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Cadeau qui fâche... ou pas ?

La Vague Morue, notre bâteau, a surfé sur l'eau encore un long moment depuis le dernier accrochage avec un vaisseau de la Marine. Enfin, tout est relatif, hein. Long car moi et Eugène, on était surtout impatients d'apercevoir ne serait-ce qu'une côte, un rocher, un caillou... voire même, pourquoi pas un simple nénuphar de pacotille pointer le bout de son nez. En tout cas, quelque chose qui nous ferait penser qu'on approche d'une zone piétonne. Et tant qu'à faire, de la civilisation.

Bah, ça a fini par payer. Ouf ! Une terre en vue s'est manifestée, alors on a décidé de s'y rendre sur-le-champ. Forces de sécurité ou pas dans les parages, je dois avouer que je m'en suis calé profond à cet instant. J'étais bien trop heureux de pouvoir accoster dans n'importe quel port.
Et comme dirait l'autre, tout est bon dans le cochon ! Cymbale ? Mouais bof.

Sauf que, le retour à la réalité, ne nous lâchant pas d'une semelle, a eu tôt fait de nous souffler dans la rétine. Dès qu'on s'est retrouvé dans le champ des premiers autochtones. Ils se sont bientôt mis à gueuler, à paniquer, à courir dans tous les sens après avoir vu notre logo pirate -qu'on doit changer d'ailleurs-, et appeler leur club des gros bras ?

_ T'inquiète pas, Eugène. Je vais les apprivoiser rapidos !

À tel point que même la Félindra de mon cirque d'antan, qui a essentiellement pour habitude de dresser un groupe de tigrous dans une arène, peut se remettre en question, et se méfier de la concurrence que, moi aussi, je suis capable d'offrir à mon public.

Je fais donc confiance à mon masseur-pilote, en ce qui concerne les manoeuvres à réaliser. Et puis, il a intérêt à ne pas se louper non plus ! Sinon, je lui réserve également une série de baffes dont j'ai le secret. Mais il s'en sort bien, le coquinou. C'est sûr, s'il y avait eu des lignes de marquage au sol, ça aurait été plus pratique... mais il se débrouille très bien avec le système D, donc bon.

_ Kamik'Ass ! Annoncé-je tout à coup, en revanche.

Wouhou ! Il y a encore pas mal de dizaines de mètres qui séparent mes miches de la terre ferme. Mais vu ce que je réserve à mes fans, j'ai bien fait de me prévoir un sérieux élan d'abord.

Pourquoi ? Parce que quand mon coccyx va s'encastrer à leurs pieds, ça va provoquer un sacré tsunami alentour. La secousse sera tellement énorme et violente, que toute la foule va déguerpir "façon rembobinage de cassettes de film".
Sur ce, quand l'impact retentit... patatra ! Mon ring est rapidement balayé et déchiré de part en part. Quelques cabanes de pêcheurs, des étalages de marchandises, et autres premières maisonnettes proches et rudimentaires s'effondrent. Et pour les plus résistantes, ça craque.

À la fin de mon petit numéro aux graves conséquences, je sors doucement de mon cratère. Pas facile, en fait. Deux cent cinquante kilos qui plongent à toute vitesse, et de hauteur assez vertigineuse, ça fait méchamment mal. Pour les abords de la ville, primo. Mais aussi, deuzio, je crois bien que même une gentille petite main au panier réussirait quand même à me faire hurler de douleur... à part bien sûr, si c'est Eugène qui s'y colle.
Quoique... beurk ! Je ne préfère pas imaginer la scène. Ce serait un coup à me refiler une migraine pour rien ensuite.
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Eugène me rejoint un peu plus tard, et contemple mon trou. Ahem, celui imprimé dans le pavé, hein... on est bien d'accord ! Cependant, il ne me complimente pas et s'éloigne une minute après, silencieux.

_ T'as pensé à amarrer le navire, rassure-moi ? Demandé-je avant qu'il file trop loin.

_ Oui maman, raille-t-il, d'une voix monocorde.

J'aurais pu me retourner, je sais. Notre embarcation est juste stationnée derrière. Mais c'est histoire de prendre sa température, vu la moue qu'il esquisse. Euh... là encore, façon de parler, bien entendu !
Il doit couver un mini je-ne-sais-quoi visiblement. Peut-être un symptôme de vexation, j'aurais tendance à pencher. Promis ! La prochaine fois, je lui glisse une connotation sexuelle sur les bittes d'amarrage... ce sera beaucoup plus accrocheur pour obtenir son attention.

La ville est sympathique sinon. Au premier plan, des petites boutiques en tout genre, notamment. Mais par contre, question ambiance, je ne vous cache pas que ça vivait sans doute mieux avant notre arrivée en fanfare. Quant aux habitants, les premiers lésés du moins, ont depuis arrêté de m'insulter. Ceux qui ont survécu ou qui ont encore un semblant de cervelle qui fonctionne, dira-t-on. Alors qu'au contraire, les autres, eux, dorment toujours étalés ici ou là sur le pavé, recroquevillés, appuyés sur des murs, etc.

Désolé pour les dommages collatéraux, de plus. Des débris en veux-tu en voilà qui se font propulser à-tout-va, ça n'a vraiment pas pardonné certains. Quelques-uns saignent, d'autres tentent de se soigner. Je suppose qu'ils doivent aussi balancer des saloperies verbales sur mon dos. Mais ils ont l'air de faire ça comme des pros, car je ne capte rien. Ou c'est peut-être parce que je m'en tamponne le coquillard.

Ah oui ! Et il est où, au fait, ce club de gros bras de tout à l'heure ? Il a déjà succombé avec les plus faibles ? Bon d'accord, j'ai pas dû bien les admirer, et si ça tombe, c'était juste des types modérément baraqués, avec des armes toutes "quées-ni". Mouarf !
Quoi qu'il en soit, le ton est donné. Celui qui ose traverser mon ravin improvisé afin de venir reluquer La Vague Morue... ou pire, subtiliser des objets de valeur ! Il aura affaire à mes féroces bourrelets. Graou graou !

Sur ce, plusieurs rues plus loin, la joie de vivre n'a pas perdu de son éclat. À croire que si ma secousse sismique les a tout de même ébranlés aux orteils, ils se sont fait une raison depuis. Ou alors ils sont persuadés que c'est simplement un malheureux accident du travail, une collision ou autre truc du genre. Même pas de flics à l'horizon, pfff.

Ma foi, tant mieux. Je ne vais donc pas me plaindre. À condition bien sûr que ces curieux cessent de dévisager mon super string rose, à l'origine prévu pour femelle. D'ailleurs, ça me donne aussitôt l'envie pressante de débouler dans le premier magasin de fringues qui se présente à moi.
Manque de bol, c'était aussi à parier... le vendeur ne possède pas ma taille en stock, mais peut la commander. Sous quinze jours. Pfff, tu peux rêver alors !

_ De toute façon, j'ai pas assez sur moi ! Lui ai-je aboyé à la gueule aussitôt, style bobard du mec pas affecté après un refus.

Un mélange de sueur et de salive, du haut de mes deux mètres vingt, c'en est presque cauchemardesque. Il a donc bien flippé sa race.

De nouveau à l'extérieur, je retourne du côté du port. Il y a bien un audacieux qui saura répondre favorablement à ma requête, je suppose. Il suffit de mettre l'argent sur la table direct, et le tour est joué. Rien de tel qu'une belle mise en bouche convaincante pour remuer tous ces ouvriers. Ils ont beau être encore traumatisés par mon récent accueil on-ne peut-plus chaleureux, je suis sûr qu'une fois le palpable éblouissant reçu de bon coeur en pleine figure, ils changeront vite d'avis.
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Petit, petit, petit...

En terrain ennemi sur les quais, ma démarche de pingouin lourdingue et baveux fait bien dans le décor. C'est impressionnant comme un seul homme peut obliger de force d'autres gens à déglutir et frissonner. Le tout, d'un accord tacite quand même. 'tention, ça ne rigole plus !

Une fois quasiment agglutiné au chevet du moins couillu de la bande, je me cambre pour bien l'avoir en face des yeux. Remarque, j'aurais sinon pu penser à mimer une bouche qui parle avec ma mise en plis au niveau de la bedaine, hein. Laule !

_ Salut les mecs !

Oups ! En voulant également leur faire coucou avec la main levée, mon aisselle a pissé des trombes de transpiration sur leurs chaussures.
Tu sens alors déjà la trogne qu'ils se gardent bien de tirer, de peur que ça rajoute encore plus d'huile sur le feu.

_ Vous voyez mon bijou là-bas ? Reprends-je en désignant la bête à l'opposé, de mon autre main. J'y tiens à la prunelle de mes yeux, ça va sans dire. Mais il est sérieusement endommagé... et ça, c'est ballot. Que diriez-vous alors de me rafistoler tout ça ?

Mon sourire s'élargit à l'extrême. J'espère que je n'exagère pas trop. Pourtant, je suis tout ce qu'il y a de plus sincère.

_ Oh ! Et puis si j'connaissais le con qui a osé signer avec le mauvais symbole à tête de mort, sur la grande voile... grrr ! Je ne sais pas ce qui me retient de vous casser la tête... juste parce que j'ai trop besoin de me défouler, héhéhé !

Là, je crois bien qu'on ne peut pas exhiber pire tronche d'enterrement que les leurs. Encore un peu et ils pourraient même juste mourir ici, sur place, dans la seconde, tout ça parce que leur sang se serait glacé d'un coup.

Je suis d'ailleurs obligé d'agiter une main devant le regard zombifié de mon interlocuteur. Et puisqu'il ne bronche pas face à ce geste, ma grosse paluche s'empare illico de son visage. Au niveau des joues, c'est rigolo. Ça lui donne maintenant une bouche en cul-de-poule.
Puis, comme je compte pousser le bouchon encore plus loin, je tourne ensuite la tête de mon ôtage vers ses potes. Une petite improvisation s'impose.

_ Vous avez tous vu pareil que moi, hein ? Il essaie de dire oui, n'est-ce pas ?

En effet, pris au piège de cette façon, le mec ne peut quasiment prononcer qu'un oui. Car à l'inverse, le non lui demanderait plus de boulot... déjà rien que sa langue a du mal à se libérer.

Au pire, au cas où il y aurait besoin de viser vers une meilleure longueur d'ondes, la tête de l'ouvrier ne tarde pas à danser de haut en bas... même si, on s'en doute déjà, c'est moi qui l'aide un peu beaucoup.

_ Alors, adjugé ! Conclus-je.
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Voilà. Les quichons m'ont emboîté le pas ensuite, sans moufeter de quelconque remontrance. À la queue-leu-leu, ou tout comme, je les ai ainsi menés docilement jusqu'à ma petite caravelle d'amour. Et une fois devant l'imposant véhicule défoncé, quelques vagues gesticulations des bras ont suffi pour leur expliquer quoi faire.

_ Je compte sur vous, les amis ! Leur fais-je, d'un air jovial.

Non, je déconne. En fait, dès qu'ils auront réglé ma commande, ils seront très facilement formatés de ma mémoire. Mais pour le moment, chut, hein !

Bref, au début je les surveille donc faire leur boulot. Mais prendre racine à les regarder, ça m'agace assez vite. De plus, je crois aussi que ça doit les décontenancer un peu, lorsque quelqu'un d'imposant comme moi joue au gendarme par-dessus leur épaule. Ils sont déjà pas mal stressés comme ça, les pauvres petites fiottes !
Du coup, je les préviens que j'ai besoin de m'absenter. Mais bien entendu, dès mon retour, ils auront intérêt à avoir bien avancé. Sinon, panpan-cucul !

Et de toute façon, depuis le temps que je rêvais d'atterrir enfin sur une île, autant en profiter avant notre prochain départ. Je trouverai sans doute quelques emplettes à faire en chemin, ou même rien que du lèche-vitrine me conviendrait, me promener, et manger évidemment. Toussa toussa, en somme... il y a donc vraiment de quoi se divertir d'une manière ou d'une autre.

_ Et ne vous en faites pas ! Ajouté-je, après quelques enjambées. Celui qui tombe au fond du gouffre, je m'engage à aller le récupérer, hahaha ! Allez, atoute !

Mouais bof. Mauvaise blague, quoi. Mais il faut bien avouer que si les mecs doivent sans cesse faire des aller-retour avec tout leur bordel sous le bras, une chute est aussi susceptible de les ralentir... voire carrément de les priver de travail.
Donc, note à mon cerveau : pour mes futures entrées en scène, envisager de graver ma croupe plus loin, si possible. C'est de ma faute, je reconnais.

Après quoi, j'ai cru que c'était beau d'être une jeune racaille, qui se croit tout permis. Malheureusement, en sortant de ma réflexion, un pseudo gang de rebelles s'est interposé et m'a encerclé. On va dire que par solidarité, ils n'apprécient probablement pas que j'ai considéré leurs collègues comme des esclaves.
Je mets donc un terme à ma promenade, et je soupire en relâchant mes épaules quand leur chef l'ouvre.

_ C'est un peu tard, là, non ? Vous arrivez après la fête, les gars !
_ La ferme ! On n'est pas des chiens ! Et toi, t'as cru que tu pouvais venir faire ta loi comme ça ? Le temps d'une courte escale ?!
_ Bah ouais...
_ On te laissera pas nous marcher dessus alors, espèce de gros tas de morve !
_ Vous prendrez bien un peu de Toupie Booblade ? Proposé-je, tel un serveur chargé du champagne, en l'exécutant dans le feu de l'action.

Pif, paf, pouf ! Le plus naturellement du monde, quoi. J'ai tournoyé comme un ventilateur, et ils ont dégagé vers d'autres cieux. Ni plus, ni moins.

C'est la version courte, car je suis de bonne humeur, et je ne veux pas la perdre. Mais là, les saligauds ont bien failli me saoûler pour si peu. Je ne chercherai donc pas à découvrir s'ils étaient de mèche avec mes sous-fifres en CDD, ou s'ils ont vraiment entrevu l'espoir d'une bonne action de la journée, de leur plein gré. Sinon je vais trop cogiter et me mettre martel en tête pour trois fois rien.

Donc après cette petite affaire de menu fretin, je suis retourné à mes petits projets.
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Sur ce, le reste de la journée se déroule et s'écoule enfin aux petits oignons. Plus personne ne m'a brouté le chou, en tout cas. Certes, toujours le même scénario dès qu'il s'agit de reluquer ma ficelle trop serrée et quasi inexistante, à cause de mon surplus de chair, mais j'ai appris à faire avec.
De ce fait, une fois qu'on réussit à passer outre ce petit désagrément, c'est très facile d'ignorer tous ces spectateurs indésirables.

Tantôt, je sifflote et je me dandine. Le truc bien provocant, quoi. Moi, ça me donne un certain air prétentieux, et eux, ça les irrite grave. Je les entends ensuite alors se mettre à geindre en sourdine, mais carotte ! Je fais ce que je veux, na !
Puis je traverse une rue, encore une autre. Je tourne à gauche. À droite. J'arrive même à tourner en rond, à un moment donné. Quel plouc je fais, franchement ! Enfin, tant que je ne me perds pas carrément, c'est l'essentiel. J'ose pas imaginer sinon devoir demander l'itinéraire à un plouc de cette ville. Surtout à peine après avoir joué au con avec eux, mouarf !

Place ensuite à l'heure des commerces. Je les pénètre, puis je fais semblant de farfouiller après tel ou tel article particulier. Avec du bol ou du hasard, peut-être même que je tomberai sur quelque chose d'intéressant. Ou ne serait-ce qu'un petit cadeau-souvenir. Et pourquoi pas aussi un jouet spécial pour mon compagnon de route, Eugène ?
Enfin bref. On s'amuse comme on peut. Et on repeint les pavés, le carrelage, le plancher... le sol, quoi. Hmmm ! De la bonne flotte gluante qui pue, comme pour marquer son passage dans cette ville. Tiens ! Prends ça ! Et encore ça !

Et la tournée des bars, on en parle ? Bah disons que j'ai eu un peu de mal à m'y faufiler, à cause de mon gabarit extra large. Alors inévitablement, on n'a pas perdu de temps à se foutre de ma tronche. Enfin, au début, haha ! Après ce petit incident, en revanche, croyez-moi que je n'allais pas leur pardonner ça.
Alors dans un premier temps, bien sûr, quelques fouettages classiques... tout ce qu'il y a de plus normal et logique. Du moins, selon moi, en tout cas. Puis j'ai fini par tous les mettre au défi. Le truc con où tu tombes facilement dans le panneau. Style, "si tu me bats, je te paye le verre", puf puf puf.
Donc laule ! J'ai pu boire à l'oeil, en l'occurrence. Et surtout comme un trou.

_ Je suis sûr que Eugène aura pensé à faire les courses, de toute manière...

Mouais bof. Je ne me souviens ensuite plus très bien à qui j'ai raconté mes déboires, par contre. Mais puisque je me suis réveillé, tôt ou tard, le nez dans l'eau glacée d'une fontaine, ça m'aura au moins permis de morfler d'une bonne douche froide. En guise de réveil, c'est radical.

_ Eugène ! Merde ! Radoté-je alors, redevenu apparemment sobre. Je parie qu'il doit m'attendre au bâteau, depuis le temps !

En effet, on dirait que le temps s'est vachement écoulé depuis. Je ne traîne pas plus longtemps ici. Alors voyons voir... le temps de me souvenir de mon environnement, puis dans quelle direction repartir... et hop ! Je peux enfin retourner sur mes pas.
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En fait, j'ai au début pensé qu'il faisait déjà pratiquement nuit. Mais ce sont les maisons qui font de l'ombre depuis que le soleil a changé de position. C'est pour ça que j'ai cru être sérieusement en retard. Donc, j'ai couru et ça n'a pas spécialement servi. D'une part, déjà parce que je n'avance pas plus vite pour autant. Et d'autre part, si c'est pour finir complètement exténué... même le cheval, c'est plus génial !

En tout cas, en déboulant comme un buffle devant le bâteau, une fois de retour au port, j'ai de quoi pouvoir m'extasier malgré la fatigue. Les mécanos sont toujours présents, mais on peut déjà remarquer du flagrant changement de toute beauté.

_ Ma tendre Vague Morue ! M'exclamé-je. T'es toute belle !

J'ai envie de l'enlacer... mais elle est bien trop grosse. Comme quoi, il y a pire que mon tour de taille dans ce monde ! Ouais, bon d'accord, ce n'est qu'un navire... mais je suis tout excité, tout fou.

Ça parait contradictoire ? C'est vrai que moi et la destruction gratuite, c'est également une passion. Une symbiose même. Mais encore une fois, ce bâteau est mon moyen de transport. Mon badge pour Grand Line, grossomodo ! Il faut donc en prendre soin. Peut-être même plutôt deux fois qu'une. Peut-être même plus que sa propre meuf à la Saint Valentin... enfin, si j'avais les critères pour pécho, cela va de soi.
Eh non ! Eugène ne compte pas dans mes filets, bon sang de bonsoir !

_ Félicitations mes poulets ! Vous aurez bien mérité votre salaire.

Mais les travailleurs concernés ne bronchent pas. Ils doivent sans doute encore croire que je leur réserve une petite blagounette qui va les calmer, d'ici leur touche finale. Ou alors c'est parce qu'en plus de s'être brisé tous les os à la tâche, leurs gorges se sont tellement dessêchées aussi, qu'ils en sont devenus muets.

Je ne les titille pas trop alors. Je calme ma joie et mon coeur qui palpitent, puis je remonte sur le navire tranquillement. Eugène est de retour lui aussi. Ça fait plaisir de savoir que je ne parlerai pas à un siège vide, d'ici la suite de nos péripéties dès qu'on retournera en mer.
On se salue, on se sourit et surprise ! Je lui offre une peluche que j'ai acheté à l'arrache, lors de ma folle course-retour jusqu'au port.
Bah quoi ? L'article était là, perché sur un stand à l'extérieur. Je me suis alors dit qu'on pouvait le prendre. Ah pardon ! Acheter gratuitement, j'aurais dû préciser.

_ Gura ! Je t'aime !

Facepalm. Décidément, il n'en râte pas une ! J'acquiesce dans le vent mais je me convaincs surtout d'avoir bel et bien entendu ce bon vieux merci, le plus simple, poli et reconnaissant qui puisse exister.

_ Moi aussi, j'ai un cadeau pour toi ! Mais j'attends que les paparazzis dehors se soient cassés pour de bon.

Oh chiottes ! Qu'est-ce qu'il a prévu, du coup ? Pas trop convaincu, je plisse les yeux. Néanmoins, il ne m'en dira pas plus. À part sa langue mouillée qui lubrifie ses lèvres... hmmm, nope ! Y'a pas moyen que je fasse tourner mes minables dons de médium pour prédire le genre de tuile qu'il aurait pu me réserver.
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N'empêche, le masseur aura quand même réussi à m'inquiéter. C'est difficile de vivre dans la même pièce qu'un pote qui ne veut pas se mettre à table. Sauf bien sûr, si c'est juste pour bouffer, hein. Là, je n'ai besoin de personne. Mon gras en est la preuve vivante !
Entre temps, Eugène m'apprend sinon qu'il n'a pas pu nous ravitailler en munitions pour le canon, mais en bouffe, oui. J'en déduis alors que cette île est trop rurale pour ce genre de provisions de guerre. Du moins, si on part du principe qu'il ne s'est pas fait entuber par la population, hein.
Quand on sait que le gars est parfois trop fragile... J'en déduirais même qu'on peut toujours courir pour voir un jour ses mains oser tâter du boulet.

_ Bon... t'as gagné, j'peux plus tenir. J'vais virer les clowns de notre bâteau. Ils ont intérêt à enfoncer les derniers clous.

Donc, je ne m'attarde plus à tourner autour du pot, et je sors.

Dehors, je ne descends pas mais je vais à l'avant du navire. Par-dessus, on peut encore voir mes esclaves bidouiller les derniers détails, en contrebas. Néanmoins, chose surprenante qui m'étouffe la gorge... je constate seulement maintenant, sûrement parce que je suis au plus près, que les réparations ne volent pas si haut que ce que j'ai cru voir la première fois pourtant.
Je n'y connais pas grand chose aussi, il faut avouer, mais les mecs ont bêtement rebouché le tout avec des planches l'une sur l'autre, quoi.

Je grince alors des dents. Et le pire, c'est qu'on aurait pu en rester là ! J'aurais applaudi, je les aurais payés... et basta, quoi. Mais quand je me suis enfin aperçu de la nouvelle figure de proue, mon sang n'a fait qu'un tour.
Obligé de me jeter par-dessus la rembarde, du coup.

_ Non mais vous foutez de ma gueule !? Les engueulé-je, aussitôt rejoint à terre. Qu'est-ce que c'est que ce truc !?

_ Hein ? Répond l'un d'entre eux, un peu ignare et comédien.

Je brandis mon index en l'air, en direction de leur sacrilège. Puis pour la frime, j'essaie de faire craquer mes cervicales. Malheureusement, on a plutôt droit à du "spouik spouik" qu'à du "crac crac".

_ Me dites pas que c'est ce que je crois !?

_ Ça dépend. Vous pensez à quoi ?

Il est vraiment débile ou il le fait exprès ? J'ai horreur qu'on joue avec mes nerfs.

_ À ton avis, t'en connais beaucoup des petits bonhommes barbus, et qui portent un bonnet sur la tête ?

En fait, on aurait pu se dire que ça avait de la classe. Genre, avec de l'imagination débordante, le machin ressemblerait pourquoi pas à une sorte de divinité Poséidon. Version caricaturée ou Chibi, quoi. Mais non !
En tout cas, mon interlocuteur capitule enfin et avoue sa boulette, tremblotant, apeuré... tandis que ses collègues se font tous petits dans son dos... quitte même à reculer discrétos en pas chassés ou en moon walk.

_ Bah... on ne savait pas trop quoi mettre, ou ce que vous aimeriez, vu que vous étiez partis. Et puis bon, on n'a pas non plus de grandes ressources sur cette île. Vous avez dû vous en rendre compte, non ?
_ Alors vous avez utilisé le premier truc que vous aviez sous la main, c'est ça ? Un nain de jardin !
_ Avouez que c'est passe-partout, au moins... hésite-t-il à répliquer comme explication valable.
_ Jamais ! Tu veux que je sois la risée des Pirates ou quoi ?! Et puis tu m'as bien regardé ? J'ai l'air d'inspirer la petitesse ?
_ Euh... non... mais c'est provisoire, hein. Vous pourrez toujours le démonter plus tard.
_ Tu m'étonnes, ouais ! Mais en attendant, c'est toi et ta clique de génies à la mords-moi-le-noeud que je vais démonter. Mouhahahaha !

Colérique, vantard et fier de ma feinte, ma Toupie Booblade diabolique met illico un point final à ce débat houleux. Comme pour les précédents péquenauds, le remord reste au vestiaire, tandis que mes cibles, elles, dégagent dans l'espace intersidéral... ou pas loin.

Puis après une petite pause zen bien méritée, j'ai repris une respiration normale. Dans un coin de ma tête, j'appréhende déjà aussi le travail bâclé au sujet de la nouvelle tête de mort. Enfin, s'ils ont pu aller jusque là. Mais ce sera la surprise une fois au large, en déballant la grande voile. Ce qui ne saurait tarder.
Donc sur ce, j'estime qu'il est l'heure de faire sa valise, et ouste ! Le temps qu'on s'éclipse assez loin vers l'horizon, le soleil devrait avoir disparu également.
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Ainsi, une fois en route vers un nouveau lieu de vacances, Eugène et moi, nous nous sentons de nouveau libres et apaisés. Notre escale n'était pas si compliquée que ça, mais il y a tout de même eu des hauts et des bas.

_ Voilà Eugène. On est tranquille à présent, au milieu de nulle part. Personne ne viendra nous déranger. Alors ?

Je suis au milieu de ce qu'on appellera le salon. Et je tente de mimer au mieux mon impatience et mon intérêt pour le fameux cadeau qu'il m'a concocté. Bien sûr, sans en faire trop. Sinon il va être capable de s'imaginer des choses.

_ Ah oui ! Tu as raison. Eh bien, en fait... c'est...

Quel suspense ! Déjà que son timbre de voix de pseudo castré en dit long sur ce qu'il pense de ma petite tenue, alors si c'est pour en plus m'attendrir avec des ralentissements et des pauses dans son discours...

Bref, il se dirige ensuite vers une boîte en carton, posée sur la table depuis tout à l'heure, l'ouvre lentement, et tada ! D'abord de dos, il extrait alors la surprise en un éclair, tout en se retournant face à moi.
Ouch ! J'ai l'impression d'avoir soudain reçu un pieu dans le bide, tellement c'est euh... comment dire...? indécent ou bienveillant ? le mec est en train de brandir un sous-vêtement, visiblement à mes mensurations exactes, rouge comme je les aime, et sans doute cousu ou tricoté à la main. Sûrement dans une matière, tout ce qu'il y a de plus confortable, pour couronner le tout.

Du coup, je ne sais plus parler. Ma bouche s'est coincée sur un "ah" muet de stupéfaction. Mes yeux sont étirés au max. J'ai évidemment envie de lui en coller une, parce qu'en temps normal, jamais je n'accepterais ce genre d'attention si... extravagante, saugrenue, déplacée ? Mais en même temps, je ne suis pas contre. Et puis bon, j'en rêvais, quoi ! Surtout depuis que cette maudite ficelle, ayant probablement appartenu à Alvida, me taillade un peu trop où-vous-savez !
De plus, il me sera sûrement plus utile que le pagne de l'autre fois. Pouvoir vriller sans que ça vole dans tous les sens... hmmm, le pied !

_ Eugène... euh... bah... qu'est-ce que j'peux dire ? Tu me laisses sans voix, là. Sacripan, va !

Donc quand même, quand j'y repense... le type s'était presque empressé de disparaître depuis tout ce temps sur l'île, tout ça parce qu'il était à la recherche de mon cadeau ? Bah putain !

_ Tu n'as pas besoin de me remercier, Gura. Je prendrai toujours soin de toi, tu le sais bien.
_ Euh... oui oui, tu es mon médecin attitré, cela va de soi. On avait déjà convenu tout ça sur l'île de Goat, de toute manière. J'ai pas oublié, t'inquiète.

Il me fait un signe affirmatif de la tête... avant de revenir à ses moutons, grrr !

_ Alors ? Que dirais-tu de l'essayer là, tout de suite, maintenant ?
_ Hein ? Là ? Devant toi ?
_ Bah ouais.
_ Hin hin hin, j'te vois venir, gros dégueulasse !

Il boude et ça me chagrine aussi, dans un sens. Enfin, pas pour les mêmes raisons. Mais de là à ce que je me soumette à ses désirs, il y a encore une sacrée marge.

En tout cas, à ce train-là, je crois bien que mon prochain gros achat, ce sera un bunker. Sinon je parie qu'il sera bientôt capable de faire des petits trous dans le bois du bâteau, rien que pour pouvoir me mater en feuj et assouvir ses fantasmes. Pouah !
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