
Redressant silencieusement son chapeau melon, il prit le couteau du cadavre à côté de lui et ouvrit avec extrême délicatesse la porte. Il n'avait malheureusement aucune idée des effectifs présents, et encore moins leur répartition à travers le manoir.

Les couloirs miteux étaient plongé dans l'obscurité quasi totale, les quelques traces de lumière étant oeuvre de la Lune. A part les grincements du plancher, l'endroit était curieusement silencieux. Continuant de progresser méthodiquement avec lenteur à travers les lieux, Rufus ne pouvait que s'interroger sur la position de l'ennemi.
Il eut à peine le temps de se plaquer contre un mur alors qu'à côté de lui un groupe de trois hommes fonçait à travers un couloir, l'un d'entre eux signalant aux deux autres de se dépêcher. Disparaissant aussi vite qu'ils étaient apparu, Rufus se retrouva seul à nouveau, un sourcil haussé dans une tentative de simuler la confusion.
L'avait-on déjà repéré ? Impossible, ils n'allaient pas dans la direction de la chambre par laquelle il était entré, et il était absolument sur qu'il n'avait pas laissé au temps au brigand de donner l'alarme. Que se passait-il pour qu'ils soient aussi agités ?

...
Les Sept Familles n'avaient pas envoyé un autre homme, si ?
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La nuit est sombre et pleine de terreur. Voilà une phrase simple et efficace pour décrire de la meilleur manière possible cette nuitée. La lune est haute dans le ciel et illumine juste assez Manshon pour que nous puissions y voir clair quant aux événements qui s'y déroulent actuellement. Ces événements ne sont centrés que sur un seul lieu, pour le moment. Et dans ce lieu se trame quelque chose d'important. Quelque chose qui pourrait déraper à tout moment. *Haaaa* *Haaaa*
Qu'est ce dont, vous demanderez vous. Ce sont des halètements. Et pourquoi des halètements ? Parce que la personne qui halète, voyez vous, court. Mais pourquoi court-elle ? Et bien parce qu'elle se trouve dans ce dit manoir, situé en marge, ce fameux lieu où tout se trame. Que dîtes vous ? Cela ne vous aide pas ? Effectivement. Parce que ce n'est pas le lieu, qui indique pourquoi la personne court, mais la deuxième partie de la phrase. Elle court pour la simple et bonne raison que c'est le lieu où tout se trame.
Mais qu'est ce que "tout" ?

Ce manoir est le repaire temporaire de forbans, de bandits, de flibustes qui terrorisent la population depuis maintenant quelques jours. Le seul soucis, c'est qu'en général, les mafieux de l'île réagissent au quart de tour. Matant ceux qui troublent le train train quotidien de leurs affaires en une journée seulement. L’inconvénient ici, c'est que ces bandits sont des pirates inhabituels : l'habitude des pirates c'est d'arriver, de piller et de s'en aller. Ici, nous avons affaire à un autre type de pirate. Le type de pirate qui s'installe, et qui continue de piller jusqu'à ce qu'il n'y ait plus la moindre parcelle de richesse dans le pays. Les leaders n'ont pas vu cela venir.
Et pour la simple et bonne raison que les Leaders ont mis plus de temps que prévu à réagir, Kevan s'est mis en tête qu'il pourrait faire bouger les choses tout seul. Après s'être retrouver sur Manshon suite à un mal-entendu avec son navire de transport - qui était censé l'emmener sur East Blue - il vit là une occasion de faire ce qu'il ne pouvait pas faire là où il n'était pas : aider. Bien sûr, son but actuel est de rejoindre Tequila Wolf, ayant entendu qu'une escouade révolutionnaire allait y faire un coup d'éclat d'ici peu. Mais il n'est pas du genre à laisser passer les occasions. Il prend la vie avec ce qu'elle lui donne. Aujourd'hui, il est à Manshon, et c'est donc à Manshon qu'il fera ce qu'il doit faire.

Et actuellement il doit courir.

Il avait caché sa lance dans un pot, dans l'entrée, pour être plus mobile, plus rapide, plus discret. Mais cela n'avait pas suffit. L'infiltration est loin d'être le point fort de Kevan. Il fit tomber un pot, attirant deux hurluberlus de la piraterie vers lui. Il eut le temps de se cacher, mais, malheureusement, il fut très vite repérer. En effet, le rideau derrière lequel il tenta de se cacher était en lambeau.

Et donc, depuis ce moment-là, il court. Vite. Très vite.

- Vous savez, je ne possède pas d'argent ni rien, alors au final me poursuivre ne sert à rien ! Non ?

Il réfléchit. Il réfléchit. Il les embrouille, il les embrouille.

- Bordel !

Les craquèlements du bois et les grincements du parquet le repère de plus en plus à chacune des secondes qui passent. Et sa lance est en bas. Si il se bat maintenant, il serait désavantagé grandement. Par conséquent, le mieux serait de continuer à courir jusqu'à retrouver le chemin de l'entrée. Néanmoins, l'entrée sera sans doute gardée, pour éviter qu'il sorte du manoir vivant. Cependant, le plus longtemps Kevan fuira, le plus de pirates seront alarmés. Le plus intelligent, serait donc d'arriver à s'éclipser d'un coup des yeux de tout le monde pour avoir la paix, quelques temps. Toutefois il en est incapable. La discrétion - encore une fois - n'est pas dans ses cordes, or la rapidité y est. Et ça, il le sait. Il décide donc de continuer à courir jusqu'à trouver... Trouver ce qui est devant lui, en fait. Une rambarde lui fait face. Derrière cette rambarde, du vide. Et après ce vide, le hall. Bien sûr, il pourrait prendre les escaliers, mais entre nous, ce serait à la fois moins rapide et moins classieux. Il bondit donc dans ce vide, puis se rétabli au sol en faisant une roulade. Roulade faite, il arrive à une longueur de bras du dit pot. Agrippant sa lance, il est maintenant bien plus rassuré quand à la possibilité qu'un combat ait lieu. Malheureusement cela n'allait pas être possible. Ils étaient trop nombreux. Il fallait fuir, encore une fois. Fonçant vers le mur duquel il venait, il plante le manche de sa lance dans le sol et s'en sert pour avoir une impulsion, comme une perche. Se retrouvant en haut et ne réalisant pas du tout ce qu'il venait de faire, il arbore un sourire fier et satisfait de ce qui s'était passé. Les pirates, eux, sont en train d'essayer de remonter leur mâchoire qui venait de s'écraser au sol.

C'est encore le moment de courir.

Et il court.

Mais son pied se coince dans une planche de parquet éventrée.

Et il tombe. Il est déséquilibré, sonné. Devant lui, quelqu'un. Blond. Chapeau noir. Yeux rouges. Profonds. Il donne froid dans le dos, il dégage quelque chose, quelque chose de fort. Il n'est en rien comme ceux qu'il venait de fuir tout à l'heure. Kevan se relève d'une traite et se met en position de combat.

Ami ou ennemi ?
    Il ne fallut que peu de temps avant que les bruits de pas commencèrent à se multiplier à travers la bâtisse, le silence bientôt écrasé sous la montagne des craquements, cris et autres escapades dont la nature échappaient à la connaissance du tueur, qui eut à peine le temps de sa cacher dans l'une des pièces, visiblement une ancienne chambre, pour tenter de comprendre ce qu'il se passait. Il fallait avant toute chose qu'il garde son calme. Les imprévus lors d'une mission étaient naturels qu'il serait illogique qu'il n'y en ait aucun, et jusqu'à nouvel ordre, personne n'avait noté sa présence sur les lieux.
    Il ferma les yeux et fit le vide. Qu'importe ce qui se déroulait dans le manoir, cela était suffisant pour plonger les bandits dans un état de panique ou, du moins, d'agitation. Il pouvait entendre les bruits de course sur le plancher, chacune fabriquant une sorte de frénésie continuelle que Rufus se contentait d'analyser avec toute l'attention qu'il pouvait fournir. A travers le bois miteux, il tenta du mieux qu'il pouvait une certaine analyse.


    Les pirates poursuivaient quelqu'un.
    Les cavalcades étaient divisées en deux groupes, le premier constitué d'un petit groupe de personnes qui hurlait quelques paroles au second, seul. Celui-ci tenta bien de répondre, quelque chose à propos d'argent, mais le tout fut en vain, alors qu'il continuait sa tentative désespérée d'échapper à l'ennemi. Ailleurs encore, le reste du gang était en train de réagir, probablement pour monter des défenses afin de protéger le chef.
    La question était : qui était la personne qu'ils poursuivaient ?

    Un marine ? Il savait qu'ils n'agissaient quasiment jamais ici, et encore moins seuls, à part s'il s'agissait d'un rookie incroyablement stupide qui voulait se prouver, mais les possibilités étaient faible. Un autre pirate était également peu probable, il ne serait pas venu seul. Restait celle d'un autre agent des mafias... mais pourquoi prendre la peine d'engager un autre homme pour l'assister s'il n'était pas prévenu ? Il se souvenait avec précision impeccable des instructions : il serait seul, et tout lien avec lui serait nié s'il échouait et se faisait capturer. Cela n'obéissait à aucune loi de la logique. Alors, qui ?
    Il comprit rapidement qu'il ne pourrait pas trouver la réponse tout seul. Alors que les bruits se déplacaient vers le rez de chaussée, il vit l'occasion de sortir de sa cachette. Les couloirs étaient fort heureusement vide, et le chemin était libre. Au moins, il bénéficiait d'une agréable diversion, pensait-il alors qu'il se dirigeait vers le hall d'entrée.

    Et il le vit.
    Un homme beaucoup plus vieux que lui était vautré sur le sol, son pied coincé dans le plancher à moitié rongé par le temps et le manque d'entretien. Des cheveux longs, un visage frappé par les rides, une barbe relativement bien entretenue, une lance qu'il tient dans sa main. Dans ce genre de situation, un individu normal pourrait aisément se moquer de son infortune et de sa maladresse.
    Mais Rufus pouvait sentir la puissance qui se dégageait de lui.
    Cet homme n'était pas comme les autres.


    Il en eut la certitude lorsqu'il se releva et se mit en position de combat, sa lance prête à frapper. Ce genre de réflexes n'était pas le niveau que l'on pouvait voir de l'individu lambda, et Rufus ne pouvait pas traiter avec ce genre d'hommes comme il le faisait avec la plupart. Immobile, il se contenta de l'observer, ses yeux semblant scruter jusqu'aux fin fonds de son être.
    Ami ou ennemi ?
    La question méritait de se poser. Au vu de l'accoutrement, il n'était probablement pas d'ici, et il n'était définitivement pas membre des Marines. Dans une moue qui s'apparentait probablement à de l'agacement, Rufus comprit qu'il n'avait aucune idée de ce qui était en face de lui.

    Le temps pressait, alors qu'il notait la forme du bandit de bas étage qui s'avançait vers eux par l'arrière. Tous deux à semi cachés par l'obscurité, le bougre devait penser que le tueur était un de ses alliés, et s'attendait à ce qu'ils travaillent ensemble pour se débarasser de cet intrus. Que faire ?
    En un mouvement, Rufus bondit, la lame du couteau qu'il avait emprunté à sa première victime reluisant sous la lune. Ses yeux fixés vers le couloir, il avançait par grands bonds dans l'obscurité, une sorte de froideur méthodique dans ses yeux. Dans quelques secondes seulement, il allait être au niveau de l'homme à la lance... et passa à coté de lui.

    Le malfrat eut un air surpris alors que le fer lui transperça le coeur d'un geste brusque. Il s'effrondra au sol, inerte, alors que le meurtrier trônait au dessus de lui.
    A défaut, l'ennemi de son ennemi pouvait être son allié.

    Il se retourna, son visage dénué d'expression face au lancier. D'un geste de la main, il fit signe de l'accompagner.


    "Par là." il pointa une salle isolée alors qu'il pouvait entendre les bruits de pas de leurs poursuivants les rejoindre. Ils devaient se dépêcher. "Et je veux des explications sur qui vous êtes et ce que vous faites ici." conclut-il avant d'ouvrir avec délicatesse la porte noire, chemin vers un endroit relativement sûr.
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    La concentration est la faculté qui crée les as, les surhommes.
    A ce moment là, Kevan est loin d'être un surhomme. Il est loin d'être digne de ce qu'il sait habituellement faire, d'ailleurs. En effet, trop concentré sur le jeune homme aux cheveux d'or qui lui fait face, il en oublie d'écouter ce qui l'entoure, et donc d'entendre le bruit des pas de l'homme prêt à l'égorger qui avance vers lui tout en essayant d'être furtif. Mais l'imberbe qui lui fait face, lui, le voit. Et, en étant à la hauteur de toutes les attentes de Helmet, celui-ci se rue vers lui. Kevan est prêt à bloquer. Il sert le manche de sa lance. Mais ce n'est pas l'intention du jeunot. Non. Celui-ci a à l'esprit un but bien différent. D'un coup de bras, il assassine le forban qui s'approchait dans le dos du révolutionnaire. Notre soliste fronce les sourcils. Malgré qu'il l'ait aidé, cela ne suffit pas à notre lancier pour accorder sa confiance à un inconnu. Qui plus est, un inconnu qui sait être rapide et précis dans l'art de l'assassinat. Lance toujours serrée, sourcils toujours froncés et esprit toujours méfiant, lorsque le drôle d'hurluberlus au meurtre facile lui indique de le suivre, Kevan s'exécute. Même si il ne lui fait pas confiance, la logique veut que si il était son ennemi, il aurait tenté de l'attaquer quelques secondes plus tôt. Pour cette raison, notre homme accepte de le suivre.  Néanmoins, l'ennemi de mon ennemi est mon ami est une expression qui ne veut rien dire, pour Helmet. En effet, ce proverbe fut dit par un Prince. Et ce prince fut assassiné par ses sujets. Par conclusion, ce sont de nos amis qu'il faut se méfier plus que de nos ennemis. Alors baisser sa garde parce qu'il vient de l'aider ne serait pas judicieux.

    - Et je veux des explications sur qui vous êtes et ce que vous faites ici.

    Bien sûr, tout lui raconter sur ce qu'il fait dans la vie, son but, ses intentions, ses secrets et les secrets de ses compagnons d'arme serait stupide et naïf. Or Kevan n'est ni stupide, ni naïf. Il faudra donc rester très vague. Le révolutionnaire attend d'entrer dans la salle pour parler. Salle dans laquelle ils peuvent écouter sans être vu, entendant chacun des pas de leurs ennemis sans pour autant se faire repérer. Très utile, lorsqu'on veut être discret. Helmet note dans sa tête.

    - Je ne suis ici que pour aider. J'ai en horreur le fait que les mafieux de Manshon aient attendu aussi longtemps pour agir. Ce n'a rien d'habituel, chez eux. J'ai donc décidé de m'en occuper moi-même. Toutefois j'ai sous-estimé leur nombre et la praticité de leur repaire.

    Kevan tente de se mettre à l'aise. Mais sa lance heurte violemment un des murs de la pièce. De l'autre côté du mur, un pirate s’interroge. Il ne sait pas si il a rêvé ou si cela s'est réellement passé, si c'est le stress, la pression, ou si il est tellement à l'affût du moindre bruit inquiétant qu'il a entendu ce que personne n'a entendu. Par curiosité et par confiance en lui, il s'approche de la porte avec inquiétude et prudence. Ses pas font grincer le bois sous ses pieds, indiquant à nos deux olibrius l'arrivée de la petite frappe. A l'intérieur de la pièce, Helmet pose sa lance au sol, attrapant l'une de ses dagues. Il se place dos au mur qui arbore cette porte miteuse. La poignée se tourne et l'homme entre. Kevan ferme doucement la porte derrière lui.

    - Sais-tu pourquoi tout le monde hait les pirates, jeune homme ? Parce que vous pensez que votre drapeau noir et vos navires imposants vous fait rois du monde. Mais sache une chose petit... Tu n'es au fond qu'un garçon imberbe à la peau pâle qui est beaucoup trop lent à dégainer son épée.

    Dague sous la gorge, le jeune pirate fait un signe de reddition en posant ses armes au sol. Bien sûr qu'il ne criera pas. Celui-ci doit être le moins expérimenté des pirates de ce bâtiment. Il doit être aussi bon au combat que Kevan est bon à donner des leçons. Bien. Maintenant ils allaient pouvoir commencer.

    - Je veux le nom de ton leader, son arme de prédilection et sa position.

    - Je ne vo*

    Kevan enfonce sa dague dans la peau de son cou, sans pour autant lui trancher quoi que ce soit. Du sang sort de sa chair sans pour autant que cela ne soit un torrent.

    - Parle, gamin, on a pas toute la journée.

    - Il s'appelle Draide, Jouje Draide ! Il se bat avec ce qu'il trouve et il est en perpétuel mouvement.

    - Et bien voilà...

    Un coup nette sur la tête avec le manche de la dague et voilà que le garnement tombe dans les vapes. Une bonne chose de faite. Maintenant, ils ont un nom et une façon de se battre, il n'en sera que plus facile de le mettre à terre, mais reste à savoir où se trouve-t-il. Et cela n'allait pas être une tâche aisée.

    - Et maintenant ?
      Une relation étrange commençait à se dessiner entre les deux hommes, hésitant à pleinement faire confiance à l'autre, mais encore plus hésitant à le trahir. Alors qu'il écoutait aux banales et vagues justifications du mystérieux homme à la lance, Rufus hésitait toujours quel type de réaction il devait prendre face à cette... temporaire trève.
      Ses personnalités multiples étaient soigneusement fabriquées dans des scénarios qui étaient eux-même dessinés. Dans le cas présent, il avait à peine le temps de faire connaissance avec l'homme en face de lui qu'ils étaient déjà coincé dans la même pièce, écoutant avec attention les bruits de pas qui martelaient le sol, trahissant l'extrême frustration de l'ennemi.
      Bien sûr, quiconque était en face de lui ne lui faisait pas confiance. L'explication fournie était floue et n'était pas spécialement logique. Pour Rufus, personne ne prenait d'assaut un repaire de brigands à lui seul uniquement car il voulait *aider*. Il devait y avoir une autre raison, cachée, mais laquelle ? Etrangement, il portait beaucoup trop d'attention à cet homme radiant de force et couvert de mystères, et l'espace d'une seconde, il prit priorité sur sa mission, égard de sa pensée qui fut rappelé immédiatement à la Raison.

      Notamment car il avait tapé le mur avec sa lance.
      Il était à peu près sur que dans ce genre de situations, il devait être horriblement frustré. Le monde était fort lunatique pour qu'il puisse abriter des êtres aussi fascinants et idiots à la fois. Il avait au moins la présence d'esprit de se préparer à accueillir l'intrus. Il se faufila dans un coin obscur, un seul pan de son visage visible à première vue.
      Malgré son élan de betise, le lancier se révélait être doué à profiter de la surprise du jeune homme qui finit par tomber par terre après avoir craché le morceau. Jouje Draide, tape avec ce qui lui tombe sous la main, n'a pas de position fixe. Et il pouvait noter que son compagnon d'infortune avait une certaine haine de la piraterie, à en juger par la voix grave et sévère qu'il prenait. Ou bien était-ce un leurre ?


      "Et maintenant ?"

      Les bandits, oui. Rufus refit une analyse rapide de la situation, écoutant attentivement les mouvements dans l'étage. Deux groupes circulaient à travers le premier étage, leurs pas résonnant lourdement à travers le plancher. Il était probable qu'il restait encore des renforts au rez de chaussée, et peut-être même au dessus. Draide, la cible, n'avait pas encore fait son apparition. La course d'action à suivre lui semblait évident.
      Il se leva, son visage gardant toujours la même expression étrangement calme.


      "Nous avons un avantage tactique sur l'ennemi, à savoir qu'ils croient que vous êtes le seul intrus. Il ne faudra pas beaucoup de temps avant qu'ils tombent sur le cada-" Il y eut un bruit de porte au loin, et un cri de rage. "Avant qu'ils ne tombent sur les cadavres et décident de fouiller les pièces. C'est là où nous agissons." Il redressa son chapeau melon, alors que plusieurs instructions étaient données par une voix saisie par la panique. "Ils vont probablement tenter de vous encercler, et espérer gagner par le nombre. Profitons simplement de l'occasion pour éliminer les groupes un par un."

      Il avait récité ce plan avec une voix incroyablement monotone qu'on aurait pu assimiler à une forme d'ennui contemplatif. Rufus préféra ne pas s'embarasser d'une personnalité factice, un comportement improvisé aurait pu énerver l'homme, et il préférait le garder de son côté.

      "Draide va probablement tenter de profiter du chaos pour s'enfuir et se réinstaller avec d'autres ailleurs." C'était la course d'action qu'il aurait choisie, le manoir n'étant plus sûr. "Ils vont sans aucun doute préparer une retraite au rez-de-chaussée pendant que nous gaspillons notre temps sur le menu fretin. Attardons-nous le moins possible."

      Le bruit des pas s'approchait dangereusement d'eux. Des manches du tueur sortirent deux légers bâtonnets qui pouvaient tenir dans le creux de ses mains tandis qu'il s'avançait avec sérénité vers la porte. Il n'hésiterait pas à ouvrir les hostilités.
      Il leva trois doigts avec sa main gauche. Le temps qu'il leur restait avant que le gang qui s'approchait d'eux. Ils n'avaient plus qu'à faire leurs derniers préparatif.
      Trois.
      Deux.
      ... Un.

      Rufus Belmont surgit hors de la salle, ses deux lames surgissant de leurs fourreaux, prêt à frapper et tuer.
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      Boucle d'or aux cheveux raides finis de résumer son plan tout en restant inexpressif. Helmet acquiesce pour chacune des étapes. Loin d'être abruti, le jeunot sait y faire, en terme de stratégie. Néanmoins, il est loin d'être... Comment le dire de façon à ne pas vexer... Ah, non, on s'en fiche de vexer, il n'entend pas. Alors. Il est loin d'être sociable, dirons nous.

      - Ils vont sans aucun doute préparer une retraite au rez-de-chaussée pendant que nous gaspillons notre temps sur le menu fretin. Attardons-nous le moins possible.

      Lance-t-il toujours inexpressif, tout en empoignant deux courts bâtons sortant tout droit de ses manches. Certes, il est inexpressif, mais quelque chose dit à Kevan qu'il s'apprêtait à prendre son pied, ou leurs têtes. Il lève trois doigts. Comme trois secondes. Ou trois pas. Enfin, à zéro, il faut y aller, quoi. Kevan entend, Kevan comprend, Kevan est prêt. Reprenant sa lance laissée de côté tout à l'heure, il se lève et marche en direction de la porte. Toutefois, attendre n'est pas ce qu'il veut. Blondin est peut être équipé d'armes courtes, mais la lance de Helmet lui permet d'atteindre des ennemis éloignés, par conséquent, il pouvait y aller avant zéro. Pour cette raison...

      ...Un...

      Le Blondin sort, mais, ouvrant la porte de façon totalement détendue et sereine, mais la porte se referme aussitôt.
      Non content d'être à la masse, Kevan se rue vers la porte et donne un coup de pied sec et puissant dans celle-ci.

      - Merde. Putain. Chier.

      ...

      - Mon pied est coincé.

      Bien sûr, le bois est tellement pourri qu'avant que les gonds ne s'arrachent, le bois s'éventre. Mais tant pis. Pour Kevan, aucune situation n'est désespérée. Même si les pirates se précipitent actuellement vers la porte pour lui arracher le pied - car Kevan ne prend pas en compte son acolyte dans les événements qui vont suivre. Pour lui, il est toujours un potentiel ennemi. Et il est de l'autre côté, là où il ne peut le voir. Si Blondin veut rouler notre bon vieux révolutionnaire, c'est maintenant. Mais encore une fois, il sait réagir vite. D'un coup de lance, il découpe la porte et pose le pied au sol. Celle-ci est toujours encastrée dans son panard, mais cela n'a pas d'importance. Cela pouvait le gêner, mais pas assez pour se faire submerger par du menu-fretin comme celui qui lui fait face.
      Devant lui, huit bonhommes - dont notre inexpressif jeunot, mais il fait sombre. Très sombre. Conséquence, Kevan sait pas bien qui est où. Et ne se pose pas de question. Ceux qui sont devant, ce son les méchants et tous sont armés. Trois avec pistouilles et fusils longue portée, cinq avec sabres, dagues et canifs. Lui, il est en position défavorable. Se déplacer n'allait pas être chose aisée, avec cette porte. Mais cela peut le faire. Il place sa jambe gauche devant sa jambe droite et se met en position d'équilibre. Il sert sa lance, fléchit les genoux et se concentre. Ses muscles des bras se gonflent, son regard devient sérieux, assassin, fusillant. Il prend une inspiration profonde, puis, de sa bouche, deux mots s'échappent.

      - Shii-Cho.

      A une vitesse phénoménale, ses bras vont et viennent, lançant une multitude d'attaques sur ses ennemis. Leur sang éclabousse les murs, la poussière au sol se soulève sur le trajet de sa sagaie. L'attaque finie, un long silence demeure, puis les corps tombent. Kevan se retourne vers le blondinet aux bâtons, mais il n'est pas là. Toutefois, l'important n'est pas là. Seuls six corps étaient tombés. Il n'avait même pas touché les autres. Il ne maîtrise pas sa technique à cent pour cent, et cela peut lui coûter cher, car les voilà qui arrivent, armés de leurs épées et canifs. Mais Kevan entend, et Kevan se retourne, mais Kevan a le pied bloqué dans la porte. A-t-il le temps ? Non il ne l'a pas, quoique, il le tente. Il lève les yeux, il est confiant. D'un coup sec, il détruit la porte à l'aide du bois de sa lance, mais lorsqu'il lève les yeux encore une fois, l'ennemi est à sa portée. Et son bras est déjà lancé, prolongé par son sabre. Argh.

      - Chier. Tant pis.
        S'il croyait au destin, Rufus serait sûr qu'il était acharné à rendre sa vie plus compliquée.
        Tout était aligné de manière si parfaite. Huit hommes en face de lui, cinq armés d'armes blanches, trois ayant des armes à feu. Tous à moitié confus et sur les nerfs. Le lancier ne devrait pas tarder à le rejoindre, et s'occuperait de ceux aux épées. De son côté, il n'aurait qu'à bondir sur ceux armés de pistolet. Celui le plus à droite n'aurait pas le temps de tirer et les autres, dans la panique, seraient incapable de décider sur la cible à choisir. Il en profiterait pour les neutraliser tous deux en un unique mouvement, et pourrait ensuite aider à tuer le reste. Le tout prendrait grand maximum une dizaine de secondes. Parfait.

        Il ignora la voix qui venait de derrière lui, probablement une énième provocation de son allié envers le groupe. Celui en face fonçait sur lui en hurlant de rage avec une lenteur à vomir. Un simple pas de côté fut largement suffisant pour esquiver la taillade du sabre, tandis que Rufus avait déjà en ligne de mire les pistoleros qui brandissaient leurs jouets pour l'arrêter. Tout se dessinait devant ses yeux dans un silence harmonieux et fantastique, alors qu'il se préparait à-


        "Shii-cho."

        La réalité reprit son recours alors que la lance derrière lui se mit à frapper, ne faisant aucune distinction entre allié ou ennemi. La sauvagerie de la technique, le capharnaüm qu'elle produisait, les vies qu'elle enlevait plongea le jeune tueur dans la confusion complète. Il ne put que se replier, tentant désespérément d'éviter la rafale. Une erraflure à l'épaule, une autre à la jambe et enfin une large coupure au niveau de sa côte était l'étendue des dégats alors qu'il fut ejecté sur le sol miteux, se mordant la lèvre pour éviter de gémir.

        *Impressionnant.*

        Il tenta de se relever alors que le sang commença à couler de ses plaies. Celle à la côte était au sérieuse, mais la mission avait toujours priorité. Son chapeau était à terre, à moitié déchiqueté, son costume barbouillé de poussière et de quelques taches de sang, les aléas typique du métier en quelque sorte.
        Six corps sur huit étaient à terre.
        *Impressionnant.* pensa-t-il une nouvelle fois. Il y avait dans la rugueur et l'irrationnalité de cet homme quelque chose qui... l'attirait ? Il n'arrivait pas à trouver un terme, mais il y avait quelque chose qui se dégageait de lui qui l'empêchait pleinement de se concentrer. Toute la situation était si absurde, presque comique, en particulier la porte qui s'était coincée sur le pied, contrastant avec les morts qui parsemaient le sol.

        Les deux restants s'approchaient de son sujet d'étude, lames braquées. Merde. Agir. Ignorer la douleur. Serait-il assez rapide pour les tuer tous deux ? Il avait toujours ses deux armes, magnifique, mais il manquait le temps si précieux pour atteindre le plus lointain avant qu'il ne touche. Il fallait dans ce cas faire des compromis.
        Rufus bondit en grincant des dents, repoussant ses limites alors que ses blessures lui donnaient envie de s'effrondrer à genoux. Le pirate devant lui avait complètement ignoré son existence pour se concentrer sur la cible initiale. Une grossière erreur. Le meurtrier en noir fit un saut en l'air, brandissant ses deux épées alors qu'il les planta avec une précision extrême dans le dos de sa victime, qui poussa un râle en s'effrondrant lentement. Le barbu, de son côté, se débarassait de la porte qui gênait tant ses mouvements... mais hélas ! Son adversaire l'avait déjà à portée, préparant le coup fatal.

        Rufus ne le permettrait pas.
        Dans une folle audace instinctive, il prit appui sur le dos du bandit et s'élanca à travers le couloir. Il n'avait même plus assez de temps pour récupérer les lames, mais ses mains, plus proche de la griffe, suffisaient. Lui. Le bandit. Le héros. Il n'avait qu'à plaquer le brigand, permettre au lancier de le neutraliser, récupérer ses armes, et ils passeraient à la suite. Tout était dessiné de manière parfaite, alors qu'il plaqua son ennemi au sol dans un grand fracas.
        Le plancher s'effrondra sous lui.


        "Qu-" ne put commencer Rufus avant de chuter.

        Bien sûr. Avec tout ce qui se venait de se passer, ce manoir miteux ne pourrait supporter le poids de deux personnes, surtout avec une telle force. Pourquoi n'était-il pas foutu de prendre en compte ce genre de détail ?
        Il serra les dents alors qu'il se relevait avec difficulté au rez de chaussée. Au vu des sons étrange qui parsemaient son corps, il n'en était pas ressorti indemne. Le corps en dessous de lui non plus d'ailleurs, au vu de son cou disloqué.
        Les pirates qui l'entouraient n'étaient pas content. Logique. Il se releva, légèrement groggy du choc encore. Il pourrait bien sûr les retenir un certain temps avec ses mains, mais il devait avouer qu'il était à un profond désavantage ici. Rien ne sortait de sa bouche autre que son souffle rauque, alors que les grognements autour de lui s'intensifiaient.

        Au bout du couloir se trouvait une forme massive, au dessus de laquelle semblait se dessiner un casque. Masquée à moitié par un des groupes de malfrats, cela n'empêchait pas Rufus de comprendre à quel genre d'homme à qui il avait affaire. C'était sa cible, aucun doute là dessus. Sa cible, qui le prenait à désavantage, en surnombre alors qu'il était à moitié blessé.
        S'il croyait au destin, il serait sûr qu'il était un être bien cruel.
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        Le sang gicle sur les murs, remplissant les fissures arborant la totalité des cloisons qui se trouvent autour des deux olibrius. D'où vient il ? Que s'est il passé ? Bien sûr que je le sais, mais si je choisis de ne pas vous le dire, que feriez vous ? Hein ? Vous feriez quoi ? Hein ? Hein !? C'est bien ce que je pensais. Bref. Revenons quelques temps en arrière. Ayant bien remarqué l'absence de son compagnon de fortune, Kevan comprit qu'il allait devoir se débrouiller tout seul pour rétablir la situation à son avantage. C'est ainsi que... Mais essayez de deviner, enfin !

        - Gnnn... Argh...

        - Que... Hein ?

        Vous ne comprenez toujours pas ?
        La lame du pirate s'approchait dangereusement du révolutionnaire. Celui-ci analysant la situation avec une rapidité sans pareil, il en vint à la conclusion qu'il ne pouvait éviter le sabre venant dans sa direction, et il ne pouvait contrer l'attaque, étant donné qu'à cette distance, la lance est une arme compliquée à utiliser. Il fit donc un mouvement vers la droite, faisant en sorte que l'épée du pirate viennent se planter dans le creux de son épaule, à un endroit où il n'y a pas de point vital. Ce qui nous amène à maintenant.
        A la fois l'expression du visage du Forban et celle de Kevan changent. Un sourire presque effrayant se dessine sur le visage du révolutionnaire, tandis que toute joie ou expression positive disparaît de celui du flibustier.

        - Je... Je n'ai fait... Je n'ai fait que suivre les ordres !

        Malgré la douleur, Kevan attrape la lame pour que son adversaire ne puisse s'en aller. Il jette sa lance en l'air, puis aussitôt lance son poing en direction du visage de son ennemi. Il n'a rien vu venir, et rien pu évité. Il n'a pas le temps de récupérer qu'un deuxième arrive sur son museau. Puis un troisième. Maintenant qu'il l'estime assez sonné, Kevan retire d'un coup sec la lame de son épaule gauche, puis rattrape sa lance qui est redescendu à sa hauteur. Il balance d'abord un coup de pied sec, projetant son ennemi dans le trou béant produit par Rufus lorsqu'il avait éventré le planché. Puis, lorsqu'il le traverse, Kevan bondit. Haut. Très haut. Et traverse le trou à son tour. Lance serrée, il la prend lame vers le bas. Le pirate tombe au sol, gémissant de douleur, le visage en sang. Puis, presque instantanément, la totalité des personnes présentes au rez de chaussée se tourne vers celui-ci. Mais ils ne s'attendent pas à ça. La lance de Kevan vient se planter droit dans le cœur de son adversaire lorsqu'il atterrit le genoux gauche au sol et le pied droit bien encré dans le parquet pourri. Et l'expression de visage de Kevan change encore. Celui-ci devient sérieux. Presque terrifiant.

        - J'ai été la victime des hommes qui suivent les ordres. Plus jamais.

        Il retire la lance du corps inerte du forban, une giclée de sang suit son action. Il prend ensuite son arme bien en main, voyant que la situation en bas est plus à plaindre que celle dans laquelle il était en haut. Le sang dégoulinant de son épaule et du bout de sa lance, il est prêt à en découdre, mais il est déjà bien amoché. Derrière lui, son allié semble jeter principalement son dévolu sur une ombre se trouvant au fond de la salle, derrière une multitude d'homme. Tout ce que l'on peut apercevoir de la personne, c'est un casque. Le capitaine, hein ? Kevan recule avec prudence vers le blondin, puis colle son dos contre le sien.

        - Alors, on attend pas Patrick ? Héhé.
          Les pirates étaient légèrement... confus. Alors qu'ils s'avançaient vers Rufus, ils se rendirent compte rapidement qu'il ne s'agissait pas le moins du monde du type qu'ils avaient poursuivi. Au vu du vacarme qui se produisait en haut, ils vinrent rapidement à la conclusion que les ennuis n'arrivaient jamais seul.
          Pour être honnête, Rufus n'était pas dans une position très confortable lui-même. Il pouvait sentir le soufle rauque des pirates qui salivaient déjà à l'idée de l'achever tel de vulgaires charognards. Sa côte lui faisait toujours mal, et il avait perdu ses armes.
          Il allait devoir jouer serré.

          Alors qu'il pouvait entendre son compagnon distribuer des mandales aux brigands qu'il restait, le meurtrier ne put qu'éviter de justesse la lame qui fonçait vers lui. D'un geste, il bloqua le bras à côté de lui et arracha d'un geste brusque le sabre du pirate qui l'attaquait, avant de le repousser d'un coup de pied à l'estomac. Il sentit son corps ayant de plus en plus de mal à lutter contre la douleur perçante qui lui transperçait les côtes. Alors que le reste du groupe passait à l'attaque, il pouvait sentir le doux baiser de la Faucheuse se poser sur ses lèvres...

          ... et il y eut un bruit. Un bruit formidable derrière lui, et pendant l'espace d'une seconde, il sentit la nuit elle-même prendre son souffle. Le lancier, dans sa bestialisé sublime, venait de transpercer d'un coup solide son ennemi qui se tenait immobile, du sang coulang de sa plaie. Tout avait été fait en l'espace de quelques secondes à peine, et pourtant le temps lui-même tenait à graver chacune d'entre elle dans la mémoire des bandits.

          *Impressionnant.* pensa Rufus une troisième fois. Il fit néanmoins une note intérieure de ne pas révéler pourquoi il était ici. Au vu du léger éclaircissement sur la personnalité du lancier, il était sûr qu'il n'apprécierait pas un simple agent comme lui. Une logique incroyablement simpliste, il fallait noter, mais il n'avait pas le temps de s'embarasser de discussions idéologiques.

          "Alors, on attend pas Patrick ? Héhé."
          "Laissons les familiarités pour après." répondit-il sans le moindre rire. Les pirates se décidèrent à lancer l'assaut. "C'est parti."

          Un pour l'avant, un pour l'arrière, ce serait la répartition choisie. Rufus bondit, une nouvelle animosité se réveillant dans son corps. L'homme au casque continuait de les fixer au bout du couloir, semblant attendre quelque chose. Pas d'importance pour le moment, ils étaient toujours à distance de sécurité.
          Cinq des hors-la-loi fonçaient vers lui, l'un d'entre eux ayant décidé d'en venir aux mains, poussant des hurlements barbares pour montrer qu'ils étaient prêt à les tuer.

          Par chance, le sentiment était réciproque.
          Il s'élanca avec grâce à travers la nuit, esquivant le coup qui était destiné pour sa tête. Le sabre qu'il avait était moins subtil que les lames fines qu'il avait laissé en haut, mais elles suffisaient largement pour trancher sa première victime au niveau du torse. Le sang s'écoulait à flots, alors que Rufus coupa la main du deuxième en un geste vif, saisissant son arme blanche. Les trois pirates encore intact hésitaient à continuer, voyant un des leurs mort et l'autre en train de hurler de douleur.
          Ce moment d'hésitation leur serait fatal.


          "Croix Noire."

          Tout bruit disparut.
          Il ne sentait plus la douleur dans son corps, ni la fatigue qui commençait à prendre effet. Le lancier, Draide, la maison, les mafias, Manshon, tout se dissolva dans les ténèbres infinies.
          Ne restait que lui et ses cibles, seules, une peur apparente sur leurs visages. Ses yeux les fixaient avec une intensité glaciale, le son de ses lames résonnant à travers l'obscur.
          Il court. Ses pas se font sans bruit. Sa silhouette devient trouble et à moitié cachée, tel une ombre rampante. Son visage est figé, dévoilant une froideur analytique alors qu'il s'apprêtait à frapper.

          Le bruit revint. Deux des pirates furent poussés contre les murs, touchés aux bras. Le troisième, celui qui fut auparavant désormais, n'eut pas la chance de survivre alors qu'il fut catapulté à travers le couloir, son corps sanguinolant et inerte tombant devant l'homme au casque qui restait immobile. Rufus se releva avec une certaine tranquilité, quelques tâches de sang sur le visage, avant de s'avancer lentement vers l'ennemi. S'il pouvait seulement s'approcher assez de lui...

          Ce qui semblait être le capitaine pirate eut un léger rire sardonique avant de prendre le cadavre par la tête et de le balancer sur l'assassin.
          Celui-ci, prit par surprise, poussa un cri de douleur alors qu'il se reçut le macabé en plein torse. Il tomba à son tour à terre, crachant du sang. L'amas de chair avait presque eu la force d'un boulet de canon lorsqu'il fut lancé.


          "Deux accusés." commença le type au casque avant de commencer à s'avancer. "Plusieurs de mes hommes tués et mon repaire en bordel." Il arracha d'un mur une planche de bois encore solide, Rufus pouvait voir les lignes rugueuses de son visage, mais ses yeux étaient encore cachés par une ligne d'ombre formée par son attirail. "Pour vos crimes, z'êtes condamné à mort." Il ricana un peu avant de se placer en position de combat, gardant le bout tranchant du bois vers le duo. "Au travail !"

          Ca allait pas être facile.
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          A chaque fois qu'ils sont repoussés, ils reviennent à la charge...
          Tout en s'occupant des ennemis qui sont en face, le révolutionnaire garde un oeil sur l'homme au casque, leur capitaine. Ne souhaitant aucunement qu'il leur échappe - car un capitaine vivant peut engendrer un nouvel équipage - Kevan tente de se débarrasser le plus rapidement possible des amuses-gueules qui s'opposent à lui actuellement. Malheureusement, un amuse-gueule, c'est facile, mais lorsqu'il y en a dix, la tâche devient plus ardue... Sauf si...

          Sauf si on se trouve dans un couloir. Bien évidemment, ça prend du temps, de nettoyer tout ça, mais au moins, ils ne risquent pas de mourir ici. Tout ce qu'ils risquent, c'est de s'éterniser et de voir la personne qu'ils recherchent s'enfuir. Alors que Kevan recule tout en se défendant, Rufus perse les défenses ennemis et se rapproche. Cela attire son attention, d'ailleurs. Un frisson de terreur se propage tout à coup dans le dos du lancier, la pression qu'il ressent sur son coeur est telle qu'il se sent poignardé et obligé de poser sa main sur sa poitrine dans le but de vérifier si il n'a pas explosé. Intrigué, et sans la moindre hésitation, il se retourne afin de vérifier ce qu'il se passe derrière lui.

          Là, il se rend compte que son compagnon de fortune ne chôme pas. Des corps gisaient. Certains animés, d'autres non... Mais alors qu'il est concentré sur ceux que l'assassin a touché, il oublie précisément de regarder son acolyte. Et lorsqu'il jette son regard sur lui, il est projeté à terre par un corps qui semble désormais s'éteindre. Là-bas, au loin, un rire sarcastique, ironique, semblant presque appartenir au domaine de la démence retentit. Un grognement plus tard, Kevan enjambe son partenaire et fixe celui qui allait maintenant être son adversaire.

          Juges, Jurés et Bourreaux Jouje_10

          Sentant bien que l'homme qui lui fait face est loin d'être du niveau de ses précédents adversaire de la soirée, Kevan serre les dents et les poings. Tenant fermement sa lance, il sait que l'environnement dans lequel il compte se battre est loin d'être à son avantage. Un endroit offrant aussi peu d'espace qu'un couloir n'est pas ce qu'il y a de mieux, pour utiliser une lance. Malheureusement, c'est l'arme avec laquelle il sait le mieux se battre, et contre le colosse qu'il allait devoir affronter, il se doit de donner le meilleur de lui même. Finissant d'élaborer une stratégie, son pied s'enfonce dans le bois, puis il se rue sur l'ennemi, balançant sa lance d'avant en arrière sans grande conviction. L'autre, armé de son bout de bois, parvient à parer chacun des coups, mais sans contrer.
          Les deux hommes s'observent. Ce qui vient de se passer n'a pas grand intérêt, mais cette phase à laquelle nous assistons est surtout pour jauger. Plissant les yeux, Kevan s'apprête à y retourner.

          - ...Zuho...

          D'un bond, il se retrouve à portée de son adversaire et tente de le faucher. Celui-ci esquive en sautant, puis se rapproche dangereusement de Helmet. Sa rapidité est impressionnante. En moins d'une seconde, le révolutionnaire voit son adversaire arriver sur lui, envoyant dans le même temps sa planche de bois en direction de la tête de Kevan. Au dernier moment, notre révolutionnaire se baisse, mais lorsqu'il regarde en bas, c'est le genou de Draide qui vient percuter l'estomac de notre lancier, qui se voit maintenant projeté vers le plafond à la solidité douteuse. Déboussolé, lorsqu'il reprend ses esprits, Helmet est à l'étage.

          - Merde... Il est rapide, puissant et il est impossible pour moi de me battre comme il faut dans ces conditions... Réfléchis...

          En bas, Jouje s'approche du blondin, prêt à l'achever. Il lève son bras, prolongé par sa planche destructrice, et se prépare à l'achever, lorsque Kevan redescend.

          - Lorsque tu en auras fini avec moi, là tu pourras me tourner le dos.

          Sur ces mots, Kevan enchaîne directement sur d'autres. Son but est simple. Pour pouvoir se battre comme il faut, il est nécessaire de faire de l'espace. Et pour faire de l'espace, et bien... Il faut détruire ces murs.

          - Aribashi...

          Il commence à faire tourner sa lance au dessus de lui... Augmentant sa vitesse, il commence à bouger les bras de sorte à la faire tourner tout autour de lui... Peu à peu, la vitesse de rotation est telle qu'il devient difficile de distinguer la position de la lance en fonction du temps... Il s'approche dangereusement de Draide, les yeux fermés, étant bloqué dans un état de concentration extrême... Jouje semble agacé, il veut en finir, il ne s'attend à rien de plus que tout à l'heure. Il serre les dents. On ne le voit pas, mais on peut aisément deviner que les veines de son front se gonflent dangereusement, prêtes à exploser...

          Bientôt à portée de lance, les yeux de Kevan s'ouvrent... Puis il déchaîne la bête. Ses coups vont et viennent dans tous les sens, des coups de lances se balancent tout autour de lui... Les murs se fissurent, puis se brisent, jusqu'à être presque inexistant, dévoilant les salles qui étaient à proximité. Le capitaine pirate, quant à lui, peine à tout esquiver et parer. Lorsqu'il pare à droite et esquive à gauche, le coup vient d'en haut, et ainsi de suite. Touché à la cuisse et à l'avant bras, celui-ci recule d'un pas. Mais la vélocité de l'attaque diminue progressivement, jusqu'à ce que la lance se plante dans le sol. Essouflé, Kevan s'appuie sur sa sagaie. Autour de lui, l'espace est maintenant favorable... Mais pas sa condition physique. Blessé à l'épaule et à la jambe, cela allait être un combat compliqué... Mais... Il n'est pas seul.

          Derrière Draide, son allié peine à se relever, mais il se relève.
          Maintenant, le combat va réellement commencer.


          Dernière édition par Kevan Helmet le Ven 19 Déc 2014 - 22:08, édité 1 fois
            Allez, lève-toi.
            Son corps était décidément peu coopératif aujourd'hui, bien que cela était parfaitement compréhensible. La vision de Rufus était trouble, notre homme encore sonné à cause du choc, et il n'était plus sur s'il arrivait à sentir ses jambes ou non. Il était sûr que le sang coulait toujours de sa bouche, néanmoins, il pouvait sentir le goût désagréable dans sa gorge.
            Quelle idiotie. Ce capitaine pirate était à un niveau déjà bien supérieur au sien, raison pour laquelle il était crucial qu'il ait l'avantage de la surprise. Dans un combat un contre un, il avait déjà perdu d'avance. Et s'il ne se dépêchait pas de se lever, il ne garantissait pas sa survie.
            Mais au fond, est-ce que ça allait importait ? Couché sur le sol, il se sentait incroyablement tranquille au milieu du combat de titans qui se déroulait autour de lui. Qui gagnait, ça, il l'ignorait, mais au vu de la planche de bois qui se préparait à lui transpercer le crâne, ça ne devait pas être à l'avantage du lancier.


            "... fini... moi... tourner le dos..."

            Ou bien?
            Il put reprendre ses esprits alors qu'une tornade se dessinait sous ses yeux. Le manoir entier était dévasté par cette manifestation sauvage de la nature elle-même, alors qu'il pouvait voir la lance de son camarade détruire les murs, probablement pour se créer de l'espace. Alors que la situation était quasi désespéré, il avait simplement décidé d'adapter sa stratégie et de se mettre dans des conditions plus confortable. Simple, mais pourtant si sublime.
            Alors que le bois autour de lui se faisait déchiqueter, il sentit un corps tomber maladroitement à côté de lui, l'étage supérieur étant maintenant incapable de tenir sans ses fondations. Il s'agissait de l'un des pirates qu'il avait tué, celui sur lequel il avait planté ses deux épées... qui étaient maintenant à portée de main.

            Si Rufus croyait au destin, il serait sûr qu'il serait très farceur. Mais dans tous les cas, il devait reconnaître les faits, à savoir qu'il avait encore une mission à accomplir.
            Allez, lève-toi. Rufus concentra toute sa volonté dans ses jambes avant de se lever doucement. Le lancier est de l'autre coté de l'ennemi, visiblement fatigué lui aussi. Mais Draide n'était pas spécialement intact non plus.
            Il pouvait sentir le souffle de la Mort qui cherchait déjà sa prochaine victime.

            Il se dirigea vers le cadavre et d'un geste brusque arracha les deux fines lames et se mit en position de combat. Son corps, arrivant à peine à tenir debout par le produit de on ne sait quelle détermination, commençait à s'avancer avec lenteur vers Draide, toujours occupé avec le guerrier. Il suffisait juste d'une ouverture, d'un simple moment d'inattention pour qu'il puisse le toucher à la nuque, et le combat serait fini en un instant.
            Sa vision recommença à se troubler. Résiste. Ignore la douleur. Tu n'as pas le droit de te reposer, pas encore. Ses pas perdent leur finesse habituelle, et inévitablement, le plancher produit un son lourd juste derrière le capitaine pirate.


            "Hein, quo-"
            "Allitération !" hurla Rufus par réflexe avant d'attaquer.

            Frightful Foe Under The Moon

            Dans une sorte de furie qui poussait son corps extrême, l'assassin repoussait le barbare petit à petit dans un assaut répété de ses lames. Dans la confusion nocturne, et au vu des nombreuses blessures qui se répandaient à travers le corps de Jouge, on aurait pu croire qu'un essaim de guêpes en furie traversait les lieux. Malgré sa force de titan, il fut obligé de reculer peu à peu, faisant de son mieux pour se dégager de la rafale de piques. Au bout de quelques secondes, l'homme en noir s'arrêta en plein cours, ses rapières fournissant une distance de sécurité entre lui et l'ennemi.

            "Espèce de sale petit... !" Draide plongea son bras sanguinolant dans son manteau et en sortit un immense pistolet, bien plus large que les modèles répandus à travers les rues. Le canon pouvait aisément trouer de part en part le visage de Rufus, et chaque tir serait mortel. Mais à sa grande surprise, le meurtrier ne recula pas le moins du monde : au contraire, il continuait de s'avancer vers lui.
            Dans un grognement, le capitaine lui tira dessus, la rafale de plomb s'éparpissant à travers l'air... avant de voir que sa cible avait disparu.
            Il ne s'aperçut que bien trop tard qu'il était en train de s'élancer entre ses jambes en faisant une roulade, réaparaissant juste derrière lui. Crachant sans vergogne un nouveau filet de sang par terre, Rufus fit un large geste du bras gauche, son épée tranchant l'arrière du genou du funeste malfrat qui posa un pied à terre, criant de douleur et de rage. Evitant la nouvelle rafale qui lui était destiné, il se replaça sur le côté, son souffle trahissant une certaine fatigue.

            S'il pouvait juste accéder à la nuque... !
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            Un ennemi mésestimé est un ennemi vainqueur.
            C'est sans doute l'un des adversaires le plus redoutable que Kevan ait eu à affronter jusqu'ici. Croulant sous les attaques des deux comparses, il ne bronche pas. Il ne fait que grogner et contre-attaquer, leur sortant une nouvelle botte secrète à chaque fois que le combat semble parvenir à sa fin. Mais cette fois semble être la bonne. Le Blondin réussi là où ils avaient échoué jusqu'à maintenant. Effectuant roulades après roulades çà et là, il trouve l'ouverture et fait glisser son épée dans la chair de leur ennemi commun. Et le colosse plie le genou, enfonçant celui-ci dans le parquet qui se déchire sous son poids. Mais plier le genou ne veut pas dire qu'il est défait. Loin de là. Dans un grognement plus grogneux qu'auparavant, il se retourne d'un coup et fauche le blondin. Ne faisant pas la même erreur que tout à l'heure, il se retourne immédiatement vers Kevan, qui est en train de profiter de l'occasion pour se rapprocher et lui porter le coup fatal.
            Toutefois, il ne bronche pas et continue sa route vers Draide. Arborant un regard sans peur, un regard déterminé, il commence par donner un coup de lance basique, d'arrière en avant, puis commence à bondir autour de son adversaire...

            - Ataro...!

            Tout en effectuant des acrobaties, il envoie des coups de lances sans puissance réelle, mais qui suffisent à infliger des blessures minimes à son ennemi. Mais que font une infinité de blessure minime ? Elles blessent gravement. Tout en esquivant les coups de son adversaire grâce à ses acrobaties et sa vitesse, il réfléchie à ce qui peut arriver désormais. Son compagnon est au bord de l'extinction, et lui, ne peut plus tenir la cadence. Il le sait, il le sent, ça va être compliqué, parce qu'ils arrivent au bout de leurs ressources. Mais il n'est pas le seul à savoir. Et il sait. Il sait qu'il le sait. Parce qu'il le sent. Parce qu'il le voit. Parce que ses yeux ne trompent pas. Mais il le voit trop tard. Il le voit trop tard pour la raison qu'il sait. Parce qu'il ne peut plus tenir la cadence. Quel belle blague, non ? Il doit savoir garder ses réflexes pour s'en sortir, puisque sa cadence décélère, mais elle décélère parce que sa condition physique ne lui permet plus d'être à fond. Et donc, ses réflexes en sont aussi diminués... Alors comment faire pour ne pas que ce qui est en train d'arriver arrive ? Il n'y a rien à faire.

            Couvert de coupures de toutes les tailles et de toutes sortes, mais souffrant surtout de sa blessure à la jambe, Jouje "L'Intransigeant" Draide parvient - dans un ultime effort - à empoigner la hampe de la lance de Kevan. Ne pouvant plus se déplacer, celui-ci n'a pas d'autre choix que de lâcher son arme. Mais il n'a pas le temps. En un laps de temps d'une brièveté sans pareil, Jouje balance Helmet et sa lance vers le fond d'une pièce découverte auparavant après la tempête d'attaque du révolutionnaire. Heurtant l'un des murs avec une violence sans pareil, les blessures du lancier s'aggravent. A l'impact, celui-ci ne peut s'empêcher de laisser s'échapper une quantité impressionnante de sang de sa bouche... Commotion à la tête, percé à l'épaule et entaillé un peu partout, Kevan est en grande difficulté pour continuer le combat. Mais il se relève. Procurant un effort presque surhumain, ses jambes parviennent à se redresser à l'aide de son arme. Maintenant sur pied, il ne parvient pas à voir tout de suite son adversaire, qui est flouté par son acuité visuelle en déclin. Ajustant sa vision, il parvient maintenant à voir l'hurluberlu. Il se rapproche de son allié momentané, mais avec lenteur. Avec sa patte folle, il ne peut pas se déplacer bien vite. Avec ses multiples coupures, le moindre mouvement élargie les plaies. Le temps passe et la situation s'équilibre. Kevan le sait, Kevan le sent. Alors Kevan essaye. Il essaye.
            Il essaye de quoi ? Il essaye d'avancer. Bientôt il court. Maintenant qu'il court, il veut courir plus vite. Maintenant qu'il est presque à porter, il peut essayer plus ardemment. Alors il bondit. Alors il laisse ces mots s'échapper de ses lèvres, la mâchoire serrée tel un étau dont on aurait tourné la manivelle pendant des heures.

            - So...Soresu...

            Alors il abat sa lance verticalement, du haut vers le bas, en direction du bras de son adversaire. Celle-ci se plante dans son épaule, s'enfonçant de quelques six centimètres. Dans un cri de rage, Jouje retire la lance de sa chair presque instantanément. Le sang projeté s'infiltre dans les orbites de Kevan. Aveugle, il sent que quelque chose le tire. Puis il sent quelque chose percuter son visage avec une violence sans pareil. Passant d'une position verticale à horizontale dans les airs, quelque chose vient maintenant lui couper le souffle, percutant son ventre avec intensité. Il heurte le sol de façon violente et s'encastre dans le parquet. Rouvrant maintenant les yeux, il voit la main de Jouje venant s'étreindre sur son cou... La fin est proche... Kevan le sait, Kevan le sent.
              La rumeur populaire explique que les êtres exceptionnels sont ceux qui marchent main dans la main avec la Mort à chaque instant de leur vie.
              Dans ce manoir qui commençait à puer le sang et se remplissait de cadavres minute par minute, Rufus pouvait comprendre d'un certain côté cette superstitution. Chaque seconde qui passait le rapprochait d'un point critique, et il savait que ce constat s'appliquait de même pour son compagnon, qui était visiblement pris par la fatigue. En face d'eux, un géant furieux, qu'il n'avait réussi qu'à blesser, soucieux d'en finir vite. Comment battre ce genre de personnes en apparence invincible?

              En évitant l'attaque qui lui était destiné, Rufus réfléchissait. Il lui fallait juste une seconde d'inattention de sa part, une simple ouverture. Les combats directs n'étaient pas sa spécialité, mais il était confident en ses propres capacités à tuer. S'il pouvait juste avoir sa nuque à portée, toute cette nuit cauchemardesque pourrait enfin toucher à sa fin. Mais en attendant, il ne pouvait que tenir, esquivant de justesse l'attaque qui lui était destinée avant de s'écrouler pitoyablement sur le sol, son corps envahi par une nouvelle vague de douleur. Relève-toi !
              Le lancier lui aussi luttait contre le temps, implacable et objectif dans son inexorabilité. Avec sa lance, il tentait de continuer le travail que le tueur a initié. Les blessures commencent à se multiplier sur le corps de Draide, qui s'approche lui aussi du point critique, mais hélas beaucoup moins rapidement que souhaité. Le capitaine pirate poussa un cri de rage et lança son adversaire à travers la pièce dévastée, le sang s'écoulant lentement à travers ses plaies. Il a envie d'en finir.

              Rufus se relèva avec difficulté, voyant la figure du malfrat s'approcher dangereusement de lui. Allez, lève-toi ! Pourquoi ses jambes refusaient de lui obéir ? Etait-il si incapable qu'il lui était impossible de requérir un dernier effort de son corps ? En voyant la main de son ennemi, il soupira. Il avait échoué, semble-t-il. C'était probablement comme ça que les choses devaient se finir, au moins sa mort serait probablement rapide.
              Mais visiblement, la faucheuse avait pour désir de s'amuser encore un peu. Jouge poussa un cri de douleur qui fit trembler la bâtisse, alors que Rufus pouvait apercevoir une lance dans son épaule. Un geste admirable, mais inutile : Draide l'arracha et plaqua son allié au sol, ses mains rougeâtres prêt à lui broyer le cou.


              "Vous vous prenez pour qui, sales petits merdeux ? Je suis Jouge Draide, le futur Roi des Pirates ! J'ai droit de mort sur tout ce qui passe, tu piges, ducon ?!"
              Sa voix déformée s'approchait plus du rugissement que du langage des hommes, et le brigand se détachait des dernières lignes de l'humanité pour devenir un animal des plus grotesque.
              Un animal qui lui tournait le dos.
              Rufus fut absolument certain qu'un doigt osseux lui indiquait la nuque de sa cible.

              Toute la nuit avait été pour ce seul moment. Tous ces morts et blessures avaient été construit pour cette seule ouverture. Avant qu'il ait pu le remarquer, l'homme en noir était déjà en train de s'avancer vers le géant, qui hurlait milles injures à l'un de ceux qui avaient osé l'attaquer, jurant qu'il s'amuserait avec leurs corps durant les jours à venir. Dans sa folie furieuse, il ne remarquait pas la lame de son exécuteur derrière lui, alors que Rufus prononça deux mots :


              "Danse macabre."

              Une frappe. Jouge fit volte-face mais, pour une raison incompréhensible, son corps refusait de lui obéir lorsqu'il voulut contre attaquer. Il vit les lames de l'assassin frapper, mais elles ne causèrent ni bruit ni effet. Rufus bougeait ses bras dans une sorte de transe exotique, une vénération à la Mort elle-même, son regard n'ayant aucune vie. Puis, après cette danse rituelle, il frappa une ultime fois à la gorge, et les deux guerriers restèrent immobile.
              Du sang surgit du corps de Draide. De sa nuque, de son cou, de ses tendons, de son estomac. Il ne comprenait pas. Il tenta de brandir le pistolet, mais la réponse de son corps fut de s'écrouler. Il tenta de maudir le jeunot aux cheveux blonds, mais seul du sang s'échappa de ses lèvres. Il comprit hélas trop tard ce qui lui arrivait.
              *Non. Je ne dois pas mourir. Je suis destiné à régner sur tous, à être parmi les grands... je ne peux pas... mourir... comme ça...*

              Le corps du capitaine pirate finit par s'effrondrer, recouvert de son propre fluide vital. Rufus trônait au dessus de lui, impassible, alors que les quelques rares survivants, qui avaient eu la présence de se cacher sous les nombreuses planches miteuses, se mirent à ramper de terreur vers la liberté. L'assassin s'en moquait, son objectif était accompli.
              Il eut une dernière pensée pour le corps de son allié, respirant difficilement. Il tomba à genoux, son corps ayant atteint sa limite. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, et si un observateur tiers avait été encore fou pour rester à sa portée, il aurait pu voir la pure sérénité se dégager de son visage.

              Cette nuit était decidemment magnifique.
              Rufus Belmont finit par s'évanouir à côté de sa victime, respirant à peine. Il avait grand besoin de dormir.


              Dernière édition par Rufus Belmont le Sam 20 Déc 2014 - 18:04, édité 1 fois
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              La vie est un rêve dont la mort nous réveille.

              Mais pas aujourd'hui. Non pas aujourd'hui. La lune laisse place au soleil. L'obscurité du manoir laisse place à la lumière filtrant à travers les fenêtres et les parois éventrées. La chaleur des rayons viennent caresser le visage apaisé mais endormi de Helmet. Celui-ci s'était abandonné aux bras de Morphée presque instantanément après qu'il ait vu sa comparse à la chevelure blonde terrasser l'homme qui le privait d'air. Ayant rempli l'objectif qu'il s'était fixé après avoir vu l'affût dans lequel étaient les habitants de Manshon, il ferma les yeux en arborant un visage apaisé, fier d'avoir accompli sa tâche.

              Mais au petit matin, lorsque le soleil s'est déjà levé depuis presque quatre petites heures, son réveil est brutal. Brutal et pas sans conséquences. Un bruit de porte défoncée à la hache retentit. Ou au sabre. Ou au gourdin. Avec un peu de tout, finalement. Et ce raffut vient extirper Kevan de son sommeil profond, le ramenant à la dure réalité.
              Et la réalité, c'est quoi ? La réalité, c'est un trou dans l'épaule, une trachée enfoncée, une commotion à la tête et le corps couvert de bleus et de diverses blessures.
              Peinant à effectuer le moindre mouvement, crachant des torrents de sang au moindre petit remous, il parvient finalement à retrouver assez de force pour se redresser, puis pour se lever. Mais debout ou pas, cela ne change rien au fait qu'il ne connait pas les raisons de ce vacarme. Commençant à regarder autour de lui, il se rend compte du bazar que lui et le blondin avait créé la nuit dernière. Devant lui, presque à ses pieds, le corps inerte de Draide, gisant à côté de son partenaire qui émerge lui aussi pour les mêmes raisons.

              Mais rester debout étant inutile, il s'assied. Et il soupire.

              Venant de l'entrée, des cris de guerre se font entendre. Mais l'intensité de ceux-ci diminue bien vite. A mesure qu'ils se rapprochent du révolutionnaire et de l'assassin, leurs cris agressifs se transforment en murmure interrogatives. Kevan a déjà empoigné sa lance. La méfiance est là mais pas la volonté. C'est surtout pour éviter de mourir, pas pour attaquer.

              - Mais qu'est ce qu'il s'est passé ici...?
              - Wow...
              - La vache...

              Des habitants de Manshon. Armés jusqu'au dents, motivés à l'infini. Qu'est ce qu'ils veulent, qu'est ce qu'ils font ? Ils viennent tabasser du pirate. Ils viennent mettre hors jeu leur tyran, a.k.a. L'intransigeant. Mais il est déjà hors piste. Out. Dead. Plus là. Alors quoi ? Alors qu'est ce qu'ils vont faire ? Ils regardent. Ils contemplent, mais ils sont effrayés. Du sang séché dans tous les coins, des corps à chaque mètre. Certains bougent. Difficilement, mais ils bougent. Ils rampent à la recherche d'aide. Certains ont réussi à partir. On peut facilement le voir. La traînée de sang va jusque dehors. Même si il s'était enfuit, maintenant, il doit sûrement être mort.

              Mais leur attention est concentrée sur Kevan, Draide et le Blondin. Deux bougent, l'un reste immobile, les yeux blancs, le corps couvert d'entailles, de blessures. Maintenant, ils peuvent le voir. Kevan peut le voir. Ils s'étaient acharnés, cette nuit. Mais leur acharnement a payé. Et les villageois comprennent, et les villageois sont heureux. Et ça s'entend, ils les entendent. Tout Manshon peut les entendre. Des hurlements, des pleurs, des rires. Mais surtout du soulagement. Ils avaient été choisi pour venir s'occuper des pirates. La Mafia mettant du temps, ils avaient choisi les meilleurs combattants du village pour venir se défaire du joug de la piraterie. Mais ils sont arrivés trop tard. Car voilà ceux qu'ils considèrent maintenant comme leurs héros. Comme leurs sauveurs.

              Mais, c'est tout ce que Kevan voit, des visages heureux, car bientôt, il retombe dans un sommeil profond.
                Il est des choses que l'oeil humain n'est pas supposé voir.
                En parallèle de notre monde existe un univers désobéissant aux règles du bon sens élémentaire. Un flot traversant l'espace et le temps, invisible à l'oeil nu, cohabitant en de très rares occasions avec la réalité connue.
                Ce monde des ténèbres est rempli d'êtres supposés ne pas exister. Pour cette raison, ils agissent en travers des êtres de lumière, profitant de leur ignorance pour agir. Ils apparaissent quelque fois dans les pages de l'histoire, mais toujours de manière extrêmement subtile et soudaine. Le mot clé était que les deux mondes ne devaient jamais entrer en contact avec l'autre de manière directe. Les horreurs d'en bas ne devaient jamais être révélés à la face du monde.

                Les citoyens de Manshon qui défoncèrent la porte du manoir ouvrirent ainsi la Boîte de Pandore.
                Rufus ouvrit les yeux, la lumière du soleil et le tintamarre interrompant son doux sommeil. La douleur est encore présente, bien sûr. Il savait d'avance qu'il était inutile de rassembler ses forces : il avait probablement dépensé ses réserves d'énergie pour un certain temps, après cet effort herculéen. Mais il n'est pas le moins du monde ravi. Il sentait la masse des gens, des citoyens furieux arriver, et il savait les conséquences de leur présence ici. La fenêtre la plus proche était hélas trop loin pour qu'il puisse s'enfuir...

                Et il entendit les exclamations. Les guerriers peu expérimentés, qui avaient été prêts à affronter Draide pour la sécurité de leur île, virent le combattant des ténèbres qui ne put s'empêcher de trembler par légères intermittances. Leurs voix le prirent par surprise, leurs cris de joie l'empêchaient de se concentrer, son âme entière était prise d'assaut par cette sorte de glorification insensée, par ces pauvres fous qui le considéraient comme un héros.
                *Eloignez-vous de moi.* voulut-il dire, mais ses lèvres étaient incapable de bouger. Mais les autres étaient beaucoup trop exalté pour comprendre sa frayeur. La combinaison de la douleur et du stress se retrouvèrent une fois de plus

                ...
                ...
                Rufus se réveilla dans un lit blanc, sonné. Une rapide inspection des lieux lui fait comprendre qu'il est dans une chambre à deux lits, le second occupé par le lancier en apparence évanoui. C'était un lieu étrangement calme et propre, un contraste frappant avec le manoir hanté par le bruit des armes et l'odeur du sang. Lentement mais sûrement, il s'assied sur le matelas, vêtu d'une tenue beige, ses vêtements probablement trop salis pour être récupérables.
                A côté d'eux se trouvait un homme en noir. Un moustachu atteint de nanisme, qui observait le tueur via ses lunettes noires. Il s'agissait d'un messager, l'individu qui l'avait engagé au nom des mafias pour tuer Draide. Rufus comprit immédiatement que sa présence ici n'était pas un bon signe.


                "Rufus Belmont." commença-t-il de sa voix suave. "Mes félicitations, votre travail est accompli."
                "Parler de ce genre d'informations alors que nous ne sommes pas seuls est imprudent." répondit l'intéressé d'un ton glacial.
                "Ce type ? Ses blessures mettraient hors d'état une baleine pour plusieurs jours." Le nabot ricane en se massant la moustache. "Je vois que vous êtes devenu une petite célébrité, vous et votre copain. Vous savez que les gens hésitent comment vous appeler à cause de vos divers noms ? Mentir au citoeyn honnête n'est pas très gentil."
                "J'ai l'impression que vous n'êtes pas satisfait." observa le blond en haussant les sourcils.
                "Malheureusement, bien que l'objectif de base a été accompli..." Le mafieux se lève en claquant la langue d'un air déçu. Soit cet endroit était l'une de leurs propriétés, soit ils avaient persuadé le maître des lieux d'avoir une entrevue avec les héros locaux. Dans tous les cas, il était dans une situation problématique. "Vous aviez deux instructions que vous aviez promis de respecter à la lettre. La première était de tuer le pirate à tout prix..."
                "... la seconde était de ne laisser aucune trace de ma présence."

                Rufus soupira. Il avait désobéi aux codes les plus élémentaires de l'assassin modèle. Son visage pouvait être maintenant facilement reconnu, et à partir de lui, remonter jusqu'aux familles mafieuses pouvaient être un jeu d'enfant. L'échec était non seulement à un niveau professionnel mais à un niveau personnel. Il n'aimait pas le monde, la gloire ou la popularité. C'était non seulement incroyablement gênant pour vivre dans la tranquillité qu'il estimait cruciale à l'équilibre, mais un danger potentiel.
                Quel dommage, Manshon était une si jolie ville.


                "Au vu des circonstances, vous trouverez compréhensible que nous... coupons les liens temporairement. Vous avez accompli un devoir civique de votre propre gré, voilà tout. Et..." il fait une pause. "Soyons honnête, je ne suis pas sûr que beaucoup feront appel à vos services dorénavant. Avoir une tête reconnue par le premier type lambda, c'est le pire atout du métier. Vous comprenez ?"

                Il hocha la tête, ne laissant transparaître qu'une pure indifférence.

                "Oublions que toute cette conversation vient de se produire, et prenez un repos bien mérité, d'accord ?" Il pouffe à nouveau de ce rire sardonique insupportable avant de se diriger vers la porte en dandinant du pas. "Considérez déjà comme une bonne chose qu'on n'aille pas plus loin, on aime pas trop les gens qui savent trop, vous comprenez ?"

                Le gnome finit par claquer la porte, ramenant le silence dans la pièce. Decidemment, rien ne devait se passer comme il avait prévu... à croire qu'il avait encore du chemin à faire.
                Mais au moins, il avait encore quelques capacités auxquelles il pouvait faire confiance. Se retournant tranquillement vers le lit de l'homme qui avait partagé son tourment pendant une nuit, il dit d'une voix calme vers le corps en apparance endormi.


                "Inutile de faire semblant de dormir, je sais que vous avez écouté la conversation entière." Son ton n'était étrangement pas fâché, s'approchant plus de la curiosité. "Que comptez-vous faire maintenant ? Je ne pense pas qu'ils apprécieront votre présence continue ici."


                Dernière édition par Rufus Belmont le Dim 21 Déc 2014 - 1:07, édité 1 fois
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                Kevan ouvre l'oeil, et arbore un sourire fier et admiratif pour celui qui s'appelle Rufus Belmont. L'autre n'y avait vu que du feu, mais lui sait très bien qu'il écoutait.

                - J'ai cru comprendre ça. Donc tu bossais pour la mafia, et t'éliminais ceux qui les gênaient, tout profil confondu, hein...
                J'apprécie pas trop les gars dans ton genre, mais ton regard inexpressif, il me rend curieux. Tellement que maintenant qu'ils t'ont viré, je vais pouvoir te dire qui je suis et ce que je fais. Après, tu aviseras. Maintenant que tu n'as plus de boulot, peut être que tu pourrais rejoindre ma cause. Au moins, ça t'offrira quelque chose. Un but, peut être de l'argent, et sans doute à long terme un lieu où crécher permanent.

                Il se lève, avec peine, et s'approche de la fenêtre de la chambre. Il observe l'extérieur. Il se retourne ensuite et contourne le blondin. D'un coup de poignet sec, il verrouille la porte. Enfin, il retourne s'asseoir. Tout ça dans le silence le plus complet.
                Puis il brise ce silence.

                - Je suis un partisan de la révolution. T'en as forcément entendu parlé, mais sans savoir vraiment ce que c'est. C'est toujours différent venu de la bouche des autres. Tous ne font que ressortir le baratin servi par le Gouvernement Mondial.

                Il soupire.

                - Le but n'est pas l'anarchie, ou quoi que ce soit. Mais l'harmonie. Et l'égalité. Mais surtout la liberté. Combien de royaumes cautionnent encore l'esclavage alors qu'ils sont sous le régime du Gouvernement Mondial ?
                Comment peut on permettre ce que les nobles mondiaux font subir à nous autres, ou à leurs esclaves ?
                Il y a longtemps, j'ai été la victime des ordres émanant de ce même gouvernement infernal... Pour exterminer un groupe de pirate, ils ont tiré à vue. Mais ils ne distinguaient pas les pirates des femmes et des enfants. Non. Ils s'en fichaient. Et quand tout fut fini, ne pouvant pas laisser parler ceux qui avaient survécu, ils les réduisirent en esclavage et les envoyèrent aux quatre coins du globe.


                Il baisse les yeux vers le sol. Ses dents grincent, ses poings se serrent, reflétant son impuissance passée.

                - Pour le moment, je ne suis rien pour la révolution. Alors que nous allions frapper un grand coup, nous nous sommes fait étaler par la marine. J'ai été enchaîné pendant une année entière. J'ai décidé de ne pas recontacter ceux avec qui je travaillais. Je voulais me ressourcer. En étant aussi faible, je n'avais aucune chance de faire bouger les choses. Maintenant, je le peux.

                Il relève maintenant la tête en direction de l'oreille attentive de Belmont.

                - Et toi, tu peux m'aider. Des rumeurs indiquent qu'une action de grande envergure se prépare sur East Blue, à Tequila Wolf. Ils compteraient libérer plus d'une centaine d'esclave. Je veux en être. Mais toute aide serait sûrement bénéfique. Et tu sembles devoir retrouver ta voie, non ?

                Son sourire moqueur revient. Et il continue.

                - Qui plus est, je t'ai aidé à accomplir une mission pour laquelle tu aurais du être rémunéré, mais tu devais t'en occuper seul. Tu m'en dois une. Héhé.

                Il se relève, et s'approche du blondin.

                - Partenaires ?

                En ayant toujours la banane, Kevan tend sa patte vers celui qu'il veut maintenant comme partenaire permanent. Cette poignée de main symboliserait une entente très lucrative et une recrue très prometteuse pour les rangs de la révolution.


                  Plus la conversation avançait, plus Rufus comprenait pourquoi cet homme l'intéressait.
                  Ce n'était pas vraiment son histoire, qui ne déclenchait en lui aucune réaction. Il ne pouvait pas compatir avec le fait de perdre sa famille et encore moins avec ces idéaux quelconques de 'liberté' et 'égalité'. Il était juste un simple être qui faisait le travail qui lui avait été confié. Pour cette raison, il comprenait néanmoins pourquoi le lancier ne le portait pas aux nues dans son coeur.
                  Mais là où le révolutionnaire l'intéressait vraiment, c'était son potentiel.

                  Draide était un barbare d'une puissance exceptionnelle. En cet instant, Rufus aurait été incapable de le battre en duel singulier, et cela s'appliquait aussi pour l'altruiste torturé. Mais l'histoire du pirate implacable était terminée. Elle ne pouvait aller nulle part. S'il n'avait pas été tué hier, ce serait un groupe de la marine qui s'en serait occupé, ou un autre tueur du monde des ténèbres plus expérimenté. Son développement avait atteint l'épilogue, et il avait été l'heure de faire place à la chute.
                  Mais lui ? L'homme à la lance n'en était qu'à son premier chapitre. Il avait une passion, une fougue extraordinaire, une envie d'aller plus loin, un héros typique d'une épopée extraordinaire. Rufus était attiré par ce genre d'homme, comme une mouche virevoltant inlassablement autour d'une lanterne.

                  Voulait-il uniquement le suivre pour voir comment il échouerait inévitablement ? Ou juste pour admirer sa victoire ? Il hésitait. Mais cela n'était pas important. Quelque chose qui pourrait s'apparenter au désir était en train de naître dans son corps, sentiment qu'il avait ignoré depuis tant d'années. Il n'était pas assez fou pour ignorer ceci et tenter désespérément de vivre une vie "normale". C'était impossible.
                  Mais prudence restait de mise. Les demandes de l'homme qu'il appelerait 'Helmet' représentaient un risque énorme, même pour lui. Tenter de libérer les esclaves d'un complexe pénitentiare du gouvernement appelait à être haï. Hors... il cherchait plutôt à être ignoré.
                  Même si, pour être honnête, il avait l'impression que cela allait être difficile.


                  "Soit."
                  conclut-il après un long silence durant lequel il ne fit qu'observer la main de son futur employeur. "Plusieurs choses à préciser, d'abord."

                  Il se dirigea vers la fenêtre qui ouvrait vers les rues dynamiques de Manshon en cette après-midi. Ignorant les quelques exclamations de passants qui semblaient ravi de le voir levé, il posa les conditions qu'il jugeait nécessaire.

                  "Les raisons de votre entreprise ne m'intéressent que guère. Ne le prenez pas mal, mais je ne me suis jamais intéressé aux raisons politiques. Si vous m'engagez, moi et mes talents seront à votre service le plus infaillible, et j'accomplirais le devoir demandé... mais je resterais toujours moi-même."

                  Il se retourna vers lui, se massant la côte qui avait été blessée lors du combat d'hier.

                  "Comme vous l'avez entendu, je suis quelqu'un qui doit rester secret et caché. Mon rôle dans ce projet ne sera qu'un rôle de soutien. Si mon implication doit être plus... directe, je n'hésiterais pas à prendre les décisions qui garantissent ma survie avant tout, Manshon est une erreur que je ne veux pas reproduire. Au vu des risques présents, la compensation monétaire sera probablement plus élevée que la moyenne. Lutter contre le gouverement mondial n'est pas maigre tâche, après tout."

                  Le second combattant vit sur son visage un sourire. Un sourire qu'il ignorait entièrement simulé, bien sûr, mais cela restait un sourire. Rufus finit par lui serrer la main d'une façon ferme, avant de conclure d'une voix enjouée.

                  "Mais ai-je le choix après tout ? La race à laquelle j'appartiens a participé à l'Histoire à sa propre manière. Autant voir comment vous allez faire de même... n'est-ce pas, partenaire ?"

                  Et alors qu'il lui serra la main, il imagina la plume d'un narrateur invisible écrire les dernières lignes d'un chapitre d'une histoire dont il tenait à voir la conclusion par pure curiosité morbide. Il pouvait voir l'image du héros de lumière signer le pacte avec le chevalier noir, les deux mondes se frôlant de manière dangereuse, sur ces paroles dignes :

                  Et sur cette poignée de main, ils entrèrent sur le Chemin de la Gloire.
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