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Halte sur l'île des sabreurs

Halte sur l'île des sabreurs
CHAPITRE I

- Yamiko-chan, je vais finir par mourir de soif !
- J'arrive, j'arrive … J'ai l'impression que vous devenez de plus en plus impatient chaque jour Monsieur Yoshida.

Une jeune femme à la chevelure blanche s'était pointée dans le séjour, une tasse d'où s'échappait de la fumée à la main droite. Elle reposa le récipient sur une table, juste devant un homme d'un âge assez avancé qui s'empressa de pendre l'objet en main bien qu'il ne bût pas son contenu qui semblait bien brûlant de suite.

- Monsieur Yoshida, cela fait déjà seize jours alors que notre accord n'était que pour deux semaines.
- Tu es si pressée que ça de me quitter Yamiko-chan . Moi qui pensais que tu te plaisais ici au point de ne plus vouloir repartir.
- J'avoue que j'aime bien vivre ici … même en tant que votre servante personnelle et bien que vous devenez un peu plus capricieux chaque jour mais vous savez très bien que je ne peux pas rester.
- Je vois ! … Je te donnerais ce que je t'avais promis demain, lâcha le vieil homme d'un ton morose.
- Ne me dites pas que vous bouder Monsieur Yoshida ? Cela ne vous va aucunement et puis … je ne partirais pas de suite alors je pourrais continuer à vous dorloter encore quelque temps.

Un sourire chaleureux se peignit sur le visage de la jeune femme mais que le vieil homme feignit de ne pas avoir remarqué. Celui-ci se contenta de souffler plusieurs fois sur le liquide fumant que contenait sa tasse avant d'en prendre quelques gorgées.

- Hummmmm ! On dirait que tu t'améliores de jour en jour Yamiko-chan. C'est encore meilleur que celle d'hier.
- Ha oui ? ... Je suis ravie que cette infusion vous plaise à ce point.

La jeune femme savait pertinemment que le compliment du vieil homme n'était destiné qu'à masquer la tristesse qui commençait à voiler son cœur à l'idée de la voir partir. Un état qu'elle connaissait si bien à force de quitter des êtres à qui elle avait réussi à forger des liens au fil de son voyage. Voilà pourquoi, elle ne souhaitait pas tisser de nouveaux liens tout en sachant qu'une séparation était inévitable mais c'était plus fort qu'elle. Sa personne ne pouvait ignorer la gentillesse des autres que la sienne attirait naturellement.

- Si vous n'avez plus besoin de moi, permettez-moi de me retirer. Je serais de retour pour la préparation du dîner.

Après une légère courbette à l'attention du vieil homme, la jeune femme quitta la demeure pour emprunter le chemin vers l'école de maître Chun. Le dojo le plus réputé du village de Kawai et où elle prenait des cours trois fois par semaine après avoir négocié durement son apprentissage. Maître Chun n'étant pas une personne qui affectionnait la violence gratuite, la jeune femme avait eu du mal à le convaincre de lui transmettre un peu de ses savoirs. Le fait qu'elle était une chasseuse de primes était la raison de la protestation du grand Maître mais l'objectif que la jeune femme souhaitait atteindre et la détermination qu'elle avait manifestée pour y parvenir avaient réussi à convaincre le sage Chun.

Aujourd'hui la jeune femme n'avait pas de leçon mais comme à la coutume, elle n'était venue qu'en tant qu'observatrice. Regarder les entraînements des autres, surtout des plus expérimentés, était aussi instructif que la pratique. Maître Chun l'avait autorisé à assister même à ses entraînements personnels après l'avoir surpris entrain de l'épier.

La jeune femme n'avait pas pour objectif de devenir une sabreuse renommée mais se rendant compte que ses petits poings ne suffiraient pas pour arriver à ses fins, elle avait alors décidé de faire une halte sur cette île renommée pour sa voie du sabre afin d'y acquérir une épée digne de ce nom et les bases pour la manier à peu près correctement. Elle n'avait pas le temps de suivre des années d'apprentissage. Cependant arrivée à destination, elle n'avait pas tardé à se rendre compte qu'un sabre de qualité était hors de son budget, une grande partie de ses recettes de chasses étant parti dans le frais de ses transports. L'inconvénient de ne pas posséder de bateau.

C'était lors de ses vagabondages à la recherche d'une épée assez solide qui rentrerait dans ses calculs financiers que la jeune femme avait croisé le chemin du vieux Yoshida. Forgeron en retraite celui-ci lui avait proposé d'être à son service pendant deux semaines en échange d'une arme de ses collections. Face à l'hésitation que la jeune femme avait manifestée, il avait alors ajouté qu'elle serait également nourrie et logée, à condition bien sûr qu'elle mange en sa compagnie. Après quelques secondes d'analyse, chose auquel elle était assez douée, la jeune femme avait décelé chez le vieil homme un être qui cherchait juste à briser son quotidien de solitaire. Profitant de cette faiblesse elle lui avait alors demandé quelques berrys par jour en plus des offres proposées sans avoir omis de faire louange de ses capacités en tant que femme à tout faire pour tenter de le convaincre. Chose qui n'était pas tout à fait vrai mais la jeune femme avait appris que le mensonge était parfois nécessaire pour avancer dans la vie ...
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Halte sur l'île des sabreurs
CHAPITRE II

Confortablement installée sur un arbre, la jeune femme assistait à l'entrainement qui avait lieu une centaine de mètres plus loin sur l'un des terrains aménagés à l'extérieur mais, bien que son regard semblait fixer les sabreurs en action, elle ne les voyait pas. Perdue dans ses pensées, elle se demandait quand atteindrait-elle son objectif. Deux années s'étaient déjà écoulées depuis qu'elle avait entamé son entreprise et pourtant elle avait l'impression de s'éloigner de plus en plus de son but. Avant même de l'entreprendre, elle savait que sa quête ne serait pas aisée mais plus le temps passait, moins elle avait de l'espoir de retrouver les siens. Retrouver les survivants de sa famille, vendus quelque part dans ce monde, voilà était son objectif mais elle n'avait aucune information pour la guider. Elle ne savait même pas s'ils étaient toujours en vie. Son but était d'atteindre les îles où l'esclavage était légal afin d'y effectuer des recherches mais elle savait pertinemment qu'avec sa force actuelle, même si elle réussissait à trouver un des siens, elle n'aurait pas l'habilité nécessaire pour l'extirper de sa misère dans laquelle elle pourrait très bien finir elle aussi.

Une épée en bois qui vint se planter violemment dans le tronc d’arbre contre lequel la jeune femme était appuyée la ramena brusquement à la réalité. Le choc était tel qu’elle manqua de perdre l’équilibre mais elle réussit à se rattraper de justesse alors que des rires moqueurs se firent entendre.

- Et ça se dit être une chasseuse de primes … Tu aurais plus ta place dans mon lit qu’à jouer l’héroïne ma jolie ! Cria celui qui semblait être le responsable du réveil brutal de la jeune femme. Tu verras, je prendrais bien soin de toi … bien mieux que ce vieux Yoshida !

De nouveau, les trois hommes qui fixaient la jeune femme depuis le sol laissèrent échapper des fous rires. Ils faisaient partie de ceux dont la jeune femme était venue assister aux entraînements. Contrairement à elle, ils avaient plusieurs années d’apprentissage derrière eux et savaient donc manier le sabre bien mieux qu’elle qui n’avait que quelques semaines de leçon. L’épée en bois qui avait réussi à pénétrer le tronc d’arbre sans se briser était une preuve de la dextérité de l’un d’entre eux.

La jeune femme ne répondit pas de suite aux provocations verbales mais abandonna son poste en hauteur pour faire face aux fauteurs de troubles. Elle avait effectué un saut digne de l’ancienne star d’acrobatie aérienne qu’elle était pour se réceptionner majestueusement juste devant les trois hommes. Elle aurait atterri sur celui qui se prenait pour le chef si celui-ci n’avait pas eu le reflex de reculer. À peine ses pieds touchèrent terre, la jeune femme se pencha vers l’avant pour rapprocher son visage de celui qu’elle avait cherché à atteindre comme si elle allait l’embrasser.

- Si tu étais moins con peut-être que j’aurais accepté ta proposition !

Il était vrai que le provocateur n’était pas laid, même si, au goût de la jeune femme, il avait bien plus beaux que lui au sein même du dojo, mais il avait une personnalité qui ne lui plaisait guère. Sans ajouter un mot de plus, la jeune femme tourna les talons pour s’éloigner des trois jouvenceaux.

- Non mais pour qui elle se prend cette garce !?
- Calmes-toi ! … Je suis sûr que le Maître est en train de nous épier … Je n’ai pas envie d’avoir de problème moi.

En effet, Maître Chun avait assisté à la scène discrètement depuis l’intérieur du dojo. Il était du genre très sévère envers ceux qui mettaient le désordre au sein de son établissement qu’il n’hésiterait pas à expulser sans le moindre remords. Chose qui dérangerait plus les trois jeunes hommes que la jeune femme qui contrairement à eux n’avait pas pour objectif la maîtrise parfaite de la voie du sabre.

N’ayant pas la concentration nécessaire pour tenter de soutirer quelque chose des entraînements d'aujourd’hui, la jeune femme abandonna le lieu pour se rendre en ville où elle s’approvisionna de quelques denrées dont ils avaient besoin avant de rentrer à son domicile provisoire. Comme elle s’y attendait, le vieux Yoshida était absent. Sans doute était-il allé chez l'un de ses vieux amis d’où il ne rentrerait que pour le souper comme d'habitude. Profitant de l’absence du vieil homme, la jeune femme examina, une fois de plus, un par un les cinq katana sur lesquels elle n’arrivait pas à fixer un choix. La maison était ornée en tout d’une dizaine d’armes tranchantes éparpillées dans toutes les pièces. Elle n’était pas une experte en la matière mais selon elle chaque sabre était de qualité exceptionnelle. En tout cas, son œil n’avait décelé aucun défaut apparent sur aucun des objets.

Le temps de préparer le dîner arriva mais la jeune femme n’avait pas réussi à faire un choix aujourd’hui encore. Finalement, elle demanderait surement un conseil au propriétaire en espérant que celui-ci ne tenterait pas de lui fourguer la plus mauvaise pièce parmi les cinq qui l’intéressaient ...
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Halte sur l'île des sabreurs
CHAPITRE III
Ce soir-là, la jeune femme ne réussit pas à fermer l’œil. Ses pensées ne cessaient de vagabonder. Elle pensait aux heureux moments du passé que la douleur de la vie finissait toujours par troubler. Après la tragédie qui l’avait fait devenir solitaire, les vagues du destin ne cessaient de la ballotter. Trois années s’étaient écoulées mais son combat ne faisait que commencer. La jeune femme n’arrivait même pas à imaginer où et dans quel état elle sera dans quelques années. Sans doute rejoindra-t-elle sa famille aux cieux. Chose qui quelques fois elle espérait intérieurement lorsque la solitude lui pesait trop. Lorsqu’on a vécu entouré des êtres chers et plutôt bruyants, il était difficile de vivre dans la solitude. Raison qui poussait la jeune femme à s’attacher à tout être qui lui témoignait un peu d’affection quand bien même elle savait qu’une séparation était inévitable. Si seulement elle avait un compagnon pour l’accompagner dans son vagabondage. Un être avec qui elle pourrait partager les joies et peines de cette vie qu’elle trouvait parfois bien fade.

Le jour tant attendu arriva enfin. Aujourd’hui la jeune femme ne quitterait pas la maison, du moins pas avant avoir eu le fruit de ses efforts. Comprenant son impatiente, le vieux Yoshida l’invita à le suivre à l’extérieur du domicile. Chose qui étonna la jeune femme qui pensait que sa récompense était parmi les objets qui décoraient la maison mais elle ne dit mot mais se contenta de suivre le vieil homme. Ils prirent la direction de l’ancienne forge, à moitié cachée par des grands arbres, que le vieil homme avait transformé en un lieu où il stockait ses divers matériels. Il ouvrit une porte que la jeune femme n’avait même pas remarqué l’existence. Ils se retrouvèrent dans ce qui semblait être une armurerie vidée. Il n’y avait d’exposées que six armes aux formes étranges mais joliment façonnées.

- Voilà, je te laisse faire ton choix.

La jeune femme jeta alors un regard plein d’incompréhension au vieil homme.

- Quoi ? Je dois choisir parmi ces choses ? Vous m’avez promis une arme pas un objet de décoration !
- Qu’est-ce que tu me chantes là ! … Des objets de décoration ? … Ces … OBJETS DE DECORATION comme tu dis sont tous équipés des lames forgées avec un métal très rare qui, en plus d’être léger mais extrêmement solide, ne s’émousse pas aussi facilement que le métal qu’on utilise habituellement pour forger un sabre ordinaire. La qualité et solidité du métal permettent de réaliser des lames fines donc extrêmement aiguisées que le moindre effleurement pourrait faire perdre un doigt.

La jeune femme attrapa l’un des objets exposés, celui qui lui paraissait le plus mériter d’être nommé arme. Celui-ci arborait l’apparence d’une paire de ciseaux géante sans en être réellement une. La pièce possédait deux lames asymétriques aiguisées des deux côtés se terminant par une extrémité extrêmement pointue. L’une des lames, celle qui possédait une forme intérieure incurvée, possédait une poignée semblable à celle d’un katana alors que l’autre lame, qui ressemblait légèrement à celle d’une épée, était équipée d’un manche entièrement métallique faisant penser à une crosse de revolver.

L'arme en image:

- Excellent choix Yamiko-chan !

L’homme tendit une main pour que la jeune fille lui donne l’objet. Celle-ci s’exécuta faisant attention de ne toucher aucune lame qui lui paraissait bien dangereuse. Le vieil homme appuya sur le point qui reliait les deux lames et celles-ci se séparèrent pour former deux armes.

- Ceci est l'une de mes plus belles inventions ! S’exclama Yoshida avec fierté.

La jeune femme, stupéfiée, prit les deux lames des mains du vieux Yoshida et chercha à les assembler. Elle ne mit pas bien longtemps pour y parvenir. Elle entra le bout de la vis qui était bien en évidence sur l’une des lames dans le trou qu'arborait l’autre et un clic se fit entendre. Elle écarta ensuite les deux lames tentant de les séparer mais en vain.

- Tu ne réussiras pas à les séparer tant que tu n’auras pas exercé une pression sur la vis qui les maintient. J’ai mis en place un système qui permet de les séparer facilement mais seulement si on s’y prend de la bonne manière. Après tout, le but n’est pas de perdre une lame malencontreusement ... J’ai une réputation à tenir alors je fais tout pour ne pas la tâcher. J’ai passé des mois à mettre au point le mécanisme de cette arme que j’ai dû refaire plusieurs fois.
- J’avoue qu’elle n’est pas mal cette … arme mais ne pourrais-je pas avoir plutôt un des katanas que vous utilisez comme décoration ?
- Il n’en est pas question. Ces sabres ne sont pas mes créations mais des présents qu’on m’avait fait ou des récompenses que j’ai obtenues pour mon travail. Ce sont des souvenirs dont je ne souhaite pas me séparer.

Comprenant qu’il était inutile d’insister, la jeune femme examina une nouvelle fois la chose qui était entre ses mains. Elle avait le sentiment d’avoir été dupée. N’ayant pas le choix, elle prit finalement l’arme étrange se disant qu’elle pourrait toujours la vendre si jamais elle ne réussissait pas à la manier. Le lendemain, lorsqu’elle se présenta devant Maître Chun, avec sa récompense plutôt décevante dont le grand homme refusa d’enseigner le maniement car pour lui ce n’était pas un sabre, la jeune femme apprit que Yoshida était un forgeron réputé pour ses armes excentriques qui avaient beaucoup de succès auprès des collectionneurs mais pas tellement auprès des sabreurs. Si seulement elle avait su cette vérité avant leur négociation, elle aurait imposé la possibilité de choisir parmi les sabres qui ornaient la maison du vieil homme mais il était trop tard. À défaut de posséder un vrai sabre, elle était la propriétaire d’une arme unique qu’elle allait devoir apprendre à utiliser toute seule. Au moins elle aurait le loisir d’inventer ses propres techniques …
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