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Cent-onze pirates ?




- Le QG de West Blue ? Nan mais qu’est-ce qui tourne pas rond dans sa tête à ce dégénéré ?

Je suis bouche bée devant tant de bêtise. Cet abruti de Barry La Chope, qui pourrait sillonner les Blues à la recherche de proies faciles, décide de s’attaquer à un QG de la Marine. Sa justification ? Il y a le repaire de la B.N.A., donc beaucoup de pognon !

Oui monsieur, tout à fait, cet idiot veut attaquer le Quartier Général de West Blue parce qu’il y a des berries à voler chez les chasseurs de primes !

- Mais c’est précisément pour ça qu’il faut pas les attaquer !
- Eh, qu’est-ce que tu veux que j’y fasse moi, hein ? J’suis que l’cuistot !
- Mékiléconlecapitaine…
- Pas mes oignons. J’ai du taf, et t’es ici pour m’aider, alors va éplucher les patates !

Bordel de patates. Deux semaines que je suis dans l’équipage des Chopés, recruté sur le pouce à l’Archipel Vert, et voilà qu’on m’a filé le place d’éplucheur. Ou plutôt assistant du coq, mais bon, ça revient à éplucher les patates.

- Maudites patates…
- Grouille !

Pardon, vous dites ? Combien de bouches à nourrir ? Cent-onze ! Oui monsieur, tout à fait ! Sans me compter bien entendu hein, je ne compte que les « capturables ». Bah oui, c’est pas pour m’amuser que je me suis fait recruter hein, c’est pour toucher la prime de Barry et la gloire de la capture de son équipage entier ! Pas fou !

Enfin si, certainement un peu…

Quoi qu’il en soit, là, il y a un sacré changement de programme. Le souci ne va plus être de capturer tout ce merdier, mais de m’arranger pour que ça soit moi qui touche la prime. Parce que les chasseurs de prime de l’île, ainsi que toute la division de la Marine, ils vont pas faire de cadeau aux Chopés…

Putain de bordel de merde. Ah, que j’aime ce juron, tellement approprié !

Bon, du coup, moi j’épluche, j’épluche… Et je ronchonne.

- Mais comment il peut espérer avoir ne serait-ce qu’une seule minuscule chance de succès ?
- Eh, c’est Barry, avec ses pouvoirs du démon il est plus fort que n’importe qui !
- Ohé, debout, on parle d’un QG de la Marine là, ainsi que du repère des plus grands chasseurs de primes des Blues !
- Et ? T’es un stratège peut-être ?

Raaa mais il y a pas besoin d’être stratège pour voir ça !

- Si t’es pas content, t’as qu’à aller en parler au capitaine…
- Genre je peux l’approcher, quoi…
- Ah bah ça, pas dit que tu finiras pas pendu par les tripes hein.

Ouais, je préfère encore les patates.

Eh mais… c’est que ça sent vachement bon ce qu’il est en train de faire là !

- Mmmm tu prépares quoi de bon ?

Ce qu’il y a de bien avec cet équipage, c’est le cuisinier. Un vrai chef, juré ! Un pro des pros, j’adore sa bouffe.

- Tripes et patates !



Bon… Moi faut que je trouve un moyen de récupérer ma prime sans me la faire chourer par les autres zigotos de l’île. J’ai encore un peu de temps y paraît, on est encore loin au large de notre cible.

Super.

Un miracle s’iou plaît ?


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Un miracle ? Et puis quoi encore ?

Une semaine qu’on est en mer, une semaine que j’ai aucune foutue idée de comment je vais pouvoir procéder pour résoudre mon problème. Et ça, c’est moche.

Et vous savez ce qui est le plus moche dans tout ça ? C’est que le QG de West Blue est en vue, et que Barry a sonné le branle-bas de combat.

Et merde.

Le capitaine ordonne de hisser le drapeau noir, pour bien montrer qu’il est là. Son idée, il l’exprime haut et fort : ça va leur donner tellement la frousse qu’ils vont se rendre.

Mon dieu mon dieu mon dieu… Comment on peut être aussi loin de la réalité ?

Au QG, la réaction est immédiate. Dès le pavillon pirate bien en vue, cinq navires quittent le port, cinq bâtiments de la Marine, lourdement armés, dont le seul but est de couler l’embarcation de Barry avant même qu’il puisse faire feu. Et là, une idée me traverse l’esprit. Un « sauve qui peut » assez représentatif de la situation.

L’équation est simple : le QG contre cent onze pirates. Aucune chance bien évidemment pour le pauvre équipage. Mais un détail me chagrine pas mal, je dois l’avouer : je suis à bord du navire qui ne va pas tarder à rejoindre les abysses de West Blue. Je suis sur ce bateau, et je n’ai pas le moyen de prévenir la Marine d’éviter de me tuer. Premièrement parce qu’ils sont trop loin, et deuxièmement parce que je me ferais étriper par Barry. Et ça, j’en suis pas particulièrement fan.

Les prochaines minutes, je les vois comme ça : soit je me prends un boulet sur le coin de la gueule et je meurs sur le coup, soit je fais du slalom, j’ai du bol, et je coule avec le navire. Avec un peu de chance, j’évite de le suivre dans les profondeurs de la mer, et je flotte. Et là j’me fais tirer par la Marine, qui veulent pas s’encombrer avec des prisonniers.

Bon, c’est quand même pas super bien parti comme aventure.

Et là, solution, juste devant mes yeux. Barry donne des ordres :

- Amenez-moi le Den Den ! Je vais leur proposer de se rendre, magnanime que je suis !

Un escargophone ! Mais évidemment ! Quel abruti je fais… Je fonce à la cale, passant inaperçu auprès des membres de l’équipage, trop occupés à idolâtrer l’immense grandeur de leur idiot de capitaine.

Mais bordeeeel, où est-ce que j’ai foutu ça ? Une semaine en mer, et c’est le bazar pas possible dans les affaires. Je retourne tout, mets les réserves sans dessus dessous, et tombe enfin sur mon graal : mon bel escargophone, acheté ici même à West Blue, quelques semaines auparavant.

Sur son ventre, un numéro inscrit, celui du standard de la B.N.A., à contacter en cas d’urgence. Bein mon vieux, si ça c’est pas une urgence…

Pulupulupulu… Pulupulupulu…
- Ouiiii ?
- Oui allô, bonjour, ici Bartimeus, j’ai un problème, j…
- Oh attendez une seconde, j’vous cherche dans les registres, mmm ? Alors…
- Non mais c’est une urgence, je suis à b…
- Prenez pas ce ton là avec moi mon bon monsieur, attendez je vous prie, ne quittez pas.

Clic.

Une petite musique de fond met l’ambiance pour me faire patienter. Numéro d’urgence hein, bah y peuvent me laisser tout le temps de crever ! Au-dessus de moi, ça commence à s’agiter, on sent l’hésitation à la barre, le capitaine ne sachant pas trop à quel bord faire face.

Clic.

- Oui monsieur, vous m’avez bien dit Bartolomew ? Parce que je ne vous trouve pas…
- Mais non, Bartimeus !
- Ah ! Attendez je reviens.

Clic.

Tata talala ta-ta-ta, tata talala ta-ta-ta, ta-ta-ta, ta-ta-ta tatataaa tataaaaaa.

Musique de… raaaaaa !

Clic.

- Désolé monsieur, je ne trouve aucun Bartimeus. Je vais devoir raccrocher, passez une bonne…
- Non attendez ! Euh… Bartimeus Lew U. Ether ! Chez à… Oh et puis merde, cherchez Blue ! B.L.U.E ! Blue !
- Ne me faites pas perdre mon temps monsieur avec d’autres noms…
- Non non, cherchez, ce sont les initiales de mon nom, tout le monde m’appelle comme ça, je vous en prie !
- Bon, c’est bien parce que c’est vous…

Clic.

Tata talala ta-ta-ta, tata talala ta-ta-ta, ta-ta-ta, ta-ta-ta tatataaa tataaaaaa.



Clic.

- Ah oui, j’ai bien un Blue dans le registre. Effectivement, membre de la B.N.A. depuis quelques semaines, membre premium même ! Je vous écoute, dites-moi ce qui vous arrive.
- Il y a un navire pirate en vue du QG de West Blue, la Marine vient d’y envoyer cinq bâtiments de guerre pour le couler, et…
- Non mais je sais, ça, c’est l’événement ici ! Comment des abrutis pareils peuvent faire ça, franchement… On trouve ça hallucinant ici, pas vous ?
- Si ! Evidemment ! Et je disais, moi je suis à l’int…
- Alors monsieur, pourquoi me dites-vous quelque chose que je sais, vous savez les canulars sont mal vus, et moi je n’ai pas de temps à perdre avec ça, alors venez-en au fait !
- Mais je vous résume la situation pour vous expliquer mon problème !
- Venez-en au fait, monsieur !
- Je suis dans ce navire pirate !
- Pardon, j’ai dû mal entendre, les canons viennent de tirer ici, ça a mangé vos mots !
- Je suis d…

Les canons ?

Fiiiiiiiiiiiiiuuuuuuuuuuuuu BAOUM

BAM BAM BAM


Le navire tremble, des éclats de bois volent, mon escargophone en reçoit un et s’éteint sur le coup. Je lui aurais bien fait une petite cérémonie, mais j’ai pas spécialement le temps là. La Marine a ouvert le feu, et moi je suis au milieu du massacre. Le feu à volonté a été décrété immédiatement, sans sommation, sans tirs de visée. La cible est tellement simple à avoir…

D’après les bruits, je dirais que les cinq navires sont tout autour du bâtiment de Barry, et qu’on est vraiment dans la merde.

BAM

Un tir explose la coque, juste à côté de moi. Le choc m’assourdit un temps, mais ça n’est pas vraiment le problème. Je suis seul, dans la cale, empêtré dans des morceaux de bois, et l’eau rentre à gros débit par l’ouverture tout juste créée. Je suis trempé, mes pistolets et ma poudre sont noyés.

Même si je suis très mal parti pour survivre à un pareil bazar, je garde toujours une même idée en tête : capturer Barry. Alors je me saisis de mon couteau à dépecer et je grimpe quatre à quatre les marches pour rejoindre le pont.

Là, j’assiste à un spectacle de dévastation. Le bois vole, brûle, la fumée est partout, les boulets déchiquètent tout, sans laisser à personne une seule chance. Au bout de la proue, je vois Barry qui s’efforce de se protéger à l’aide de son fruit du démon. Il envoie des parties de son corps dans tous les sens pour se prémunir des dégâts, arrêtant les boulets comme les débris.

Fruit du démon…

Là, une idée s’impose à mon esprit, une idée vachement osée, mais la meilleur – enfin, la seule – qui me vienne à l’esprit.

Armé de ma lame, je traverse le pont à vive allure, me débarrassant à coups secs des pirates qui courent en pleine pagaille, sautant d’un corps à l’autre. Mon but : atteindre Barry avant qu’il ne se fasse tuer.

Arrivé à sa hauteur, j’accélère encore, conscient que mon élan sera ma seule chance de réussir. Mais, là, il se retourne et, me voyant foncer sur lui une arme à la main, me lance un regard noir. Instinctivement, je lui crie :

- Attention Barry !

Mon doigt pointe le vide, derrière lui, dans le but fictif de le prévenir d’un danger. Et cela fonctionne à merveille. Comme pour me donner raison, un boulet traverse l’écran de fumée qui englobe le navire et le capitaine utilise son pouvoir pour s’en protéger.

Et moi, à cet instant, j’arrive sur lui. De tout mon poids, de toute ma force, je le bouscule pour qu’on chute tous deux à la mer, sans lui laisser la possibilité de se ressaisir. Pour lui, dans l’instant, je ne suis pas une menace  car je viens de le prévenir d’un danger. Alors il ne réagit pas assez vite.

Et notre duo tombe à l’eau. Là, un doute s’installe en moi, quelque chose d’idiot mais de bien réel à mon esprit : et si je m’étais trompé ? Et si la mer ne faisait pas son effet sur ses pouvoirs ?

Heureusement, je suis rapidement rappelé à l’ordre par la réalité de la situation. Comme je m’y attendais dans un premier temps, le corps de Barry devient inerte, ses yeux révulsés, et il demeure incapable de se mouvoir. Il est lourd et je peine à le maintenir à la surface, l’empêchant de couler à pic.

Dans des mouvements saccadés, je nous mène à un gros débris flottant, évitant les explosions qui nous entourent. Je crois que c’est le moment de ma vie où j’aurais eu le plus de chance. Une fois amarré à ce morceau d’épave, je fais tout mon possible pour que nous nous éloignions du navire en ruine toujours sous le feu nourri de la Marine. Barry est toujours dans l’eau, pour l’empêcher d’utiliser ses pouvoirs.

Alors je nage, encore et toujours, vers l’un des bâtiments de guerre le plus proche. Dans ma poche, j’arrive à mettre la main sur une affiche du capitaine, trempée mais encore utilisable. Les soldats nous ont certainement vus venir vers eux, et j’aimerais vraiment qu’ils ne nous canardent pas. Alors j’agite l’affiche le plus haut possible, espérant qu’ils comprendront.

Plus nous nous rapprochons, plus je sens le regard oppressant des yeux à travers les viseurs de leurs fusils, pointés directement vers nous. Le navire en question ne tire presque plus sur l’embarcation déjà presque détruite, laissant aux quatre autres le soin de s’en charger. Tout l’équipage est maintenant dédié à notre arrivée. Alliés ? Ennemis ? L’un pousse, l’autre semble mal en point. Il y a un type qui agite une affiche, une prime certainement. Qui est-ce ?

J’aperçois le commandant, armée d’une longue vue, qui sursaute lorsqu’il comprend enfin la situation. Ses hommes nous tiennent encore en joue, et je n’apprécie pas particulièrement cela. J’ai dans les mains une prime de 30 millions de berries, et l’officier pourrait très bien me la chourer.

On me jette une échelle de corde.

- Eh là-haut, c’est Barry La Chope que j’ai en bas, un utilisateur d’un fruit du démon ! J’ai pas envie de le sortir de l’eau comme ça !

J’entends le Commandant grommeler et fouiller dans sa cabine, puis revenir et me balancer une paire de menottes.

- Essayez-ça, ça devrait l’empêcher de nuire.

Du… granit marin ? Sérieusement ? La première fois que j’en ai entre mes mains ! Effectivement, que ça marche ! J’entrave mon prisonnier et le hisse sur le pont du navire, le portant tant bien que mal sur mes épaules. Arrivé en haut, je m’adresse à l’officier, tout inquiet que je suis.

- Chasseur de prime, Bartimeus Law U. Ether, plus connu – malheureusement – sous le nom de Blue. Voici Barry La Chope, Commandant.

Je balaie l’équipage du regard, attirant tous les yeux vers moi.

- Sa prime est à hauteur de 30 millions de berries.

Je marque une pause, laissant la somme faire son effet. Autant jouer cartes sur table…

- Je sais que la situation serait propice à ce que vous me balanciez à l’eau et récupériez la prime. Mais, Commandant…

Et je le fixe droit dans les yeux.

- Vous avez ici des centaines de témoins, tout votre équipage.

Je le sens osciller, mais je sais également que l’importante somme commence à lui faire tourner la tête.

- Et j’ai appelé la B.N.A. lorsque j’étais à bord du navire de Barry, je leur ai expliqué mon plan. Ils savent que je suis ici, avec Barry.

Pas le choix, faut bluffer.

- Commandant ?
- Mmm… Hissez les voiles, on rentre, notre cher Chasseur de Primes a un prisonnier à livrer !

Et il vient à mon oreille, me chuchoter :

- Vous avez une très mauvaise estime de la Marine, Blue. Très mauvaise.
- On n’est jamais trop prudent.
- Nous ne sommes pas des chasseurs de primes. Nous sommes des militaires. Nous avons un code de l’honneur, nous.
- Même pour trente millions ?
- Pour moi, la somme m’est égale… Mais…
- Mais ?
- J’avoue que certaines personnes se laisseraient tenter. Mais elles n’ont pas leur place dans la Marine.
- Pourtant elles y demeurent.
- Pourtant elles y demeurent. Et je le déplore.
- Merci Commandant.



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Notre navire est le premier à faire voile pour rentrer au port, pendant que les autres terminent leur travail. Le bateau pirate de Barry s’engouffre lentement, inlassablement, dans les eaux claires de West Blue, laissant à la surface un amoncellement de débris qui tendent à s’éparpiller au gré des courants. Certains corps coulent, d’autres flottent, mais aucun de bouge de son propre chef.

Nous débarquons assez promptement, direction la prison du QG, sous les yeux d’une foule heureuse d’avoir pu assister à pareil spectacle. Le Commandant est acclamé pendant que je peine à pousser mon prisonnier qui tente tant bien que mal de se défaire de ces horribles menottes. Essaie toujours mon grand, t’es fini.

Bon, si je n’ai pas les honneurs de la foule, au moins je suis assuré d’avoir mon fric, et c’est tout ce qui compte pour moi.

Je peux enfin laisser ma prime sur pattes aux geôliers, pour aller récupérer cet argent tant mérité.

- Ah, bien le bonjour, on vous attendait !

Au QG de West Blue, il y a un lieu avec une dizaine de guichets, totalement dédié à la remise des primes. C’est que la B.N.A. a vachement de boulot dans le coin… Le Commandant m’a accompagné jusqu’ici et continue à me tenir compagnie.

- Blue, c’est bien ça ! Heureux de vous revoir, rude mission n’est-ce pas ? Voici votre prime, 9 millions, tout rond !
- Hein ? Pardon ? Eh eh eh c’est quoi c’délire, Barry c’était 30 millions hein !

J’ai vraiment le sentiment de me faire arnaquer. Et, alors que le type du guichet tend une énorme bourse au Commandant, il m’explique :

- Bah, vous vous attendiez à quoi ? Je vous fais le décompte : la Marine a utilisé énormément de moyens pour couler ce navire et vous permettre de réaliser cette capture, un sixième de la prime va donc directement dans nos caisses pour nous rembourser. Il reste donc 25 millions.

C’est une blague ?

- Ensuite, le Commandant a fait un travail remarquable en vous fournissant le matériel nécessaire à la garde du prisonnier, je parle notamment des menottes en granit marin. Je vous rappelle bien aimablement que sans cette action, ainsi que le sauvetage effectué en pleine mer, vous n’auriez pas réussi. Il touche donc la moitié de la prime initiale, soit 15 millions, ce qui laisse 10 millions de berries pour vous.

Un coup monté…

- Et enfin, je vous rappelle que vous êtes membre premium de la B.N.A., vous donnant accès à d’incroyables ressources, que vous payez à hauteur de 10% de chacune de vos primes. Nous avons donc 1 million qui va directement dans les caisses de la B.N.A., vous laissant 9 millions de berries.

Une ignominie…

- Et ce n’est pas contestable. Passez une bonne journée !

Je reste bouche bée devant le guichet. Du coin de l’œil, je vois le Commandant qui esquisse une moue d’excuse dans ma direction, quelque chose du genre « je vous l’avais bien dit ».

Atterré par la faible part que j’ai reçue, je suis machinalement l’officier au dehors de ce lieu que j’estime maudit. Il avance, mine de rien, et se décide enfin à me parler alors que nous marchons nonchalamment vers la caserne principale.

- Blue, sachez bien que je n’ai pas demandé expressément cela… Bien évidemment je m’en satisfais, cela va de soi. Mais il faut que vous sachiez que les règles sont telles qu’elles sont, et tendent à favoriser les officiers de la Marine. Une sorte de motivation.
- Ouais, bein ça fait pas mal d’années que j’ai ce sentiment, et que ça va pas mieux avec le temps.
- Pourquoi êtes-vous chasseur de primes, Blue ?
- Le fric, le pognon, l’argent, les berries. Et, dans un second temps, débarrasser les mers des crapules comme Barry. Une sorte de vengeance personnelle sur mon enfance. Mais j’peux pas faire ça sans argent, donc il m’en faut. Et là, je viens de me faire sucrer deux tiers de la prime.
- Si vous voulez mettre des pirates en prison, et gagner correctement votre vie, je vous conseille plutôt la Marine… Vous avez vu les règles, telles qu’elles sont établies ? Elles favorisent les officiers, et plus leur grade est élevé, plus ils sont favorisés.
- Moi, soldat ? Vous m’avez vu ? Vous avez vu mon âge ? Vous me voyez matelot, récurer les chiottes ?
- Ne soyez pas si pessimiste, voyons. Avec une formation suffisante, vous pourriez prétendre à un grade, dans les officiers subalternes par exemple. Une paye stable, et des responsabilités.
- Mouais… J’suis pas spécialement convaincu…
- Prenez-ça…

Il me tend une brochure complète de la Marine, sortie de sous son grand veston blanc.

- Vous savez, à plus haut grade encore, vous pourrez alternativement vous poser dans une base et aller voguer sur les mers, à votre bon plaisir… C’est un train de vie très agréable, à condition que parfois vous soyez prêt à tout risquer pour l’ordre et la justice.
- Je vais lire ça…
- Voulez-vous que nous en reparlions ?
- Peut-être bien oui… Où, ici ?
- Par exemple, oui, demain ?

Demain c’est parfait… ça va me laisser la soirée pour lire tout ça, réfléchir, me projeter… Il me propose là un beau choix de carrière que je n’avais même pas eu l’idée d’imaginer auparavant. A creuser, donc.

Ouh, je sens que je ne vais pas dormir !


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Rejoindre la Marine… Depuis que j’ai pris ce nom, Bartimeus, mon unique objectif a toujours été de poursuivre ceux qui font du tort aux populations. Rapidement, j’ai compris que certains objectifs ne peuvent être remplis qu’en ayant les moyens financiers suffisants. Alors, par souci de facilité, je me suis naturellement tourné vers les primes officielles du gouvernement.

Une méthode simple, qui me permet de vivre plus qu’honorablement, tout en réalisant mon objectif de toujours.

Mais, au fur et à mesure que le temps passe, je me rends compte de mes capacités à aller à l’encontre de vermines encore plus puissantes. Et ce sont ces personnes que je désire arrêter dans leur course. Mais avec les moyens dont je dispose actuellement, je me retrouve souvent limité.

Alors me voilà assis bêtement sur le lit d’une chambre louée pour la nuit dans une taverne. Oh, mon train de vie est très correct oui, je dispose d’un confort admirable. Mais j’y ai pris goût, et plus les années passent, plus je pense à après. Je ne compte pas mourir à l’œuvre, et j’espère bien me reposer un jour, profitant de tout ce que j’ai acquis dans ma vie. Mais avec ce que j’ai pour le moment, je n’ai pas de quoi m’assurer une retraite convenable. Pas avec le confort que j’apprécie en ce moment.

Et j’estime ne rien avoir accompli d’assez durable.

Parce que malheureusement, arrêter les pirates c’est bien, mais d’autres arrivent. Au final, quelle sera mon empreinte dans ce monde ? Rien. D’autres viendront.

Alors, je sais qu’il faut que je trouve une autre direction à prendre. Et voilà qu’on m’en propose une, laborieuse, certes, mais pas moins intéressante. Une opportunité d’évoluer, de me pousser vers le haut en réalisant petit à petit mes objectifs. Une manière de mettre de côté ce qu’il me faudra plus tard. Une manière de servir l’ordre et la loi de la meilleure façon qui soit.

M’engager ? J’y songe maintenant plus qu’auparavant. Il faut dire que la Marine m’a toujours plus ou moins fasciné.

Bref, j’y pense, je me retourne les méninges, j’y réfléchis. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère, et je suis indécis. Indécis parce que j’ai peur de faire une erreur, indécis parce que, vu mon âge, je ne sais pas si j’aurai le temps de gravir les échelons assez vite pour réaliser ce que je veux réaliser.

Indécis parce je doute. Et parce que, encore une fois, j’ai peur. Certains y verraient une honte, mais ma maturité et mon expérience me permettent d’apprécier ce sentiment de peur dans son intégralité, de le comprendre, de l’utiliser comme il se doit.

Ceux qui disent ne pas avoir peur de leurs choix sont des inconscients. Ils ont peur d’avoir peur. Alors ils se jettent sur des solutions faciles.

Alors bien sûr, il ne faut pas pousser cette situation à son paroxysme. Il ne faut pas, rester là, sur son propre lit, à ne rien faire d’autre que de penser, éternellement. Il n’est pas bon de remuer ses idées, ses sentiments, ces peurs dans ta tête. Il n’est pas bon de les faire tourner sans cesse. Et pourtant…

Et pourtant, elles tournent. Toutes ces idées, toutes ces pensées, elles tournent, s’entrechoquent, se contredisent dans mon esprit. La Marine, bonne ou mauvaise idée ? Faire le grand saut ? Attendre ? Combien de temps ? Et si plus tard était trop tard ? Et si maintenant était déjà trop tard ?

Tant de questions existentielles… Qui suis-je ? Facile. Où vais-je ? Je ne vais pas tarder à le savoir. Pourquoi-je ? Là est la question.

Mais, peu à peu, la fatigue prend le dessus et le sommeil l’emporte sur mes tourments.

Et je me retrouve, le regard vide en direction d’une fenêtre illuminée par la douceur du soleil matinal, peinant à me réveiller. Le cerveau engourdi d’avoir trop réfléchis, le dos douloureux d’avoir dormi de travers dans un lit moyen, je me prépare tranquillement pour aller à mon rendez-vous.

Le Commandant rencontré la veille m’a proposé de parler en sa compagnie, je ne vais pas refuser. Je me pose trop de question pour rejeter une pareille offre, ce serait idiot.

Alors je me dirige vers la caserne. J’ai l’impression d’y aller doucement, calmement, mais je sais mon pas rapide, hâtif, pressé d’en savoir plus.

Et je ne peux pas m’en blâmer… Une décision comme ça, je ne pourrai pas la prendre à la légère.

Marine ou pas Marine ?


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