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Atavisme


Un retour d’outre-tombe

« Il n'y a pas de présent ou de futur, juste le passé qui revient encore et encore. »
Eugene O'Neill



Il courait à perdre haleine sur ce petit sentier de montagne. De sa position privilégiée, il distinguait nettement un lac qui baignait dans la vallée. Sous les derniers rayons crépusculaires du soleil, l'étendue d'eau se teintait de cramoisi, et tel un immense champ de roseaux sauvages, une cité lacustre y fleurissait.

Malheureusement, le temps n'était pas au tourisme. Sa cible était plus loin. Celle-là même qui avait tant peuplé ses rêves et hanté ses cauchemars. Il redoubla d'efforts, sa cible n'avait qu'une centaine de mètres d'avance. Le sentier était parsemé de cactus et d'autres plantes épineuses qui rendaient la poursuite difficile et éreintante. À chaque centimètre, les végétaux semblaient prendre un malin plaisir à déchiqueter ses vêtements, à planter leurs épines dans sa chair. Mais aujourd'hui était son heure de gloire, ni les dieux, ni les titans ne sauraient le ralentir, à plus forte raison quelques misérables plantes sauvages. Il avait trop attendu et rêvé du moment où il mettrait enfin la main sur cette personne.

Enfin ! Il l'avait en lire de mire. Une cinquantaine de mètres le séparait de la frêle silhouette qui s'éloignait à toute jambe. Il serra des poings et laissa sa rage le consumer entièrement. Elle était sa meilleure alliée, son essence et son guide. Ses cheveux démultiplièrent de volume et formèrent de grands tentacules capillaires chacun terminé par une pointe.
Sa cible était cuite. Il n'y avait aucune raison d'hésiter.

- Tu vas aller en enfer, dans le tourment éternel, auprès des âmes des gens que tu as massacré sans pitié !

Ses cheveux tentaculaires serpentèrent dans l'air et poignardèrent la silhouette fuyarde dans le dos. Elle s'écroula face contre terre dans un râle de douleur.
Il l'avait eu. Il marcha calmement, son cœur battant la chamade à chaque pas supplémentaire qui le rapprochait de la personne qu'il venait d'abattre. Il était à côté de la source de ses cauchemars. Il allait enfin avoir le fin mot de toute cette histoire, mettre un visage sur le nom qui depuis vingt-cinq longues années l'avait empêché de dormir à point. D'un coup de pied, il retourna le cadavre.
Horreur.
Que se passait-il ? Pourquoi la personne étendue par terre avait-elle le même visage que lui ? Ces mêmes cheveux blancs... Ces mêmes lunettes de soleil ? Cette même toque à l'effigie de la marine ?
Non quelque chose n'allait pas. Il avait l'impression que son cerveau était en feu, que sa boite crânienne était devenue trop petite pour cette cervelle qui ne cessait d'enfler, qui allait bientôt imploser. Il hurla de toute son âme. Quelqu'un, quelque part, l'entendrait surement et viendrait à son aide, le délivrerait de cet enfer...

Liddel Rommel se réveilla en sursaut, le visage perlé de sueur. L'horloge à son chevet indiquait trois heures du matin. Il s'assit sur son lit et tenta de reprendre sa respiration.
C'était un cauchemar, rien de plus qu'un horrible cauchemar. Cet homme qu'il avait poursuivi dans ce cauchemar était mort depuis vingt-cinq ans. Cela faisait autant de temps qu'il n'y avait plus pensé, il ne s'expliquait pas les raisons de cet étrange rêve.

Rommel était une espèce de vieux nain. Sa barbe et sa moustache jadis d'un noir de jais avaient depuis longtemps blanchi. Il portait le plus souvent, une toque pour masquer sa calvitie.




Quelques heures plus tard, alors qu'il s'apprêtait à prendre son petit-déjeuner, un de ses subalternes débarqua le souffle coupé, complètement terrifié. Il balbutia quelque chose d'indistinct à propos d'un horrible double meurtre et pria le vieil colonel de bien le suivre.
Liddel le suivit avec appréhension jusqu'au parc de la ville. C'était un endroit assez grand, aménagé à la fois pour les adultes avec des bancs, des fontaines et des coins romantiques. Il était aussi doté d'attractions pour les enfants avec notamment des toboggans et des roues mécaniques. La végétation y était composée d'arbres et d'arbustes habitués aux régions polaires. Des sophoras, des Cyprès de Nootka et des Peupliers entre autres.

Le sous-officier conduisit Liddel vers l'aire du parc où se trouvaient les fontaines sculptées qui donnaient un cadre romantique au lieu. Un peu partout, il y avait des agents de la marine et des Hérauts de l'aurore. Les visages étaient graves et soucieux, à tel point qu'ils finirent par déteindre sur le vieil officier lui-même.
Des meurtres, à Jalabert ? Alrahyr Kaltershaft aurait-il exporté sa révolution jusqu'au sud ? Jusqu'à présent, il avait toujours opéré dans le nord.

Liddel était soucieux de passer de "baby-sitter de marine" comme il appelait son poste plus ou moins honorifique de responsable de la petite garnison de Jalabert à un officier en guerre contre la révolution.
"Ces conneries", comme il les nommait n'étaient plus de son temps. Il s'était retiré du service actif depuis dix ans pour se consacrer à ses différentes passions.

Le sous-officier l'emmena vers un bosquet de symphorine des neiges. Dans le massif de fleurs, gisaient les corps d'un couple d'âges mûrs. Leurs vêtements étaient tellement maculés de sang qu'on n'en arrivait pas à distinguer leur couleur.
L'espace d'une seconde, Liddel prit peur. Pas à cause des cadavres, non, il en avait vu d'autres. Ce qui l'effraya le ramena à son cauchemar du matin. Il n'arrivait pas à y croire, cela ne pouvait être un rêve prémonitoire. Sur le moment, il aurait encore préféré avoir à composer avec des révolutionnaires.
Le Colonel enleva doucement ses lunettes et fixa la marque qui avait été peinte sur la sculpture du dieu cupidon à quelques mètres du couple. Il ne l'avait pas vue depuis vingt-cinq ans. Il s'en approcha et remarqua qu'elle avait été faite avec du sang, le sang du couple.

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- Ce n'est point possible ! Ce fou ne peut pas être de retour ! Il était censé être mort. Vous l'avez tué, n'est-ce pas, Colonel ? Vingt-cinq ans plutôt !

- Je vous présente, Sa Magnificence Amaury Rodney, recteur de l'université de Jalabert, dit le sous-officier. C'est lui a découvert les corps en faisant son jogging.

- Je le croyais aussi, Amaury-sama. Je le croyais aussi, murmura-t-il d'un ton lugubre. J'aurais besoin de parler au roi immédiatement, ajouta-t-il en s'adressant au chef des Hérauts de l'aurore présent. Dites-lui qu'il a un autre souci en plus d'Alrahyr Kaltershaft-kun.

- Dites-lui que le Zodiac est de retour !



Dernière édition par Loth Reich le Mer 11 Fév 2015 - 9:52, édité 1 fois
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Le Bureau Boréalin d'Investigation

« Seul, nous pouvons faire si peu. Ensemble, nous pouvons faire beaucoup. »
Helen Keller




- L'monde est d'plus en plus animé, n'est-ce pas, hein ? L'célèbre révo' "Baby Doll" a été passée par les armes il y a une semaine. J'crois que c't'un message envoyé à la révolution et à cet Alrahyr Klaftermachin.

- Je l'ai sous les yeux là et on peut difficilement voir autre chose à travers cette exécution qu'un message. Elle avait été capturée il y a trente ans. L'exécuter maintenant est sans doute un moyen, gauche à mon avis, d'inspirer de la peur à la jeune garde de la révolution que Baby Doll a inspirée et formée.

Loth continua de lire l'article qui parlait de l'exécution de la surnommée Baby Doll. Il n'avait jamais vu de vampire mais Baby Doll avec ses joues creuses, son teint cireux et ses cheveux en désordre semblait en être un. L'article était très explicite sur la carrière de la révolutionnaire.

ARTICLE DE L'ARP:


- Les journaux ont aussi parlé des Héros Hic qui ont encore sauvé une ville. Ils sont cools, hein, les gens de cette Mouette-compagnie ?

- Mouais, si on veut, marmonna Loth qui n'avait aucune passion pour les héros. Il les trouvait même ennuyants.

- Et sinon, t'as surement entendu parler d'ce double meurtre à Jalabert dont parle tout Boréa ? Un couple, zigouillé net, dans la nuit. Terminé. On dit qu'le tueur l'aura déposé sa marque. Zodiac ont-ils dit qu'il s'appelait. C'pas un genre de fantôme l'gusse ? Tout'l'monde l'croyait mort et voilà qu'il ressuscite. Tu peux l'croire ça toi ? J'étais en primaire quand j'ai entendu son blaze la première fois !

Loth ne répondit pas. Il se contenta de fermer les yeux et de laisser le bruit des embruns le bercer. Et comment qu'il avait entendu parler du Zodiac ! Avide de savoir, il s'était même longuement documenté sur lui, comme sur d'autres tueurs en série de son époque. Et celui qui s'était surnommé "Zodiac" était définitivement différent de ses semblables. C'était un tueur comme on en faisait rarement de nos jours malgré tous les pirates et criminels qui en massacrent plus d'un sur les océans. Un individu animé par de mystérieuses pulsions et qui aura fait plus de trois cents victimes pendant ses dix années d'activités. À son apogée, sa prime dépassait la centaine de millions. Il avait sévi un peu partout dans le monde, des Blues à Grand Line.  

Était-ce un fantôme ? Se demanda Loth. S'il n'en était pas un, il avait tout fait pour le faire croire en tout cas. Le mystère qu'il avait cultivé autour de son identité, ses meurtres dans des situations impossibles avec des témoins qui jamais ne se rappelaient avoir vu le meurtrier et surtout ses dix années à échapper à la brigade spéciale composée des plus fins limiers que gouvernement avait mis à sa traque, tout ça l'avait rendu mythique.
Cette brigade se composait d'une dizaine de personnes d'après ce qu'avait lu Loth et pour les chapeauter, un homme dont la réputation n'était plus à faire à l'époque, le Colonel Liddel Rommel, "le taureau blanc", un homme qui avait de la poigne, un homme qui fonçait et n'avait de cesse de traquer et de débusquer les criminels.
Et pourtant, même lui échoua à capturer le Zodiac. Pendant dix années du moins, il fut incapable de stopper l'hécatombe que provoquait le meurtrier sur son passage. La chance et le résultat du travail acharné sourirent à Rommel un soir orageux d'automne où il localisa le repaire de son ennemi sur une île de Grand Line. Comme à son habitude, Rommel attaqua. Après un rude combat où le Zodiac se montra du même niveau que lui, le Taureau Blanc finit par le blesser mortellement.
Son cadavre très amoché fut exhibé devant la presse bien sûr. Ainsi prirent fin dix ans de terreur.
Enfin, presque, parce que le Zodiac avait inspiré bon nombre d'âmes malsaines qui tentèrent un peu partout au coin du monde de reprendre son flambeau. Des rumeurs circulèrent aussi sur la possibilité que l'homme tué par Rommel fût un faux.
Seule certitude, des copistes avaient émergé, mais jamais aucun n'eut le niveau du "vrai" Zodiac qui resta mort et inégalé.

- Jusqu'à maintenant, murmura Loth qui réfléchissait à haute voix.

- Tu disais ?

- Rien. Terre en vue ! Ce n'est pas trop tôt. Minute, ce n'est pas un port ça ?

- Bien sûr que non ! T'es un rigolo toi. L'seul port du pays se trouve à Lavalliere. Mais ces bleusailles d'marines semblaient pressées donc j'vais t'déposer sur c'te côte proche de Jalabert. Regarde, il y a un carrosse qui t'attend. Mais t'es qui ? T'es célèbre ?

- Pas encore et je ne le désire pas. Allez merci pour le voyage ! Que la bonne fortune soit votre !

Il sauta de l'embarcation et atterrit doucement sur le sable givré. Le vent était glacial comme il pouvait s'y attendre. Il était enfin à Boréa après trois longs jours de traversée aux côtés de marin bavard. Le paysage n'était guère accueillant. Une simple bande de sable séparait la mer de ce qui ressemblait à une forêt boréale de type Taïga. Les arbres, des sapins, des érables ou des bouleaux étaient hauts de plus de vingt mètres et formaient une épaisse ceinture touffue.
Loth se dirigea vers le carrosse qui l'attendait. Le chauffeur était emmitouflé dans un épais manteau à fourrure et coiffé d'un Ouchanka qui n'empêchait pas son nez d'être tout rouge. Loth le salua d'un geste de la tête et prit place à l'intérieur de la voiture. Le cheval hennit puis tracta la voiture à roue dans un bruit grinçant sur un chemin de bûcheron à travers la forêt boréale.

Dans le froid mordant, le voyage vers Jalabert dura plusieurs heures pendant lesquelles Loth réfléchit à sa situation et au travail qu'il allait faire dans la ville académique. En fait, il ne savait rien de ce travail bien qu'il fût aisé de deviner en quoi il consisterait.
Cinq jours plus tôt, Liddel Rommel l'avait appelé. Rommel avait été dans le passé, bien avant la naissance de Loth, un Maître moine Servite sur l'île de Craie. Les moines Servites, un ordre de moines mendiant, avaient recueilli Loth durant cinq ans et lui avaient redonné le goût de la vie après qu'il ait été libéré de ses chaines d'esclaves par la marine. Il n'avait croisé le vieil marine aux cheveux de craie que deux fois dans sa vie, lors de visites dans l'orphelinat de l'île. De ce qu'il avait pu remarquer, c'était une sorte de légende chez les moines qui le considéraient du même niveau que le Grand Maître dont il était un grand ami.
Le vieil homme l'avait prié de se rendre sur une certaine île d'où un marin à sa solde l'emmènerait vers Boréa. Il avait parlé du retour du Zodiac et de la constitution d'une équipe spéciale destinée à le traquer. Avant que Loth ne puisse demander ce qu'il eût à voir là-dedans, le vieil colonel avait raccroché.

Il était presque midi sous un soleil de glace quand le carrosse entra dans Jalabert. La ville était comme Loth avait pu l'imaginer. Un mix entre un style d'architecture de type renaissance avec ses bâtiments parfaitement proportionnés, ses colonnes et ses dômes ; et un style gothique aux édifices verticaux et très hauts dont les façades ornées de vitraux renvoyaient des jeux de lumière aux mille couleurs. La ville était très grande d'après ce que pouvait voir et habitée par des gens plutôt distingués aux airs de surdoués. Jalabert était traversée par un savant réseau de routes pavées et de grands canaux d'évacuation d'eau vers la mer.
Ils dépassèrent les zones d'habitations et se dirigèrent vers le centre-ville, là où s'étalaient sur des kilomètres, les instituts et bâtiments de recherches, les centres de conférence, les collèges et universités. Le carrosse attelé s'arrêta devant une bâtisse qui ressemblait à une église. Loth descendit et un soldat prit la relève. Il le fit monter jusqu'au dernier étage puis le laissa devant une lourde porte décorée aux emblèmes de la marine et du gouvernement mondial. Il entra.

- Bienvenue à Jalabert, Loth-kun ! claironna la voix de Rommel. Nous n'entendions plus que toi !

"Nous", désignait un parterre de quatre hommes assis en demi-cercle devant le bureau où siégeait Rommel. Un simple coup d'œil permit à Loth de tous les reconnaître. Il y avait de quoi être impressionné, mais il ne l'était pas, apathique qu'il était. Mais il se demanda avec plus d'insistance ce qu'il foutait exactement là. Et d'après leurs regards, eux aussi se posaient la même question.

- Prend place. As-tu fais un bon voyage ?

- Un peu gelé, mais ça va. Merci Maître.

- Attend, je vais te servir de quoi te réchauffer, dit-il joyeusement en se dirigeant vers un service à thé.
Il fourra une tasse de thé au citron dans les mains de Loth quelques minutes après et attendit qu'il en ait pris des gorgées avant de reprendre la parole.
Bien, bien, d'abord, je vous souhaite à tous la bienvenue, discourra-t-il en se frottant les mains comme un homme d'affaires devant des pigeons.

- Soyez bref surtout, trancha sèchement l'homme à l'extrême gauche du groupe. Nous avons du travail qui nous attend !

- C'est lui qui décide de notre travail, Doyle. Ayez l'amabilité d'être moins cassant, répondit sur un ton aimable celui qui était à sa gauche.
C'était un homme d'un âge avancé, mais moins que Rommel. Il était presque entièrement chauve, mais ce qui le caractérisait le plus était sa généreuse bedaine digne d'une femme enceinte de quadruplet.

- Ce n'est rien, Alistair-dono, répondit Rommel toujours joyeux. Kindaichi-kun a parfaitement raison de vouloir se mettre au travail, c'est le bon état d'esprit. Mais avant je dois vous présenter les uns aux autres.

- C'est qui lui ? demanda l'homme assis à l'extrême droite, à la gauche de Loth.
C'était une espèce de grand dadais quarantenaire au teint basané qui arborait des moustaches en croc.
Daisuké Mouri


- Moi, je sais qui vous êtes, répondit Loth en redressant ses lunettes. Daisuké Mouri, détective de l'Agence Mouri Contre le Crime. Vous avez fait les unes en 1624 pour avoir capturé le célèbre voleur, "Renard Poil de Betterave".

- Ah, je vois ! T'es un fan. Appelle-moi "Dem". Après j'te signerais un autographe !

- J'ai vous ai beaucoup lu, monsieur Alistair Rowling, reprit Loth en s'adressant à l'homme à la bedaine. "Besoin de tuer", "Introduction générale à la victimologie et à la réparation des victimes", "Gideon The Ripper : mythe ou réalité ?", "Grandeur et décadence de la criminologie au XVI e siècle", "Moi, la victime", ce sont là autant d'ouvrages dans lesquels vous détaillez et vulgarisez avec une plume encore inégalée la criminologie auprès du jeune public.

Alistair Rowling


- Hohoh ! Ça fait longtemps qu'on n'me l'a pas fait celle-là ! Vous avez lu "Moi, la victime" ? Beaucoup de mes étudiants n'ont pas pu finir la préface. J'aime ça !

- Avant d'être auteur, Alistair-dono était aussi un brillant marine et enquêteur qui a surtout travaillé sur les affaires classées, celle que les autres n'arrivaient pas à résoudre. Sous son doigté légendaire, elles ont toutes trouvé leur maître, ajouta Rommel.

- Votre génération a inspiré la mienne, Liddel.

- Des fantômes du passé que tout cela ! claqua une nouvelle fois l'homme à l'extrême gauche.

- Et lui, c'est Hercule "Kindaichi" Doyle alias le Limier. Il représente avec Loth la nouvelle et prodigieuse génération de fins limiers. Kindaichi-kun a déjà résolu pour la marine un nombre incroyable d'affaires et en fait...

Hercule Kindaichi Doyle


Le dénommé Kindaichi devait être peine plus âgé que Loth. Il avait un long visage filin, des yeux d'une prunelle grise et sans humeur. Il était attifé dans un lourd manteau en peau de renard et coiffé d'un Deerstalker.

- Lui ? demanda Kindaichi, non avec dédain mais curiosité.
Loth faillit demander la même chose et les autres aussi apparemment. En quoi diable représentait-il une nouvelle génération d'enquê... What ?

- J'ai eu vent de ton active participation à l'arrestation de Dog Wildson, Loth. Le rapport de Lady Ombeline est parvenu jusque dans mes oreilles. Tout ce qui concerne les Moines Servites m'est toujours rapporté.

- Ah, c'était donc ça, se dit-il.
Cette affaire datait de sept ans déjà et il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat.

- Le "Boucher des Highlands" ? L'affaire dans laquelle il avait soit-disant sévi sur une île de moines alors qu'en réalité, un autre criminel se servait de son nom pour tuer ? J'ai aussi eu accès au dit rapport. C'était donc vous qui avez mis à jour le subterfuge ? Pas mal du tout, pas mal du tout. Il y avait une corrélation d'indices qui indiquaient deux tueurs différents et vous, vous en aviez trouvé un troisième. Pas mal.

- Quand le "grand" Kindaichi Doyle dit que c'est "pas mal", ça veut dire que c'est carrément génial et énorme, renchérit Alistair en faisant un clin d'œil à Loth. Bien joué pour cette fois-là.

- Jamais entendu parler de cette histoire ni de ce Dog machin, déclara Mouri. Mais s'il s'était trouvé sur mon chemin, il aurait pas fait long feu, c'est moi qui vous l'dis. Je l'aurais capturé, comme ça ! finit-il en claquant des doigts de manière théâtrale.

- Bien, maintenant que vous vous connaissez tous, passons aux choses sérieuses. Vous l'avez surement déjà appris mais un terrible tueur en série est de retour. Il y a une semaine, il a tué un couple ici même. Après m'être entretenu avec mes supérieurs et les pontes de ce pays, j'ai reçu l'autorisation de créer une équipe spéciale et hétéroclite pour le traquer. Voilà ce pour quoi vous avez été appelés. Si vous acceptez l'offre, vous formerez avec moi le Bureau Boréalin d’Investigation. Vous opérerez sous mes ordres et notre mission se résumera en trois mots.  
Capturer le Zodiac.




Dernière édition par Loth Reich le Mer 11 Fév 2015 - 10:13, édité 1 fois
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Je t'aime, moi non plus.

« La jalousie ne constitue pas une manifestation de l'amour, mais la forme exacerbée du sentiment de propriété. Telle cette obsession d'annexer à soi le corps et la pensée de l'autre en anéantissant sa liberté. »

Eric-Emmanuel Schmitt




- Attendez Liddel, donc vous êtes certains que c'est bien le vrai ? Pas un copieur ?

- Hélas, je crois bien que c'est la seule conclusion qu'on puisse tirer à ce stade de l'enquête.

- Mais vous ne l'avez pas tué il y a vingt-cinq ans ?

- Un quart de siècle plutôt, j'étais certains d'avoir capturé le vrai Zodiac et je vous avoue que même maintenant, j'ai encore du mal que mes pistes aient pu me conduire à un faux, surtout avec le niveau qu'il avait. Les cicatrices qu'il m'a laissées à la suite de notre combat me démangent depuis une semaine.

- Le Zodiac ne vous a pas échappé pendant dix ans en improvisant. C'est un individu extrêmement intelligent qui a su déjouer tous les pièges que vous lui avez tendu. À partir de là, rien n'est impossible.

- Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il ne s'agit pas d'un imitateur ? Après tout, il y en a eu cinq dans le passé.

- Bonne question Loth-kun. Le lendemain des meurtres du couple, la seule presse locale a reçu ceci dans sa boite aux lettres, dit-il en sortant d'un tiroir un sac en plastique scellé qui contenait une épaulette de marine tachetée de sang.
Ceci, reprit-il, appartenait à sa dernière victime connue. Il s'appelait Edward Capella et faisait partie de la brigade d'investigation de l'époque. Le Zodiac l'a surpris chez lui.

- Je n'ai jamais rien lu à propos de ce meurtre quand je me suis documenté sur lui.

- Moi non plus, admit Kindaichi.

- C'est normal les jeunots, cette information a été classée top secrète. Le Gouvernement ne pouvait se permettre d'ébruiter ce cas de figure. Dire qu'un de ses enquêteurs a été tué par l'homme qu'il était censé capturer, c'était admettre son impuissance. Et la vérité, c'est que des sept membres de la brigade constituée pour le traquer, seuls deux ont survécu à cette traque. Vous les avez deux devant vous, déclara Alistair avec un ton lugubre.

- Un de ces enquêteurs entrainés a été tué ce type ?!  
On aurait dit qu'il craignait maintenant pour sa propre vie.

- Je ne l'aurais jamais imaginé. Il a décimé plus de la moitié de votre équipe et vous deux êtes les seuls survivants. C'est...

- Fascinant, compléta Kindaichi. Tragique bien sûr, mais fascinant. Je comprends pourquoi cet homme a inspiré tant d'histoires et de croyances. Il est unique. J'ai hâte de lui mettre la main dessus.

- Si c'est bien lui, il aurait quel âge de nos jours ? Soixante, soixante-dix ans ? Et pourquoi revenir maintenant ? Après un quart de siècle ? Ici, précisément ? Il n'avait jamais fait de victime à Boréa avant, n'est-ce pas ?

- Tu poses les bonnes questions, Loth-kun, je suis sûr que tu nous seras d'une grande aide. Non, hélas, j'ignore pourquoi il a frappé ici même s'il est aisé de penser que c'est à cause de moi.

- Alors quittez ce pays et le problème sera réglé ! Allez sur une île déserte ou disparaissez, qu'il ne vous retrouve pas et il retournera à sa retraite.

- Hahaha, j'ai eu la même idée Mouri-dono. Mais ce serait juste une fuite en avant. Maintenant qu'il s'est remis à tuer, rien ne l'arrêtera à moins qu'on ne le fasse. Ce bout d'épaulette le prouve, c'est bien lui et il veut qu'on sache qu'il est retour et qu'il faudrait compter avec lui.

- Bien, bien. Parlez-nous des victimes.

- Selon les premières infos recoupées, ils s'appelaient Alec et Monique Derbyshire, respectivement, quarante-huit et quarante-cinq ans. Mariés depuis vingt ans, résidant à Jalabert depuis toujours. Un enfant, Loïc, dix-sept ans. Ils étaient tous les deux experts et chercheurs en agronomie et travaillaient au Centre Boréalin de Recherche Agronomique. C'était un couple apparemment sans soucis et sans ennemis d'après leur proche.

- Hmmm, "apparemment". Nous allons voir ça de plus près par nous-même non ?

- Bien sûr, Alistair-dono. L'investigation n'a pas débuté pour ne pas faire un double travail. Mouri-dono et vous irez au domicile des victimes et interrogerez leur fils. Ensuite, vous vous rendrez sur les lieux de travail pour interroger leurs collègues.
Le Zodiac a déjà choisi ses victimes par hasard et par opportunité, mais nous ne pouvons pas exclure qu'ils se connaissaient. Et donc, nous enquêterons comme si nous ignorons tout du meurtrier.
Kindaichi-kun et Loth-kun, vous irez à l'Institut Boréalin de Thanatopraxie où un le médecin légiste vous exposera les conclusions de son examen. De là, vous vous rendrez au rectorat de l'UIJ, l'Université International de Jalabert où Amaury Rodney-sama le recteur vous accordera une audience. C'est lui qui a découvert les corps.
Une longue journée vous attend.


- Et vous, que ferez-vous ?

- Moi, je vais m'occuper de la paperasse. La presse internationale est déchaînée et le roi souhaite les tenir le plus éloigné possible de Jalabert. Le gouvernement de son côté désire aussi qu'on résolve vite cette enquête avant qu'une psychose ne s'empare de cette communauté de chercheurs. Chaque binôme aura un chauffeur de calèche qui lui servira aussi de guide. Vous disposerez aussi d'un escargophone personnel.
Ramenez-nous des indices !


Ils s'empressèrent de sortir du bureau. Loth quant à lui resta immobile dans sa chaise. Il demanda quelques minutes supplémentaires à l'impatient Kindaichi qui voulait de suite se rendre à la morgue. Quelque chose le dérangeait à propos de son invitation dans cette histoire et il voulait mettre la main dessus. Il voulait parler seul à seul avec le taureau blanc.

- Je t'ai déjà dit que c'est parce que tu représentes une nouvelle garde que je t'ai appelé. Tous ces hommes sont des enquêteurs très expérimentés, quoique j'ai un doute sur Mouri, mais tu apprendras beaucoup d'eux, j'en suis certain.

- Avec tout le respect que je vous dois, Maître, arrêtez vos balivernes. Je sais très bien qu'il n'y a pas que ça. Je vous remercie de me donner l'occasion d'exercer ce métier qui me passionne, je l'avoue, mais je trouve bizarre quand même que vous m'ayez appelé quand vous pourriez avoir à votre disposition n'importe quel limier du gouvernement. Et il y en a des centaines là dehors, bien plus talentueux que moi ! Et ne me dites surtout pas que je me sous-estime, je connais exactement mon niveau.

- Et ben, Michael avait raison, tu n'es pas commode du tout, et difficile à impressionner. Tu gardes la tête sur les épaules, c'est bien. Je vais être franc avec toi. Le Grand Maître Michael s'inquiète de ton devenir. Il sait à quel point tu affectionnes la criminologie et il pense, avec raison, que tu as quelque chose à offrir à ce monde. Malheureusement, il sait aussi que tu as des fréquentations très peu recommandables. Ce Gila par exemple. C'est le "tonton" d'un yonkou, bon sang ! Bref, il veut que cette expérience te serve et t'oriente sur le droit chemin.
Mais permet-moi de te reprendre, je ne t'aurais pas appelé si je pensais que tu n'avais rien à offrir à cette équipe. Les vies de gens innocents sont menacées, alors je n'irai pas faire une fleur à un ami, juste pour le plaisir. Tu connais certes ton niveau, mais tu ignores encore ton vrai potentiel et ça seul, l'expérience te le fera découvrir. Bosser sur ce cas te fera évoluer, tu verras. Après libre à toi de choisir ta voie.
Maintenant va, tu as du travail.


Loth s'inclina puis se retourna rejoindre Kindaichi. Était-ce donc de cela dont il s'agissait ? Le Grand Maître qui faisait encore des siennes ? Décidément, le vieux avait du mal à le laisser partir. Mais il le remercia intérieurement de son coup de main. Travailler sur un cas comme celui de ce tueur légendaire était inespéré, plus d'expérience n'était pas de refus. Il le remercia aussi de l'avoir dirigé vers Boréa. Ce pays l'intéressait déjà depuis un moment, surtout sa capitale, Bourgeoys. Une ville à l'abri d'épaisses murailles renfermant une population des plus nobles et des plus riches. Et plus que tous, son musée et ses richesses antiques qui valent tellement de millions ! Que de tentation pour quelqu'un comme lui.
Loth ricana intérieurement puis procrastina cette pensée. Après le Zodiac viendra le beau temps !


*
* *

1er jour d'enquête. 13h25.
Domicile des Derbyshire.
Quartier Nord, 9ème avenue.


- Nos condoléances, M. Loïc Derbyshire. Nous sommes du BBI, le Bureau Boréalin d'Investigation. Nous nous efforçons de trouver celui, ou ceux qui ont fait ça à vos parents. Pouvons-nous vous poser quelques questions ? introduisit Alistair d'une voix compatissante.

Ils avaient atteint la résidence des Derbyshire, sur la neuvième avenue du quartier Nord. Un quartier à pavillon plutôt coquet qui indiquait déjà que les victimes étaient d'une classe moyenne à aisée. Leur maison ressemblait de l'extérieur à toutes les autres, trois ou quatre chambres tout au plus, un petit jardin.

- Merci. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Celui qui a fait ça a eu toute une semaine pour s'enfuir ! beugla les larmes aux yeux, Loïc, le fils des victimes.

- Calme-toi, Loïc, ils font leur boulot, tu n'as pas à le leur apprendre ! Excusez-le. Il est encore sous le coup du chagrin et moi aussi. Je suis Natasha Ursus, une amie de ses parents depuis trois ans. Loïc n'a que moi à présent.

- Ce n'est rien, on comprend, on comprend, madame, bredouilla Mouri.

- Que voulez-vous savoir ?

- Y aurait-il quelqu'un qui voudrait du mal à Alec et Monique ?

- Non, personne voyons. C'était des gens tout ce qu'il y avait de plus adorable.

- Vous êtes sûrs ? Personne ne peut être clean, insista Mouri.

- Oui !

- Tu vois, tante Natacha ? Ils perdent leur temps avec nous alors qu'ils devraient être dehors à chercher l'assassin.

- Tais-toi sale gam...

- Depuis combien de temps, Monique était-elle malade ? demanda Alistair avec un peu plus professionnalisme.

- Qui vous a dit ça ?

- Les photos, répondit-il en se levant tout en lissant sa grosse moustache de ses mains. Vous ignorez tout ce qu'on peut apprendre des gens en entrant dans leur maison, si tant est qu'on ait le bon coup d'œil. Ce que je vois moi, c'est un couple heureux, au début du moins. Les sourires sont naturels sur les photos, oui, ils étaient rayonnants, surtout Alec. C'est évident, il était plus amoureux. La naissance de Loïc a dû être un sommet de plus dans cet amour parfait. Mais sur cette photo où il devait avoir sept voire huit ans, le sourire d'Alec s'est fait plus crispé. Quelque chose le tracasse et les rides sous les maquillages de Monique le prouvent. Les années suivantes, les sourires disparaissent, Monique devient plus pale et Alec plus renfrogné. Il est en train de perdre l'amour de sa vie, et même la présence de son fils ne saurait le rendre heureux. Monique était fière de ses cheveux, ça saute aux yeux, elle les caressait toujours sur les premières photos. Et sur celle-là où Loïc devait avoir douze ans, elle porte un foulard, que je remarque qu'elle ne délaissera plus jamais jusqu'aux plus récentes photos.
Monique souffrait-elle d'un cancer ?


- Euh... o...oui., bégaya Natacha abasourdie. Un cancer des deux seins. Elle était en phase terminale, son médecin lui avait donné trois mois.

- Ils avaient donc un ennemi contre lequel ils ne pouvaient pas gagner. Je crois que nous allons vous laisser, nous en avons appris beaucoup. Merci de votre hospitalité. Et si jamais quelque chose vous revient, appelez le BBI.


*
* *

15h14.
Institut Boréalin de Thanatopraxie.
Quartier Est, 5ème avenue.


- Elle était condamnée ?

- Oui. Elle aurait dû mourir depuis deux ans déjà à mon avis, mais elle profitait des avancées dans la recherche contre ce type de cancer.

- Donc c'était un cobaye. Comment ont-ils été tués, Dr Dianka ?

- Monique a été tuée d'un coup unique dans la zone pelvienne avec une arme tranchante, surement un couteau à peler d'après la taille de la blessure. Pas de trace d'agression sexuelle. Il s'est beaucoup plus acharné sur l'homme par contre. Son artère carotide a été sectionnée très nettement, il est mort d'asphyxie avant de se vider de son sang. Ensuite, le tueur l'a poignardé soixante-dix fois. Il l'a transformé en passoire, littéralement, acheva le Dr Dianka sur un ton dégoûté.

C'étaient là des informations des plus intéressantes, pensèrent Kindaichi et Loth en chœur. Dans cette morgue où étaient alignés des centaines de casiers destinés à accueillir les corps des défunts et éventuellement de ceux qui avaient donné leurs corps à la science, le mystère de ce meurtre commençait déjà à s'éclaircir.
Le Dr Delphine Dianka, une charmante rousse aux airs de top model, ne mesurait pas l'importance capitale de son travail.

- Il a poignardé Monique au niveau du pelvis. Il n'y a jamais rien eu de tel dans les précédents meurtres du zodiaque. Le vieux nous a dit d'opérer comme si on supposait que ce n'était pas lui, l'assassin. En temps normal, un tel acte signifierait quoi ?

- Un meurtre à caractère sexuel. S'il ne l'a pas agressé sexuellement, c'est parce qu'il était peut-être impuissant. Poignarder au pelvis est un acte de pénétration, le couteau pouvant remplacer le phallus dans l'esprit du meurtrier.

- Tout juste. Et le déroulement de la scène semble le prouver. Comment vous attaquerez-vous à un couple ? Moi, je neutraliserai d'abord la menace principale, l'homme et me concentrerez ensuite sur la femme.

- Ce qu'il a fait. Il a d'abord égorgé Alec puis a poignardé Monique. Qu'est-ce qu'il a pu faire ensuite ? La regarder mourir ? Lui parler ? Et après ? Il est revenu auprès d'Alec pour le poignarder soixante-dix fois. Il en faut de la hargne pour poignarder quelqu'un soixante-dix fois.

- C'était personnel, c'est obligé. Le meurtrier connaissait le couple. Sa rage était surtout tournée vers le mari. Le coup au pelvis indique un homme immature ou incapable sexuellement. Et si, et si, Monique était son obsession depuis le début ? Et s'il avait développé une sorte de relation imaginaire entre elle et lui ? Ça expliquerait pourquoi il s'est autant acharné sur Alec. Parce que c'était lui le rempart entre Monique et lui.

- Mais, si le meurtrier la voulait, pourquoi la tuer ? Tuer le mari aurait suffi non ? Aaaaouuh !  

Clac ! Bang! Clac !
Le Dr Dianka rangeait ses ustensiles tout en leur posant des questions.
Nul ne sut comment elle s'y prit mais son pied buta contre un pied de table et s'en suivit un carambolage et un vacarme énorme. La doctoresse finit vautrée par terre comme une trisomique. Loth l'aida à se relever pendant qu'elle se confondait en excuse sur sa maladresse.  

- Ce genre de malade raisonne différemment, répondit Kindaichi comme si rien ne s'était passé. C'est tout ou rien pour eux. Après avoir égorgé Alec, il a surement dû offrir la possibilité à Monique de le suivre. Elle l'a rejeté et il l'a tué pour qu'elle n'appartienne plus à personne. Ensuite, il a déversé sa rage sur Alec parce que même dans la mort, elle l'a préféré à lui.

- De qui est le sang utilisé pour dessiner la marque du zodiaque ?

- C'est là que les choses deviennent étranges. Ils étaient tous deux du groupe A rhésus positif. Le sang de la marque est bien humain, mais de groupe AB négatif. Le groupe le plus rare au monde.

- Bien sûr, ça ne sera pas aussi simple, et je m'en réjouis d'avance, tressaillit Kindaichi la main sous le menton. Il y a peut-être une autre victime.

- La marque a été faite par à peine cinq centilitres de sang. Rien de mortel, il pourrait s'agir de son propre sang si ça se trouve.

- Non, non, ce n'est pas son sang, croyez-moi. Allons-y Loth !

Il sortit en trombe de la morgue. Dehors les attendait leur calèche et sa jeune conductrice, un officier des Hérauts de l'aurore, cette milice royale. Elle s'appelait Phrâne Thomson. Beaucoup moins féminine que le Dr Dianka parce que plus entrainée surement. Elle avait le teint blafard des gens de nord et un nez aquilin.

- Oh Phrâne, ma petite Phrâne. Saurez-vous me dire où se trouve le bureau des Hérauts de l'aurore dans cette ville ?

- Sur la seizième avenue de ce quartier. Au croisement d'Herford et Gibbs. Je vous y emmène si vous voulez.

- Non, non, j'aime marcher. Vous devez emmener Loth au rectorat. Ne vous inquiétez pas pour moi, je trouverai le chemin du retour au QG. Le bureau des Hérauts doit bien avoir une liste des habitants de la ville non ?

- Sûrement.

- Qu'irez-vous faire là-bas ?

- Trouver la réponse à l'énigme du sang, voyons ! Cette affaire est proche d'un virage décisif. Allez, à plus la compagnie !

- Vous n'êtes pas censés faire équipe ? demanda Phrâne qui regardait Kindaichi s'éloigner au pas de course.

- "Censés" seulement, répondit Loth qui se fichait éperdument du jeu d'équipe. Il travaillait mieux tout seul. Il a trouvé une piste, je ne vais pas l'empêcher de la suivre. Emmenez-moi au rectorat, je vous en prie.




Dernière édition par Loth Reich le Ven 13 Fév 2015 - 9:16, édité 4 fois
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Le disciple

« Il n'y a pas de meilleur moyen d'échapper à la confession que le suicide, et le suicide est une confession. »
Daniel Webster




16h45.
Institut Boréalin d'Agronomie.
Quartier Nord, 2ème avenue.


- Magnifique, cet endroit quand même, on dirait un champ. Que voulait Loth ?

- C'est normal, c'est un centre de recherche en agronomie. Loth nous informait de leur avancée. Ils confirment aussi que Monique Derbyshire souffrait de cancer, mais aussi que son tueur les connaissait, son mari et elle. Nous allons orienter notre recherche sur les collègues de Monique qui auraient été fichés pour harcèlement sexuel.

- Pas d'problème. Daisuké Mouri est un spécialiste de la capture des pervers !

- Et c'est une de mes sources d'inquiétude...

Ils furent reçus par le chef de l'institut, une vieille femme aux allures sévères et catégoriques. Il ne faisait aucun doute que ses employés ne devaient pas beaucoup rigoler en sa présence.

- Monique avait-elle des problèmes avec ses collègues ?

- Pas à ce que je sache. Ils étaient très aimés. Leurs travaux étaient très suivis par le gouvernement qui avait placé beaucoup d'espoir en eux.

- En quoi consistaient-ils ?

- Avez-vous une accréditation ? Je ne peux pas dévoiler ça à n'importe qui.

- Madame, le gouvernement m'a fait sortir de ma retraite et m'a fait déplacer de Grand Line dans ce trou perdu pour cette affaire. J'ose croire que j'ai toutes les accréditations possibles. Un tueur sanguinaire rode en ville et si les recherches des Derbyshire ont quelque chose à voir dedans, le gouvernement et moi voudrions le savoir.

- D'accord. Sachez donc qu'ils étudiaient la corrélation entre l'utilisation de la dance powder et les plantes à croissance rapide. Comme vous le savez, la dance powder est interdite d'utilisation, mais certains chercheurs reçoivent l'autorisation de l'utiliser pour leur recherche, à l'instar des bactériologistes et immunologues qui travaillent sur des souches de virus très mortels. Alec était le seul agronome du couple, Monique était une météorologue qui travaillait sous cette couverture. Leur projet étant hautement sensible, personne à part moi ici ne savait pas en quoi il consistait. Même pas Natasha Ursus.

- L'amie de Monique ? Elle travaille ici ?

- Oui.

- Et elle n'a pas cru utile de nous le dire. Moi, j'en dis que c'est plus que suspect.

- Elle nous a dits qu'ils étaient amis depuis trois ans. Travailler ensemble est un détail dans ce cas-là. Monique avait-elle été harcelée par un homme ?

- Euh.... oui, oui, maintenant que vous en parlez. Il y avait ce garçon, Hermann Klaus. Ça remonte au tout début de la relation d'Alec et de Monique, bien avant leur mariage. Ils étaient encore stagiaires ici et Monique a eu des problèmes avec cet Hermann qui la suivait partout et lui envoyait dix lettres par jour. Il en est même venu aux mains avec Alec. Bien entendu, je l'ai immédiatement congédié. Il est resté en ville quelque temps et je crois que Monique a même à un moment demandé la protection des Hérauts. Quelques mois après, Hermann a quitté Boréa et personne n'a plus jamais entendu parler de lui.
Vous ne pensez pas qu'il aurait pu commettre un acte si barbare ?


- Quand un homme devient obsédé, il devient fanatique. Et les fanatiques sont capables du pire. C'est Daisuké Mouri qui vous le dit !

- Vous êtes le grand Daisuké Mouri ? J'ai beaucoup entendu parler de vous !

- Je sais, je sais.

- Nous n'allons pas davantage abuser de votre temps, madame. Si un détail vous revient, soyez aimable de prévenir le BBI.

- Alors, on le tient hein ? C'est sûrement cet Hermann qui a fait le coup, s'empressa de dire Dem quand ils sortirent des bureaux de l'institut.

- Si c'est vrai alors il nous manque encore sa connexion avec le Zodiac. "Z" a été officiellement arrêté il y a vingt-cinq ans, mais il a eu le temps de sévir pendant dix années, ce qui fait remonter l'origine de ses méfaits à trente-cinq ans. Si Hermann est dans la tranche d'âge des victimes, il aurait eu entre dix et treize ans à l'époque. Il y a un problème.

- Mais Hermann pourrait être le fils du Zodiac ! Oh, c'est sûrement ça ! C'est la seule option pour qu'il ait eu possession de l'épaulette d'Edward Capella.

- Hohoh, arrêtez de tirer des conclusions hâtives.
Nous devons retourner au QG, Philippo
, ajouta-t-il en s'adressant au sergent de la marine qui avait été affecté à leur escorte.
sergent Philippo Drake était un blond aux yeux verts criards qui semblait sourire en permanence.
Mais plus doucement que la dernière fois, je vous prie, j'ai encore le tournis.

- Prenez place messieurs, je vous y reconduirai en un rien de temps ! répondit-il en rigolant de la remarque d'Alistair.


*
* *

17h00.
Rectorat de l'Université Internationale de Jalabert.


Après quelques minutes d'attente dans une salle chauffée par un feu de cheminée bien ronflant, Loth fut introduit par une secrétaire aux formes généreuses dans le bureau du recteur de l'UIJ. Amaury Rodney de son nom était une sorte vieillard qui ressemblait en gros à un père noël en costume trois pièces de la plus haute gamme. Les lunettes parfaitement carrées posées sur son nez crochu lui donnaient un air de vieux sorcier.

- Vous êtes en retard de trente minutes sur l'heure du rendez-vous.

- Mes excuses, j'ai bifurqué en route pour visiter la scène de crime.  
Avez-vous tué les Derbyshire ?
demanda d'emblée Loth.

- Quoi ? Comment osez-vous ? Bien sûr que non ! s'offusqua le vieil homme d'une voix pincée.

- Il fallait que je demande, c'est une procédure normale. Les premiers témoins sont souvent les meurtriers. Êtes-vous un meurtrier, Pr Rodney ?

- Je n'ai rien tué récemment à part un orignal, répondit-il plus calmement cette fois.

- Je vois. Que faisiez-vous ci tôt le matin dans cette partie du parc ?

- Mon jogging.

- Vous êtes un homme très demandé, Pr, un conseil, ne me faites pas perdre mon temps, et je vous ne ferez pas perdre le vôtre. Vous m'avez bien compris, je parlais de cette partie du parc. Je l'ai vue, c'est un nid d'amour, personne ne viendrait là-bas seul, et surtout pas courir alors qu'il y a un kilomètre de piste fait rien que pour ça une rue plus loin. Qu'est-ce qui vous a emmené là ? demanda Loth qui le fixait droit dans les yeux.
Dès son entrée dans le bureau, quelque chose chez le recteur l'avait troublé et il comptait bien mettre la main dessus.

- Vous êtes perspicace et direct, mon garçon. Ce qui m'a attiré, répondit-il en faisant une pause, c'était le sang. L'odeur du sang. Je suis un chasseur comprenez-vous ? Je descends d'une longue lignée de chasseurs trappeurs. Cette odeur caractéristique éveille mes sens, je la sens à des centaines de mètres à la ronde. Les malheureux avaient été massacrés et ce sang... bon sang, y en avait partout, tellement écarlate, imbibant ce bosquet de fleur...

Il s'arrêta en croisant le regard curieux de Loth.
Loth de son côté ressentait un malaise grandissant. La façon dont les yeux de cet homme s'étaient dilatés quand il parlait du sang, cette façon dont la jointure des mains saillaient, cette manière de se lécher discrètement les babines... Ce type avait définitivement l'âme d'un tueur à sang froid.

- Enfin, vous voyez le truc quoi, bredouilla-t-il en essayant de rattraper le coup. C'était très moche, horrible.

- Je vois très bien. Avez-vous croisé quelqu'un en faisant votre jogging ?

- Si, j'ai croisé des marines et des hérauts faisant leurs exercices. Ils étaient en peloton.

- Merci. Une dernière question, êtes-vous marié, professeur ?

- Depuis trente ans, pourquoi ?

- Rien, rien, question de routine. Merci de m'avoir accordé votre temps.


*
* *


18h00.
QG de la marine.


Une heure après son entretien avec le recteur, Loth était assis dans la salle de réunion du BBI. Étaient présents, Alistair Rowling, Mouri et Liddel Rommel. Ils faisaient chacun les rapports de leur enquête de la journée. Mouri était certain que leur suspect à eux était le bon. Hermann Klaus était le fils du Zodiac à ses yeux. Rommel de son côté était troublé par la consonante sexuelle des meurtres parce qu'il n'avait rien eu de tel dans le passé.

- Vingt-cinq années ont passé, Liddel, le Zodiac a pu changer de mode opératoire, déclara Alistair tout en sirotant un verre de vin.

- Ou, il aurait pu apprendre à son taré de fils comment tuer ! Nous ne devrions pas être dehors en train de chercher les origines de Klaus ?

- Allez-y Mouri, c'est une bonne piste. Les Hérauts de l'aurore répertorient tout ce qui est démographie ici, ils sauront vous aider. Demander au sergent Philippo de vous accompagner.

- Merci. Je vais résoudre cette enquête, parole du grand Dem !

- Vous êtes sûr que c'est une bonne idée de le laiss... Atchoum ! Désolé.

- Tu as pris froid en allant dans ce parc, mon grand. Aucune nouvelle de ton binôme ?

- Aucune idée... ATCHOUM !

- Il suffisait de demander ! claironna la voix de Kindaichi qui faisait son entrée pendant que Mouri sortait. Suivez-moi, j'ai un cadeau pour vous en salle d'interrogatoire, reprit-il d'une voix énergique.

- Où diable étiez-vous ? Je vous rappelle que c'est un travail d'équipe, vous ne devez pas faire cavalier seul. Le Zodiac a déjà tué des gens bien plus entraînés que vous !

- Je ne pense pas qu'on ait affaire au vrai Zodiac, mais seulement à quelqu'un qui en sait autant que le vrai. Le parfait imitateur en gros, et il vous attend en bas.

Loth leva un sourcil. Rommel et Alistair échangèrent un regard de surprise. Kindaichi Doyle était-il si fidèle à sa réputation de fin limier ? Avait-il déjà réussi à résoudre cette affaire en à peine six heures alors que les autres en étaient encore à éliminer les pour et les contre ?
En tout cas, sa démarche rapide qui les conduisait au rez-de-chaussée avait quelque chose de certain et de contagieux. L'optimisme de l'homme semblait transcender les deux enquêteurs qui le suivaient. Seul Loth semblait encore perplexe, ses incorrigibles sens lui recommandant toujours la prudence.

La salle d'interrogatoire se composait d'une antichambre et d'une chambre. De la première, on pouvait voir à travers une baie vitrée à sens unique l'individu qui attendait d'être questionné.
C'était un vieil homme, encore se dit Loth, décidément, il en pleuvait des gens du troisième âge dans cette affaire. Même assis, il avait le dos voûté. Son visage constellé de rides le rendait plus vieux qu'il ne devait l'être réellement. Ses cheveux jadis d'un bleu éclatant étaient désormais ternes et ciel. Une canne de marche était posée sur la table à ses côtés.
Il semblait très en colère.

- Cet homme c'est pas...

- Armando Alexandro Estrada.

- Tout juste. Quatre ans avant la chute officielle du zodiaque, il a fait les unes en tant que suspect principal. Vous vous en souvenez encore, c'est génial ! s'écria Kindaichi.

- Qu'est-ce qu'il fait là ?

- Je vous l'ai emmené, quelle question !

- Je voulais dire, pourquoi ?

- Je me souviens de tout ce que j'ai lu, voyez-vous. Tout, sans exception, mon cerveau n'efface rien, il archive seulement en attendant le moment propice pour ressortir les bons dossiers. Quand le Dr Dianka a parlé du groupe sanguin AB- du sang qui a servi à faire la marque, mon cerveau s'est mis à la recherche de toute information relative à ce groupe. Tous les suspects dans l'affaire du Zodiac ont été soumis à une batterie de tests à l'époque et selon les documents auxquels j'ai eu accès, un seul des deux cent soixante-quatre suspects arrêtés était du groupe AB-. Et la coïncidence voulait que ce fût aussi l'un des plus célèbres suspects de l'affaire. Je me suis donc rendu au bureau des Hérauts pour consulter la liste des habitants de la ville et j'ai découvert qu'il s'était installé ici depuis trente ans, cinq ans après la chute officielle du Zodiac.
Après, c'était so easy, nous avons sillonné la ville, quelques hérauts et moi. Nous l'avons cueilli dans son salon de thé préféré.


- Super ! Pas mal du tout ! pensa Loth qui admirait la manière dont Kindaichi recoupait les informations. Il n'était pas impressionné, lui-même aurait fait de même s'il avait eu accès aux mêmes infos que le limier. Malheureusement, lui n'avait reconstitué les évènements liés au Zodiac qu'à travers des coupures de journaux.

- J'ai envoyé quelques Hérauts chez lui, ils vont nous appeler une fois là-bas. En attendant, ne voulez-vous pas parler à votre vieil ami ?

- Avec plaisir, susurra Rommel en serrant des dents.

Rarement Loth avait vu autant haine que celle qui embrasa les prunelles d'Armando Alexandro Estrada quand Rommel franchit le pas de la porte, Kindaichi le secondait. Loth et Alistair étaient restés de l'autre côté du miroir pour suivre l'interrogatoire.
Estrada n'était pas menotté à sa chaise et Loth imaginait tout le self-control qui l'empêchait de sauter et de dévorer tout cru Rommel.
De son côté le vieil marine avait aussi une animosité évidente à l'égard d'Estrada mais beaucoup de degrés en deçà de ce que ce dernier éprouvait en son encontre.
Ces deux-là avaient un lourd passif et Loth était avide de savoir quoi.

- ÇA NE T'AS PAS SUFFI DE DÉTRUIRE MA VIE ? TU VIENS AUSSI DÉTRUIRE MA RETRAITE, ROMMEL ? vociféra Estrada en postillonnant abondamment.

- Baisse d'un ton !

- TU AS BRISÉ MA VIE, QU'EST-CE QUE TU VEUX DE PLUS ? TU M'AS AFFICHÉ DEVANT LES FLASHS DES JOURNALISTES DU MONDE ENTIER ! JE SUIS DEVENU LE VISAGE DU ZODIAC PARTOUT DANS LE MONDE ! MA FEMME, MES ENFANTS M'ONT RENIÉ ! À CAUSE DE TOI !

- Dur... pensa Loth qui ne compatissait pas vraiment.

- À l'époque, les meurtres du Zodiac inquiétaient tellement que nous n'avions aucune marge de manœuvre, il y avait toujours un journaliste qui arrivait à suivre nos traces. Quand Rommel est venu l'arrêter chez lui, il y en avait tout un troupeau. Nous n'avons jamais su comment ils avaient été au courant.

- MÊME QUAND LES PREUVES M'INNOCENTAIENT, PERSONNE N'A VOULU DE MOI, JE SUIS DEVENU UN PARIA ! MAUDIT SOIS TU, ROMMEL, JUSQU'À TA DESCENDANCE !

- On dirait qu'il a attendu trente ans pour lui cracher ça.

- Je suis soulagé alors, je n'ai pas d'enfant, pas de descendance. Ta malédiction va mourir avec moi, Estrada. Mais avant, dis-moi ce que tu sais, et tout de suite !

- Que le Zodiac t'emporte ! répondit-il avec dédain en baissant enfin de ton.

- C'est inutile de demander, s'empressa d'ajouter Kindaichi, il n'est pas le Zodiac. Et je ne pense pas qu'il ait tué les Derbyshire non plus.

- Mais comment vous expliquez l'épaulette ? C'est celle de la dernière victime, je l'ai confirmé.

- Écoute ton jeune ami, Rommel, il est bien plus futé que toi. S'il avait été à ta place, ma vie serait différente, j'aurais vu mes enfants et mes petits-enfants grandir ! Sale chien !

- J'ai juste dit qu'il n'était pas le Zodiac, pas qu'il ne savait rien à propos de l'affaire. C'est lui qui a remis l'épaulette au vrai tueur pour qu'on puisse penser que l'original était de retour. C'est aussi son sang qui a servi à faire la marque.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Alistair en se précipitant dans la salle. Selon son profil, le Zodiac était un solitaire, il n'a pas pu avoir un complice.

- Le voilà ! Je me demandais quand tu entrerais en scène, Monsieur le Profileur. Profil, profil, tu n'as que ce mot-là à la bouche ! C'est la plus grosse erreur de ta carrière mon vieux, d'avoir pensé que le Zodiac était un homme. Le Zodiac est une entité ! Nous sommes tous le Zodiac ! HAHAHAHAHAHAHAHAHA !

- Il est fou.

- Pas tout à fait non. J'ai toujours pensé que le Zodiac pouvait avoir à un moment de son histoire, surement vers la fin, délégué ses meurtres à une ou plusieurs personnes. Ce n'était pas très compliqué, à échapper au gouvernement pendant dix ans, il est devenu mythique. Désolé de vous le dire comme ça, mais celui que vous avez abattu était surement un de ces disciples. Le Zodiac est toujours en vie.

- Le Zodiac est éternel ! Après avoir ruiné ma vie, je me suis juré de tout faire pour ruiner la tienne, Rommel, et celle de tous ces chiens de la brigade spéciale. J'ai suivi mes propres pistes, j'ai voyagé loin, mais je n'ai jamais réussi à le trouver. J'allais abandonner quand il m'est apparu. Tellement beau, tellement charismatique, tellement absolu ! C'était un dieu ! Je comprenais pourquoi un insecte comme toi, jamais, ne l'avait approché.
Il était aussi omniscient, il me savait sur ses traces, j'étais très prêt, mais je ne pouvais pas l'atteindre, nous n'évoluions pas sur les mêmes niveaux de conscience. Malgré tout, il était satisfait de ma détermination. J'étais pas le seul à le chercher mais j'étais le premier à en avoir fait autant pour le retrouver. Je l'ai supplié de me prendre avec lui et de m'enseigner son savoir. Il m'a fait l'honneur d'accepter en échange d'une seule chose. Ma foi.
C'était inutile, elle lui était déjà acquise.


Au fur et à mesure qu'il détaillait son histoire, les expressions de Rommel et d'Alistair se firent de plus en plus horrifiées. Ils réalisèrent qu'ils avaient fait d'un homme sans histoires, un monstre. Estrada détailla ses premiers meurtres sous la bannière du Zodiac. Il avoua qu'il n'était pas le seul à avoir été recruté par le meurtrier. Il avoua aussi avoir chapeauté les meurtres des quatre agents de la brigade de recherche et d'avoir personnellement tué le dernier d'entre eux, Edward Capella. Il leur révéla que le vrai Zodiac avait arrêté de tuer trois ans avant sa "chute" officielle.

- Après la défaite orchestrée, après la mort de Taurus, nous nous sommes dispersés à travers le monde. Certains sont retournés à leur vie d'antan et d'autres ont cherché à leur tour des disciples pour transmettre la science du maître. Je reconnais sa patte à travers certains des rookies qui ravagent Grand Line actuellement. Béni soit le Zodiac !

- C'est ça que tu as fait ici ? Le tueur des Derbyshire est un de tes disciples !?

- Vous ignorez ce qui se prépare. Je n'ai pas eu besoin de lui apprendre quelque chose, il était déjà prêt. Le châtiment divin s'abattra sur vous, impies que vous êtes ! Vous qui bafouez la vie d'autrui !

Tout se passa très rapidement. Estrada bondit de sa chaise et s'empara de sa canne. Il en agrippa le poignet et en tira une file lame. C'était une canne-épée. Kindaichi et Alistair firent un bond en arrière, Estrada en fit de l'avant, le pointu de l'épée dirigé vers le cœur de Rommel. Il ne bougea pas, ne fit aucun mouvement superflu. Avec son index, il dévia nonchalamment la lame de biais comme s'il chassait une mouche impertinente. La canne-épée échappa des mains d'Estrada et se figea dans un pan de mur, juste à quelques centimètres de la tête de Kindaichi.
Estrada sourit férocement puis soudainement s'affala sur la table. Pendant l'espace d'un moment, Loth cru qu'il avait été touché par une attaque trop rapide de Rommel. Il révisa son jugement quand Estrada se mit à convulser violemment sur la table. Rommel et Kindaichi se précipitèrent pour le stabiliser sans succès. Ses yeux s'injectèrent de sang, de l'écume lui sortit abondamment de la bouche. Il convulsa une dernière fois puis se rasséréna, les yeux vides, le souffle disparu.

- Il est mort, ma parole ! Il s'est suicidé !




Dernière édition par Loth Reich le Mar 24 Fév 2015 - 19:08, édité 2 fois
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Sinistre jeu

« Il est difficile de combattre un ennemi qui sait lire dans votre esprit. »
Sally Kempton



- Il dégage cette odeur caractéristique de menthe. Il a dû avaler une fiole d'essence de bile noire. C'est un poison animal qui agit comme une bombe à retardement. Aucun remède n'existe, une fois pris, vous êtes sûr de mourir dans les douze heures qui suivent.

- C'était bien avant que j'aille le chercher. Il savait donc que quelqu'un retrouverait sa trace, il avait plusieurs coups d'avance sur moi. Mais au lieu de ça, il ne s'est pas enfui, il a préféré se faire capturer et se suicider. Qu'est-ce que ça veut dire ?

- On sait maintenant qu'ils sont au moins deux. Ils sont organisés, ils n'ont pas peur des forces de l'ordre, ils préfèrent se suicider quand ils sont capturés. À quoi ça pourrait correspondre en temps normal, Alistair ?

- À du terrorisme.

- Du terrorisme, oui. Il a dit "vous ignorez ce qui se prépare". On en revient donc à la révolution ?

- Non, je ne pense pas, répondit Loth. Il a aussi dit "je n'ai pas eu besoin de lui apprendre quelque chose, il était déjà prêt.".
S'ils se battent pour une cause, elle leur est propre. Il a voulu vous tuer, c'était personnel, les meurtres des Derbyshire, c'était personnel. "Il était déjà prêt", ça veut tout dire, nous avons affaire à un individu en mission.


- "Le châtiment divin s'abattra sur vous, impies que vous êtes ! Vous qui bafouez la vie d'autrui !"
Serait-ce une sorte de justicier ? Si tel est le cas alors les Derbyshire ne seront surement pas les seuls dans ce cas. Il faut découvrir ce qu'ils ont bien pu faire pour devenir des impies aux yeux du tueur.


- Il n'y a rien qui sorte de nos investigations-là. C'était un couple qui est passé d'heureux à malheureux à cause d'un cancer et qui travaillait sur un projet top secret qui n'a vraiment rien de tabou. Il y a, certes, cette histoire de harceleur sur laquelle planche Mouri, mais elle devient caduque avec nos nouvelles informations. Si c'est vraiment un coup de cet Hermann Klaus, alors, il ne devrait plus y avoir de victimes. Donc pas de mission. Pas de châtiment divin.

- Donc pour confirmer l'une ou l'autre version, nous devons attendre, c'est ça ? Espérer ou pas une autre victime pour privilégier une des pistes ?
Je déteste ça, ça s'est passé exactement de la même manière la dernière fois. Nous restions là, à attendre que le prochain meurtre du Zodiac nous fournisse de quoi avancer ! C'est pas le Zodiac aujourd'hui mais c'est toujours la même rengaine !


- Nous pouvons toujours aller fouiller la maison d'Estrada pour trouver des indices, colonel.

- Faisons ça, parce que si je reste ici, je vais devenir fou. Envoyez le corps à la morgue, ajouta-il à deux marines en faction.

- Allons-y alo... ATCHOUM !

- Tu n'iras nulle part, toi. On peut se débrouiller sans toi ce soir, mon garçon. Rejoins ta chambre au troisième, fais toi servir un repas chaud et couche toi, demain ça ira mieux.
Inutile de discuter.


- Très bien Maître, répondit placidement Loth en essuyant son nez qui dégoulinait.


*
* *

19h30.
Domicile de Armando Alexandro Estrada.
Quartier Ouest. 25 ème avenue.


- Décidément, ils s'en fichent de laisser des traces hein.

Ils étaient au domicile d'Estrada, une petite maison carapace en bordure de la 25e avenue du quartier nord. Ce quartier était essentiellement habité par ceux qui servaient de petites mains dans la communauté académiques, à savoir, les éboueurs, les servantes, les jardiniers, ect...
Un quartier de pauvre en gros.
La maison était composée de deux pièces. Dans le salon, rien de notable, mais la chambre était bien plus intéressante. Estrada ne plaisantait pas en disant qu'il avait cherché le Zodiac après sa libération, et on aurait dit qu'il avait conservé tous les souvenirs de cette époque.
Les murs de sa chambre étaient une véritable ode au Zodiac et à ses atrocités. Partout avaient été épinglées des photos de ses victimes, des enquêteurs ayant travaillé sur son cas, des coupures de journaux relatant l'affaire, des affiches des primes successives du tueur, de ses débuts à son apogée.

- Il vivait dans le passé. Le Zodiac a complètement redéfini sa vie. Je ne vois aucune photo de sa famille et pourtant, il nous a parlé d'eux et désirait encore. Regardez ça.

Sur le morceau de mur au chevet du lit, à la place d'honneur, il y avait un groupe de personne photographié de dos, tous portant un même manteau blanc à capuche. Ils étaient treize en tout et il était aisé de deviner que l'individu qui se trouvait au milieu était le chef. Il avait six des siens de chaque côté. Même sur la photographie vieille de plus de vingt ans, on sentait la prestance qu'il dégageait dans la manière dont se tenaient à côté de lui, ses subordonnés. Plus concrètement, le manteau du chef était blasonné de l'emblème du Zodiac. Quant à ses suiveurs, chacun arborait sur son dos, un blason différent, à l'image d'un animal ou du moins, c'est ce qu'il semblait.

- Ce sont les représentations des douze signes du zodiaque.

- "Après la défaite orchestrée, après la mort de Taurus, nous nous sommes dispersés à travers le monde". C'est ce qu'a dit Estrada. Donc c'est lui que vous avez dû défaire, dit Alistair en pointant du doigt l'individu hyper baraqué qui arborait un taureau rouge sur sa cape.

- Et lui, c'est Estrada, indexa Rommel. Même de dos, je reconnais sa frêle carrure et son dos vouté. Il était le Scorpion.

- Le Zodiac et ses douze Constellations. Il a su trouver de puissants disciples disposés à mourir pour lui.

- Cette photographie ne nous apprendra rien de plus.
Regardez bien partout. Estrada et son complice savaient qu'on viendrait ici, au lieu de tout détruire, ils ont préféré tout laisser en l'état. Voyez s'il n'y a pas de message pour nous, cherchez tout ce qui sort de l'ordinaire.


Pour un humain normal, tout là, sortirait de l'ordinaire. Mais pour ses enquêteurs aguerris, il y avait une parfaite symbiose entre les photos d'horribles meurtres, les livres traitant des méthodes de torture, la collection de couteaux, la collection de trophées de chasse ou les crânes humains. Ils cherchaient quelque chose qui n'avait rien à faire là, quelque chose de déphasée par rapport à son environnement.

- Là, j'ai trouvé.
Épinglée au mur, à côté de la photo d'une statue à l'effigie d'un quelconque dieu de la mort, il y avait une feuille de calepin sur laquelle était gribouillée des vers.


Mon nom est la Mort. Vous n'avez pas entendu parler de moi ?
Gente Dame, jetez donc tous ces habits dispendieux.
Laissez de côté cette fierté, elle sied aux orgueilleux.
Prenez congé des plaisirs charnels et illusoires.
Vous allez repartir avec moi ce soir.

Je suis la miséricorde. Ne m'avez-vous pas invoqué, gente pute ?
Soyez muette, car à présent votre parole, j'impute.
Vos dorures et vos parures, cher adultéresse.
Vous honnirez et maudirez vile pécheresse.
Vous allez trouver la paix ce soir.



- Un poème ? Je ne vois aucun livre de littérature ici, ce n'était pas son genre.

- Je connais ces vers. Bien que personnalisé, c'est tiré d'une ballade du siècle passé. Dans la version originale, il s'agit d'un dialogue entre la mort et une femme. Je ne me souviens pas par contre qu'il y avait ce passage où le narrateur se décrivait comme étant "le mérite" pas plus que la mention de "gente pute" et de "pécheresse". Ça a été rajouté.

- Ils s'amusent avec nous, à nous narguer.

- La mort d'Estrada nous a conduits ici pour trouver ce poème et ce poème nous conduira surement à la prochaine victime. Toute la question est de savoir si nous pourrons l'anticiper.

- Je crains que non. Dans cette partie d'échec où se jouent des vies humaines, ils ont la main.


*
* *

19h45.
Parc de Jalabert
Quartier Est.


C'était sa première soirée sur Jalabert et elle était glaciale. La nuit dans cette ville n'avait rien de mouvementée, du moins dans le centre-ville où avaient été regroupés les bâtiments des différentes institutions et académies de recherche.
À pied, Loth se dirigea vers le quartier Est, là où se trouvait le parc de Jalabert où avaient été tués les Derbyshire. Il renifla et se dit que ce rhume tombait vraiment à pic, bien qu'il eût forcé sur l'éternuement et joué un peu de comédie. La raison en était toute simple, il voulait être seul pour rencontrer son contact qui l'avait appelé peu après son entrevue avec le recteur.
Ce contact n'était autre que Denavellion, communément appelé Dena'. L'homme était un indic, un fouineur, le genre de type qui savait tout de tout. Et même quand il ne le savait pas, il le savait quand même. Le tout étant d'y mettre le prix. Trois jours plus tôt, Loth était posé dans un bar avec lui quand Liddel Rommel l'appela. Ensemble, ils avaient flairé le bon coup et l'opportunité que leur offrirait ce ticket pour Boréa. Ils avaient un plan.

Dena' était arrivé sur Boréa en même temps que Loth, mais par ses propres moyens. Dans le froid mordant, ils allaient se voir pour parler affaire. D'ailleurs, Loth le reconnut tout de suite, empêtré dans un long manteau de l'académie Boréaline des lettres. Un déguisement comme un autre, un déguisement qui ne lui allait pas vraiment.

- Jamais vu un homme de lettre aussi peu convaincant.

- J'passe incognito, c'cool. Alors, c't'enquête ?

- Pleines de surprise comme je m'y attendais. Je me demande pourquoi les gens intelligents se mettent à tuer en série.

- La même raison que des gens intelligents prévoient leur gagne-pain alors qu'on leur fait confiance. D'ailleurs, ton pourboire, c'est combien ? Tu m'dois là.

- Je vais aider à résoudre cette affaire, c'était ça le contrat. Après libre à moi de faire ce que je veux. Pour les honoraires nous n'en avons pas encore parlé, mais ça va taper dans les trois millions sûrement, et plus si on se fait attaquer et que nos vies sont mises en jeux. J'aurais de quoi te rembourser. Alors t'as les infos ?

- Oui, mes p'tits oiseaux sont venus m'piailler ici et là. La capitale, Bourgeoys, c't'une sorte de place forte impénétrable. C't'un autre monde, celui de gens blindé à mort. Ils m'ont causé aussi du musée qui t'intéresse. Le Calice du Mineur se trouve bien là-bas. Ça tape dans les combien c'gobelet ?

- Facilement, vingt-cinq millions quand on sait à qui s'adresser. C'est un des trésors nationaux de Boréa quand même. Il faudra bien préparer cette opération. Tu sais comment entrer dans la capitale sans attirer l'attention, je suppose ?

- Trois ans qu'on travaille ensemble, t'sais pas encore qu'impossible n'est pas Déna' ? 30% pour ma commission sur le casse du musée. Plus 10% de ton pourboire sur cette enquête.

- Trois ans et t'es toujours aussi cher.

- Les bons comptes font les bons amis, mon pote. J'te recontacterai quand j'serai à Bourgeoys.

- Non, reste dans le coin, j'ai besoin d'infos pour cette affaire.

- Hummm ?

- Cherche-moi tout ce que tu peux trouver sur le recteur, un certain, Pr Amaury Rodney. Ce type est tout sauf net.

- Tu penses qu'il trempe dans les meurtres ?

- C'est probable, mais il faut en être sûr. Allez, contacte-moi quand t'auras un truc croustillant.


*
* *

20h30.
QG de la marine.


Loth rejoignit le quartier général peu de minutes avant le gros du cortège marine, hérauts de l'aurore et membre du BBI qui revenaient de la demeure d'Estrada. Les pièces à conviction allaient être analysées par l'équipe de soutien, mais personne ne s'attendait à trouver quoique ce soit de concluant. L'ennemi était extrêmement rusé et pour l'instant, c'est lui qui donnait le ton de la danse.
Loth et Daisuké Mouri, qui était revenu longtemps avant Loth, furent mis au parfum des dernières découvertes.

- D'ailleurs, qu'avez-vous trouvé sur Hermann Klaus ?

- Rien, la maison dans laquelle il a vécu a été transformée en garderie, répondit-il moins confiant qu'à son départ. Mais tout se passe comme je l'ai prévu ! rajouta-t-il un brin plus optimiste.

- Mytho ! Ce type est un troll, il ne sait même pas où il va, pensa Loth.

- Figurez-vous que je trouve cette chère Natacha Ursus très suspecte. Demain, je vais la suivre toute la journée.

- C'est une amie de très longue date des victimes. Mouri pense qu'elle a un truc de louche parce qu'elle a oublié de nous mentionner qu'elle travaillait avec les Derbyshire à l'institut de recherche agronomique, expliqua Alistair à Rommel qui levait les sourcils d'incompréhension.

- C'est quoi son histoire ?

- Je me suis renseigné sur elle auprès des hérauts de l'aurore. Et apparemment, elle se serait installée dans la ville il y a seize ans. C'est une personne "apparemment" sans problème mais mois je dis qu'elle est trop clean. En plus, les hérauts m'ont informé qu'elle a déjà déposé une demande pour être la tutrice du jeune Loïc Derbyshire.

- Et c'est suspect ? Elle est tout ce qu'il lui reste de famille.

- Loïc a dix-sept ans. Dans un an, il sera majeur, elle peut très bien s'occuper de lui sans demander à être son tuteur légal selon les lois de ce pays. En devenant tuteur de Loïc, elle peut toucher l'assurance-vie des Derbyshire sous forme de pension pour élever l'enfant. Soit un total de trente millions de Berry. C'est pas un motif ça ?
Je vous le dis, elle est impliquée dans notre affaire. Permettez-moi de la suivre toute la journée de demain, vous ne serez pas déçu, colonel. Parole de Dem.


- Oui, j'approuve, c'est une piste importante, nous aurons besoin d'un homme de confiance pour cette filature, appuya Kindaichi alors que Rommel semblait plus que dubitatif.

Étant lui-même passé maître en matière de sarcasme discret, Loth, remarqua sans peine que Kindaichi ne pensait pas une seconde ce qu'il disait. Il avait plutôt l'impression qu'il voulait se débarrasser de Mouri. Vu comment Rommel alternait les binômes, il se serait sûrement retrouvé avec lui le lendemain.

- Très bien. Demain, collez-vous y, Mouri-dono.
Des observations, Loth-kun ?


- Pas vraiment. Ceci dit, le recteur, Amaury Rodney, que savez-vous de lui ? Il m'a donné l'impression d'avoir un certain pouvoir. Une dizaine de Hérauts étaient postés devant le rectorat et il a une dizaine de secrétaire. Sans compter que, quand vous nous avez envoyés là-bas, vous avez parlé "d'audience" qu'il nous accorderait.

- Ah ça. Amaury-sama cumule les fonctions de recteur et de maire de la ville. Qui plus est, il est marié à une tante du roi Maximilian Nordin. C'est un homme très puissant dans le pays. Tu le suspectes ?

- Non, pas vraiment, j'ai juste été étonné de son importance.

- J'espère bien, parce que si on se retrouvait à suspecter un type de son importance, le fiasco ne sera pas loin, sans compter qu'on ne pourrait avoir aucune marge de manœuvre.
Tout est dit, allons nous reposer, demain risque d'être une dure journée.


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Duplicité

« Chacun de nous est une lune, avec une face cachée que personne ne voit. »
Mark Twain



2e jour.
07h00.
QG de la marine.


La nuit fut longue pour les uns, courte pour les autres.
Ils se retrouvèrent aux alentours de sept heures au mess pour prendre des forces avant une nouvelle journée de travail. Les plats étaient assortis au goût de chacun et Loth essaya de se faire une idée sur chaque membre de son équipe au travers de sa commande. Bien qu'il fût difficile de deviner quelque chose sur Kindaichi qui commanda une assiette de lard fumé à la menthe qui déconcerta le chef, il eut plus de visibilité sur Alistair Rowling et ses 3 bouteilles de vins différents.

- Sérieusement, dès le matin, Alistair-dono ?

- Je suis un grand amateur de vin. Je bois quand j'ai envie de boire, ça ne peut pas me faire de mal, huhuhuhuhu.

- Sauf si votre bedaine de femme enceinte de neuf mois explose, pensa Loth avec amusement.

Ils en étaient au point mort depuis la veille et malheureusement, sans aucun indice nouveau en vue, ils étaient réduits à attendre que le tueur fasse une nouvelle victime pour avancer.
Il y avait, certes, Mouri et la filature qu'il allait entamer, mais personne à part lui n'avait la foi que ça donnerait quelque chose. "Dem" s'empiffra à la hâte d'œufs brouillés puis s'en alla remplir sa tâche avec un optimisme débordant.

- Vous savez, j'ai réfléchi au poème toute la nuit. Je pense qu'il va y avoir deux meurtres.
Rommel qui sirotait son jus de citron avala de travers.

- Et vous lâchez ça comme si vous parliez de la météo ? Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?

- Dans la première strophe, le narrateur se présente comme étant la mort et dans la seconde, il se présente comme étant la miséricorde. "Vous n'avez pas entendu parler de moi ?" "Vous allez repartir avec moi ce soir", "Ne m'avez-vous pas invoqué, gente pute ?" "Vous allez trouver la paix ce soir".
C'est deux tons biens différents je trouve. Il s'impose à la première et donne l'impression de délivrer la seconde de quelque chose. Vous allez trouver la paix. C'est de la compassion.


- Il n'y avait aucun signe de compassion dans le meurtre des Derbyshire, ils ont été jetés sans états d'âme dans un bosquet de fleur.

- C'est justement ça qui est intéressant. Ce second meurtre sera la clé, je le sens !

- Et surtout, il a tué un couple la première fois. "Gente dame", "Gente pute". Si c'est bien à deux personnes différentes que s'adressent ces strophes alors il va changer de mode opératoire. Ce qui serait inhabituel en si peu de temps.

- Excusez-moi de vous reprendre, professeur, mais ça serait inhabituel uniquement si on avait la certitude de son modus operandi. Il a imité le Zodiac la première fois, Dieu sait ce qu'il va nous sortir s'il tue encore. Nous ne connaissons pas son mobile, si ça se trouve, peu lui importe la race, le sexe et la situation conjugale. Peut-être Alec et Monique Derbyshire avaient individuellement fauté à ses yeux ? Nous devrions peut-être les considérer en tant qu'unité et non un couple ?

- Vous avez tout lu et tout saisi de mes cours sur la victimologie, Loth.

- Ce sont encore des hypothèses, je vous rappelle. J'espère bien attraper ce malade avant le prochain meurtre. Kindaichi-kun, évitez de prendre ce ton réjoui, nous parlons de vie humaine !

- Je crois que pour le prochain meurtre, c'est trop tard, répondit Kindaichi en indexant le sergent Philippo Drake et le héraut Phrâne Thomson qui avançaient vers eux, le visage grave.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Deux corps ont été trouvés par des joggeurs et des employés de la mairie, répondit Phrâne de sa voix chantante.

- DEUX ? beugla Rommel qui n'y croyait pas.
Kindaichi, quant à lui, n'aurait pas pu paraître plus joyeux. Sa prédiction venait de se réaliser en moins d'une minute.

- L'un, une femme, a été découverte dans le quartier Nord et l'autre, un homme, dans le quartier Ouest, sur les berges du fleuve Nagano, détailla Phillipo Drake, éternellement souriant malgré lui.

- Encore un couple ?

- Ce n'était pas ce que vous aviez prévu, Kindaichi, fit remarquer Alistair, non sans une once de satire.

- Ça va de mal en pi, j'aurais du mal à retenir la presse cette fois-ci. Bon, Alistair-dono et Loth-kun, vous irez dans le quartier Nord ; Kindaichi-kun et moi irons vers le fleuve Nagano. Tenons-nous informés, cette enquête doit avancer, il ne doit plus faire de victime. Je compte sur vous.


*
* *

8h00.
Salle de bowling.
Quartier Nord.


La salle de bowling, scène de crime où avait été retrouvée la femme encore non identifiée se trouvait dans le plus huppé des quartiers de Jalabert. Dans cette communauté scientifique prévalaient aussi les droits de l'ascendance et du matériel, aussi, le gratin de la haute société de ces épris d'expériences avait été parqué dans la moitié septentrionale de ce quartier, couramment appelé, Little Heaven.

- La salle de bowling est un des rares lieu de distraction de Little Heaven. Quoique je doute que distraction signifie la même chose pour nous et ces gens-là, dit Phrâne qui les briffait tout en les conduisant sur les lieux.
Le corps a été découvert par le premier employé à avoir ouvert la porte de la salle.

- Qu'en est-il des heures d'ouverture de la salle ?

- De huit à vingt-deux heures. Et le dernier employé à partir hier, n'avait rien remarqué d'étrange. Le corps a dû être déposé entre vingt-deux heures et sept heures. La porte n'a pas été forcée, il avait les clés.

- Faites parvenir la liste complète et les photos des employés masculins du bowling au colonel Rommel. Il se peut que l'homme dans le fleuve en fasse partie, ça pourrait expliquer comment le tueur s'est procuré les clés.

Ils arrivèrent sur la scène quelques minutes après. La marine et les Hérauts avaient créé une zone d'exclusion autour du bâtiment de bowling. Des badauds aux airs d'intello s'étaient agglutinés le long de la rubalise. Certains étaient choqués et sans voix, d'autres pleuraient à chaude larme de voir leur si petite et soudée communauté être ébranlée par un drame si violent.

- Ils sont là malgré ce froid ambiant. Ça me fait penser, je vais me réchauffer, fit Alistair en sortant un étui à cigarette. Un cigare, Loth, Phrâne ?

- Non, merci, je ne fume pas.

- J'ai arrêté, dit-elle en grimaçant.

Elle releva la manche de son manteau et leur montra un bracelet en caoutchouc jaune sur lequel il était écrit "L♥vely Six". Elle le tira et le relâcha. Le caoutchouc sur sa peau produisit un claquement sec.

- À chaque fois que j'ai envie de fumer, je fais ça, plusieurs fois et ça m'aide à surmonter l'envie. Ça me rappelle aussi l'effort que je fais pour ne pas retomber dans le tabagisme. Le "Six" représente le nombre de mois d’abstention. Le mois prochain, j'aurais un bracelet "L♥vely Sept"

- Oh, je vois, vous êtes une jeune femme bien courageuse. Il serait indécent de fumer en votre présence.

- Vous voyez un psy ? demanda Loth qui trouvait bien étrange la méthode de sevrage.

- Non, un groupe d'amis. On s'entraide mutuellement, on essaie de tuer nos démons ensemble. On se motive mieux en groupe, je pense.

Elle s'interrompit quand un héraut vint lui tendre une discrète feuille. Phrâne lut la notice.

- Nous avons l'identité de la victime. Elle s'appelle Rolande Feller, vingt-deux ans, étudiante en quatrième année à l'université de Jalabert.

- Qu'est-ce qu'elle étudiait ?

- L'astronomie.

Ils entrèrent dans la salle de bowling. Le corps de Rolande Feller était bien en évidence, sur une des pistes, dans un macabre mise en scène. Elle était à genou, dans une position de prière, les mains jointes, les paumes ouvertes et levées vers le ciel. Une quille de bowling était placée dans sa main. Sa tête aussi était levée vers le plafond, les yeux vitreux et grands ouverts. Une substance blanchâtre avait été répandue dans des yeux et dégoulinait sur ses joues à la manière de larme.

- Je ne m'attendais pas à voir une telle chose. Maintenant, nous l'avons sa signature, Loth.

- J'ai déjà vu ce genre de mise en scène dans des revues de criminologie.

- J'appelle Liddel, faut qu'on en ait la certitude avant de commencer à étudier la scène.

PURUPURUPURU PURUPURUPURU PURUPURUPURU PURUPURUPURU ! ! ! ! ! ! ! !

- Allô ! Vous ne pouvez pas être plus abasourdie que nous, c'est impossible.

- Ça dépend, Liddel. Il a déguisé notre victime, Rolande Feller, à la sauce du Marionnettiste.

- Le Marionnettiste ? Ce n'est pas ce tueur en série qui sévissait y a un demi-siècle ? Un tueur d'enfant qui désarticulait méthodiquement les corps puis essayait de les transformer en œuvre d'art ? demanda la voix désincarnée de Kindaichi.

- Oui. On dirait qu'il n'a pas imité le Zodiac que pour le message derrière. C'est sa signature propre. Nous avons à faire à un tueur en série qui en imite d'autres. C'est ce que le professeur Alistair Rowling a appelé, "un réplicateur".

- Qui est-ce qu'il a répliqué dans votre cas ?

- Devinez, Alistair-dono. Le corps a été abandonné sur les berges d'un fleuve, bien que gelé. Il a été dénudé et il lui manque une bonne partie de ses mollets. J'ai envie de vomir...

- On dirait, le cannibale de Mil Wookee.

- Il a imité Jeffréda Mher. J'y crois pas, sa signature ne peut pas aller jusqu'au cannibalisme.

- Moi, je ne veux pas savoir ce qu'il a fait de ces morceaux, commenta la voix du Dr Dianka aux côtés de Rommel. ]Aidez-moi à le sortir de là Aaaoouh !

Bang ! Tchrrrrr ! Splash !
Même s'il n'était pas sur les lieux, Loth devina aisément que le docteur Dianka avait encore fait parler sa maladresse. L'intéressée lui donna raisonna quand elle commença à déblatérer des excuses parfaitement audibles dans l'escargophone.

- Désolé, j'ai glissé... Je suis trop maladroite.

- Vous portez des bottes à crampons docteur, comment diable pouvez-vous glisser ?

- Comme vous l'entendez, on s'amuse ici comme des p'tits fous. Après vos examens, rendez-vous directement chez la famille de la victime. Notre homme n'a pas encore été identifié, il ne fait pas partie des employés du bowling. Nous serons plus lents que vous, le Dr Dianka viendra de votre côté après. À plus.

- À toi, Loth. Dis-moi ce que tu vois, dit Alistair sur le ton d'un prof à son étudiant.

- Elle est en position de prière, ce n'était pas nécessaire, sauf si ça revêt une importance particulière pour notre tueur. Ce n'est pas un signe de remord, il a quand même désarticulé le corps pour lui faire adopter cette position, donc c'est pour montrer que la victime se repent. Les fausses larmes en sont la preuve. Se repent de quoi, je l'ignore.
"Jetez donc tous ses habits dispendieux".
Elle est onéreusement habillée, montre en or, collier serti de rubis et talon. Elle sortait voir quelqu'un d'important, à moins que ces vêtements ne soient au tueur, mais j'en doute. Il a posé une quille dans sa main, ça doit avoir une signification, mais là aussi, je sèche.


- Dans ce cas, je vais t'aider. La forme de la quille te fait penser à quoi ? Ne réfléchis pas, dis ce qui te passe par la tête.

- Une urne.

- Oui, c'est une urne et ça a son importance. Les urnes de cette forme servent en général à de conteneur aux cendres de personnes incinérées. Mais dans les temps anciens, ces urnes faisaient office de vase canope et contenaient les entrailles des personnes défuntes, dont le corps lui était destiné à être momifié. Elles contenaient leurs cœurs ou leurs cerveaux, en un mot, elles contenaient leurs âmes en attendant que les messagers de la mort ne viennent les en délivrer et les emmener pour le voyage éternel. Cette quille symbolise la mort, elle symbolise une âme prête à partir.
Seulement je me demande si c'est celle de la victime ou d'une autre personne.


- Et ben... Vous pouvez déduire tout ça sans toucher le corps ? demanda Phrâne très perplexe. Il aurait très bien pu mettre cette urne-là pour le style.

- C'est possible, mais très peu probable. Dans l'esprit de ces gens-là, tout a une signification, et pour pouvoir les arrêter, nous devons nous efforcer de penser comme eux. Des remarques supplémentaires, Loth ? Dommage qu'on ne peut avoir le médecin légiste maintenant. Nous passerons la voir après avoir questionné la famille Feller.

- Les expertises médico-légales le diront, mais je ne vois aucune blessure apparente, aucune marque de strangulation. Ses yeux sont injectés de sang ce qui est le signe d'une hémorragie pétéchiale. Elle a été asphyxiée d'une manière ou d'une autre.

- Tu sens cette odeur d'amande ?

- Non.

- C'est pas grave, on estime que moins de 5% de la population possède les facultés olfactives susceptibles de détecter le cyanure de potassium dont l'odeur résiduelle est semblable à de l'amande.
Pour finir, il n'a pas dû être simple de porter le corps jusqu'ici et de le mettre dans cette position, sans compter que pour imiter le Marionnettiste, le tueur a dû désarticuler le corps. Ce qui suggère donc qu'il a des connaissances en anatomie.


- Un médecin ? Un kiné ?

- Ou un boucher, ou un expert en un quelconque art martial visant à provoquer ce genre de dégât. La liste peut être longue. Je crois que nous en avons fini. Prenez des photos, nous devons montrer les vêtements de Rolande à sa famille pour voir s'ils lui appartiennent. Ils ont été informés du drame ?

- Oui, un employé de l'équipe de soutien est allé leur parler.

- Tant, mieux. Conduisez-nous chez eux, Phrâne.
Bien joué au passage Loth, vous avez de l'avenir dans le domaine. La marine ne vous tente pas ?


- Pas le moins du monde.


*
* *

8h30.
Berge du fleuve Nagano
Quartier Ouest.


- Alors, Docteur ?

- Je lui donne 24-25 ans tout au plus. J'estime la mort de cet homme à six ou sept jours.

- Vous êtes sûre ? Il a l'air frais.

- Parce qu'il a été conservé dans la glace, ce qui n'a pas dû pas bien être difficile sur notre île. Ces cellules montrent des signes de détériorations par le froid. Il a été tué un ou deux jours tout au plus après les Derbyshire.

- Dans ce cas, qu'est-ce qu'il a fait avec le corps tout ce temps ?

- Les victimes du Marionnettiste étaient retrouvées une semaine après leur enlèvement, et à quelques jours près c'est le même modus opérandi pour Jeffréda Mher.

- Mais il a été établi avec certitude, que Jeffréda Mher n'enlevait que les homosexuels, étant lui-même homo. Alors qu'il est probable que cet homme soit en couple avec Rolande Feller.

- Le Marionnettiste était un tueur d'enfant, et Rolande n'en était pas une. Ce tueur adapte uniquement une partie de la méthodologie de ceux qu'il copie. Nous devons trouver son mobile et l'identité de cet homme.

- Regardez ses mains, il y a des lésions et réparations cicatricielles. Prêtez-moi votre pince à épiler, demanda-t-il au Dr Dianka. Ce sont des éclats millimétriques de bois, observa-t-il sous sa loupe. Cet homme est soit un charpentier, soit un menuiser, il utilisait ses mains pour vivre. Il est aussi costaud, doit peser dans les 80 kg. Il n'a pas dû être facile à maîtriser. Notre homme doit être fort physiquement.

- Ni à transporter. Vous pensez vraiment qu'un homme seul ait pu faire ça ? Il y a au moins six kilomètres qui nous séparent du quartier Nord. Il serait allé déposer le corps de la femme dans la salle de bowling puis serait revenu ici déposer cet homme ? Ou l'inverse ?

- J'en suis certain, il est seul. Son complice s'est laissé arrêter pour nous transmettre le message comme quoi, un châtiment divin s'abattra sur nous. Nous avons à faire à quelqu'un de déterminé, de calme et d'intelligent qui possède surement une maison ou un endroit dans lequel cacher deux corps pendant une semaine. S'il les cache chez lui alors, c'est surement qu'il vit tout seul. Il doit aussi posséder un moyen de déplacement, une calèche ou un carrosse attelé.

- Donc il doit être riche ?

- Ou tout simplement un écuyer ou un chauffeur. Qui remarquerait ou suspecterait un chauffeur de calèche traversant la nuit ? Surtout quand il y a une personne dans la voiture ?

- Ça fout les jetons...


*
* *

10h00.
Manoir des Feller.
Quartier Nord - Little Heaven.


Sur le chemin vers la demeure des Feller, ils reçurent un courrier par cheval rapide d'un héraut qui leur transmit une photo de l'homme du fleuve Nagano qu'il restait à identifier.
Les Feller étaient une des plus anciennes et plus riches familles de Jalabert, descendante directe des premiers colons à avoir fondé la ville. Leur manoir, ressemblant plus à château fort du moyen-âge avec ses tourelles et ses meurtrières en disait long sur eux. Loth, Alistair et Phrâne furent introduits dans le vestibule richement décoré. L'ambiance était très lourde. Les Feller qu'on reconnaissait à leur teint noir et à leurs courtes tailles avaient tous les yeux bouffis et rouges de chagrin. Même les domestiques semblaient chagrinés et Loth se demanda si ce n'était pas de la comédie.
Le patriarche de la famille, présenté par le major d'homme comme "Lord" Rocky Feller, les reçus.

- Nous vous présentons nos plus sincères condoléances, introduisit Alistair Rowling. Nous ne pouvons imaginer votre peine, mais nous devons aussi faire notre travail. Pouvons-nous vous poser quelques questions, Lord Feller ?
Il acquiesça du chef et Alistair encouragea Loth à commencer la série de questions habituelles.

- Quand avez-vous vu Rolande pour la dernière fois ?

- Il y a neuf jours. La vieille de cet horrible fait divers au parc. Elle nous a dits qu'elle allait étudier une géante rouge au Phare des Mamelles. C'est un observatoire astronomique doté du plus puissant télescope de l'île, sis à trente kilomètres à l'ouest de Jalabert. Elle y allait souvent pour des projets scolaires.

- Vous a-t-elle dit si elle comptait s'y rendre seule ?

- Non, elle devait y aller avec Serena Bush. C'est sa meilleure amie.

Alistair fit signe à Phrâne qui sortit de la pièce pour transmettre cette information à vérifier de toute urgence à l'équipe de soutien du BBI.

- Où sont les parents de Rolande ? Je veux dire, son père et sa mère ?

- Sa mère est en soin à l'étage, elle a défailli quand elle a appris la nouvelle. Son père est mort depuis des années.

La dernière phrase fut prononcée avec un ton sans équivoque. Le père de Rolande n'était pas mort, juste mort à leurs yeux, c'est ce qu'en déduisirent Alistair et Loth. La question d'Alistair pouvait d'ailleurs être considérée comme rhétorique, Rolande n'était une Feller que du côté maternel. Le fait qu'elle ait porté toute sa vie son nom maternel était déjà un indice.

- Nous avons des raisons de penser qu'elle n'est jamais allée aux Mamelles. Comment la décririez-vous ? Était-elle du genre à suivre à des inconnus ?

- Non, voyons ! Ma fille était tout ce qu'il y avait de plus adorable, la tête sur les épaules, prudente et confiante. Elle était promise à un grand avenir, elle voulait surclasser Hubble, elle avait toute la vie devant elle. Et ...

- Je vous en prie madame, reprenez-vous, retournez-vous coucher, vous n'avez pas assez de force pour ça.

Les voix provenaient de la rampe d'escalier. La femme qui avait parlé ne pouvait être que la mère de Rolande tellement la ressemblance était frappante. La même taille, les mêmes pommettes saillantes, les mêmes cheveux noir d'encre. Elle ne put aller au bout de son éloge, son docteur de maison vint l'interrompre et la reconduire dans sa chambre.

- Ma fille, Éléonore.

- C'est une mère chagrinée et dévastée. Rolande était sa fille unique, on peut comprendre qu'elle la considère comme un ange. Mais nous savons vous et moi qu'aucun enfant n'est le parfait modèle que désirent ses parents. Nous souhaitons retrouver celui qui lui a fait ça et le lui faire payer. Donc que nous diriez-vous sur votre petite fille ? demanda Alistair sur un ton très clair et sec.

- Elle s'est reprise. Vous savez ce que c'est que l'adolescence, elle vient avec ses hormones et ses rebellions. Elle a eu quelques mauvaises fréquentations, séché quelques cours mais c'est du passé maintenant, j'y ai veillé. Elle est revenue dans le droit chemin.

- Mettons-nous d'accord sur la définition de "mauvaises fréquentations". Est-ce des problèmes de drogue, d'alcool, ou tout simplement fréquentait-elle quelqu'un d'un rang social bien moins élevé qu'elle ? demanda Loth d'une voix cynique en lui montrant la photo du cadavre l'homme. Nous l'appelons John Doe, mais nous avons l'espoir que vous nous aideriez à mettre un nom sur son visage.

- Je n'aime pas votre ton, agent, et je n'ai jamais vu cet homme de ma vie. Il est mort ?

- Nous pensons qu'il était avec votre petite fille quand il a été tué.
Enfin, vous ignorez qui c'est parce que vous n'avez pas daigné savoir à quoi il ressemblait, mais vous si, n'est-ce pas monsieur le major d'homme ? Vous êtes un homme à tout faire et à laver les linges sales.
Inutile de nier, je l'ai tout de suite vu à votre regard, on n'me la fait pas.


- Il s'appelait Tom Cooper, répondit-il après un moment d'hésitation. Il ennuyait Miss Rolande alors je suis allé lui en toucher deux mots. Depuis il ne l'a plus approché.

- Ennuyé ? C'est votre manière de dire qu'ils sortaient ensemble ?

- Tsss, Miss Rolande était jeune et un peu naïve, qui ne l'est pas à cet âge ? Il en a voulu profiter, elle l'a suivi. Elle n'aurait jamais pu avoir des senti... Parlez pas de malheur, ce bougre l'a ensorcelé. Mais j'ai mis un terme à tout ça.

- En le refroidissant ? Demanda Alistair d'une voix menaçante.

- En lui parlant. Cela fait deux ans déjà que cette histoire est close. J'ai demandé à Octave de personnellement garder un œil sur Rolande, il la suivait partout, à son insu et à distance. Ils ne se sont plus jamais revus. Vous perdez votre temps en suivant cette piste messieurs, c'est une coïncidence, ils n'étaient sûrement pas ensemble quand c'est arrivé.

- À quelle fréquence se rendait-elle aux Mamelles ?

- Deux à trois jours par mois.

- Le major d'homme ne la suivait pas là-bas n'est-ce pas ? Pourquoi après tout, y avait sa meilleure amie qui l'accompagnait, vous vous en étiez convaincus.

- Je vais aller me reposer, vous devez retourner à votre travail, agents, au lieu de chercher à ternir la mémoire de ma petite fille.

- Une dernière avant de partir. Ces vêtements lui appartiennent-ils ? demanda Alistair en montrant une photo du corps.

- Oui, ils sont à elles.

- Merci pour votre temps.
Combien pariez-vous qu'elle savait pour la surveillance et qu'elle a trouvé un moyen de la déjouer ?
demanda Alistair à la sortie du manoir.

- Cette fille avait une face cachée que sa famille ignorait. Ces escapades mensuelles à l'observatoire étaient des séjours en amoureux. Si même son chien de garde ignorait qu'elle voyait Tom Cooper, comment notre tueur a-t-il pu être au courant ?

- Il y avait au moins une personne au parfum de cette histoire, puisqu'elle lui fournissait des alibis. Sa meilleure amie, la trop fidèle Serena Bush.




Dernière édition par Loth Reich le Mer 11 Fév 2015 - 10:34, édité 4 fois
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Tués dans l’œuf

« S'il doit y avoir la guerre, qu'elle ait lieu de mon temps afin que mon enfant puisse connaître la paix. »
Révolutionnaire Thomas Paine



Il était presque midi.
Les différentes équipes dépendantes du BBI ratissaient le terrain à la recherche de preuve, en questionnant les témoins clés de l'affaire. Le nouveau double meurtre avait secoué la communauté de chercheurs et la psychose était visible. Ils savaient maintenant qu'un tueur décidé logeait dans leurs murs. Les gens ne se promenaient plus seuls, mais en troupeau. La sécurité fut renforcée dans les différentes académies et un détachement supplémentaire de marines arriva aux alentours de midi, fort de cent hommes qui marchaient au pas. C'étaient là des mesures politiciennes visant à rassurer la population. Dans les faits, le BBI était aussi prêt d'arrêter le tueur que de construire des vaisseaux spatiaux, du moins, en se basant sur les éléments dont disposaient ses membres.

Un éclairci vint cependant sous les coups de treize heures. Les données recueillies à la demeure des Feller aidèrent à recouper de précieuses informations. Tout d'abord sur l'homme du fleuve Nagano, Tom Cooper de son nom. Ils apprirent qu'il avait vingt-cinq ans et travaillait pour le compte de la voirie de Jalabert en tant que bûcheron accrédité. En clair, il s'occupait de taillader à longueur de saison les branches des arbres menacées de rupture à cause de la trop forte accumulation de neige. Il se servait ensuite de ces bouts de bois pour réaliser des œuvres d'art à placer dans les lieux publics, ce qui donna plus ou moins raison à Kindaichi.
Ils ne purent lui trouver une famille, cela dit, il semblait ne pas en avoir. Selon ses collègues, il était très discret et ne parlait jamais de lui. Selon les hérauts de l'aurore, il s'était installé dans la ville six ans plus tôt à la recherche de boulot. Ils apprirent aussi qu'il travailla deux années auparavant pour le compte de la salle de bowling et en conclurent qu'il avait dû en garder les clés, ce qui aurait permis au tueur de rentrer sans effraction.
Absolument rien chez lui ne laissait deviner qu'il connaissait Rolande Feller, le couple faisait attention à ne rien garder de compromettant.

La déception du BBI fut encore plus grande du côté de leur principale piste, la meilleure amie de Rolande, Serena Bush. Elle seule savait pour les escapades, recueillir son témoignage aurait été capitale. Sauf que Serena Bush n'était qu'un écran de fumée.
La jeune femme existait bel et bien, elle avait été la meilleure amie de Rolande en première et deuxième année. Elle était issue d'une famille toute aussi importante que les Feller. Malheureusement, la fille développa des troubles mentaux en troisième année et fut exilée de l'île vers un célèbre centre de traitement dans un pays voisin. Très peu de personnes furent au courant, le BBI en compta seulement cinq, en incluant les parents de Serena et Rolande.

Les Bush semblaient prédisposés à ce genre de maladie, plusieurs membres de leur famille en ayant souffert au fil du temps. Aussi, avaient-ils tenu à passer l'éponge sur celle-là. La scolarité de Serena à la fac d'astronomie fut maintenue mais transformée en un cursus à distance. Une jeune comédienne et experte en déguisement se déplaçait à chaque examen pour composer à sa place. Bien sûr Rolande garda le secret, puisqu'il lui permettait de prétendre se rendre aux Mamelles avec Serena sans attirer l'attention. Il apparut même que la famille Bush lui en fut reconnaissante de mêler une Serena imaginaire à ses projets scolaires, bien qu'elle ignorât les vrais desseins de Rolande.
Le seul employé permanent de l'observatoire affirma n'avoir vu Rolande Feller que quatre fois l'année passée alors qu'elle s'était absentée chaque mois de chez elle. Nul ne savait où se situait le cocon où les amoureux passaient leur temps.
Bref, ils étaient encore dans un cul-de-sac.

Ils interrogèrent les camarades de classe et les professeurs de Rolande pour essayer de déterminer si quelque chose dans son comportement aurait pu leur sembler suspect. Il apparut qu'elle était une élève studieuse qui avait découvert plusieurs étoiles et amas nébuleux et avait raflé un certain nombre de prix importants pour ses recherches. Pour ses camarades, c'était une personne souriante, affable et leader. Aucune de ses amies de classe ne lui connaissait de relation amoureuse, pour elles, Rolande était presque asexuée.
Ses profs en dirent de même à son sujet. L'un d'entre eux, un astrochimiste du nom d'Ebénézer Oort, leur fit cependant remarquer que Rolande avait été absente de ses cours plusieurs jours non-successifs durant le mois passé, décembre donc. Il précisa que cela ne lui arrivait jamais et que le médecin de la fac lui avait diagnostiqué un surmenage. Le médecin en question fut interrogé et confirma les propos du professeur.

Loth qui cherchait un truc précis, se mit à trifouiller dans la liste des professeurs de Rolande et découvrit sans étonnement qu'Amaury Rodney en faisait partie. Amaury Rodney avait plusieurs qualifications. Éminent Botaniste, pharmacologue de renom, il était aussi un des fers de lance dans le domaine de la xénobiologie, l'étude des formes de vie étrangères, une science encore considérée comme marginale par la communauté scientifique. C'est à ce titre qu'il dispensait des cours théoriques à la faculté d'astronomie.

- Ce type me parait de plus en plus suspect, confia-t-il à ses collègues Alistair et Kindaichi.
Rommel de son côté était parti prendre une énième mesure destinée à rassurer la populace et à éloigner les médias.

- Ce n'est pas un crime d'enseigner, Loth.

- Il a découvert le corps des Derbyshire, il est connecté à toutes les victimes. Professeur de Rolande Feller, patron de Tom Cooper parce qu'en tant que maire de la ville, la voirie dépendait de lui. Et vous auriez dû le voir, il a cette façon de parler du sang.

- Et selon vous, quelles seraient ses motivations ?

- Sa libido. Vous auriez dû voir ses secrétaires, de vraies Pin-up.

- Vous vous rangez du côté de Mouri finalement ? rigola Alistair. Vous semblez faire abstraction de la menace d'Estrada et du poème que nous avons trouvé. Le tueur est en mission.

- Punir les femmes qui refusent ses avances et tuer leur mari ou copain pour l'exemple ? tenta Loth pas très convaincu.

- Hmmm, marmonna Kindaichi qui n'avait pas dit un mot depuis une heure.

- Un éclair de génie Kindaichi ?

- Nous devons aller voir le docteur Dianka immédiatement ! dit-il avec exaltation.

Il semblait sur une piste importante dont il refusait de parler aux autres avant leur arrivée au bureau du médecin légiste.


*
* *

16h00.
Institut Boréalin de Thanatopraxie.
Quartier Est, 5ème avenue.


- Vous tombez à pic, messieurs, j'ai fait une découverte hallu -attendez la suite- cinante ! Hallucinante !
Les enquêteurs la regardèrent avec des yeux ronds.
Désolé, ça me prend quand je suis excitée par un truc incroyable.


- Bah taisez-vous, j'ai fait la même découverte il y a deux heures.

- Ah bon ? Demanda-t-elle perplexe et provocatrice. Étonnez-moi !

- C'est Loth qui m'a mis sur la piste en me relatant ce que vous avez découvert dans la salle de bowling. La position de prière de la victime, la quille symbolisant surement une âme sur le départ, tout ça m'a parlé.

- Ah ouais ? Parce qu'à moi, pas du tout, dit Loth.

- Rappelez-moi ce qu'à exactement dit Estrada à l'encontre de Rommel quand il l'a vu entrer dans la salle d'interrogatoire, demanda Kindaichi en faisant les cent pas, la main sous le menton.

- "Ça ne t'a pas suffi de détruire ma vie ?"

- Exactement. La construction linguistique est importante. "Détruire ma vie". C'est compréhensible, les siens l'ont renié après son arrestation. Et qu'elle était sa dernière phrase juste avant d'attaquer et de mourir ?

- "Le châtiment divin s'abattra sur vous, impies que vous êtes ! Vous qui bafouez la vie d'autrui !"

- Tout à fait ! Ce n'est plus "détruire" la vie d'autrui comme cela aurait dû être. Les marines selon lui ont détruit sa vie, alors pourquoi est-ce "bafouer" maintenant ? Ça m'a fait tilter, mais sans plus, jusqu'à ce qu'on trouve le poème.
"Prenez congé des plaisirs charnels et illusoires."
"Gente pute"
"cher adultéresse"
"vile pécheresse".


- Notre tueur punirait les infidèles à leur relation ? Une sorte de transposition de ce qu'à vécu Estrada parce que sa femme a dû se remarier ?

- C'est ce que j'ai pensé aussi, mais ça ne concordait pas. Monique était mariée depuis vingt ans, et avait un cancer en phase terminale, je ne la voyais pas tromper son mari. Et Rolande alors ? Encore moins, elle bravait l'interdiction pour rencontrer Tom, elle devait l'aimer d'un amour sincère.
Étaient-ce les hommes les fautifs ? C'est possible, on ne peut jurer de rien, mais je n'y croyais pas. Et si notre tueur ne punissait que les infidèles, alors une seule personne du couple aurait dû être tuée.
Donc fatalement, je me suis posé la question : "quel crime pouvaient-ils bien commettre à deux ?"


- Oh, non, vous plaisantez... murmura Loth qui voyait enfin, où il voulait en venir.

- Notre mobile, nous l'avons maintenant. Les deux femmes étaient enceintes et avaient avorté. Elles ont "bafoué la vie".
Le réplicateur est bel et bien un justicier.





Dernière édition par Loth Reich le Mer 28 Jan 2015 - 12:47, édité 1 fois
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Dangereuse filature

« Le mal n'est jamais spectaculaire. Il a toujours forme humaine. Il partage notre lit et mange à notre table. »
Wystan Hugh Auden



- Êtes-vous sérieux ?

- Un brin, oui. N'est-ce pas ce que vous ont montré vos examens, docteur ?

- Mes excuses, je suis passée à côté durant l'autopsie de Monique Derbyshire, parce qu'elle a dû avorter six mois avant sa mort, les signes de lésions dans son utérus étaient bien moins visibles que chez Rolande Feller qui a dû avorter un mois plus tôt. Quand j'ai vu ça, j'ai repris l'autopsie de Monique et j'ai pu observer des lésions en question. Je peux dire que les deux avortements ont été pratiqués d'une main de maître, à trois semaines au maximum de la grossesse. Elles ont eu accès à un service de choix.

- La quille de bowling symbolisait l'âme du bébé qui n'a jamais vu le jour. Et quand son professeur a parlé des cours manqués, j'ai immédiatement été certain de ce que j'avais déduit. Le docteur de la fac n'a pas poussé ses examens et a mis ça sur le compte du surmenage, surement par suggestions de Rolande elle-même, c'était une fille très intelligente.

- Magnifique ! se dit Loth.

Rommel n'avait pas tort en disant qu'il allait énormément apprendre aux côtés de gens plus expérimentés que lui et Kindaichi en était une preuve évidente. L'homme au deerstalker était juste cinq printemps plus âgé que Loth, mais ses capacités de déductions et son intelligence allaient au-delà de ce que Loth avait vu en la matière. Il avait cette manière d'associer des choses qui paraîtraient anodines pour le commun des mortels, d'aller au-delà de l'évidence.
Loth n'était pas encore à son niveau, il le savait. Il lui fallait bien plus d'affaires épineuses comme celle-ci pour exercer ses neurones à la détection de l'invisible.

- Est-ce que Monique Derbyshire aurait pu mener sa grossesse à terme dans l'état où elle était ?

- Surement pas. Je suppose que son docteur a dû lui conseiller l'avortement.

- Et Rolande ne pouvait juste pas se permettre de tomber enceinte, pas avant d'être indépendante, si ça signifie quelque chose dans une famille comme la sienne. Elle était en pleine scolarité, en plein essor, un bébé aurait ruiné ses plans d'avenir. Elle a avorté.

- Donc la question, c'est comment le réplicateur a-t-il pu être au courant d'une épreuve aussi intime qu'un avortement ? Ce n'est pas quelque chose qu'on crie sur tous les toits, surtout pas dans le cas de Rolande Feller.

- Nous devons parler à leur docteur dans ce cas. Je vais mettre le colonel Rommel au courant, mais le docteur de la famille Feller devait être convoqué au QG en toute discrétion et nous devons découvrir quel docteur suivait Monique Derbyshire. En trouvant le point commun, nous trouverons le réplicateur.

- Avant, nous avons besoin de votre science. Nous avons établi la victimologie, nous savons désormais pourquoi il choisit ses victimes. Qu'est-ce que ça implique, qu'est-ce que ça nous indique sur lui ? Est-ce juste un simple syndrome du justicier ?
Donnez-nous le profil du tueur.


- C'est bien plus que ça, le réplicateur n'est pas seulement un simple militant anti-avortement, autrement, il aurait aussi pris pour cible les docteurs ou tous ceux qui étaient en lien avec cette pratique. Cette sélectivité nous apprend qu'il voue uniquement de la haine à l'encontre des parents qui choisissent d'avorter. Il perçoit cet acte comme un sacrilège, un blasphème de la vie.
C'est purement spéculatif mais ça indique surement qu'il a vécu un traumatisme. Sa conception de la famille a été brisée, depuis l'enfance sans doute. C'est peut-être sa mère biologique, une tante qui a avorté d'un frère, d'une sœur, ou si possible a failli avorté de lui-même.
Depuis notre tueur a une haine tenace contre ceux qui font cette pratique. Une telle haine est viscérale, il doit être convaincu de faire le bien, d'être chargé d'une mission quasi-divine. Punir ceux qui détruisent la vie. L'expérience manifeste qu'il nous a démontrés en déposant deux corps à deux endroits séparés de six kilomètres me fait dire qu'il n'en est pas à son premier coup d'essai. Il n'a pas commencé à tuer ici, il a fait ses armes dans d'autres contrées.


- Ça tombe sous le sens.

- La victimologie nous apprend autre chose. Il a poignardé Monique au bas-ventre et vous avez malencontreusement pris ça pour un meurtre à caractère sexuel. Il n'en est rien. Rolande a été empoisonnée au cyanure. La manière de tuer les conjointes n'a aucune importance, c'est dans celle des conjoints que nous trouverons la réponse. Il s'est acharné sur Alec, soixante-dix coups de couteau. De la rage à l'état pur. Il a dénudé Tom Cooper, un acte évident d'humiliation, puis a choisi de manger sa chair. Un moyen de dire "regarde-toi ! Tu décides de qui doit vivre ou mourir et pourtant, voilà tout ce que tu es. De la viande !".
Sa haine contre ce genre d'homme est absolue. Soit c'est son père, son oncle qui a forcé sa mère, sa sœur a avorté et notre tueur en est ressorti traumatisé soit...


- Soit c'est notre tueur lui-même qui a été forcé par un homme à avorter et depuis il ne peut faire le deuil de son enfant mort. Il s'est donné pour mission de préserver la vie en vengeant les bébés qui n'ont jamais vu le jour.
Le réplicateur est probablement une femme.


- Il faut en avertir le colonel.


*
* *

17h00.
QG de la marine.


- Vous êtes absolument sûr de ce que vous avancez ? demanda Rommel abasourdi après le rapport de son équipe.

- Je dirai qu'il y a 80 % pour cent que nous soyons dans le vrai.

- Ça pourrait très bien aussi être un homme dont la copine a avorté hein, ajouta-t-il pas très convaincu. La rage et l'humiliation qu'il déverse sur les hommes sont peut-être le reflet de ce qu'il voudrait s'infliger pour avoir été si passif.

- Je suis sûr que c'est une femme. Le réplicateur a été au courant d'une manière ou d'une autre de cet avortement et c'est plus facile de confier ça de femme à femme. Vous ne pensez pas ?

- Qui a dit que ce sont les femmes qui ont cafardé ? C'est peut-être leurs hommes qui n'ont pas supporté ça et en ont parlé à la personne qu'il ne fallait pas.

- D'accord, d'accord. Vous êtes décidé à jouer les avocats du diable et à casser notre entrain.

- Je ne veux juste pas que vous vous concentriez sur la recherche d'une femme au mépris d'autres pistes. Les docteurs des deux familles sont dans les salles d'interrogatoires, allons les questionner pour déterminer une racine commune à nos deux couples.

- Je suis la miséricorde. Ne m'avez-vous pas invoqué, gente pute...

- Pardon ? Oh, ne recommencez pas vous. Cette fois-ci, nous allons l'arrêter avant cette hypothétique deuxième victime du poème.

- Y a intérêt. Maintenant qu'on sait que c'est le couple entier qu'il considère comme responsable, ce n'est pas une, mais deux victimes supplémentaires que nous risquons d'avoir.

- Autant se dépêcher !

- Euh... Excusez-moi, mais, il ne manque personne, vous pensez ?

- Qui ? Non, je ne vois pas... Sacré bleu ! Mouri ! Qu'est-ce qu'il devient depuis le matin ?

- J'avoue avoir complètement oublié son existence !

- Et aux dernières nouvelles, il prenait en filature une femme dont on peut être sûr qu'elle était au courant de l'avortement de Monique sans oublier que selon les Hérauts, elle se serait installée ici depuis trois ans donc pas originaire de cette contrée.

- Ça correspond à ce que vous disiez à propos du tueur qui aurait commencé à tuer ailleurs, Pr Rowling.

- Vous n'allez pas me dire qu'on a envoyé Mouri directement suivre le réplicateur !? Attendez, je l'appelle.

...
Dix minutes plus tard et après vingt essais, Daisuké Mouri ne répondait toujours pas. Une vague d'inquiétude s'empara de la salle de réunion. Au final, est-ce celui qui était le moins cérébral d'entre eux qui avait trouvé le premier le Réplicateur ? Et cela lui avait-il coûté la vie ?
Rommel refusa de l'entendre de cette oreille et sonna le branle-bas de combat.
Tout ce qu'il y avait de héraut de l'aurore et de marine fut mis sur le pied de guerre et tous ensemble, armés de torche, d'armes, à cheval ou à pied, reçurent l'ordre de trifouiller chaque centimètre carré de Jalabert pour retrouver l'agent disparu.

- Fouillez-moi tout ce qu'il y a à fouiller. Interrogerez-moi tout ce qui peut l'être, que ce soit un oiseau, une mouche ou même ce satané Mouetteman. Peu m'importe comment, mais retrouvez moi mon agent. Et si quelqu'un tente de faire obstruction, je vous donne l'ordre de tirer sans sommation !

Loth demanda à faire partie de l'équipe de recherche pour une raison qu'il ignorait. Il n'y avait pas sciemment réfléchi, il voulait être sur le terrain en ce début de nuit glacé.
De leurs côtés, Kindaichi et Alistair reçurent la mission d'interroger les deux médecins qui poireautaient dans les salles d'interrogatoire. Rommel quant à lui, coordonnerait tout ce beau monde de son bureau.


*
* *

18h35.
Salle d'interrogatoire N°1.
QG de la marine.


- Je vais être direct docteur Amen Homeland. Vous êtes dans la merde, dit Kindaichi en s'adressant au vieux médecin de maison des Feller.

Amen Homeland était aussi vieux que l'était Liddel Rommel. Très petit, dépassant la nonantaine, l'aïeul avait des cheveux grisants limites transparents. Il semblait si frêle et si faible qu'on avait l'impression qu'un simple coup de vent l'eut achevé. Il redressa ses grosses lunettes de taupe sur son nez pour bien scruter Kindaichi.

- Qui êtes-vous et pourquoi suis-je ici ? demanda-t-il d'une voix faible.

- Je suis Hercule Doyle, agent du Bureau Boréalin d'Investigation. Les charges contre vous peuvent aller de l'obstruction à la justice à l'homicide involontaire.

- Je n'ai tué personne.

- Pas volontairement. Mais si vous aviez eu la présence d'esprit de dire ce matin aux agents de la BBI que Rolande Feller avait été enceinte et avait avorté, surement, nous aurions identifié le dangereux assassin qui a peut-être agressé un des membres de notre équipe. Pas le plus important, certes, mais un membre quand même.

- Ils ne m'ont rien demandé et donc je ne leur ai rien dit. Et je ne fais pas confiance à la marine. Si c'est un crime, arrêtez-moi tout de suite, répondit-il d'une voix étonnamment décidée. J'ai mis au monde Dame Éléonore Feller, j'ai mis au monde Dame Rolande. Depuis deux générations, je suis au service des Feller, je n'allais pas trahir leurs secrets.

- Bah, vous aviez tort ! Qui d'autres était au courant de l'avortement de Rolande ?

- Personne à part moi. Elle savait que je garderais son secret, c'est mon travail. Ce bébé, elle ne pouvait pas le garder, c'était beaucoup trop tôt. J'ai pratiqué l'avortement, sans conséquence.

- Évidemment, au fil des générations, vous êtes devenus maître en la matière n'est-ce pas ? Rolande n'a pas été la seule dans son cas. Psychologiquement, comment avait-elle vécu cette épreuve ?

- Très bien et pour être franc, j'en étais étonné. C'était une jeune femme très courageuse, vous savez, avec la tête sur les épaules. Elle était très cartésienne et estimait que la glorieuse carrière devant elle nécessitait des sacrifices. Et ce n'était pas une carapace d'insensibilité, si elle en avait souffert, j'aurais été le premier à le savoir.
À contrario, Tom Cooper le vivait très mal d'après ce qu'elle m'en a dit. Il voulait garder cet enfant comme preuve de leur amour. Durant les premières semaines après l'avortement, il se serait mis à boire, il serait même tombé en dépression. Il aurait remonté la pente après d'après ce qu'elle m'en avait rapporté.
Maintenant, je peux rentrer chez moi ?


- Non, nous vous gardons pour la nuit. Installez-vous confortablement, elle va être très longue.
Vous avez suivi ?
demanda-t-il à Alistair Rowling.

- Je le crois, il n'en a surement pas parlé à quelqu'un d'autre avant vous. La fuite doit venir de Tom Cooper alors, il en a parlé à quelqu'un. Mais selon ses collègues de travail, il ne parlait jamais de lui.
Pourquoi ce n'est jamais simple ?


- À vous de jouer, trouvez le dénominateur commun.


*
* *

18h50.
Salle d'interrogatoire N°2.
QG de la marine.


- Bonsoir, Professeur Adam Fleming.

- Oh, vous êtes le Professeur Alistair Rowling ! J'ai beaucoup apprécié votre article sur la manipulation psychologique à but thérapeutique dans le dernier numéro de Sciences ès.

- Merci. Vous êtes l'oncologue qui traitait Monique Derbyshire. Vous lui avez conseillé d'avorter, je me trompe ?

- Exact, les médicaments qu'elle prenait pour ralentir la progression de son cancer étaient contre-indiqués en cas de grossesse. Et elle n'aurait pas pu la mener à terme sans prendre de médicaments, le cancer l'aurait tuée bien avant. Le choix s'est imposé de lui-même.
Je lui ai prescrit un cocktail de médicaments qui ont favorisé la fausse couche.


- Comment le couple a-t-il vécu ça ?

- Très mal. Ils voulaient le garder, mais ils se rendaient bien compte que c'était impossible. Ils se sont énormément culpabilisés, vous voyez le truc. Je leur ai conseillé d'en parler à un psychologue.

- Et ?! enchaîna Alistair avide d'avoir un nom.

- Ils ont préféré en parler à quelqu'un, je n'ai pas eu trop de détail. Mais je crois que c'était une amie de la famille ou un truc du genre.

- Natasha Ursus... Merci pour votre temps, Professeur. Un agent passera vous donner des couchettes et un repas chaud, nous vous gardons pour la nuit dans le cas où nous aurons d'autres questions. Merci.

- J'ai l'impression que cette Natasha Ursus est notre réplicateur. Quelle chance instinctive ce Mouri quand même !

- Tu parles. Nous l'avons directement envoyé dans la merde...



Les recherches duraient depuis des heures dans la nuit glaciale.
La disparition d'un agent des forces de l'ordre avait davantage refroidi, si c'était encore possible, la petite communauté de quinze mille âmes. Suites aux instructions très claires de Rommel, chaque coin de Jalabert était retourné de fond en comble. Ils avaient commencé au domicile des Derbyshire où ils avaient trouvé le jeune Loïc tout seul et désemparé, ne sachant pas ce que le BBI voulait à sa tante. Il ne l'avait pas vu depuis midi.
À l'Institut Boréalin d'Agronomie, elle était passée en coup de vent et selon ses collègues, elle ne leur avait pas adressé la parole et semblait préoccupée.

La brigade canine fut déployée et après de longues heures, un limier les emmena au fin nord de Jalabert, à la lisière de la Taiga qui séparait la ville du lac Thérèse. Après d'intenses recherches, l'héraut Phrâne Thomson fut la première à retrouver Dem. Loth la rejoignit avant les autres pendant qu'elle enroulait Daisuké Mouri dans une couverture chauffante.
Il était assez mal en point. Outre l'hypothermie qui le menaçait, il avait une blessure sanguinolente oblique sur tout le torse. Loth nota rapidement qu'il était surement en vie grâce aux deux manteaux qu'il avait enfilés avant de partir. Les couches superposées de fourrure avaient ralenti la lame, résultat, aucun point vital ne semblait touché.
Il ouvrit un œil et tenta de parler.

- Na..ta..sha Ur..sus... m'a.. atta..qué... C'est...le.. Ré..pli..ca..teur.




Dernière édition par Loth Reich le Ven 30 Jan 2015 - 11:48, édité 1 fois
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Vaines réflexions

« Une question, parfois, me laisse perplexe : est-ce moi ou les autres qui sont fous ? »
Albert Einstein



Les secours arrivèrent rapidement au chevet de Mouri et le prirent en charge. Il était en hypothermie et sa blessure nécessitait aussi des soins, aussi fut-il chargé à bord d'une voiture attelée dans laquelle se glissa Loth.
Il se disait que la veine qu'avait eue Mouri était vraiment incroyable ; en fait, il n'arrivait pas à croire que Natasha Ursus ait été le Réplicateur, mais les faits étaient là. Contre toute logique, la chance devait aussi faire partie intégrante du métier d'enquêteur, se dit Loth.
Mouri fut hospitalisé à l'hôpital universitaire de Jalabert. Il passa une petite heure en petite chirurgie où il reçut des points de suture. Il fut ensuite installé dans une chambre aux airs de sauna tellement il faisait chaud à l'intérieur.
Aux alentours de vingt-deux heures, un médecin vint leur rendre une visite de routine.

- C'est lui le patient Daisuké Mouri ? demanda le docteur qui venait d'entrer dans sa chambre.

- Oui, docte..., s'interrompit Loth. Dena... Décidément !

- Ça m'va mieux que la toque des intello là non ? L'tueur s'attaque aussi à votre équipe maintenant ?

- De toute évidence, oui. Mais c'est peut-être parce qu'il a découvert son identité. En fait, je ne sais pas trop quoi penser, la femme recherchée n'avait jusque-là aucun lien potable avec notre affaire.

- La fameuse Natasha Ursus dont toute la ville cause ?

- Tu as une info sur elle ?

- Bah non, malheureux. Tu m'as envoyé fouiner sur l'maire-recteur, c'vieux, Amaury Rodney.

- C'est vrai, ça, j'allais oublier. Qu'est-ce que t'as pour moi ?

- Tsé. J'ai rencontré un prof vraiment sympa dans un bistrot un peu en dehors de la ville. Et devine quoi ? Il devenait d'plus en plus sympa à chaque verre que j'lui payais.
À c'qu'il m'a chuchoté, paraît que ton recteur est du genre à aimer la chaire fraiche. Mais vraiment quand elle est fraiche. Mon nouveau pote m'a donné l'adresse d'un buch'ron dans les bois au sud de la ville. J'suis allé lui causer et il était bien gros vénère, j'te jure. Il m'a juré que l'Rodney avait touché sa fille alors qu'elle n'était qu'en première année à l'université. Ensuite quand elle mouchardé, l'affaire a été étouffée. La gamine a été virée à cause de ses "mauvais résultats" un an après. Le père qui enseignait là-bas a suivi le même chemin qu'elle après. Viré comme ça, d'un coup d'pied au cul.


- Euh, le bucheron enseignait à l'université ?

- Bah non. Il est d'v'nu buch'ron pour gagner sa croûte maintenant qu'il n'a plus d'taffe. Avant il était... J'sais pas comment ça s'appelle, ces gusses qui étudient les insectes. Moi, j'lui ai rétorqué que d'puis qu'il vit dans la broussaille, bah, il est plus prêt d'ses insectes, hahahahaha.
Il a pas aimé du tout, mec. Un bûcheron ça a de la hache, j'ai failli le payer cher. Donc tu vas payer encore plus cher.


- Je ne t'ai pas dit d'aller provoquer un bûcheron, c'est ton problème ça, mon vieux. Donc il a fait virer cet entomologiste et sa fille parce qu'ils ont porté plainte contre lui pour harcèlement, attouchement ou viol même ? Intéressant. Y en a d'autres comme ça ?

- Avant d'vouloir m'trancher, l'gusse m'a parlé d'trois autres intello qui ont subi son sort. J'leur ai causé et c'est à peu près la même histoire. Certains darons ont pété les plombs et sont allés lui en toucher deux mots avec leurs poings, mais ils ont fini au trou. Il est puissant l'vieux tas de Rodney. Très puissant.

- Aucun ne t'a dit que sa fille aurait été enceinte puis aurait avorté ?

- Non, non. P'quoi ?

- Notre tueur, ou tueuse, se la joue vengeur. Il punit ceux qui commettent le péché d'avortement. Ton nouvel ami-là, le prof qui t'a parlé du bûcheron, c'est qui ?

- Il m'a pas donné son nom, normal quoi. Il veut garder son job.

- Décris-le-moi. Non attends, je vais le deviner. Chauve, lunette ronde, une barbe blanche de sagesse, le genre un peu fripé, costume trois pièces et manteau non ?

- Oui, c'l'même. Tu l'connais ?

- Oui, répondit Loth les dents serrées. Il s'appelle Ebénézer Oort et c'est le professeur d'Astrochimie de la dernière victime, Rolande Feller. C'est lui qui nous a dit qu'elle avait été absente de son cours, ce qui a permis à Kindaichi de déduire qu'elle devait être enceinte. J'ai eu une curieuse impression de lui quand on s'est parlé. Pour être plus exact, j'avais l'impression de parler à une version plus... présentable de toi.

- Quoi j'suis pas présentable ?!

- Tu sais bien que non. Pour en revenir à Oort, j'avais l'impression que c'était le genre de fouineur qui sait à peu près tout ce qui se passe dans son environnement. L'impression était fugace, pas aussi forte que celle que j'ai ressentie durant mon entretien avec le recteur, donc j'ai passé l'éponge.
Maintenant, quand j'y repense, il a nous a peut-être délibérément envoyés sur la piste de Rolande malade en sachant que nous découvrirons qu'elle était enceinte... Parce qu'il le savait...


- Tu penses qu'il est mouillé dans l'affaire ?

- Franchement, je ne sais pas quoi penser. Tu devrais te renseigner sur lui aussi, mais fait gaffe. S'il t'a parlé, c'est peut-être parce qu'il sait ou a deviné que tu étais un informateur. Attention à ne pas te laisser abuser par une fausse piste.

- Tsé, j'suis Déna', aucune mauvaise piste n'me résiste. J'vais l'mettre à nu en moins d'deux moi, ton astromachin.

- Et pendant que tu y es, trouve-moi aussi des renseignements sur notre tueuse, Natasha Ursus. À ce qu'il paraît, elle n'a pas toujours vécu ici. Essaie de voir si quelqu'un sait d'où elle vient. Et pour finir, déniche-moi tout ce que tu peux sur un certain Herman Klaus.

- Hoh hoh, mollo ! Vas-y mollo. Tu veux que j'pécho des infos sur l'prof, sur la tueuse. Mais c'est qui cet Hermann Klaus ?

- Un pervers apparemment. Il aurait quitté l'île il y a vingt ans ou un truc comme ça. Mouri pensait qu'il était le fils du Zodiac. Il pensait aussi que Natasha avait un truc de suspect, personne ne l'a cru et au final, il a touché le jackpot et ça aurait pu le tuer. Donc, je ne sous-estime plus sa chance. Essaie de voir si parmi tes contacts un peu partout, y a quelqu'un qui a entendu parler de Klaus quand il a quitté Boréa.

- 'tain, tu veux que j'secoue ma toile ? Tu sais combien ça va t'couter ça ?

- Je vais te donner 80 % de ma rémunération à la fin de l'enquête, histoire que je ne reste pas les poches vides.

- Y a intérêt.

- Fais vite surtout, le temps presse.

Il resta seul pendant une heure à ressasser tous les éléments de l'affaire. Elle était en passe d'être résolue et pourtant, elle demeurait encore très nébuleuse aux yeux de Loth. Beaucoup trop d'éléments étaient sans réponses, beaucoup trop de personnes lui semblaient incompréhensiblement suspectes.
Déjà, le fondement même de cette série de meurtres lui paraissait inachevé voire absurde. Le Réplicateur s'était donné pour mission de tuer ceux qui blasphémaient la vie, une lubie qui du point de vue de Loth nécessitait une recherche à temps plein et c'est ce qui caractérisait les tueurs en série classés comme des Justiciers. Ils ne pouvaient tout simplement pas s'arrêter dans leurs missions. Faire une pause et reprendre des années après était inconcevable.

Or, d'après Alistair Rowling, le Réplicateur avait dû tuer dans d'autres contrées avant de venir s'installer sur Boréa. Si cette hypothèse était véridique alors, il y avait un problème. Natasha Ursus ne pouvait pas être le Réplicateur puisqu'elle habitait dans la ville depuis trois longues années. Elle n'aurait pas pu s'arrêter de tuer pendant aussi longtemps. Personne ne pouvait concevoir qu'en trois ans, il n'y eut pas eu un seul avortement à Jalabert. Et comme l'a prouvé le tueur, il avait les moyens de connaitre ce genre d'information intime.

De l'autre côté, Mouri bien que sonné a susurré que son agresseur était bel et bien Natasha Ursus. Pour quelle raison l'aurait-elle attaqué si elle n'était pas le Réplicateur ? Et où était-elle à présent ? S'était-elle enfuie ? Cherchait-elle une autre cible ?

- Bon, bon. Admettons que Natasha Ursus soit le Réplicateur et qu'elle ait pu s'arrêter de tuer pendant trois ans, se dit Loth en plein monologue.

Dans ce cas, quelque chose où quelqu'un avait fait renaître sa mission puisqu'elle s'était remise à tuer.
Armanda Alexandro Estrada ?
Peut-être, mais ça ne correspondait pas trop, se dit Loth. D'après Estrada lui-même, le tueur était déjà prêt, il n'avait rien eu à lui enseigner.
"Il était déjà prêt". Tout à coup, Loth trouva étrange la phrase. Il rigola intérieurement en se demandant s'il n'essayait pas inconsciemment d'imiter Kindaichi. Cette phrase le renvoyait en quelque sorte à une espèce de conditionnement du Réplicateur, comme s'il attendait un évènement avant de commencer à tuer.

Si c'était le cas, alors quel rôle avait joué Estrada dans cette histoire ?
Le Zodiac, bien sûr ! Estrada a permis au Réplicateur de tuer sous le blason du Zodiac. C'est grâce à lui et à l'épaulette de la dernière victime associée au célèbre tueur que les autorités ont été certaines de la menace.
Était-ce ça l'intérêt de faire croire que le Zodiac était de retour ? La visibilité ? La notoriété ?

- Considérons. Mais dans ce cas, le Réplicateur aura bien échoué. La presse a été tenue à l'écart, aucune info n'a filtré à l'extérieur de la ville, le gouvernement et Rommel se sont assurés de ça. À l'heure actuelle, la presse doit encore penser qu'il s'agit du Zodiac.
Non, non, je fais fausse route. Ce n'est pas une histoire de célébrité. J'ai lu beaucoup de choses sur les tueurs cherchant la notoriété et ils ne lésinaient pas sur les moyens pour arriver à leurs fins.
Ou peut-être que je prends ça par le mauvais bout ? La célébrité est relative. Si à Lavallière, les gens ignorent encore que c'est le Réplicateur, ici tout le monde sait qu'il copie les crimes d'autres tueurs. Et c'est sûr que certaines rumeurs ont déjà fuité et qu'il doive se murmurer que le tueur tue des femmes ayant avorté.
Autrement dit, son message est passé.


Était-ce ça ? Le Réplicateur cherchait-il à faire passer un message ?
La réponse qui émergea à la suite de l'exercice psychologique brouillon de Loth le surprit. Il se souvint de ce qu'avait dit Alistair : "le Réplicateur n'est pas seulement un simple militant anti-avortement".
C'était clair. S'il cherchait à faire passer un message alors le concerné devait s'y reconnaître. Ensemble, ils avaient déduit que forcément quelqu'un avait dû traumatiser le Réplicateur en avortant ou en le forçant à le faire. Était-ce à cette personne qu'il voulait envoyer le message ?

- Peut-être qu'il n'a pas encore le courage d'affronter la source de son traumatisme et qu'il compense en tuant d'autres pécheurs ? Si c'est le cas, il ne fuira pas longtemps, il monte en puissance. La véritable source de sa rage aura bientôt affaire à lui.

- C'est sûr que le Réplicateur monte en puissance, et c'est aussi très probable que le déclencheur de sa folie soit encore vivant. Quel processus t'a mené à cette réponse ? dit une voix qui semblait très lointaine à Loth tellement il était déconnecté de la réalité.

- Professeur ! Vous êtes là depuis longtemps ?

- Depuis deux minutes environ. On a préféré de te laisser parler tout seul. Des illuminations ?

- Non, pas vraiment, je dois encore faire le tri, il y a trop de "si".

Un pendule affichait vingt-trois heures. Rommel et les autres lui avaient apporté à manger ainsi que des vêtements de rechange. Il voyait à leurs expressions que nul n'avait encore mis la main sur Natasha Ursus.

- Il est toujours dans les vapes ?

- Oui, depuis trois heures.

- Il n'a rien dit ?

- Si. Que Natasha Ursus l'avait agressé et qu'elle était le Réplicateur.

- Tu parles d'un scoop. Il n'a rien dit sur la direction qu'elle a prise ni sur ce qu'il faisait dans la forêt ?

- Non plus. Vous pensez qu'elle a quitté la ville ?

- C'est le choix qui semble le plus logique, mais rien n'est logique dans cette affaire. Si elle est toujours à Jalabert, nous ne l'avons pas encore trouvé.Ajoute ça à Kindaichi-kun qui rabâche sans cesse qu'elle a prévu un autre meurtre et t'as le tableau parfait pour foutre les jetons.

- Mais le poème est, on ne peut plus clair ! Son prochain meurtre sera celui d'une femme qui l'aura "invoqué" si on se fie au ver. Invoqué dans notre contexte signifie surement qu'elle a perçue chez cette femme quelque chose qu'elle a identifié à un appel à l'aide. Je ne me trompe surement pas en pensant que la femme en question a dû tomber en dépression après avoir avorté.

- Vous n'avez pas quelque chose de plus précis pour l'identifier ?

- Le Réplicateur fait aussi référence à elle, comme étant une adultéresse, ça veut bien dire ce que ça veut dire. Nous devons vérifier les relations amicales de Natasha Ursus et voir si quelqu'un ne pourait pas correspondre à ce profil. Je sais que c'est mince, mais nous n'avons rien de plus.

- Maître Rommel, vous devriez mettre aux arrêts, Ebénézer Oort, le professeur d'astrochimie de Rolande Feller. Il savait probablement qu'elle était enceinte quand il nous a dit qu'elle s'était absentée de ses cours.

- Comment es-tu au courant de ça ?

- Des informations glanées ici et là, dit-il comme si elles étaient tombées du ciel. Ensuite, Kindaichi, si vous voulez trouver la prochaine victime, vérifiez en priorité les relations d'Amaury Rodney. Il aurait été pris en délicatesse avec plusieurs étudiantes, des affaires qui auraient été étouffées. En plus, le poème parle d'adultère et il est marié.

- Il n'est pas le seul dans ce cas de figure dans cette ville...

- Mais c'est la meilleure piste que vous ayez, Maître. Le gouvernement ne veut pas que cette affaire se transforme en psychose dans ce pays, donc vous ne pouvez pas faire d'appel à témoin, ni demander à toutes les femmes ayant pratiqué un avortement de se rendre au QG...
Vous sauverez la vie d'Amaury Rodney si cette affaire a un quelconque rapport avec lui. À vous de voir si le froisser est pire que de le laisser se faire tuer.


- Pas de problème, Kindaichi est sur le coup ! dit-il en s'éloignant avant une objection de Rommel.
Le vieil homme le suivit au pas en lui dictant les limites à ne pas franchir vis-à-vis de la sommité.

- Regarde les, ils sont partis sans pour autant énoncer la vraie raison de notre venue.

- Je m'en charge. Je vais rester à son chevet et je l'interrogerai quand il se réveillera. Vous aurez du travail toute la nuit à interroger à ceux qui sont de prêts ou de loin lié à Natasha et à Rodney. Sans oublier Oort. Que de gens !

- Ouais, ne m'en parle pas. Mine de rien, cette affaire est aussi épineuse que l'était celle du Zodiac.

- Ah, je pensais, professeur. Jeffréda Mher, le cannibale de Mil Wookee, c'est bien vous qui l'avez capturé n'est-ce pas ?

- Sûr, c'était une de mes premières affaires menées en tant que chef d'équipe. Pourquoi ?

- Rien, je me demandais juste pour quelles raisons le Réplicateur choisissait d'imiter tel ou tel tueur. Comment a fini le Marionnettiste ? J'ai peu d'info sur lui.

- Hmm. Le Marionnettiste a été tué dans une opération de l'armée révolutionnaire. Pour une fois, je le reconnais, ils ont fait du bien au peuple, répondit-il en rigolant.
Tiens, ce sont des encens spéciaux. Quand Mouri se réveillera, il sera peut-être encore en état de choc ; les arômes exhalés par les encens lui permettront de se détendre et d'entrer dans un état zen. Ce n'est pas de l'hypnose, juste de la suggestion. Tu n'auras qu'à le guider à travers sa journée.

- Je ferai mon maximum, professeur.

Loth regarda s'éloigner le Profiler ventru. Sous son cuir chevelu, son cerveau bouillonnait. Sa dernière cartouche venait de disparaître en fumée. Il avait eut l'éphémère illumination que les meurtres du Réplicateur visaient une personne de l'équipe du BBI.
Ce n'était pas une surprise en soi, Rommel lui-même s'était demandé au début si le Zodiac n'était pas réapparu à Jalabert à cause de lui. Cette question avait disparu suite aux meurtres suivant. Mais Loth n'avait pu s'empêcher d'y repenser. Rommel et Rowling avaient travaillé sur l'affaire du Zodiac. Rowling avait mis fin aux agissements du Cannibale de Mil Wookee que le Réplicateur avait imité. Si seulement, si seulement, le Marionnettiste avait été capturé par l'un d'entre eux, il aurait tenu son fil d'Ariane !
Raté. Il souffla et passa la main dans ses mèches et défit le nœud qui nouait ses cheveux en une queue-de-cheval.
Il avait besoin d'aérer ce cerveau chauffé à blanc par cette étrange affaire qui commençait à le rendre fou.




Dernière édition par Loth Reich le Jeu 5 Fév 2015 - 22:59, édité 2 fois
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Obscure passé

« Les secrets les mieux gardés sont ceux qui jamais n'ont été demandés. »
Jacques Prévert



3e jour.
01h30.
QG de la marine.


Le BBI ne dormait pas. Jalabert non plus. La ville était la proie d'une intense chasse à l'homme. Malgré tous les efforts déployés, Natasha Ursus restait introuvable. Laissant la recherche sur le terrain aux mains des soldats du rang et aux Hérauts de l'aurore, les agents principaux se concentrèrent sur le passé de la fugitive pour deviner ses futurs mouvements. Une dizaine d'interpellations avaient eu lieu, la plupart étant des collègues de travail de Natasha. Malgré les différents degrés de relationnel qu'il existait entre ses collègues et elle, une constance ressortait à chaque fois et c'était par rapport au passé de la femme. Aucun d'entre eux ne savait où elle habitait avant de s'installer sur Jalabert, trois ans plus tôt. Apparemment, la seule personne qui la connaissait intimement était Monique Derbyshire.
Sans point de départ, il était impossible de remonter plus loin que ce qu'elle avait bien voulu dire aux autres de son passé.

- Comment décrirais-tu sa relation avec tes parents ? demanda Alistair au jeune Loïc Derbyshire.

- Ils s'entendaient très bien. Il n'y avait jamais de problème. Vous faites sûrement erreur, tante Monique n'a pas pu faire ça !

- Dirais-tu qu'elle était plus amie avec ton père qu'avec ta mère ?

- Avec ma mère bien sûr. Elles étaient inséparables. C'est suspect d'être des amies inséparables aussi ? Rendez-moi ma tante, vous faites erreur, je vous dis !

- Il est en plein déni et ça se comprend. Il vient de perdre ses parents, il ne veut pas perdre la seule personne qui lui reste au monde. Laissons-le tranquille pour le moment, murmura Rommel à ses collègues. Nous avons d'autres témoins qui arrivent.

________________

- Dites nous tout, Mikel. Vos collègues vous décrivent comme le meilleur ami d'Alec Derbyshire.

- Alec n'avait pas de meilleur ami, nous étions collègues et bons amis, il y a une différence. Alec n'avait de meilleur ami que sa femme, elle était tout pour lui.

- C'est ce que nous ont dit vos autres collègues. Il ne vous a jamais paru agacé par la relation privilégiée entre sa femme et Natasha Ursus ?

- Non, jamais. Il s'entendait très bien avec Natasha, il la considérait comme une sœur. D'ailleurs, il l'appelait affectueusement "le yeti".

- Pourquoi ?

- Natasha a une pilosité très exacerbée due un dérèglement hormonal selon les médecins qu'elle a consulté. Tout le monde le savait et c'était un sujet à plaisanterie. Une semaine sans se raser et elle pourrait ressembler à un ours selon la légende. Elle a vraiment tué les Derbyshire ? C'est impossible voyons...

- Lui avez-vous jamais demandé ce qu'elle faisant avant de s'installer dans ce pays ?

- Non, jamais, c'était pas mes oignons.

________________

- Bonjour Horacio. Selon nos infos, vous avez été le compagnon de Natasha Ursus ?

- Pardonnez, c'trop fort c'mot. J'lui ai fait la cour, elle m'a accepté dans sa vie, mais c'tout.

- Détaillez.

- Bah, elle était très bizarre. Côté physique, j'veux dire. J'avais la sensation qu'elle se forçait à être avec moi. On a fait un an ensemble.

- Savez vous où elle vivait avant de venir ici ?

-Hein ? Elle v'nait d'ailleurs ? J'ne savais pas. Elle avait tout d'une Boréaline.

- Pourquoi avez-vous rompu ? On s'en fiche que ce soit intime, il y a des vies en jeu, répondez, ajouta Rommel qui percevait son hésitation.

- Bah, j'en ai eu marre. J'l'aimais d'tout mon cœur, mais c'était impossible. Elle m'a fait poireauter pendant un an. C'est inadmissible nan ?

- Un an ? Un an sans sexe ? reprit Kindaichi qui se retenait d'exploser de rire.

- Y a rien de drôle !

- Parlez pour vous, ouais. Avant de vous laisser partir, vous ne connaitriez pas un endroit où elle aimait aller ? Un endroit où elle se retirait pour rester seule ?

- Non, elle squattait tout le temps chez les Derbyshire au point qu'ils ont fini par lui donner la chambre d'ami.

- Nous sommes au courant. Sa chambre a été fouillée et ça n'a fait que nous confirmer qu'elle avait quelque chose à cacher. À part les photos d'elle et des Derbyshire, il n'y avait rien qui laissait penser que quelqu'un y vivait. La chambre était complètement impersonnelle. Elle doit forcément avoir un endroit, un cocon, un nid.

________________

- Qu'en pensez-vous ?

- J'en pense que c'est un ménage à trois des plus étranges. On dirait que Natasha Ursus n'avait d'autres raisons de vivre que les Derbyshire.

- C'est peut-être ce qu'ils étaient au final. Un mari, une épouse et une maîtresse de concert. Les photos sur lesquelles vous vous êtes basées pour établir leur profil sont peut-être des mises en scène. Et Natasha aurait poussé la comédie un peu plus loin en prenant un copain sans toute fois aller au physique avec lui.

- Possible. Au final, nous n'avons rien découvert de ses années avant Jalabert, ni pourquoi elle se serait mise à tuer, ni pourquoi elle se serait associée à un disciple du Zodiac.

- C'est à se demander si elle est réellement notre Réplicateur.

- On dirait aussi que personne ne lui a jamais demandé d'où elle venait, c'est incroyable.
Horacio, son ex, a souligné un point important. Elle a réellement l'air d'une Boréaline. Aucun accent, le même teint pâle... Ce n'est pas parce qu'elle s'est installée dans cette ville à une certaine période de sa vie qu'elle n'est pas originaire du pays.


- Et si elle est originaire du pays, alors elle n'est pas le Réplicateur puisque que selon vous elle a forcément dû faire ses armes quelques part. Si un meurtre en série avait eu lieu dans ce pays, nous serions au courant.

- Peut-être est-elle née ici puis a grandi ailleurs ce qui expliquerait que les autorités aient perdu sa trace ?

Laissant Rommel sur les traces de la nébuleuse Natasha Ursus, Alistair et Kindaichi se tournèrent vers les nouvelles pistes proposées par Loth. Ebénézer Oort fut interpellé puis escorté au QG. Rommel se voulant toujours diplomate avait renoncé à convoquer le maire. Il donna tout de même des indications aux hérauts chargés de sa sécurité pour qu'ils soient vigilants.

- Alors ça vous amuse de vous immiscer dans une enquête du gouvernement, professeur Oort ?

- Je ne vois pas de quoi vous parlez, monsieur, répondit-il sur un ton poli.

- Faites-nous gagner du temps, professeur, il y a plusieurs vies en jeu. Vous saviez que Rolande Feller était enceinte n'est-ce pas ?

- Je le soupçonnais uniquement. Si je ne vous en ai pas parlé, c'est que je ne voulais pas salir sa réputation par des accusations sans preuve, répondit-il toujours avec la même candeur.

- Que savez-vous d'autres sur cette affaire en général et que nous ignorons ? Pesez bien vos mots et dites-nous tout. Le gouvernement n'est pas tendre avec ceux qui font obstruction à sa justice.

- Bien loin de moi, l'idée de devenir un ennemi du gouvernement, monsieur. Je sais, comme tout autre résident de Jalabert maintenant, que le tueur s'attaque à des femmes ayant pratiqué l'avortement. Je connais aussi trois étudiantes dans ce cas.

- Si nous ne vous avions pas convoqué, seriez-vous venu le dire ?

- Bien sûr que non. Pour vivre mieux, vivons caché. Je vous demande de ne pas me citer dans votre rapport, ni d'ébruiter le fait que je vous ai parlé, je tiens à ma carrière.

- Si vous y tenez alors n'omettez rien sur ces étudiantes dont vous parlez.

- Tenez, je vais vous écrire leurs noms. Elles sont toutes en études de pharmacologie et leur professeur principal, c'est le recteur.

- Dites-vous qu'il aurait enceinté ces filles ?

- Non, ça c'est vous qui le dites, moi je vous ai juste écrit des noms, répondit-il sur le même ton poli doublé d'une bonne dose d'espièglerie.

- Prenez vos aises. Vous êtes là pour longtemps, nous allons revenir.

- Je reste dans le coin.

Ils sortirent en trombe de la salle d'interrogatoire. Les trois noms que leur avait donnés Ebénezer Oort étaient ceux d'étudiantes qui avaient eu affaire à la libido débordante d'Aumary Rodney. Et tant qu'elles avaient avorté, elles étaient des cibles potentielles, il fallait prendre des mesures pour les retrouver et les ramener au QG. Ils se rendirent à la cellule des opérations d'où Rommel supervisait les équipes sur le terrain et le mirent au parfum. Le colonel n'eut pas le temps d'ordonner l'interpellation préventive des trois jeunes femmes qu'arriva au triple galop le sergent Phillipo Drake. Il s'arrêta en dérapant et faillit cogner un mur.

- Sergent ?!

- Mes excuses, mon colonel ! Un cas de force majeur, il y a quelques femmes devant le QG, elles demandent à être protégées. Elles disent avoir toutes, au moins une fois, avorté dans leur vie.

- Avez-vous lancé un appel à témoin ou à la prudence ?

- Bien sûr que non, c'est exactement cette panique que le gouvernement voulait éviter.

Jurant dans sa barbe, Rommel se rendit à la devanture du QG. "Quelques femmes" était un doux euphémisme, il y en avait cent cinquante-neuf exactement, de toutes générations, de tout rang social. Sur leurs visages se lisaient le désarroi et l'inquiétude. Certaines étaient venues seules, d'autres étaient accompagnées de leurs conjoints.

- J'arrive pas à y croire... Comment peuvent-elles être aussi nombreuses ?

- C'est une communauté scientifique. Un enfant, ça met une carrière en suspens. Elles préfèrent donc avorter et reporter une maternité dérangeante. Ou elles avortent parce que c'est aussi une communauté de cocus.
J'en compte cent cinquante-neuf. Sur une ville de quinze mille âmes dont plus de huit milles femmes, dont plus des deux tiers en âge de procréer, le ratio est très mince quand même. Je me serai attendu à bien plus que ça.


- Avons-nous la capacité de tous les accueillir ?

- Il faut bien, Alistair-dono. Je ne vais pas les renvoyer chez eux pour après avoir leurs morts sur la conscience. Le gymnase pourra les accueillir.
Faites passer le mot, sergent, dirigez les vers le gymnase, offrez leurs des couvertures et un repas. Et recensez-les, nous avons besoin de connaitre leurs identités et leurs histoires.


- Sergent, insistez sur deux choses. Comment elles s'y sont prises pour avorter et surtout sur la période post-avortement, la manière dont elles ont surmonté l'épreuve. Je pense que c'est à travers ce biais que Natasha Ursus les repéraient. Apportez ensuite les PV à Kindaichi, il a une mémoire eidétique, il lira tout ça dix fois plus vite que nous autres.

- À vos ordres, mes colonels.

- Mais avant, nous allons exfiltrer les noms que nous a donnés Oort.
Excusez-moi !
s'écria-t-il en s'adressant à la foule. J'aurais besoin que les personnes ci-après s'avancent vers moi : Susane Bones, Ophélia Hunter, Mireille Garden.
Allez ! Ne soyez pas timides, une tueuse est à vos trousses, je vous le rapelle.

Lentement, deux silhouettes féminines se détachèrent de la masse, têtes baissées.

- C'est quoi vos noms ?

- Susane Bones.

- Mireille Garden.

- Vous connaissez Ophélia Hunter, je suppose ? demanda Rommel à même le vent glacial de la devanture sans prendre la peine d'aller dans une salle d'interrogatoire.

- Oui, nous sommes camarades de classe. Qu'est-ce qui lui ai arrivé ? demanda-t-elle au bord des larmes.

- Nous aimerions bien le savoir nous aussi. On peut penser que dans cette situation, le désir de survivre doive l'emporter sur la honte non ?

- À moins que cette personne ne préfère mourir que d'avouer ou de s'afficher avec un tel secret.

- En résumé, soit Ophélia Hunter est déjà morte, soit elle est prête à l'être.
"Je suis la miséricorde. Ne m'avez-vous pas invoqué, gente pute ?"
Je vous avais dit que ce n'était pas encore fini.


- Oh non, elle n'allait pas bien du tout, ces derniers temps ! Mais elle n'a pas pu mourir... Non ! s'écria-t-elle en sanglot.

- Ce n'est pas le moment de défaillir jeune femme, donnez-nous son adresse. Et au passage, dites-nous, c'est bien Amaury Rodney qui a fait le coup hein ? Un simple clin d'œil suffira...

- Merci, nous avons notre confirmation. Allons-y.

- Non, séparez vous plutôt. Kindaichi-kun, va au domicile de Hunter. Alistair-dono, faites vous escorter par une dizaine de marines et emmenez-moi Amaury-sama. Il est autant en danger que Hunter et surtout il est temps de lui parler dans le blanc de l'œil.


*
* *

03h38.
Hôpital Universitaire de Jalabert.


Assis en position du lotus, Loth méditait. Il avait allumé à cet escient une partie des encens d'Alistair Rowling et force était de reconnaître que leurs douces fragrances étaient des plus utiles à l'exercice spirituel. Dans ce état presque second, Loth se rendait compte qu'il associait de manière bien différente les multiples facettes de l'enquête.
Imager son processus de pensée dans son état reviendrait probablement à le qualifier de "kaléidoscopique". Chaque aspect de l'intrigue était représenté sous la forme d'un octogone flottant dans un vide sidéral. Semblable à un immense jeu de puzzle, il essayait maintenant de les relier par un fil invisible et tentaculaire.

Beaucoup de choses prenaient du sens sous cette forme abstraite, il en était étonné. Plus de "si", plus de "pourquoi", ni de "comment". Il lui suffisait juste de lier une image à une autre et une réponse semblant évidente lui apparaissait. Si la liaison était mauvaise, la ligne se rompait tout simplement.
D'autres aurait affirmé qu'il planait.
Des bruits de draps le ramenèrent à la réalité. Daisuké Mouri se réveillait lentement, groggy par les médicaments. Il réclama un verre d'eau que Loth lui servit, puis l'aida à boire.

- Où suis-je ? demanda-t-il d'une voix pâteuse.

- À l'hôpital universitaire de Jalabert, depuis cinq heures à peu près. Vous une chance de veinard. Encore trente minutes dans le froid et vous mourrez d'hypothermie. Heureusement, votre combinaison vous a évité les engelures.

- La chance est ma meilleure amie, tenta-t-il en rigolant avant de se raviser. Sa poitrine suturée supportait encore mal les rires.

- Nous allons devoir retourner dans votre journée d'hier. C'est essentiel pour l'enquête, comprenez-vous ?

- Allez-y. Que dois-je faire ?

- Vous détendre, uniquement vous détendre. Fermez les yeux. Laissez-vous enivrer par les effluves des encens.
Qui êtes-vous ?


- Daisuké Mouri.

- Combien d'enfants avez-vous ?

- Un. Une fille de douze ans.

- Bien. Nous sommes dans la journée d'hier. C'est le matin. L'horloge murale affiche sept heures. Où vous trouvez-vous ?

- Au mess des marines. Je mange rapidement des œufs brouillés.

- Très bien. Regardez à votre gauche. Le colonel Liddel Rommel y est assis. Voyez-vous ce qu'il y a dans son assiette ?

- Oui. Du saumon fumé, du pain, et un assortiment de légumes coupés en dés.

- Maintenant avançons rapidement. Vous avez fini de manger. Que faites-vous ?

- Je me lève et rapidement, je quitte le mess. Je sors. Il fait froid, une brise gelée souffle d'est en ouest. Je resserre mon col. Ma journée commence bien.  



Dernière édition par Loth Reich le Dim 1 Fév 2015 - 19:51, édité 1 fois
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Quand le masque tombe

« Ce sont ceux avec qui nous vivons, que nous aimons et que nous devrions connaître, qui nous échappent. »
Norman Maclean



- Okey. Vous êtes dehors, il fait très froid. Que faites-vous ensuite ?

- Je me dirige à pied vers la neuvième avenue du quartier Nord. Je ne prends pas de diligence parce que je veux passer inaperçu.

- Dans ce cas, avançons. Vous arrivez au numéro douze de la neuvième avenue. C'est la maison des Derbyshire. Où êtes-vous ?

- Juste en face, perché dans les feuillages d'un saule des neiges. J'ai une longue-vue, je peux voir à travers les fenêtres non fermées.

- Que voyez-vous ?

- Je vois Loïc. Il est assis dans le salon. Il pleure ses parents sans doute. Je ne vois pas Natasha Ursus. Et pourtant, je dois la voir, sinon je serai la risée de toute l'équipe. Je dois prouver que mes intuitions sont les bonnes. Je dois faire mes preuves.

- Vos preuves ? Mais vous êtes un détective célèbre dans tout North Blue, Daisuké Mouri. Vous n'avez pas besoin de faire vos preuves.

- Pas plus célèbre que Kindaichi Doyle ni Alistair Rowling. Plus que ce jeune, Loth Reich, certes, mais il est intelligent, plus que moi, je peux le voir. Je ne peux compter que sur ma chance.

- D'accord. Vous l'avez votre chance. Natasha Ursus est votre cartouche pour la gloire. Vous scrutez la maison dans l'espoir de la voir. Quand vous la voyez enfin, quelle heure est-il ?

- Il est presque neuf heures quand je la vois enfin. Elle vient du premier étage de la maison, elle descend dans le salon. Elle enlace Loïc puis lui prépare le petit-déjeuner. Je peux la voir de dos s'affairer dans la cuisine. Elle lui sert à manger un quart d'heure plus tard. Ensemble, ils déjeunent en parlant.

- Comment sont-ils ? Quelles sont leurs expressions ?

- De la tristesse, tous les deux. Natasha tente de réconforter Loïc, mais se met à pleurer aussi. Ils pleurent tous les deux, c'est triste. J'ai un doute.

- Pourquoi ?

- Bah ses larmes me semblent sincères. Elle tremble même, je peux le voir dans mes lunettes de visée. Elle pleure réellement, donc elle ne peut pas être la suspecte que je croyais.

- Mais de quoi la soupçonniez-vous avant de vous lancer dans cette filature ?

- Rien. J'ai juste prétendu qu'elle a un truc à cacher vu que ma précédente piste sur Hermann Klaus n'a pas abouti. C'était un moyen de sauver la face. Je n'ai rien contre elle et je m'aperçois que je fais fausse route, mais je ne peux pas revenir au QG en ayant échoué. Donc je décide de continuer la filature.

- Je vois. Mais votre ténacité a payé. Je suppose qu'après elle est sortie non ? L'avez-vous suivi ?

- Oui, je l'ai suivi jusqu'à son travail. Elle a pris une calèche et moi, je les ai suivis à petite foulée, ce n'était pas difficile. Elle me connaît déjà, donc arrivé à l'institut d'agronomie, je cherche le meilleur coin pour l'observer depuis les fenêtres de son bureau. Je l'épie pendant quatre-heures.

- Repérez-vous un changement notable dans son comportement ?

- Non, aucun. Elle passe sa journée à faire des expériences. De temps à autre, elle essuie une larme du revers de sa main. Je me sens encore plus bête de me tenir là, à la merci de la morsure de la brise Boréaline en train d'espionner une femme nantie de chagrin.

- Passons rapidement, vu qu'il ne s'y passe rien. Qu'a-t-elle fait après le boulot ?

- Elle est rentrée chez les Derbyshire aux alentours de douze heures quarante-cinq minutes. Mais avant, elle est passée par la supérette. Je suis rentré dans le magasin après son départ pour demander la liste des produits qu'elle a achetés.

- Un truc intéressant ?

- Non, pas vraiment, à l'exception d'une lame, d'un rasoir et de la mousse à raser. J'ai trouvé ça étrange au début, mais je me suis dit que le jeune Loïc commençait à pousser la barbe.
Une fois rentrée, elle prépare le déjeuner, ils mangent, puis elle monte à l'étage. Sûrement pour faire une sieste. Elle descend trois heures plus tard.


- Bon sang Mouri ! Et vous êtes resté là tout ce temps ? À vous accrocher à une piste qui finissait en cul-de-sac ?

- Ce n'est pas ma première filature, j'en ai fait une pendant soixante-douze heures d'affilée une fois. Ce qui change, c'est le climat, mais je porte deux manteaux à fourrures, j'encaisse bien. Pour passer le temps, je pense à ma fille, Ran.

- Accélérons alors. Il est seize heures passées quand elle redescend de sa chambre. Que fait-elle ?

- Elle prépare le dîner avant de sortir. À ma grande surprise, un garçon de ferme vient lui apporter un cheval tout frais devant sa porte. Elle le paie puis monte et au triple galop, elle se dirige vers le nord de la ville. Je l'ai perdue.

- Vous êtes désemparé ? Vous n'avez pas pensé qu'il était temps d'arrêter cette filature et de revenir ? En plus, le crépuscule vient.

- Non, au contraire. Ce soudain rush à cheval m'intrigue au plus haut point. Je fonce sur le garçon de ferme et lui demande où je peux aussi louer un cheval. Quinze minutes plus tard, j'enfourche aussi mon destrier et je me dirige vers le nord.

- Mais vous êtes déjà au quartier Nord. Toujours prolonger vers le septentrion va juste vous mener vers la Taïga qui borde cette partie de la ville. Vous allez en sortir et vous retrouver en pleine nature.

- C'est ce que j'ai pensé. Une fois les dernières habitations dépassées, je me suis retrouvé au milieu de nulle part, mais heureusement pour moi, il y avait des traces de sabots de cheval tout frais. Elle est passée par là, j'en suis certain. Naturellement, je suis ses traces et là, je fais une découverte inattendue.

- Qu'est-ce que c'est ?

- En longeant la forêt, on tombe sur une petite communauté de Boréalin. Ça ressemble plus à une foire géante qu'à un village en fait. Il y a des magasins en bois sur quelques kilomètres, des vendeurs ambulants. Et il y a foule. J'apprends qu'il s'agit d'une communauté religieuse nommée "Les Enfants du Givre." Beaucoup d'habitants de Jalabert vont faire des emplettes ou participer à des vides greniers là-bas, c'est très convivial, il y a toutes sortes de produits en vente. Mais je ne suis pas là pour faire du tourisme, il me faut retrouver Natasha parmi les centaines de personnes qui déambulent.

- C'est une surprise pour moi aussi. Cette communauté n'est pas mentionnée pas sur la carte. Du coup, vous retrouvez Natasha après ?

- Je la retrouve une demi-heure après, dans le magasin N°157, un magasin d'armes. Elle achète une espingole et wakizashi. Là, je sursaute, j'ai enfin l'impression que ma patience a payée. Je reste prudent, je garde mes mains dans les poches de mon manteau, je garde mon colt à portée de main au cas où elle me verrait et tenterait de faire feu.

- Elle achète des armes ? Étrange, je vous l'accorde. Vous ne la lâchez pas d'autant plus.

- Oui, je la suis à travers la foule. Il fait nuit à présent, la grande rue commerçante est éclairée par des lampadaires à huile. Elle se dirige vers le magasin N°214, l'un des plus grands de la rue. Des tapis exotiques y sont exposés. Elle parle un moment avec le gérant. Ils ont l'air de se connaître, mais on dirait qu'ils s'engueulent. Je suis trop loin pour comprendre ce qu'ils se disent.

- Décrivez-moi le gérant.

- Bof, il est grand, plus de deux mètres, le genre qui en impose. Il a une crête iroquoise, il est barbu. Il est du type oriental.

- Que fait Natasha après leur dispute ?

- Elle s'en va, elle est visiblement hors d'elle, elle bouscule sans égard des gens sur sa route. Elle monte sur son cheval et disparaît dans les arbres. Elle retourne à Jalabert.

- Dans ce cas de figure, vous êtes face à un choix. L'arrêter parce qu'elle est en possession d'armes et dans un état douteux, soit continuer la filature avec un gros risque de vous faire repérer. Pas évident de suivre quelqu'un à son insu à cheval dans une forêt où la visibilité est quand même à plus de cent mètres.

- Tout à fait. Je choisis de l'arrêter, j'ai l'impression qu'elle est sur le point de commettre un meurtre. Donc je la suis à cheval, je la rattrape et la somme de s'arrêter, au nom de la loi. Elle se retourne, n'hésite pas une seconde, elle fait feu ! NOOOOOOOOON !

- Du calme, Mouri, elle est loin maintenant, vous êtes en sécurité. Respirez, elle ne peut pas vous atteindre ici.
Vous n'êtes pas touché par son tir. N'est-ce pas ?


- Non mais mon cheval si. Il s'effondre lourdement, mais je parviens à sauter avant. Natasha fait volte-face et tire à plusieurs reprises. Je cours pour me cacher derrière les arbres, les balles sifflent au-dessus de ma tête. Elle veut m'abattre.

- Dit-elle quelque chose ? A-t-elle proféré des menaces ?

- Oui, oui. Elle a très distinctement crié "Ce que j'avais de plus cher au monde m'a été arraché. Vous ne m'empêcherez pas de me venger ! "

- Je vois. Vous courez pour sauver votre vie ou vous contrattaquez ?

- Je tire aussi, durant quelques minutes, mais nous nous retrouvons à court de munitions tous les deux et de toutes manières on y voyait plus rien, la Taïga est nimbée dans un voile de ténèbres. Tout à coup, je sens une présence derrière moi - NOOOOOOOOOOOOOOOOOON RAN !

- Vous êtes en sécurité Mouri, vous êtes en sécurité.

- La douleur. Elle est horrible, aigüe, écœurante, indicible.

- C'est bon. Vous allez très bien, nous vous retrouvons quelques minutes plus tard. Vous êtes entre de bonnes-mains, lui murmura Loth qui se relevait doucement alors que Mouri était à nouveau plongé dans un profond sommeil.

L'histoire de Dem transforma en bien des points l'idée que se faisait Loth de l'intrigue générale. Mais comme d'habitude, pour une certitude, il avait une flopée de questions. Pour l'instant, il fallait les laisser de côté et avertir immédiatement l'équipe. Trouver Natasha Ursus revêtait encore plus d'importance maintenant.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !

- Allô ? Ça marche ? Sommes-nous en réseau ?

- Je reçois.

- Moi aussi, cinq sur cinq.

- Oui, forcément, ça marche, Loth. Ce sont des talkiescargophones qui fonctionnent en réseau sur une petite échelle, comme cette ville par exemple. Mouri a-t-il confirmé que c'est bien Ursus qui l'a attaqué ?

- Oui, il l'a confirmé. Mais n'en tirez pas des conclusions hâtives.

- Elle n'est pas le Réplicateur, n'est-ce pas ?

- Quoi ?

- Je le pensais aussi, mais ce que je n'arrivais à résoudre, c'est pourquoi aurait-elle attaqué un agent des forces de l'ordre, si elle n'était pas l'assassin ?

- Elle l'a attaqué parce qu'elle n'a plus rien à perdre. Elle l'a attaqué parce qu'elle veut tuer le Réplicateur de ses propres mains. Natasha Ursus connaît l'identité du Réplicateur.

- Comment ?

- Je l'ignore, mais elle le connaît, c'est sûr. Et d'après les dires de Mouri, elle est vraiment désespérée, faites attention si vous la croisez. Essayer de la raisonner pourrait s'avérer vain.

- Une minute, Loth. Donc elle tenait tellement aux Derbyshire qu'elle est prête à tuer ou à se faire tuer pour les venger ? C'est limite insensé, ils se connaissaient depuis trois ans seulement. C'est ce qui est ressorti de nos interrogatoires et n'arrive toujours pas à m'expliquer cet attachement, cette obsession qu'elle semble avoir pour ce couple.

- Mon Dieu ! Mais c'est ça, Alistair ! Que suis-je bête, pourquoi n'y ai-je pas pensé plutôt !?

- Vous l'avez trouvé à la dernière minute hein. Et moi qui pensais avoir la primeur de cette déduction, c'est raté.

- Ne faites pas durer le mystère !

- C'est simple. L'obsession de Natasha Ursus ne date pas seulement de trois ans. Elle date de plus de vingt ans, bien avant le mariage d'Alec et de Monique.
Natasha Ursus est Hermann Klaus.


Il fallut plusieurs minutes à leurs cerveaux pour digérer de cette nouvelle information des plus inattendues. La frêle, brune et constellée de taches de rousseur, Natasha Ursus pouvait-elle vraiment être cet Hermann Klaus dont ils ignoraient tout, jusqu'à l'apparence ? Klaus avait quitté l'île près de vingt étés plus tôt et Natasha était apparue il y a trois hivers seulement.

- Euh... Non, dit Alistair pour premier commentaire. Ce n'est pas un travesti, je l'ai vue.

- Elle a dû avoir recours à une sorte de chirurgie. Et il y a des hormones, des médicaments qui favorisent la poussée des atouts féminins. C'était tout bénéfique pour elle, enfin lui. Bon peu importe. En revenant sous la forme d'une femme, il s'est lié d'amitié avec l'objet de son obsession, allant jusqu'à s'incruster dans sa vie.

- Mais ce n'est pas logique. Du moins, pas selon les recherches sur ce genre de comportements déviants. Alec n'aurait pas dû vivre aussi longtemps après qu'il se soit incrusté chez eux. Lui seul séparait Monique d'Hermann. Normalement, il aurait dû le supprimer pour rester seule avec Monique, même en tant que femme, argumenta Rommel.

- Sauf s'il a changé. Les Derbyshire eux même ont changé. Quand Hermann est parti, ils sortaient juste ensemble. Il est revenu trouver une famille. En tant que meilleure amie de Monique, il a réussi à accaparer son attention, il savait maintenant qu'il comptait dans sa vie et c'est tout ce qui importait.

- Mouri m'a confié que Monique est allée acheter des rasoirs et de la mousse à raser. Je doute fortement que ce soit pour Loïc.

- Ah, oui, vous n'êtes pas au parfum Loth. D'après ses collègues, elle souffrirait d'une sorte d'hirsutisme. Ma main à couper qu'elle l'a inventé pour justicier sa barbe.

- Je n'arrive toujours pas à y croire. Mais au final, cela change-t-il quelque chose ?

- Ça change juste que si nous retrouvons Natasha ou Hermann avant qu'il ou elle ne retrouve le Réplicateur, nous pourrons aisément connaître son identité. Mouri m'a aussi confié que Natasha aurait parlé et se serait engueulée avec un individu de la communauté des "Enfants du Givre". Un grand type qui tient le magasin N° 214 de l'allée commerçante de ce village. Je pense que lui aussi connaît l'identité du Réplicateur.

- Les Enfants du Givre ? Ces sortes de Hippies des neiges ? Mais il est quatre du matin passé, nous devons attendre qu'il fasse jour avant d'y débarquer. Ils vivent en autarcie sauf un jour par semaine où leur marché est ouvert aux autres Boréalins. Ils ont une culture des armes aussi. Si nous y allons maintenant, ils vont penser qu'on les attaque. Ça va tirer de partout. Concentrons-nous sur les urgences présentes d'abord.
Kindaichu-kun est en route pour la cité universitaire, la chambre 1057 de l'aile Ouest, Loth-kun. Une dénommée Ophélia Hunter l'habite et elle est probablement en danger. Tu pourras y être avant eux. Es-tu armé ?


- Non. Pas d'arme à feu en tout cas, mais ne vous inquiétez pas, je suis la prudence incarnée. À tout de suite !

Il raccrocha puis dévala les couloirs de l'hôpital. Direction la cité universitaire de Jalabert.

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Épitre au Boss

« Il n'y a plus d'intimité, plus de correspondance de l'âme dans ce qu'une lettre fait penser que dans ce qu'elle dit. »
Simonde de Sismondi



04h50.
Cité universitaire de Jalabert.
Chambre 1057.


Loth arriva dans la cité moins de dix minutes après son entretien avec ses collègues. Il fit irruption dans l'aile ouest accompagné des hérauts de l'aurore qui gardaient le campus. Ils défoncèrent la porte sans retenue et à l'intérieur trouvèrent Ophélia.

- Trop tard ! ragea Kindaichi qui venait lui aussi d'arriver.

Ophélia Hunter était couchée dans son canapé, les yeux écarquillés, la bouche cousue avec un fil jaune. Une grande tache rouge sur sa poitrine indiquait qu'elle avait été poignardée au cœur. Il n'y avait aucun signe de lutte, aucun signe d'effraction.

- Vous souvenez-vous du poème ? "Soyez muette, car à présent, votre parole, j'impute". Depuis lors, le Réplicateur avait prévu de la tuer de cette manière.

- Pourquoi lui avoir cousu la bouche ? C'est aussi la signature d'un autre tueur ? demanda le héraut Phrâne Thomson qui avait escorté accompagné le BBI à la cité.

- C'est la signature du Silencieux. Il a sévi il y a trente et un an sur l'île de Xiao de Grand Line. L'armée révolutionnaire a annoncé l'avoir capturé et éliminé sans preuve. Le gouvernement, lui, a toujours assuré que le Silencieux était en fait un révolutionnaire.

- Récapitulons. Le Réplicateur a imité le Zodiac qui sévissait il y 25 ans, puis le Marionnettiste qui faisait des siennes 50 ans plus tôt, suivi du Cannibale de Mil Wookee qui date de 35 ans. Et là, il nous a sorti le silencieux dont les premiers meurtres remontent à 31 ans.

- 50, 35, 31, 25. Tu fais de la numérologie ?

- Non, rigola Loth. Je cherche juste un schéma dans ces imitations. Deux meurtres résolus par des marines, deux résolus par la révolution. Je crois que je commence à comprendre le fond de cette histoire.

- Moi aussi, dit-il en se servant d'une pince à épiler pour retirer le fil dont s'était servi le Réplicateur pour coudre les lèvres de la victime. Comme je le pensais, ce n'est pas un fil, mais une mèche de cheveu blond. Je sais maintenant pourquoi le Réplicateur tue ainsi. Vous aussi ?

- Je pense savoir, oui.

- Pourquoi ?

- Ce n'est pas encore le moment ma petite Phrâne, je révélerai tout en temps et en heure. D'abord, assurons-nous que le recteur est en sécurité, nous nous servirons de lui pour appâter le Réplicateur.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !

Étrangement, la sonnerie du den den d'Alistair retentit tout près d'eux. Ils se tournèrent vers l'encadrement de la porte et virent débarquer le Profiler ventru qui soufflait comme un bœuf. Rommel ainsi que plusieurs marines et hérauts l'accompagnaient.

- Où est Rodney ? demanda Rommel en déclenchant des yeux ronds dans la chambre.

- Le Pr Alistair n'était-il pas censé le sécuriser ?

- Il a disparu de sa demeure et les chiens nous ont conduits ici, fit-il toujours essoufflé.

"Ici" ? Répétèrent en chœur Loth et Kindaichi.
Comme tous ceux qui étaient présents dans la chambre, ils balayèrent les lieux à 360° comme s'ils espéraient trouver quelque chose qui était restée invisible depuis le début, ou du moins quelqu'un. Mais non, toujours la même chambre d'étudiant, toujours le même mur gris recouvert de tapisserie à deux endroits, placardé de poster d'une star de la chanson et d'agrandissement de clichés de plantes rares. Dans un coin de la pièce, une bibliothèque supportait le poids d'une centaine de livres. Plus Loth et Kindaichi examinaient la pièce, plus ils se demandaient comment ils n'avaient pas pu remarquer ça. Sûrement, le corps d'Ophélia Hunter avait-t-il accaparé toutes leurs attentions.
Kindaichi formula en premier la question qui taraudait Loth.

- Chambre estudiantine, pas de douche, je suppose qu'il y a des douches communes. Mais où est son lit ? Elle ne dormait quand même pas sur le canapé ?

- Ici, fit Phrâne en écartant une des tapisseries murales.
Derrière la toile, une porte mi-entrouverte.

D'un bout de doigt, elle poussa craintivement la porte qui s'ouvrit dans un grincement irréel auquel était suspendu la vingtaine de personnes présentes. Un moment surréaliste où tout semblait se dérouler au ralenti, où au fil des centimètres carrés laissés à nus se dévoilait l'horreur qu'ils redoutaient tous.
Massacre. Le mot paraissait faible face à l'atrocité.

La porte dissimulée sous la tapisserie cachait l'entrée d'une autre chambre dans laquelle dormait habituellement Ophélia Hunter. Il y avait le lit recherché par Kindaichi, une autre petite bibliothèque et une armoire murale. Sûrement, d'autres babioles étaient présentes, peut-être seraient-elles décisives pour la suite de l'enquête, mais sur le coup, rien n'importait plus que cette scène juste en face deux, sur le mur opposé à la porte.
Il était difficile à reconnaitre tant le tueur s'était acharné sur lui. Une rage bien au-delà de ce qu'il avait voué à Alec Derbyshire en le poignardant soixante-dix fois. Les éclaboussures qui constellaient toute la chambre témoignaient la violence déchainée. Le Réplicateur avait crucifié Amaury Rodney au mur par le biais de deux couteaux plantés dans ses mains. De longues et profondes estafilades avaient taillé sa chair en lambeaux les pendouillant comme les mamelles d'une vieille dame. S'ils le reconnaissaient, c'était uniquement à sa chevelure violette, quoique teintée de sang, et à ce qui restait de ses moustaches excentriquement stylées et enroulées.
La plus impressionnante des entailles qui couraient du côté cœur de la victime à son aine laissait pendre ses viscères qui répandaient une épouvantable odeur. La scène d'effroi était rythmée par les "tic-tac" du sang qui gouttait sur le sol.

- Mais ce n'est pas vrai ...

- Ils étaient sûrement déjà morts avant qu'on ne commence à les chercher...

- Pardon, faites de la place. Nuit de folie hein ? dit le médecin légiste, le Dr Delphine Dianka qui venait d'arriver. Par tous les saints, il n'y est pas allé de main morte...

- Je crois que vous devriez d'abord examiner Amaury Rodney. Le Réplicateur s'est servi d'une mèche blonde pour coudre les lèvres de Hunter, il a sûrement dû laisser un autre indice de la sorte sur le recteur.

- Aidez-moi à le décrocher du mur alors.

Le silence accompagna l'examen du médecin légiste dans la chambre. Loth et Kindaichi restèrent pour suivre. Rommel et Alistair aidés de l'équipe de soutien du BBI toquèrent aux portes avoisinantes pour recueillir les témoignages des voisins. Il s'avéra, sans grande surprise, que personne n'avait rien vu, ni rien entendu. La terreur suscitée par le Réplicateur avait conduit les étudiants à s'enfermer à double tour dans leurs chambres. Ils revinrent donc bredouilles de leur inspection.

- Au fait, Maître, c'est normal qu'elle ait une chambre-salon ?

- Du tout. Les chambres estudiantines sont composées d'une seule pièce. La chambre à coucher est en fait, la pièce contiguë à celle-ci, le mur a été cassé pour en faire une chambre et un salon.

- Le recteur a surement usé de ses prérogatives pour accorder certains privilèges à sa maîtresse. Qu'est-ce qu'on sait d'elle ?

- Ophélia Hunter n'avait pas de famille. Selon nos registres, c'est une orpheline qui est passée pupille du royaume. Elle bénéficiait d'une bourse pour étudier la pharmacologie, dit Phrâne en consultant ses notes.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !

- Excusez-moi, fit Loth en sortant de la pièce pour décrocher son escargophone qui braillait. Dena' ?

- Yo vieux. Écoute, j'ai balloté mes toiles comme tu m'l'avais d'mandé. Mon oiseau dans la bureaucratie d'la marine m'a piaillé que l'blaze de Natasha Ursus apparaissait en tant que victime collatérale dans l'affaire des Oranges Sanglantes, une sombre histoire de plusieurs pirates attaquant une île fruitière. Natasha a déclaré vendre des agrumes dans le coin avant que son stand ne soit dévasté par les pirates. C'qui est étrange, c'est qu'un certain Hermann Klaus a été enregistré par la douane du port en tant que touriste deux jours avant. Après l'incident, plus aucune trace. La marine l'a considéré comme mort ou kidnappé par les forbans.

- C'étaient quels pirates ?

- Une composition assez inhabituelle et hétéroclite. Y en a plusieurs qui sont devenus des grands noms par la suite. Le cyborg M'bali Nènè alias "Mass-Acre", le prince Geoffroy Beauclerc "L'apostat", le pirate à deux cents millions Reyson D. Anstis, Lovanikof Estragon "Le poisson" et ....

- Attends, attends. Reyson D Anstis ? C'est bon. J'ai mon explication.

- Hannn ?

- Ce type possède le pouvoir du fruit des hormones. Il peut transformer un homme en femme et vis versa. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, il a dû transformer Hermann en femme, mais en fait, ça lui a été plus bénéfique qu'autre chose. Merci Dena', mes autres infos ?

- Parait que l'Rodney a été zigouillé ?

- Oui.

- Du coup, comme l'histoire de Natasha m'a occupé, j'ai rien cherché sur lui et j'vais pas l'faire. Par contre, je suis sur le prof-là, Ebénézer Oort. Les infos filtrent mal, c't'un gros poisson, j'te dis.

- Gros comment ?

- Le genre requin d'l'ombre. Rien à voir avec ton affaire, mais ça l'sera sur'ment dans notre prochain coup. Je pense qu'on a flairé l'bon poisson, faut juste faire gaffe à pas se faire manger avant parce qu'un requin, ça a des dents. Lui aussi a des oiseaux partout. J'm'y colle.

- Très bien. Fais attention à toi.

Il revint dans la chambre. Conscient que les autres se questionnaient sur son coup de fil, il leur expliqua qu'il avait un certain informateur avait découvert que Reyson D Anstis était la cause du changement de sexe de Hermann Klaus en Natasha Ursus. C'était une explication bien plus acceptable que leurs précédentes histoires de chirurgie ou de travestisme. Heureusement pour lui, le Dr Dianka termina son examen juste à ce moment et ça lui permit d'échapper à des questions gênantes sur la nature de ce curieux informateur.

- La mort du recteur est due à une blessure à la poitrine qui a atteint le cœur.

- Il aurait été poignardé ?

- Pas avec une lame conventionnelle en tout cas. Cherchez plutôt une arme aux formes circulaires et pointues, comme un pic à glace par exemple. Les lacérations et l'éviscération ont été faites post-mortem.
Voici la partie dégueulasse, le tueur a aaaaouuuh !


Elle glissa sur une des bâches plastiques que l'équipe de soutien avait installées dans les chambres pour conserver les preuves. Loth se porta à son secours, mais Kindaichi fut plus rapide et la rattrapa de justesse avant qu'elle ne tombe. Loth se trouva un peu stupide là, prenant la pose sur un pied, les bras tendus en avant comme un receveur de rugby ou une ballerine...
Delphine Dianka bredouilla une excuse pour sa maladresse et remercia aussi Loth pour l'attention.

- Désolé, j'étais sous la douche quand on m'a appelé pour venir ici, se désola-t-elle.
Ses cheveux mouillés avaient tâché le beau manteau blanc de Kindaichi.

- Aucune offense madame. Sans cette glissade, je n'aurais pas eu le plaisir de serrer un corps aussi ravissant contre moi.
La loi de la gravitation, le noyau de la voie lactée, la poussée d'Archimède, l'imprimerie, certaines des plus grandes découvertes sont dues au hasard et à la maladresse. Et la vôtre nous aura permis de trouver ceci
, dit-il en se baissant pour ramasser une espèce de pieux en bois semblable à un grand crayon qui était resté invisible à cause de sa texture en tout point semblable à celle du parquet.

- Baratineur, pensa Loth, amer.

- C'est sûrement l'arme du crime. Sa circonférence correspond à la blessure au cœur du maire., dit-elle en l'examinant.

- Vous alliez dire quelque chose avant de glisser, docteur. "La partie dégueulasse" ?

- Oui, oui, la partie dégueulasse, c'est qu'il a enfoncé ça dans son œsophage, dit-elle en tendant à Rommel une feuille ensanglantée. Maintenant, excusez-moi, je vais examiner cette pauvre fille.

Le vieux colonel se munit de gant et déplia délicatement la feuille froissée. Elle était tachetée de sang, mais le gros de ce qui était écrit dessus était visible. C'était un petit message de quatre lignes.


Cher Boss,
Tous ces mécréants passés de vie à trépas sont mes présents.
Comme autant de signes et d'attention à vous, l'éternel absent.
Vous la suivrez bientôt et quand vous y serez, agenouillez-vous, excusez-vous de vos abus.
Et sûrement pourra-t-elle reposer en paix sous la terre des feux écarlates aux dieux griffus.


- Ça veut dire quoi ?

- Il y a eu un tueur dans l'histoire avec le même modus operandi. Lui aussi éviscérait ses victimes puis envoyait une lettre aux autorités en s'adressant à un "Boss". Il est d'ailleurs devenu le premier tueur en série "grand public", le tristement célèbre Gideon The Ripper.

- Mais c'était il y a plus de trois cents ans. Ça change de ses imitations précédentes.

- Ça veut dire qu'il est au bout de sa quête. Relisez le message. "Vous la suivrez bientôt et quand vous y serez, agenouillez-vous, excusez-vous de vos abus. Et sûrement pourrait-elle reposer en paix sous la terre des feux écarlates aux dieux griffus."
Suivre quelqu'un qui repose en paix. Nous avions établi que le Réplicateur ne s'était surement pas encore attaqué à sa vraie cible, la personne responsable de l'avortement dont le souvenir le tourmente. C'est à elle que s'adresse cette lettre. Il est prêt à en découdre avec l'objet de sa hantise.


- Comment peut-on trouver cette personne avant lui ? Il a toujours eu un coup d'avance sur nous.

- Pas tant que ça, nous étions à deux doigts de le surprendre ce soir. Je suis certain que Loth l'a raté de peu. Et quand nous aurons décrypté ce code en bas du message, nous le trouverons, fit-il en désignant une suite de lettres écrite au sang qui semblait n'avoir ni queue ni tête.

Spoiler:


- Il ne veut vraiment pas rendre les choses faciles. C'est surement pour gagner du temps. Nous devons décrypter ce message le plus rapidement possible.

- Je m'en charge, dit Kindaichi en lui arrachant le papier des mains. J'ai mis au point un nouveau système de cryptage pour un des Cipher Pol, je m'y connais.

- Faites vite alors.... S'il tue la source de ses malheurs, il disparaîtra dans la nature, nous ne le retrouverons plus.
Qu'est-ce que c'est encore ?


Le sergent Phillipo Drake débarqua à bride abattue et déblatéra quelque chose au sujet de Natasha Ursus qui aurait été aperçue dans le quartier Est. Elle aurait blessé deux marines avant de prendre la fuite.

- Cette folle ou ce fou, je ne sais plus, est une urgence aussi. Si elle connaît l'identité du Réplicateur, la capturer sera un gros pas en avant. Vous devriez vous en charger avec le Professeur, Loth et moi, nous gérerons ce cas-ci.

- Hmmm, d'accord. Mais pas d'initiative personnelle, une fois le code décrypté, informez-nous.

- À vos ordres. Loth, venez, nous serons plus tranquilles à la bibliothèque universitaire, c'est juste en face.

- Vous n'attendez pas les résultats de l'examen sur Hunter ?

- Non, Dr Dianka, nous avons déjà tout ce qu'il nous faut, répondit Loth en sortant de la chambre à la suite de Kindaichi.

- Fallait le dire plutôt ça ! Ce travail inutile...

Il était presque cinq heures et trente minutes maintenant. Le ciel grisé d'hiver s'éclaircissait sur la troisième journée d'enquête à Jalabert. Sur le terrain de football au gazon givré par le froid, Loth et Kindaichi marchaient en silence, à grande foulée vers la BU. Il n'y avait nul besoin de parler, ils savaient qu'ils pensaient tous les deux à la même chose.

- C'était subtil non ?

- Votre façon de vous débarrasser de Rommel et de Rowling ? Ouais, assez, j'ai apprécié le bluff. Plus subtils encore étaient les dessous de lignes du message du Réplicateur.

- Tout à fait. Ça ressemblait en tout point à la méthodologie de Gideon l'Éventreur, à cette différence que ses lettres narguaient les forces de l'ordre et toisaient leur incapacité à l'empêcher de nuire. Le Réplicateur ne fait rien de cela, au contraire, il justifie ses crimes, il les présente comme un cadeau au "Boss". Il lui signale au passage que sa mort est proche et qu'il devra s'excuser auprès d'elle. Le bébé avorté aurait donc été une fille, à moins que ce ne soit juste ce qu'espérait le Réplicateur.
Ce message, il sait qu'il ne sera jamais publié, parce que la presse ne couvre pas cette affaire. Autrement dit, il sait que ce "Boss" le lira, parce que le Boss est l'un des membres du BBI.
Ça pourrait être vous, Loth ?


- Ou vous, répondit-il en rigolant. À la différence près de l'imitation de Gideon The Ripper qui marque une apothéose de ses crimes avant de faire face à sa Némésis, toutes les autres imitations avaient un but précis. Au début, je pensais à tort que les meurtres auréolés de la bannière du Zodiac avaient pour but de lui donner un certain rayonnement médiatique, mais en fait, ils étaient juste destinés à accélérer la formation de notre équipe.
De tous ceux ayant enquêté sur le Zodiac, deux seulement sont en vie. Rommel et le Pr Rowling.
Après le Zodiac, il a imité un autre tueur qui a été capturé par Alistair Rowling, certes, mais sous le commandement de Rommel qui dirigeait le Service d'Investigation de la Marine pendant cette période.
Je n'ai aucun doute, l'un de ces deux-là est le "Boss".


- Mais qu'est-ce qui vous permet de nous exclure ? Daisuké Mouri et moi ? Juste sur la base de ces imitations ? Ça pourrait bien être une coïncidence aussi.

- Ne posez pas de questions dont vous connaissez les réponses, j'ai l'impression que vous me mettez à l'épreuve, répondit Loth en ajustant ces lunettes aux montures glacées. Le plus "récent" tueur qu'il ait copié exerçait 25 ans plutôt et c'est le Zodiac. À cette époque, le plus âgé de nous trois, Daisuké Mouri devait à peine avoir 11 ans à l'époque. Moi, j'en avais quatre et vous, probablement neuf. Aucun d'entre nous n'est assez vieux pour être la cible du Réplicateur. Par contre, il savait qu'en signant les meurtres des Derbyshire de l'emblème du Zodiac, Rommel allait se charger de l'enquête et appellerait sûrement son vieil ami. Nous autres ne sommes que des pions de passage.

- Hahaha, bien pensé. Je devais vérifier si nos idées concordaient.

- À mon tour alors. Il reste cependant deux imitations non éclaircies qui concernent des tueurs arrêtés par l'Armée Révolutionnaire à savoir : le Marionnettiste et le Silencieux. Pour moi, ces imitations ont été les plus décisives pour comprendre ce qu'essayait de nous dire le Réplicateur. Vous ?

- La même. Depuis deux jours, on supposait que le Réplicateur avait tué dans d'autres contrées avant de s'établir sur Boréa. Et quand on a ensuite supposé que c'était Natasha Ursus, je me suis dit que c'était impossible qu'elle ait pu passer trois années ici sans tuer.
La plus grande erreur que nous ayons faite était de croire que le Réplicateur était un justicier à cause d'Estrada et de ses histoires de blasphème et de bafouement. Ce n'est pas un justicier, c'est un vengeur et ce qui caractérise ce genre de tueur c'est la patience. Il a très bien pu rester ici mille ans sans tuer en attendant le moment propice à sa quête de vengeance envers le "Boss".

Naturellement vient ensuite la question du "Pourquoi maintenant ? C'était quand ce moment propice ?".
Il lui fallait donc un déclencheur.

J'ai trouvé intéressant de noter que le meurtre des Derbyshire est survenu deux jours après l'exécution très médiatisée de l'As de la révolution, Ekaterina Makarov alias "Baby Doll". Sur un autre plan, elle est très importante dans notre affaire parce que c'est elle qui a dirigé la cellule révolutionnaire ayant mis hors d'état de nuire le Marionnettiste et le Silencieux. Ce n'est pas une simple coïncidence.
Il est aussi précieux de savoir que Baby Doll était blonde, exactement comme les mèches dont s'est servi le Réplicateur pour coudre les lèvres de Hunter.


- Ah oui ! D'après l'hebdomadaire de l'ARP elle était aussi surnommée la "Blonde en nuisette", se rappela Loth. L'espèce de pic à glace en bois que vous avez trouvée, c'est une version réduite de l'arme de prédilection de Baby Doll. J'ai lu qu'elle avait l'habitude d'empaler sur des pieux les rois qu'elle détrônait.


- Si nous avons pu déduire cela, le "Boss", Rommel ou Alistair l'a sûrement su depuis longtemps je pense. Ça pourrait même être les deux qui soient visés vu qu'ils ont pendant très longtemps travaillés ensemble.
À ce stade, il nous manque encore des informations cruciales sur Baby Doll et de son lien dans notre affaire. Bien que quand j'additionne : Révolutionnaire + Avortement + Vengeur + Marine, je vois un schéma clair et très inquiétant.
Loth, Dena' ne pourrait-il pas nous aider à obtenir ce qui nous manque comme informations sur Baby Doll ? Et si possible par un de ses contacts haut placé dans la Révolution, ça simplifierait les choses. Mon instinct me dit que nous sommes sur les traces d'une affaire qui dépasse largement le cadre de la marine et qui être un secret de Polichinelle.

Oui, je connais Dena',
dit-il pour prévenir la question. Comment pensez-vous que j'ai connu le groupe sanguin d'Armando Estrada ? Le groupage des suspects était mentionné dans les rapports, certes, mais je n'ai pas eu accès à ces dossiers là, j'ai inventé cette histoire. J'ai même été étonné que ça ait marché.
Je travaille avec Dena' depuis dix ans maintenant, bien vue d'ailleurs de lui avoir demandé de venir ici, ça rend les choses plus simples.


- Quel enfoiré, rumina Loth, l'air de s'être fait avoir.
Dena aurait quand même pu lui dire qu'il traitait aussi avec Kindaichi !



HRP:




Dernière édition par Loth Reich le Lun 9 Fév 2015 - 15:42, édité 1 fois
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Atavisme

" C'est l'atavisme qui est à l'origine de la plupart des conceptions qui guident l'individu. "
Charlie Chaplin



06h00.
Bibliothèque universitaire de Jalabert.


Ils s'étaient installés à leur aise dans un des salons d'étude de la BU, entourés de parchemin, d'encre et de manuels de décryptages. Quelques minutes auparavant, Kindaichi avait contacté Dena' et lui avait confié la mission de dénicher tout ce qu'il pouvait sur le passé de la surnommée "Baby Doll".
Au moins, se disait Loth, ce ne serait pas à lui de payer la somme exorbitante qu'avait réclamée l'indic pour cette mission express.

Sûr de trouver quelque chose à se mettre sous la dent pour voir clair dans cet embrouillamini d'hypothèses, ils se mirent au travail pour décrypter le code alphabétique laissé par le Réplicateur.

Spoiler:


- Vous vous y connaissez en clé de cryptage et décryptage ?

- J'ai lu des trucs dessus, cela dit, je vous laisse faire, ce sera plus rapide.

- Il pourrait y avoir un millier de clés possibles, mais mon instinct me dit que le tueur malgré ses airs sophistiqués est très simple en fait. Malgré que nous n'ayons pas pu empêcher ses meurtres, ses poèmes n'ont pas été difficile à décrypter. Si je pars de cette base, la méthode de cryptage alphabétique la plus facile est le Chiffre de Caeser.

- J'ai lu un truc à son propos. C'est une méthode de cryptage par substitution. Il suffit juste de remplacer chaque lettre par celle se trouvant trois places plus loin dans l'alphabet.

- Tout à fait. La lettre A deviendrait donc D et ainsi de suite. Attendez, je gribouille un tableau, ce sera plus simple.


Alphabet ABCDEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZ
Alphabet Crypté DEFGHIJKLMNOPQRSTUVWXYZABC


- Au boulot !

Armés de cette clé, ils s'attelèrent au décryptage, remplaçant une à une les lettres cryptées du code par leur équivalent non cryptées. Ils relevèrent la tête de leur parchemin vingt minutes plus tard. La méthode de substitution lettre par lettre avait donné un résultat qui ressemblait à :

Spoiler:

- Il aurait quand même pu mettre les espaces et les ponctuations !

- Cela n'aurait pas été amusant sinon. On y retourne.

Ils retournèrent à leurs plumes et cinq minutes plus tard, réussirent à décrypter le code, à correctement espacer les mots, à placer les accents aux bons endroits. Le résultat final donnait :

Femme des champs, femme des rivières,
Femme du grand fleuve, ô toi,
Ma mère, je pense à toi...

Ô ma mère,
Toi qui m'allaitas,
Toi qui me portas sur le dos,
Toi qui gouvernas mes premiers pas,
Toi qui la première m'ouvrit les yeux
Aux prodiges de la terre, je pense à toi...

Ô maman,
De la grande famille des forgerons,
Ma pensée toujours se tourne vers toi,
La tienne à chaque pas m'accompagne,
Ô ma mère, comme j'aimerais encore,
Être dans ta chaleur, Être enfant près de toi.
Ô toi, ma mère, merci ; merci pour tout
Ce que tu fis pour moi, ton enfant,
Si loin, si près de toi !


- Bon, bon, bon. Besoin de commenter ?

- Non. Sur une échelle d'un à dix, à quel point nous sommes nous gourés ?

- Je dirais six. Le Réplicateur pleure sa mère, il pleure Baby Doll. C'est devant elle et non un fœtus avorté comme je l'ai supposé que doive s'agenouiller le Boss. C'est elle qui trouvera la paix "sous lettre des feux écarlate aux dieux griffus" comme spécifié dans la lettre au Boss.
Et tout colle, regardez. Elle a été exécutée dans les archipels Hawei, qui sont connus pour leur forte activité volcanique. "Sous la terre des feux écarlate", donc. Et je suppose que dans le folklore de l'île, une quelconque divinité griffue doit être vénérée.


- Sûrement. Et "Maman de la grande famille des forgerons" renvoie à l'ascendance de Baby Doll qui est issue d'un des clans les puissants de l'île de Vulcain où sont forgées les ancres des cuirassées de la marine.
Donc, Ekaterina Makarov serait en fait la mère du Réplicateur ? Ça veut dire quoi, que son père serait le Boss ?


PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !

- Tu tombes à pic, Dena' ! Allô !?

- Ça n'a pas traîné.

- Quand on appâte avec des billets, tout est rapide. Surtout pour un vieux révo' paumé dans un coin où s'passe plus rien.
Par où commencer. Votre Baby Doll là, c't'un sacré morceau hein, elle a tué plus d'vingt rois dans sa carrière, leur a planté un pieux dans l'cœur, comme une chasseuse de vampire.


- Ça, on le savait. Comment a-t-elle été capturée ? Par qui ?

- Elle a été coffrée par un commando spécial, un an après qu'elle ait elle-même capturé le Silencieux. C'était en 1596 sur l'île de Xiamdong de l'archipel Hawei. L'équipe était composée de beaucoup de marines déjà renommés à l'époque et pour ceux qui vous intéressent, ouais, Liddel Rommel et Alistair Rowling faisaient partie d'la team.

- Je me doutais. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite ? Le gouvernement n'a jamais expliqué pourquoi il a attendu trente ans avant de l'exécuter.

- Et bien, c'la partie la plus croustillante et seuls quelque rares sont au courant. Cinq mois après sa capture, ses geôliers s'rendirent compte de son état. En cloque de trois mois était-elle. L'processus de transfert vers Impel Down a été interrompu. Le roi de l'archipel, Ascléos Ier "Le Toubib", connu comme un des plus grands médecins et humaniste de l'époque, intercéda en sa faveur et le gouvernement lui accorda trente ans de vie supplémentaire. Elle accoucha sous X et l'enfant fut confié à un couple anonyme.

- Très intéressant. Passionnant même. Donc, si elle était enceinte de trois mois, cinq mois après sa capture, c'est qu'elle a eu une relation durant sa détention. Bien vu Loth, le Boss est bien le père du Réplicateur. Mais, Dena', pourquoi est-elle restée sur l'île aussi longtemps sans être déférée ? Et lequel de nos agents était encore dans le coin à cette date ?

- À l'époque, l'archipel de Hawei débutait juste son processus d'intégration au Gouvernement. La royauté a considéré illégale l'intervention des marines sur son territoire sans autorisation préalable et les a tous arrêté. 'fin, les marines étaient libres de leurs mouvements, juste qu'ils n'étaient pas autorisés à quitter l'île. Ils en ont profité pour interroger Baby Doll. Donc vos deux gusses étaient là et mon informateur ne sait pas qui a engrossé la dame mais ce qu'il sait c'est que l'enfant est une fille.

- Nous n'avions pas si tort que ça, c'est bien une femme. Baby Doll est la mère du Réplicateur et de toute évidence, Rommel ou Rowling est son père.
Pourquoi tue-t-elle les couples ayant avorté alors ? En quoi cet acte est devenu tabou pour elle ?
À moins que...


- C'est sûrement ça. Imaginez-vous à leur place. Rommel et Rowling, tout juste la vingtaine au max la trentaine. Jeunes, fougueux, intelligents, pleins de promesses. Votre relation avec Baby Doll emprisonnée ne pouvait qu'être que le fruit d'un désir éphémère, je ne veux même pas imaginer que cette relation ait été forcée. Donc après ce qui n'aurait dû être que le coup d'un soir, cette criminelle se retrouve enceinte. Vous êtes Rommel ou Rowling, vous avez un brillant avenir devant vous. Si une telle info avait été sue, elle ne l'aurait pas que gâchée, elle vous aurait conduit en prison et pour très longtemps. Qu'auriez-vous fait ?

- Trouver un moyen pour qu'elle avorte est la réponse logique.

- Bien sûr. Maintenant, on ne peut qu'imaginer qu'elle ait refusé. Soit parce qu'elle voulait garder l'enfant par amour ou soit pour avoir un moyen de pression sur lui. Face au refus de Baby Doll, l'agent en question a dû être déboussolé, un seul mot de cette femme et son monde s'écroulait devant lui. Cette femme, une criminelle qui en avait tué des dizaines et renversé des pays entiers, qui serait surement condamnée à mort sur la place publique, quelle différence cela aurait-il fait s'il avait écourté sa misérable vie et celle de son maudit fœtus de ses propres mains hein ?

- Vachement flippante, ton interprétation des choses, vieux. Mais t'es dans l'vrai. Baby Doll a été gravement empoisonnée quelques semaines après la découverte de son état. Elle a failli en mourir, mais a été sauvée par la science d'Ascléos Ier.
Selon l'vieux révo' qui m'a fourni les infos, une enquête a été menée à la fois par la marine et par eux même pour trouver l'auteur de la grossesse de l'As qui est aussi son empoisonneur, sans succès. L'équipe spéciale de la marine était composée de douze hommes à l'époque, sans compter les membres des forces de l'ordre de l'archipel et les gardiens de la prison où elle était détenue. Les suspects étaient légions et vu que Baby Doll refusait de parler, ils ne purent trouver le coupable.
Touchée par le sort de la prisonnière, Ascléos Ier intercéda en sa faveur après cette tentative de meurtre et suite à l'accord avec le Gouvernement Mondial, Baby Doll reçut le statut de prisonnier royal d'Hawei et fut bouclée dans les cachots royaux. Les poulets du gouvernement reçurent l'ordre de retourner à leur QG respectif. L'affaire était close.


- Donc elle était à l'abri d'une nouvelle tentative d'assassinat et a donc pu mettre au monde son enfant, peut être avec des séquelles dues au poison. Elle aurait pu divulguer le nom du père, pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ?

- Parce qu'elle avait soif de vengeance, d'une vengeance sanglante. Elle avait trente ans à vivre. Trente ans pour influencer un enfant qui, malgré son statut né sous X avait sûrement le droit de lui rendre visite. Elle lui a confié une mission. Elle l'a préparé dans ce but et lui a donné les armes pour y arriver.
Vous souvenez-vous des paroles d'Estrada ? "Je n'ai pas eu besoin de lui apprendre quelque chose, il était déjà prêt."

Baby Doll lui a sans doute parlé de son père dès qu'il (l'enfant) a eu l'âge de comprendre et de haïr. Vers ses 8-9 ans, il devait déjà haïr son incapable de père au point de vouloir l'étriper. Ensuite à 12-13 ans vint l'adolescence auréolée de ses hormones et avec elle, sans doute, l'instinct de tueur qui animait sa mère. Les chiens ne font pas des chats. La clé était l'atavisme.
Pour lui prouver qu'il était digne de sa confiance, l'enfant a sans doute tué pour la première fois. Une connaissance proche, son meilleur ami, probablement. Le tout soigneusement déguisé en accident et bien sûr, sans remords. C'était essentiel pour ne point faillir à sa mission.  

Il ne devait surtout pas tomber dans le piège sentimental quand il serait face à son père et presque-bourreau. J'ai lu dans la presse que Baby Doll est morte le sourire aux lèvres. Elle riait aux éclats d'une joie si immense que même après sa mort, son visage s'était figé en un sourire éclatant. Maintenant, je comprends mieux. Elle savait qu'elle serait vengée et que sa mort servira de déclencheur,
conclut Kindaichi sur une note lugubre.

- Donc la fille de Baby Doll tue des gens ayant avorté en souvenir de cette pratique qui a failli tuer sa mère ?

- N'oublie pas qu'elle même a failli ne jamais naître à cause de ce père. Et de toute manière, tout ceci est un jeu pour elle. Toute cette affaire n'a qu'un seul but, venger sa mère. Tuer d'autres couples qui ont pratiqué cette opération devait être une sorte de libération émotionnelle pour elle en attendant de tuer sa vraie cible. C'est aussi la raison pour laquelle elle s'est plus acharnée sur les hommes.
En tout cas, merci pour ton aide Dena', sans toi nous n'aurions jamais réussi.


- C'mon banquier qui vous dit merci. Je gère l'autre affaire Loth. Dena' out !

- Merci mon pote.
Loth, je pense qu'elle voulait aussi émotionnellement torturer son père avant de s'attaquer à lui. Après le meurtre des deux premiers couples, le Boss a dû comprendre bien avant nous. Et ça devait le meurtrir de penser que c'était à cause de lui que mouraient ces gens. Mais il n'a rien laissé transparaître, c'est un artiste.
Au fait, vous souvenez-vous de ce que Rommel a répondu à Estrada quand il a maudit sa descendance ?


- "Je suis soulagé alors, je n'ai pas d'enfant, pas de descendance. Ta malédiction va mourir avec moi".
Ne tirons pas de conclusion active, Rowling aussi aurait très bien pu faire le coup et d'ailleurs, sa tendance à boire pourrait être le fruit du remords... Remords... Remords... Mais oui, c'est ça !


- Quoi donc ?

- Je crois que je viens de comprendre comment le Réplicateur a su pour les avortements. On sait de source sure qu'à chaque fois, au moins quelqu'un du couple avait du mal à s'adapter à l'après-avortement. Les Derbyshire étaient touchés tous les deux. Tom Cooper contrairement à Rolande Feller n'arrivait pas à faire le deuil. Ophélia Hunter, quant à elle, était carrément dépressive selon ses amies.
Je viens d'y penser en parlant du problème d'alcoolisme du Pr Rowling. Les groupes d'entraides ! Dans le genre des "Alcooliques anonymes" et autres ! Ce type de petit groupe de confession et d'entraide existe depuis un moment mais dernièrement, le phénomène de mode a étendu ça à d'autres types de dépendance et plus généralement à des problèmes que la société pourrait juger tabous. Dépendance à la drogue, au sexe, aux jeux, et pourquoi pas, avortement ?
Dans ce genre de réunion, on peut librement aborder ce genre de sujet sans qu'on ne vous juge.


- Ah bien vu ! L'oncologue des Derbyshire a dit leur avoir recommandé d'en parler à un psychologue. Ils lui ont dit qu'ils en ont parlé à des amis. Par tous les saints, Phrâne Thomson !

- Quoi Phrâne ? demanda Loth dans un souffle.

- Je ne sais pas si vous l'avez vu, mais elle porte un bracelet plastique jaune marqué "L♥vely Six". Quand je l'ai questionnée, elle m'a dit que ça lui avait été remis par son groupe d'entraide pour avoir tenu six mois sans cigarettes.

- Oui, oui, oui, elle nous en a parlé aussi. Comment j'ai pu louper ça ! s'écria-t-il en se gratifiant d'une tape sur le front.
C'était juste avant d'arriver dans la salle de bowling. Elle était ennuyée que le Pr Rowling fume à proximité d'elle. Ce qu'il n'a pas fait d'ailleurs. Phrâne Thomson serait donc le Réplicateur ?

- Ça correspond bien. Elle a moins de trente ans en tout cas. Elle a participé de manière active à l'enquête et j'ai toujours pensé que le Réplicateur avait trouvé un moyen de s'immiscer dans le bureau.

- En parlant de bureau ! Natasha Ursus a été aperçue dans le quartier Est, non ? Le QG des Hérauts de l'Aurore se trouve là. Bon sang, elle cherche Phrâne !

- Et si je ne me trompe pas, Phrâne a accompagné Rommel et Rowling là-bas. Merde, on se bouge, allons dans le quartier Est. Ne les avertissons pas, nous ne savons pas lequel d'entre eux est le Boss, ni si l'autre est au courant. Après tout, ils sont amis depuis plus quarante ans. Si nous leur dévoilons ce que nous savons, ils pourraient très bien éliminer Phrâne.

- N'est-ce pas le but ?

- Le but, c'est la vérité et rien que la vérité. Et elle risque d'être étouffée, s'ils tuent Phrâne Thomson en catimini. Après tout, rien ne prouve nos allégations donc il nous la faut vivante. Empêchons ce Boss de tuer sa propre fille si telle est son intention et empêchons la fille de commettre un parricide. Sans oublier Natasha Ursus que nous devons sauver d'elle même.  
Go go go !



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Le visage de l'ennemi

« Je choisis mes amis pour leur bonne présentation, mes connaissances pour leur bon caractère, mes ennemis pour leur bonne intelligence. »

Oscar Wilde



Leurs destriers fendaient à triple galop les routes soigneusement pavées de Jalabert. Les sabots ferrés sur le pavé produisaient des claquements semblables à des coups fouets dans le vide. Humains et chevaux respiraient bruyamment, bouches, gueules, nez et naseaux grands ouverts, expulsant des grandes quantités de buées. L'hiver Boréalin n'en démordait pas alors que l'astre du jour s'apprêtait à rejoindre son zénith.

Ils se dirigeaient vers le quartier Est, plus précisément vers le QG général des Hérauts de l'Aurore où ils avaient plus de chance de trouver les différents antagonistes de cette histoire pour le moins étrange. Une femme désirant venger sa mère en tuant son père, une femme jadis homme désirant venger la mort de sa bien-aimée et un homme, un père, dont les intentions demeuraient inconnues.
Loth se posait beaucoup de questions et la plus récurrente concernait sa réaction face aux évènements futurs. La dernière fois qu'il avait été emmené à confondre un tueur, il l'avait volontairement laissé filer parce qu'il considérait que les victimes méritaient le sort qui fut le leur. La situation à Jalabert était bien différente même si au final, c'était toujours une histoire de vengeance.
Le Réplicateur avait aveuglément tué, se dit-il, sans cure de l'histoire de ses victimes, sans se soucier de savoir s'ils pouvaient garder le fœtus ou non. Et puis merde, jura-t-il, l'avortement ne mérite pas la peine de mort, il jugeait qu'une femme avait le droit de décider ou non de donner naissance. Phrâne Thomson ne méritait aucune indulgence.

Loth tira sur les rênes de son blanc destrier et lui fit emprunter une petite venelle qui desservait le quartier Est. Il ne connaissait pas spécialement le chemin, mais il avait repéré la longue cheminée noire de l'incinérateur de l'Institut Boréalin de Thanatopraxie qui se dressait droite comme une réprimande. Il déboula sur une grande avenue où s'alignaient les bâtiments et centres de recherches officiels. Il tourna un rond sur place en cherchant la bonne direction à prendre. Kindaichi et son canasson étaient tout juste derrière lui.

- Où diable est ce QG ?

- Là, j'ai du mal à me repérer, qu'est-ce qui vous a pris de prendre cette ruelle ?

- Je pensais que ce serait un raccourci. Mais en fait...

BANG ! BANG ! BANG ! BANG ! BANG ! BANG !

C'étaient des coups de feu et ils retentirent quelque part à trois heures de leur position. Ils enfoncèrent leurs talons dans les côtes de leurs bêtes qui filèrent à toute allure dans la direction souhaitée. Chemin faisant, une autre série de rafales se fit entendre, suivit d'une autre. Pour peu, on se serait cru dans une scène de guerre en reconstitution à cette différence qu'aucune des parties n'était visible. Il n'y avait pas non plus les habituels figurants qui mourraient dès le début de la scène. À Jalabert, tout le monde était cloîtré chez soi en attendant la fin de la chasse à l'homme.

Si Kindaichi et Loth avaient du mal à localiser l'endroit précis de la fusillade, c'est parce que les antagonistes se déplaçaient. C'est ce qu'ils conclurent quand ils décidèrent de se séparer pour couvrir plus de terrain. Loth s'engouffra dans une traboule délimitée par les édifices du centre Boréalin de pisciculture, un drôle de bâtiment bleu en forme de poisson et la cour de l'académie des beaux-arts de Boréa. En arrivant dans la rue desservie par la traboule, l'instinct entraîné de Loth le prévint d'un danger imminent. Il se baissa à temps pour éviter de se faire scalper par un boomerang acéré. Il tira ensuite si fort et si soudainement sur le mors de son cheval qu'il se cabra. Trois couteaux de jet fusèrent de nulle part au même moment. Deux les ratèrent mais le dernier se figea dans les côtes de la bête. Le canasson hennit de douleur, s'agita violemment et déséquilibra Loth qui tomba à la renverse. Il regarda s'enfuir son destrier sans demander son reste et se dit que ça aurait pu être pire.

Il se releva, prêt pour le combat, quand il vit deux marines en sang tituber vers lui. Ils braillèrent quelques choses à propos de Natasha Ursus qui leur donnaient du fil à retordre. Ils indiquèrent de leurs doigts boudinés le théâtre des opérations, qui était en fait l'arrière-cour d'un énième institut de recherche, sur les vignerons de toute évidence pensa Loth en débarquant dans la cour.

- Ne restez pas à découvert ! lui hurla Phrâne Thomson qui se dirigeait vers lui, un fusil de précision à la main. Elle est complètement folle cette Na....

- Reptile, Yamata no Orochi !

Loth ne lui laissa pas le temps d'entreprendre quoi que ce soit. Dès qu'elle fut à la portée de ses longs bras, il modela ses mains et les dressa à l'image d'un serpent sur le point de mordre. L'attaque qui suivit fut un déluge de coups, tous visant un point vital de l'Hérault. Malgré la brusquerie de l'attaque de Loth, malgré leur proximité, elle parvint tout de même à éviter la majeure partie des coups, se mouvant avec une grâce féline. La dernière morsure du serpent qu'elle esquiva l'emmena à baisser son centre de gravité, juste à la portée du genou droit de Loth qui ne fit pas prier. Il décocha un "Knee strike" qu'elle reçut en pleine face. Le coup l'envoya bouler sur quelques mètres. Elle se réceptionna superbement, l'arête du nez cassé, son fusil braqué en direction de Loth qui roula par terre pensant esquiver une rafale qui ne vint jamais.

- Qu'est-ce qui vous prend, bon Dieu ? vociféra-t-elle d'une voix pincée.

- Économisez votre salive, nous avons que vous êtes le Réplicateur, répondit Loth toujours à terre.

- Ah non, pas vous aussi ! Cette folle de Natasha Ursus a voulu me tuer parce que j'aurais tué les Derbyshire.

- Ce que vous avez fait.

- Mais non ! protesta-t-elle. Je vous ai en joue, j'aurais pu vous tuer ! Pourquoi perdrai-je mon temps en discussion si j'étais ce tueur ?

- Parce que vous voulez gagner du temps, fit Loth en plongeant vivement sa main à l'intérieur de son manteau en fourrure de castor.

Il en sortit une bolas qu'il lui balança. L'arme cisailla l'air à la manière d'une hélice et fondit sur elle. L'objectif de Loth était d'entraver ses mouvements manuels ou du moins de la désarmer. Raté, pensa-t-il quand il la vit esquiver l'arme rotative d'une moue en pivotant sur ses talons avec grâce.
Héhéhé, ce n'est pas fini, se dit-il. Phrâne se rendit compte de la supercherie un poil trop tard, la première bolas n'étant qu'une diversion précédant une autre bolas cachée dans son ombre. L'arme atteignit sa cible et s'enroula autour de ses poignets, mais Phrâne ne lâcha pas son fusil pour autant. Voulant profiter de ce répit pour porter la touche finale au combat, Loth se précipita sur elle en zigzagant, les muscles de la main contractée, prêt à porter un coup mortel au cas où.

Utopie. Les mouvements de Phrâne Thomson le prirent de court tout simplement. En dépit de ses mains lestées, la femme tournoya sur la pointe de ses pieds, telle une ballerine ou une toupie, à choisir, et se rapprocha de Loth plus vite qu'il ne l'aurait fait lui-même. L'instant d'après, un claquement sec sur son visage et le goût du sang dans la bouche lui indiquèrent qu'il venait de recevoir un coup de crosse. Il mordit la poussière ou du moins, le sol gelé, mais se releva aussitôt. Un coup de pied retourné l'accueillit et le frôla grâce à une habile esquive. Il contrattaqua avec un balayage des pieds censé déséquilibrer un adversaire qui se déroba avec un salto arrière suivi d'un coup de pied cisaillé qu'évita Loth qui se tassa à terre tel un reptile. À quatre pattes, il se mut avec une souplesse reptilienne, faucha les tendons de Phrâne qui ne manqua pas de tomber. Juste avant sa chute, elle toupilla son fusil, ses mains toujours entravées, et écrasa la crosse sur le crâne de Loth juste au moment où elle touchait le sol, en quasi-concert avec ce dernier qui lui planta son wakizashi bien profondément sous la clavicule droite.

Deux râles de douleurs, deux individus allongés, enchevêtrés sur la dalle givrée après avoir passé tout ce temps à s'éviter. Du sang coulait par filet de la tempe de Loth et rejoignait celui qui gouttait de la blessure de Phrâne, le tout colorant la neige de Boréa d'écarlate.
Il était à la limite de la conscience et la seule chose qui le maintenait encore éveillée était son envie de connaître la vérité. Il avait, pour le moment du moins, immobilisé le Réplicateur dont la tête à présent reposait presque amoureusement sur son torse dans une espèce d'étreinte interdite.

- Argh ! Bon sang, ça fait mal ! fit-elle en maintenant une prise sur le wakizashi planté dans sa chair. Et puis j'arrive pas à me débarrasser de ce fichu boulas. Vous êtes content de vous ?

- Le..quel, lequel est... votre... père ? demanda Loth en hachant les mots, l'élocution mise à mal par son crane fêlé.

- Si j'enlève la lame, je risque l'exsanguination non ? Arghhhh ! Vous avez visé une veine principale, c'est ça ? Hein comment ça qui est mon père ? Faut pas rester ici, Natasha va débouler d'un instant à l'autre. Faudrait m'expliquer pourquoi vous pensez tous que je suis une tueuse !

Malgré son crâne qui l'élançait comme jamais auparavant dans sa vie, malgré son propre sang qui baignait ses yeux en colorant sa vision de vermillon, il eut le bon sens de se demander à quoi rimait cette comédie. Pourquoi continuait-elle à nier l'évidence, pourquoi ne profitait-elle pas de leur solitude pour l'achever ici même ? Après tout, elle était en bien meilleur état que lui.
Des bruits de pas précipités retentirent et quelques secondes après, Rommel et Kindaichi arrivèrent dans la cour où avait eu lieu la bataille. Phrâne fit un mouvement vers l'avant, vers son fusil, mais Kindaichi fut plus rapide qu'elle et le shoota hors de sa portée.
Tout ce qu'il vit ensuite, c'est qu'elle pendouillait en l'air, la gorge prisonnière de la poigne de Rommel dont le visage n'exprimait que pure rage.

- Misérable ! C'est toi qui décides de jouer les dieux ?!

- Je ne crois pas non, lâchez-là ! intima Kindaichi en dégainant de sous son manteau une magnifique rapière bleue dont il posa le pointu sur la carotide de colonel.

- Que faites-vous ?

- Je viens de vous dire de la lâcher, Colonel Rommel. Personne ne va mourir ici, il n'y aura pas de justice expéditive, à moins que vous ne désiriez ensevelir vos linges sales ?

Son emprise sur le poignet de son arme ne faiblit pas, il accentua même la pression sur le cou de Rommel. De fines gouttes de sang perlèrent et coulèrent sur la lame bleue de la rapière. Rommel lâcha finalement la gorge tuméfiée de Phrâne qui s'écrasa par terre comme un vieux chiffon qui tentait désespérément de respirer à nouveau. Elle fut en prise à quinte de toux sanguinolentes qui dura plusieurs minutes. Quand elle parvint respirer à nouveau, elle avait les larmes aux yeux, regardant alternativement Loth, Kindaichi et Rommel.

- Mais je n'ai arhghh.... tué personne ! lâcha-t-elle à bout, pleurant véritablement cette fois.

- Arrêtez, c'est inuti...

Ses facultés partiellement retrouvées lui furent bien utile quand débarqua quelques secondes plus tard Natasha Ursus. Loth ne l'avait jamais rencontrée, mais il douta bien qu'elle n'ait pas toujours eu ce teint cireux, ces cernes et rides autour des yeux. Elle avait l'air très négligée, on aurait dit une folle à cette exception près que peu de folles étaient armées comme si une guerre totale venait d'éclater. Dès son entrée, elle canarda la place sans distinction. Loth roula par terre comme un tonneau et se mit à l'abri, façon de parler, derrière des plans de vignes. Même s'il n'avait pas vu comment ils s'y étaient pris, chacun semblait indemne. Jetant son fusil à terre, Natasha empoigna la hache qu'elle trimballait en hurlant un "Tu vas payer sale meurtrière !"

Rommel s'interposa et sans hésiter, Natasha abattit sa hache à l'aide d'un "Dégages de ma route, vieux débris !". Deux doigts, c'est tout ce qu'utilisa Rommel pour parer son attaque et immobiliser complètement son assaillante. Un petit coup d'estoc lui suffit pour casser la hampe de la hache et envoyer valser Ursus dans le même mouvement.

- Capillary Jail !

La capacité que Loth connaissait sous le nom du "retour à la vie", permit à Rommel d'augmenter son volume capillaire, de le modeler et de l'utiliser pour saucissonner une Natasha Ursus qui se remettait à peine du précédent coup. Elle se débattit en vain.

- Ça suffit, Hermann Klaus. Nous savons pourquoi vous faites ça !

- Ne m'appelez plus comme ça, je ne suis plus cet homme depuis trois ans ! Cette femme a tué mon amour !

- Non mais vous êtes tous timbrés ou vous le faites exprès ? JE N'AI TUÉ PERSONNE ! brailla-t-elle.

- Je la crois, Kindaichi, intervint Loth qui commençait à se sentir mieux.
Au moins, il pouvait parler sans bégayer, c'était déjà ça.

- Hein ?

- À quoi rime tout ceci Kindaichi-kun ? Pourquoi pensiez-vous que j'allais la tuer ? Pourquoi ne m'avoir pas averti à temps que vous la cherchiez comme convenu ?

- Loth et moi avons découvert que toute cette série de meurtres n'avait pour seul but que de se venger de quelqu'un du BBI. Ce quelqu'un est le père du Réplicateur et l'As Baby Doll est sa mère. Rowling et vous êtes les seuls parmi nous à avoir travaillé sur cette affaire quand nous autres mangions encore au biberon.

- Vous... Vous êtes sûrs ? demanda-t-il avec une expression indéchiffrable en posant les yeux sur Phrâne. Donc elle... C'est la fille de Baby Doll ?

- Oui.

- Non.

Loth et Kindaichi avaient répondu simultanément, laissant la confusion s'installer de plus en plus dans les cœurs.

- Mais nous avions établi...

- Je sais, je sais, mais je sais aussi qu'elle n'est pas celle que nous cherchons, elle a eu l'occasion de me tuer et de s'enfuir.

- Et je ne suis pas la fille d'un révolutionnaire mais d'une paysanne d'un bourg de Boréa ! Mais où êtes-vous allés pécher ça ?
L'effarement se lisait dans sa voix.

- Tu étais dans le groupe d'entraide avec eux ! rugit Natasha qui répondit avant Loth.

- Je suis dans un groupe d'entraide pour dépendants au tabagisme. Je n'avais jamais vu les Derbyshire avant leur meurtre.

- Menteuse ! Babali m'a dit que c'était toi le seul membre des forces de l'ordre des groupes !

- Babali ?

- Surement le grand type de la communauté des "Enfants du Givre" qu'elle est allée voir et dont m'avait parlé Mouri. Celui qui tient le magasin N° 214, n'est-ce pas ?

- Oui, c'est là qu'ont lieu les réunions. Mais il y a plusieurs types de groupe, avec des horaires différents. Qu'est-ce qui vous fait penser que c'est moi qui les ai tués ? Et pourquoi recherchiez-vous un membre des forces de l'ordre ?

- Nous avons déduit que le Réplicateur utilisait un groupe d'entraide pour trouver ses victimes, c'est le seul dénominateur commun aux trois couples.

- Monique parlait régulièrement avec une femme, un membre des forces de l'ordre qu'elle avait rencontré dans un de ces meetings. Elle me disait que ça lui faisait du bien de parler en dehors du groupe et que ça l'aidait à se sentir mieux, mais elle ne m'a jamais dit comment elle s'appelait.

- On ne peut pas avoir une telle coïncidence à ce niveau. Phrâne, connaissez-vous d'autres membres des forces de l'ordre impliqués dans ces groupes ?

- Je ne connais que les membres de mon groupe et il n'y a pas une telle personne. Chaque groupe a un horaire et même des jours de réunion différents.

- Attendez. Si ce n'est pas elle, il nous faut trouver Alistair-dono et vite. Je l'ai perdu de vue quand nous nous sommes séparés pour chercher Ursus, souffla Rommel d'une voix paniquée.

- Ce n'est donc pas vous ?

- Non. J'ai été gravement blessé durant les combats qui ont permis la capture de Baby Doll. Les cinq mois que nous avons passés sur Xiamdong en attente du dénouement de la crise diplomatique résultant de notre intervention illégale dans ce pays m'ont permis de profiter de leur médecine. J'ai passé tout mon temps à l'hôpital, Alistair-dono par contre était dans l'équipe chargée d'interroger Baby Doll.

- Mille crottes ! Le Réplicateur l'a peut-être déjà pris pour cible. Il a un coup d'avance, depuis le début !

- Oui ! C'est ça ! La médecine !

- Pardon ?

- Monique est tardivement revenue un jour de son entretien avec cette femme et m'a dit avoir fait un malaise chez elle, mais heureusement qu'elle était doctoresse. Elle s'est bien occupée d'elle. Je l'avais complètement oublié ! Vous n'êtes pas médecin ?

- Non !
Mais le Dr Delphine Dianka l'est. Je l'ai croisée un jour devant le magasin alors que j'allais faire me emplettes. Il me semble que c'était un mercredi, le jour où se réunissent le groupe des gens confrontés aux problèmes de la vie de manière générale. C'est le groupe le moins spécialisé, ils parlent de tout, vous savez... Enfances difficiles, problèmes d'argent, carrière en berne, maladie etc...


- Et vous ne pouviez pas dire ça plus tôt ?

- Bah, arghgh, elle a parlé d'un membre des forces de l'ordre ! Le bureau du médecin légiste est un service indépendant d'appui aux Hérauts et à la marine et à ce titre ne peut prétendre exercer la loi.

- Elle s'est fait passer pour un héraut ou un marine auprès de Monique et d'ailleurs la nature de son métier peut aisément prêter à confusion. En plus, ça correspond, et à fond cette fois-ci ! Vous avez remarqué sa maladresse, Loth ? Par deux fois elle a glissé et fait tomber des trucs à la morgue. Quand Rommel et moi étions sur les berges du fleuve du gelé, elle a glissé sur la banquise alors qu'elle portait des crampons, puis ce matin aussi. Et si c'était en fait un problème de coordination neuromusculaire et non de la maladresse comme elle le prétend ?

- Ça tombe sous le sens, nous avons déduit que le bébé de Baby Doll avait dû naître avec les séquelles de la tentative de meurtre par empoisonnement de sa mère.

- Et quand elle a glissé ce matin, ses cheveux mouillés ont tâché votre manteau, Kindaichi-kun. Elle a déclaré qu'elle était sous la douche quand elle a reçu l'appel. Se laver à 4h50 du matin ?

- Elle se débarrassait des éclaboussures de sang dont elle était constellée après le massacre du recteur ! On l'avait si près de nous ! Elle nous a eus sur toute la ligne et a su profiter de la chasse que nous donnions à Natasha. Je suppose qu'elle a nuancé et suggéré son appartenance aux forces de l'ordre à Monique Derbyshire en prévision d'un tel moment, tout en sachant que ce Babali orientera un éventuel fouineur vers Phrâne, seul membre des forces de l'ordre dans ces groupes.
Bon sang, elle est douée !




Dernière édition par Loth Reich le Mer 11 Fév 2015 - 18:52, édité 1 fois
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Père et fille

« D'autres choses peuvent nous changer, mais nous commençons et finissons avec la famille. »
Anthony Brandt



Il titubait le long d'une haie de pétunia. Sa proposition à Rommel de se séparer n'était qu'une ruse pour rester seul et attirer le Réplicateur sur lui. Il avait su qu'il en avait après lui tout juste après le meurtre de Rolande Feller et la découverte de son état avorté de grossesse. On ne la lui faisait pas, il avait inventé le profilage, il savait. Il lui fallut plus de temps, par contre, pour découvrir l'identité du coupable. Cette énième maladresse et glissade dans la chambre d'Ophélia Hunter l'avait convaincu qu'elle souffrait des dommages neurologiques, sans doute inhérents à l'utilisation d'une forme très particulière de ricine. Et en ricine, il s'y connaissait.

Ainsi donc son enfant était cette belle jeune femme rousse aux airs de top model. Il s'était alors senti accablé de remords, bien plus que ce qu'il avait éprouvé ces trente dernières années réunies. Bien plus que ce qu'il avait désespérément voulu noyer dans l'alcool. Comment diable avait-il pu tenter de l'assassiner alors qu'elle était à peine en vie ?  
Il décida de ne rien dire à ses collègues, c'était plus fort que lui, il ne pouvait pas la laisser en pâture aux autres, car c'était comme ça qu'il les voyait à présent. Des oiseaux de proie cherchant à déchiqueter le seul enfant qu'il n'ait jamais eu, qu'il n'ait jamais abandonné. Ce n'était pas de sa faute, non, non, non, elle était innocente. Le seul coupable, c'était lui. S'il avait fait face à ses responsabilités, s'il n'avait pas été un lâche et un couard, tous ces gens ne seraient pas morts.

Il siphonna d'un trait la moitié de la bouteille de vodka qu'il gardait toujours dans son manteau.
Alistair Rowling était déboussolé, troublé, déphasé. Il marchait dans la rue en parlant seul comme un fou. Son erreur, c'était son erreur. La plus monumentale erreur de sa vie. Ce n'était pas censé arriver. L'acte éphémère n'aurait jamais dû avoir de suite. Sa beauté sauvage l'avait séduit. Le souvenir de ce jour venteux d'automne l'accablait comme autant de quolibets.
Il se souvenait avoir obtenu une autorisation spéciale de promenade pour la révolutionnaire. Méthode d'interrogatoire pour gagner sa confiance avait-il prétendu. Ils avaient marché loin, s'étaient enfoncés dans les terres désolées de Xiamdong. Ils s'étaient arrêtés sous un figuier géant. Elle l'avait séduit. Ils s'étaient aimés.

Mais comme la bise après les temps chauds, vint la sanction. Semblable à la morsure du froid, son refus d'avorter le laissa gelé et horrifié. Et c'est naturellement que la folie toqua à sa porte. Il la laissa entrer, la laissa posséder son âme, guider sa main, verser quelques gouttes de ricine dans le déjeuner de Baby Doll. Mais les dieux étaient contre lui. À l'image d'un ange, apparut le grand roi Ascléos Ier "Le Toubib", qui usa de sa science, infusa quelques herbes dont il avait le secret et la remit sur pied. Loin de sa portée, elle donna la vie.
Jamais il n'avait cherché à savoir. Jamais. Trente années étaient passées. Des gens étaient morts à cause lui.
Comment pourrait-il porter ce fardeau ?
Avait-il seulement besoin de le porter ?
Il fallait juste le faire disparaître et sa propre existence avec. Payer de sa vie pour préserver celles de dizaines d'autres personnes sans noms. S'il payait maintenant le prix de son infamie, sa fille pourrait alors quitter Boréa avant que les autres ne s'aperçoivent de son identité. Ainsi, d'une certaine manière, il la protégerait. Un insignifiant geste pour ce père indigne qu'il était.

Ça y est. Il avait senti sa présence. Quelques gouttes d'alcool dans le sang n'avaient en aucun cas entamé son sens alerte. Il serait mort depuis longtemps autrement. L'ombre était à dix mètres de lui, perché sur le toit voûté d'une bâtisse. Lentement, il se tourna vers l'être qu'il avait rejeté. Pendant quelques secondes qui semblèrent pour tous deux une éternité, trente ans précisément, ils se dévisagèrent. Delphine Dianka le regardait de ses profonds yeux amande. C'était fou ce qu'elle ressemblait à sa mère, se dit Alistair. Ses mêmes yeux froids et décidés, ses mêmes cheveux ondulés, ses mêmes mensurations.
La honte et le regret laissèrent place à une certaine satisfaction. Le regard de Delphine Dianka en disait long sur la haine qu'elle lui vouait. Alistair Rowling était rassuré. Elle n'hésiterait pas.

Elle n'hésita point. D'un bon gracieux du haut de son perchoir, elle fondit tel un oiseau de proie sur son paternel décidé à n'opposer aucune résistance. Elle empoigna deux lanières à une branche et fouetta l'air. Le boom sonique de l'arme précéda le choc. La caresse du fouet laissa une longue blessure sanguinolente sur le visage du Profiler. D'autres germèrent au fur et mesure des chocs, des claquements secs. Le colonel recevait les coups, chaque blessure, chaque rupture de veine, chaque millilitre de sang perdu comme un châtiment, un moyen d'expier ses fautes. C'était le moment qu'il attendait. Il allait sombrer dans l'inconscience, ouvrir les portes du néant.

Delphine Dianka surplombait la carcasse ensanglantée de son géniteur qui gisait face contre terre. Il n'y avait nullement besoin de mot, elle savait ce qu'elle avait à faire. Elle n'avait rien à lui dire et lui non plus. Ce moment précis avait dicté son existence depuis ses premiers pas. Elle leva ses fouets, les tournicota au-dessus de sa tête telle des hélices et les abattit en visant la tête de son père.
Incompréhensiblement, elles rencontrèrent une résistance. Liddel Rommel se tenait juste devant elle, les mains fermement scotchées aux lanières qu'il avait interceptées en vol.

- Je vous ordonne d'arrêter cette folie, Dr Dianka-kun ! Au nom de la loi !

- Tu n'as aucune autorité pour me dire ce que je dois faire ou non, White Bull !

Sa voix n'avait plus rien à voir avec celle de la douce et maladroite Delphine Dianka qu'ils avaient connu en tant que médecin légiste. Déformée par la haine et la rage, elle était devenue une sorte de râpage et d'aboiements.

- Tu es du même moule que lui ! Combien de Baby Doll as-tu connu au cours de ta carrière ? Combien de femmes sont mortes à cause de ton irresponsabilité ?

- Une seule.  

- Ahah ! S'il te reste un tant soi peu d'honneur, tu la rejoindrais dans la mort !

- Elle est morte par ma faute parce que je n'étais pas présent pour la protéger quand des pirates ont dévasté son village ! C'est pour ça que j'ai rejoint la marine et toi, tu ne tueras personne sous mes yeux !

Il tira vers lui les fouets, happant ainsi Dianka dans sa direction. Tout d'abord surprise par ce mouvement, la doctoresse se ressaisit et profita de la poussée pour décocher un coup de pied rotatif. Le coup rasa de près la tête de Rommel et fit tomber sa toque. L'élan emporta Dianka derrière lui. Il répliqua par un Elbow Strike arrière. Au coude du colonel, le Réplicateur opposa son propre coude, puis un autre. Ils restèrent là un moment, reliés par deux fouets, dos à dos, à échanger des coups de coude et de talons. Après une poignet de minutes d'échanges sans qu'aucune partie ne prenne le dessus, Rommel décida de passer aux choses sérieuses. Il vivifia sa masse capillaire et avec, s'empara de son adversaire qu'il souleva de terre puis l'y écrasa violemment.
Cette partie du quartier Est était en terre battue. La fine couche de neige qui la recouvrait s'effrita sous la violence du choc. Malgré le heurt, Dianka ne lâcha pas son emprise sur ses fouets, Rommel non plus. Elle se releva, un filet de sang s'écoulant des lèvres, plus combattive que jamais.

- Lâche mes fouets. Autrement, ils vont emporter tes mains !

La dernière phrase avait été dite sur un ton des plus sournois. Rommel le remarqua trop tard. Sur les poignets tenus par Delphine, il y avait deux boutons, un sur chaque. Elle y appuya et l'effet fut immédiat. Un flux électrique parcourut les lanières et foudroya Rommel. Il vibra violemment secoué par les convulsions musculaires involontaires dues à électricité parcourant son corps. Il ne semblait pas capable de se libérer de la tension électrique et le visage du Réplicateur n'aurait pas pu exprimer un meilleur ravissement.

Une ombre fila, s'approcha des lanières tendues et les trancha comme si elles étaient faites de beurre. Kindaichi dérapa sur le sol gelé, sa rapière bleue à la main. Il se mit en garde les genoux fléchis, la main d'épée dans le dos, la libre tendue devant lui. Il utilisait un style d'escrime très particulier, chasse gardée d'une très vieille école dont Loth avait entendu parler par son maître. L'école de la Lune Bleue.
D'ailleurs, en parlant de Loth, il arriva juste après Kindaichi en se dépêchant du mieux qu'il pouvait malgré son crane fêlé qui l'élançait de temps à autre. Le sang avait cessé de couler de la plaie qu'il avait sur la tempe, c'était moins grave qu'il ne l'avait supposé après avoir été mis à terre par Phrâne. Il était encore d'attaque pour une autre partie de castagne, enfin, c'est ce qu'il pensait.

- La cavalerie arrive à la rescousse ? Tu en as mis du temps à trouver mon identité. Je pensais que le grand Kindaichi Doyle qui fait les unes depuis ses quinze ans pour ses qualités de détectives aurait fait mieux que ça.

- Je n'avais pas toute les cartes. Vous n'avez pas joué franc jeu, le résultat de l'autopsie des Derbyshire a été truqué, ou du moins, vous avez omis de nous dire que Monique avait subi un avortement. N'importe quel autre médecin légiste l'aurait constaté. Mais vous avez endormi les soupçons en prétextant la dégradation physique issue des médicaments qu'elle absorbait.
C'était bien joué en tout cas, si j'avais eu cette info depuis le début, l'issue aurait été bien différente.


- Mais le jeu t'a plu, avoue. À toi aussi, Loth Reich, non ?

- Ce n'était pas un jeu ! dit-il en élevant la voix malgré lui. Vous êtes malade, comme l'était votre mère. Folle à lier. Votre parcours s'arrête ici.

- Vous pensez que vous allez pouvoir m'en empêcher ? J'ai vaincu Rommel, et je vous achèverai avant de retourner m'occuper de mon père. Ensuite, je quitterai cette île pour perpétuer la noble tâche que m'a confiée ma mère. Punir tous ceux qui bafouent la vie.
Thunder Worm !


Elle s'élança et fit claquer ses fouets. Malgré que Kindaichi les ait écourtés, ils disposaient toujours d'une bonne portée de plus de six mètres et surtout, ils étaient électrifiés. Kindaichi et Loth maintinrent Delphine à distance en reculant de plusieurs bonds. Dans sa fuite, Kindaichi trébucha sur une pierre et s'affala piteusement. Pendant que Loth lui hurlait de faire attention, le Réplicateur s'empara de cette ouverture et molesta l'air d'un coup sec. Kindaichi dévia la lanière de biais grâce à sa rapière. Le sourire imperceptible qu'il afficha confirma Loth dans l'idée qu'il s'agissait d'une ruse, d'autant plus que la garde de son épée semblait faite d'un matériau isolant. Il bondit, la pointe de la lame dirigée vers le cœur de la tueuse. Elle fit claquer le second fouet et obligea Kindaichi à changer de trajectoire. Durant le même laps de temps, Loth l'attaqua par-derrière, dans un angle qu'il croyait mort. Elle effectua un grand écart si rapidement qu'il crut un moment qu'elle s'était volatilisée. Son coup-de-poing brassa du vide, pas le balayage des pieds rotatifs de Delphine. Elle le faucha aux chevilles, se releva pendant qu'il chutait puis une énième fois fouetta l'air. Loth roula sur le sol pour éviter ce coup en première intention puis continua comme un bousier vu qu'elle s'acharnait.
Heureusement, Kindaichi vint à la rescousse et comme à son habitude, le Réplicateur érigea une barrière de fouets. Elle exécutait ses mouvements si rapidement que les lanières en devenaient floues. Mais Kindaichi ne se lassa pas compter.

- Blue Moon : technique de la danse au croissant lunaire.

Il zigzagua. C'est ce qu'aperçut Loth et c'est ce que fit Kindaichi. Mais simplement, il zigzagua à vitesse grand "V". Tellement que Loth pendant un court instant pensa apercevoir plusieurs répliques de Kindaichi et Delphine Dianka aussi apparemment puisqu'elle parut décontenancée. Il n'était pas sûr qu'il s'agissait d'une réelle technique ou d'un effet tape-à-l'œil de quelque chose de plus simple que ça, mais le résultat était là. Il réussit à traverser la barrière de fouet sans égratignure, dégaina et rengaina sa rapière dans le même mouvement.

- Blue Moon : Iai, émincé lunaire !

Il réapparut derrière elle pendant qu'une longue estafilade se dessinait en rouge sur la poitrine de la fille de Baby Doll. Du sang gicla par saccade puis elle s'écroula à genou.
Alors qu'elle semblait vaincue l'espace d'un instant, elle revint subitement à elle et fit un mouvement rapide en direction de Kindaichi trop occupé à ranger sa rapière dans son manteau. Elle lui lacéra le dos avec ce que Loth identifia plus tard comme étant un martinet aux lanières en acier. Delphine fit chanter un second martinet sorti de sa manche. Loth fut à niveau cette fois-ci et l'empêcha d'écrabouiller la tête d'un Kindaichi mal en point avec. Il dévia le coup en shoota dans le poignet droit de la dame ce qui lui fit lâcher l'arme.
Loth décocha une "Poigne du serpent spectral", rien de plus qu'un simple coup droit de ses doigts joints. Ils trouvèrent la gorge de Delphine Dianka et s'y enfoncèrent profondément. Pas de quoi faire couler le sang, mais assez pour lui broyer en partie la trachée. Elle émit un bruit saisissant, semblable à un barrissement d'éléphanteau, attrapa son cou et se mit à convulser sur place à la recherche d'une bouffée d'air. Loth choisit la clémence et joignit à nouveau ses doigts pour un second coup, un dernier qui la libérerait de cette souffrance.

Il se baissa prestement pensant administrer le coup fatal. Sur le moment, il ne sut pas ce qui s'était passé, il ne comprit pas pourquoi il se retrouvait à planer, ni pourquoi il s'écrasa lourdement contre le muret qui délimitait la rue. Il cracha du sang et se dit que le choc avait dû lui briser quelques côtes. Son attention fut attirée par la masse obèse qui essayait de venir en aide à Dianka.

- Alistair Rowling, murmura-t-il.

- Qu'est-ce que tu fais ? demanda Rommel assis en position du lotus.
Il ne semblait pas avoir une seule égratignure, juste des vêtements encore fumants.
Je ne suis pas intervenu, j'ai laissé à ses jeunes le soin de nous débarrasser d'elle parce qu'ils sont la nouvelle garde. Alors je te le redemande encore, Alistair-dono, que fais-tu ? insista-t-il d'une voix menaçante cette fois-ci.

- Ça se voit non ? Je sauve ma fille. C'est encore la seule chose que je puisse faire après avoir cherché à la tuer.
Sa voix était calme, sans réplique. Mais il tremblait, non de peur, mais à cause des innombrables blessures qui lézardaient sa peau.

- Je te connais depuis soixante-deux ans maintenant et je sais quand tu es décidé. Et tu connais aussi le sort que j'ai réservé à tous ceux qui nous ont trahis. Adieu Alistair, dit-il en se levant.

Du poing de vue de Loth, la scène sembla se dérouler au ralenti. Il vit Rommel se mettre sur ses jambes et foncer sur le père et la fille. Chemin faisant sa chevelure devint démentiellement grande. Elle bougeait comme des tentacules. Alistair prit sa fille (qui avait retrouvé entre-temps une respiration à minima) par le bras et la repoussa en arrière en lui hurlant de fuir de toutes ses jambes. Il se posa entre elle et Rommel qui approchait, semblant complètement démoniaque avec ses cheveux vivants et ondulants.
Il sembla qu'un court instant qui fut la clé de ce qui se décida ensuite, Delphine Dianka ne désira plus fuir. Voir son père mettre sa vie en jeu pour la sauver fit, peut-être momentanément, évanouir toute haine conditionnée de son cœur. Etait-ce donc réellement ça après lequel elle courait ? De l'amour paternel ? L'endoctrinement de sa mère était-il devenu caduque face à la preuve ultime d'amour ?
Dans tous les cas, ce fut elle qui le tira ensuite par le bras en lui demandant de fuir avec elle.
Trop tard, le Taureau Blanc était à leur hauteur. Il abattit sa chevelure modelée en une vingtaine de pics sur eux. Le paternel opposa son corps à cette attaque. La fille hurla à la vue de la pluie de sang que répandait son géniteur, transpercé de toutes parts par ces lames capillaires. Non loin de flancher, Alistair Rowling chargea son vieil ami, faisant fi de la douleur et le ceintura de ses bras dans une sorte d'étau.

- MAINTENANT ! vociféra-t-il. VA-T-EN MAINTENANT, JE NE POURRAI PAS LE RETENIR LONGTEMPS !
Je suis désolé pour tout, ajouta-t-il dans un murmure.

- Loth ! Empêche-la de s'enfuir !

Elle hésita un moment puis se retourna et prit ses jambes à son cou. Loth hésita aussi. Il ne l'avait pas fait deux minutes plus tôt, mais là, oui, il y avait de quoi hésiter. S'il voulait tout faire pour capturer le Réplicateur avant, ce n'était pas par un réel souci de justice pour ses victimes, mais pour l'empêcher de nuire à nouveau. Et là, il se demandait si après cette preuve d'amour de son père, elle continuerait encore à tuer s'il la laissait s'échapper.
Il ne tergiversa que quelques microsecondes qui lui semblèrent une éternité. Et puis merde, se dit-il, dans le doute, toujours trancher dans le vif. Elle était coupable de six meurtres avec préméditation et rien que pour ça, elle était passible d'une peine de mort. Loin de lui l'idée d'être un bras de la justice, il préféra voir son acte à venir comme un investissement sur le futur.
Même s'il se trompait à propos de Delphine Dianka, même s'il n'y avait plus la moindre chance de la voir commettre un meurtre, au moins se dit-il, il aura protégé le futur de cette menace. Sacrifier un pour en sauver des centaines d'autres.

Il fusa et rattrapa le Réplicateur qui ne cherchait plus qu'à fuir, sa garde totalement baissée. Loth dégaina son wakizashi et l'enfonça entre sa troisième et quatrième vertèbre cervicale, sectionnant d'un coup la moelle spinale.
La mort fut instantanée et sans douleur.
Alistair Rowling s'écroula quelques secondes après sa fille, mais ayant en réalité rendu l'âme avant elle.
Au moins se dit Loth qui s'écroulait à son tour, il n'aurait pas eu à voir ça.

Seul Liddel Rommel était debout sur ce champ de bataille où s'étaient affrontés non pas que des armes, mais aussi des idéologies. La neige de Boréa choisit cet instant précis pour tomber à gros follicules, pleurant ses enfants tombés sous le coup d'une vengeance aveugle, saluant les vainqueurs et recouvrant de blanc le sol cramoisi.
Il était temps d'aller de l'avant.


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Épilogue

« Les changements, même les plus souhaités, ont leur mélancolie. Car ce que nous laissons derrière, fait partie de nous-même. Faisons le deuil de sa vie passée, avant d'entrer dans la nouvelle. »

Anatole France



Loth se réveilla dans un lit bien douillet et bien chaud. Ses blessures à la tête avaient été pansées. Il essaya de s'asseoir, mais la douleur aiguë qu'il ressentit au niveau des côtes lui indiqua qu'il n'avait pas encore fini avec sa convalescence, elle allait être longue. Il chercha à tâtons sur sa table de chevet et attrapa ses lunettes qu'il mit sur son nez. Sa vision devint dès lors plus nette.

Il était dans une chambre de l'hôpital universitaire de Jalabert. Quelqu'un avait eu le mauvais goût d'accrocher des ballons de baudruche aux couleurs voyantes dans la chambre. Des fleurs, assez pour ouvrir une boutique décoraient un pan de la pièce. D'innombrables boites emballées dans du papier cadeau attendaient patiemment dans un coin de la pièce.
Était-ce Noël ? Aurait-il dormi douze mois durant ?

La porte de sa chambre s'ouvrit et laissa entrer celui qu'il voulait le plus voir, Liddel Rommel. Le vieil homme semblait avoir davantage vieilli depuis la dernière fois où il l'avait vu. Il semblait aussi las et fatigué.

- Ce sont les cadeaux de tes admirateurs, lui dit-il en indexant les boites et les ballons. La rumeur, je ne sais comment, a parcouru la ville à la vitesse de la lumière que tu avais tué le Réplicateur. Le tueur de tueur, ils t'appellent. Héhéhéhé, va falloir faire attention aux dames maintenant.

- Depuis combien de temps, suis-je là ? demanda-t-il insensible à tout ce qu'il avait dit.

- Tu as roupillé de 14h hier jusqu'à aujourd'hui. Il est 8h du matin. Tous les autres vont bien. Kindaichi est déjà sur pied et Mouri signe des autographes. Phrâne Thomson aussi se remettra du coup que tu lui as porté.

- Et Natasha Ursus ? Que va-t-il lui arriver ?

- Son cas est plus délicat, elle a blessé des marines, heureusement aucun n'en gardera de séquelles. Elle est entre les mains des Hérauts de l'aurore, ils seront cléments avec elle vu qu'elle est le seul parent qui reste à Loïc Derbyshire. Je tiens en mon nom propre et au nom de la marine à te remercier pour tous les risques que tu as pris pour résoudre cette enquête.

- Je n'ai pas fait grand chose, Kindaichi a fait la majeure partie du travail.

- Menteur ! Modeste ! clama Kindaichi qui fit son entrée.

Il semblait en forme même s'il marchait étrangement. Loth devina que des couches de pansements et de bandages sur ses blessures au dos devaient entraver ses mouvements.

- Vous partez déjà, Kindaichi-kun ?

- Oui, le repos m'appelle, mon île me manque. Loth, j'ai été ravi de travailler avec vous et impatient de recommencer, dit-il d'une manière pompeuse en lui tendant la main.

- Moi aussi, j'ai beaucoup appris en vous côtoyant, répondit-il en serrant volontiers sa main. J'espère bien qu'on aura d'autres occasions de bosser ensemble.

- Ce n'est qu'un au revoir dans ce cas. Si vous voulez me joindre, contactez notre ami commun, il sait où me trouver, dit-il en faisant référence à Dena'. Que la vérité soit avec vous.

Un silence s'installa suite à son départ. Avoir côtoyé des personnes si intelligentes et expérimentées lui avait énormément servi et lui serait utile dans le futur. Pas seulement les plus doués comme Kindaichi et Alistair Rowling, paix à son âme. Même Daisuké Mouri lui avait appris quelque chose, l'humilité. Il n'avait certes pas leur carrure à eux, mais il a su prouver par son instinct qu'il pouvait trouver une excellente piste. Sans lui, jamais la piste du club d'entraide ne lui serait venue à l'idée, jamais ils n'auraient pu sauver Phrâne de Natasha Ursus et jamais ils n'auraient pu trouver à temps Delphine Dianka.

- Que va-t-il se passer maintenant ? demanda Loth en brisant le silence.

- Pas grand chose. Les principaux protagonistes de cette affaire sont morts alors il ne reste plus qu'à faire le deuil. J'ai rendu ce matin à mes supérieurs la charge du commandement de la garnison de cette ville.

- Vous vous en allez ? Pourquoi ?

- Parce que je suis trop vieux pour ces trucs là, répondit-il en rigolant. J'avais déjà pris ma retraite une fois, il est temps d'y retourner et définitivement, cette fois.

- Alistair Rowling était votre ami. Je suis désolé.

- Pas autant que moi, pas autant que moi, Loth-kun.

- À quoi allez-vous consacrer votre retraite ? demanda-t-il pour changer de sujet.

- Aux fouilles archéologiques. J'ai déjà un ticket prêt pour Grand Line. Quelque part sur la troisième voie a été découverte une île qui pourrait abriter les ruines de la mythique cité de Oulan Lampur. Mes écrits sur les civilisations du VIe siècle m'ont valu une bourse pour participer aux fouilles, je suis tout content.

- Oulan Lampur. La légendaire cité où vit le jour Mashala Shao la dernière reine des Ants, murmura Loth qui se demandait quels trésors incroyables pouvait-elle receler.

- Un jour, nous ferons des fouilles ensemble, quand tu seras assez fort pour t'aventurer seul sur la route de tous les périls. En attendant, endurcis-toi et apprend, lui dit-il en se levant. Je vais citer Kindaichi-kun : ce n'est qu'un au revoir.

Ils se saluèrent et Rommel s'apprêta à franchir le seuil de la porte quand il se ravisa et fit demi-tour, l'air d'avoir oublié quelque chose.

- Où avais-je la tête ! Tiens, dit-il en lui tendant une enveloppe. La rémunération pour avoir prêté tes dons à la marine. C'est en bon du trésor mondial, tu peux l'encaisser dans n'importe quelle banque.

- Merci.

Il resta dans le lit pendant un temps indéterminé, rêvassant de tout et de rien, surtout de ses plans et projets à venir. Il devait voir Dena' pour envisager la suite des opérations, il y avait plus d'argent à se faire dans ce pays que ce qu'il y avait sur ce bon dont il n'avait pas encore daigné regarder le montant. De toute manière, les 80% étaient à Dena alors...
La porte s'ouvrit et Mouri entra l'air plus content que jamais.

- Ça va toi ?

- J'ai connu mieux, et vos blessures ?

- Ça va, ouais, dit-il en montrant son bras en écharpe comme un trophée de guerre. J'aurais une histoire à raconter à ma fille. Mon carrosse m'attend, alors tiens. C'est la carte de visite de l'Agence Mouri Contre le Crime. Si tu ressens le besoin de travailler un jour, ma porte te sera toujours ouverte, si t'es sur un coup que tu ne peux pas gérer tout seul, Dem sera dans le coin. N'oublie pas, je suis le meilleur.

- Ouais, c'est ça, pensa Loth amusé en le regardant s'éloigner sous les feux des journalistes qui avaient fait le déplacement.

Heureusement se dit-il, ces vautours l'avaient oublié.
La porte s'ouvrit encore et ses espoirs de voir Déna" furent déçus, c'est Phrâne Thomson qui entra.

- Je ne vous dérange pas, j'espère ?

- Non, non, entrez. J'adore papoter avec tous ceux que j'essaye de tuer à tort, satirisa-t-il.

- Huhuhu, vous pensiez bien faire.
Elle referma soigneusement la porte et s'en alla tirer les rideaux aux fenêtres de telle manière qu'ils se retrouvèrent dans le noir.

- C'est là où vous m'avouez que vous étiez complice de Delphine Dianka et que vous allez venger sa mort ? demanda-t-il toujours plaisantin.

- Huhuhu, j'étais complice de quelqu'un, oui. Mais pas d'un tueur. J'ai reçu l'ordre, au même titre que le sergent Phillipo Drake de garder un œil sur chaque membre du BBI. Nous avons surveillé vos faits et gestes grâce à un habile réseau de d'informateurs et de filatures. Nous avions pour mission de dégoter le moins à cheval sur les lois parmi vous. Nous vous avons vu vous entretenir dans le parc avec un individu et bien que nous ignorions ce que vous complotiez, il était évident que ce n'était pas pour une action caritative. Loth Reich, nous connaissons entre autre aussi vos liens avec le Gila.

- Sans cet homme et les infos qu'il nous a fournies, vous auriez été tuée à tort. Nous ne complotions rien du tout, je me méfiais juste de mes camarades du BBI, avec raison, mentit-il. Pourquoi cherchiez-vous quelqu'un de "moins à cheval" sur les lois ? Et qui vous envoie ?

- Il cherchait quelqu'un d'assez intelligent, discret et flexible pour accomplir un travail de la plus haute importance. Je reçois mes ordres de Maximilian Nordin lui-même. Il désire que vous lui enleviez Six épines des pieds.
Loth Reich, le roi de Boréa a du travail pour vous.



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