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Les marchands de pluie

South Blue.
Quelque part au coeur d'un pays désertique...

Le mercure frôlait les cinquante degrés cet après-midi-là. A l'ombre de ses quartiers faits d'épaisses toiles en peau de chameau, le vice-amiral Swiffer Jones finissait les derniers rapports sur sa mission. Elle avait été très fructueuse et le déplacement en avait valu la peine quoiqu'en pût dire l'amirauté. Un "je-vous-l'avais-dit" ne serait pas de mise pourtant, il lui fallait au bout de la tâche. Il en avait conscience, le chemin serait encore long avant d'éradiquer de cette organisation : Ashura.
Il posa sa plume quand il entendit bruisser le rideau de l'antichambre. Quelqu'un progressait sans bruit sur le tapis à fourrure qui isolait la tente de la chaleur du sable sur lequel il reposait. Le nouvel arrivant entra dans le bureau personnel du vice-amiral, et en lieu et place du salut réglementaire, il posa un genou par terre dans un geste de profonde révérence. L'amiral n'attendait pas sa venue mais il n'en fut pas surpris pour autant.

- Je ne t'ai pas mandé, Lieutenant Kelly, dit l'amiral d'un ton ferme.

- Will Kelly vient vous demander audience, Maître.

- Si tu veux t'entretenir avec moi, passe par les canaux habituels. Et cesse de m'appeler "Maître", tu n'es plus mon élève, tu t'en souviens ? Sa voix était ferme et sans familiarité.

- Will Kelly vous en prie, supplia-t-il précipitamment en se prosternant, les deux genoux ainsi que son front touchant terre cette fois-ci. Will a compris son erreur, Will peut se rattraper. Will va se rattraper.

- Qu'as-tu compris, dis-moi ? demanda le Maître en se levant de son bureau.

- Que la vie des hommes de Will n'est pas un tremplin pour lui permettre d'atteindre les sommets. Qu'il est de sa responsabilité de les ramener vivants. Que surtout, Will doit réfléchir avant d'agir. Ses deux ans de suspension lui ont appris l'humilité, Maître. Will a été sur les quatre mers, présenter à genou des excuses aux familles des marines qui sont morts par sa faute durant l'opération Poséidon. Ça n'a pas calmé leur douleur mais...  
Will vous en supplie, Will veut revenir dans votre grâce. Depuis trois mois, Will suit votre mission à distance, se cantonnant à son rang d'observateur.


- Je sais. As-tu appris la patience ?

Silence. Le vieil homme connaissait la réponse à sa question avant de la poser. Il savait que son élève rejeté n'aurait pas supporté des mois d'inactions sans bouger. C'était aussi dans ce but inavoué qu'il l'avait placé en dehors du théâtre des opérations, pour couvrir les arrières des troupes et de parer à tout ratage. Le vieil amiral ne l'avouera jamais mais il comptait en quelque sorte sur la désobéissance caractérielle de son élève. Le vieux loup ne considérait pas condamnable l'indiscipline, il voulait juste inculquer à son élève à l'exercer avec prudence.
Il reprit de son ton sans empathie :

- Je sais que durant deux heures dans la soirée d'hier, tu as quitté ton poste d'observation. Je n'ai pas besoin de mes yeux pour voir. Où étais-tu et que faisais-tu ? Ça a un rapport avec cette odeur résiduelle de sang qui se dégage de toi, je suppose ?

Naturellement, il le savait, pensa le jeune élève en se mordant les lèvres. Rien n'échappait à ce vieux fou. Il devait alors présenter les choses dans sa lumière à lui, de sorte à se mettre en valeur devant cet énième fait d'indiscipline chronique.

- Will Kelly suivait le ratissage de la ville depuis ses jumelles, Maître. Il y avait une faille après la mort du sergent Blake, ses éléments ont mal couvert son secteur, et le Commandant était trop pris la bataille marine pour s'en rendre compte. Un suspect s'est échappé. Will l'a suivi, puis capturé.
Les deux heures d'absence, c'est le temps qu'il a fallu à Will pour lui arracher des aveux. Malheureusement, il n'en reste pas grand-chose, au cas où le Maître voudrait l'interroger lui-même.


La dernière phrase avait été énoncée avec une délectation non dissimulée. Il s'était humecté les lèvres, sortant sa langue de façon indécente. Le vice-amiral qui lui tournait à présent le dos connaissait ses moindres mimiques. Il savait qu'il avait pris plaisir à écorcher ce malheureux sans nom. Et comme toujours, la victime avait parlé.

- Will croit savoir que le bilan de votre opération de démantèlement est de quatre navires du réseau capturés, deux coulés et vingt-cinq hommes arrêtés et autant envoyé en enfer ? Mais aucune information probante récoltée, Maître ? On dit l'équipage avait dans ses rangs un sniper non identifié qui a réglé les comptes des principales pontes de la flottille et que ceux que vous avez sous la main ne sont que de vulgaires petites mains sans envergure ?

Il avait un plaisir certain à rappeler à son maître ses propres échecs ou limites pour accentuer ce que que lui-même avait à dire. Juste pour la bonne mesure, un peu en deçà du seuil limite de l'irrespect fatal, mais juste assez près pour sous-entendre au vieux fou qu'il avait eu tort de l'écarter.

- Bah, figurez-vous que celui qu'a capturé Will, c'est le Chef d'escale. Le second après le capitaine de la flottille, quoi, reprit-il souriant maintenant alors que malgré lui, le vice-amiral s'était tourné vers son ex-élève, lui prêtant toute l'attention qu'il désirait . Will Kelly a décortiqué et exposé à nue sa faible âme, Maître. Il lui a dit tout ce qu'il savait.

- Et que t'as dit-il dit exactement ? demanda Swiffer Jones, impassible à l'extérieur mais tout retourné à l'intérieur.

Des années qu'il dirigeait les opérations contre le réseau Ashura avec comme résultat plusieurs chimistes arrêtés ou tués en opération, des dizaines de bateaux coulés, mais voilà, la structure cellulaire et la hiérarchie décentralisée de l'organisation de contrebande lui avait évité un coup fatal. Ashura se relevait toujours.

- Il a dit : "Boréa". Leur flottille avait appareillé sur un petit îlot au large du pays des glaces. D'autres membres du réseau leur ont livré la cargaison de Dance Powder. Il tient pour certain qu'ils appartenaient à une cellule du nom de Tempest.

- Est-ce la Cellule Principale ? Celle que dirige leur boss ? Lavoisier ?

- Sûrement, Maître. En recoupant les informations accumulées et les itinéraires connus des flottilles du réseau, vous avez ciblé quatre royaumes de North Blue qui étaient susceptibles d'abriter le QG du réseau. Boréa était en troisième position derrière Zaun et Luvneel. Nous voilà fixés.

- C'est tout ce que tu as obtenu comme renseignement ?

- Vous savez à quel point l'omerta est de mise dans Ashura. Chacun se contente de sa tâche et celui qui essaie d'en savoir plus sur celle des autres est exécuté pour espionnage. La tâche du Chef d'escale consistait juste en la réception de la cargaison et à sa livraison ici, sur South Blue. Ce qui précède la livraison, il n'en sait rien. Mais ! Grâce à la douleur, il s'est souvenu de choses apparemment anodines que moi, Will Kelly, j'ai exploité à bon escient. Par exemple, les hommes qui leur ont livré les sacs de Dance étaient habillés de salopettes bleues avec les lettres "C&C" cousues sur leurs torses. Will s'est renseigné et c'est le sigle de Craig & Croupton, la plus grande entreprise de manutention de Boréa. Elle fait métier de charger les conteneurs sur les bateaux en partance du grand port de Lavallière. Quelque chose dit à Will Kelly qu'on ferait bien de jeter un œil sur cette piste avant qu'elle ne s'évanouisse, surtout que la rumeur du succès de votre opération risque fort de ne pas passer inaperçue.

- Tu m'as fait languir pour pas grand-chose, Will, dit Swiffer Jones après un court moment. Je pensais que tu avais en main des certitudes et pas juste quelques soupçons.

- Mais... balbutia Will Kelly décontenancé par le ton négligeant du vice-amiral.
Il savait que le vieux ne lui ferait pas le plaisir de le féliciter pour son travail mais de là à faire comme si sa trouvaille était risible...

- Comme tu l'as toi-même dit précédemment, j'ai déjà démantelé quatre cellules du réseau. Et quatre autres cellules les ont remplacées, mais avec des méthodes encore plus indécelables. J'ai mis Ashura à terre, et elle s'est relevée. Toujours. Ce réseau de contrebande de Dance Powder est à l'origine de cinq guerres civiles directement liées à l'utilisation de la poudre de pluie. Si leur boss, ce Lavoisier n'est pas encore primé au-dessus de 30 petits millions, c'est que le Gouvernement ne veut pas donner à cette affaire, toute l'importance qu'elle devrait.
Tu vois l'emblème d'Ashura non ? Le démon aux plusieurs bras ? Maintenant, sais-tu ce que nous ne devrions plus faire ? C'est justement de ne plus lui en couper, des bras. Nous devons viser la tête.
Cette organisation doit être étêtée.


- Donc la piste de Will...

- Donc ta piste est juste un petit sentier qui, peut-être, te mènera à une des nombreuses mains d'Ashura. Mais je t'accorde que le fait qu'elle soit sur Boréa est très intéressante, mais pas plus.  

- Donc le Maître ne va rien faire... ? demanda-t-il, au bord du désespoir.

- Donc tu vas te rendre là-bas, à Boréa et enquêter. Le pays est en trouble à cause des actes révolutionnaires de ce type, Alrahyr Kaltershaft. Toute l'attention du Colonel Earl Grey est concentrée sur lui, tu ne pourras compter que sur toi-même. D'ailleurs, je préfère cela, Ashura a presque toujours été prévenue de nos actions d'éclats. Les seuls au courant de cette mission seront toi et moi.

- Quels sont les ordres du Maître, précisément ?

- Tu demandes toujours, mais tu ne les suis jamais. Je ne vais donc pas t'en donner de précises. Juste, trouve quelque chose d'utile pour nous aider à éradiquer ce virus. Mais je te donnerais des conseils par contre. Ne sous-estime pas l'ennemi, et fais preuve de discernement. Cela implique de me contacter si l'affaire devient trop grosse pour toi. Ne plonge pas tête la première dans quelque chose qui te dépasse.

- Bien, Maître, merci de votre confiance, murmura Will tout en pensant qu'il le contacterait uniquement quand il aura la tête de Lavoisier plantée au bout de son katana.

Il se disait, Will Kelly, que ce vieux fou ne lui enlèverait pas la gloire qu'il méritait et à laquelle aspirait son destin. Après le massacre de Poséidon, il en avait trop bavé pour revenir dans les rangs. Obligé de se rouler à terre devant des veuves éplorées alors qu'il n'avait jamais regretté la mort de leurs misérables proches. Lui, Will Kelly, l'étoile montante. Lui qui était destiné à devenir le plus puissant amiral qu'ait jamais connu la marine. Quelle différence, un ou deux pions sacrifiés sur le chemin de la gloire ?
La fin justifiait les moyens.
C'est animé par cette foi certaine que Will mit "Orphelin", son katana sur ses épaules et prit le chemin de la sortie, un large sourire aux lèvres.

Will Kelly, "L'étoile montante"



- Will ? fit Swiffer Jones.
Prend un pull, il gèle à Boréa.

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C'était une journée normale de plus à Jalabert.
Il faisait froid. La ville académique fourmillait de vie. Plusieurs étudiants sortaient bruyamment de leur dernier cours et constataient avec exaspération ou joie que la neige s'était invitée à la fête. Je posai mon regard sur l'entrée de l'hôpital réservée aux urgentistes. Un carrosse attelé venait de s'arrêter dans un dérapage grinçant et plusieurs infirmiers se précipitèrent pour extirper de la voiture un homme d'un âge avancé qui semblait, à mon grand dégoût, brûlé au deuxième degré sur une partie du bras droit. J’eus juste le temps de remarquer que sa blouse portait l'écusson de l'académie de chimie.

- Ces scientifiques et leurs expériences...

J'inspirai profondément cet air pur qui retranscrivait fidèlement la paix des lieux. Et pourtant, deux semaines plus tôt, l'hystérie et l'effroi s'étaient emparés de cette petite communauté de chercheurs. Un tueur fou surnommé "Le Réplicateur" à cause de sa manie d'imiter d'autres tueurs pour ses propres meurtres avait défrayé la chronique. Grâce à mon aide précieuse couplée à celle d'autres limiers plus expérimentés, le tueur avait finalement été éliminé. De ma propre main, qui plus est. Mais le combat final ne s'était pas déroulé sans accrocs, raison pour laquelle je me trouvais encore à l'hôpital universitaire de Jalabert. Mais ma convalescence touchait à sa fin.

Je m'éloignai de la balustrade d'où j'avais une vue jalousée sur la majeure partie du campus universitaire. Quelqu'un toqua aussitôt après à ma porte et entra sans attendre l'invitation. C'était une jeune femme de la même tranche d'âge que moi. Elle s'appelait Phrâne Thomson et était un Héraut de l'aurore, du nom de cette milice royale chargée de veiller et d'informer tout étranger sur les us et coutumes de Boréa. Mais comme je l'avais découvert au cours de l'enquête précédente, ils avaient aussi d'autres rôles moins connus comme la surveillance et l'espionnage de la population.

Phrâne Thomson avait une forme svelte, entraînée. Elle arborait le teint blafard des gens du nord. Sans poitrine ou presque, elle avait des allures de garçon manqué qui ressortaient d'autant plus avec sa coupe militaire. Elle passa une main aux longs doigts dans ses cheveux bruns pour se débarrasser des flocons de neige, puis enleva et accrocha son manteau en peau de castor à un porte-manteau. Elle prit place sur la seule chaise de la pièce, tout près de mon lit. Ses yeux gris acier me dévisageaient avec une inutile expression de sévérité.

- Quoi ? demandai-je.  

- J'ai attendu toute la journée d'hier. Alors ? Votre réponse ?

- Calmez-vous. Je vous ai dit "dans deux semaines". Aujourd'hui en fait partie, il n'y a pas le feu, répondis-je en baillant.

- C'est une affaire de la plus haute importance. Le Terrier ne peut pas attendre. Vous êtes avec nous ou non ?

"Le Terrier". C'était là une étrange manière de faire référence au roi Maximilian Nordin de Boréa, pensai-je, amusé. Étais-je avec eux ou pas ?
J'avais pris ma décision le jour même où elle me posa cette question, mais cela ne m'avait pas empêché de demander deux semaines de pause-réflexion. Je voulais être sûr d'avoir exploré toutes les facettes de cette mission avant de l'accepter. Je redressai mes lunettes et fermai les yeux.

C'était par un jour semblable à celui-ci, juste après la mort du Réplicateur que Phrâne Thomson s'était invitée dans cette même chambre d'hôpital qui empestait l'alcool et les médicaments. Elle m'avait alors révélé qu'elle était aux ordres directs du jeune roi et que ce dernier avait besoin de quelqu'un pour -en reprenant mot pour mot l'expression du héraut- "L'aider à enlever six épines des pieds".
Les six épines en question, expliqua-t-elle après, étaient des individus aux identités secrètes qui formaient un groupuscule nommé "Le Conseil des Six Lunes". D'après le roi et le héraut, c'étaient eux qui détenaient les réelles rênes du pouvoir sur l'île, contrôlant tout ce qui se passait par un habile jeu de manipulation, d'intoxication, de corruption et de pouvoir. Rares étaient donc les personnes de confiance du roi. Il avait besoin de quelqu'un d'extérieur à l'île pour enquêter sur eux, quelqu'un de fiable et d'intègre qui ne vendrait pas son allégeance au plus offrant. Pour une raison ou pour une autre, il avait jeté son dévolu sur moi à cause de mon rôle dans la mort du Réplicateur et dans l'enquête en général. Les deux semaines que j'avais demandées n'avaient pas été perdues en vaines réflexions, elles m'avaient permis de rassembler certaines informations, grâce à mon fidèle informateur : Dena'. Il m'apprit que ce Conseil des Six Lunes était vraiment très puissant et que son influence ainsi que son réseau étaient tentaculaires. S'attaquer à ses membres reviendrait à s'attaquer à un monstre à plusieurs têtes...
Le rêve en somme pour moi qui aimait ce genre défi, pas pour l'argent, mais pour le plaisir incommensurable de me mesurer à des maîtres manipulateurs. J'aimais la sensation de jouer ma vie sur un échiquier géant en sachant que chaque coup pourrait être le dernier.

- J'accepte la mission, répondis-je.
Cela dit, j'espère tout de même que vous ne me jetez pas dans le vide sans parachute ? Vous avez une piste, un truc, quelque chose ou quelqu'un, histoire de débuter cette mission ?

- Nos pistes sont minces, mais nous savons que certains membres du Conseil trempent dans des activités illégales. En fait un de nos agents, Aoba Yakushi a été assassiné sur les côtes, à quelques kilomètres d'ici il y a un mois de cela. Nous pensons qu'il a dû être témoin de quelque chose. Mais de quoi, nous l'ignorons.

- Et ? renchéris-je en me demandant ce que je pouvais bien faire d'une info aussi vide.  

- Bah, si nous avions plus d'hommes, nous aurions mené une véritable enquête. Mais nous sommes très peu encore fidèles au roi alors, nous n'avons pas eu d'autre choix que de laisser tomber, en apparence du moins, en attendant une meilleure occasion. D'où votre mission.

- Vous voulez que j'observe la côte en attendant de voir s'il se passe quelque chose ?

- Il se passera quelque chose, assura-t-elle d'un ton ferme en lisant le doute absolu dans les yeux de Loth. Pourquoi pensez-vous que j'étais pressée ? Aujourd'hui, ça fait un mois jour pour jour que notre agent a été tué. Il est possible que ce dont il a été témoin ait une certaine périodicité. Mensualité avec un peu de chance. C'est le moment pour nous de savoir.

J'acquiesçai du chef. Je voyais une certaine logique dans le raisonnement du héraut et décidai de prendre ses dires pour comptant cette fois.

- Une dernière chose, Phrâne. Nous discuterons de mes honoraires une fois la mission accomplie, mais dans l'immédiat, j'aurais besoin d'une lettre de reconnaissance, ou de recommandation. Une sorte de garantie signée par le roi de Boréa lui-même au cas où je tomberais dans une fâcheuse situation et que j'aurais besoin de prouver que je travaille pour lui. Inutile de spécifier la mission, juste que je suis à son service. Comme conseiller spécial, peut-être.
Sans reconnaissance, pas de mission.


- D'accord, je vais t'obtenir ça de ce pas.


Je ne mis pas longtemps à rassembler ce qui me restait d'affaire, à signer la décharge à l'entrée en évitant au maximum les infirmières qui faisaient leurs groupies (après tout, j'avais tué le Réplicateur ! Tueur de tueur, elles m'appelaient...). Quelques minutes plus tard,  j'étais dehors dans les rues soigneusement pavées de Jalabert.
Je me dirigeai d'un pas lent vers le parc et l'atteignis un bout de temps après. Les gens avaient recommencé à y faire leur jogging après le double meurtre sanglant qu'il y eut. C'était bon signe, la vie devait reprendre son cours. Je m'arrêtai soudain comme frappé d'un sortilège d'immobilisation. Vers moi se dirigeait un homme dont j'avais un peu oublié l'existence. Il avançait de cette allure et de ce maintien fier, droit et arrogant qu'avaient les hommes convaincus de leur invulnérabilité. Il se dégageait de l'homme une envie d'occuper tout l'espace environnant quitte à étouffer les autres.


- Bonjour Professeur Oort, dis-je d'une voix monocorde.

- À partir d'aujourd'hui ce sera "Votre Excellente Magnificence Professeur Oort", répondit-il, suffisant.
Je pensai que son ton n'aurait été point différent s'il m'avait annoncé qu'il venait d'être élu dieu suprême de l'univers.

- Ah ! Ainsi donc la mort d'Amaury Rodney vous a profité finalement, notai-je en détaillant l'air arrogant, le crane intégralement chauve et la barbe de cinq jours de mon interlocuteur. Recteur de l'Université Internationale de Jalabert et Maire de la ville. Double fonction, double pouvoir. Mais je crains que pour moi, vous restiez le "professeur fouineur Oort".  
En refusant de l'appeler par ses nouveaux titres, je lui refusais la diction du thème de la conversation et Oort le prit comme tel.

- Je n'ai pas fouiné, je vous ai aidé dans votre enquête. Sans moi, vous n'auriez jamais pu faire certains liens.

- Je retiens surtout que sans vous, nous aurions avancé beaucoup plus vite. Enfin, c'est de bonne guerre, l'obstruction à la justice n'a pas été retenue contre vous. Donc nous n'avons plus rien à nous dire, cher professeur fouineur, fis-je, railleur.

- Attention à ne pas pousser loin le bouchon, Loth Reich, menaça-t-il.

- Sinon quoi ? demandai-je, amusé.

- J'espère que c'est pas ce petit statut de héros qui vous monte à la tête. Les gens oublient vite les héros, Loth. Vous feriez mieux de quitter cette ville et de ne plus y revenir. Et puis, n'oubliez surtout pas que les héros ont une courte durée de vie.

- Voilà, c'est mieux ainsi ! C'est ça votre vrai visage ! fis-je encore plus amusé en voyant l'expression meurtrière et la veine qui battait furieusement sur la tempe de Oort. Désolé de vous l'apprendre mais je resterai un moment dans le coin alors vous allez devoir composer avec moi, continuai-je en le dépassant. Je m'arrêtai juste à côté de lui, épaule contre épaule. Jouissez bien de votre nouveau statut, Oort, car ça ne va pas durer. Votre Pouvoir Lunaire ne vous protégera pas de moi.

Nous nous sourîmes. nous redressâmes nos lunettes puis continuâmes notre chemin sans mot.
J'avais eu deux semaines pour méditer sur le cas Oort et c'était la seule solution à laquelle j'étais arrivé en établissant son profil psychologique. Ébénézer Oort était soit un membre du Conseil des Six Lunes ou soit un maillon important du réseau qui les entourait.
L'homme ne supportait pas d'être ignoré, il désirait être le centre d'attention. Son implication dans l'enquête, ses fausses-vraies pistes avaient aussi bien conduit à l'identification de la signature du Réplicateur qu'à la mort de l'ancien Recteur. Ce qui était du pain béni pour lui au final.
J'ignorais encore comment je comptais m'y prendre mais j'avais bien l'intention d'afficher Oort au grand jour. Si mes déductions étaient justes, le désir exponentiel de vivre et de reconnaissance d'Oort devrait le pousser à entreprendre bientôt une action inconsidérée et là je saisirai ma chance. L'homme me haïssait depuis que je l'avais fait enfermer comme un malotru pour obstruction à la justice du Gouvernement, en salissant au passage son honneur et son nom. Si je ne venais pas à lui, Oort, de son côté, n'y manquerait pas. Et s'il était vraiment un membre du Conseil, comme j'en avais le pressentiment, je devais le prouver.
Mais pour l'instant j'avais d'autres chats à fouetter. Oort, pour l'instant, était une bouée de sauvetage, au cas où la piste de Phrâne Thomson ne donnerait rien, seulement.

Je reléguai le nouveau recteur dans un coin sombre de mon cerveau et plissai des yeux en remarquant l'individu que j'étais venu rencontrer dans le parc. C'était Denavellion, communément appelé Dena'. Je travaillais avec lui depuis trois ans, c'était un indic de premier ordre qui savait trouver n'importe quelle information, si tant que vous en payiez le prix. Assis sur un banc en bois vieilli, il était attifé d'une soutane horriblement pourpre que je reconnus comme étant la tenue réglementaire des membres de l'académie des Runes Anciennes.

- Sérieux, fais un truc à propos de tes déguisements. C'est de plus en plus ridicule.

- M'plaisait bien c'lui'là. Alors, fini ? On cause de Bourgeoys ?

- Bourgeoys ? Bourgeoys ? répétai-je sans comprendre. Ah merde ! m'écriai-je en me donnant une tape sur front. J'ai totalement oublié !

- Oublié ? C'pas possible, pas toi.

Forcément. Qui pourrait bien oublier qu'il avait prévu de braquer le sacro-saint musée national de Boréa pour y dérober un des trésors nationaux à plus de trente millions de Berry ? Et cela paraissait plus étrange encore quand on connaissait ma passion pour les billets...

- Désolé, Dena', mais nous allons reporter ça. J'ai une autre mission qui pourrait me rapporter plus encore. Aussi bien en défi, en plaisir, qu'en argent. Le musée, on verra ça plus tard.

- Et c'quoi ? demanda-t-il en doutant qu'une telle mission puisse exister.

- Danser au clair de Lune, répondis-je, énigmatiquement.


Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 20:23, édité 7 fois
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Cher Journal,  
Je me suis rendue à Boréa pour remplir deux contrats. Celui du dénommé Aoba Yakushi avait déjà été exécuté, quand j'ai reçu deux missions supplémentaires et semblables émanant, chose très rare, de mes deux employeurs. Et étrangement, elles concernaient le dernier de mes contrats, à savoir, l’élimination de Bob Raph, alias le Postier.
Vois-tu, le Postier, est un membre du Réseau Ashura spécialisé dans la contrebande de Dance Powder. Je me doutais qu'il était implanté à Boréa, je savais aussi que le Réseau était émietté en Cellules, mais j'ignorais laquelle de ses Cellules avait élu domicile dans ce pays. Donc tout naturellement, j’enquêtai.

Ces faits datent d'un mois et dans ce laps de temps, j'ai fait des progrès énormes. Faut dire que j'ai eu du bol de suivre les bonnes pistes et la Cellule que je traquais, bien qu'ingénieuse a accumulé de minimes erreurs impossibles à détecter par un profane peut-être mais aux yeux d'un limier de ma trempe, elles sont mises à nue.  

Cher Journal, je suis atterrée par la bêtise humaine. J'ai découvert l'horreur et ai été si bien secouée que je n'ai pu m'empêcher de monter une vaste toile dans le seul but de faire ce que je fais de mieux, manipuler. Déjà, grâce à mes renseignements, le vice-amiral Swiffer a pu démanteler la Cellule Espadon sur South Blue. Depuis un certain moment, son jeune élève, Will Kelly, lieutenant de son état m'intéresse. J'ai calculé que sa psychologie instable ferait un bon candidat pour un éventuel retournement. Et, j'ai pris les dispositions pour qu'il trouve une vague piste sur Tempest qui l'emmène à Boréa. Et ça a marché, il est en route.

D'un autre côté, comme je l'espérais, la mort de Yakushi a fait réagir le roi qui a décidé de bouger face aux complots en tout genre qui se tramaient dans son pays. Et comme je l'avais aussi prévu, il a confié cette controffensive à une autre personne qui m'intéresse au plus haut point, Loth Reich, fin limier de son état. J'aurais due travailler avec lui sur l'affaire du Réplicateur pour mesurer tout son potentiel mais mes contrats m'ont retardée. Soit, je vais pouvoir jouer avec lui sur ce nouveau terrain qu'il trouvera, j'en suis certaine, à son goût.

Il s'est passé des choses horribles à Boréa, Loth et Will ne tarderont pas à le découvrir, mais ce qui se révélera le plus intéressant, c'est la rencontre entre leurs deux personnalités. Et je vais tout faire pour qu'elle ait lieu. Dans l'ombre, je les aiguillerai.

Je sens que je vais m'amuser, beaucoup même, cher Journal. Mais je n'oublie pas la mission que m'a confié le Géomètre dans la continuité de notre enquête sur Ashura. A savoir découvrir l'identité du Cafard.
 
Cordialement,
Ton cher Plombier.


Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 17:02, édité 1 fois
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Juché sur une crête rocheuse, j'observais le paysage en contrebas. Quatre heures s'étaient écoulées depuis que je m'étais entretenu avec Dena'. Laissant l'indic à Jalabert, j'avais poursuivi ma route à cheval vers l'est, droit vers la côte où les "activités suspectes" décrites par Phrâne Thomson avaient eu cours.
L'endroit était inhospitalier, il n'y avait pas âme qui vive sur ce côté de l'île. Quand le sol rocheux n'était pas surélevé d'une dizaine de mètres au-dessus du niveau de la mer, c'est une mince bande terre gelée qui séparait North Blue d'une forêt boréale luxuriante de type Taïga.

Je suivis la courbe que dessinait la côte pendant encore quelques minutes sans rien trouver de suspect. L'air froid était mordant et par moment, je crus voir une masse bouger dans l'eau recouverte d'une fine couche de glace. Surement une baleine boréale, me dis-je, en reprenant mon inspection du littoral. Peu après, je tombai sur une cabane bâtie dans les hautes branches d'un immense érable. Elle était orientée vers la mer, sans doute dans un impératif de surveillance. Souriant, j'entrepris de grimper à l'arbre. Ce fut aisé. L'endroit était austère, construit pour abriter une seule personne. Des boites de conserve par terre semblaient indiquer que quelqu'un avait régulièrement séjourné là. Un télescope sur trépied était installé près de la fenêtre qui donnait sur North Blue. Tout avait l'air d'un judicieux poste d'observation pour guetter quelqu'un ou quelque chose et assurément, ce n'était pas une planque des hérauts de l'aurore sinon Phrâne m'en aurait parlé. Je ne me fis pas prier pour prendre mes aises dans la cabane perchée. Je pris place sur la seule chaise (grinçante) des lieux et collai un œil contre le télescope en balayant régulièrement le littoral.

Combien de temps restai-je assis là à scruter l'horizon ? Je ne le savais pas, j'en avais perdu le compte. Plusieurs minutes peut-être, plusieurs heures sans doute, plusieurs jours d'été ensoleillés à n'en pas douter...
Le viseur de la longue-vue avait eu le temps de marquer mon œil d'un cerne noir quand j'aperçus enfin quelque chose d'intéressant. Une silhouette brisa la ligne d'horizon qui délimitait North Blue. Elle avançait lentement et se fit plus nette au fil des miles engloutis.
Le bateau était un brise-glace de petite taille susceptible d'embarquer une quinzaine de membres d'équipage. Il battait pavillon des flottilles commerciales, mais je savais qu'il s'agissait probablement d'une ruse pour passer inaperçu. Il n'y avait aucun port à Jalabert et si ce navire était vraiment ce qu'il prétendait être, il aurait dû se diriger vers Lavallière.
Était-ce là, "les activités suspectes" qui avaient coûté la vie à un héraut de l'aurore ? En tout cas, quelqu'un était au courant de l'arrivée de ce bateau puisqu'il s'était donné la peine de construire la cabane. Quelqu'un traitait avec ses occupants parce qu'à l'instant où je me mis à réfléchir à ce qu'il convenait de faire, une série de flashs éphémères émana du navire. J'eus la nette impression qu'ils devaient être uniquement visibles du télescope. Les flashs étaient brefs parfois un peu plus longs, espacés d'une seconde, de deux, puis une seconde à nouveau...

- Du morse... susurrai-je en prenant un calepin et une plume dans la poche intérieure de mon manteau.

__ __ . . . Deux longs flashs suivis d'une série de trois plus brefs, c'est le chiffre "7", décryptai-je.
. . . . . Cinq flashs rapides, le chiffre "5".
__ . __ La lettre "K".
__ __ . Deux longs flashs suivis d'un autre éphémère, la lettre "G".

- 75 KG ? me demandai-je, quand le bateau cessa d'envoyer son message crypté. 75 kg de quoi ? Et pourquoi du morse, les den den mushi sont en panne ?

Malgré l'existence de la race blanche de den den mushi qui empêchait les écoutes, sûrement, ne voulaient-ils courir au risque... La prudence excessive des occupants du bateau ne me rendit que plus excité et avide de savoir. Ils voulaient 75 kg de quelque chose qui valait la peine de prendre autant de précaution. De la drogue ? Ouais, ça expliquerait largement la mort du héraut. Plus d'un se faisaient buter chaque jour pour ces conneries.
Il y avait aussi un autre problème. Ce message était destiné à une personne qui devait normalement faire le guet dans la cabane où je me trouvais actuellement. Où était-elle ? Pourquoi avait-elle raté ce rendez-vous si discret et sûrement très important ? Risquait-elle de débarquer et de me surprendre dans l'arbre ? Était-ce comme cela qu'était mort le héraut ?

Je restai des minutes immobiles aux aguets à écouter chaque bruissement de la forêt à la recherche d'un bruit ou d'une présence inhabituelle, mais rien ne vint. Certain, je ne savais trop comment, que l'habituel guetteur avait raté son rendez-vous, je me questionnai sur la marche à suivre. Il n'y avait aucun projecteur ou torche, aucun miroir, rien qui pourrait supposer que celui qui se trouvait habituellement là répondait lui aussi en morse au navire. Que devais-je faire ?  
À défaut de réponse, je reportai mon attention sur le brise-glace qui continuait à avancer à ma grande surprise. Sans longue-vue, il était maintenant bien visible depuis la côte et à en juger par sa trajectoire, il se dirigeait vers une espèce de crique non loin dont je connaissais l'existence pour l'avoir remarquée à mon arrivée à Jalabert. Moi aussi, j'étais passé par ce chemin détourné, histoire d'éviter les embouteillages portuaires de Lavallière.

Je sautai de l'arbre et atterris lestement sur le sol gelé. Mon plan décidé sur le tas était tout simple. Je comptais aller voir de plus prêt cet étrange bateau et ses occupants. Sans aucun doute des forbans ou des contrebandiers. Mon pouls s'accéléra à cette pensée, moi-même j'en étais un de contrebandier, une telle rencontre ne pouvait qu'être intéressante.
Intéressant fut tout aussi ce qui se passa ensuite. Avec horreur, je vis la mer s'agiter à grosses bulles comme si elle bouillait. Ensuite vint une énorme masse, jaune, écaillée, plusieurs yeux, des dents aussi grandes qu'un humain... Je réalisai que c'était peut-être la chose que j'avais vu remuer sous la surface et que j'avais prise pour une baleine boréale. Les occupants du brise-glace prirent conscience du danger qui avait émergé juste derrière eux. De rapides manœuvres furent engagées ; les voiles qui avaient été pliées furent redressées, des rames percèrent les flancs du bateau et se mirent à remuer frénétiquement, des cris d'effroi retentirent en désordre, et même quelques rafales d'armes automatiques fusèrent.

Rien y fait, le monstre innommé ouvrit grand sa gueule et d'un coup, engloutit plus de la moitié du navire en faisant voler ici et là des débris de bois. Il plongea, ce qui provoqua moult remous et vaguelettes à la surface. Le monstre revint à la charge pour avaler ce qui restait du brise-glace. En une minute, c'était fini. Il ne restait plus rien du bateau à part des copeaux de bois, des bouts de ferrailles à la dérive, une partie du nid-de-pie et une masse huileuse flottant à la surface, surement le carburant.
J'étais, quant à moi, parfaitement immobile, totalement effaré par la soudaineté, la rapidité et la violence de l'attaque. Dire que j'avais emprunté le même chemin que ce brise-glace, mais juste en pirogue... Je revins à moi quand j'aperçus quelque chose bouger de nouveau dans l'eau. Je redressai mes lunettes et fis le point sur un gros morceau de poutre. Quelqu'un, un homme y était accroché. Il semblait blessé et s'agrippait difficilement.

Archivant la partie de mon cerveau qui hurlait à l'inconscience, j'enlevai précipitamment mon manteau, mon kimono, mes bottes et plongeai à la rescousse de l'homme. L'eau était surement à une température négative. Instantanément, mon souffle s'était gelé et m'empêcha de respirer. Luttant contre cette soudaine asphyxie, je nageai jusqu'au malheureux que je ramenai sur la côte tant bien que mal. Je m'écroulai sur le sol, toussotant, frissonnant de tout mon être. Même si l'hypothermie semblait toquer à ma porte, j'étais infiniment mieux loti que l'homme que je venais de "sauver".
C'était un individu intégralement chauve, en costume trois pièces. Toute la partie inférieure de son corps à partir des genoux avait été emportée par le monstre. Il était d'une pâleur exsangue. L'homme avait déjà perdu trop de sang. Il mourut quelque instant après sans un mot.

- Alors qui êtes-vous, monsieur-le-bien-fringué ? murmurai-je en fouillant le cadavre, après m'être rhabillé en vitesse. Je trouvai sa pièce d’identité. Bilal Ibn Faqîh, négociant en fruits et légumes pour le Royaume de Nal-Ohta de North Blue.

Si ce type était un marchand de fruits et légumes alors moi, j'étais le pape...
Je continuai ma fouille et retirai bientôt d'une poche bien dissimulée dans une autre poche de sa veste, un sachet contenant une substance poudreuse verdâtre qui exhalait une forte odeur d'ammoniac. Je souris sereinement en reconnaissant le produit en question. Tout devint clair, du code morse, à la discrétion manifeste de ces contrebandiers en passant par le meurtre du héraut. Bien sûr qu'on pouvait facilement tuer pour cette poudre verte. Une feuille accompagnait le sachet et indiquait que Bilal contacterait un certain "C&C" à Lavallière.
Tellement longtemps que j'attendais de trouver un filon en or comme celui-ci !
Ce monsieur, Bilal Ibn Faqîh, était un contrebandier ou un acheteur de Dance Powder, la poudre de pluie.

- Promis, en votre mémoire, je ferai pleuvoir averse, telles des larmes de joie en souvenir de votre violente mort. Cette pluie sera mon beau temps.

________________________________________


- C'est quoi ce souk ? Ne mens pas à Will Kelly. Il sait toujours.

Deux semaines plus tôt, L'étoile Montante roulait encore sa bosse au cœur d'un pays désertique paumé sur South Blue. Suite à son entrevue avec son Maître, il avait mis le voile sur le royaume des glaces. Malgré ce changement radical de décor, malgré qu'il fût sur l'île seulement depuis vingt-quatre heures, le Lieutenant n'avait pas chômé. Il s'était tout de suite mis à la tâche, gonflé par son ego démesuré, sa croyance en sa propre et fulgurante destinée. Mais Will n'avait pas eu à chercher avant de tomber sur sa première piste et désillusion. En une d'un quotidien, il avait appris ce qu'il craignait depuis son départ de South Blue : Qu'Ashura efface les traces de tout ce qui pouvait avoir un lien avec la Cellule Espadon démantelée par le vice-amiral Jones.
En effet, la compagnie de manutention Craig & Croupton avait mis la clé sous la porte, en état de liquidation judiciaire suite à une série de scandales de corruption sans précédent sur Boréa. Étrangement, ces faits avaient éclatés au grand jour, soixante-douze heures après l'opération réussie de Jones. Will Kelly n'avait aucun doute, Ashura nettoyait son merdier. Mais loin de se laisser abattre, il avait joué une des cartes qu'il n'avait pas dévoilées à son Maître. Suite à une série de renseignements obtenus en soufflant le chaud et le froid, le lieutenant avait creusé, repéré puis suivit un docker qui travaillait encore pour C&C avant sa faillite. Il s'était directement renseigné sur lui, le docker à la barbe en bouc, au crâne de bille et qui arborait un dard de scorpion sur son cou. L'homme faisait partie de l'équipe qui avait livré la Dance Powder à la flottille de la Cellule Espadon. C'était un de ceux qui portaient les salopettes cousues au blason de C&C, un de ceux dont lui avait parlé le malheureux Chef d'escale qui n'était maintenant qu'un amas sanguinolent de chairs mortes en plein air dont se repaissait sûrement les vautours de South Blue. Ce docker se faisait appeler le Coursier.

Après trente minutes passées à la merci de Will Kelly, le pauvre Coursier ne ressemblait plus à grand-chose. Seul le fameux dard de scorpion tatoué était encore visible sous la couche de sang qui suintait des différentes lacérations dont était constellée sa tête chauve. En ce moment, Will regrettait d'avoir agi sous l'impulsion du moment, et s'il avait été honnête avec lui-même, il aurait entendu la voix désapprobatrice de son Maître lui rappeler de garder son discernement. Le Coursier se rendait quelque part sur la côte de la ville universitaire de Jalabert quand le lieutenant l'avait intercepté, convaincu qu'il pouvait le forcer à parler. Mais après blessures sur blessures, force était pour lui d'admettre que l'homme qu'il avait en face de lui était soit très loyal envers ses pairs, soit qu'il craignait quelque chose de pire que la mort. Que sa mort.
Will paria sur ce dernier point, s'empara de son appareil photo, puis se mit à mitrailler de flashs l'homme étendu par terre. Le changement de procédé interloqua le Coursier qui, malgré qu'il fût au bord de l'inconscience parvint à lever les sourcils d'incompréhension.

- Si tu te demandes ce que Will Kelly fait, c'est simple, il te prend sous toutes les coutures. Il sait toujours tout, le Will, dit-il d'une voix enjouée. Il sait que tu as peur pour ta famille, parce que si tu parles, tes potes vont leur faire la peau. Mais Will Kelly aussi sait trouver quand il cherche. Après tout, il t'a trouvé. Alors il trouvera ta famille.

- N..non, pi..tié... hacha-t-il suppliant.

- Mais non, L'étoile Montante sait se montrer conciliant. L'avantage d'être un chasseur de crapules c'est qu'on finit pas en connaître, des crapules. Will n'est pas un tueur de femme au foyer, ni d'enfant. Non, ce qu'il va faire c'est appeler son ami qui aime bien fournir les nobles en serviteurs. Avec un peu de chance tes mômes seront des garçons qui pourront travailler dans les mines ou dans les fermes. Ta femme en plus de tes filles, si t'en as, finiront sûrement dans un bordel pour le restant de leur vie. Je connais quelqu'un qui connait quelqu'un pour ça aussi. Vont prendre du plaisir là-bas et Will n'oubliera pas de leur dire que c'est à cause de leur père qui n'a pas réussi à les protéger...

- Non... Non... Vous n'f'rez...

- Qu'est-ce que tu allais faire vers Jalabert ? Qui allais-tu rencontrer ? Qu'allais-tu y faire ? Donne quelque chose à Will si tu ne veux pas que ta fille devienne la meuf la plus fourrée de tout North Blue quand je la jetterai en pâture aux rébus de Zaun !

Sous cette menace écœurante, impérieuse et devant la preuve que le maître chanteur n'était pas un plaisantin, le Coursier vendit la mèche et lui révéla tout ce qu'il savait. Il confirma à Will qu'il appartenait bien à la Cellule Tempest, que la société de manutention n'était qu'une entreprise écran destinée à couvrir les activités de la Cellule, et que lui y tenait aussi le rôle de coursier, puisque tel était son prénom. Il lui révéla entre autre qu'il se dirigeait vers Jalabert pour prendre la commande d'un certain Bilal Ibn Faqîh du Royaume de Nal-Ohta qui viendrait pour la première fois acheter leur produit.

- Qui dirige Tempest ? Où se trouve le labo ?

Il l'ignorait. Il ne savait rien de plus à son niveau. Il raconta à un Will impatient qu'il déposait les commandes récupérées dans une "boite aux lettres noires" aménagée quelque part dans un jardin pour enfant dans la ville de Lavallière. Et qu'ensuite, une personne surnommée le Postier venait les récupérer. Son rôle à lui s'arrêtait là, il ignorait comment mais, le client recevait toujours la Dance par un livreur. Il n'avait pas chercher à en savoir plus, la loi du silence était partout dans Ashura.

- Merci. Will Kelly ira vérifier ce qui se passe dans ce parc pour enfant.

- Ma... fa...mille...

- Ta famille n'aura rien à craindre. Mais pour toi par contre...

D'une, de deux, il fit chanter Orphelin qui s'abattit dans un éclat argenté sur le cou épais du docker qu'il sépara de son tronc aussi facilement que s'il venait de traverser du beurre. Will Kelly redressa ses lunettes de soleil maculées de sang et arbora son sourire le plus carnassier quand la tête du pauvre homme voleta en vrillant pathétiquement. Rien au monde ne lui était plus jouissif que de supprimer les déchets dont le monde n'aura plus jamais besoin. Il aspirait à devenir Amiral en chef et depuis longtemps, il avait décidé que le chemin menant à ce trône serait tapissé de cadavres et de rivières de sang. Maintenant que le Coursier était mort, le prochain en danger était celui qui venait récupérer les missives. Il était temps de se mettre en quête du Postier.

Will Kelly quitta précipitamment les sous-bois qui avaient vu mourir le docker. Il était animé par le désir se rendre le plus rapidement possible à Lavallière mais aussi par le sentiment ineffable que quelqu'un l'observait dans les bois. Il ne vit personne bien sûr.
Pourtant, moins de vingt minutes après son départ, une silhouette se détacha des haies de plantes sauvages et se planta devant la tombe de fortune du Coursier.
Le Plombier souriait sereinement, animée par des desseins aussi alambiqués que ceux qui avaient coûté la vie au Coursier…


Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 19:19, édité 1 fois
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Mon poncho en fourrure de yack voletait au gré de la brise mordante alors que je cavalais à travers les steppes givrées de Boréa. J'étais dans ses landes profondes, dans l'arrière-pays recouvert d'un suaire blanc. Cet environnement dépaysant et vide de présence humaine m'aida à mieux réfléchir à ce que je venais de vivre. Et j'étais content. Encore, ce fut un euphémisme.
Ma découverte m'avait émoustillé au plus haut point. La Dance Powder valait vraiment la peine qu'on s'y attarde et si, comme je le soupçonnais, une organisation en produisait dans ce pays, il fallait absolument que je m'y incruste.
Bilal Ibn Faqîh, le mort, venait donc de Nal-Ohta, un royaume désertique dans la zone la plus septentrionale de North Blue, tout près de Calm Belt. Peut-être que la désertification de ce pays était due à un trop-plein d'utilisation de Dance Powder, parce que la poudre magique faiseuse de pluie était un couteau à double tranchant. En faisant pleuvoir sur une région X, elle privait une autre région Y de ses nuages. Un simple reflet de la dualité de ce monde, diront certains. Le bonheur et le malheur se côtoyant en somme. Ce Bilal était sûrement un contrebandier de haut vol qui fournissait en poudre ceux qui voulaient faire tomber la pluie sans cure de la situation de leurs voisins.
Sur le corps du mort, j'avais aussi trouvé une note qui faisait référence à un certain C&C. Après des semaines passées à l'hôpital n'ayant pour tuer le temps que de lire des bouquins et la presse, je ne pouvais que savoir que C&C n'était pas les initiales de quelqu'un mais le sigle de Craig & Croupton. Depuis près de quinze jours, c'était "l'affaire" qui ébranlait les médias, supplantant même les actes révolutionnaires d'Alrahyr Kaltershaft. La raison en était double. Primo, Craig & Croupton était l'un des plus gros employeurs de la ville, jusqu'à deux cents cinquante personnes y travaillaient à temps plein ; deuxio, le scandale de corruption et de détournement de fonds qui avait explosé au su du peuple avait été orchestré par un seul homme : Marcomillian Nordin -le cousin direct du roi Maximillian- qui détenait la majorité des parts de la firme. Pendant plus de dix ans, avait révélé la presse, l'ex-magnat de la manutention qu'il était, avait monté un complexe système d'endettement et de détournement, associant emprunt bancaire et détournement du fonds de roulement de l'entreprise. Tout ça, à des buts libidineux, Marcomillian était connu pour sa braguette en permanence ouverte...  

Du coup, Marcomillian était en résidence surveillée en attendant l'instruction de l'affaire et tous ses employés avaient été forcés au chômage. Perplexe, je me questionnai sur la soudaineté de cette révélation et sur la rapidité avec laquelle ces infos exposées au grand jour avaient précipité la faillite de C&C. À cause des détournements de son principal actionnaire, l'entreprise était financièrement morte depuis des années, s’endettant pour rembourser d’autres dettes. Mais que cette info sorte comme par hasard dans cette période précise alors qu'elle était passée sous les radars pendant une décennie entière me parut bien suspect. Trop suspect quand j'y ajoutai un autre fait important qui s'était déroulé sur South Blue quelques jours, trois exactement, avant la révélation de l'affaire C&C : Une flottille appartenant au célèbre réseau Ashura spécialiste dans la contrebande de Dance Powder avait été capturée et détruite par la flotte du vice-amiral Swiffer Jones, La Tornade.
De la Dance retrouvée dans une mer lointaine, de la Dance retrouvée sur un cadavre ici à Boréa, un cadavre qui devait contacter quelqu'un à C&C, C&C étrangement mis en faillite par une affaire soudaine qui au final retombait sur la gueule d’un seul accusé permettant ainsi aux autres dirigeants de prendre la tangente vers les ténèbres...
Dans ce monde souterrain, je savais que ce genre de coïncidence n'existait pas. Et cette suite d’événements me conforta dans mes pensées : quelqu'un manœuvrait dans l'ombre, effaçant des traces. J'étais alors prêt à parier mon meilleur bras que la flottille démantelée avait sûrement embarqué d'ici, à Lavallière ou à Jalabert. Et de ma découverte émergea la conclusion logique de tout cela, ce qui me stupéfia sans rapport avec le froid glacial environnant : Une branche ou carrément le QG du réseau Ashura se trouvait ici, à Boréa, quelque part dans ces steppes gelées.
Et comme j'étais convaincu de détenir les parties d'une vérité qui échappait à un amiral depuis longtemps, les hypothèses explosèrent littéralement dans ma tête, par centaines.
C&C s'occupait de charger et de décharger les conteneurs en partance ou arrivant dans le port de Lavallière, une position idéale pour charger de la marchandise de contrebande dans les conteneurs ou pour en récupérer. Et si réellement Ashura avait provoqué sa faillite, c'était que ses activités avaient été gravement compromises. Quelqu'un avait peut-être cafardé.

La question que je me posais dès lors était de savoir si C&C était une société écran, montée de toute pièce pour couvrir les activités illégales d'Ashura ou si les membres du réseau avaient juste cancérisé les rouages de la société. L'importance était de taille, elle orienterait mes recherches. Si toute la société était un écran de fumée alors je pourrai secouer les toiles de la royauté qui m'emploie pour directement interroger Marcomillian mais si le réseau avait agi à travers une personne isolée, il fallait la trouver...
J'ignorais pourquoi -sûrement à cause de ma dernière expérience avec le profilage criminel dans l'affaire du Réplicateur- mais je n'arrivais à me convaincre que Marcomillian était trempé dans la combine. L'homme était un bon et grand viveur et à mes yeux, il ressemblait plus à un bouc-émissaire. Le réseau savait qu'il détournait des fonds et avait gardé cette info sous le coude quand viendra le moment d'effacer toute trace.
Il me fallait de l'aide. Je tirai d'un coup sec la brise de mon cheval, l'immobilisant au milieu de nulle part. Dans le lointain, j’aperçus d'épaisses panaches de fumée et un bruit de klaxon. Je devinai qu'il devait s'agir du Winterblade, le célèbre train qui reliait les principales villes du pays des glaces participant ainsi au désenclavement du pays.

- Allô, Dena' ? Je me rends à Lavallière comme ça. Je suis sur une piste là, peux-tu te renseigner sur "C&C" ? En fait, si tu pouvais avoir son organigramme complet, je t'en saurai gré.

- Complet ? Du boss à la braguette ouverte au simple portefaix ?  

- Bah pourquoi pas, c'était bien une société officielle avec des statuts et tout. Les enquêteurs de la brigade financière sont en train de faire leur enquête, ils doivent avoir ça dans leurs petits papiers. Trouve quelqu'un... Tu trouves toujours. Je serai là dans six heures si mon cheval galope bien. À plus.

________________________________________

Moins d'une heure après la mort du Coursier, le lieutenant de Marine Will Kelly était devant les grilles de Mickey Parc. Le Coursier lui avait parlé de "parc pour enfant" mais en fait l'endroit n'avait rien d'un petit air de jeu pour bébé. C'était un immense parc d'attraction étalé sur des hectares, grouillant d'un monde festif et hilare. Grandes roues, manèges, grands huit, trains fantômes, les distractions étaient légions.
Il comprenait le bien-fondé de l'installation d'une boite aux lettres noires dans un tel endroit, tout le monde était tellement occupé à s'amuser que personne ne s'intéressait à ce que faisait son voisin.
Will paya le billet d'entrée ainsi qu'une carte des lieux pour mieux se repérer. Le Coursier lui avait révélé que la boite se trouvait sous un banc, lui-même situé aux pieds d'une statue de pierre représentant un dalmatien géant.
Le lieutenant assoiffé de gloire retrouva sans accroc l'endroit indiqué. Un banc à trois places était effectivement situé au niveau des pattes du molosse. Conformément au modus operandi d'Ashura, Will Kelly s'approcha du banc, s'y assied, puis imperceptiblement, scotcha une enveloppe en dessous du siège.
La commande était passée. Il ne restait lui plus qu'à attendre le Postier.

________________________________________

Je retrouvai Dena' à Lavallière au petit soir dans un bar de la ville portuaire, avachi dans un canapé, entouré de deux filles aux airs de lolitas. Une sous chaque bras. Il les chassa sans ménagement à mon arrivée puis me servit une boisson blanche fumante qui exhalait une bonne odeur de lait mélangé à de l'alcool. Je m'en emparai et en sifflai une longue gorgée sans demander ce que c'était. Tout à coup, il me parut que je n'avais jamais goûté à quelque chose d'aussi bon. Chaque cellule de mon corps semblait déborder de vivacité, irradiant d'une chaleur surnaturelle. C'était bon.

- Alors, cet organigramme ?

- A été dur à trouver vu qu'toutes les z'infos sur la société ont été mises sous scellé. Mais Dena' trouve toujours quelqu'un qui veut arrondir ses fins de mois. M'a facturé cher l’gusse, c'qui retombera sur ta facture...

- Ouais, ouais, d'accord. Montre-moi ça.

- Inutile d'regarder en détail, les blazes n'sont qu'des blazes. J'ai fait mieux, mec, j't'ai trouvé les tofs d’l'équipe dirigeante.

- Je t'aime mec !

- Vas-y doucement sur l'amour... Bref', r'garde toi-même, le chef logistique, dit-il pas peu fier de lui en me tendant une photo d'un homme assez baraqué à coupe brune en bol.

Il ne m'avait pas l'air familier et si ma mémoire photographique ne le reconnaissait pas, c'était sûrement que je ne l'avais jamais vu sous aucune forme. Ce qui ne signifiait pas qu'il n'était pas important. La présence à mes côtés de Dena' qui connaissait un million de fois mieux le monde souterrain que moi faisait encore ses preuves.

- M'disais bien que tu n'l'reconnaîtrais pas. C'type, c'est Oswald Maine "Le Négociateur", expliqua Dena'. Il n'a pas été aux affaires longtemps, c'était un capo de la famille Mancinelli de Manshon. Il y a neuf piges, il a été accusé de trahison parce qu'il s'était tapé la fille du boss. Ne jamais toucher à la famille, règle N°1. Il a disparu pour sauver ses couilles.

- Et toi tu le connais parce que ?

- Pac'que j'ai commencé dans ces eaux-là. Ici, Maine se fait appeler Alan Ross.

- Parfait ! Un ex-mafieux au service d’Ashura. En plus, directeur logistique, c'est le poste de rêve ! De là, il pouvait faire main basse sur tout ce qui concernait l'acheminement de la Dance et son chargement parmi des marchandises parfaitement légales. Ou encore il pouvait utiliser les moyens de C&C pour charger d'autres navires dans une légalité apparente. Si j'arrive à mettre la main sur ce Maine, j'aurais une intarissable source de renseignement !

- Parce que tu crois qu'il va attendre là que t'le chopes ?
Et puis, j'croyais qu'l'roi t'avais chargé d'lutter contre les Six Lunes ?


- C'est aussi lui qui m'a envoyé sur la piste du héraut Aoba Yakushi retrouvé mort, me permettant ainsi de découvrir l'existence d'Ashura dans ce pays. Et avec tout ce qu'on sait, ou plutôt qu'on ne sait pas sur les Lunes, j'aurais tendance à penser qu'il est fort probable que le boss d'Ashura, ce Lavoisier, fasse partie de leur groupe. Ce Lavoisier reste introuvable depuis plus d'une décennie, exactement comme les Lunes. Il œuvre dans l'ombre. Tout comme elles.
Le roi est certain que presque toutes trempent dans des affaires illégales pour s’enrichir frauduleusement.
Si mes déductions sont bonnes, je ferai peut-être d'une pierre deux coups, en me débarrassant d'une des Lunes tout en...

Tout en quoi ? Je ne n'avais pas encore décidé de la marche à suivre. Mais maintenant que je me posais la question je connaissais déjà la réponse.
Tout en m'emparant d'Ashura à mon propre compte.

- J'aime mieux ça, t'voilà fixé. À nous les Berry !


Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 19:25, édité 1 fois
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- Du coup, il n'y a plus aucun moyen de trouver Oswald Maine ? demandai-je après plusieurs minutes de silence.

- C'pas comme s'il avait laissé une carte d'visite avant d'disparaître dans la nature. Nous avons une piste mais elle est caduque.

Je n'étais pas d'accord, je refusais de laisser Ashura me glisser entre les doigts comme elle l'avait fait ces dernières années avec la Marine. Mon Maître m'avait toujours dit que si un ennemi n'avait pas de point faible, il fallait tout faire pour en créer un et c'est ce que je comptais faire avec Ashura. La faillite provoquée de C&C leur avait permis de noyer les traces de leurs activités mais j'étais déterminé à repérer la moindre faille dans leur voile de silence. Devrais-je visiter un par un tous les anciens locaux de la firme aujourd'hui aux mains des liquidateurs financiers ? Devrais-je interroger les autres directeurs de départements ou encore quelques dockers sur les habitudes de Maine ?
Cette option me ferait courir un risque certain d'être détecté par les antennes du réseau. Je ne pouvais pas encore m'afficher ou me montrer trop curieux à ce stade.
Je restai là, des heures peut-être, à réfléchir et à ressasser les infos que je possédais et les voies qu'elles m'offraient. Toutes, sans exception se terminaient par la lourde porte noire derrière laquelle se cachait, invulnérable, le réseau Ashura. Mon esprit tournait en rond et n'était toujours pas sorti des ornières répétitives quand une serveuse déposa avec une force inutile l’apéro que Dena' avait commandé. Le journal du soir accompagnait le service.
Ce fut alors comme si quelqu'un avait allumé un puissant projecteur dans une grotte imbibée de ténèbres depuis la nuit des temps. Maintenant, je voyais l'évidence aussi clairement que si elle valsait sous mes yeux en tutu rose.

- Le journal ! Dena', le journal ! dis-je d'une voix rendue rauque par l'excitation.

- Quoi l'journal ? C'lui là, c'est l'Daily News.

- Oui, oui. Mais ce n'est pas par lui qu'est arrivé le scandale de corruption. Je m'en souviens très bien, l'affaire avait éclaté grâce au Winterfell. Attends je que m'en rappelle... Oui c'est ça, l'article avait été rédigée et signée par les initiales AMF !

- Ouah, tu retiens vraiment tout c'que tu vois ? C'doit être l'enfer dans ton crâne. Où veux-tu en venir avec l'histoire du Winterfell ?

- Bah, c'est simple : comment cet AMF a pu être au parfum des détournements ? Nous sommes d'accord pour dire qu'on doit forcément cette révélation à Ashura. Donc soit AMF fait partie du réseau, soit quelqu'un du réseau lui a fourni les preuves nécessaires pour faire un article à sensation ! Il faut le retrouver et l'interroger.

- C't'un couteau double tranchant. Si c'est un membre d'Ashura, tu seras grillé. En plus, les membres de la brigade financière l'ont sûrement déjà interrogé là-dessus. Et puis, un journaliste digne de ce nom ne te révélera jamais sa source.

- C'est encore la seule piste valable dont je dispose, Dena'. Le crépuscule va bientôt s'installer. Faudrait d'abord que je me rende au siège de Winterfell me renseigner sur l'identité de cet AMF, ce qui risque d'être une grosse première paire de manche. L'article pourrait avoir été écrit par un journaliste anonyme, ça arrive.

- Anonyme non, indépendant, oui. C'est inutile de t'rendre à Winterfell, j'sais qui est AMF. Tout l'monde d'à peu près branché sait qui elle est.

- Elle ?

- T'as passé ces dernières années dans ta grotte ? AMF pour les initiales d’Anastasia Miroslava Feodorovna. Duchesse de son état.

- Attends, la célèbre journaliste d'investigation ? Celle qu'on surnomme "Plume Vagabonde" ? Bien sûr que j'ai déjà entendu parler d'elle, c'est l'une des meilleurs enquêtrices des Blues actuellement, au même titre que Kindaichi Doyle que j'ai côtoyé durant l'affaire du Réplicateur. Elle écrit aussi de très bons romans policiers. Cela dit, j'ignorais qu'elle signait ses articles par ses initiales. Qu'est-ce que quelqu'un comme ça fout dans ce pays ?  

- Tu pourras lui poser la question en face. Donne-moi dix minutes pour que j'trouve où elle loge. Quelqu'un, dans c’vaste pays, doit être avide d’vendre le secret du logis d'une personnalité aussi connue. Laisse-moi acheter tout ça.

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Le Coursier lui avait dit que la boite aux lettres était inspectée chaque jour par le Postier. À quelle heure exactement, Will l'ignorait. La commande du dénommée Bilal Ibn Faqîh était sûrement attendue par l'unité de production. Aussi, Will Kelly s'attendait-il à voir d'un moment à l'autre quelqu'un se détacher de la foule de fêtards pour s'attarder sur le banc. Il ne fut déçu, ce fut rapide.

Relativisons. Il dut tout de même attendre plus de quatre heures de temps, de l'après-midi au crépuscule pour voir quelqu'un agir différemment de la masse des gens du commun. Mais quatre heures en temporalité d'une planque, c'était rapide. Will Kelly se considéra comme chanceux, comme si tous les engrenages stellaires s'alignaient pour lui ouvrir la voie.
Prétendant donc assister au spectacle d'un cracheur de feu juste en face de la boite noire, se gavant de barbe-à-papa pour ressembler à n'importe qui, Will vit à travers ses lunettes fumées, un clown solitaire et gauche s'approcher du banc. Il le vit s'y asseoir, flemmarder mine de rien dans le coin, distribuer un ou deux ballons à des mômes, puis, aussi discrètement qu'une ombre, glisser sa main gantée sous le banc et arracher la missive qui contenait la commande factice de 80 kilos de Dance.

Le voilà, se dit-il, c’était lui, le Postier.
À ce moment-là, un sourire illumina le visage de Will qui redressa ses lunettes sur son nez. Sa langue passa avec délice sur ses lèvres puis machinalement, sa main gauche tâta son pull comme si elle voulait chasser les résidus de neige qui s'étaient accumulés dans ses plis. À vrai dire, elle tâta Orphelin soigneusement dissimulée dans une longue poche intérieure prévue à cet effet. Une envie monstre démangeait Will, il voulait encore faire chanter son katana, la jouissance provoquée par la mise à mort du docker flottait encore dans son esprit, il voulait réitérer l'expérience.
Mais pas maintenant. Impulsif et sadique, il l'avait toujours été, mais stupide, jamais. Il avait appris sa leçon, Will Kelly, il s'était mordu les lèvres et regretté d'avoir si précipitamment capturé le docker. Ce demi-ratage n'était pas à renouveler, cette fois-ci, il ferait preuve de discernement.
Maudissant intérieurement son Maître et sa voie du discernement, Will Kelly se détacha de la foule hypnotisée par le spectacle pyrotechnique du cracheur de feu et suivit en toute discrétion le clown qui prenait le chemin de la sortie.
L'étoile Montante se réjouissait intérieurement, sûrement le Postier le conduirait-il à l'usine de fabrication de la Dance où l'insaisissable Lavoisier l'attendrait, en blouse blanche, enduit jusqu'au cou d'un quelconque produit chimique dégoûtant... Et lui, Will Kelly lui couperait sa tête et se baladerait avec dans le monde comme preuve de sa Justice.

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La Duchesse Anastasia Miroslava Feodorvna "Plume Vagabonde"

- Mon cherr Loth, vous avez perrdu !

J'avais perdu. Du temps surtout. De mon majeur, je redressai mes lunettes et dardai un regard vers la fenêtre. La nuit était tombée à présent. Une nuit froide et glaciale où la lune s'était dérobée. Anastasia Miroslava Feodorvna dissimula son rire bruyant, aigu et moqueur sous un éventail pendant qu'elle agitait des mains pour saluer un public imaginaire.

Ces faits se déroulaient deux petites heures après ma décision de parler à celle qui avait écrit l'article à l'origine du scandale de C&C. Dena', au terme d'une farouche négociation avec un indic avait réussi à obtenir l'adresse du chalet où séjournait "AMF" sous un nom d'emprunt. Cependant, elle ne fut pas très surprise de savoir que son repère n'était pas si caché que ça. J'y étais allé seul -Déna' n'étant pas un homme de terrain- mais je n'eus nullement besoin de me présenter, la dame me connaissait déjà. Moi aussi j'avais fait les unes après avoir abattu le Réplicateur, mais avant ça, elle avait déjà entendu parler de moi dans la résolution d'autres affaires épineuses à l’image de celle du Boucher des Highlands en 1619. Elle déclara avec son fort accès roulant les "r" qu'elle : « desirrait me rrencontrrerr depuis trrès longtemps ». Ainsi mis à nu, je ne pouvais inventer une quelconque identité factice et décidai par la force des événements de lui dire la vérité sur la raison de ma présence. Une demi-vérité ou du moins quelque chose y ressemblant...
Je lui expliquai alors qu'après les événements sanglants de Jalabert, un représentant du roi me donna pour mission de débusquer un certain réseau de détournements de fonds s'étalant de C&C jusqu'aux mines de Boyettes. Le roi ambitionnait de purger son administration de tous les escrocs et déclarait clairement la guerre aux rois de la malversation.
« D'où donc mon intérêt pour votre source parce qu'il se pourrait en fait que nous ayons affaire à une guerre des chefs où l'un faisait tomber l'autre pour plus de gains.
Marcomillian refuse de parler, il a peur de ses anciens amis. » Avais-je dis, impassible.
Miroslava, bon public, m'avait écouté sans m'interrompre et à la fin, avait simplement souri. Je ne pouvais pas affirmer l'avoir convaincue avec mon quart de vérité mais elle fut, comme je m'y attendais, très intéressée par cette prétendue enquête.
« Voilà le deal, mon cherr Loth » avait-elle déclaré après un petit moment de réflexion. « Disons que je pourrrais vous aider sur votrrre affairrre qui au passage ne peut que m'interrresser... La sourrce d'un jourrnaliste, c'est son fonds de commerrce, ça ne se balance pas comme ça... Pas grratuitement... Si je vous donne ma sourrce, ce serra en échange d'une exclusivité quand votrrre enquête serra terminée. Comprrenez que je serrai la seule à écrrirre un arrrticle, la seule à qui vous donnerrrez une interrrview. Ses conditions sont non négociables.
Non négociables et adossées à une autre condition encore plus sine qua none. »
« Laquelle ? » avais-je alors demandé, perplexe face au sourire énigmatique de mon interlocutrice.
« Que vous me battiez durant une partie de Shogi. »  

Après une heure-trente de jeu, j'étais donc échec et mat. Le Shogi, j'en connaissais les règles mais je n'y avais jamais joué. Rien de comparable donc à la Reine incontestée du Shogi, celle qui depuis cinq ans demeurait invaincue et raflait tout dans les championnats mondiaux. J'avais perdu et de ma victoire avait dépendu la suite de mon enquête.

- C'est vrraiment la prremièrre fois que vous jouez ? Étonnant, vous avez un trrrès bon niveau, clama-t-elle. Encorre une dizaine de parrtie comme celle-là et vous aurrez trrès vite la main. Je suppose que vous êtes habitué à un autrre jeu de strratégie ?

- Les échecs.

- Naturrrellement...

- Bon dans ce cas, je vais prendre congé. Il se fait tard.

- Vous parrtez ?

- Pas de victoire, pas de pistes, c'étaient vos conditions non ? Je vais aller chercher fortune ailleurs.

- Vous alorrs, vous n'êtes pas trrrès insistant !

- Je sais juste reconnaître une cause perdue quand j'en vois une, Duchesse Feodorovna. Votre victoire était acquise avant même de commencer, vous ne jouiez pas pour le plaisir mais juste pour mettre un mur infranchissable entre nous. Du coup, j'en conclus que soit vous ne voulez pas me livrer cette source, soit, vous-même ne connaissez pas son identité. Je l'ai déduit après votre proposition mais j’ai tenté le tout pour le tout,  vu que je n’avais rien à perdre.

- Ça alors. Vous les "prrrofilers", "les mentalistes", vous faites vrrraiment chier avec vos déductions à la noix ! Mais c'est vrrrai que je ne connais pas la sourrce moi-même, j'avoue. J'ai rreçu une lettre anonyme avec toutes les prreuves de l'affaire.

- Vous avez reçu la lettre ici ? Vous étiez donc déjà dans ce pays ? Pour vacances ou boulot ?  

- Les deux. Le boulot a été rrésolu un jour avant mon arrrivée et je vous le dois. Eh Oui ! J'étais venue ici, à l'orrigine, pourr couvrrir l'affairre du Réplicateurr mais je me suis retrrouvée sans sujet quand vous l’avez tué. J’ai trrouvé ce calme chalet, je m’y relaxais quand on m'a envoyé les éléments de l'affairre C&C.

- Donc, vous ne savez pas qui ?

- Non, pas dirrectement. Je suis un limier avant tout, pas un franc-tirreur. J'ai trravaillé comme une folle pour vérrifier en quelques jourrs seulement les infos reçues. J'ai aussi cherrché à connaîtrre mon mystérrieux ami qui me faisait don d’une affairrre telle qu’on en rêve une seule fois dans sa carrrière. Enfin, le commun des jourrnalistes, moi j’en ai fait éclater des dizaines comme celle-là. Je suppose que c’est pourr ça que j’ai été choisie, les articles signés "AMF" ont pignon-surr-rue.
J’ai cherrché des indices sur mon ami, mais les documents étaient limpides, exempts de toutes empreintes mais voilà, il est des choses que les limiers comme nous voient et qui échappent au commun des morrrtels...,
dit-elle en me faisant un clin d’œil entendu. Je retins mon souffle.
Sur la parrtie adhésive de l'enveloppe contenant la lettrre, ma loupe m'a perrmise d'identifier du pollen. Du pollen de Cedrus Violate, ce qui m'a fait dirre que mon ami était assis en dessous d'un arrbre de cette espèce quand il compilait les prreuves.  

- Le Cedrus Violate ? Du Cèdre de Violate ? demandai-je, au fait de la botanique grâce à l'enseignement du Maître-moine Hariel de l’île de Craie où j’avais été élevé. A l'état naturel, cette essence est inexistante dans les pays polaires.

- Voilà qui fait la forrtune de nous autrrres, limier ! L'unicité. Ici à Borréa, il n'y a que deux endrroits réperrtorriés où on trrouve ce genrre d'arrbre imporrté : dans une certaine allée de Solitude et dans un petit bourrrg paumé du nom de Mamelle. C'est prrès des mines de Boyette.
Mais je n'ai pas cherrché plus, j'étais contente de trouver cette inforrmation. Dès que j'ai relevé le défi de me prrouver que je pouvais avoir un soupçon d'info sur mon ami de l'ombrre et qu'il n'était pas parrfait, le défi n'a plus eu de sens pourr moi. Mais vous, vous n'allez pas vous contenter de générralité ?


- Oh que non, sursurai-je animé par ce fourmillement abdominal qui accompagnait la découverte d'une piste prometteur. J'irai au fond des choses.

- Notrre accorrd tiens toujourrs, Loth Rreich. Ne me doublez pas. Vous n'aimerrriez pas vous mettrre à dos une jourrrnaliste interrnationale.

- Merde alors, pensai-je, qu'ai-je encore foutu ?

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La nuit, tous les chats étaient gris, disait le diction. Mais aucun ne ressemblait à Will Kelly.
Dehors, dans la nuit glacée de Boréa, il avait suivi le Postier (qui s'était débarrassé de son habit de clown) hors du parc, puis hors des quartiers résidentiels, sans que ce dernier ne se doutât de quelque chose. Will Kelly était aussi silencieux qu'une chouette dans la nuit noire. Il gardait une distance raisonnable avec sa cible, qui, parfois et inopinément, changeait subitement de route, faisait volte-face. Will était rodé à ses manœuvres de diversion, l'enseignement du vieil amiral avait paré à tout cela. Durant le trajet qui les avait emmenés hors des zones habitables de Lavallière, Will avait dû changer d'apparence, ressemblant tantôt à une vieille dame, parfois à un clochard fouillant dans un tas d'ordure et une fois à un aventurier souffrant d'engelure. Il avait dans son pull, un petit assortiment de chemises et de revêtement qui faisaient de lui un petit caméléon humain.
Enfin, cela avait payé. Couché sur le toit d'un immeuble désaffecté, Will observait à la longue-vue le Postier avancer l'air à l'aise. Il avait plus de cinq cents mètres d'avance sur le lieutenant qui avait soigneusement gardé une distance de confiance une fois rentré dans ce quartier où il n'y avait pas âme qui vive.

Ce désert humain avait frappé le lieutenant. La carte très détaillée de Lavallière dont il disposait lui apprit que cet endroit s'appelait "Solitude". Selon la légende, le quartier avait connu son âge d'or plus de trois décennies plus tôt, construit en quelques semaines seulement pour abriter les milliers d'ouvriers qui avaient œuvré à l'érection du grand port de Lavallière. À la fin de son édification, la main d'oeuvre avait soit quitté le pays ou rejoint le cœur de la ville laissant ce complexe vide. Et comme la nature avait horreur du vide, la végétation avait repris sa place en ces lieux. La végétation, quelques clochards, et quelques camés.

- Et bien-sûr, Ashura, marmonna Will qui trouvait les lieux particulièrement adaptés à une entreprise de contrebande.

Il sauta d'immeubles en immeubles pour garder le contact visuel avec le Postier. Ce dernier arpentait à présent les ruelles d'une allée bordée de hauts arbres aux fleurs violettes qui voletaient dans l'air, charriées de toute part par la brise qui soufflait dans toutes les directions. Une petite pancarte qu'il déchiffra, toujours avec son télescope, indiquait que les arbres étaient des Cèdres de Violate, plantés là en l'honneur d'un certain V. Behe.
Même Will qui accordait si peu d'importance à la beauté du paysage en général, se dit en ce moment que cet endroit avec dû être beau autrefois. Il suffisait d'imaginer de la couleur, du monde et des enfants jouant entre ces arbres.

Le cœur de L'étoile Montante bondit d'un coup et se retrouva quelque part au niveau de sa pomme d'Adam quand le Postier s'arrêta devant la dernière maison de l'allée. Il regarda autour de lui une dernière fois puis poussa la porte.
Will lança un vain cri inhumain qui ne parvint jamais au Postier. Dès l'instant où ce dernier avait poussé la porte, le lieutenant avait su que c'était fichu. Sous la lumière d'un quartier de lune timide qui était apparu inopinément dans le ciel, Will avait clairement vu le reflet de quelque chose, d'un fil métallique sûrement, attaché au poignet de la porte, de l'intérieur.
La suite logique que voulait prévenir le cri de Will fut la forte détonation qui naquit. Le sol trembla, les bâtiments oscillèrent dangereusement, de la poussière fut projetée dans le ciel de même que des débris de ce qui fut autrefois une maison.
Haletant, n'arrivant pas vraiment à croire ce que lui montraient ses yeux, Will se rapprocha du lieu du sinistre. La maison était totalement éventrée, réduite à l'état de gravats par l'explosion. Will en bouillonnait de rage, quelqu'un avait su !
Tout à coup, l'impression qu'il avait eue dans les sous-bois, cette indescriptible sensation que des yeux l'observaient lui revint. Il ne se l'était pas imaginé, quelqu'un avait bel et bien été là. Quelqu'un qui l'avait vu assassiner le Coursier et qui avait ensuite prévenu Ashura. L'organisation avait alors piégé la maison (labo ou entrepôt peut-être ?), pensant sûrement que le Coursier avait compromis le Postier. Le piège n'avait pas été conçu que pour ce dernier mais aussi pour lui, Will Kelly.

Et en ce moment même, L'étoile Montante ressentait à nouveau cette sensation. Quelqu'un, pas aussi bien caché que la dernière fois, l'observait dans la pénombre de l'étroite venelle qui séparait les deux maisons à sa droite. Quelqu'un qui se dissimulait à peine... Sous les reflets lunaires, les lunettes que portaient l'individu se teintèrent d'une lueur blanche lui donna un air momentanément aveugle. Will se prépara à attaquer.

- Inutile d'en arriver là, dit la voix calme de Loth qui sortit des ténèbres. Je suis venu en paix.  

- Et qui es-tu, toi qui viens en paix ? Un moine ?    

- Presque. Mais pour les gens, je suis Bilal Ibn Faqîh.

- Nan... Tu déconnes... pensa avec joie Will Kelly.

Il avait étêté le Coursier. Le Postier était mort. Voilà maintenant que le client dont lui avait parlé le Coursier se jetait de lui-même dans sa gueule. Fabuleuse que cette destinée qui œuvrait et tissait ses toiles pour lui permettre d'atteindre le firmament !


Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 19:40, édité 1 fois
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Je sortis de l'ombre et époussetai un peu de poussière sur ma crinière rousse. Oui, j'avais décidé d'opérer un peu de transformisme, on me connaissait déjà à Boréa, continuer à ressembler à Loth Reich pouvait devenir handicapant. Aussi, en prenant congé de Plume Vagabonde, j'avais délaissé mon kimono pour un costume trois pièces d'un blanc neigeux, le tout survêtit d'un épais manteau de même couleur. L'ensemble me donnait un air très prospère. Ma chevelure autrefois noire avait viré à un roux sang à la faveur d'une perruque et un maquillage savamment orchestré donna au côté gauche de mon visage, un aspect brûlé au troisième degré. En tout, j'étais méconnaissable, même de Dena'.

L'homme aux lunettes fumées garda un air neutre une fois que j'eus décliné mon identité mais je le soupçonnais d'être assez réjoui. Pour quelle raison, je l'ignorais et en soi c'était assez normal. Je venais de me présenter sous le nom d'un type dont j'ignorais tout et qui était mort à moitié dévoré par un monstre marin. Je ne savais que trois chose sur lui : il venait apparemment du pays de Nal-Ohta, il était contrebandier de Dance Powder et il avait rendez-vous avec quelqu'un à C&C. Il aurait été plus malin de se présenter sous un nom inventé de toute pièce mais mon instinct me conseilla de prendre Bilal Ibn Faqîh, en priant pour que l'homme sous mes yeux ne connaisse pas le vrai.
En tout, cas, j'avais eu raison de faire suivre la piste de la duchesse Féodorovna, son analyse des pollens m'avait conduit dans le quartier désaffecté de Solitude où il se passait des choses apparemment très intéressantes.
Un type louche tenant fermement un katana dans sa main et un autre mort, soufflé par une explosion. Quelqu'un voulait tuer quelqu'un ou quelqu'un effaçait encore ses traces. La spécialité d'Ashura en somme. La question maintenant était de savoir qui était réellement mon vis-à-vis. Client, homme du réseau ou... représentant de la loi ?

- Bilal... quoi ? Nan, en fait, disons juste Bilal, si ça ne te dérange pas. Moi, c'est Guy Bananahamoc, me dit-il. Que fais-tu ici, Bilal ? C'est un endroit dangereux...

- Un Bananahamoc ? De la dynastie qui règne depuis cinq siècles sur l'Autarachie de Brent ? demandai-je pensif. L'autarachie de Brent était un royaume de Grand Line.
Dangereux, dis-tu ? Où ça ?

- Regarde autour de to...

Mon bras droit avait fusé dans la nuit et Guy l'avait détourné de son fourreau puis répliqué d'un coup de pied rotatif auquel j'avais opposé la semelle de chaussure gauche. Le choc provoqua un son étouffé qui fit fuir quelques chats de gouttière. Nous étions là, devant les ruines fumantes d'une maison détruite, main contre fourreau, deux pieds au dessus du sol dans une épreuve de force que je fus le premier à briser. Il n'était pas dans mes habitudes de partir au quart de tour, mais je n'avais pas l'intention de me laisser compter dans cette histoire. En plus, je devais connaître les aptitudes de mon vis-à-vis. Un bon échange valait bien mieux que des présentations et j'étais certain que Guy pensait de même. En tout cas, il sourit et de concert, nous redressâmes nos lunettes.

- Tu ne peux pas faire ce business si tu n'es pas capable de parer à tout, dis-je. Je vends la poudre, c'est pour ça que je suis dans ce pays.

- Moi, je suis la mule du Grand Autarache, mon oncle.

- Le leader incontesté de l'Autarachie de Brent, le conquérant Hello Bananahamoc fait de la contrebande de Dance ? Nan, nan, méditais-je. Pas en vendre, mais l'utiliser, oui. Pas sur Brent, ce serait de la folie, mais sur les pays ennemis non frontaliers de Brent, cette poudre aurait sûrement un pouvoir déstabilisant énorme...

- Héhé, ça c'est toi qui le dit.

- Pourquoi me révéler cela ? je pourrais être de la marine, tu sais.

- Idem pour moi, répondit-il. Je crois juste que la marine attaque d'abord et pose les questions ensuite. Et puis, en ce qui me concerne, mon oncle a du poids dans les rouages du Gouvernement, ses campagnes de conquêtes des pays non affiliés l'a mis dans les grands papiers de Seigneurs de Marijoa. Je n'ai crains rien, débita-t-il avec une assurance monstre. Si ce type bluffait, il bluffait très bien.

- Soit. Moi, je ne peux prétendre avoir une aussi bonne couverture que la tienne. Je fais parfois confiance à vue et tu as la tête d'un mec du métier. En plus, je suis fatigué de joueur aux devinettes, il me tarde seulement de retrouver les membres du réseau. Ils me doivent 75 kg de Poudre. Mon contact n'est jamais venu.

- Ah toi aussi ? fit-il. Moi aussi, mon bateau mouille et mes hommes attendant la cargaison. Une tonne pour moi. Près de 375 millions de berry, en plus nous avons déjà payé. Le réseau semble avoir disparu, toutes leurs planques ont déjà été nettoyé. J'espère sincèrement qu'ils ne pensent pas me doubler, sinon, ils vont le regretter amèrement.
T'as déjà payé ?


- Ouais, depuis Nal-Ohta, mentis-je. Ce n'est pas la première fois que je fais ça, je suis un client régulier, le réseau a un trésorier ambulant dans ma zone. Mais depuis, il semble s'être volatilisé.

- Je vois, je vois. Tu savais donc qu'il y avait une planque du réseau ici ?

- Du tout.

Je tendis l'index vers les cèdres de Violate et lui expliquai que j'avais trouvé la piste de Solitude en trouvant du pollen sur les sacs de poudre durant ma dernière livraison. Je préférai lui dire cette vérité remodelée plutôt que de m'étendre dans des calembredaines qui auraient pu me compromettre.

- Tu es sophistiqué, reconnu-t-il en hochant du chef. Moi, je suis de la vieille école. Recueil d'information et filature m'ont conduit ici. Celui qui est mort là, c'était le Postier. Peut-être celui qui venait prendre ton fric. Enfin, là, je n'ai plus rien, ses potes l'ont fait sauter. On dirait qu'Ashura ne compte plus livrer dans ce pays. Faut les trouver, je ne tolérerai pas de perdre la face devant sa seigneurie mon oncle.

- Je crois que ça a un rapport avec la flottille que le vice-amiral Swiffer a détruite sur South. Mais même dans notre domaine, avant de plier bagage, on averti et on rembourse ses clients. Que deviendra le métier sans l'honneur, hein ? baragouinai-je en mimant la blessure sentimentale d'un vieux mafieux consterné par le comportement de jeunots. Je veux les trouver, me faire rembourser, puis cesser toute activité avec eux. Je vais trouver d'autres fournisseurs.

- Si seulement, c'était aussi simple. Ashura est le meilleur, reconnaissons le au moins. Je crois qu'ensemble, nous serons plus fort pour les retrouver ? Ta science infuse et mon savoir faire... vieillot ? On les trouve et on réclame nos dus. Après on avisera sur nos partenariats respectifs avec eux, nan ?

- Ouais, ça peut le faire. Dans notre monde, l'union fait la force, Guy Bananahamoc, fis-je en lui tendant la main d'un air solennel.

De concert, nous redressâmes nos lunettes d'une main, les autres serrées dans une ferme poigne qui matérialisait notre alliance. Je ne savais pas encore quoi penser de lui, sûrement Dena' pourrait-il me donner un coup de main invisible, mais pour l'instant j'aurais tendance à le croire. Ou du moins, je voulais le croire, parce que son oncle et lui représentaient quand même de gros clients. Autant établir une bonne relation pour ce futur proche où je reprendrais Ashura à mon compte.
Il me faisait bonne impression, ce Guy Bananahamoc mais je ne saurais dire si ma couverture à moi l'avait convaincu...

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Loth l'ignorait, mais il avait fait une grosse bourde dont s’esclaffait intérieurement Will Kelly, ou devrait-on dire, "Guy Bananahamoc". Il croyait en sa couverture, Loth Reich, mais elle s'était déjà effritée telle la peau d'un reptile durant sa période de mue. Will Kelly savait des choses sur Bilal Ibn Faqîh qu'ignorait Loth.
Il savait par exemple, et de la bouche du Coursier, que Bilal venait pour la première fois sur Boréa et qu'il en était à sa première transaction avec le réseau. Il savait aussi que les clients ne payaient qu'après la livraison. Ainsi ses deux questions et sa prétendue créance de 375 millions sur Ashura n'étaient-ils que des pièges destinés à mettre ce prétendu "Bilal" à nue.
Will avait donc fait mouche et savait à l'insu de son vis-à-vis qu'il l'avait percé à jour. Bonne découverte était-ce, mais elle ne le renseignait aucunement sur la réelle identité du rouquin brûlé au visage qui prétendait être Bilal. Il était presque sûr qu'il ne pouvait pas être de la Marine, pas de la Maison, toutes les enquêtes attenantes à Ashura passaient par le vice-amiral Swiffer. Il pouvait cependant être dépendant d'un des Cipher Pol mais Will en doutait fortement. Il pensait plutôt que celui qui lui faisait face était en fait un autre trafiquant de Poudre. Pourquoi avait-il utilisé le nom de Bilal et où était le vrai Bilal, il n'en savait rien. Possible, était-ce, que le vrai Bilal ait été refroidi par le faux, possible aussi qu'il s'agisse d'un voleur de Poudre, ou encore d'un membre d'un réseau nouveau, cherchant à concurrencer Ashura. Les suppositions pouvaient être légions mais Will ne souffrait d'aucun doute quant à l'issu de ce galimatias. Il allait utiliser ce faux Bilal (dont les ressources et les déductions semblaient bonnes) jusqu'à retrouver la piste des marchands de pluie puis faire d'une pierre deux coups en les capturant tous d'un coup. Enfin, les éliminer serait sûrement plus jouissif.

Quant à sa propre fausse identité, Will Kelly était on ne peut plus confiant. Aucun risque que le faux Bilal puisse le percer à jour puisque "Guy Bananahamoc" existait réellement. Du moins, officiellement, sur le papier. C'était une vraie-fausse identité dont il s'était déjà servi dans le passé dans des missions comme celle-là, avec l'accord et la bénédiction du Grand Autarache.
C'est donc résolu et animé par cette assurance qui animait les ceux qui avaient plusieurs coups d'avance que Will Kelly alias Guy Bananahamoc accepta de bon cœur la proposition d'alliance de Bilal.

- Donc par où commence-t-on ? demanda-t-il après qu'ils eurent fouillé sans résultat les ruines de la maison. Déjà, ils savent que quelqu'un est sur leur trace, il faut s'attendre à d'autres représailles.

- C'est étrange d'ailleurs qu'ils sachent, concéda Loth. Je me demande comment... Et puis, faire exploser leur homme pour tenter d'effacer leurs traces, c'est très extrême.

- C'est Ashura, ils n'en sont pas arrivés à cette maturation en étant des enfants de chœur, répondit Will qui tentait de brouiller les pistes. Il savait pertinemment que c'était à cause de lui que ces mesures avait été prises. Si seulement il s'était retenu de tuer le Coursier en pleine nature...
Tu disais que ton analyse de pollen ou je ne sais quoi là, t'avais mené à ces arbres non ?

- Des cèdres de Violate.

- C'est ça. Tu disais aussi qu'il n'y avait que deux endroits dans ce pays où on en trouvait. Ici et quelque part près des mines de Boyettes ?

- Oui, une petite bourgade en plein cœur de la steppe nommée Mamelle. Mais je doute qu'on y trouve quoi que ce soit, puisque nous avons la preuve par cet attentat que ce que nous cherchons se trouvait ici.

- Mais ça ne les empêche pas d'être là-bas aussi hein. Et puis, on n'a pas d'autres pistes n'est-ce pas ? Tu veux récupérer ton fric ou pas ?

- Mouais, d'accord. Va pour Mamelle. Drôle de nom d'ailleurs. On peut s'y rendre si on emprunte la nouvelle ligne trans-boréalienne, le Winterblade. On descendra à la station d'arrêt N°11 puis on se jettera dans les steppes pour rallier Mamelle. Je crois qu'il devrait y avoir des convoyeurs dans la gare pour nous emmener à notre destination.

- T'es déjà allé là-bas ?

- Non. Je me suis juste renseigné au cas où Solitude ne serait pas le bon choix. Mais trêves de discussions, on se retrouve demain à 6 heures tapante à la gare de Lavallière. Je vais passer la nuit à profiter des filles de Boréa et des douchas si chaudes de ce pays, mentit Loth.

- C'est ça. Amuse-toi bien, Bilal, fit Will Kelly mi-railleur en s'éloignant de son nouvel associé.
Amuse-toi tant que tu es en scène car la mort s'approche, aussi sûrement que le soleil se lèvera à demain, pensa-t-il.  



Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 19:47, édité 1 fois
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Cher Journal,
Ma balade au pays du gel se déroule fort bien. Les effluves sont bonnes mais je n'ai pas encore trouvé le chimiste en chef de Tempest mais il est fort à parier qu'il s'agisse de Marie-Curie. Par contre, mes recherches sur la taupe dans les rangs du Gouvernement, celle qui avertit toujours le réseau reste un échec. Et je pense qu'il restera bien planqué tant que le vice-amiral Swiffer n'acceptera le Plan de désinformation massive qui lui a été proposé. En ces points, ma mission ici, est close, je soumettrai mes recommandations à qui de droit.

Mes deux pions, le lieutenant de la Marine régulière Will Kelly et le civil Loth Reich avancent remarquablement bien sur la toile que j'ai préalablement tissée. Alliés de circonstance, ils jouent à une partie de poker-menteur, avec le but très clair pour l'un de démanteler le réseau et pour l'autre de se l’approprier, sûrement. Après tout, il a tout appris du Gila. Ce jeunot de Reich m'intéresse à bien d'autres égards, et je pense qu'il plaira aussi au Géomètre. Si Will Kelly ferait un bon agent une fois retournée, je pense qu'il n'y aura nullement besoin d'un tel procédé avec Reich. C'est notre allié naturel, son passé et les séquelles enfouies laissées par ses sept années en tant qu'esclave dans les geôles du Conclave, la secte suprématiste humaine, en font un excellent candidat à notre Cause. Pour l'instant, je vais me contenter de réunir plus d'informations sur lui et l'observer mûrir. Sur la voie de la Révolution.

Je m'amuse à les pousser à bout. Déjà, leurs nerfs sont à vifs parce qu'ils attribuent mon petit attentat à une opération de nettoyage du réseau. Je ne faisais que remplir mon second et dernier contrat. Le Postier, de son vrai nom Bob Raph, était un marine corrompu impliqué dans le massacre de dix de ses camarades pour dissimuler le trafic de stupéfiant auquel il se livrait à l'époque.
Mais ce n'est pas plus mal que Loth et Will soient sur leurs gardes, parce qu'ils ont pris la décision d'aller demain à Mamelle. Des horreurs ont été commises là-bas, et même si je désire qu'ils fassent toute la lumière dessus, j'avertirai quand même Oswald Maine de leur arrivée, autrement, ça ne saurait être amusant...
Et pour citer l'Agent Géomètre, je dirais :
"Pauvres choux, ils vont au confessionnal en ignorant que leurs péchés ne leur seront pas pardonnés et qu'au lieu du prête, c'est un bourreau qui les y attendra. "
Cordialement,  
Ton cher Plombier.


Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 20:03, édité 1 fois
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- Guy Bananahamoc, hein ? s'enquit Dena' quand je lui racontai le déroulement des événements depuis mon entrevue avec Anastasia Feodorovna. J'peux toujours s'couer mes contacts sur Grand Line p'voir mais tu l'soupçonnes d'quoi exactement ?

- Bah de ne pas être ce qu'il prétend être. Pourquoi serais-je le seul à avoir une fausse identité ? C'est peut-être un marine, un Cipher Pol ou quelqu'un comme moi qui cherche à s'emparer du réseau à son profit. Quoiqu'il en découle, je doute qu'on puisse faire ami-ami. Prudence est mère de sûreté. Creuse, retourne chaque pierre, trouve-moi qui peut être ce type. Dans une heure, nous partirons pour Mamelle.

- Bien r'çu, "Bilal", héhéhé.

- Et pour Oswald Maine ? As-tu retrouvé sa piste ?

- Quand les poules auront des dents, ouais. J'ne suis pas plus prêt d'le retrouver que d'inventer une baguette magique.

...
The Winterblade

Quelques heures après cette conversation, j’étais accoudé à une fenêtre, sans crainte du vent glacial et mordant qui s'engouffrait par le carreau ouvert au fur et à mesure que le Winterblade fendait à grande vitesse les landes de Boréa. J'admirais la prouesse d'ingénierie qui avait permis aux Boréalins d'édifier cette ligne de chemin de fer au milieu d'un environnement aussi hostile que les steppe Boréalines. La ligne traversait toundra et taïga, enjambait des ravins et passait sous ou au travers des montagnes gelées des midlands de Boréa. Tout cela était écrit dans le guide de voyage offert en achetant un billet en première classe. Je voyageais en première, et même si ça coûtait les yeux de la tête, j'avais décidé que cela ne pouvait que conforter ma couverture de riche contrebandier. Guy Bananahamoc me suivit dans ma démarche, normal pour quelqu'un qui se réclamait le neveu direct d'un grand roi conquérant. Je ne pouvais, malgré tout, m'empêcher de me demander s'il ne jouait pas au même jeu que moi.
Non, c’était sûr qu'il jouait. Mais à quoi jouait-il ? Là était la question.
Tous les deux, nous occupâmes la même cabine richement brodée de tissus exotiques et de mobiliers d'époque en bois précieux. Le petit déjeuner servi très tôt fut délectable. C'est repu et en paix, que nous nous affalâmes nonchalamment dans nos fauteuils rembourrés, l'esprit peu propice à une réflexion profonde. Et pourtant, il en fallait.

- Comment allons-nous, nous la jouer une fois à Mamelle ? demanda Kelly d'une voix bourrue. On ne peut pas venir jacasser en disant chercher des trafiquants, vois-tu ?

- Déjà pensé, moi je serai un doctorant en météorologie à l'université de Jalabert. Je m'y connais, je serai très crédible.

- Ah bon ? Moi je n'ai jamais eu la fibre scientifique.

- Dans ce cas, tu n’auras qu'à être mon garde du corps alors. Nul ne trouvera ça étrange, les routes en dehors du train sont très peu sûrs et avec ton katana là, tu as la tête de l'emploi, observai-je.

- Soit. Ça peut le faire. Faisons. Mais des idées sur comment trouver Ashura ?

- Déjà, il faudrait chercher à Mamelle l'endroit où se trouvent les cèdres de Violate, ce sont eux qui nous conduisent là. Après, on improvisera sur le tas, on fouinera. Je n'ai réussi à avoir aucune information plausible sur la communauté qui habite Mamelle mais peu importe, je crois que le réseau fera comme il a procédé avec l'entreprise C&C. A savoir qu'ils vont sûrement parasiter cette communauté, s'y implanter en dissimulant leurs vies de contrebande derrière une apparence paysanne. C'est pour ça qu'il faudrait aussi se la jouer profil-bas, nous ne saurons pas qui est vraiment qui et surtout, nous devons éviter une situation où ils seraient acculés et forcés de prendre des civils en otage. Je suis juste un vendeur de poudre pas un terroriste, je n'ai aucune envie de voir couler du sang.

- Pas un terroriste hein ? Mais tu ne veux pas savoir ce que devient la poudre que tu vends et à quelle fin elle est utilisée, Mr "juste le vendeur" ? railla Guy. Allez, réveille-moi quand nous serons arrivés, je n'ai pas bien dormi, je vais fermer une ou deux paupières.

Je n'en avais cure de ce que mes futurs clients feraient de la poudre quand je récupérerai le réseau Ashura. Peu m'importaient les milliers de victimes anonymes aux visages à jamais inconnus qui périraient sur le terrain de l'arme géopolitique qu'était la Dance Powder.
Je reportai mon attention sur les paysages sauvages qui défilaient sous mes yeux. Ce train était un outil avoué du jeune roi pour reprendre un certain contrôle sur son pays en se faisant aimer de sa population dont les vies étaient diligentées dans l'ombre par le Conseil des Six Lunes. Plus pour très longtemps, plus depuis que je me penchais sur leurs cas. Leurs heures étaient comptés à Boréa, je pacifierai ce pays et le gangrènerai avec mes propres outils.

Dans sa course effrénée à travers la voûte céleste, le soleil atteignait presque son zénith et la trans-Boréalienne n'était pas encore arrivée à la station d'arrêt N°11 qui signifierait notre descente à Guy et à moi. Elle s'était déjà arrêtée dix fois depuis notre départ de Lavallière, ne restait plus qu'un stop avant de voir le bout de notre voyage qui était jusque-là très plaisant.
Sans prévenir, une forte détonation que j'attribuai immédiatement un obus de canon retentit quelque part non loin de nous. Malgré le boucan produit par le déplacement du train, on parvenait à entendre d'autres tirs successifs de canons entremêlés des cris de stupeurs et de paniques des passagers. D'un coup, Guy se releva, prêt à en découdre tout en cherchant à connaître comme moi l'origine du vacarme. Imitant les autres occupants des cabines de première classe, nous passâmes nos têtes à travers le hublot. Le train fusait toujours mais quelque part à l'arrière, dans ce qui devait être le centième wagon de queue, une épaisse fumée noire se dégageait. Une dame cria qu'il s'agissait de bandits de grand chemin qui attaquaient le train et effectivement, quelques secondes plus tard, surgirent de la forêt boréale que nous longions, une horde de gens à l'air sauvage, cavalant sur leurs destriers.

- Des coupeurs de rails, murmura Guy qui semblait ravi de la tournure des événements. Regarde-les Bilal, ils se dirigent vers la queue du train, là où se situent les wagons-cargos. Ils visent les marchandises en provenance du port !

Auréolés de vociférations d’horreur, plusieurs grappins vinrent s'accrocher au dessus de notre wagon. Les treuils métalliques dont ils étaient pourvus tractèrent les fils attachés qui se rembobinèrent en tirant vers nous une trentaine d'assaillants masqués et armés d’armes blanches.

- Tu es sûr qu'ils veulent s'en prendre uniquement aux marchandises ? demandai-je, ironique.

Mais il ne m'entendait déjà plus. Guy s'était engouffré dans l'ouverture de la fenêtre. Il mit son katana au clair et d'un coup sec, trancha les fils de quelques grappins dont les propriétaires en pleine traction se retrouvèrent à valdinguer en l'air, emportés par le déplacement d'air que provoquait le train en course. D'autres parvinrent cependant à atterrir sur le toit du wagon, déclenchant dans l'habitacle une ruée de panique vers l'arrière de la diligence. Guy était également parvenu à monter sur la toiture en acier trempé et si je me fiais aux sons qui m'arrivaient, il croisait déjà le fer avec les assaillants.
Je ne pus m'empêcher de remarquer que prompt il a été à réagir alors que moi, j'étais d'un calme je-m'en-foutiste. Il était animé par ce zèle qu'on trouvait généralement chez les forces de l'ordre, mais cela ne voulait encore rien dire, il était peut-être juste belliqueux de nature.
Une voix impérieuse qui s’identifia comme le capitaine du train raisonna à travers les mégaphones en incitant les gens au calme, leur assurant que la "Police de Fer" veillait au grain. Il fallait que je sorte de ma torpeur. Pas pour donner un coup de main, mais pour satisfaire ma curiosité. La majeure partie de l’action s’était déplacée vers la queue arrière du train et je voulais en être, au moins pour voir si les bandits tenaient à dérober une cargaison en particulier. Je me hâtai alors à travers les couloirs qui liait les différents wagons, me dirigeant vers celui d’où nous avions vu s'échapper de la fumée. Je courrai à grandes enjambées, déclenchant sur mon passage des hurlements d'indignations et même quelques insultes quand je bousculai sans cure les plus lents à dégager de la voie.

Il était vraiment trop long ce train. Je n'en voyais pas le bout alors qu'à l'intérieur, la peur et la panique étaient palpable et qu'à l'extérieur, les coupeurs de routes continuaient vaillamment leurs assauts infertiles. Le train était en acier bien trempé, imperméable à de simples boulets de canons, c'est pour cela qu'ils privilégiaient l'abordage mais cette solution aussi se heurtait à la résistance de la Police de Fer dont les agents, d'après les quelques bribes de combat dont j'avais entraperçu les découpages, étaient d'un bon niveau.
Après une quinzaine d’haletantes minutes, j'atteignis enfin le dernier des wagons dédiés au transport des personnes. Ici, c'était la quatrième classe, les gens étaient miséreux et oscillaient entre les ouvriers saisonniers en mal de boucler leur fin de mois et les chômeurs de longue date qui retournaient dans leur bled après un passage infructueux à chercher du travail à Lavallière. Il y en avait aussi qui avaient des têtes de détrousseurs mais quelque chose dans mes lunettes aux verres blanches semblaient les dissuader de passer à l'acte. Je les ignorai royalement et me précipitai dans le wagon de transition. Normalement, il était vide et marquait la transition entre les wagons destinés au transport d’humains -situés du côté avant du train- de ceux voués aux marchandises placés à l’arrière.  
Vingt Agents de Fer sur le qui-vive et Guy Bananahamoc s’y trouvaient déjà. Cette voiture précise semblait avoir concentré le plus intense des combats. Ses vitres étaient brisées, sa tôlerie massive était bossue à bien des endroits et du sang avait giclé un peu partout dans l’habitacle. Par terre, six assaillants masqués gisaient, morts. La plupart avait trépassé à la suite de blessures par armes blanches mais certains, et je le remarquai avec un certain dégoût, avaient subi ce qui ressemblait fortement à la morsure de l’acide. Leurs peaux étaient en lambeaux, dissoutes jusqu’aux muscles par l’effet corrosif de la substance qui les avait attaqués. Il se dégageait une forte odeur d’œuf pourri dans la cabine.  

- Tu es rapide. Comment tu es arrivé là ? demandai-je à Guy.

- Par le toit, c'est plus rapide que de se frayer un passage à travers la populace. Et puis un bon combat à l'air libre, y a rien de tel. Capitaine, voici mon client, monsieur Alphaïa. Je disais, monsieur, au capitaine de la Police de Fer que rien ne valait un bon garde du corps quand on voyageait dans l'arrière-pays Boréalin. Et il n'était pas d'accord avec moi, fit-il en me présentant.

- Nan, nan, marmonna le vieux Capitaine, désapprouvant, en hochant du chef. Je disais juste qu'il n'y avait aucun besoin de l'aide d'un civil free-lance dans une telle situation. D'un doigt raidi, il désigna les cadavres des coupeurs de route. Le train de Sa Majesté est pourvu de moyens de défenses au delà du rayon de quelques vulgaires brigands. Moi-même, j'ai été Colonel dans la marine de mon temps. M'voyez ? Le train est sûr, les civils comme vous n'ont pas à s'en mêler, c'est ce que je disais. En dehors, dans la steppe, oui, je conviens qu'une fine épée comme toi serait très secourable.

- Haha ! Fine épée je suis, mais rien de comparable à toi, l'vieux. Monsieur Alphaïa, le Capitaine a fait usage de la meilleure technique de déplacement accélérée qui m'ait été donnée de voir. J'arrivais à peine dans la cabine que je voyais juste un flou et l'instant d'après, c'était fini, trois hommes étaient morts. Froids ! C'était de l'art je vous dis, de l'art ! raconta Guy qui semblait sincèrement admirer son nouvel ami. Moi, autre chose interpellait mon attention.

- C'est vous, capitaine, qui les avez attaqués avec ça ? fis-je en désignant la solution corrosive qui avait dissout les chairs des bandits morts. C'est quoi au juste ?

- Non... c...c'est moi, dit une voix tremblotante et apeurée qui semblait provenir de quelque chose que j'avais pris depuis mon arrivée pour un tas de chiffon.

Je remarquai avec surprise qu'il s'agissait d'une femme d'âge mûr aux mèches blonde attachées en chignon. Elle avait un visage quelconque, ni beau, ni moche. Des verres en demi-lunes aux verres vertes étaient délicatement posées sur son nez. Elle était de petite taille et attifée d'un vieux manteau tacheté de graisse mais tellement plus grand qu'elle que j'avais pris le tout pour une boule de chiffon alors qu'elle s'était juste recroquevillée, de peur sûrement. Le Capitaine la présenta comme étant Marie, un des mécaniciens de bord. Il expliqua aussi -parce que Marie elle-même en était incapable et tremblait encore de peur- qu'elle avait été surprise dans le wagon par les bandits et qu'elle s'était défendue comme elle le pouvait avec ses instruments de travail.

- C...C'est de la soude caustique, dit-elle timidement en répondant à ma question. C'est un puissant dissolvant chimique qui me sert à dégivrer les systèmes hydrauliques et de poussées. Mais ça reste un acide et sur les êtres biologiques, ses effets sont ce qu'elles sont... acheva-t-elle, dégoûtée par ce qu'elle avait fait.

- Je vois, ça tombe sous le sens. Dites, savez-vous ce qu’ils désiraient voler, Capitaine ?

- Il y a de tout dans ces wagons. Des produits périssables de premières nécessités comme des denrées alimentaires, il y a du mobilier, des vêtements, certaines voitures sont consacrées aux bêtes d’élevage, des chevaux purs sangs et des chèvres laitières en somme. Tenez-vous bien, y a même une cargaison de crânes, d’os, enfin ce genre d’antiquités pour les cinglés de l’Université Internationale de Jalabert. Donc, Dieu seul sait ce qu’ils voulaient mais je doute vraiment qu’ils aient eu une préférence davantage, ils voulaient juste se faire un butin. Et ils ont échoués, fin de l’histoire, acheva-t-il, plein de fierté. Retournez vous asseoir je vous prie, nous arriverons bientôt au prochain arrêt. Rien, jamais, n’empêchera le Winterblade de fendre les steppes éternelles de Boréa.


- T’avais une idée précise, "Mr Alphaïa" ? me demanda Guy sur le chemin du retour à nos cabines alors que le calme commençait à gagner les habitacles. Tu penses qu’ils cherchaient quelque chose de précis ? Qui pourrait nous intéresser ?

- Non, c’était plus pour satisfaire ma curiosité. Je pensais que le train transportait quelque chose d’intéressant pour des bandits, genre de l’or mais si c’était le cas, je ne crois pas le capitaine nous l’aurait dit, mentis-je.
J'avais bel et bien eu une idée derrière la tête mais elle ne s'était pas encore précisée et je ne voulais surtout pas révéler cette carte maîtresse à mon allié de circonstance.

- De l’or ? Mais qui s’en soucie ? Ce qu’on cherche nous, c’est de la poudre de pluie !  Reste concentré bon sang !

- Je sais, je sais. Voilà le train qui s’immobilise. Descendons et continuons cette folle et tentante aventure vers Mamelle.



Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 13:43, édité 2 fois
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À l'arrêt du train, un petit groupe de gens descendit. Pour seule construction humaine dans le coin, il n'y avait qu'une sorte de petite station, au plus un gros hangar bâtit en dur qui abritait des sièges permettant aux voyageurs de patienter dans le froid polaire. une petite foule monta en même temps que descendaient Loth et Will. Ils furent accueillis par des autochtones aux accents semblables à des râpages de voix ou à des aboiements. Ils se disaient cornacs et guides, aidant les étrangers et les Boréalins à traverser la steppe vers leur destination sur le dos de leurs éléphants des neiges moyennant bien-sûr une compensation financière. C'est exactement à ce genre de service que s'attendaient Loth et Will, aussi ne se firent-ils pas prier pour louer les services d'un jeune cornac qui connaissait bien la bourgade de Mamelle.

Sur la route vers Mamelle, il ne passa rien de notable. Will Kelly mit ce temps à profit pour réfléchir à la marche à suivre sans toutefois en tirer quelque chose de concret. Il avait le vague pressentiment qu'il y avait une raison pour que Bilal ait demandé au Capitaine si les bandits de grand chemin voulaient dérober quelque chose de précis. Une raison cruciale et décisive, son instinct le lui assurait. Mais quoi donc ? Il n'arrivait pas à le deviner. Mais il avait remarqué la passivité de son allié durant l'attaque des bandits. Bilal qui savait se défendre n'avait pas daigné donner un coup de main. Et même si cela pouvait être crédité sur le compte de son appartenance au monde souterrain et pas à celui des défenseurs de la loi, Will ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait aiguille sous roche. Le faux Bilal serait-il en réalité un des bandits ? Leur chef peut-être ?
Non, cela n'accrochait pas trop, si tel avait été le cas, la tentative de casse aurait eu plus d'ampleur, il n'aurait pas laissé partir le train. Ce type cachait quelque chose et lui, Will Kelly voulait le découvrir.

Le barrissement d'un des pachydermes qui les transportait nimba leur arrivée à Mamelle. Il était midi.
Will balaya les lieux du regard. De la grande ville portuaire de Lavallière à ce village égaré au cœur de la toundra Boréaline, Will eut vraiment l'impression d'avoir été transporté dans le temps. Il avait rarement vu quelque chose de semblable et se sentait incapable de le décrire. Il assimila la bourgade -avec raison- au camp saisonnier d'une tribu nomade. Rien n'était en dur, toutes les habitations étaient démontables par essence, édifiées en bois, en tissus faits de peaux d’animaux. Les logis de Mamelle avaient la forme d’igloos, petits et ronds. D'autres étaient plus imposants toutefois et ressemblaient à des maisons "normales" à cette différence d'être faits de toiles de tente. Ces bâtisses qui sortaient du lot étaient celles des notables de la communauté ou celles qui servaient de lieu de rassemblement, de culte ou de soin.
Après avoir réglé la note du cornac, Will et Loth furent apostrophés par des indigènes chargés de la sécurité de la communauté. Cordialement, ils furent directement conduits vers le "Grand Matou", le chef, un vieil homme d'un âge très avancé, si vieux que Loth se dit qu'il devait être à ce poste au temps même des hommes des cavernes, bien avant la domestication du feu... S'arrachant à cette pensée farfelue, Loth, s'adressa avec révérence à l'ancêtre.

- Mes respects, Grand Matou. Je suis Ben's Alphaïa, chercheur en sciences météorologiques et sociales à l'Université Internationale de Jalabert. Et voici mon garde du corps...

- Uncles, pour vous servir, Grand Matou.

- Bienvenue dans notre communauté jeunes gens... marmonna le vieux d'une voix asthmatique. Science tu as dit, Ben's... ?

- Le climat. J'étudie le temps, la météo. J'essaie de comprendre la nature pour la domestiquer. J'essaie aussi de déterminer à quel point le climat influe sur la vie de la population, comment est-ce qu'il force la masse à s'adapter.

- Domestiquer la nature ? Hahaha ! Vous les jeunes d'aujourd'hui, vous ne doutez de rien ! s'exclama-t-il, réprobateur mais amusé. Vas-y Ben's, essaie de l'apprivoiser, et après vient de dire ce que tu as appris. Je serai toujours là... Vas-y...

Ils prirent ainsi congé du Grand Matou qui pensait Loth complètement fou. Ils flânèrent dans la bourgade, se familiarisèrent avec ses coins et recoins. Le village n'était pas très étendu et l’œil avisé de Loth dénombra trois cents trois âmes qui vivaient de l'élevage de yaks et de lamas, de l'arboriculture -plus généralement des activités forestières- et de l'agriculture. Loth observa avec une curiosité enfantine que les cultures étaient axées sur des sortes de tubercules capables de pousser dans le permafrost.
Loin de partager l'intérêt de son partenaire pour la vie sociale de Mamelle, Will s'intéressa plus particulièrement aux humains. Ce qu'il cherchait, c'étaient les individus qui n'auraient pas eu leur place dans le coin, qui comme le disait Bilal, auraient "parasité" Mamelle. Mais évidement, il ne vit personne correspondant à ce signalement sommaire, tous les natifs étaient joyeux, souriants, affables et tout aussi curieux que l'était Loth vis-à-vis d'eux. Ils venaient leur poser toutes sortes de questions, portant aussi bien sur la prétendue science de Loth qui les mystifiaient avec des bidules mécaniques émettant divers cris et lumières. Ceux qui parlaient à Will s'intéressaient à son Katana et à ses techniques de combat. On lui demanda entre autres s'il avait déjà tué des humains ou participé à des guerres...
Ils profitèrent tout de même de cette cohue bon-enfant pour demander aux indigènes si des arbres inhabituels pour la région poussaient dans les alentours. Ils furent conduits vers des essences tropicales puis vers ce qu'ils attendaient tant, les Cèdres de Violate. Il y avait trente en tout, haut de plus de vingt mètres, exhibant leurs fleurs violettes avec fierté. Comme à Solitude, ils avaient été plantés en deux rangées opposées de quinze arbres chacune.
Prétextant avoir besoin de calme pour travailler, Loth et Will chassèrent les curieux autochtones.

- Ça ressemble beaucoup à Solitude, Bilal. Ça ne peut pas être un hasard.

- Si tu parles de la configuration des arbres, non ce n'en n'est pas un. Ils ont été plantés par le secrétaire au roi chargé de l'environnement, c'est écrit sur cette plaque commémorative. Après, rien ne dit qu'Ashura soit dans le coin. L'endroit semble...

- Trop calme ? Trop paumé ? C'est ce qui me fait dire qu'ils y sont. Regarde autour de toi, il n'y a que des enclos à yaks et à lamas. Des terrains vagues et nus donc, de chaque côté de ces arbres. Si ça se trouve, c'est Solitude que nous avons découvert par hasard, et c'est réellement ici qu'est produit la Dance. Ou du moins, c'est quelque part ici, que tes sacs de poudre ont été contaminés par ce pollen.

Will savait bien que l'histoire des sacs de Dance tachetés de pollen de Cèdre de Violate évoqué par Bilal était un vrai-faux prétexte. Sans doute, le réseau avait-il un lien certain avec ces arbres et il ne savait pas encore lequel.  

- Et si nous fouinions, comme tu l'as suggéré dans le train ? s'enquit Guy.

- Vas-y, fouine de ton côté, moi je dois vérifier les archives de la communauté. Je viens d'avoir une idée.

- Les archives ? Parce que tu crois qu'ils ont une histoire écrite ? Et puis, pourquoi tu veux faire ça ?

- Parce que c'est comme ça que je procède avec "ma science infuse", comme tu l'as dit. Toi tu peux procéder à ta "manière vieillotte", là encore je te cite. Nous couvrirons plus de terrain ainsi. Il est treize heures déjà, et la nuit tombe vite à Boréa. Il faut qu'on trouve quelque chose avant. Allez ciao !

Will le regarda partir avec l'impression qu'il venait de faire une grosse erreur. Ce type, il devait le reconnaître, était plus intelligent, du moins -bien plus instruit et cultivé-, que lui. Bilal avait aussi une certaine faculté de déduction très aiguisée. Le laisser partir seul sans savoir ce qu'il préparait était lui donner trop de laisse...
Rengainant ce malaise, L'étoile Montante enjamba la clôture barbelée qui séparait le champ où paissait un troupeau de lama, du village. Il suivait et avait toute confiance en son instinct. Ashura était là, quelque part. Cette étendue sauvage était trop vide à son goût. En surface il n'y avait peu être rien, mais uniquement en surface... Ça se saurait si Ashura faisait ses combines à la lumière du jour.

________________________________________

Bien-sûr, ils n’avaient pas d’archives écrites mais l’histoire se transmettait à l’oral des siècles avant l’écriture. Je retournai parler avec le Grand Matou qui me reçut avec le plaisir suffisant des vieillards convaincus d'avoir tout compris de l'immuabilité de l'univers. Il prit mon retour rapide auprès de lui comme une victoire de la tradition sur les pseudosciences. Je jouai son jeu et prétendis vouloir en apprendre plus sur sa communauté, sur les différents climats qu'il avait pu vivre dans sa vie.
Tout d'abord, il me confirma ce que Guy et moi avions constaté à notre arrivée, à savoir que la communauté de Mamelle appartenait à une peuplade nomade, les Yrys. Le vieux m'expliqua qu'ils séjournaient uniquement dans cette région durant le premier trimestre de l'année à cause de la forêt environnante. Ils se livraient à une chasse intensive dans le but de faire des réserves pour toute l'année. Ils déménageaient ainsi quatre fois par an, chaque trimestre vers des zones, toujours les mêmes, à la poursuite ou à la suite de cette chimère qu'était la météo. Chaque trimestre correspondait à une spécificité climatique précise qui favorisait telle ou telle activité dont vivait la communauté. Il en avait toujours été ainsi du temps de son père et du père de son père avant lui, m'expliqua le vieux, et il en serait toujours ainsi pour les milliers de générations à venir, il en était certain.

J'orientai ensuite la conversation sur les changements radicaux ou éphémères de la météo durant ses dix dernières années. Ses quinze dernières années en réalité si je devais être fidèle à l'historique d'Ashura mais je voulais rester flou. J'insistai sans trop persister sur la pluviométrie. La question en elle-même était étrange, puisque la pluie relevait de la chimère au pays de la neige. En général, elle gelait bien avant d'atteindre le sol et se transformait en grêle. Le vieux ne me surprit guère quand il me répondit qu'il n'avait plus vu une goutte pluie depuis plus d'une décennie. Ce que je cherchais, c'étaient les signes de l'activité d'Ashura. Produire de la Dance nécessitait une installation, un laboratoire à la pointe de la chimie. Et travailler avec les éléments chimiques entraînait souvent des accidents. De la Dance aurait ainsi pu être relâchée dans l'atmosphère par mégarde entraînant un bien curieux déluge dans ce pays polaire, ou encore un quelconque produit chimique aurait pu s'échapper, contaminer la faune ou la flore.
La perfection était un mot divin, j'en étais depuis longtemps convaincu. Tout le monde faisait une erreur, aussi infime soit-elle et je comptais bien trouver celle d'Ashura et me faufiler au travers de son manteau d’omerta.

- Par exemple, en 1919, il y a eu une épidémie de fièvre intestinale à Bocande à cause de la consommation de neige (transformée en eau), une pratique courante dans tout Boréa. Mais cette année-là, la neige était impropre à la consommation à cause d'un navire ayant chaviré près des côtes. Il transportait un gaz qui s’est échappé puis a stagné dans l'atmosphère. Il s'est mêlé aux nuages, exposai-je. Je détenais cette information grâce à ma lecture post-convalescence de deux semaines.
Nous, j'entends l'Université, n'avons aucune information sur l'impact qu'a eu cet accident sur les populations nomades. Comment avez-vous vécu cela, ou y a-t-il eu d'autres épisodes où votre communauté a souffert par la suite de la contamination de la faune ou de flore ? Peut-être pas les humains mais le bétail ? Bien entendu, je me fichais royalement de ce qui s'était passé à Bocande, mon seul intérêt résidait dans la dernière partie de ma question.

- Et ben... marmonna le vieil homme dans un effort de réflexion. Maintenant que t’en parles fils, y a trois ans en 1623, y a eu plusieurs morts, aussi bien chez les humains que chez les bêtes.

- S'il vous plait, définissez "plusieurs".

- Six femmes, quatre hommes et près de cent têtes de bétail. Ils avaient tous ingérés un tubercule qui a été contaminé par quelque chose qui n'a jamais été identifié. Nous avons reçu le secours du Secrétariat Royal à la Santé.

- Ah ? m'exclamai-je placidement alors qu'en mon for intérieur tout dansait la conga. Une intervention officielle, donc de la paperasse, donc des infos trouvables par Dena' ! J'étais aux anges. Je vois, c'est terrible. Heureusement que les services de Sa Majesté ont pu vous porter secours alors.

- T’es un bien curieux chercheur, n'est-ce pas, Ben's Alphaïa ? s'enquit le vieux d'un air rusé et pour la première fois, suspicieux. Tu ne prends pas note. Nous avons souvent reçu la visite de chercheurs et ils étaient scotchés à leurs écriteaux.

- Hmm, ça, ce n'est rien, soufflai-je. Je n'ai pas besoin de notes, j'ai une mémoire eidétique. Je vais vous montrer ses applications précises.

Je me lançai alors dans une série de prouesses de mémorisation de tout et n'importe quoi qui se trouvait dans la tente du vieil homme. Je sélectionnais un grand nombre d'objets, les regardais en une seconde puis les énumérais dans l'ordre. Le vieux en fut tout retourné.
C'est en m'adonnant à cet exercice anodin qui au début visait à détourner les suspicions d'un vieux qu'une vérité me heurta à la vitesse d'un train en course. En mémorisant les caractéristiques des individus se trouvant sur de vieux albums photos, je remarquai quelque chose qui me fit froid dans le dos. Quelque chose que je me sentis stupide de ne pas avoir notifié bien plus tôt qui pourtant sautait aux yeux !

Il était alors 14h00 et le soleil d'hiver était encore au dessus des montagnes enneigées de Boréa. Je devais contacter au plus vite Dena. Ce que je fis dans le quart d'heure qui suivit.



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A l'insu de Loth et de Will, quelque part dans la bourgade de Mamelle se réunissait un groupe de trois personnes qui planchaient en tout urgence sur leurs cas. Un seul était à visage découvert et se nommait Oswald Maine. Les deux autres, que nous appellerons "Tribuns", se cachaient derrière des masques, même pour Maine, leurs identités étaient un secret.

- Tribun 1 : Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi je me retrouve dans cette chierie paumée ? Je ne suis pas venu dans ce pays pour ça ! dit sèchement la voix de ténor du Premier Tribun.

- Tribun 2 : Idem pour moi. Je n'ai pas l'habitude du terrain, je faisais de la randonnée quand j'ai reçu un bip de Lavoisier me demandant de me rendre ici. Comment avez-vous merdé, Oswald Maine ? reprit la voix du second personnage masqué. Une voix aux notes aiguës, flûtées et féminines. Elle posa son menton sur ses mains jointes et observa Maine sévèrement au travers des visières de son masque.  

- Maine : J... je n'ai merdé en rien du tout ! se défendit-il, plus impressionné qu'il n'oserait se l'avouer par ses deux interlocuteurs.

Ces deux là étaient dans la confidence de Lavoisier, le Big Boss d'Ashura dont nul ne connaissait le visage. Eux, sûrement, le connaissaient, ce qui voulait dire qu'ils étaient dans les plus hautes strates de l'organisation dont lui, Maine, ne connaissait que la cellule dont il était tributaire : Tempest.
Impressionné était-il aussi par leur prestance personnelle et l'aura qu'ils dégageaient. Et pourtant, il ne se considérait pas comme une quiche, Maine. Lui qu'on avait surnommé "le Négociateur".

- Maine : Ce n'est pas à cause de moi que Swiffer à coulé nos bateaux sur South. J'ai appliqué la procédure standard de replis, j'ai effacé les traces.

- Tribun 2 : Je n'aime pas me répéter, Maine. Où est-ce que ça merde ? Parce que je sens d'ici de la chiasse.

- Maine : Deux de mes agents ont été tués, dit-il d'une petite voix honteuse. Le Coursier et le Postier.

- Tribun 2 : Le Postier est mort ?! répéta-elle, consternée. Merde alors ! Je dois toute suite rentrer à Lavallière, faire mes comptes...
Sans plus de cérémonie, elle s'en fut.

- Tribun 1 : Héhéhé, toujours aussi hyperactive celle-là, une vraie tornade. Ce n'était pourtant que l'un des dizaines de Postiers dont elle dispose. Comment sont-ils morts ?

- Maine : Le Coursier a été tué par un type dont on ignore encore l'identité, tenez, voici sa photo. Et le Postier est mort dans l'explosion de l'entrepôt dans le quartier désaffecté de Solitude.

- Tribun 1 : Quelqu'un fait sauter tes agents à la bombe ?! Mon Dieu... Qu'est devenue cette organisation en quinze ans... Lui, dit-il en jetant la photo à Maine, c'est le Lieutenant de la Marine régulière, Will Kelly. Tu seras content d'apprendre que c'est l'élève du vice-amiral Swiffer Jones. S'il est dans ce pays à s'en prendre à tes agents c'est que tu n'as pas bien effacé des traces, monsieur le Négociateur.  

- Maine : C'est pas possible, quelqu'un a dû nous trahir et parler ! J'ai tout fait comme il fallait ! J'ai envoyé un message anonyme à une journaliste, C&C a plongé en faillite ce qui m'a permis de disparaître avec les autres. J'étais déjà en train de réfléchir à un nouveau circuit de distribution quand j'ai été alerté par cette suite de meurtres. Du coup, je suis rentré aussi vite que j'ai pu et...

Il n'acheva pas sa phrase, un escargophone sonna puis commença à débiter des paroles de panique.

- Maine : C'est Théo, monsieur, présenta-t-il. Un de nos chargés de sécurité. Parle Théo.

- Théo : J'ai aperçu quelqu'un dans les catacombes de l'est, monsieur ! Un touriste !

Cette simple phrase donna à Oswald Maine l'impression d'avoir été soufflé par une déflagration. Il s'agrippa à l’accoudoir de son fauteuil de peur de défaillir. Quelque part dans son cerveau, un terrible lien se fit immédiatement, ce qui lui donna des sueurs glaciales. Qui était donc ce touriste se promenant dans les catacombes ? Qui était ce type qui voulait déterrer un secret aussi sale et à jamais enfoui ?

- Maine : Dé...décrivez-moi ce touriste !

- Théo : J'étais en train de promener les lamas quand je l'ai vu dans les pâturages. Il est blond, avec des cheveux un peu hérissés. Il porte des verres de soleil et katana.

- Tribun 1 : On dirait que Will Kelly a même retrouvé ton QG, Maine. Le niveau d'incompétence de nos jours... Je devrais en toucher deux mots à Lavoisier pour qu'on revoie le staff parce qu’on ne peut pas se faire du fric avec des incapables comme toi !

- Maine : MAIS JE VOUS DIS QUE JE N'Y SUIS POUR RIEN ! beugla-t-il en perdant tout moyen.

Il se sentait dépassé par le cumul des événements dans un laps de temps de deux jours seulement et hors de lui de se faire accuser à tort alors que tout aurait bien dû se passer. Mais le Négociateur paya immédiatement son insolence. Quelque chose le percuta violemment sous les côtes, lui coupant le souffle tout en l'envoya cogner la poutre maîtresse de la tente sous laquelle ils tenaient leur conclave. Il s'écrasa sur le sol tapissé en même temps que ce qui l'avait frappé, une simple bille. Le Premier Tribun n'avait pas bougé de sa place.

- Tribun 1 : Baisse d'un ton quand tu t'adresses à moi, demi-portion. Si tu manges aujourd'hui, tu me le dois. Si Lavoisier mange aujourd'hui, il me le doit et à bien des égards. J'ai vu les débuts de cette organisation, j'ai vu les débuts de Lavoisier, j'ai arrêté Lavoisier. Sans ma ... complaisance et ma capacité à sentir les bons filons, je l'aurais juste coffré ou éliminer et son nom aurait rejoint les millions d'anonymes ayant échoué sur le chemin de la contrebande. Tu parles à celui qui a permis à Ashura de vivre quand toi, tu jouais encore aux apprentis bandits. Ne l'oublie jamais, microbe !
En tant que Capo et N°2 de la Cellule Tempest, tu as le rôle de chef logistique et de chef commercial. Le rôle de protecteur et de chargé de la sécurité revient au N°1 de la cellule, le Chimiste-en-chef. Pourquoi Marie-Curry n'est-elle pas à cette réunion ?!

Sous son masque de démon, on sentait sa fureur.

- Maine : MC... elle prépare la Dance, monsieur, haleta-t-il en tentant de reprendre sa respiration. Elle m'a confié la sé...sécurité de la Cellule.

- Tribun 1 : Ah bon ? fit-il d'une manière niaise, tellement il était pris au dépourvu par cette information. D'accord. Euh d'accord. Donc MC se donne un nouveau rôle. D'accord, j'en toucherai un mot à Lav'. Je l'avais pourtant prévenu de ne pas engager cette génocidaire et anarchiste...Je sens qu'il va le regretter, je sens qu'on va tous le regretter, maintenant que la seule Cellule de Boréa a à sa porte le protégé d'un vice-amiral.
Revenons à nos lamas, toi là à l'escargophone, tu avais encore quelque chose à dire non ?  


- Théo : Euh, oui, monsieur ! Le type qui fouille les catacombes est venu avec un autre type qui se prétend chercheur à l'université. Ils se sont présentés comme Ben’s Alphaïa et Uncle’s. Le Ben’s là, il a posé des questions au Grand Matou, il lui a demandé des trucs sur la pluviométrie, si des gens ou des bêtes étaient morts à cause du climat, des choses comme ça. Messieurs, ils savent quelque chose, c'est évident !

- Tribun 1 : Éclairez ma lanterne. Ce que vous appelez les catacombes, c'est bien là que s'est déroulée l'opération "Illusion de la réalité" ? Encore une brillante idée de cette chère Marie-Curry ?

- Maine : C'est ça... Mais ça ne veut pas dire qu'il puisse trouver quelque chose, ils sont vraiment très grands ces catacombes et surtout nous avons des gens qui les connaissent comme leurs poches. On peut faire en sorte qu'il n'en revienne jamais et puis nous éliminerons aussi l'autre. Fin de l'histoire.

- Tribun 1 : Sûr de ça ? Tu projettes d'enterrer vivant l'élève de celui qui poursuit le réseau depuis sa création ? Et le vice-amiral restera sagement à South Blue après ça ? Et quant à l'autre qui l'accompagne, tu ne sais pas qui s'est, je te rappelle.
Attends, attends !
dit-il soudain en se donnant une tape monumentale sur le front. Minute, tu ignorais jusque-là que Kelly était dans ce village, tu ignorais même son nom. Donc, d'où vient la photo que tu m'as montrée ?

- Maine : Quelqu'un me l'a envoyée par lettre anonyme.

- Tribun 1 : Oh putain ! Tu veux dire que tu es assez sot pour utiliser une info anonyme sans en chercher la source ? Tout ceci n'est peut-être qu'un énorme piège, je m'en vais, m'assurer que c'est bien Lav' qui nous a bipé et envoyé ici. De toute manière, j'étais dans ce pays pour une autre affaire. Putain, avec nous deux qui étions ici, le réseau tout entier est peut-être compromis à son sommet. Que faire...
D'abord m'assurer que le Tribun N°2 est bien rentrée à Lavallière, les routes ne sont pas sûres. Puis discuter sérieusement avec Lav',
marmonna-t-il plus pour lui-même que pour les autres.
Quant à vous autres de Tempest, si jamais on survit à cette crise, je vous jure de revenir vous refaire le portait à vous tous. A cause de vos conneries à répétition, Ashura est aujourd'hui plus menacé qu'il ne l'a jamais été en quinze ans. Je te déconseille de tuer Will Kelly, Maine. Qu'il ne trouve rien et qu'il reparte convaincu qu'il s'est trompé de piste est le meilleur moyen pour vous de vous protéger, mais au final, je n'ai aucune envie de te donner cet ordre. Si on t'a surnommé le Négociateur, ce n'est absolument pas pour tes talents de diplomate... Donc fais comme bon te semble.
A la revoyure !



L'instinct de conservation du Premier Tribun ne l'avait pas trompé, quelqu'un dans l'ombre, un marionnettiste tissait quelques fils, avançait quelques pions et observait le résultat avec délectation à l'insu de ses marionnettes qui pensaient bouger à leur gré sur cette scène invisible. Mais même dans les rêves les plus fous du Plombier, puisque tel était le nom du marionnettiste, il n'aurait espéré assister à une rencontre telle qu'il venait d'en voir au biais de ses lunettes astronomiques. Ces personnes masquées s'étaient invitées, alertées par quelqu'un qui les avait précipitées à Mamelle. Il savait qui pouvait être ce quelqu'un, il pouvait aussi savoir qui était la femme du duo, il suffisait de la suivre sur le sentie forestier qu’elle empruntait à grandes enjambées... Mais son attention était intégralement focalisée, obnubilée par l'homme au masque de démon. Il lui fallait éditer son journal au plus vite, le hasard lui avait fait rencontrer la vraie raison de sa présence à Boréa.
Il avait enfin trouvé le Cafard !


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Cher Journal,  
Je vais devoir sortir de ce jeu plus tôt que je ne l'avais prévu. Je vais devoir laisser mes marionnettes se déplacer toutes seules. Mais je crois les avoir assez aiguillées pour qu'elles m'offrent une fin de scène absolument épatante !
Moi, je vais chercher fortune ailleurs. Dans ma dernière correspondance, je disais ne plus avoir de pistes sur la taupe d'Ashura dans les rangs du Gouvernement, celle qui se fait appeler le Cafard. Et bien, le Cafard s'est jeté tout seul dans mes griffes à la faveur d'une de mes intrigues qui avait un tout autre but. Je vais le suivre à bonne distance parce que quelqu'un de son niveau ne se fait pas filer sans dommage et je n'ai aucune envie de rentrer en confrontation avec lui, ma mission n'inclut pas cette option.
Comme une ombre donc, je suivrai le Cafard.

Mais avant de partir je te relate tout de même où en sont mes deux marionnettes préférées. Je les ai suivies de loin, ai lu leurs discussions sur leurs lèvres, donc je pense pouvoir t'exposer assez fidèlement le plus gros des événements. Loth et Will se sont donc séparés pour explorer chacun une piste propre à leurs instincts. Loth, féru de déduction, s'est orienté vers la recherche d’infimes et subtiles preuves de la présence d'Ashura dans le village et Will qui travaille à l'ancienne a préféré la bonne vieille fouille et prospection.
Durant son entretien avec le vieux dirigeant du village, Loth s'est rendu compte de quelque chose qui, personnellement, m'avait sauté aux yeux -que dis-je, agressé les rétines- dès les premières minutes de ma première visite à Mamelle. Pour quelqu'un ayant résolu le mystère du Réplicateur, je l'ai trouvé très lent à la détente. Il lui a fallu une heure pour remarquer ça et sur un plan personnel, c'était une petite déception, mais passons. Il a discerné ce qui clochait et fort de son esprit de déduction, c'est certain qu'il en a tiré les terribles implications, comme je l'ai fait avant lui.
Qui plus est, dans sa suffisance à vouloir jouer aux plus fins, le Grand Matou a lâché une information cruciale qui va aider Loth au delà de son imagination.

Naturellement, il a contacté son cher Dena' et lui a donné comme priorité absolue de lui trouver tout ce qu'il pouvait dénicher sur le mal qui avait touché la communauté de Mamelle en 1623 et qui avait selon les dires du Grand Matou, mobilisé les ressources du Secrétariat Royal à la Santé. C’est sur des braises ardentes donc que Loth attend maintenant les résultats du furetage de Dena.
Bien avant ça, il a tenté de joindre Will. Sans succès, et pour cause, ce dernier était à plus de quarante mètres sous terre. Je ne l'y ai pas suivi, parce que j'avais une réunion à espionner mais aussi parce que c’aurait été inutile. J'ai découvert ce que dissimulaient ces catacombes il y a quelques mois de cela. Et ce qui s'y trouve, n'est rien de moins que la personnification de l'horreur.

Je souhaite bonne chance à Loth et à Will. Ils sont partis sur la base d’un jeu de poker menteur mais ils se rendront bientôt compte qu’ils n’auront d’autres choix que d’unir réellement leurs forces pour parvenir à bout de Tempest. J’ai confiance en la débrouillardise de Loth, je compte beaucoup sur lui dans un futur proche, je lui apporterai la lumière de notre Cause.
Sur la voie de Révolution.  
 
Cordialement,
Ton cher Plombier.
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Il faisait noir dans les catacombes. Heureusement pour Will Kelly qui se réjouissait de son esprit de prévoyance, il avait sur lui un petit kit de survie qui incluait évidement une torche alimentée au thunder dial, un généreux cadeau de son Maître. Quand il s’était lancé dans son furetage du vaste pâturage qui entourait les cèdres de Violate, il espérait trouver un quelconque labo secret dissimulé au cœur de la toundra, sous terre sans doute, et protégé par des gardes bien armés. Il ne s’attendait sûrement pas à trouver ces catacombes -en trébuchant sur une vieille souche-, il ne s’attendait pas à trouver sous la toundra, ce vaste complexe en granit qui semblait abandonné depuis des siècles. L’endroit était très austère, habité à une époque de l’histoire sûrement par une tribu primitive à en juger par les peintures rupestres qui ornaient certains pans de murs. Mais lui, Will n’était pas un connaisseur en ces conneries antiques, le passé ne lui importait pas, son regard était tourné vers le futur radieux où il serait enfin Amiral puis Amiral-en-chef. Il était prêt à parier que le faux Bilal trouverait absolument intéressants ces catacombes. Mais depuis qu’il avait commencé à arpenter ces dédales, lui, Will Kelly, n’y avait vu que ruines, décombres, vestiges du passé, quelques animaux souterrains ici et là mais au final rien d’intéressant. Il s’était enfoncé si profondément dans ce labyrinthe qu’il avait commencé à marquer les murs de croix dessinées au charbon de bois pour retrouver son passage au retour. Cet endroit était le lieu rêvé pour installer un labo clandestin et Will Kelly ne comprenait pas encore pourquoi il n’était pas encore tombé sur quelqu’un. Il sillonnait depuis si longtemps ces déliquescences nimbées de ténèbres qu'il avait perdu la notion du temps.

Will Kelly regarda sa montre et vit qu’elle affichait quinze heures passées de dix minutes. Il avait passé plus d’une heure dans ce trou à rat, avalé des kilomètres sans rien découvrir de notable. Il se sentirait un brin stupide de remonter là-haut sale et puant de la tête au pied sans rien apporter en substance alors que Bilal lui, aurait peut-être fait une percée décisive avec sa science et ses airs d’intello. Le noir le plus pur tapissait les souterrains et Will Kelly poussé par l'égo refusa d'abandonner.
La faible percée opérée par la lampe à dial lui montra qu’il était dans une sorte de vaste hall. Ici, l’architecture était plus soignée que dans les autres pièces du complexe, même un profane comme lui pouvait le remarquer. Des colonnes taillées dans la roche soutenaient le haut plafond sculpté et décoré de scènes de chasses primitives. Will Kelly se dit que cette pièce devait sûrement servir de lieu de réunion à la haute strate du peuple qui avait vécu là. Il fit un pas vers le trône qu’éclairait sa lampe quand il sentit quelque chose se casser sous ses chaussures. Ce son ne lui était pas étranger, c’était le bruit croustillant d’un os qui s’effritait. Il avait plusieurs fois marché sur des ossements de petits mammifères et de reptiles, aussi, n’y prêta-t-il pas attention jusqu’à ce qu’il sentit quelque chose de mou sous ses semelles. Sa première impression fut qu’il avait marché sur du caoutchouc mais une confirmation à la lumière de sa lampe le remplit d’effroi. Will bondit en arrière comme chauffé à blanc.

Il n’y avait aucun meurtrier au monde qui n’avait pas peur des cadavres, qui n’avait pas peur que ses chers trépassés ne reviennent le hanter et réclamer vengeance. Will n’était pas différent, il avait une peur bleue des morts.
Ici en l’occurrence, Will n’avait rien à se reprocher, mais il se sentit tout de même tout petit. Ce qu’il avait piétiné ressemblait plus à une momie qu’autre chose. A vue d’œil, c’était un cadavre d’homme. Sa peau n’était plus qu’une fine couche translucide collée à ses os. Nan, en fait, moins qu’une momie, le corps ressemblait plus à ces enfants atteints de kwashiorkor dans les zones de guerre. La momification et l’absence de décomposition classique étaient sûrement dues à la température négative. Il aurait pu être mort un mois plutôt ou deux siècles avant, il n'y aurait aucune différence.
Timidement, surmontant sa nécrophobie, Will tenta d'examiner le défunt à bonne distance. Une auscultation rapide lui permit d’écarter une morte violente de quelque nature que ce soit, les tissus ne présentaient aucune dégradation. Était-il mort de maladie ? Et d'ailleurs que faisait-il là ? Était-ce un habitant de Mamelle ? Pourquoi ne lui avait-on pas offert une sépulture descente ?

- Aaaah, et puis merde !  s’écria-t-il en ébouriffant ses cheveux dans un geste d’exaspération. Réfléchir intensément n’était pas son fort. Personne ne se préoccupe d’un type mort depuis des temps immémoriaux !    

- En fait si, quelqu’un s’en préoccupe, répondit une voix dissimulée dans la pénombre.

- En fait, on s’en soucie tellement qu’on envoie tous les curieux qui découvrent ces catacombes rejoindre les âmes tourmentées qui hantent déjà ces ruines. Et toi, tu n’y échapperas pas, lieutenant, Will Kelly, ajouta une autre voix.

Will Kelly ne répondit pas et éteignit immédiatement sa lampe. Dans les ténèbres épaisses des catacombes, il se lécha les babines d’un air carnassier. Finalement, sa randonnée souterraine commençait à payer, quelqu’un, Ashura sûrement, avait découvert son identité et s’évertuait à le réduire au silence. Tant mieux, se dit-il, depuis le temps qu’il avait cette envie inextinguible de répandre de l’hémoglobine…

________________________________________

Je sentais l'atmosphère de Mamelle devenir de plus en plus lourde, indépendamment du climat réel qui changeait lui aussi. Voilà plus d'une heure déjà que j'avais confié sa mission à Dena' en faisant tout mon possible pour lui signifier qu'elle était de l'importance la plus vitale. J'étais anxieux à l'intérieur, totalement placide à l'extérieur. Pour tuer le temps et prévenir toute situation hors de contrôle, je n'avais cessé de bouger, de flâner dans les ruelles de la bourgade. Je me sentais suivi, épié malgré qu'en apparence, rien n’ait changé dans le comportement collectif. Les habitants de Mamelle, les Yrys puisque tels étaient le nom de leur tribu, étaient toujours aussi souriants et affables.
Il y avait aussi le cas de Guy Bananahamoc. J'ignorais où il s'était aventuré, le pâturage qu'il voulait fouiller s'étendait sur plusieurs hectares. Son absence durait autant que mon attente du coup de fil de Dena' et j'espérais bien qu'il n'ait pas été pris dans une embuscade tendue par Ashura. A deux, nous ne serions pas de trop pour contrer le vent qui changeait déjà en notre défaveur, je le sentais.

Alors que j'errais du côté Est du village, près de la forêt boréale, le vent, le vrai, se leva soudain. Il souffla très fort, cinglant la plaine gelée, faisant frémir les arbres géants de la forêt, beuglant comme un monstre informe. Il se mit à grêler presque immédiatement. Les grêles -grosses comme des balles de tennis- étaient furieusement transportées par le vent qui les utilisait comme autant de redoutables projectiles en criblant tout ce qui se trouvait sur son chemin. Je fus le seul surpris par ce changement radical du temps, en une seconde, les Yrys étaient déjà en branle-bas de combat. Les étalages de la ruelle marchande avaient disparu, les rues s'étaient vidées en un clin d’œil. Ceux qui étaient encore dehors consolidaient les piquets de leurs tentes à grands coups de masses. Les bras au-dessus de la tête, je courus sans savoir où aller exactement quand on me héla. Je reconnus la voix du Grand Matou et me précipitai dans sa direction. Il me fit entrer dans une tente à plusieurs pièces.  

- Où sommes-nous ? demandai-je avant d'esquisser un quelconque "merci".

- Chez moi, Ben's Alphaïa, répondit le vieux de sa voix faible. Notre entretient précédent s'était déroulé comme tu l'as deviné dans la salle du Conseil. Ici c'est mon chez moi. Tiens voici ma famille. Mes fils, Théo et Danny. Cynthia, la femme de Théo.

- Enchanté, fis-je en serrant la main de tout ce beau monde.

- C'est dangereux de rester sous le Blitz, me dit l’aîné, Théo. C'est à mi-chemin entre un blizzard et une pluie de grêle. C'est deux fois plus dangereux en fait.  

- C'est bon, chérie, il s'est réfugié à temps, ne l'ennuie pas, c'est notre invité, fit Cynthia d'une voix mielleuse. Je vais vous préparer une boisson chaude avant de préparer le dîner, ça vous tiendra tous au chaud.

- Du bouillon d'sang d'yak écrémé à l'alcool d'dattier alors !, proposa Danny le cadet, un grand dadais tout musclé qu'il était par sa vie de bûcheron. T'y vas voir Ben's, belle sœur est la meilleure cuisinière d'toute la tribu, d'ici, jusqu'à Bocande !

- Mets-toi à l'aise, fils, fais comme chez toi. Le Blitz est parti pour durer encore deux ou trois heures.

C'est ça, pensai-je, trois heures. Là, je me sentais de plus en plus acculé. Ce sentiment que le piège ennemi se refermait sur vous, que vous n'étiez au final qu'un oiseau en cage. Et même le climat était leur allié. Je ne fis rien paraître bien sûr, je discutai avec les fils, leur relatai les récits de mes voyages à travers les blues et en retour, ils partagèrent leurs propres expériences avec moi. Quelques instants plus tard, Cynthia nous amena un liquide tout fumant dans une grande théière. Théo en servi à tout le monde et tous ensemble, ils trinquèrent à la longue vie de Mamelle. Je refusai de toucher à ma boisson, prétendant être allergique aux lactoses et ne pas supporter l'alcool. Soulagé qu'ils n'insistèrent pas pour me proposer autre chose à ingurgiter, j'encaissai et ris aux blagues des frères sur ma virilité prétendument mise à mal par mon intolérance à l'alcool.  
Mon sang ne fit qu'un tour, quelques instants plus tard, quand mon escargophone que j'avais réglé sur silencieux, se mit à vibrer dans la poche intérieure de mon manteau. Je m'excusai et demandai le chemin des toilettes où me conduisit Danny.
Quand je décrochai et parlai dans le combiné, ma voix n'était pas plus haute qu'un murmure. Qui plus est, avec le mugissement du vent dehors, il aurait fallu que je hurle pour quelqu'un m'entende à l'extérieur des toilettes.

- Grand champion, dis-moi que tu as la solution à mes problèmes.

- La solution, je ne sais pas. Mais j'te conseille déjà de fuir la queue entre les jambes mec ! C'est un pot pourri !

- A quel point ?


- Au point où tout c'que tu soupçonnais s'est avéré exact mon vieux. Tout !
J'ai fait marcher la planche à Berry au Secrétariat du machin-chose. Déjà, les Yrys, c'ça leur blaze non, n'ont jamais été une population de nomade. En tout cas, dans l'pap'rasses, il est dit qu'ils sont sédentaires, grav'ment pantouflard même. C'est écrit qu'ils squattent Mamelle et son sous-sol où ils ont creusé de véritables galeries. Comme des rats.


- Passer d'une vie sédentaire depuis des générations à une vie nomade. Pas suspect du tout... Continue.

- Le Matou ou j'sais pas quoi, avait raison, ils ont bien été touchés par une épidémie en 1623. Le bilan qu'il t'a donné est l'même : dix Yrys morts, et du bétail.

- Mais ?

- Mais, durant cet événement la populace a été répertoriée et elle comptait 105 individus. Mais toi tu m'dis avoir dénombré 303 personnes.

- C'est bien ce que je craignais...
Écoute Dena, si l'apport démographique ne provient que de la reproduction sexuée, c'est absurde et impossible qu'une population de cette taille puisse tripler en trois ans. Mais en plus comme je te l'avais dit à l'escargophone, la chose la plus étrange dans ce village, c'est qu'il n'y a aucun enfant. J'ai mis du temps à le remarquer et je m'en veux pour ça, mais le plus jeune que j'ai rencontré devait avoir seize ans tout au plus.


- Ça doit être flippant, ouais. Donc, tu pensais trouver quelques membres d'Ashura dans cette communauté mais en fait, ils ont apporté deux cents des leurs ? Tu penses qu'ils tiennent les Yrys en otage et les obligent à taffer pour eux ?

- Non, non, je pense que c'est bien plus lugubre que ça. Je pense tout bonnement que ces gens ne sont pas des Yrys. Pas les originels. Ils ont tous des accents différents, certains s'expriment de manière raffinée, d'autres parlent un langage plus brut. Trop de petites incohérences non notables par un profane, ce qui n'est pas mon cas. Certains ont des scarifications et tatouages tribaux, d'autres non. Par exemple, j'ai pu remarquer en faisant connaissance avec une tribu à l'ouest du pays durant l'affaire du Réplicateur, que les femmes des peuplades rurales de Boréa portaient toutes des espèces de bracelet à pendentif symbole de leurs soumissions et de leurs dévotions aux hommes de leurs communautés. Ici, seulement dix en portaient, et elles étaient âgées, les plus jeunes n'en avaient cure.

- Héhéhé, émancipation, tu connais ?

- Nan, Dena', rien à voir. Ces gens s'efforcent de paraître comme étant des Yrys alors qu'à bien y regarder, ils cumulent les preuves dans le sens inverse. Le fait que les traits de ressemblance ou l’adoption des us et coutumes des Yrys se fasse plus ressentir dans la tranche d'âge la plus âgée veut dire pour moi que ceux-là étaient la première vague d'immigration. Ils ne savaient pas à quoi s'en tenir, ils ont tout fait au plus proche de la perfection pour ressembler à des Yrys. Mais le temps a passé, trois ans exactement, et vu que personne n'a tilté, le sentiment de méfiance a été remplacé par de la suffisance. Le laisser-aller a gagné les rangs de la communauté.
‘fin, y a abus de langage quand je parle "d'immigration", je voulais plutôt dire "substitution"...
précisai-je d'une voix sombre, la gorge serrée par l'horreur que j'avais devinée.

- Attends, substitution ? Tu causes que…

- Que je suis venu dans cette bourgade en espérant y dénicher des parasites d'Ashura parmi la populace alors qu'en fait, c'est toute la populace qui est Ashura. Les Yrys, les vrais, les originels, ont sans doute été exterminés dans le seul dessein d'occuper leurs terres et de prêter leurs modes de vie aux projets du Réseau. L'épidémie en 1623 n'était sans doute que les prémices à quelque chose de plus sinistre qui a décimé la population originelle sans que les autorités ne l’aient remarqué. Et si d'aventure quelqu'un, un jour avait su, Ashura lui aurait organisé un joli petit accident. Et enfin, l'absence totale d'enfants dans cette bourgade constitue pour moi la preuve la plus solide. Aucune communauté de cette ampleur ne peut exister et penser se maintenir sans progéniture, à moins que ce qui les maintient ici au final ne soit qu'une relation de travail.
Ce dont je te parle, Dena, c'est du génocide minutieusement programmé, exécuté et achevé des Yrys depuis trois ans déjà. Je suis au cœur d’un nid de démons.


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Si les hommes du Négociateur avaient pensé avoir un quelconque avantage sur Will Kelly en se dissimulant dans les ténèbres impénétrables des catacombes, ils déchantèrent très vite. Le lieutenant était un habitué des combats avec handicapes et dans les ténèbres, il avait appris à aiguiser son ouïe au maximum, à sentir dans un courant d'air le déplacement de l'ennemi, etc... Le vice-amiral l'avait bien entraîné. Si seuls deux ennemis s'étaient déclarés, Will doutait bien qu'ils devaient être bien plus nombreux sous le voile noir des ruines.
Une perturbation anormale de l'air à sa droite le prévint du déplacement d'un adversaire. Vivement, Orphelin scinda l'air obliquement pour parer une attaque qui ne vint jamais. En lieu et place d'un coup, une intense lumière jaillit et illumina soudain les ténèbres, éblouissant Will qui mit son avant-bras en visière pour se protéger les rétines. Sous la coupe de cette diversion émergèrent deux sentinelles armées de haches qu'ils abattirent sur Will.

- Imbéciles ! se réjouit-il.

Une pirouette et un salto arrière lui permirent d'éviter les attaques synchronisées qui devaient le découper en morceau. Leur erreur, les gorilles le comprirent trop tard, Will Kelly avait gardé ses lunettes de soleil même dans les ténèbres. Il n'y avait aucune chance de l'éblouir. Il avait fait semblant d'être aveuglé pour les laisser mieux approcher.
Il était aux anges, Will, quand il darda Orphelin vers le cou d'un des assaillants qu'il perfora. Avec un dégoûtant bruit de succion, du sang s'échappa en saccade de la carotide tranchée de l'homme qui s'effondra, secoué de spasmes. Le second n'eut davantage de chance. Avant qu'il ne puisse retourner à nouveau dans le noir, Will le déséquilibra d'une balayette des pieds, fit un salto avant et concassa la tête du malheureux contre le sol de granit avec un coup de pied rotatif descendant. Du crâne ouvert de l'adversaire, naquit un giclement de sang. Il en était tout éclaboussé Will, pour son plus grand plaisir. La torche des adversaires s'éteignit et l'obscurité recouvrit de nouveau la scène. Deux morts en une seule attaque inconsidérée, le message qu'il avait envoyé à ses vis-à-vis était maintenant des plus clairs. Et ils en prirent acte.

Des grognements sauvages rugirent en nombres, accompagnés de bruissements de pas feutrés. Will s'accroupit dans une position de Iaido, un genou posé sur le sol, l'échine courbée, ses deux mains collées à son Katana, une sur le fourreau, l'autre sur poignet. Ashura avait amené une meute d'animaux sauvages. Lui, était prêt à dégainer et à rengainer, la situation ne lui causait qu’exhalation, sans peur aucune. Quand les bêtes passèrent à l'assaut, il savait quoi faire. Non, plus que ça, il était en transe et avait carrément l'impression d'entendre son Maître lui susurrer à l'oreille :  
"Bouge le moins possible, le contraire serait pure folie, ces bêtes se repèrent à l'odorat et leur vue doit être cent fois plus nettes dans ces ténèbres que la tienne. Ne dépense aucune énergie futile, ne frappe qu'une seule fois, esquive, tranche, rengaine, tranche à nouveau. Ne défaille point, domestique ta peur, transforme-la en moteur, même quand tu te fais lacérer les côtes et le dos par ces griffes monumentales. Même quand tu sens le goût de ton propre sang inonder ta bouche. Et même si tu te retrouves au sol, mis à mal par la meute et que sur ton visage, tu sens le souffle pestilentiel du prédateur, n'oublies jamais de discipliner son esprit.
La sortie, alors, tu entreverras. "

- Te voilà à terre, Will Kelly, s'amusa une voix dans les ténèbres. Comme tous les détracteurs de Tempest, comme ton ami Loth Reich, très bientôt.

A terre, il était. Blessé, acculé, mais l'esprit plus lucide que jamais, il entrevit effectivement la solution à son petit souci de meute. Qu'est-ce qu'il se sentait lassé, Will Kelly, quand il découvrait que les conseils de son vieux Maître -qui allaient contre tout qu'il y avait de naturel en lui- se révélaient justes ! Il prolongea et repoussa plus que nécessaire le moment de se relever pour que la meute entière se rassemble autour de lui, appâtée par sa mise à mort future.
Taper la ruche avec un bâton pour attirer les abeilles et quand elles étaient toutes rassemblées, les enfumer.

- A moi le miel ! Typhon Étoilé !

Point de miel, juste un torrent d'hémoglobine quand Will se releva, dansa, tourbillonna telle une toupie. Cette attaque tranchante était l'une des plus terribles cordes à son arc et sa portée phénoménale était tout ce dont il avait besoin. Peu importe s'il était entouré d'un suaire de ténèbres, il n'y avait nulle nécessité d'avoir un visuel sur les fauves. Orphelin et le Typhon Étoilé les dénicheront pour lui. Il les taillada tous, les élimina tous, les massacra jusqu'au dernier, de quoi donner une éternelle nausée à la Société de Protection des Animaux.
Époumoné, à bout de force, ses jambes se dérobèrent sous lui et Will s'écroula. Du moins, il allait, mais un puissant uppercut le souleva de terre et lui rappela qu'il restait encore un homme dans ces dédales, le maître des bêtes qu'il venait de décimer. Le coup d'une puissance bestiale et écœurante l'envoya valdinguer, râper le sol et mordre la poussière sur plusieurs mètres. Des bouts arrachés de peau vinrent s'ajouter à sa liste de ses blessures. Will Kelly s’écrasa dans un tas de quelque chose qui aurait pu s'apparenter à des déchets si son instinct éminemment nécrophobe ne l'avait pas assuré qu'il venait d'atterrir dans un charnier. Avec un hurlement épouvanté, toute philosophie d'esprit discipliné oubliée, Will se dégagea en catastrophe des corps momifiés qui l'entouraient. Il trébucha sur une main, glissa sur un crâne, mais parvint tout de même à sortir de cette horreur absolue, même si c'était pathétiquement et à quatre pattes.

Le Vétérinaire, puisque tel était le nom de code du maître des bêtes, s'esclaffa et choisit ce moment pour inonder les catacombes de lumières via un système d'éclairage que Will n'avait pas remarqué jusque là. Il aurait préféré rester dans l'ignorance de ce qui l'entourait parce que là, sa phobie le paralysait intégralement. Des corps momifiés par le froid, il y en avait des dizaines, une centaine, peut-être même plus. A l'image de l'homme sur lequel il avait marché un peu plus tôt, ils étaient nus, tous, entassés pêle-mêle, jetés là comme des déchets, dans un irrespect infini.

- Tu as peur des morts, Will Kelly ? Comme tu vas les rejoindre sous peu, permets-moi de te présenter les habitants originels de Mamelle, j'ai nommé les Yrys. Depuis trois ans, ils reposent en paix, sous ce plafond de granit.



Dernière édition par Loth Reich le Dim 9 Aoû 2015 - 14:42, édité 1 fois
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"Épouvanté" aurait été un terme bien maigre pour qualifier le ressenti de Will Kelly à ce moment précis, quand un système d'éclairage leva le voile sur l'innommable. En fait, il aurait été difficile de dire que le lieutenant ressentait encore quelque chose à cet instant, du moins, dans le sens strictement charnel du terme. Il se sentait comme décalé, déphasé du cours normal du temps. Il était une espèce d'entité qui flottait dans l'air, regardant la scène d'horreur d'un point de vue élevé. Il regardait ce qui avait été son corps, assis par terre, tremblant de tous ses membres, ses yeux exorbités injectés de sang sortant de ses orbites derrière ses lunettes de soleil. Il regardait aussi le Vétérinaire, hilare, tant le concept même de "nécrophilie" le surprenait.  

- Ouaouaoua ! rit-il dans une sorte d'aboiement. Faible créature ! rugit-il en donnant un coup de pied monumental dans le plexus de Will Kelly toujours tétanisé par le charnier. Pathétique ! Phobie des morts ?! Et tu te dis homme ?! Alors comme les Yrys ta mort ne sera pas une grande perte ! continua-t-il en ponctuant chaque exclamation d’un coup.

Comparé à L'étoile Montante, le Vétérinaire était un géant du haut ses deux-mètres et une véritable bête avec ses deux cents kilos de purs muscles. C'était un homme extrêmement violent qui ne supportait pas la faiblesse sous aucune de ses formes. Pour lui, seule la force comptait, seule la force était digne de respect et les plus faibles méritaient uniquement d'être dirigés voir éliminés par les plus forts. Alors qu'il pensait trouver en Will un adversaire de valeur, il avait été désagréablement surpris de constater que son vis-à-vis n'était en fait qu'un de ces faibles humains sujet à cette peur irraisonnée qu'on appelait "Phobie". Et c'était d'autant plus incompréhensible pour lui que Will Kelly avait magnifiquement éliminé deux de ses hommes...
Alors, s'évertuait-il en ce moment à lâcher sa déception sur son adversaire dont la volonté avait été intégralement annihilée par le charnier. D'un coup de pied, il envoyait valser Will, d'un coup de revers de la main, il le cueillait en plein ciel, lui cassait quelques côtes. L'ordre était de le tuer de toute manière, alors, se déchargeait-il un peu.

Après cinq minutes de passage à tabac, alors que Will n'était presque plus qu'un tas de chair molesté entre les mains du Vétérinaire, un escargophone pleura et ses cris se répétèrent en écho dans les catacombes.

- Oui ?! Qu'est-ce que c'est ?

- C'est moi.

- Ah, le Négociateur. Je suis sur le point de finir le lieutenant là.

- N'en fait rien. Finalement, on a décidé de ne pas les tuer, pas pour l'instant. Tu peux remonter avec lui.

- Quoi ? Qu'est-ce que tu me chantes là ? vociféra-t-il. Le Véto détestait être dépossédé d'une proie.

- Je te dis de ne pas le tuer et de me le ramener. On a un meilleur plan pour eux.

- C'est qui "on" ?

- MC et moi-même. Tu veux te rebeller ? Tu me défies ? Tu veux la défier aussi ?

- Euh... Non... Je...je voulais juste comprendre, bredouilla-t-il, dégonflé, et visiblement mal à l'aise à l'énoncée du nom de ce "MC".

- Alors, n'oublies par ta place et ramène-le moi ! L'autre, le binoclard dans le village ne se doute de rien pour l'instant. Le filet se resserre sur lui sans mouvement apparent. Ensemble, nous allons leur faire regretter de s'être attaquer à la Cellule Tempest !

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- Là, ça sonne comme si t'étais fait comme un rat mec. T'es entouré de 303 ennemis ? Comment tu vas virer ton cul de là ?

- Bonne question, j'y travaille. Je raccroche.

- Bonne chance, mec. T'en auras besoin.

Je ne croyais pas en la chance. Je croyais aux concours de circonstances que j'aurais préalablement aiguillés. La chance ne me sauvera pas la vie maintenant que j'avais la confirmation qu'une bande d'assassins m'entourait et désirait sûrement me faire la peau. La longue absence de Guy s'éclaircissait mieux et j'espérai sincèrement qu'Ashura ne l'avait pas eu.
Comment procéder ? M'enfuir à toute jambe sous ce blizzard de grêle qui pourrait finalement se révéler plus dangereux qu'Ashura ? Prévenir plutôt que guérir en m'attaquant à mes hôtes ?
Non. Bluffer. J'allais bluffer. Comme cela, je ferai d'une pierre, deux coups. Je m'accorderai du temps -parce que chaque seconde de gagnée à l'abri de ce climat mortel était un sursis- et avec un peu de... Non, pas avec de la chance, disons plutôt, doigté. Oui, voilà, avec un peu de doigté, de bagout, je saurais peut-être leur insuffler assez d'assurance pour leur tirer quelques vers du nez.  

Imprégné par cette froide résolution qui précédait les meurtres, l'esprit nimbé de clarté par la voie à suivre, je plongeai la main dans ma poche et en sortis un briquet. La flammèche qui naquit quand je mis en marche l'engin colora mes verres d'une intense lumière crayeuse et opaque. Momentanément, je fus aveugle...

Ma première besogne accomplie, j’éteignis le briquet d'un air satisfait et me dirigeai vers la cuisine où s'affairait une menace potentielle en la personne de Cynthia. Il aurait été stupide de la sous-estimer, et elle était stupide de baisser sa garde, de préparer sa soupe en chantonnant alors qu'un ennemi déclaré se trouvait dans la même tente qu'elle. Sur la pointe des pieds, je m'approchai d'elle, ma main droite irrésistiblement tendue vers son frêle cou...

Ma seconde besogne accomplie, je rejoignis mes hôtes dans le salon. L’atmosphère y était toujours aussi faussement joviale. Les prétendument fils et père causaient à bâton rompu et parlaient de leur prochaine migration vers les Crocs Givres. Tranquillement, et lentement, je redressai mes lunettes. Quelque chose dans mon attitude avait refroidi l'atmosphère. Même sans avoir dit mot, je savais qu'ils savaient que je savais. C'étaient de ces choses ineffables, impossibles à expliquer par de simples mots.

- J'ai dû mal à croire que vous ayez exécuté 105 personnes uniquement pour les biens de votre trafic, Ashura ! introduisis-je. Enfin, je peux pas dire que les Yrys étaient viables avec une population aussi faible, il est même possible que par votre barbarie, vous n'ayez fait que précipiter l'extinction de ce groupe ethnique mais tout de même les mecs. Il n'y a que moi qui pense qu'on peut faire du business proprement ? Sincèrement, quand j'ai entendu parler d'Ashura la première fois il y a une dizaine d'année, je ne pensais pas que c'était un tel nid de pourriture. Dire que je portais Lavoisier dans mon estime, que je pensais que lui au moins faisait de la contrebande propre !

Loin de les mettre en colère, ma diatribe les médusa, les rendit incrédule puis provoqua leur hilarité générale. Tant mieux, c'est ce que je voulais, les faire baisser de garde, qu'ils me prennent pour un bleu sans cervelle.

- Du business propre ? Mais qui es-tu bordel ? Un rêveur ? Tu cherches le One Piece aussi ? Matmatmatmatou ! me demanda le Grand Matou qui avait abandonné ses airs paternels et riait à gorge déployée.

- Quel enfoiré grotesque ! Hiahiahiahia ! pleura de rire Théo en tapant du point sur la table basse.  

- Héhé, donc t'as tout d'couvert ? Et t'as les couilles pou'en parler assis là. Ou t'as tel'ment les chochottes que t'peux bouger ? Hahaha !

- Mais non, Danny, il rêve juste debout, il pense qu'on va le serrer, le féliciter, lui donner des ours en peluche, un truc rose et girly sur fond de trafic sûrement, Matmatmatmatmou !

- A vrai dire Matou, là, il me fait tellement pitié que j'ai envie de le serrer dans mes bras et de lui offrir du thé ! Hiahiahiahia ! Et dire que le Négociateur a activé l’alerte maximale pour eux !  

Parfait, premiers résultats concrets. Le Négociateur hein ? Oswald Maine, l'homme d'Ashura ayant infiltré C&C en tant que directeur logistique a donné l'alerte sur notre cas. Il est peut-être présent dans le village, mais à coup sûr, il occupe une certaine place de choix dans la hiérarchie du réseau.
   
- Maintenant trêves de stupidités. Vous autres marines pensiez réellement pouvoir débarquer ici et ruiner ce bis' ? D'autres ont essayé avant vous, d'autres sont morts avant vous.  

- Oui, trêves de menaces, allons droit au but. Comme dit en filigrane plutôt, je pensais qu'Ashura faisait des affaires propres et j'admirais le travail de Lavoisier. Ce que je veux, c'est une part du juteux gâteau. La justice, tout ce blabla de marine à la con, je m'en fiche. Faites-lui parvenir mon message, autrement, je ruinerai son business et il n'aura que ses yeux pour pleurer.

- Non mais c'qu'il continue ! T'y crois à un seul instant aux con'ries qui volent d'ta b'che ? Qu'l'boss va t'prendre au sérieux alors que t'es déjà mort et que tu n'l'sais pas encore ?

- En l’occurrence, ceux qui sont déjà morts, c'est vous les gars. Et par vous, j'entends, tout ce village bien-sûr. Vous pensiez vraiment que nous allions stupidement nous promener au cœur d'un village ennemi sans plan ? L'avantage que vous avons eu sur vous dès le début c'est que vous ignoriez qui nous étions alors que, bah de notre côté, nous venions en terrain découvert, mentis-je. Vous ne nous avez pas étroitement surveillé au départ, nous avons donc eu le champ libre pour piéger ce qu'il y avait à piéger. Messieurs, souriez, tout ce village est sur un champ de mines, conclus-je en redressant mes lunettes d'un air narquois.

Dans leurs yeux, je sentis la crainte. Silencieusement, ils me donnaient raison sur toute la ligne. Guy et moi avions eu un battement de plus d'une heure tranquille pour faire ce dont nous avions envie vu qu'ils nous prenaient pour des touristes.
Par leurs regards, ils confirmaient ma supposition comme quoi, jusqu'à peu, le réseau ignorait qui nous étions. Et cela ne s’emboîtait pas du tout avec le déroulement des événements dans la journée d'hier à savoir l'attentat à la bombe dans le quartier de Solitude. Je pensais que c'était une machination du réseau pour éliminer un de leurs agents compromis en plus de Guy qui le suivait. Ma supposition se révélait fausse, ce qui voulait dire que c'était une autre personne qui avait provoqué cette déflagration et je doutai fortement qu'il puisse s'agir de Guy. J'avais vu toute la scène dans la pénombre, il avait hurlé à sauve qui peut à l'agent d'Ashura quand il avait réalisé que la porte était piégée. Quelqu'un, une tierce personne œuvrait dans l'ombre. Cette même personne qui avait détruit le local d'Ashura à la bombe, les avait sûrement prévenus par un quelconque moyen.
Ennemi ou allié ?

Cette réflexion m'avait demandé moins d'une seconde et la seconde qui suivit, je la classai dans les archives de mon subconscient. Qui que fût cette personne qui pensait nous manipuler dans l'ombre, je décidai de ne pas m'en préoccuper pour le moment, j'avais un autre chat à fouetter.  

Dans leurs regards, je perçus aussi la suspicion. Ils se doutaient que je bluffais mais ils ne pouvaient pas le prouver et c'était cela l'avantage du bluff. Ils soupesaient les solutions qui s'offraient à eux, ils confrontaient les Pour et les Contre que leur offrait leur marge de manœuvre qui ne devait au final pas être aussi grande que je l'aurais pensé. Quand je vis le Grand Matou jeter un coup d’œil imperceptible à la tenture qui résistait tant bien que mal aux assauts du blizzard et de la grêle, je devinai que je n'étais pas le seul que ce temps handicapait lourdement. Sans ce temps de chien, j'aurais eu la possibilité de détaler, sans ce temps de chien, ils m'auraient submergé de leurs nombres en une seconde. Cette météo, contraignait les autres à rester cloîtrés dans leurs tentes. Au final, je vins à penser qu'elle m'avantageait plus qu'elle ne me pénalisait.

- Bien sûr, cette tente-ci n'est pas piégée, parce que j'avais prévu d'y abattre mon jeu une fois mes pions en place. Le blizzard m'a juste donné une raison de m'y précipiter en prétextant chercher un toit où m'abriter, mentis-je. Donc en résumé, considérez les autres comme déjà morts. Au lieu de 1 Vs 303, nous sommes à 1 Vs 3.

- Matmatmatou ! C'est ça ton plan petit ? Menacer trois cents personnes de morts pour que le Boss tout puissant Lavoisier cède ? Ça ne fait que révéler la bête candeur de ton esprit ! Jamais il ne cédera, Ashura existait avant nous, Ashura existera sans nous. Nous tous, sommes remplaçables dans ce business et nous l'avons accepté tel quel, idiot !

- Ah ouais ? Vous êtes prêts à mourir pour un boss que vous ne connaissez même pas ? Qui se remplira les poches du fruit de votre sang et qui vous oubliera aussi vite la merde qu'il a déféquée ce matin ? Laissez-moi rire, vous voulez me faire croire que vous êtes devenus des espèces de fanatiques de la Dance ? Que vous, "Grand Matou", êtes satisfaits d'être à votre âge -plus de 80 ans ? - un minable et innommable sous-fifre ?
Mais d'un autre côté, vu comme cela, ce ne serait pas une grande perte, et c'est que doit se dire Lavoisier. Des déchets, tous autant que vous êtes, moutons du commun, incapable de vous démarquer par le moindre sursaut de génie ! Qui diable en ce monde regrettera votre mort, dites-moi ?
Oh non, pas de ça avec moi, Danny !  


Mon virulent pamphlet avait fait bondir Danny, le tas de muscle qui ne supportait plus une seule seconde de m'entendre jacasser. Je l'avais vu venir, du coin de l'oeil, je surveillais depuis un moment la veine qui battait furieusement sur sa tempe et quand elle céda, je sus que l'heure de l'action avait sonné. A son coup de poing marteau, j'opposai une semelle puis d'un coup retourné de mon autre pied de libre, je le giflai. De toute sa masse, il s'écrasa sur la table basse qui craqua sous le choc.
Tout le monde était debout, prêt au combat. Théo me mit en joue et en échec en pointant un pistolet sur moi.

- Tu ne vas pas te foutre de nous très longtemps, mon gars. Donne-moi la commande qui active tes bombes où je te fais un joli trou en pleine tête ! m'ordonna Théo, haletant sous le coup de l'adrénaline. Et puis, tu n'es pas le seul qui sache prendre des otages hein. En ce moment même, une escouade spéciale composée de nos meilleurs hommes, commandée par notre meilleur traqueur, j'ai nommé le Vétérinaire a pris en chasse ton ami, le lieutenant de Marine Will Kelly. Il a eu l'imprudence de s'aventurer dans les catacombes où reposent les Yrys. Le Véto l’a battu à plate couture et le retient prisonnier dans l’attente du sort qui vous est réservé. Et une dernière chose, apprends à compter, nous sommes quatre contre toi dans cette tente. Cynthia ! Le fruit est mûr !

C'est pour cela que j'aimais le bluff ! Il te donnait des réponses que tu n'aurais pu obtenir même avec la torture. L’ego était une arme bien efficace si on savait la titiller. Théo, se croyant en position de force m'avait révélé une information ô combien cruciale ! Guy Bananahamoc était donc Will Kelly, un lieutenant de la Marine ? Ben voyons ! Le contraire m'eut étonné. La tierce personne qui les tenait informés, faisait vraiment du bon boulot, ne puis-je m'empêcher de remarquer.
Mais au final, même cette info devait être classée pour une utilisation ultérieure.

- "Le fruit est mûr ?" C'était censé être quoi ? Le code pour lui dire de débouler par ce rideau de derrière et m'ébouillanter avec de l'huile ou un truc du genre ? Haha ! Non, je sais compter, je n'ai pas séché mes premières années de maternelle, moi. J'ai bien peur que Cynthia n'erre désormais dans le tourment éternel, auprès des âmes des Yrys qu'elle a contribué à exterminer sans pitié.

- FILS DE PUTE !

- Un peu de tenue voyons, assez de grossièreté. Restons digne, même dans la défaite. Tu veux la commande, mais ai-je parlé d'un système de déclenchement à distance ? fis-je, la main sous le menton dans un semblant de réflexion. Nan, je n'en ai pas le souvenir et me connaissant, je crois que j'aurais préféré la minutie et l'indépendance d'un système à minuterie, repris-je en regardant la montre à gousset dorée dans ma main.
Il vous reste une seconde, leur dis-je alors qu'une partie de la tente fumait allègrement et qu'une odeur de gaz provenant de la cuisine s'insinuait dans le salon, en faisant miroiter dans nos esprits, les bribes du désastre à venir.

Alea jacta est.

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La déflagration qui suivit m'expulsa vers l'extérieur. Des shrapnels de ce qui furent les poutres porteurs de la tente volèrent dans tous les sens et certains vinrent se figer dans mes avants-bras que j'avais mis en protection de ma tête. Immédiatement après le souffle chaud de l'explosion, avant même d'ouvrir les yeux et de constater les dégâts, je sentis la morsure du blizzard. Une grosse grêle me frappa à la tempe et me fit vaciller. Ma vision floue m'informa que la tente du Grand Matou n'était plus que ruines. Le vieux était enseveli sous les restes des poutres et bougeait faiblement. Théo, avant l'explosion, était le plus près de la cuisine à laquelle il faisait dos. Après le boom, son dos était nu, à vif, criblé de projectiles divers. Fugacement, il me donna l'impression d'être un bien étrange hérisson. Danny, quant à lui, avait disparu de mon champ de vision, probablement emporté plus loin par l'onde de choc mais ce n'était plus mon problème. Finalement, ma tactique avait bien payé.

Ma première besogne dans les toilettes avait consisté à discrètement mettre le feu à la tenture avec mon briquet. Ma seconde besogne avait consisté à éliminer Cynthia puis à laisser l'aroma dial utilisé pour la cuisson remplir la tente de gaz. Je disposais dès ce moment d'un battement de cinq à six minutes -j'avais calculé ça grosso modo- pour que le gaz devienne assez dense pour que mon feu l'embrase intégralement. Et le résultat fut de me débarrasser de mes presque-geôliers. Mais une partie de moi ne pouvait s'empêcher de se demander si un tel stratagème était vraiment nécessaire, s'il n'y avait pas un moyen plus silencieux et moins suicidaire de les mettre hors d'état de nuire. Encore devais-je m'estimer heureux que mon tapage n'ait pas alerté le village entier. Le hurlement du vent avait couvert le boucan de la déflagration.

Mais à présent, à la merci du blizzard, ma priorité était tout autre. Mes priorités en fait, parce qu'outre le besoin quasi physiologique de trouver un endroit où m'abriter, je devais retrouver Guy Bananahamoc, ou devrais-je dire le lieutenant Will Kelly. Même si, sur le fond, nous risquons d'être des ennemis, nous aurons besoin de chacun pour sortir de ce guêpier. Je fendais difficilement le vent qui soufflait de face et me ralentissait, mon manteau en peau de bison résistait mieux que ce que j'aurais cru au souffle glacial du vent d'hiver. Ma capuche protégeait la majeure partie de mon visage ne laissant que quelques bouts de peau souffrir d'engelure. Le seul vrai problème était les météores de grêles. Je me faisais littéralement lapider mais je continuais contre blizzards et neiges. Je me dirigeais vers l'allée aux cèdres de Violate, l'endroit où Will Kelly et moi nous nous étions vus pour la dernière fois. Un pâturage s'étalait au delà de l'allée, mais maintenant je savais que quelque part sous ce vaste aire, existaient des catacombes recelant les restes des Yrys.

Après dix minutes de marche forcée, j’atteignis les cèdres et j'appréciai le parapluie que m'offrirent leurs hautes branches. Le vent du nord soufflait toujours mais de la grêle, j'étais protégé. J'enlevai mes lunettes et entreprit de dégivrer ses verres. Ce faisant, je réfléchissais à la marche à suivre. Hors de question de me mettre à fouiller cette pâture, mon temps était compté. Selon Théo, Will avait été capturé et était retenu prisonnier par un type nommé le Vétérinaire. Il était très peu probable que Will ait été ramené au village. A ce moment, je flânais un peu partout dans la bourgade, j'aurais remarqué une aussi étrange activité. Si Théo avait reçu cette information juste avant le début du blizzard, alors le Vétérinaire n'aurait pu faire le chemin jusqu'au village. Donc au final, soit il demeurait encore dans les catacombes en attendant que passe le mauvais temps, soit, il avait trouvé logis hors du village.  

A la recherche d'un hypothétique pied-à-terre construit par les bergers Yrys contre le mauvais temps,  j'escaladai alors le plus grand des cèdres, avançant avec l'agilité du Singe. L'arbre était haut de plus 98 pieds. Au sommet, j'eus une vie panoramique -qui aurait été à couper le souffle sans ce temps de chien- sur la taïga. Loin dans les terres plates et herbeuses, j'aperçus une grande excroissance rocheuse s'élever vers le ciel. Elle était en lisière de la toundra, la forêt boréale. A l'est de la forêt, il y avait de hautes montagnes glacées, les Crocs Givres.  Je concentrai mon attention sur la protubérance rocheuse et vit à sa base une grande tâche noire que j'associai à l'entrée d'une quelconque grotte. Je décidai de tenter ma chance une dernière fois, d'aller fureter dans cette cavité à la recherche de mon infortuné compagnon et de son geôlier.
« Pourquoi diable te machines-tu à chercher au péril de ta vie quelqu'un qui te mettra à la première occasion des bâtons dans les roues ? Ou mieux, son épée entre les côtes ? Pourquoi tardes-tu encore ici alors que tu peux détaler, alors que nul n'est à tes trousses ? »
Telles étaient les questions que me posait la petite voix de la raison encore présente dans ma tête. Mon Maître, le moine Samaël, lui aurait sûrement répondu que j'aimais me compliquer la vie. Moi, je lui répondais tout simplement que j'aimais le défi, et qu'à vaincre sans péril, on triomphait sans gloire.

Durant ma progression vers la grotte, je sentais à chaque mouvement les protestations de mon corps couvert de pétéchies. Je l'atteignis bien assez tard à mon goût, courbaturé et frigorifié. Et dire que je devais encore me battre dans mon état, contre un homme ou plutôt contre un homme et ses bêtes. Les surnoms n'étaient jamais donnés par hasard et si ce dernier revendiquait le sobriquet du Vétérinaire, c'est qu'il devait posséder un certain savoir faire avec les bêtes.
Je me planquai à quelques encablures de la roche trouée et réfléchis à un plan d'attaque. Mais je me rendis bientôt compte que toute dissimulation était inutile.

- Qui que tu sois, sache que ton odeur t'as précédé. Avance et vient de te battre, si tel est ton désir ! tonna une voix bestiale et profonde dans la grotte.

Bien-sûr, le vent qui, maintenant soufflait de dos, avait emporté mon odeur vers la grotte. Grillé, je m'avançai sereinement vers le trou que je franchis sans appréhension. Il n'était pas très vaste; un feu d'enfer ronronnait dans un coin et projetait ses ombres inquiétantes sur un homme massif qui se dressait devant moi. Le Vétérinaire était très grand et portait en guise de manteau des peaux de différentes créatures; De sa tête descendait une épaisse tignasse hirsute cachée sous un couvre-chef fait de la peau du crane d'un renard. Derrière lé Véto, une petite masse informe gisait par terre.

- Il est vivant, presque, me dit-il avec une pointe de sadisme et même de regret.

- Merci de l'avoir gardé en vie, fis-je sur le ton de la conversation. J'ai besoin de lui pour me débarrasser de vous autres.

- Sérieusement ? Ce bon à rien qui a peur des cadavres ? Ouaouaoua ! Laisse-moi rire ! Le Négociateur ne fait que parler apparemment. Il m'a dit que le complice du Marine était sous bonne garde et te voilà devant moi.

- Je l'étais en effet. Et qu'est-ce que tu dirais si je te faussais compagnie aussi avec mon comparse ?

- Montre-moi comment tu comptes t'y prendre !

Avec plaisir lui aurais-je répondu si je n'avais pas décelé une faille dans sa défense. Une faille mortelle qui me dispensait de tout combat et j'en étais ravi. Convaincu que Will était mourant, le Véto lui avait tout bonnement tourné le dos. Dans sa précipitation de me faire déguster une de ses mandales bestiales, il s'était rué sur moi toutes griffes dehors sans remarquer que derrière lui, sa dernière victime se relevait aussi furtive qu'une ombre, mu par une terrible envie de meurtre. Sur le fil, le Véto prit conscience qu'il avait à faire à deux adversaires et se retourna in extremis pour parer, à quelques centimètres de son cou, la lame d'un Will pantelant. Un report d'attention fatal dans un combat de ce genre. Ma main droite était prête, elle avait fusé dès les premières tierces où le Véto s'était détourné de moi. Ma main dressée telle la tête d'un serpent mordit l'homme-bête au cou, s'insinua profondément dans ses muscles tout en broyant sa trachée. Il expectora du sang et en arrosa Will avant que la cinétique du cou ne le propulse contre un pan de la grotte en bas duquel il s'affala secoué des convulsions comme un épileptique. Il ne parvenait plus à respirer. Les mains serrées contre sa gorge dans une tentative désespérée de reprendre son souffle, il expira, la bouche grande ouverte, les yeux écarquillés de terreur et teintés d'écarlate à cause de l'hémorragie pétéchiale due à l'asphyxie.
En moins de cinq minutes, le compte du Véto avait été réglé. Ne restait plus qu'à solder nos comptes, Will et moi. Il était là devant moi, tenant à peine debout, le corps constellé de meurtrissures tellement il avait dégusté avec le Véto. Mais l'explication, l'homme-bête me l'avait donnée avant de mourir, Will était nécrophobe. Sûrement s'était-il retrouvé totalement désarmé devant les cadavres gelés des Yrys. C'était la seule explication parce qu'aussi massif qu'il fût, le Vétérinaire ne faisait pas le poids face à moi, donc pas face à Will non plus. Le lieutenant avait été battu par sa phobie, pas par la puissance de son adversaire.

- Je viens en paix, fis-je dans un remake de mon introduction lors de notre première rencontre. Je crois qu'il serait judicieux de nous re-présenter et d'arrêter ce jeu de dupe, tu ne crois pas ? Je suis Loth Reich, un civil aux ordres du Roi Maximillian Nordin. Par lui, j'ai été chargé de me débarrasser du réseau Ashura.

Toujours une vérité approximative, je n'allais sûrement pas abattre toutes mes cartes devant ce Marine. Will me toisa d'un regard impassible bien qu'il fût étonné, j'en aurais juré. Sûrement se demandait-il si cette nouvelle identité était une usurpation de plus. Je lui donnai alors des arguments on ne peu plus tangibles et vérifiables.

- Me voici en une du Daily Snow, du Jalabert News, du What's up Boréa !. Tous datent d'il y a deux semaines, fis-je en lui montrant des coupures de différents journaux qui traitaient de l'arrestation du Réplicateur. C'est après cette affaire que j'ai été repéré par les services de sa Majesté et depuis, je suis sur les traces d'Ashura. Si je connais Bilal Ibn Faquîh, c'est parce que j'ai assisté à sa mise à mort par un monstre marin. J'ai aussi découvert une cabane dans la forêt où un message en morse commandant 75 kg de Dance a été envoyé. Celui à qui était destiné le message n'est jamais venu, mais je suppose que c'est toi qui l'a éliminé, ce qui t'auras conduit à l'autre mec qui a été tué dans l'explosion à Solitude, discourus-je. D'ailleurs, voici une lettre de recommandation, dûment signée par le roi pour me servir de passe-droit dans certaines situations. Je suis du côté de la loi, et toi tu es dans ses rouages. Nous pouvons faire équipe, voilà pourquoi je suis venu te sauver alors que j'aurais pu disparaître sans demander mon reste.

- Je suis Lieutenant de Marine. Je veux détruire le Réseau, hacha-t-il avant de s'écrouler.

Il était dans les vapes et même s'il n'avait rien dit, je considérai notre nouvelle alliance comme acquise. Quel autre choix non insensé avait-il ? J'avais de la paperasse portant le sceau personnel du roi de Boréa. Malheureusement, ce blason ne suffira pas à me protéger du Réseau dont les membres se dirigeaient vers la grotte. Ils avaient enfin remarqué la destruction de la tente du Grand Matou et ma fuite. Le blizzard s'était fait moins violent, la grêle avait cessé de tomber et au delà de la taïga, je pouvais entendre leurs vociférations de rage. Soit, ils venaient écarteler le seul ennemi dont connaissaient encore la position, soit, ils avaient réussi à me tracer et venaient me cueillir. Quoiqu'il en fût, je n'attendrais pas ici pour affronter trois cents têtes. J'embarquai Will Kelly sur mes épaules et détalai.
Direction la toundra, la forêt boréale qui bordait l'est de la grotte.


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Maintenant que le blizzard de grêle n'était plus qu'un lointain souvenir, notre meilleure alliée était la nuit. Elle tombait vite à Boréa et bien qu'il ne fût pas encore dix-huit heures, le ciel s'était déjà assombri. En robe de safran, le crépuscule avait fait une éphémère apparition avant d'être emporté sans ménagement par Dame nuit nimbée dans son suaire de deuil. J’avais quitté la grotte du Vétérinaire près de deux heures plus tôt et m’étais enfoncé dans la jungle boréale, mon allié d’infortune sur les épaules. La partie de cache-cache avec les trois cents hommes et femmes du Réseau continuait toujours. Ils s’étaient organisés en de petits groupes de deux ou trois individus qui arpentaient la forêt à notre recherche. On aurait dit des chasseurs faisant une battue à l’ouverture de la chasse. Bien-sûr, je n’étais pas arrivé à tous les éviter. Par trois fois durant ses dernières deux heures, j’en avais croisé trois de ces groupes et les avait réduits au silence avant qu’une quelconque alerte puisse être donnée. Malgré leur nombre conséquent, ils étaient bien coordonnés et avaient vite fait de remarquer la disparition des leurs. Trimballant ce poids mort qu’était la carcasse évanouie de Will Kelly, je ne pouvais espérer leur échapper durablement, du moins pas sur le sol gelé de la jungle. Il fallait laisser la tension retomber, nous faire oublier un moment et les innombrables torches des hommes d’Ashura me donnèrent la solution. Une journée plus tôt, j’avais été le témoin d’une utilisation particulièrement intéressante de la lumière des torches sous forme de code morse. Et à ce moment, j’étais dans une cabane perchée. Perchée… La solution me parut excellente.

Will sur le dos, ceinturé de très près par mon écharpe, je grimpais à l’arbre le plus haut que je pus trouver. Ici au cœur de la forêt, ils étaient bien plus grands que les cèdres de Violate. Monter avec un poids de plus de 60 kg ne fut pas une affaire aisée mais j’y arrivai après un éreintant effort. Nous étions perchés tous les deux, à plus de 40m au dessus du sol, sur une épaisse branche d’érable albinos. De ma position, les torches de nos traqueurs scintillaient et semblaient miroiter les lueurs des constellations juste au dessus de nos têtes. Ils nous cherchaient par terre donc nous étions saufs, pour l’instant.
Trois heures plus tard, sous les coups de vingt-et-une heures, la masse de Will commença à bouger faiblement. Ashura s’était éloigné, ses torches et ses hommes s’étaient perdus dans les méandres du labyrinthe forestier. Il faisait très froid et je ne pouvais risquer de faire du feu, même à cette hauteur. Ce manque de chaleur avait sans doute pesé dans le réveil tardif du Marine qui se redressait maintenant, cherchant une position confortable pour s’asseoir ou réchauffer son arrière-train. Une pleine lune d’une arrogante opalescence nous éclairait de sa lumière, me permettant ainsi de scruter les détails de l’apparence de Will. J’avais bandé et nettoyé certaines de ses blessures grâce au kit de premier soin se trouvant dans mon sac en bandoulière. Si certains se remettaient d’aplomb après un bon somme, alors il était de ceux-là parce qu’il avait retrouvé toutes ses couleurs. Et j’avais de quoi lui donner du pep.

- Tiens, bois ça à petite gorgée, c’est une mixture très énergisante à base de lait, de cognac et je crois de sang de yak. Ce n’est pas très bon mais une petite lampée chaque demi-heure m’a tenu éveillé et au chaud.

- Merci, murmura-t-il en prenant la flasque. Tu as sauvé la vie de Will Kelly, merci, Loth Reich.

- Je t’en prie, c’est normal. Je ne dirais pas que nous sommes collègues vu que moi je travaille en free-lance, mais nos idéaux sont communs dans la lutte contre ce réseau criminel qui déclenche carrément des guerres civiles alors, faut se serrer les coudes.

- Will n’aurait pas mieux dit ! Je ne sais pas si tu le sais mais ils ont…

- Massacré l’ethnie des Yrys ? Oui, je l’ai découvert, l’interrompis-je. Ils se sont carrément substitué à eux et les autorités royales n’y ont vu que du feu. C’est d’un machiavélisme que j’aurais cru impossible. Il faudra avertir les autorités pour que les Yrys soient inhumés dans des sépultures descentes.

- Mais avant, nous devons retrouver ces meurtriers et les exterminer jusqu’au dernier ! susurra-t-il en serrant son katana contre sa poitrine. Il avait la haine. D’ailleurs, où sont nos poursuivants ?

- Partis, vers l’est, fis-je en montrant vaguement une direction du doigt.

- Il y a quoi de ce côté-là ?

- Les Crocs Givres, une chaine de montagnes enneigées. Je sais que c’est l’un des lieu de migration des Yrys, les vrais et que les hommes d’Ashura les ont imités et s’y déplacent aussi.

- Nan, attends, faut qu’on accorde nos violons. Ce n’est pas Ashura que nous chassons là, en tout cas, pas l’ensemble du réseau. Ceci n’est qu’une Cellule nommée Tempest. Sur South Blue, le vice-amiral Swiffer a désintégré la Cellule Espadon qui se fournissait en Dance auprès de Tempest. Voilà ce que nous savons sur Ashura : le réseau est morcelé en entités appelées Cellules. Il y a deux types de Cellule, les fixes et ambulantes. Les fixes font généralement métier de s’implanter dans un pays et de produire la Dance, et les ambulantes sont en fait des bateaux déguisées en flottille marchande chargés de convoyer la poudre vers les clients du Réseau. Parfois, ces flottilles sont escortées par d’autres navires lourdement armés, nous l’avons vu durant l’opération sur South.

- Donc pour que l’affaire marche bien, il faut donc qu’une Cellule fixe et ambulante travaillent en duo ? Donc ici, Tempest et Espadon ? demandai-je. Chaque bribe d’information était précieuse, je devais tout savoir pour bien reprendre les affaires le moment venu. Et très peu de personnes en savaient autant sur le réseau que le vice-amiral Swiffer Jones et son entourage immédiat.

- Oui et non. Ça dépend des clients de chaque Cellule et du pays dans lequel est implantée la Cellule en question. Boréa est un pays plutôt stable politiquement, polaire qui plus est, donc la poudre n’a pas de marché ici. Par conséquent, Tempest exporte sa production et a besoin d’une Cellule ambulante pour ça.
Une Cellule implantée dans un pays désertique par exemple, n’aurait pas besoin de convoyage maritime vu que la Poudre serait destinée à une consommation locale, tu vois le truc ?


- Oui, ils adaptent l’offre et la logistique à la demande, dis-je, fasciné. Mais du coup, une autre différence notable entre Cellule fixe et ambulante c’est la présence d’une unité de production de poudre non ? Vu que la mobile ne fait que convoyer. A moins qu’il n’existe des Ambulantes qui produisent aussi ?

- Le vice-amiral a déjà détruit des bateaux labos oui, mais toute une Cellule mouvante, jamais. Mais tu as mis le doigt sur le truc, les Cellule fixes ont des chimistes-en-chef, responsables de la production de Dance, ce dont ne disposent pas les ambulantes.

- Maintenant la question à un million de Berry c’est de savoir si c’est une Cellule lambda que nous traquons ou la principale, celle dont le chimiste-en-chef est Lavoisier en personne c’est ça ?

- Ça je l’ignore mais j’ai bon espoir que oui. Est-ce que tu as découvert quelqu’un d’important de Tempest parce que pour l’instant, nous n’avons eu à faire qu’à des sous-fifres.

- Je sais qu’il y a un certain Oswald Maine qui dirige les troupes. C’est lui qui a fomenté ma capture, qui a envoyé le Vétérinaire sur toi.

- Le Négociateur ?

- Tu le connais ?

- Non, mais j’ai entendu sa voix sortir d’un escargophone. C’est grâce à lui, et je vais le remercier comme il se doit, que le Véto ne m’a pas buté dans les catacombes. J’étais aux portes de l’inconscience mais j’ai entendu leurs échanges. Il lui a dit de ne pas me tuer finalement, que… attends, c’était quoi le nom déjà ? Oui, que M.C, ou un truc du genre, avait un autre plan.

- M.C ? C’est qui ?

- Une personne importance surement ? En tout cas, le Véto contestait les ordres du Négociateur mais quand il a entendu le nom de ce M.C, il en a tout de suite pâti. Qui que soit cette personne elle inspire la crainte et le Véto n’était pas du genre froussard.

- Attends, si Maine dirige les troupes, se pourrait-il qu’il reçoive ses ordres du chimiste-en-chef ? Quelle position hiérarchique a le chimiste dans la Cellule ?

- Le vice-amiral croit que le chimiste-en-chef dirige la Cellule.

- Donc, ce M.C pourrait-être le chimiste-en-chef si le Véto en a peur ?

- Oui… Mais…

- Ne nous trompons pas de priorité mon cher, ne faisons pas de nos désirs des réalités. Ce n’est pas parce que nous désirons que Lavoisier soit le chimiste-en-chef de Tempest qu’il le sera, vaux mieux explorer toutes les possibilités. Clairement, ce M.C n’est pas Lavoisier, parce que ça fera un peu double sobriquet. Même si Tempest compte plus de trois cents membres, la chaine de commandement ne doit pas être aussi étendue, ce ne sont que des sous-fifres avec qui on a échangé. Maine étant un cador de la Cellule, il se peut qu’il ne reçoive ses ordres que du chimiste-en-chef. Donc ce MC pourrait être celui qu’on cherche !

- Celui que je cherche c’est Lavoisier, murmura-t-il en faisant sa moue.

- Et moi, je ne cherche que le responsable des activités d’Ashura dans ce pays. Le reste, on verra après. Tu ne te souviens de rien d’autre durant cette conversation ? Prends ton temps, ferme les yeux, relaxe-toi. Essaie de me retranscrire exactement leur conversation.

- Tu n’as pas démasqué le Réplicateur sur un coup de chance, n’est-ce pas ?

- Non, c’était un long travail fait à la loupe. Concentre-toi, s’il te plait, ferme les yeux. Replace-toi dans le contexte des catacombes… Tu as peur, au bord de l’inconscience, le corps endolori…

- La voix du négociateur a dit :
« Je te dis de ne pas le tuer et de me le ramener. On a un meilleur plan pour eux. »
marmonna-t-il dans un état de semi-transe, les traits forcés par l’effort de concentration. Le Véto a grogné :
« C'est qui "on" ? ». C’était clair qu’il n’était pas d’accord avec l’ordre mais le Négociateur a rétorqué :
« M.C et moi-même. Tu veux te rebeller ? Tu me défies ? Tu veux la défier aussi ? » puis le Véto s’est tout dégonflé en entendant ce nom.


- Magnifique, merci ! "La défier" ? Donc M.C est une femme ? Le chimiste-en-chef de Tempest est une femme ?

- Là, c’est toi qui va vite, on ne sait pas encore qui…
Qu’est-ce qui se passe ? On dirait que t’as vu un fantôme,
ajouta-t-il à la vue de mon regard vague et de mon teint tout d’un coup exsangue.

Je n’avais pas vu un fantôme mais j’avais identifié quelqu’un qui adorait en produire en massacrant des gens. D’un coup, tout s’était imbriqué dans ma tête et je toisais la solution qui m’était maintenant aussi évidente que si elle avait dansé la salsa en tutu rouge sous mes yeux.

- Oh non, nous sommes mal, mais vraiment très mal. Tu sais, Will, les affaires criminelles m’ont toujours passionnées, et ma mémoire eidétique aidant, j’ai lu et archivé des dizaines milliers de recueils, d’articles de journaux, de livres, d’encyclopédies traitant des pires affaires criminelles de notre histoire. Et mon cerveau vient de trouver une correspondance entre M.C et une des plus infâmes criminelles des blues, j’ai nommé Aline Edgell, alias Marie-Curie. M.C.

- M.C… Attends, Will sait qui s’est … Elle vient de Roxe Island, c’était une chimiste très réputée qui était à la tête d’un projet industriel visant à développer un nouveau type d’insecticide mais il y a eu une fuite, ça a contaminé toute une ville. Deux cents morts mais elle a seulement été arrêtée pour négligence ayant entraîné la mort. C’est après sa fuite de prison qu’on s’est dit qu’elle avait peut-être provoqué ça délibérément, mais sans preuve tangible, elle a été primée à 5 millions pour son évasion et son potentiel nuisible. Cette femme est une des pires génocidaires de l’histoire des…
Attends, un génocide… Comme celui des Yrys ! Leurs corps ne portaient pas de blessures, j’avais pensé qu’ils avaient succombé à une épidémie… Putain, ils ont été gazés ou empoisonnés ?


- Je suis ravi de ne pas être le seul à avoir imbriqué les morceaux du puzzle de cette manière. Nous sommes aussi d’accord que ce n’est pas à la portée de n’importe quel chimiste du dimanche de produire de la Dance, sa formule est incroyablement compliquée et secrète. Marie-Curie correspond totalement au profil.

- A fond ! Will Kelly est déçu que ce ne soit pas la Cellule principale de Lavoisier mais pour la capture d’une criminelle de cette dangerosité, Will signe tout de suite. T’as une idée de l’endroit où elle peut se trouver ? Jusqu’à présent elle est restée en retrait.

- Produire de la Dance nécessite un investissement conséquent. Je sais de culture générale, que pour produire de la pluie, certains produits chimiques à fortes affinités avec l’eau comme le sel de sodium, le calcium, le magnésium sont nécessaires. Je sais pas, on peut retourner à Lavallière pour chercher dans les paperasses du port ce genre de cargaison ?

- Ces gens ont infiltré le port via une de ses sociétés majeures, rien ne dit qu’ils n’en n’ont pas fait de même pour les autres. Et si c’est vrai, la première chose qu’ils auront faite c’est déguiser officiellement tout ce qui permet d’identifier les intrants de la Dance. Moi je me demande plutôt à quoi servent tous cens gens, ceux qui se sont fait passer pour les Yrys.

- Bonne question, j’avoue n’y avoir pas pensé. Ils servent peut-être de main-d’œuvre dans la fabrication de la poudre, ou dans son convoyage ?

- Ouais, sûrement un truc dans le genre parce qu’ils ne peuvent pas tous être des agents de sécurité, Tempest ne subit pas une menace constante. Donc ils doivent être proches du lieu de production… Oui mais, ils se sont substitués à un peuple nomade. D’ailleurs pourquoi ? Et pourquoi les Yrys en particulier ? Boréa compte une trentaine de groupuscules ethniques nomades ou sédentaires. Pourquoi les Yrys, que leur apportaient-ils que n’avaient pas les autres peuplades ?
Oh toi, tu as encore la face de quelqu’un ayant eu une illumination !


- Tout à fait ! Oh oui, tu poses vraiment les bonnes questions Will. Tiens toi bien, les Yrys, les vrais, ne sont pas du tout un peuple nomade, un de mes amis qui enquête à Lavallière pour moi l'a confirmé. Tu as trouvé leurs restes dans les catacombes non ? En fait, ils habitaient dans ces catacombes et remontaient à la surface pour couper du bois et vivre de la chasse.
Je viens d'avoir une idée, écoute mon raisonnement. Si en fait au début, au tout début des activités de Tempest, ils avaient élu domicile à Mamelle ou dans ses environs ? En 1623, y a eu une fuite d'un produit chimique et les vrais Yrys ont été contaminés. Ils ont alors demandé de l'aide au Secrétariat chargé de la Santé Publique. Cela a dû agacer au plus haut point les dirigeants de la Cellule, parce que leurs business risquait fort d'être découvert avec les analyses et tout. D'une manière ou d'une autre, ils ont réussi à étouffer l'affaire puis, ils ont conçu un plan diabolique pour éliminer les Yrys et se substituer à eux.


- Tu prétends qu'au lieu de se dire qu'il ne fera plus d'erreurs de ce genre qui risquerait de mettre à la fois en danger cette petite population et leurs couvertures, Tempest a préféré trancher le problème à la base et éliminer 105 gêneurs ? C'est radical comme manière de penser.
Donc, ils ont rameuté trois cents des leurs pour occuper la place des Yrys, tout en sachant que la royauté ne se préoccupe pas vraiment du petit peuple. Aucune autorité ne viendra les ennuyer tant qu'ils ne demanderont pas de l'aide.
Mais alors, s'ils étaient si tranquille, pourquoi sont-ils devenus nomades ? Et moi, Will Kelly, soutiens qu'il n'y avait aucun labo à Mamelle, pas dans les catacombes en tout cas et c'était le seul endroit probant où installer une telle installation.


- Quand j’ai discuté avec le Grand Matou, quand il ne se doutait encore de rien à nos propos, il m’a dit qu’ils migraient vers un lieu différent de manière cyclique, trimestriellement pour être plus précis. Ainsi, à la fin d’une année, ils se seront déplacés en quatre lieux différents !

- Et ?

- Attends, que je te fasse un schéma, tu comprendras mieux ainsi. Le secret est dans leur déplacement. Oh c'est vraiment ingénieux de leur part !

- Ouais, c'est ça. Calme-toi...



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- C’est à main levée, je ne suis pas Tex Avery non plus.

- C’est qui ?

- On s’en fout, peu importe, concentre-toi sur ma carte. Mamelle est ici tu vois ? Et là vers l’est c’est la grotte où on a combattu le Véto. Elle est en bordure de la forêt où nous sommes actuellement. Maintenant, tu vois le fil rouge que j’ai tracé ?

- C’est le trajet de migration de Tempest ?

- Oui. Le premier trimestre de l’année, ils sont à Mamelle. Le second, ils se déplacent quelque part dans les monts Crocs Givres. Le troisième trimestre, c’est l’été Boréalin, le dégel commence donc ils descendent des montagnes et mettent le cap au sud vers les vastes plaines de Sérénis baignées par le delta du fleuve Voltyx pour profiter du retour de l’eau sous forme liquide. Le dernier trimestre correspond au retour de l’hiver, le fleuve se transforme en banquise alors ils s’en vont et font route vers l’ouest où ils trouvent logis à Kalgan, "la ville épisodique". Kalgan est un endroit désert et inhabité en temps normal, mais d’octobre à décembre y a lieu une série de fêtes et rassemblements divers en l’honneur de l’hiver. Des prières et louanges, des sacrifices aux différents dieux gelés sont faits pour que l’hiver se passe sans incident. Kalgan devient alors une sorte de foire, où tous les peuples nomades de Boréa se retrouvent et échangent. Cette activité attire des milliers de touristes.

- Donc durant toutes ces pérégrinations, ils doivent demeurer en contact avec l’unité de production, autrement je ne vois pas l'intérêt de passer de sédentaire à nomade. Donc, de facto, soit le labo est à un point équidistant des lieux des migrations, soit il y a quatre labos et c'est la raison pour laquelle ils se déplacent en ces différents lieux. Remarque, ce serait vachement sympa pour éviter de se faire repérer.

- Oui, j'y ai pensé, mais tu as toi-même soutenu une antithèse quelques minutes plus tôt. Il n'y a aucun laboratoire en activité à Mamelle. Il y en a eu, mais plus de nos jours. Et la raison est simple, il a été déplacé, probablement au début de cette année. Il y a une troisième possibilité que tu n'as pas considéré. Le labo est tout aussi mobile qu’eux.

- Un labo errant ? Sur terre ferme ? Je ne vois pas ce qui pourrait supporter une telle installation.

- Regarde mieux l’esquisse.

- A part… Le train ?! Le Winterblade ?!

- C’est pour ça que j’ai dessiné la ligne de chemin de fer, elle passe par/près de tous les lieux de migrations, à n’importe quel moment de l’année. Je crois que la main d’œuvre de Mamelle sert surtout à convoyer la Dance. Donc, à chaque fois que le train s’arrête à la station en bordure de Mamelle, ils doivent avoir un système pour décharger le matos. Comme tu l'as souligné, le fait de se déplacer périodiquement permet de se débarrasser de pas mal de preuves et suspicions, et c'est sûrement dans cet optique que le laboratoire a été installé à bord du train. Ils se sont établis un calendrier de transhumance annuel pour pouvoir suivre le train.

- Attends, mais le Winterblade a été inauguré au début de l'année. Mais selon le Matou, ils migraient déjà bien avant.

- Il m'a dit une moitié de vérité, je pense.
Un projet comme celui-ci ne s'effectue pas du jour au lendemain. A mon avis, seule une partie de leur effectif migrait, histoire de reconnaître leurs futurs lieux d'occupations. Je pense qu'ils ont commencé à migrer juste après 1623 et l'extermination des Yrys. Même si les services du roi avaient noté ce changement radical de mode de vie, ils auraient trouvé ça légitime. Ils ont quand même été empoisonnés par quelque chose que nul n'a jamais identifié. Qui aurait pu leur en vouloir de partir chercher fortune ailleurs ?
Il aura fallu plus de cinq ans pour édifier la ligne de chemin de fer. Ils ont eu tout le temps de penser à s'en servir et quand il a été lancé, le système était déjà bien huilé.


- Ouah, t'as raison. Ça a l'air ingénieux. Un laboratoire à bord d'un train. Donc forcément, ils ont parasité l'administration du Winterblade, pour que ceux qui savent ne parlent pas.

- Yep. les wagons sont assez grands pour abriter cet investissement. En plus, la fumée dégagée par la production se confondrait sûrement avec celle du train, c’est parfait en tout point de vue. Là, c’est toi qui a le visage de quelqu’un ayant vu un fantôme.

- Le train… Marie ! Marie-Curie !

- Hein ?

- Nous avons déjà rencontré Marie-Curie ! Putain, dans le train !

- Dans le tr… Par tous les saints…

Il avait raison, nous avions déjà rencontré M.C.
C’était dans des moments comme celui-ci que je me dis que parfois la mémoire eidétique n’était pas aussi tranchante qu’elle devrait l'être. Je l’avais rencontrée, cette femme d’un certain âge, aux mèches blondes sales nouées en chignon, timide, portant des lunettes aux verres en demi-lune. Dans les derniers wagons du train, elle s’était débarrassée des bandits de grand chemin à l’aide de soude caustique. Une autre manifestation flagrante d’utilisation malveillante de la chimie mais je ne m’étais rendu compte de rien ! Elle avait prétendu se servir de cette solution pour dégivrer les systèmes hydrauliques du train, et comme explication, ça passait nickel… Mais le comble de l’évidence était son nom. Marie. Le commandant de la Police de Fer l’avait présentée sous le nom de Marie. Marie-Curie ! J’avais déjà vu son visage dans les journaux, sept ans plus tôt certes, mais j’aurais dû faire le lien et je m’en voulais d’être passé à côté de l’évidence !

- Tu te doutais de quelque chose, n’est-ce pas ? C’est pour ça que tu as questionné le commandant sur la nature des produits que transportait le train ?

- Je m’étais dit à ce moment que ce train ferait un très bon moyen de convoyage des intrants de la poudre, ou de la poudre elle-même vers l’arrière-pays. Je me demandais en fait si les bandits ne cherchaient pas de la Dance plutôt que des vivres mais je n’ai pas cherché plus loin.

- Donc c’est comme ça que ça se passe ? Avec la complicité ou pas de la Police de Fer, Tempest a monté un labo dans un des wagons de marchandises ? Peut-être même directement dans les salles de machine vu que M.C tient le rôle de mécanicienne de bord ? Quand le Winterblade s’arrête près de Mamelle, des Crocs Givres, de Sérénis ou de Kalgan, suivant les périodes, les petites mains de la Cellule substituées aux Yrys s’empressent de décharger la cargaison produite ?

- Une partie de la production seulement je pense, vu que le train dessert aussi le port de Lavallière. La part de la Dance dont prend possession les faux Yrys est sans doute celle destinée aux clients comme Bilal Ibn Faquîh. La portion qui doit quitter le pays par voie maritime rejoint le port et est chargée via des compagnies comme C&C dans les conteneurs des vraies-fausses flottilles marchandes.

Nous venions de percer à jour l'astucieux système de distribution de la Cellule Tempest. Après cela, un long silence suivit durant lequel nous méditâmes les implications de notre découverte. Nul n’aura jamais été aussi près de démanteler Ashura sur Boréa. Pour Will cela signifiait plein de gloire, une promotion hiérarchique sûrement. Pour moi, c’était seulement un pas important vers mon objectif de m’emparer du réseau tout entier. Tempest n’était pas la Cellule principale, celle de Lavoisier. Même si je n’avais pas eu un marine dans les pattes, Tempest avait commis trop d’atrocités pour que je pense à la récupérer. Marie-Curie devait être mise hors d’état de nuire, ce genre de sociopathe n’était pas bon pour les affaires. Elle avait exterminé les Yrys pour ses besoins et sûrement par distraction. Dans un futur proche, c’est la population de Boréa toute entière qui serait menacée par ses pulsions génocidaires. Et moi, j’avais besoin que Boréa reste stable encore longtemps.
Tempest devait disparaître.


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- Que faisons-nous maintenant ? demanda Will après un long moment de silence.

L’étoile Montante avait été en quelque sorte soulagée de découvrir la véritable identité de Loth. Même s’il avait toujours été un solitaire endurci et instable, il aimait bien la compagnie de ce binoclard. Parce qu’il le trouvait réfléchi, d’une froide abnégation, et qu’il avait cette capacité de voir ce qui lui échappait, lui. Finalement, il n’aurait pas besoin de l’envoyer dans le royaume des ombres comme il l’avait prévu au début, quand il le soupçonnait d’être un revendeur de Dance. Du moins, pas tant qu’il restera du côté lumineux de la loi.

- Il est presque minuit-là. Je propose de descendre et d’avancer vers le sud. Près de cinquante kilomètres nous séparent des plaines de Sérénis. A marche forcée, nous y serons avant le lever du soleil. Selon le guide qui nous a été remis dans le train, le Winterblade arrivera là-bas sous les coups de neuf-heures. On saute dedans et on règle le compte de Marie-Curry ?

- Malgré sa dangerosité, M.C n’est qu’une seule personne. Si nous l’éliminons, il suffira à Ashura de la remplacer, difficilement peut-être, mais la remplacer quand même par un autre chimiste crapuleux. Nous devons faire d’une pierre trois cent coups. Le coup de filet doit être absolu, c’est toute la Cellule que nous devons capturer d’une seule traite.

- Comment comptes-tu faire ça ?

- Je n’en avais pas l’intention au début, mais il est temps de passer un coup de fil au vieux Swiffer. Nous avons besoin d’une escouade spéciale de toute urgence. Ils jetteront leurs filets sur la main d’œuvre pendant que nous nous occuperons du labo et du cœur de la Cellule.

- L’urgence dont tu parles oscille dans un battement de dix heures au maximum. Même s’ils n’ont aucune raison de penser que nous avons découvert l’emplacement du labo, il reste possible qu’ils le déménagent pour des raisons préventives. Nous devons obligatoirement attraper le train à Sérénis. En ce moment, il doit encore être quelque part dans les bourgades des Crocs Givres. Quant à la main d’œuvre…

- Après avoir ratissé la forêt, ils se rendront compte que nous n’avons pas pu les devancer d’aussi loin, ils sauront que ce qu’ils cherchent ce trouve derrière eux. Attirons les ici, allumons un feu, un seul. Dans ces ténèbres, il sera visible à des kilomètres, ils vont débouler comme une meute d’hyènes sur une carcasse. Tout chaud pour être capturés par l’escouade que nous enverra le vice-amiral.

- Tu tables sur combien d’hommes pour ce coup de filet ?

- Il y a une garnison complète à Lavallière, ils auront le temps d’encercler la forêt avant même que nous arrivions à Sérénis. Fais confiance à la marine, fais confiance à Will Kelly. Nous allons tous les capturer.

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Faire confiance… Quelle folie était-ce ? La seule personne en qui j’avais confiance c’était uniquement ma personne. Disons que je croyais assez dans les chances de réussite du plan de Will. Avec un peu de paille sèche, nous fîmes un feu dans les branchages même qui nous avaient abrités. Le vent était nul et il y avait assez d’amadou et de graisses de Yak pour un feu stable et ronronnant pendant des heures. Il sera visible de très loin, tant mieux, parce que nos ennemis étaient tout aussi loin de nous. Le temps qu’ils reviennent, nous seront en route pour les plaines de Sérénis. Le temps qu’ils rejoignent l’érable albinos en feu, un détachement de quatre cents marines sous le commandement du Colonel Earl Grey lui-même jettera ses nasses autour de la forêt boréale.

Les choses étaient allées très vite, une fois le feu allumé, une fois les premières distances mises entre l’érable et nous, Will avait contacté son amiral lui expliquant la situation de bout en bout. Le vieux briscard avait adhéré à son plan et avait alors, en direct, contacté le Colonel Earl Grey à qui il avait expliqué une partie de la situation. Le vieux loup de mer ne faisait apparemment confiance à personne. Au Colonel, il avait jugé bon de n’expliquer que la raison de la réquisition de quatre cents Marines, à savoir, capturer des hommes du réseau Ashura. Aux hommes du Colonel, l’explication de la mission serait un coup de filet massif sur la horde de bandits de tous poils errant dans les landes.
"Et Dieu sait que Boréa a besoin de se débarrasser d’eux", avait ironiquement conclut le vice-amiral avant de raccrocher avec le commandant de la 157e garnison des Marines de Boréa.
Pour maximiser nos chances de réussite, les seuls au courant de la présence de Marie-Curry seraient donc l’amiral, Will et moi-même.

L’esprit léger, confiants dans le plan qui allait gripper les rouages si magnifiquement huilés de Tempest, nous fîmes route vers les plaines glacées de Sérénis. Aucun éléphant, aucune quelconque créature en vue, les cinquante kilomètres, nous allions les parcourir à pieds, à vitesse soutenue, faisant de temps à autre une pause d’un quart d’heure pour reprendre des forces. Pour des corps entraînés comme les nôtres, moins de cinq heures nous suffiraient pour avaler cette distance.

...

Le Winterblade fusait à travers les plaines gelées de Sérénis. Il était neuf heures passées de trente-cinq minutes. Pour Will et moi, la nuit avait été courte et sportive. Nous avions atteint les plaines et même eu le temps de chasser un infortuné lapin des neiges, de le faire griller au feu de bois, de nous en repaître puis de nous reposer avant l'arrivée du train.
A présent, nous étions empêtrés parmi les impécunieux passagers de la quatrième classe. Pour les besoins de l'action à venir, Will et moi avions décidé de nous rapprocher au plus près des installations supposées de Marie-Curry. Nous avions eu tout le temps de réfléchir à la question et avions conclu de concert que nous pouvions exclure la salle des machines de la locomotive principale en tant que laboratoire de M.C. La salle en question était une fournaise où un four surchauffé avalait des tonnes de charbons pour fournir au train la poussée dont il avait besoin pour tirer ses cent vingt-trois wagons. A cet effet, la salle grouillait de gens appartenant à différents corps de métiers, tous chargés de veiller au bon fonctionnement du bijou de Boréa.
Forts de cette conclusion, nous avions tablé sur une atmosphère plus sereine, plus conviviale pour la production de Dance. Qui plus-est, la dernière fois, M.C avait été vue dans le wagon qui marquait la transition entre ceux transportant des humains de ceux consacrés aux marchandises. Elle était à l'arrière du Winterblade, nous en étions sûrs. Comment la trouver, telle était la question puisque de wagons de marchandises, il y en avait quarante en tout.

Un autre problème de taille était la Police de Fer. Nous ignorions à qui elle prêtait réellement allégeance et il aurait relevé de la folie de demander de l'aide à leur commandant tout aussi ancien marine qu'il fut. Pour ne rien faciliter, depuis l'attaque des coupeurs de rails, la police était partout, patrouillant dans les wagons et sur les toits. Partout. Mais après un petit temps d'observation, la solution nous éclaira presque simultanément Will et moi et il n'y en avait pas trente-six autres.
Nous nous levâmes de la masse puante de nécessiteux, ajustâmes nos capuches sur nos têtes et nous dirigeâmes d'un air conspirationniste vers les toilettes toutes aussi crasseuses que les gens qui les utilisaient. En chemin, nous nous serrâmes plusieurs fois les mains comme si nous échangions une quelconque marchandise illicite. Par deux fois, un couteau argenté appartenant à ma collection d'objets antiques changea de mains. Nous nous engouffrâmes ensuite dans les toilettes qui se révélèrent désertes à notre grande joie. Moins d'une minute après, la raison de notre manège franchit la porte en les personnes des deux Agents de Fer assignés à la surveillance du wagon qui nous abritait.

- Qu'est-ce que vous traficotez ? On vous a vu !

- Où est ton comparse ? demanda l'autre du duo en dégainant sa lame.

- Bah, c'est ce qu'on espérait aussi. Deux yeux vigilants. Mais pour le bien de Boréa, je vais vous demander de faire de beaux rêves.

Will était furtif. Moi-même dont le style de combat se basait sur les imitations animales admirais sa grâce féline et sa capacité toute naturelle à effacer sa présence. Une fois le seuil des toilettes franchies, il n'avait eu besoin que de deux secondes pour empaler le plafond avec Oprhelin et s'y accrocher en attendant la venue des agents que nous avions attirés. Ensuite, telle une chouette dans la nuit, il avait frappé en silence, directement à la nuque des deux policiers qui s'étaient écroulés, assommés. Je les rattrapai avant leur chute contre le sol ferreux. Ensemble, nous les traînâmes dans deux cabines, les déshabillâmes et les dépouillâmes de leurs tenues.
L'idée qui nous avait traversé Will et moi était tout simplement de nous faire passer pour des agents de Fer. Ainsi, nous pourrions sans gène patrouiller et faire ce que nous avions à faire. Il n'y aurait en sus aucun problème d'identité puisque la Police de Fer était accoutrée à l'image des forces spéciales de certains pays. Tenue réglementaire et masque de rigueur.
Quand nous sortîmes des toilettes, nous étions deux Policiers de Fer.


Les vrais quant à eux étaient soigneusement ligotés et bâillonnés. Pour la bonne mesure, je déclarai à la quatrième classe de ce wagon qu'elle devrait se rendre dans d'autres de la même classe pour utiliser les toilettes parce que celles-là étaient désormais condamnées. Les agents assommés devaient être découverts le plus tard possible, je voulais m'en assurer.
Désormais libres de nos mouvements, nous nous dirigeâmes vers les wagons de marchandises et au risque de me répéter, il y en avait quarante de ces conteneurs sur rails. Si j'insistais bien sur le nombre, c'est qu'il était dérisoire en fait face à la tâche qu'était de les inspecter un par un. De marchandises, ces wagons en regorgeaient de toutes sortes.

- Et encore, estime-toi heureux, le train est sur le chemin du retour au port. Il s'est déjà soulagé des vivres et des autres produits de premières nécessités venant de la ville. Là, il n'y a en majorité que des minerais, surtout du charbon provenant des mines, rétorqua Will face à ce qui devait être ma centième plainte.

- Ouais, super. Ici, j'ai une cargaison de fourrures. Quelqu'un doit se faire des couilles en or avec tout ça. Au suivant !

Méthodiquement, nous fouillâmes les voitures une à une. Parfois, nous croisions d'autres patrouilleurs de Fer et sans mots, nous nous saluâmes. Heureusement que les patrouilleurs ne semblaient pas avoir de secteurs assignés. Parfois, nous rencontrions aussi un ou deux ouvriers robustes des mines qui voyageaient couchés sur un tas de minerais. Les échanges étaient conviviaux et par deux fois, un petit groupe nous invita à pendre un bon déjeuner avec eux. Déclinant l'offre, nous pénétrâmes dans le vingt-cinquième wagon de marchandises quand l'escargophone de Will sonna.
C'était la bonne nouvelle que nous attendions depuis le matin à savoir que la première partie de notre plan avait fonctionné. A l'autre bout du fil, en conférence, c'étaient le vice-amiral Swiffer Jones et le Colonel Earl Grey. Le coup de filet avait marché. Comme des papillons de nuit, notre feu avait attiré les habitants de Mamelle qui s'étaient rassemblés dans la forêt tout en ignorant que quatre cents marines embusqués les attendaient de pieds fermes. Ils ne s'étaient pourtant pas laissés faire selon le Colonel, le combat avait duré une bonne partie de l'aube mais au final, tous sans exception avaient été capturés vivants ou morts. La mort de seize Marines était à déplorer contre celle de trente-trois faux Yrys. Le Colonel déclara également que les fouilles avaient commencé dans les catacombes pour exhumer les dépouilles des vrais Yrys et que jamais dans sa carrière, il n'avait eu affaire à pareille horreur. Même si la presse ignorait pour l'instant l'histoire, cela ne saurait tarder. L'affaire risquait de secouer le pays, avait conclu le Colonel sur une note sombre avant de raccrocher.

- Oswald Maine et ses petites mains sont sous les verrous. A toi de faire le reste maintenant Will, mets un point final à tout ça. Trouve Marie-Curry ! déclara le vice-amiral avant de couper la ligne à son tour.

Il nous fallut encore une heure d'inspection pour enfin tomber sur l'objet de notre obsession. Entre-temps, nous sentions que nous nous rapprochions du but, les derniers wagons fourmillaient de tellement de marchandises de contrebande qu'il était impossible que certains membres de la Police de Fer ne se soient pas mouillés pour couvrir ces activités. Ivoires issus de braconnage, cornes d'unicorne, artefacts inestimables provenant de Glacia la première cité des Premiers Hommes de Boréa, il y en avait de tout. Dans la voiture suivante, mêlées à de banals sacs d'épices divers, nous découvrîmes une poudre verdâtre qui ne se mettait dans aucune sauce...

- La voici, la poudre faiseuse de pluie.

- Certains sacs sont encore chauds. On dirait que c'est la dernière fournée.

- Combien de sacs y a t-il ?

- En voilà de petits fouineurs !

- N'est-ce pas S ? Ils ont réussi à trouver la poudre ? On doit avertir M.C ?

- Bien sûr que non, elle est toute épuisée par sa nuit de travail. Quand elle se réveille de mauvais poil, elle fait des trucs méchants, tu le sais bien, Na. Occupons nous de ces fouines sans troubler son sommeil !

Will et moi, nous nous relevâmes doucement pour faire face à ces trois personnes qui venaient de derrière nous, du trente-et-unième wagon de marchandises. Ils étaient, eux aussi, attifés comme Policiers de Fer. Quelque chose nous dit que nous avions découvert ceux qui couvraient les activités de Marie à bord du train. En plus, ils parlaient d'elle sans chichi, une bonne nouvelle en somme pour nous.

- C'est quoi ça ? La Team Rocket ? se moqua Will.

Aussi incroyable que cela me parut, sa satire eut une efficacité redoutable. On n'avait pas idée de se faire si ridiculement et si facilement provoquer. Le trio enleva son masque et prit une pose. Ils se présentèrent de gauche à droite.


- Je suis Honorine Orsel-Ortiz dit H20 !

- Je suis Sylvain, dit S !

- Et moi, je suis la pierre angulaire du groupe, Nathan-Alain dit Na !

- ENSEMBLE, NOUS SOMMES LES ÉLECTRONS LIBRES DE MARIE-CURRY ! YOU SHALL NOT PASS !

...

- Mouais, t'as raison, Will. C'est la Team Rocket...

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Chaque Boss avait ses gorilles et L'étoile Montante se dit qu'ils étaient en face de ceux de M.C. Le trio ne lui inspirait rien de particulier, il était serein et même un poil déçu, Will Kelly. A Mamelle, il avait croisé le fer avec des adversaires qui en jetaient plus en matière de prestance que ces trois zigotos aux noms qui lui rappelaient vaguement certains éléments dont parlaient ses cours barbants de chimie quand il était encore sur les bancs. H20, S, Na ? Ouais, c'était sûrement ça.
Orphelin était toujours gainée dans son fourreau et presque machinalement, Will le fit tournoyer entre ses doigts à la manière d'un jongleur. Depuis la mise à mort du Vétérinaire -qui plus est n'était de son œuvre- l'envie qui le submergeait de s'en servir menaçait d'exploser. Le lieutenant fit quelques pas vers la droite, Loth de son côté en fit de même vers la gauche. Le trio leur barrait le chemin vers les neuf derniers wagons du train. Marie-Curry était là, quelque part derrière-eux, et ni Loth, ni Will Kelly ne comptait perdre de temps à faire mumuse avec ceux qu'ils considéraient comme indignes de leurs poings. En outre, les wagons de marchandises étaient trop encombrés, trop exigus pour un bon combat à l'ancienne.

- Rendez-vous tout de suite, nous sommes à trois... Eh ! Revenez !

N'importe quel imbécile aurait remarqué qu'à droite et à gauche de chaque voiture, il y avait des fenêtres à guillotine se dit Will Kelly en passant à travers celle de droite. Un salto l'emmena au dessus du wagon ce qui lui procura une incroyable sensation de liberté après l'oppressante atmosphère de l'intérieur. Loth le rejoignit et tous deux se fendirent la gueule de la stupidité de leurs adversaires qui n'avaient vu que du feu dans leurs manœuvres. Ils sautèrent sur le wagon suivant. C'était inutile désormais de les inspecter comme auparavant, un simple coup d’œil à travers le carreau d'une fenêtre suffirait à savoir. Ils recherchaient une installation à la pointe de la chimie, ils recherchaient une blonde entrain de se reposer selon les dires du trio. Six des neufs dernières voitures étaient vides de toute trace de chimie. Il n'en restait plus que trois et l'exaltation de Will était à son comble.
Malgré les trois toitures de fer qui l'occultaient, il savait qu'elle était là, la femme qui le séparait de sa première réelle gloire en tant que Marine. Une fois qu'il en aura fini avec elle, se dit Will Kelly, une fois ses hauts faits d'armes relayés à travers le monde, les générations futures n'auront de cesse de glorifier et de bénir ces instants comme les prémices de l'avènement du plus puissant Marine de tous les temps. Du plus puissant Amiral-en-chef qui eut jamais existé.

Il sortit de sa rêverie. Un coup de feu retentit quelque part et il se retourna, exaspéré, pour constater que le trio H2O, S, et Na s'était également débrouillé pour monter sur la toiture. S, le rouquin, faisait feu sur Loth qui dandinait comme une ballerine pour éviter les balles. Devançant S, H2O s'était portée à l'attaque dans la posture très caractéristique des utilisateurs de karaté aquatique. Sans problème, Loth avait esquivé le coup puis contorsionné le bras de la fille et s'en était servi pour frapper Na qui arrivait sur lui. Tous deux s'envolèrent, emportés par le vent et s'écrasèrent sur un S pris au dépourvu.

Souriant de bonne grâce, L'étoile Montante se détourna de ce spectacle. Loth avait l'air de s'amuser mais il y avait plus urgent à faire. Il sauta sur le wagon suivant et sut immédiatement qu'il avait touché dans le mille. Ou du moins, il avait touché un toit anormalement friable. Dès que la pointe de son pied droit eut touché la toiture, le fer s'était désagrégé comme s'il était rouillé depuis très longtemps. In extremis, Will planta son katana dans une partie du toit qui n'était pas soumise à ce curieux phénomène et cela lui fournit l'ancrage nécessaire pour ne pas tomber dans le wagon. Pendant qu'il se rattrapait sur le fil de sa chute, quelque chose rentra en contact avec son dos et explosa. C'était chaud, d'une température écœurante, ce qui lui arracha un cri de douleur. Il s'écroula sur la toiture et roula plusieurs fois sur le lui-même, comme s'il essayait d'éteindre la braise dans son dos. Avec horreur, Will constata que son dos était en proie à une combustion sans flamme, lente et dégoûtante. Sa peau se consumait sans feu apparent, attaquée par une action corrosive qui la rongeait. Une sorte d'acide, lui dit son cerveau rembruni par la cuisante douleur.

- C'est vous n'est-ce-pas ? Vous dont me parlait Oswald ? dit une voix puissante de colère d'en dessous.

La seconde d'après, elle était sur le toit en face d'un Will toujours sur ses postérieurs tentant de soulager sa douleur avec de l'eau. Elle était enfin là, la femme affublée du sobriquet de "Génocidaire". Après tout ce temps passé à se cacher, Marie-Curry entrait en scène.


- Depuis ce matin, je n'arrive pas à contacter Oswald, ni aucun des membres de la Cellule à Mamelle. Y êtes-vous pour quelque chose ? demanda-t-elle en le dévisageant d'une infinie condescendance.

La timide mécanicienne rencontrée la veille n'était plus qu'un masque de jadis. Sa question et la colère manifeste dans sa voix requinqua un poil Will qui se leva et arbora un sourire de fierté.

- Je crains que tes hommes ne soient indisponibles pour un certain moment, répondit-il, narquois. De Tempest, il ne reste que ces trois zigotos et toi. Reconnais que j'ai fait du bon boulot, tout ça à partir d'un tatouage non dissimulé d'un de tes coursiers, haha !

- ENFOIRÉ ! SIX ANS DE DUR LABEUR... TU VAS ME PAYER CET AFFRONT ! beugla-t-elle.

Will était prêt cette fois-ci et le combat final pouvait commencer. Il ignorait cependant que pour sa fine et frêle constitution, Marie-Curry possédait une force peu commune. Elle s'arma d'une fiole à la solution bleutée et la lança sur Will. Sa force propulsa le flacon à une vitesse foudroyante. Si rapide que Will ne put esquisser un quelconque geste avant que la petite bouteille ne le heurte à la figure. Littéralement cloué sur place, il avait vu au ralenti la fiole s'approcher de lui, se casser en touchant son front puis exploser. La déflagration l'éjecta vers l'arrière et le souffle du train en déplacement accrût sa cabriole. Will s'écrasa lourdement sur le revêtement en acier renforcé. Étrangement, seule la douleur de la chute raisonnait dans son corps. Aussi impressionnante que fut la déflagration, il n'en avait tiré aucune douleur, le seul fait notable avait juste été ce flash puissant et bleuté quand la fiole toucha son front. Il se reprit, se demanda ce que cette attaque était censée faire quand il se rendit compte que quelque chose clochait. Son monde était noir. Aussi ténébreux que les catacombes de Mamelle. C'était impossible bien-sûr, les coups de onze heures ne tarderaient à sonner, ces ténèbres auguraient quelque chose de sinistre. Et M.C avec son rire aigu à donner la chair de poule donna écho aux pires craintes de Will.

- Tu as un problème ? C'est toi Will Kelly, non ? Le lieutenant de ce rat de Swiffer Jones ? Tu as un léger soucis pour faire le point ? Maintenant les lunettes fumées t'iront à merveille, je te suggère aussi la canne blanche ! Miciciciciciciciciicicici !

- Impossible, mâchouilla Will Kelly, mort de trouille et emplit de panique. Impossible, je ne peux pas être aveugle ! C'est insensé...

- Tu as peur ? Oui, montre-moi que tu as les chochottes ! Dans ce monde, rien n'est impossible. Ce qui t'as touché était un produit chimique de ma propre conception. J'en suis sûre, tu te souviens de la lumière juste après l'explosion du flacon ? Elle n'est pas là pour faire jolie, elle a brûlé tes rétines malgré ton masque de Policier de Fer et au travers de tes lunettes ! Miciciciciciciciciicicici !

Impossible. C'était le mot qui raisonnait en boucle infinie dans le cerveau de Will Kelly désemparé, embrumé par la colère et la panique. Il ne concevait pas qu'il puisse être privé de sa vue dès le début de ce combat, dès la première attaque ! Marie-Curry était d'une dangerosité létale, il le savait, mais maintenant, il l'apprenait à ses dépends. La terreur menaçait de le submerger de l'emporter tellement son effroi et son horreur étaient tangibles. L'attaque de M.C était si rapide qu'il n'avait pas pu l'éviter. Que pouvait-il faire maintenant qu'il était privé du premier de ses sens ? Et serait-ce permanent ? Le cas échéant, pourrait-il tenir jusqu'au retour de sa vision ?

- Si nous tardons trop ici, la Police de Fer, la vraie risque de se rameuter. Alors, je vais abréger ce combat qui n'a déjà que trop duré. Lieutenant Will Kelly, dis adieu à la vie !
Ablation du second sens !


Il ne pouvait que rester cloué sur place en attendant le choc et la douleur. Il n'oubliait pas qu'il était debout dans un dangereux jeu d'équilibriste sur un train à sa vitesse de croisière. Le moindre pas de trop pouvait être fatal. Il ne pouvait pas... Sa fierté lui interdisait d'appeler à l'aide Loth. Il était sans recours, sans possibilité de manœuvre, mais il était sûr d'une chose, jamais il ne demanderait de l'aide. Le futur plus grand amiral de tous les temps devait se sortir tout seul de cette situation et si d'aventure il venait à mourir, alors se serait qu'il n'était pas digne de poursuivre la route.
Les plus forts survivaient et les plus faibles mourraient. Telle était la seule vérité de ce monde.

Et pour l'instant, il était en très mauvaise posture, Will Kelly. L'attaque de M.C était semblable à sa toute première, celle qui avait brûlé le dos de L'étoile Montante. Sauf que cette fois-ci, elle ne lui avait pas lancé une seule mais fiole. Elle le criblait littéralement de bouteilles remplies d'acides qui explosaient au contact. Supportant cette infâme douleur, Will restait aussi immobile et inébranlable qu'il le pouvait de peur d'être éjecter de la toiture. Les vêtements volés aux Policiers de Fer assommés se dissolvaient de même que la peau de Will. Elle était rougie, à vif. La souffrance de L'étoile Montante était incisive. Malgré sa volonté de ne point flancher, il s'écroula sur le côté, trahi par ses jambes flageolantes couvertes de profondes brûlures.

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Will était en mauvaise posture, terrassé par Marie-Curry qui, ma foi, semblait plus forte que n'importe lequel d'entre nous. Je n'avais pas encore croisé le fer avec elle, non, j'étais coincé avec ces trois rigolos de garde du corps. Ils étaient débrouillards dans leur genre et quand ils combinaient leurs efforts, ils étaient un chouia plus fort mais il en fallait bien plus pour m'inquiéter. Tous les trois se relevaient péniblement d'une énième attaque combinée qui avait trouvé parade et contrattaque. H20 avait les lèvres ouvertes et se tenait les côtes signe d'une fêlure, S avait le front ouvert au dessus des arcades sourcilières dû à sa chute tête la première suite à mon coup de pied rotatif et Na ne tenait plus que sur sa jambe gauche, la droite étant tordue un angle inquiétant après que je lui eusse explosé la rotule. En somme, Ils avaient connu des jours meilleurs.  

- Ça suffit comme ça, hissons le drapeau blanc. Rendez-vous tranquillement avant d'être plus gravement blessés. Vous avez perdu ce combat depuis le début. J'ai mieux à faire que de combattre des infirmes ! fis-je, avec un dédain qui ne me ressemblait pas du tout. Fallait dire que depuis que j'avais su pour les Yrys, mon animosité envers Tempest était à son paroxysme.

- Ne crois pas que t'as gagné parce que t'as un léger avantage !

- Tu ne pourras rien faire face à notre future attaque fusionnée !

Ils se mirent en formation. Je n'avais ni l'intention de subir cette problématique attaque, ni de la laisser se dénouer. Ils m'avaient assez soulé et je décidai de raccourcir l'affrontement. Mon art martial, Inner Beast, reposait sur des techniques issues d'imitations animales. J'avais à mon compte, cinq Styles et à cet instant, j'adoptai celui du Serpent. Le Serpent était fourbe et traître. Le centre de gravité du Serpent était très bas. Aussi, m'abaissai-je, à plat ventre. A l'instar de mes congénères reptiles, je dardai ma langue et gouttai l'air. Se laisser posséder par l'animal imité était la clé pour agir comme lui. Le Serpent était rapide. Je louvoyai vers eux et dans leur regard, je vis l’hébétement de se retrouver face à cet homme-reptile que j'étais, face à une position de combat si peu catholique. Toujours ondulant tel un mollusque, j'évitai sans mal les tirs de S, me rapprochai de lui et le fauchai, ma poigne directement dirigée vers son front sanglant. Telles des serres, mes doigts se refermèrent sur sa tête que je précipitai puis explosai sur la plateforme ferreuse. Ses blessures s'ouvrirent d'avantage et après une petite convulsion, S s'abandonna à l'inconscience. Tant mieux pour lui.
H20 hurla de rage face au sort que j'avais réservé à son compère. Son coup de pied rotatif brassa du vide. J'avais abandonné le Style du Serpent et avait fait appel à la Grue. Ce style était gracieux et aérien. Tel un oiseau de proie, je surplombai H20 de mon ombre menaçant, je venais de sauter au dessus d'elle. Mes jambes fléchies se détendirent rapidement et mitraillèrent la blondinette de coups en rafale. J'agrémentai le final avec un puissant coup directement dans ses côtes déjà fêlées. Elle lâcha une plainte de douleur avant de s'écrouler, la moitié du corps pendant dans le vide, l'autre moitié toujours sur le train.  

J'allais finir le travail comme j'aimais bien le faire, m'attaquer à Nathan et en finir avec le trio quand je sentis l'imperceptible odeur du danger. Mon instinct me dictai de me protéger la tête et c'est ce que je fis. Quelque chose explosa sur mes avant-bras que j'avais mis en protection. Une onde de choc suivit, me propulsa, et m'envoya dans le vide. Comme dans un film passé au ralenti, je me vis tomber du train, mes membres s'agitant vainement dans le néant, tentant désespérément de s’accrocher à quelque chose. L'espace d'une seconde, je vis le visage goguenard et revanchard de Na, mais je vis surtout Marie-Curry. Son regard condescendant m'observait avec un plaisir sadique. C'était son œuvre, elle avait décidé de s'intéresser au massacre de ses gardes du corps.
Et le résultat était visible, je tombais du Winterblade.



Dernière édition par Loth Reich le Sam 8 Aoû 2015 - 18:09, édité 1 fois
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Le désavantage de se battre sur un train en mouvement, c'est justement qu'il est en mouvement...
L'inertie de la chute conjuguée aux micro-rafales produites par l'express à sa vitesse de croisière me firent vriller. J'étais pris dans une espèce de tourbillon sans aucun contrôle sur ma trajectoire. Soit je m'écrasais sur le sol sailli de roches déchiquetées, soit cette micro-tornade m'envoyait directement dans l'espace qui séparait deux wagons et là, je finissais sous les rails après avoir subit l'impact d'un train à sa vitesse maximale.
Il me fallut moins d'un centième de seconde pour analyser ma fâcheuse situation et tout aussi rapidement réfléchir à une contre-mesure. Je me laissai emporter par la micro-rafale. Elle me fit décrire un arc de cercle de la gauche vers la droite, de l'arrière du wagon d'où j'étais tombé à son train avant. A ce moment, je jugeai bon de jouer la seule carte à ma disposition. Dans ma sacoche en bandoulière, ma main se referma sur un grappin et son filin. Il ne m’appartenait pas, c'était un souvenir de l'attaque des bandits de grands chemins la veille quand nous nous trouvions à bord de ce même train. Ils s'en étaient servis pour aborder le Winterblade, moi aussi.

Alors que le mouvement spiralé que m’imprégnait la micro-rafale m'emmenait à l'avant-train du wagon-labo et que je me glissais dans l'interstice qui le séparait de la voiture qui le précédait, je lançai le grappin qui s'accrocha à une barre métallique. Le filin était très court ce qui me permit un prise immédiate bien que violente. Je pensai sentir mon nerf médian protester sous le choc ce qui laissa présager un bien douloureux syndrome du canal carpien. Mais pour l'instant, j'étais sauf. Aussi proche des rails que je l'étais, je sentais le grisant crissement de ses roues et les étincelles qu'il provoquait parfois. Cette vitesse était un problème, il nous obligeait à un mortel jeu de funambule et je voulais y mettre fin. Stopper le train tout entier serait une folle entreprise, surtout que nous ne voulions y mêler la Police de Fer. Mais dès que j'y pensai, j'entrevis presque instantanément un autre moyen. Ce n'était pas compliqué, j'étais au bon endroit pour cela. L'attelage qui liait les deux wagons. Il fallait juste la détacher et la locomotive entrainerait la grande portion du train vers Lavallière ne laissait que les trois derniers wagons. Nul ne se rendra compte de rien, et il n'y aura que nous, M.C et ses hommes. La solution était des plus avantageuses pour moi, nous étions encore dans l'arrière-pays, au milieu de nulle part dans les plaines de Sérénis. Il avait de la Dance là, et j'aurais tout le temps de la mettre en sécurité avant l'arrivée d'une quelconque force de justice. J'étais si enthousiaste à cette idée que j'en oubliai Will Kelly dans l'équation. J'oubliai qu'au dessus de moi, il restait deux ennemis en état de combattre.

Je m'armai de Crépuscule mon Wakizashi et délicatement, l'insérai dans les rouages de l'attelage à vis qui reliait les deux voitures. Le décrochage se fit sans secousse, plus facilement que je ne l'aurais cru. On aurait juste dit une ventouse que j'arrachais à sa prise. Avec une immense joie, je vis le Winterblade et son panache de fumée s'éloigner à toute vitesse pendant que nous décélérions peu à peu jusqu'à nous immobiliser complètement. Un cri de rage d'au-dessus m'alerta. Apparemment, M.C n'était pas content de mon œuvre, j'en aurais mis ma main au feu. Leste, je grimpai de nouveau sur le toit, sans la hantise cette fois-ci de tomber d'un train en marche. Will aussi se relevait.

- C'EST COMME CA QUE TU VEUX TE LA JOUER ?

- Si si, on va se la jouer à l'arrêt, Marie. Nous avons assez de temps pour cela, il est onze heures passées là. Dans neuf heures le Winterblade arrivera à Lavallière et vers minuit peut-être, le temps de tout inspecter, ils se rendront compte qu'ils manquent des wagons. Et comme ils ne sauront pas où les voitures manquantes ont été détachées, le Winterblade restera cloué en station en attendant que la Police de Fer jointe par la Marine peut-être, inspecte l'intégralité des centaines de kilomètres de lignes pour retrouver les wagons disparus. Bref, nous avons un battement de 24 à 48h avant que quiconque ne nous retrouve. Nous sommes seuls.

- Bien joué Loth... mâchonna Will Kelly qui peinait à se mettre debout, constellé de blessures. Will Kelly commence à recouvrer la vue...

- Dessouder cet attelage a été ta plus grande erreur, Reich. Les Policiers de Fer arriveront, oui, mais quand ils viendront, moi je serai partie, j'aurais déménagé mes installations et vous, vous serez morts !  

- T'as pas compris ce qu'on t'a dit ? Tempest est fini. Il ne reste que vous quatre. Ah, pardon, vous deux. Bien joué Loth.

- Pauvres sots... Tempest, c'est moi et moi seule ! De rien, j'ai fondé cette cellule. Tant que je serai vivante, Tempest ne mourra jamais ! Ces hommes sont remplaçables, tous autant qu'ils sont ! Ça ne prendra même pas de temps, je remonterai en rien de temps tout le réseau de distribution !  

- Intéressant. Tu veux dire que tu as encore des réserves dans ce pays ? Des soutiens importants ?

- Si tu veux me tirer les vers du nez, soit plus subtile, Reich. Na, occupe-toi du Marine, il est presque mort. Finissons-en rapidement, nous avons du travail !

-  Bien M'dame !

J'avais observé son combat contre Will. Je ne ferai sûrement pas la même erreur que lui, restant rigide en attendant le coup venir pour l'éviter. C'était ainsi qu'elle l'avait surpris avec son lancer foudroyant. Aussi, adoptai-je le Style du Singe. Il était parfait, maintenant que nous avions des fondations stables. Le Singe était capricieux et leste. Ce style me conférait de l'agilité et de la vitesse. A quatre pattes, gazouillant comme un capucin survolté, je zigzaguai pendant que Marie-Curie tentait de me cribler de ses tubes à essai renfermant de l'acide. Elle était rapide, une véritable tireuse d’élite avec ses projectiles d'un autre genre mais moi, j'étais un acrobate surexcité. Ses fioles me rataient de peu, je slalomais dans les éclats et explosions de verre tentant de me rapprocher d'elle sans succès. Mine de rien, son attaque en rafale était aussi une bonne défense, elle m'interdisait de m'approcher davantage.
 
- Évite ça. Ablation du quatrième sens !

L'odorat. L'attaque à venir serait gazeuse et automatiquement, je bloquai ma respiration. Des mains de la génocidaire fusa un tube qui se brisa et répandit effectivement un gaz blanchâtre qui m'enveloppa. Je compris mon erreur de jugement trop tard, quand mes yeux subirent l'attaque de l'agent lacrymogène contenu dans le gaz. Ce fut du bluff. Comme avec Will, c'était au premier de mes sens qu'elle en voulait. Je me dégageai en catastrophe du nuage de gaz, les voies lacrymales et oculaires irritées. Ma vision était trouble et même si je n'avais pas absorbé ce gaz, je me sentis inexplicablement nauséeux. Trop de déconcentration en somme, pour un combat de ce niveau et je ne tardai pas à en subir les conséquences. Ce qu'elle me jeta cette fois-ci ne fut pas un simple tube à essai mais une bouteille de rhum remplie d'un liquide transparent. Dans le goulot de la bouteille était insérée une corde en feu.

- Ablation du second sens ! Human Torch !  

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Loth était en feu, au sens premier. Sans mauvais jeu de mot. Et il rageait, Will Kelly, de se laisser ralentir par cette demi-portion de Nathan-Alain. Il était très diminué physiquement à cause de ses innombrables blessures, à tel point que même un minable comme Na s'offrait le luxe de lui coller une mandale. Non, se dit-il, la fierté regonflée à bloc, jamais il ne laisserait une telle humiliation se produire. Il se savait non-invincible, Will Kelly; il se dit même que dans ce vaste monde existaient des milliers d'adversaires contre qui il pouvait perdre et de différentes manières mais aucun d'entre eux n'était Na. Aucun d'entre eux ne serait jamais un chauve de gringalet qui se ruait de front sur lui, la garde pathétiquement ouverte.

- Hors de ma vue microbe. La danse de l’Orphelin !

C'était une danse hélicoïdale. Will Kelly imprima un mouvement rotatif si rapide à son katana qu'il en devint flou avant de le lancer sur Nathan-Alain en approche. Le pauvre bougre n'eut pas le temps de dire ouf que l'hélice infernale le cisailla de part en part, déchiqueta son buffet et mit ses côtes à nue avant de continuer sa course, se dirigeant inexorablement vers la véritable cible de Will, Marie-Curry.
Amusée, elle regardait les tentatives de Loth pour se débarrasser de ses vêtements en feu quand les hurlements de Na l'alertèrent. Elle se retourna assez vite pour le voir s'écrouler et Orphelin fondre sur lui avec ce bruit si caractéristique des mécanismes à hélice. M.C eut juste le temps se faire un salto. La lame rotative hacha le bas de sa robe ballon et éminça son mollet gauche. Une fine tranche de chair et de sang tomba mollement sur la toiture en même temps que M.C qui se réceptionna sur sa jambe non blessée. Elle était hagarde, le regard vaguement dans le vide, comme si elle n'en croyait pas ses yeux, d'avoir échappée de si près à une attaque mortelle, elle qui depuis le début du combat n'avait pas été touchée une seule fois. Elle gagnait haut la main !

- Héhéhé, ne baisse pas ta garde ma vieille. Un Orphelin peut en cacher un autre !

Avec épouvante, M.C vit fuser vers elle une épée rotative. Encore.
Impossible pensa-t-elle dans un premier temps, elle l'avait évitée. D'ailleurs, n'entendait-elle pas son bruit particulier alors qu'elle s'éloignait dans les airs ? Alors que faisait cette lame à quelques centimètres de sa poitrine, menaçant tout bonnement de l'étêter ? Était-ce une sorte de boomerang ? La précédente lame aurait-elle décrit un arc de cercle et serait-elle revenue à la charge ? Non plus, se dit-elle, elle l'aurait vu venir. La seconde lame était apparue deux secondes à peine après la première, le temps d'une inspiration et expiration quoi. La seule explication que trouva M.C était qu'elles avaient été lancées dans cet intervalle de temps très proche et que pour une raison quelconque, elle n'avait pas repérée la seconde. Celle qui menaçait de lui enlever la vie.
L'analyse pouvait sembler longue mais elle se passait dans cette bulle intemporelle qui précédait la mort, quand une action durant moins d'un seconde dans le monde réel pouvait être décortiquée sous toutes les coutures pendant des heures dans cet univers déphasé de la réalité.

- Ça marche à tous les coups. Une hélice cachée dans l'ombre de la première. C'est la technique de l'hélice furtive.

Elle avait vu arriver la mort, Marie-Curie. La grande faucheuse, nimbée dans sa grande robe noire, armée de cette hélice. Elle n'avait pas le choix, pour survivre à cette attaque la génocidaire se dit qu'elle devait détourner cette lame de son cou. Sans réfléchir, elle mit son coude droit en opposition, fit pression en essayant de dévier la trajectoire de l'épée rotative. Elle n'avait pas oublié que durant le précédent assaut, la force hélicoïdale avait déchiqueté Na.
M.C résista tant bien que mal. Elle émit un cri de douleur inhumain, à donner la chair de poule quand la lame sectionna son bras au dessus du coude. Une violente gerbe de sang s'échappa du moignon ensanglanté pendant que la cinétique rotative de l'épée éjecta M.C de la toiture. Elle s'écrasa dans la plaine avec un bruit mat.
Malgré la douleur à faire évanouir la moyenne des gens, M.C se releva presque immédiatement, plongea sa main valide dans son sac et en tira une petite fiole regorgeant d'une substance verdâtre qu'elle versa sur le moignon sans cesser de haleter et de gémir. Une fumée du même vert s'échappa de la blessure dès les premiers contacts avec la solution. Le saignement s'arrêta presque automatiquement après.  

- Bien joué, Will, fit Loth qui obombra Marie de sa silhouette.

Elle avait carrément oublié la présence de ce dernier. La dernière fois qu'elle l'avait vu -c'était il y a moins de deux minutes pourtant-, il était en feu et se battait pour éteindre les flammes. Ses vêtements étaient brûlés par endroit, surtout côté gauche du torse. Sa peau à cet endroit portait les stigmates de brûlures au second de degré. Elle eut aussi de le voir redresser ses lunettes aux verres blanches, juste avant que la Paume du Tigre de Loth ne vienne lui fracasser l'arrête nasal et enfoncer ses yeux dans leurs orbites. Une seconde Paume renforcée par la contraction des muscles vint écrabouiller les cordes vocales de la Génocidaire et meurtrir sa trachée. Le coup n'était pas létal, la brulure au bras de Loth l'empêchait de délivrer le maximum de la puissance comme ça avait été le cas quand il élimina le Vétérinaire. Une nouvelle fois, Marie-Curie se retrouva à terre, convulsant et luttant pour reprendre sa respiration. A deux contre un, le combat n'était pas très équilibré, et peut-être pas très loyal mais les deux hommes savaient qu'ils devaient unir leurs forces pour espérer venir à bout d'elle. Elle était bien plus forte que chacun d'eux pris individuellement.

- Je préfère te capturer vivante M.C, fit Will, haletant. Il les avait rejoints au sol. Mais je n'aurais aucun scrupule à te tuer ici et maintenant. Tout ce qu'il me faut, c'est ta tête. Alors je ne vais pas me répéter, rends-toi sans faire d'éclat.

- Il a raison, le vent a tourné.

- Vous...devriez...vous...entendre...Penser...que...ma...vie...serait...sauve..en..prison... hacha-t-elle, meurtrie.

- Tu veux dire que tes anciens copains te feront la peau ? Certainement, ils tenteront, mais en tant que témoin de premier choix, le vice-amiral Swiffer t'offrira sans doute une protection de première classe. N'est-ce pas, Will ?

- Non, nous n'avons aucun programme de protection des témoins, répondit-il en baillant.

- Tu ne m'aides pas là... Tu la veux vivante et coopérative ou pas ?

- Elle va se rendre sans condition, c'est tout. Manchote comme elle est devenue, elle ne peut absolument rien demander et il n'est pas dans les habitudes de Swiffer de négocier avec les génoci....

Le reste de l'exposé de Will se perdit dans les limbes. Loth ne l’écoutait pas vraiment, il regardait M.C. Elle n'avait cessé depuis qu'elle avait retrouvé sa respiration de jeter des coups d’œil furtif aux trois wagons à l'arrêt. Loth avait par trois fois surpris ce manège qui échappait à Will occupé à donner son point de vue sur la manière de traiter les meurtriers de masse. Elle ne pouvait pas chercher d'échappatoire dans ces wagons, se dit Loth, pas d'échappatoire pour les fuir eux en tout cas. Ils venaient juste d'aborder le sujet des représailles et si Marie-Curie jetait des coups d’œils insistants aux voitures, c'était sûrement que quelque chose de compromettant s'y trouvait. De la Dance, oui, son laboratoire, oui, mais quoi d'autres ? Des infos sur le Réseau se dit Loth, exalté intérieurement.
Mais quand il vit la seule main de M.C glisser imperceptiblement vers sa ceinture, il sut qu'elle avait décidé de ne rien laisser d'exploitable aux ennemis d'Ashura. Avec elle, Tempest était fini, mais pas le réseau-mère.

- ATTENTION, IL FAUT PROTÉGER LES WAGONS ! vociféra Loth.

Plusieurs choses se passèrent simultanément.
Sur les chariots, Marie propulsa une bombe incendiaire. Loth se jeta à ses trousses dans un plongeon comme le ferait un gardien de but après un ballon. Dans le même laps de temps, elle mit le feu à un composé chimique qui émettait des crépitements orangés puis se précipita sur Will en soufflant comme une vache folle. C'était l'horreur, Will réalisa trop tard que la génocidaire avait décidé de mourir et d'emporter tout le monde avec elle dans l'au-delà. Ce qu'elle avait attaché à sa ceinture, c'était une bombe en réaction, il en eut conscience trop tard.

On disait souvent qu'aux portes de la mort, les gens revoyaient en défilé accéléré leur vie. Will Kelly, quant à lui, aura vu la concrétisation de ses ambitions. Il ne voyait pas Marie-Curie fondre sur lui, les yeux illuminés d'une lueur assassine et démente, il ne se voyait pas diminué et ralenti, son second sens oblitéré par l'acide, il ne se voyait pas tenter d'échapper sans succès à son funeste destin, il ne voyait pas Marie-Curry tendre vers lui son bas valide dans une dernière étreinte mortelle. Non.
Il se voyait à Marine Ford, debout sur le ponton qui avait vu mourir tant de pirates ancrés dans l'histoire. Il se voyait, lui, Will Kelly, surplombant cent milles marines d'horizons divers, plus puissants les uns que les autres. Il se voyait dépossédé de son manteau d'Amiral puis couvert de celui d'Amiral-en-chef. A ce moment, il ne serait plus une Étoile Montante mais une étoile à maturité.
L'amiral-en-chef Will Kelly. Nom de code : Canis Majoris. Sobriquet : L’hypergéante.

Oui, ça sonnait bien. Ça en jetait même un maximum. Dommage que ce furent les derniers fantasmes d'un mourant.
La réaction chimique provoqua une explosion qui désagrégea tous les solides dans le périmètre immédiat et restreint grâce à une puissante onde de choc. Ni Marie-Curie, ni Will Kelly n'y survécurent. En courant après la bombe incendiaire, Loth s'était, sans le faire exprès, dégagé du champ mortel de l'onde. Malgré tout, il fut soufflé aussi, de même que la bombe que l'onde de choc emporta au plus près des voitures. Avec fracas, Loth entra en collision avec un des wagons et s'affala le long de sa cloison ferreuse, inconscient.


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