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Nobody can give you Freedom. If you're a man, you take it.


Oh bordel, Lilou ! Il y a Sheila Turner à l'Hôtel !

La porte de sa chambre venait de s'ouvrir à la volée et Monty, haut comme trois pommes, pénétra en trombe dans sa pièce, tout transpirant et transit d'amour. Ses yeux brillaient d'une lueur folle et passionnée qui arracha un frisson d'angoisse à la rouquine. Elle n'aimait déjà pas se faire déranger de la sorte, mais si c'était en plus pour traiter d'histoire de cœur comme la mine de son collègue semblait l'afficher, très peu pour elle. Elle se reconcentra sur l'une de ses valises, de laquelle elle sortit son attirail  pour le mettre de côté, tandis que Monty faisait des allés et retours furieux dans sa chambre en répétant le nom d'une femme qui échappait totalement à la rousse :

Qui ?
Sheila Turner !
Martela-t-il avec entrain comme si ça pouvait faire la différence. Mais devant l'absence de réaction de son amie, le petit homme tira une tête de six pieds de long : Me dis pas que tu connais pas Sheila Turner...
Ca me dit rien du tout... C'est une scientifique ?
Tu es irrécupérable... Bien sûr non ! C'est le plus grand guitariste de tous les temps ! Une véritable star ! Pas un vulgaire collecteur d'échantillon qui joue avec des tubes à essais...

Moi, tu sais, la musique... Ce n'est pas mon truc,
souffla-t-elle sans grande conviction en se tournant vers son sac à dos pour terminer de le remplir. Elle avait d'autres chats à fouetter présentement, et cette discussion était formidablement rasoir. Jetant un coup d'oeil à Bee, elle lui confia sa sacoche pour qu'il la porte durant le trajet, avant d'ajouter à l'attention de Monty : Puis, Sheila, ça sonne nom de fille pour le plus « grand » guitariste de tous les temps.
Oui, ça...
Soupira Monty en s'affalant comme une minette sur le lit de sa supérieure. Tu te rends compte que je pourrais tomber amoureux de lui si j'étais sûr de son sexe ?

Est-ce que c'était son problème ? Lilou poussa un long soupir sans pour autant jeter un coup d'oeil à son collègue. Depuis leur arrivée à Kamabaka, elle avait l'impression que les histoires de cœur prenaient un tout autre relief, de l'importance. Passant un main sur son visage, elle préféra ignorer son amertume et se montrer digne d'être l'amie de Monty, puisque c'était sans doute ça le plus important. Il était venu pour obtenir une oreille attentive, peut-être même des conseils avisés à ce propos. Elle n'était pas la plus experte dans le domaine, mais depuis l'expérience avec le petit Eriko en compagnie de Rei et Craig, elle se disait qu'elle n'était pas si mauvaise en fin de compte.

Tu devrais tenter ta chance. Tu découvriras au pire moment ce qu'il est réellement, mais ça vaudra certainement le coup d'essayer.
Non !
Éructa violemment Monty en s'enfonçant la tête dans son coussin incarnat soyeux qui allait bientôt porter la marque de ses larmes d'amour déçu : Ille va me trouver misérable, bon à rien ! Comparer à ses talents, je suis que dal, Lilou ! Que dal ! J'oserais même pas me mettre dans son ombre tellement ça serait trop d'honneur... Persoooonne ne peut m'aider ! Personne comprend ce que j'ressens ! Mes amis me conseillent des trucs absurdes, et Pun Bah est trop occupé à sentir toutes les fleurs devant l’hôtel pour me parler ! Je suis miséraaable !

Et tu as des prédispositions pour l'exagération, eut-elle envie de lui rétorquer. Debout et bien campé sur ses appuies, elle planta ses mains sur ses hanches en tournant finalement les talons. Lilou avait autre chose à faire que l'écouter se plaindre de sa vie, ses amis, ses amours, surtout quand du côté de la rouquine, rien ne semblait aller bien, excepté sa carrière. C'était d'un sinistre... Alors, s'attarder plus longtemps en compagnie de Monty n'allait réussir qu'à l'énerver d'avantage...

Hé, tu vas où ? Lança-t-il en se relevant de son coussin après avoir défait complètement son lit et s'être retourné vers elle.
Loin de tes jérémiades sur tes peines de cœur, j'en soupe bien assez comme ça.

Passant une main sur le sommet du crâne de Bee, Lilou se renfrogna légèrement après l'avoir aider à charger les affaires sur son dos. Le canard lui rendit son amitié en se frottant le bec contre sa cuisse, tandis que Monty essayait bon gré mal gré de savoir ce qu'elle voulait dire. Puis, en se passant une main dans le cou, il se souvint que la relation entre Oswald Jenkins et elle avait pris un tournant plus conséquent, et que le départ de ce dernier remettait bien des choses en cause. Finalement, venir se plaindre à Lilou de ses peines de cœur n'était pas la meilleure des idées qu'il ait pu avoir. Ceci mis à part, il comprenait maintenant d'où lui venait sa mauvaise humeur de ces derniers temps, et plus encore la peine de ses traits. Il y avait-il autre chose à dire ? En tant qu'ami, il aurait dut le voir plus tôt. Tout du moins, ce fut ce qu'il se dit sur le moment, et que son rôle était désormais de la rassurer. S'avançant d'un pas, il lui tapa dans le dos et reprit la parole avec entrain :

Roooooh, t'es sérieuse ? Faut pas t'en faire comme ça ! T'en fais des caisses pour pas grand chose, t'es une fille extraordinaire ! Il va revenir, ton commodore, t'inquiète ! Il manquerait quelque chose sinon.
S'il revient, je lui éclate la tête contre le mât du navire.


Voix ferme et intransigeante. La réconciliation entre les amoureux semblait d'ores et déjà compliquée.

Ah oui, t'es du genre amante passionnée, toi. Bon, bah au pire, t'en trouveras un autre ! Un bien mieux que lui ! L'Amiral Shiro par exemple. Il est beau garçon et intelligent, tout ce que t'aime!
Lui, si je le croise, je lui casse le nez.


Surprise tranchée. Lilou attrapa sa propre sacoche puis enfila une petite veste sans prêter plus attention à son collègue. Ce dernier, de son côté, fulminait devant la froideur intraitable de sa supérieure et amie :

Non mais t'es chiante aussi ! Je te trouve des solutions, et direct tu les envoies au diable ! C'est pas en tabassant des gens que tu vas trouver l'amour ! Ni que tu vas le garder, tu le sais ça ? Il se planta devant elle en la pointant du doigt, et martela avec vigueur sa déclaration. Il avait le mérite d'être têtu. Profite de ces vacances pour faire des rencontres et te trouver un copain, j'sais pas moi ! Et souris un peu, tu vas voir, ça va t'aider ! Et séri-
Bon, bye Monty !
Quoi ? Mai-...


La porte claqua à nouveau, laissant Monty seul dans la chambre.

Hé merde...


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 4 Mar 2015 - 14:50, édité 1 fois
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Enfin tranquille... Souffla la jeune femme en s'installant sur un rocher recouvert de mousse rose. Poussant un long soupir, elle observa d'un œil son compagnon tomber à côté d'elle dans un parterre de fleurs en tout genre. Un papillon vint même se poser sur son bec, quand elle reprit la parole : J'ai cru que ça ne nous arriverait plus jamais.

Cette petite randonnée l'avait laissé songeuse, et un fort sentiment de culpabilité lui emparait le cœur lorsqu'elle se rendit compte que ces moments partagés avec la seule personne ayant suivi ses pas d'un bout à l'autre se faisaient tellement rares. Lilou s'en voulait de ne plus pouvoir être la même, et d'avoir dut enfermer celle qu'elle était dans un coin de son esprit. Ces traits sérieux et ces vêtements d'officiers ne lui allaient pas si bien au teint, et elle se demanda si le fait de grandir impliquait forcément de laisser mourir l'humain qu'on abritait.

Je suis désolée de ne pas avoir pu te consacrer plus de temps que ça, Bee. C'est juste que... Que quoi ? L'animal leva un iris vers elle pour l'écouter avec attention, avant de recentrer son attention sur l'insecte posé sur son nez. La rouquine n'avait pas vraiment les mots pour lui expliquer tout ce qu'elle pensait sur le moment. Et elle n'était pas sûre que se chercher plus d'excuses était approprié. Avant sa prise de fonction, ses nouvelles responsabilités, puis Jaya ou le départ d'Oswald, elle avait mis de côté tellement de choses, à commencer par sa passion première. Son emploi n'était désormais plus le même, et elle devait l'admettre : ça lui faisait du mal. Dans les faits, soit elle sacrifiait une nuit de sommeil pour exercer comme elle l'entendait, soit elle dormait pour reprendre la bureaucratie dès le levé. Déléguer n'était pas son genre, et être contrainte de le faire ne l'enchantait guère. Mais à qui pouvait-elle en parler ? Et à qui pouvait-elle se plaindre ? Lilou avait souvent l'impression d'être au sommet d'une structure avec une voix qui ne portait plus vers ceux d'en bas. Et elle se sentait bien seule sur son piédestal. Que pouvait-elle dire de plus aujourd'hui qui changerait les choses durablement ? Rien. Elle se ravisa aussitôt de ce fait, en soupirant à nouveau : Laisse tomber.

L'oreille attentive de Wallace lui manquait. Mais elle lui en voulait trop pour pouvoir lui parler sans se mettre à hurler. Au fond, c'était ses mensonges et ses faux semblants qui lui avaient fait le plus de mal, et le clivage qu'il y avait entre sa volonté de se libérer d'un poids qui l'empêchait d'avancer et sa rancœur tenace et rancunière qui la sommait de ne plus lui adresser la parole la forçait à rester muette et froide en sa présence. A dire vrai, elle ne se voyait plus lui parler tout court. Elle ne se voyait plus non plus avoir d'amis, de proches, parce que les faits étaient que risquer de les perdre faisaient trop mal. Et vu les échecs qu'elle essuyait, les uns après les autres, dans toutes ses relations, Lilou ne se voyait plus tenter le diable. Les seules fois où elle s'était laissée aller à aimer lui en avaient coûté beaucoup trop. Du temps, de la patience, parfois des larmes. Instinctivement, elle porta une main à sa clavicule, où le cœur de Tahar battait avant.

Peut-être qu'elle était devenue faible, finalement.

Passons à autre chose !


Elle se détourna du reste et sortit son attirail de ses sacs à dos. Une tenue en cuir, des boucles de fer, des coquillages, du fil et une aiguille habile. Elle attrapa également la boite de graines qu'elle avait pris spécialement pour Bee, et la lui tendit pour qu'il se détende le temps qu'elle termine son office. Dans un silence apaisant, l'équipement de la rouquine prit doucement forme. Même si elle se plantait par instant l'aiguille dans les doigts en faisant la grimace, elle retrouva une sorte de sérénité qu'elle n'avait plus connu depuis plusieurs semaines. Personne à qui déléguer son travail, un retour au source qui lui faisait le plus grand bien. Construire l'impossible avec les moyens du bord en se prenant la tête sur des détails si faciles pourtant à résoudre.
Elle enfila finalement sa tenue. Nouant sa veste après s'être ceinturé la taille, elle poussa un long soupir en s'approchant du précipice où ils avaient tous les deux pris place. Au sommet du cœur gigantesque, à regarder le contrebas et cette forêt trop rose pour ses yeux d'ambres. Une boule dans la gorge à cause du vertige qui lui remontait le ventre violemment, et le cœur battant déjà à tout rompre dans ses oreilles. Elle eut un mouvement de recul, comme pour renoncer, avant de se reprendre immédiatement après :

Bon, il faut que tu m'accompagnes dans mon saut, d'accord ? Si jamais je me suis plantée dans mes calculs, tu devras me rattraper. Mes Milky ne sont pas géniaux, mais ils devraient me donner assez de propulsion pour attraper un courant d'air et planer. J'espère.

Un sourire prit place sur ses lèvres. Ça faisait longtemps qu'elle n'avait plus testé quelque chose sans savoir ce que ça pourrait réellement donner. Nouant ses cheveux en un chignon serré, elle enfila ensuite son casque de protection et ses lunettes de vol pour ne pas être embêté lors de son trajet. Elle visa la plage au grain rose, pour avoir un objectif. Incertaine, la rouquine ne savait absolument pas comment elle allait pouvoir manier cet attirail, mais elle se disait que mise devant le fait accompli, elle n'aurait plus le choix que d'apprendre à le faire.

J'ai calqué mon prototype sur les modèles que j'avais, et j'ai perfectionné les choses pour pouvoir tourner mais... ça risque d'être compliqué si je dois prendre un virage serré par exemple. Alors, je compte sur toi ! Clin d'oeil complice, elle lui lança un regard entendu tandis qu'il laissait de côté sa boite de nourriture pour l'écouter enfin. Prêt ? Bee la regardait toujours sans vraiment comprendre ce qu'elle était en train de lui dire. Sûr. Elle lui parlait mécaniquement, comme pour se rassurer. Un sourire rassurant plus tard : C'est parti !

Et elle s'élança. Sous les yeux circonspects de son ami, qui suivit sa route en s'affolant comme un diable. Le vent s'engouffra sur le visage de la jeune femme, qui écarta les bras pour tenter d'attraper un courant capable de la porter. L'habit se gonfla de lui-même et elle ressentit un petit choc qui la rassura partiellement. Sauf que la vitesse de sa chute ne ralentissait pas d'un pouce, et qu'à côté de ça, la terre se rapprochait de plus en plus ! Son cœur s'arrêta de battre, et manqua même plusieurs pulsations avant de se reprendre !

C'est mal parti ! L'idée avait été idiote. Complètement idiote. Elle aurait du se douter qu'elle n'arriverait pas à planer comme ça. Elle se dirigeait bien dans la bonne direction, mais jamais elle n'allait atteindre la plage vu comment la cime des arbres commençaient déjà à lui frôler le ventre !

Et avant qu'elle ne passe totalement au travers, elle sentit deux ailes l'entourer et la recouvrir totalement. Les branches éclatèrent sous le passage de ce boulet de canon amélioré, se défoncèrent en même temps, et Lilou, comme Bee, boulèrent quelques mètres encore en éclatant des troncs et en bousculant l'équilibre de la nature. La rouquine fit en sorte de les recouvrir de son haki, pour amortir la chute et la douleur. Ils mirent un certain temps à s'arrêter, dans un sous-bois qui donnait l'impression d'avoir essuyer une tempête.
Lilou souleva l'aile de son ami, et se remit sur ses jambes en titubant.

Peut mieux faire pour une première fois.

Bee lui jeta un regard assassin, et elle lui rendit un grand sourire désolé.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 4 Mar 2015 - 18:10, édité 1 fois
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Ils retournèrent au sommet, tous les deux et soufflèrent un bon coup, pour reprendre des forces et de la motivation. Et dès qu'ils réussirent à se calmer et à rire de leur dernière frasque, ils se remirent au travail. Ou tout du moins, elle se remit au travail. Assise en tailleur à même le parterre de fleurs, elle eut une angoisse soudaine en se rendant compte qu'elle ne trouvait plus son aiguille à coudre. Après avoir retourné la presque totalité de l'endroit où ils étaient, Lilou la trouva rangé à sa place. Un soupir plus tard, elle retourna perfectionner sa tenue et reprendre ses calculs avec une attention toute particulière.

Elle ne compta pas le temps passer là-dessus. Pendant quelques heures, ses pensées lui échappèrent. Tout ce qui la veille avait une importance sans pareille était devenu parfaitement désuet. La dispute avec Wallace était reléguée dans un coin de son esprit et y songer n'était plus à l'ordre du jour. Elle en oublia sa plaie à peine cicatrisée laissée par Flist en souvenir de leurs rencontres, et même l'image d'Oswald lui échappa. La rouquine était dans un autre monde, où les problèmes qu'elle rencontrait étaient de ceux qu'elle voulait bien voir. Très loin d'elle, les humeurs des uns et des autres, les envies et les objectifs de chacun à prendre en compte. Ici, seulement elle, son ami et ce plaisir égoïste de ne plus jamais vouloir revenir vers les autres.
Pouvait-on rêver meilleures vacances ? Pas pour elle. Après tout ce qu'ils avaient traversé, ce moment en solitaire à ne plus songer à ces histoires qui l'attendaient pourtant de pied ferme sur le pont du Léviathan, souffler faisait le plus grand bien. Elle fit en sorte de retarder le plus possible le moment où sa rancoeur recommencerait à la tanner, où le manque reprendrait sa place en elle, où elle devrait se munir à nouveau de ce masque autoritaire pour reprendre le chemin de la gloire. Lilou se demanda pendant un moment comment pouvait faire Shiro. Elle se souvint de son air détendu malgré sa reprise de fonction, cette maîtrise naturelle et le respect qu'il inspirait en un seul regard. Elle admirait sa capacité à mener des hommes et à les rallier en lui quand elle avait l'impression de peiner rien qu'en s'adressant à eux.

C'était sans doute toutes ces formalités qui ne lui allaient pas au teint. Ces manières dont elle devait se munir, en mimant et en s'inspirant de l'expérience de Mavim qui semblait être monté pour ce travail. Toute la différence avec l'avant résidait dans la motivation de ses hommes : diriger une équipe créative n'avait pas de secret pour elle. Construire, bâtir avec des personnes passionnés n'avait rien d'un poids, car elle puisait sa force pour les mener au bout des choses dans leur motivation à continuer à ses côtés. Mais être à la tête d'un monstre comme le Léviathan... Gérer ce que faisait Oswald avant son départ... Lilou avait l'impression d'être minuscule à côté de tous ces soldats. Minuscule et impuissante. Et ce sentiment grandissait d'autant plus maintenant qu'elle avait perdu ce qui faisait son équilibre. De ce que Salem avait laissé, il ne restait plus qu'elle encore debout et destinée à poursuivre son œuvre. Mais elle doutait d'en avoir les épaules. Après Oswald, après Jaya, qui était-elle en fin de compte ?

Lilou se releva alors. Chassant à nouveau ces pensées qui revenaient au galop malgré sa concentration. Bee se redressa lui aussi en la regardant enfiler à nouveau sa combinaison. La rouquine fit plusieurs mouvements pour tester la résistance du tissus qu'elle utilisait et également quelques flexions pour trouver une certaine souplesse, puis alla jusqu'au bord du vide en regardant au loin.

Cette fois-ci, ça devrait aller...

Tout du moins, c'était ce qu'elle espérait. Tendant à nouveau les bras, elle vint remettre son casque et ses lunettes en attendant le bon moment. Les sens en éveil, aux aguets de la moindre perturbation, elle attendit encore un peu. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, et semblait s'arrêter à certain instant pour se tordre furieusement. A chaque fois qu'elle se penchait un peu trop vers le rien en essayant de trouver la motivation de sauter. Et elle ne la trouva qu'en écartant les bras de son corps pour voir gonfler son costume. Le tissus s'arrondit et les doutes s'envolèrent de concert. Il n'en fallut pas plus pour que la rouquine s'élance et transperce l'air avec audace, fondant comme une fusée avant de prendre son envol.

Écartant les bras à nouveau, la toile se gonfla et elle se sentit soulever. Son coeur fit une violente embardée à l'intérieur... Elle ne tombait plus : elle planait ! Ses yeux s'écarquillèrent de joie alors qu'elle restait crispé de peur que les choses changent subitement. Elle ne voulait pas atterrir. Pas maintenant... Surtout qu'elle ne savait pas comment reposer pied au sol... Elle n'y avait pas encore réfléchi, trop concentrée pour comprendre comment prendre son envol, sans même se dire qu'il lui faudrait redescendre à un moment. Qu'importait ! Pour l'instant, elle volait ! Et elle devait apprendre à maîtriser au moins ça en attendant la fin...
Bee ne fut pas le seul témoin de cet exploit. Car les yeux sur l'île se levèrent vers le ciel pour observer cette forme incertaine planer au-dessus d'eux. Une silhouette humaine et tâtonnante qui semblait ne pas tout à fait savoir ce qu'elle faisait, mais qui volait. On observa donc, et on montra même du doigt ce qui ressemblait à une sorte d'exploit.

Lilou se laissa porter par la bourrasque, prenant progressivement de la hauteur. Ce fut agréable... Terriblement agréable. Bee vint se positionner au-dessus d'elle et lui cacher le soleil en veillant au grain. Son chignon se détacha et ses cheveux s'éparpillèrent tout autour d'elle. Elle n'y fit pas attention, les yeux rivés vers la ligne d'horizon sans trop savoir où elle se rendait. Elle avait l'impression de ne rien maîtriser et en même temps d'avoir percer le secret de l'univers entier... Puis, un doute. Le moment agréable laissa place à un moment angoissant lorsqu'elle se rendit compte de tout ce qu'elle devait maintenir pour pouvoir poursuivre cette aventure : Rester droite, garder l'équilibre entre ses jambes, éviter de bouger, maintenir le cap, rester naturelle, éviter d'angoisser. Ne surtout pas angoisser, en fait...

Même si c'était exactement ce qu'elle était en train de faire...

Tout que ça restait de l'instinct, il n'y avait pas de soucis. Mais son cerveau ne pouvait rester inactif, et avait repris sans son accord des tas de calculs qui la perturbèrent... Elle perdit immédiatement le cap de sa pensée, et la ligne d'horizon qu'elle visait devint alors la plage dont elle se rapprochait. Inévitablement. Un cri suraigu lui échappa et Bee fondit dans sa direction pour l'enserrer à nouveau dans ses deux ailes ! Et ils atterrirent tous les deux sur la plage, propulsant des tonnes de sable en creusant un faussée au passage et en les enterrant presque totalement ! Les grains craquant sous ses dents, la rouquine réussit tant bien que mal à s'extirper, et se mit même à creuser à côté puis à tirer sur la patte sortie de Bee...

Oh my dear ! Hurla une Okama étendue sur sa serviette avant de se précipiter vers vers eux. Elle fondit dans sa direction pour venir à leur niveau, secondée par des soldats venus profiter bon gré mal gré du beau temps.
On s'en est bien mieux tiré cette fois ! Lança Lilou en aidant Bee à sortir la tête du sable. Elle se remit même sur ses jambes avant de se rendre compte qu'avec l'adrénaline, ses dernières étaient comme deux grandes échasses qu'elle ne contrôlait plus. Elle manqua de retomber la tête la première par terre en hurlant pourtant avec ferveur : Une dernière !

Mais on ne lui laissa pas le temps de partir en courant. La rousse sentit deux bras énormes l'enlacer et la retenir... Lorsqu'elle releva les yeux pour voir ce qu'il en était, le visage d'un homme beaucoup trop maquillé la fit sursauter. Il la tenait comme on tient un chaton que l'on vient de trouver sur le bord d'une route, réellement soucieux pour elle :

Bichette ? Est-ce que ça va ?
Oui oui !
Coupa Lilou en essayant de s'extirper de ses bras musculeux : C'est bon ! J'y suis presque !
Tu es sûre chérie ?
L'Okama ne fut pas le seul à arriver, puisque déjà un cercle se formait autour d'eux. Des hommes du Léviathan, qui la fixaient avec l'air ahuris et sincèrement inquiets :
Capitaine ?! Vous allez bien ?! Il faut un médecin !
Non ! Ça va ! Vraiment !
Kwak !
On a pas le temps !
Qu'elle cria en sautant des bras de son sauveur avant de partir en courant sans lancer un regard en arrière, Bee sur ses talons qui se dandinait pour suivre son rythme.
Mais capitaine ! Vous avez fait une énorme chute et...

Et la grosse main de l'Okama se posa sur l'épaule du soldat, qui tressaillit avant de s'apaiser. Ni menace, ni tentative de séduction, seulement l'air serein d'un homme portant trop de maquillage :

Laisse mon tout beau. Tu as entendu la dame. Tout va bien...
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Jamais deux sans trois disant l'adage. Et les expériences de la rouquine n'y échappait pas, malgré ses efforts. Elle soupira bruyamment en retombant sur le sol, tapant sur ses cuisses en essayant d'en retirer le sable. Elle chercha ensuite à aider Bee à en faire autant, lui qui s'agitait et s'ébrouait de son côté.

Si je dois continuer à planer, je vais avoir besoin d'autre chose... Parce qu'à ce rythme, je vais jamais pouvoir rester plus longtemps en l'air ! Et c'est le but de la manœuvre, alors... des idées ?

Bee lui renvoya un regard vide de toute intelligence et conclut cette échange par :

Kwak.

C'était mal parti.

Je t'avoue que je sèche aussi.

Le sable qu'elle venait d'avaler à la pelle devait y être pour beaucoup. Elle noua ses cheveux en une longue tresse, et se remit à réfléchir comme elle le pouvait. Mais ses mains avaient du mal à tenir son crayon, toutes tremblantes d'excitation. Lâchant l'objet, elle fit craquer ses phalanges en essayant de retrouver son calme et détendit sa nuque peu après. Elle n'avait pas que ça à penser. Avec le recul, en levant le nez vers le ciel qui commençait doucement à rosir, vers le soleil qui descendait derrière la montagne, elle savait que la journée se terminait. Et sa montre ne fit que lui confirmer ce qu'elle craignait :

Va falloir qu'on rentre dans pas si longtemps. On a encore une heure à tout casser pour terminer ça...

Ça n'était pas pour l'enchanter... Être coincée avec tous ces gens pour un repas de bienvenue... N'avaient ils pas assez répétés à leurs arrivés qu'ils étaient les bienvenues ? Fallait-il vraiment un dîner pour ça, encore ? Si elle n'avait pas été dans ses bottes, à sa place, à sa nouvelle place tout du moins, sans doute qu'elle aurait passé son tour. Mais maintenant, ça n'était même plus envisageable...

J'ai tellement pas envie d'aller à ce dîner, si tu savais... Gémit-elle en s'allongeant dans le tas de fleur et en croisant ses mains derrière sa tête...
Kwabwak.
Je te ferais amener un bol de graines qui coûtera la peau des fesses à l'Amiral, t'inquiète pas.


Sa respiration s'apaisa progressivement, et elle se permit même de fermer les yeux. Ses muscles marqués par l'angoisse de ces chutes libres se détendirent à leurs tours, et elle sentit sa poitrine s'affaisser et son dos épouser le courbe du sol. Lilou n'avait aucune envie de partir. En tout cas, pas pour des mondanités où elle se sentirait comme un furoncle sur le nez d'un dragon céleste. Elle en était à revoir la définition des vacances, dans le sens où tout le monde l'entendait, et qui ne correspondait pas à ce qu'elle espérait. Les autres y voyaient un moyen de se détendre et de ne rien faire... Mais pour un esprit comme celui de la rouquine, ayant besoin de s'éveiller, de travailler, de découvrir, le néant n'était pas une solution, seulement un moyen de la rendre folle. Monty eut beau tenter de lui expliquer la chose, elle n'en comprit pas un traître mot. Et si elle concédait ce repas pour se la jouer diplomate et faire bonne figure, elle n'avait pas l'intention de trop longtemps emprunter cette voie.
Lilou rouvrit les yeux, et ses iris ambres s'illuminèrent alors qu'elle se redressait brutalement :

Tu sais ce qui me permettrait de continuer à planer ?
Bwak ?
De l'air chaud !


Cette révélation lui arracha un rire franc. Voilà ce qu'elle était ! Depuis le début, oubliée dans ses pensées, dans ses doutes ou ses erreurs, elle avait perdu de vue le principal. Le temps l'avait éloigné de ce qu'elle aimait, et des gens qu'elle appréciait. Son piédestal mettait de la distance entre ses proches et elle... Lui faisant parfois oublier l'étincelle malicieuse qui la forçait à se lever le matin. Crouler sous des papiers, courir après des appels, régler des détails administratifs que seul Trovahesnik trouvait stimulants, ça n'était pas elle. Ça n'était pas ce qu'elle voulait être, ni ce qu'elle voulait que les autres voient d'elle. Cette femme colérique et aigrie, renfermée et silencieuse, se laissant malmener sans réagir. Quelques années en arrière, elle se savait dynamique et vive, stimulante et souvent géniale. Cette année passée au large, et ces pertes accumulées, avaient fini par la changer. Tahar l'avait prévenu... Il l'avait vu. Elle n'était plus que le souvenir de cette gamine timide pour Rachel, et une femme que certains considéraient comme forte, d'autres comme seulement amère. Mais entre toutes ces facettes d'elle-même, il n'y avait qu'une seule constante : Lilou était passionnée.

Il y avait-il autre chose à ajouter ? Non. La rouquine se demanda bien comment elle avait pu réussir à essuyer d'un revers de main tout ce qui l'empêchait de sourire jusqu'ici. Le départ d'Oswald, la disparition de ce que Tahar lui avait laissé, la mort de ses amis, la dispute avec Wallace, le retour de Salem, et tous ces changements de ces derniers temps qui avaient fini de la bousculer.  La flamme qu'elle avait à l'intérieur, et qui respirait grâce à la certitude que la vie valait la peine, ne devait pas s'éteindre. Les coups durs s'enchaînaient, et les bouleversements n'attendaient personne pour remuer la terre. C'était à elle de les poursuivre, puis de les dépasser, de les engendrer. Elle ne voulait pas plier sous l'avalanche. Et ne le ferait plus désormais.

La rouquine bondit sur son sac, termina d'ajuster sa tenue, et s'équipa de son lance flamme. Et sans laisser le temps à Bee de se relever, et de la seconder, elle sauta dans le vide sans sécurité pour tendre ensuite les bras et reprendre son envol...


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 4 Mar 2015 - 18:11, édité 1 fois
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« Même si la passion nous déchire, elle ne doit pas briser l’affection qui nous lie. Les cordes sensibles de la mémoire vibreront dès qu’on les touchera, elles raisonneront au contact de ce qu’il y a de meilleur en nous. »


N'était-ce pas ainsi que toute chose fonctionnait ? Prendre et ne rien laisser. N'était-ce pas ainsi qu'elle avait toujours fait ? La liberté d'être ce qu'elle avait toujours cherché à être. Emprunter des routes sans trop savoir où elles allaient. Sans trop savoir si elle était arrivée...

Les détours ne faisaient que rallonger l'aventure, et la fin n'en était une que si elle le décidait.

Sentir l'air caresser son visage, sentir la chaleur lécher sa peau, Lilou ferma les yeux et se laissa porter par cette Liberté. Celle aux grandes Ailes, qui lui firent oublier ses chaînes nouées par les doutes. Il n'y avait plus de peur, plus de crainte, seulement cette douce folie dont elle se savait capable dans ce moment créatif. Il n'y avait pas à craindre son propre génie. Il n'y avait pas à craindre sa propre pensée. Tout venait de là, et l'instinct prenait le pas sur l'idée réfléchie...

Alors, Lilou laissa le contrôle à ce qu'elle avait dans les tripes depuis le début. Cet animal sauvage qu'elle avait voulu mettre en laisse ces dernières années. Sans comprendre que l'instinct n'avait ni dieu, ni maître, et n'en avait jamais eu le besoin.

Elle laissa son corps s'adapter au courant qui la porter, épouser des formes invisibles pour se laisser transporter. Elle jouait du poids de son corps pour se permettre de virer de bord, par moment, et revenir l'instant d'après. Elle jouait de son arme pour reprendre de l'altitude, suivi à la trace par un Bee se laissant peu à peu aller à la sérénité en la voyant gérer son affaire comme il le fallait. La rouquine savait qu'elle n'avait plus besoin d'écrire un mode d'emploi, désormais. Et qu'elle n'en aurait jamais eu besoin, en finalité.

Ses virages se firent plus serrés, ses chandelles plus franches encore. Le vent vint mêlé quelques feuilles rosées arrachées aux arbres. Une mouette lui fit momentanément la conversation, avant de se faire renvoyer par un canard un peu possessif, et une Lilou à l'évidence très peu attentive à sa demande. Si elle volait parmi eux, elle n'en faisait pas partie pour autant. Et elle n'avait pas l'orgueil de vouloir en être définitivement de toute façon... Devenue sourde à toutes ces paroles que Bee lui adressait, elle n'entendit que le battement régulier de son cœur, qui semblait être remonté jusqu'à ses oreilles et battre à ses tempes. Régulier, mais pas affolé. Serein. Libre. Même si de temps à autre, les chutes libres emmêlés ses tripes et lui tordaient l'estomac, ses sensations devinrent plus précises encore, et ses sens plus enclins à percevoir le reste...

A retirer les oeillères qu'elle portait tous les jours. Ce moment de Liberté la poussa à faire ce qui valait la peine d'être fait. Pardonner à Wallace d'avoir eu des secrets pour elle. Pardonné à Salem et Oswald de l'avoir abandonné, peut-être. Mais se montrer juste envers le premier en tout cas...

Quand le soleil fut sur le point de terminer sa course, Lilou en fit de même. Elle se mit à frôler la cime des arbres, jusqu'à percevoir un terrain dégagé. Ce qui était quelques heures auparavant une épreuve qui nécessitait des centaines de calculs pour que tout soit contrôlé, devint d'une aisance sans pareille. Son premier pied toucha la terre lorsque son corps braqua, embarquée par la vitesse, elle termina sa course un peu plus loin, et s'arrêta d'elle-même en lâchant un soupir contenté. Bee vint se poser à ses côtés pour voir si tout allait bien, et elle lui offrit un grand sourire comme toute réponse...

Il était temps de rentrer.
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Ah, bah t'es là !
T'as passé toute la journée dans ma cham-
Bon dieu, mais c'quoi cette dégaine ma grande ! Tu ressembles à rien d'humain ! Tu fais peur à voir ! Tu vas pas te présenter comme ça au dîner j'espère ?!


Comme ça ? Lilou jeta un coup d'oeil à sa tenue. Elle avait tout l'air de s'être roulé dans une boue à paillette, mais ça allait encore. Justement parce qu'elle ne se voyait pas dans un miroir, et parce qu'elle n'avait pas eu l'occasion d'apercevoir sa tignasse rousse complètement emmêlé et pleine de feuilles et de pétales de fleurs roses. Ce fut ce qui lui permis de tenir tête à Monty, avec une certaine audace il fallait l'admettre :

C'est sympathique comme accueil. Mais j'ai juste besoin d'une douche, d'un coup de brosse et ça ira pour ce soir...

Son ami la regarda de haut en bas avec une mine univoque à son propos. Ses yeux se plissèrent pour essayer de savoir si elle était sérieuse. Croisant les bras sur sa poitrine, il tapa du pied violemment avant de lui bondir dessus comme un diable sortant de sa boite :

D'une douche ? T'as besoin de cent douches ouais ! Bon, bouge pas, je vais appeler quelqu'un pour t'aider parce que là...

Il prit le pas vers la commode dans l'entrée, pour attraper un escargophone lui aussi okama. Demandant à joindre l'accueil, on le mit en attente...

Appeler quelqu'un ?
Menu chouchoutage, rappelle toi !
Lilou leva le doigt pour l'obliger à se taire, et s'approcha à son tour avec une question au bord des lèvres :
Ça va coûter cher à l'Amiral, ça ?
Sans doute, oui.


Oh. Jetant un coup d'oeil vers Bee qui ne comprit pas un traître mot de ce qui se tramait autour de lui, ce dernier tomba sur un fauteuil rembourré avant de piquer du nez. Lilou fronça les sourcils avec un petit sourire contenté, en revenant vers Monty :

Alors demande plusieurs quelqu'un pour m'aider, et dis que je veux tous les produits les plus coûteux qu'il puisse y avoir dans l'hôtel ! Ah, et je veux aussi un petit ours vivant et adorable pour dormir cette nuit !
T'as décidé de lui faire payer, c'est ça ?
Je garderais la note précieusement, et je la présenterais à Shiro en arrivant à Marie Joie.


Une lueur mesquine passa dans son regard ambre.

Comme tu veux ma grande !

Et Lilou se défit de tout son équipement...
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