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L'ombre du rapace.

Rappel du premier message :


Ils n'ont rien vu venir. Après-midi sombre sur Manshon, des nuages grisâtres, une atmosphère humide, un léger crachin tombant sur la ville, rien pour faire sortir les clients. Par les vitrines de sa boutique, l'antiquaire n'aperçoit que quelques passants pressés qui, parapluie à la main, marchent tête basse. Bedonnant, l'homme lisse sa moustache en jetant un œil vers l'arrière boutique, par la porte juste derrière son comptoir, ils ont presque terminé. Il referme la porte. Au même moment, les deux cent pendules accrochées aux murs s'égosillent de concert pour fêter, dans une harmonie de sonneries diverses, un nouveau quart d'heure. Ils n'ont rien vu venir. Son acolyte, un jeune frisé, le teint cireux, la barbe bien rasée, classe les objets sur les étagères du magasin. À l'extérieur, quatre silhouettes passent devant la vitrine.

Ils n'ont rien vu venir.

La porte s'ouvre avec fracas , faisant pratiquement sauter les gonds. L'un époussetait les vitrines de la boutique, l'autre se tenait au comptoir. Ils n'ont rien vu venir. Quatre soldats qui fondent dans la pièce, les deux hommes n'ont à peine le temps de sursauter qu'ils sont sur eux. Celui à la vitrine est jeté contre le sol, sa pommette heurte le plancher de céramique alors qu'il braille avec protestation, son bras est tordu dans son dos, un genou est planté entre ses omoplates. Ils les ont eu. Et il n'ont rien vu venir.

Tu bouges plus mon gars !



Il porte l'uniforme de la Marine, le soldat qui écrase le nettoyeur contre le sol. Des yeux bleus perçants, un nez légèrement retroussé, un sourire en coin et une longue tignasse brune bardée de dreadlocks complète le portrait du jeune matelot. Sur la manche de son uniforme, un galon. Matelot d'Élite. Will Clarke, la vingtaine, fougueux et rêveur, maintient sa cible contre le plancher froid, le sommant de garder le silence. Le tenancier, lui, a bien moins de chance. Un rouquin s'avance vers lui, l'air hargneux, les cheveux en bataille et une affreuse cicatrice barrant son visage. C'est le Sergent d'Élite Blake Daniels, un ratoureux soldat qui grogne en sautant par-dessus le comptoir pour se jeter sur l'antiquaire, lui assénant un violent coup de poing au visage. Le tenancier cri, demande pitié alors que le rouquin lui coupe le souffle d'un genou en plein dans l'estomac.

Clarke, tu me sors ce mec à l'extérieur et tu l'alignes contre le mur ! lance-t-il au premier soldat.
Bien reçu Sergent ! répond-il avant de relever l'homme qu'il maîtrisait pour l'escorter vers la porte complètement fichue.

L'antiquaire, lui, profite de ce moment de répit pour dégainer un revolver qu'il braque vers le rouquin. Trop tard, une nouvelle ombre enjambe le comptoir pour violemment le tackler contre le mur. Un soldat, particulièrement grand et mince, un regard d'acier acéré, costume impeccable, plaque le pauvre tenancier contre le mur, sans dire un mot.

Bien joué Morneplume !
C'est un plaisir, Sergent.




Répond simplement le froid soldat en immobilisant sa proie d'un bon coup de coude. Étourdi et effrayé, le vendeur a le souffle coupé lorsque Edwin lui appui son avant-bras contre la trachée. Rapide et efficace. Raide et violent. Le Caporal Edwin Morneplume, 45 ans. Daniels, lui se tourne vers la porte de l'arrière boutique en faisant signe au dernier membre du quatuor de le suivre.

Hadzi, ça va être à toi !
Bien reçu Sergent .

Cette porte là s'écroule lorsque la botte du caporal Jäak la jette contre terre. L'arrière boutique, une salle d'inventaire donnant sur la ruelle, où six hommes tout à fait génériques entassent des caisses dans une charrette. Comme un seul homme, ils font tous volte-face et lâchent leurs caisses lorsque deux pistolets sont pointés vers eux. Un troisième s'ajoute. Daniels, Morneplume et Hadzi.

Qu'est-ce que t'as fait du tenancier, Morneplume ?
Je l'ai mis hors d'état de nuire, Sergent.
Parfait ça. Eh bien messieurs, vous êtes tous en état d'arrestation !

L'escouade du Sergent Blake Daniels, le rouquin teigneux de North Blue. Un quatuor s'attaquant aux cartels de la contrebande de l'océan du Nord, et leur enquête les a mené sur Manshon, où ils espèrent bien  remonter le dernier filon de leur longue traque, un dealer de marchandises non-déclarées, mais aussi de substances rendues illégales par le Gouvernement ; la Chouette.


Dernière édition par Edwin Morneplume le Ven 19 Déc 2014 - 4:07, édité 1 fois
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Et c'est cet idéal d'honnêteté qui l'a tué, Jäak. Lui, on aurait pu lui faire un procès, mais il a fallut lui faire confiance. Ce sont toujours ces idéaux de bonté qui tuent les hommes. Comme pour Will Clarke.
M…Mais…. tu te rends compte de c'que tu dis Morneplume ?!

Empêtrés dans les serres du rapace. La Justice était en échec, ici. Ses meilleurs éléments déjoués par la conjoncture des événements, bluffés comme des gamins. Il l'a abattu, il ne regrette rien. Si le révolutionnaire n'a pas eu le courage de le tuer, lui, n'a aucun remords et n'a eu aucune retenue. Ce traître méritait ce qu'il a obtenu, tout comme Daniels méritait lui aussi la mort. La différence, c'est que le rouquin, lui, a été gardé en vie trop longtemps pas la bonne volonté des uns. Il n'y aura plus jamais de place pour la bonne volonté dans l'Élite. Morneplume s'en assurera personnellement. Les laxistes comme Jäak devront être et  seront confondus.

Messieurs, du calme. Écoutez ce que je vous propose… l'affaire ne peut pas être tue, ça c'est évident… Les journalistes se sont déjà jeté sur l'affaire comme des charognards. On parle de l'Élite qui s'est attaquée aux cartels, du massacre du port. Tout le monde sait que Daniels était le Sage et que vous l'avez descendu, Hadzi, même chose pour vous et les dockers, Morneplume…    

Impossible de taire ce qui s'est passé, ça se sait déjà dans les rangs. Ce que je vous propose, donc, c'est que l'on règle tout ça, à l'amiable, ici, dans ce bureau. Vous avez tué des membres de l'Élite, qui était, contre toute attente, des traîtres. Ça, il n'y a que vous deux qui puissiez le prouver… Ce qui vous innocente faute de preuves allant à l'encontre de vos discours… Je n'ai pas le choix d'ajouter ça à vos dossiers respectifs, messieurs… et de vous faire quitter les opérations concernant les trafics de stupéfiants et la lutte face à la contrebande. On ne peut vous garder dans le milieu, ça ferait trop de vagues, je vais vous réorienter en garde à vue au QG central de North Blue.


Il griffonne sur plusieurs papiers, appose un sceau et sa signature et feuillette des documents, tout en continuant de parler.

Là, c'est le Commandant Méphis Toffel qui décidera de la suite pour vous. Je suis désolé, Morneplume, Hadzi, mais c'est bien la méthode la plus diplomatique que je peux trouver pour régler cette affaire. Le dossier est déjà assez taché de sang comme ça, évitons d'envenimer les choses.

Il dit ça en relevant la tête et en les fixant tous les deux, avec un air légèrement nostalgique. Comme si la décision lui déplaisait. Peu importe, la Justice subsistera, même si Morneplume doit séjourner un temps au QG, il poursuivra ses opérations, avec ou sans Jäak. Symboliquement, Howard Turner ferme la couverture du dossier, puis s'essuie les mains l'une contre l'autre, comme pour nettoyer le sang qui aurait pu les salir. Ils se lèvent tous deux, Hadzi et Morneplume, se lancent un court regard. Échange. Puis quittent, côte à côte. Honneur et flegme. Bonté et désintérêt.

Quelque part, loin entre les toits et les cheminées de Manshon, un hibou somnolant s'ébroue.

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