Chaleur humaine, sources chaudes et air brûlant: soirée endiablée




« Bien heureux celui qui arrive à l'auberge après un beau voyage. »



Cette douce odeur de nourriture chaude ponctuée d'alcool... Elle est si agréable après des semaines à traverser les mers. Jack sourit gaillardement en marchant à travers des allées étroites. L'homme est détendu. Il apprécie l'atmosphère de cette ville. Ses habitants lui ressemblent. A l'extérieur, elle ne paie pas de mine, la ville est assez simple, assez pittoresque... Pourtant, une fois à l'intérieur on se sent bien accueilli dans la bonhomie ambiante. Sincèrement, Jack pense à un mot pour Karnutes : Chaleureux. Ici, même le plus desséché des vieillards grincheux a de la bienveillance au fond du regard. Alors, le marin sourit et chantonne nonchalamment l'hymne du Gouvernement Mondial.

Les ruelles sont calmes et une douce brise rafraîchit l'air lourd de senteurs d'auberge par cette canicule. On peut voir quelques personnes ici et là, parlant ou profitant de la nuit torride. Où vais-je aller, pense-t-il, tout semble bien... Hum, autant trouver un endroit proche de la station thermale. Le Wistman a envie de goûter à tous les plaisirs de la ville avant de repartir prochainement. Il porte sur le dos une tenue légère typique de la ville. Il l'a troqué contre son uniforme par ce temps. Une femme âgée fort sympathique lui a vendu. Elle tient une petite boutique à la sortie du port. Jack a pris le temps de discuter avec elle et a apprécié cela.


Ah, mon bon monsieur, vous êtes fort aimable. Cela me fait plaisir de discuter un peu avec un beau jeune homme. Si vous souhaitez vous reposer, je connais une bonne auberge tenue par la sœur de la fille de ma nièce par alliance. Elle est vraiment charmante, dommage qu'elle soit déjà marié. Fu ! Fu ! Fu !



Quelle gentille dame, pense-t-il, elle devait aussi être une beauté dans sa jeunesse, je suis né cinquante ans trop tôt. Haha ! Néanmoins, plutôt qu'aller de suite à cette bonne enseigne, Jack préfère s'adonner à son jeu favori : se perdre en ville. Quelle meilleure façon de visiter que de marcher au grès du vent ? Certes, ce n'est pas très intelligent de le faire dans une cité aussi grande, mais l'homme savoure. Il savoure chaque pas, chaque vu et chaque respiration. Ses voyages solitaire ont cela de bon ; il est libre de voguer là où il pense bon. Après tout, aucun équipage décent des Blues ne le voudrait avec sa réputation : « le casse-noisette des supérieurs. » Droit et rigide comme le bois et n'hésitant pas à le rappeler à son capitaine. Il ne l'a pas volé. Le débonnaire n'y pense pas en ce moment, il apprécie le moment présent. Oh ? Cette enseigne... On dirait bien celle de la vieille femme.

A force d'errer, d'aller n'importe où, Jack arrive à bonne destination. La chance sourit aux imbéciles. De sa main gauche virile, il ouvre la porte. Aussitôt une serveuse généreuse... En gentillesse, lui demande s'il vient dîner ou dormir ici. Elle le redirige vers la tenancière dans une autre pièce. Jack la salue, lui parle tranquillement de façon ordinaire de tout et de rien, comme cette nuit brûlante. Il fait de mauvais jeux de mots au détour de la conversation comme : « Pourquoi fer si chaud à Karnutes. Avouez ! Arrêtez de le fer chauffer à blanc. Sinon, vous allez me fer croire que les sources chaudes sont tièdes. » Néanmoins, elle lui pardonne vu le rire charmant du jeune homme.


Vous venez de la part de la mère Faronne ? Vous m'avez l'air bien sympathique, ce sera un plaisir d'être votre hôtesse cette nuit. Je vais demander à Lena de vous donner une table. Voici la clef de votre chambre. Elle a une belle vue sur la ville.



Elle s'appelle donc Lena. Jack apprend automatiquement le nom de la nouvelle et belle serveuse l'accompagnant. Peut-être passera-t-il une meilleure nuit qu'il ne le pense, qui sait ? Le marin rayonne de bonne humeur en pensant à tout cela. Pour commencer ce festin, pourquoi ne pas demander une bière ? Avant même qu'il ne prononce sa demande, on lui en sert une. La maison lui offre une chopine de bienvenue. Un grand merci accueille la boisson fraîche : il en avait bien besoin. De sa main droite, il boit goulûment le breuvage amer avant de se laisser aller à expirer à grand coup.

« ça fait du bien ! » Maintenant qu'il a de l'alcool, un futur bon repas et une serveuse le regardant souvent, comment ne pas être heureux ? Inu Town est vraiment une ville incroyable, il faudra y revenir un de ces jours. Jack se sent revigoré et contenté. Le marin est heureux de vivre pour ces petits moments agréables. Il ne manque qu'une chose pour rendre la soirée parfaite : une personne à qui parler. Peut-être est-elle dans la salle ? Il faut la trouver !



    Après tout les événements qui s'étaient déroulés sur Inari, j'avais quitté l'île plutôt satisfaite. Depuis mon départ de Zaun, on ne peut pas dire que j'ai été très efficace, et pourtant, sur une seule île, au bout d'un an, j'avais réussi à me défaire d'un gradé de la marine et à rencontrer le chef du clan d'assassins local. J'avais la sensation d'avoir accompli plus en une seule semaine qu'en toute une année. Seulement, ma quête avait à peine démarré, et les informations que je détenais étaient encore bien minces.

    Cependant, dès mon arrivée ici, j'avais senti que ce ne serait pas le lieu pour de l'action ou de la pêche aux informations. Inu Town était à l'opposé de Zaun, niveau ambiance. Ici, tout semblait très calme, paisible. Même la chaleur ambiante ne semble déranger personne, et les peux de villageois que je croisais se montrèrent plutôt accueillants. Je suppose que la présence important des soldats de la marine leur donnait un sentiment relatif de sécurité.
    En ce qui me concerne, on peut dire que les marines ne me faisaient certes pas le même effet qu'aux locaux. D'ailleurs, les pirates qui m'avaient déposée sur l'île avaient pris soin d'accoster dans un coin plutôt désert, par sécurité. Ils n'étaient même pas restés. Il faut dire qu'il n'y avait guère matière à les intéresser ici.

    Dans l'idée de tenter d'éviter la marine, je m'étais naturellement dirigée vers la Cité des Karnutes plutôt que Chom. Je ne cherchais rien de précis: je pensais rester quelques temps, faire le point après ce qui s'était passé sur Inari, et peut-être même m'autoriser un peu de repos. Nos dernières aventures m'avaient laissé quelques blessures pas encore cicatrisées, et je comptais en profiter pour refaire une bonne méditation, chose qui ne m'avait pas été donnée depuis que j'avais adopté Zéi. Mon singe, assis sur mon épaule, épiait les alentours, tout curieux. Il n'appréciait guère la chaleur ambiante, trop sèche pour lui. Je prenais pourtant soin de lui passer de l'eau régulièrement sur le corps, mais il détestait apparemment être mouillé, et repoussait ma main de ses petites pattes avec agacement.
    Voilà pourquoi, à ce moment, nous nous dirigions vers notre hébergement.
    En arrivant sur l'île par un côté désert, j'avais été contrainte de traverser pas mal de champs pour parvenir à la ville. C'est là que j'étais tombée sur un vieil homme, qui s'était blessé en travaillant ses cultures. Dans sa malchance, sa chute l'avait fait tomber sur un de ses outils, lui entaillant sévèrement la jambe. Il était resté bloqué près de deux heures avant que je ne croise sa route et ne l'aide. Je lui avait donné les premiers soins avant de le porter chez lui, où sa famille avait été surprise de me voir arriver, le grand-père sur le dos. Ils m'avaient remerciée une fois leur patriarche soigné, et son fils aîné, apprenant que je me dirigeais vers la ville, m'avait offert un bon, gagné à la loterie locale, pour un séjour à la station thermale.

    C'est donc en fin de journée que je parvins à destination, alors que la température commençait à baisser rapidement.  Je n'étais pas habituée à ce genre de lieux, aussi y entrais-je, me sentant un peu méfiante.
    La salle du rez-de-chaussée était une large salle de restaurant, et je supposais que l'escalier derrière le comptoir menait aux chambres. On ne peut pas dire qu'il y avait foule de clients, mais je supposais qu'avec la chaleur ambiante, la brise extérieure devait sembler plus attrayante que la chaleur étouffante à l'intérieur des bâtisses. Au comptoir, une jeune femme m'accueillit, à laquelle je montrais le bon. Aussitôt, avec un sourire poli elle m'accompagna vers celle qui devait être sa patronne. La bonne femme haussa un sourcil, à cause de mon apparence ou de mon singe je l'ignore, mais elle ne fit aucun commentaire désobligeant. Son employée lui remit le bon, puis s'éclipsa.

    - Bonsoir, bienvenue. Oh, vous avez le bon de la loterie. Cela vous offre une chambre pour trois nuits et deux jours, avec le couvert inclus pour les repas que vous voudrez prendre ici.

    - Serait-il possible de manger quelque chose dès ce soir?

    Étrangement, ma requête formulée sur un ton discret sembla la détendre un peu. Je vis ses épaules s'affaisser légèrement, et son ton fut de suite plus jovial.

    - Oui, bien sûr. Vous n'avez qu'à aller dans la salle, Lena va vous porter un repas. Et, hem, vous voulez quelque chose pour le singe?

    - Non, merci, mais il partagera mon assiette.

    - Oh, très bien alors. Eh bien, vous n'avez qu'à aller vous installer. Et on vous portera la clé de votre chambre dès qu'elle sera prête. N'hésitez pas à demander si vous avez des questions sur la ville, je serais heureuse de vous renseigner.

    Je hochais la tête, et retournais dans la pièce. Apparemment, avec mon apparence et mon singe, elle me prenait sûrement pour une quelconque voyageuse, peut-être une artiste de rue.  
    Lorsque je revins dans la salle, je pris place à une petite table libre, et vis la serveuse nommée Lena qui lançait des petits regards à Zéi, visiblement curieuse de mon animal. Mais mon singe s'intéressa bien plus au repas qu'elle nous porta. Posté assis sur la table, il s'approcha du plat qu'on nous avait servi, une sorte de boulgour froid agrémenté d'herbes, de petits légumes et de fruits secs, avec une petite assiette de morceaux de viande et un thé.
    Alors que mon singe s'attaquait aux fruits secs, je commençais par boire le thé, me détendant enfin.


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    « Une porsche, une vache et des patates ! Cela suffit à un bouseux, pas à un homme. »



    Mademoiselle, une seconde bière!


    Jack passe commande de ce liquide glacée qui par ce temps vaut bien un nectar divin. La douceur amère est enveloppé par des bulles et la fraîcheur. Il aime cette sensation : rien n'est plus doux que les picotement acides sur le palet, puis dans la gorge. L'Homme s'égare un moment dans sa satisfaction laissant échapper un énième soupir de contentement. « Il en faut peu pour être heureux , vraiment très peu pour être heureux, il faut se satisfaire d'une bonne bière ♪  » Chantonnant pour lui un petit air que personne n'entend, le marin apprécie une ambiance chaleureuse. Certes, la salle n'est guère remplie, mais chaque personne est active, parle et sourit. Inu Town restera certainement une des mes îles préférées, pense-t-il, des gens sympas, des jolies filles, de bons alcools... Que faut-il de plus ?  La réponse arrive aussitôt : un bon plat de viande dégoulinant de sauce sur des pommes de terre. L'assiette est généreuse et sent bon. La préparation est rustique, mais authentique. Face à ce plat de résistance, le marin s'arme d'une fourchette dans sa main gauche et d'un couteau à bout rond dans la main droite. Jack attaque ! Il est méticuleux ! Chaque coup est précis et propre. Bien vite, la tension monte avec le plaisir de la panse bien remplie.

    Soudain, c'est un retournement de situation !

    L'estomac d'acier commence à atteindre ses limites. Il ne reste qu'une solution : commander une nouvelle bière. Ce renfort permet au Wistman d'en finir une bonne fois pour toute. L'Homme a l'impression d'avoir une brique à la place de l'estomac, pourtant cela ne le dérange pas. Au contraire, être trop nourri lui manquait. Les marins n'ont pas le luxe de repas gargantuesques, surtout les secondes classes comme lui. Le Jack est heureux comme un coq en pâte. La soirée s'annonce calme et nonchalante, jusqu'à ce que n'arrive un élément perturbateur.

    C'est une femme, non une simple femme. Son allure, ses traits et ses origines en font la plus belle que Jack n'ait encore vu. Sa peau est pâle, blanche comme du lait, que quelques tatouages semblables à des imperfections viennent relever. Ses long cheveux soyeux forment avec sa tenue la trame de fantasmes inaccessibles. Son port gracile et son regard maîtrisé et sûr estompent les méfaits de la froideur exhalée par cette fleur d'ivoire. Nul poème ne saurait rendre justice à la beauté sublime de cette créature venue des rêves. Un petit singe de compagnie tout joyeux est perché près d'elle. Cette bête exotique ne fait que renforcer les charmes de sa maîtresse. Un battement de cœur, puis deux ; le marin est  ensorcelé. Ce n'est pas de l'amour loin de là cette idée. Le Wistman est seulement fasciné. Un instant, il reste interdit, loin de cette demoiselle prenant ses aises. Désormais, il doute pour la première fois depuis longtemps. De quelle manière l'aborder ? Pourquoi l’aborder ? Faire connaissance avec une personne aussi fermée est difficile. Il lui reste quelques fruits secs de ses derniers achats. Bien, il semble avoir quelques armes pour s'adresser à elle. L'Homme se lève doucement. Il a réglé sa note précédente. Le marin s'avance vers la demoiselle de façon naturelle. Vous savez, la manière que certains ont de débuter une conversation sans présentation, juste pour le plaisir de discuter.


    Oh? Je n'avais encore jamais vu cette race de singe. Pouvez-vous me dire laquelle est-ce ? Ah, je vous prie de m'excuser, je me suis emporté. Je me nomme Jack Wistman.



    Le bonhomme sourit amicalement, tentant de charmer la belle panthère. Sa gestuelle invite à la discussion et à paraître ouvert.


    Vous êtes une voyageuse comme moi, je suppose. J'espère que vous appréciez cette ville. Pour ma part, j'aime voir ces gens joyeux partager une table, cela rend une soirée plus appréciable. Pour ma part, je suis seul. Je souhaiterai donc passer un peu de temps en bonne compagnie, même si vous êtes déjà accompagnée.


    Dernière édition par Jack Wistman le Mar 18 Aoû - 20:55, édité 3 fois

      Je ne suis pas du genre à me jeter sur la nourriture. D'abord parce que, habituée à un régime très strict, j'ai rarement faim, et surtout parce que j'ai l'habitude d'ignorer mes envies, quelles qu'elles soient. Zéi, lui, mange comme si c'était le dernier repas de sa vie. Je prends pourtant soin de le nourrir comme il faut, mais mon singe ne semble jamais rassasié, et il garde jalousement son repas comme si on allait le lui voler. Même moi, il ne me laisse que ce qu'il n'aime pas si je ne me montre pas ferme avec lui.
      Surtout, il semble sur ses gardes dans cet environnement clos, inconnu et avec des gens qu'il ne connaît pas. Ses petits yeux furetant dans toutes les directions alors qu'il ne s'arrête pas de mâcher. Je suis plus détendue que lui. Enfin, j'ai l'habitude d'être constamment sur mes gardes, mais je ne suis pas aussi stressée que Zéi, et je ne montre rien. Je suis simplement en train de boire un thé vert parfumé, et je caresse distraitement mon singe.
      La salle est vivante, pleine de clients animés, mais Zéi et moi sommes comme dans une petite bulle de sérénité. Par habitude, j'observe ceux qui nous entourent. Il y a essentiellement des voyageurs, bien sûr. On voit à leurs tenues qu'ils ne sont pas d'ici. Peut-être même y-a-t 'il des pirates dans le tas, mais tout le monde semble d'humeur joviale ce soir. J'arrive même à apprécier moi-même l'ambiance.

      Enfin, jusqu'à ce qu'une silhouette approchante ne me rappelle à mes instincts de tueuse. Une main non loin de mon tessen, je détaille le nouveau venu. Un homme tout en muscle, irradiant de confiance en lui, vient droit dans notre direction. Il ne cache pas son intention en se dirigeant vers nous, et je me détend un peu. Il a la démarche rythmée typique d'un membre d'armée, ou d'un marine, mais à priori il n'a rien à me reprocher, et surtout on adresse rarement un sourire aussi amical à quelqu'un qu'on compte arrêter. Sans baisser ma garde, je le regarde approcher, attendant de voir ce qu'il me veut. Sa tenue m'indique que lui non plus n'est pas un habitant du coin, mais avec son allure de gravure de mode et son attitude confiante, il pourrait être chez lui n'importe où facilement. Une ou deux femmes présentes dans la salle lui jettent d'ailleurs des regards en coin peu discrets mais très parlants.
      Mais il ne les voit pas, et semble se diriger vers moi avec un pas décidé. Peut-être veut-il seulement un renseignement. Zéi, méfiant, le fixe, et commence à émettre un grondement sourd, sans pour autant se départir de son repas.

      - Oh? Je n'avais encore jamais vu cette race de singe. Pouvez-vous me dire laquelle est-ce ? Ah, je vous prie de m'excuser, je me suis emporté. Je me nomme Jack Wistman.

      Son nom ne me dit rien. Zéi, qui serait le sujet de son intérêt soudain pour notre table, montre les crocs à son arrivée, et recule de quelques pas vers moi. Mais d'après son attitude, cet homme ne me semble clairement pas menaçant. Je suppose que, après ce qui lui est arrivé, mon singe a simplement encore du mal à faire confiance aux hommes. Quant à moi, je note que, si le nouveau venu pose des questions sur mon compagnon, il a surtout les yeux rivés sur moi.
      Tout en caressant Zéi pour le mettre en confiance, je me tourne vers le nouveau venu, tentant de paraître aimable.

      - Vous êtes une voyageuse comme moi, je suppose. J'espère que vous appréciez cette ville. Pour ma part, j'aime voir ces gens joyeux partager une table, cela rend une soirée plus appréciable. Pour ma part, je suis seul. Je souhaiterai donc passer un peu de temps en bon compagnie, même si vous êtes déjà accompagnée.

      Déjà accompagnée...? Ah, Zéi.
      Je ne suis pas douée en badinage, et il parle tellement que je finis par ne pas trop savoir quoi lui répondre. Je finis par lâcher ma réponse en revenant à mon thé, ne sachant trop quelle attitude afficher.

      - C'est un saïmiri.

      Je savais déjà que je n'avais guère de conversation, mais là, je me surpasse. A ma décharge, il faut dire que j'ai grandi dans une demeure où une cinquantaine de personnes vivaient sans qu'il n'y y ait plus d'une douzaine de conversations échangées par an. Et récemment, ma seule compagnie a été Zéi, dont l'égocentrisme et le caractère exclusif suffit à me distraire.
      Mais quelque chose me dit que ce Jack Wistman n'a pas dit son dernier mot. J'ai l'impression d'être assise à côté d'un mur irradiant de confiance. Le genre d'individu avec lequel j'ai vraiment du mal, pour tout dire. Je me sens presque soulagée d'entre les crachotements menaçants de Zéi, qui a repris son poste sur mon épaule pour défier l'inconnu. Je n'affiche rien, mais je suis aussi méfiante que mon singe. Sa carrure et son allure me laissent penser que ce Wistman est dans la marine, même je ne vois pas de preuve flagrante. Peut-être est-il en congés? Je n'y connais rien à leur système....

      En évitant de le regarder dans les yeux, je bois encore du thé tout en notant le moindre de ses gestes, je tente de décoder son attitude comme Yue You m'a appris à le faire. Mais quelque chose me dit que je vais avoir besoin d'un autre service d'eau chaude avant de comprendre cet individu et ce qu'il a dans la tête...



      Dernière édition par Xia He Wei le Mer 2 Sep - 9:19, édité 1 fois
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      « Plus bête qu'un gorille, plus têtu qu'un âne et plus fidèle qu'un chien... Jack arrêtes de vouloir refaire l'arche de Noé... »



      Un saïmiri?


      L'Homme regarde le singe d'un air intéressé. Il en a vu des choses en mer, beaucoup, mais il reste encore un grand nombre de trésors à découvrir. Ce singe par exemple est plutôt "drôle" et "intelligent" semble-t-il. Il s'accorde une petite seconde à regarder l'animal, se touchant le menton de sa main gauche et gardant son grand sourire. Négligemment, il fouille dans sa poche droite. Jack croit se souvenir qu'il lui reste quelques fruits exotiques séchés. Bingo. Il en saisit une pleine poignée. Ces petits disques colorés sentent bon et lui rappellent ses jours à naviguer: viande séchée, conserve et fruits secs. Il les pose sur la table sans rien dire ou penser, non sans en prendre un en bouche. Après tout, si ce saïmiri ne se dépêche pas, il n'en n'aura pas et vu qu'il en prend cela ne semble pas toxique. Les yeux du marin restent plein de bienveillance, bien que le petit monstre soit agressif. Quoi de plus normal que de vouloir défendre une aussi belle demoiselle. Si Jack avait été ce petit singe, il en aurait fait de même.

      Désormais, l'attention du Wistman se reconcentre sur cette créature exquise. Exquise... Rien que de penser ou prononcer ce mot, on le goûte et l'apprécie. Oui, cela convient parfaitement à cette femme selon Jack. Ne nous mentons pas, il y a une attirance sexuelle, cependant ce n'est pas la réelle motivation du bonhomme. Il voit une femme exotique et agréable. Parler avec elle ou tenter, cela pimentera sa soirée et lui donnera même l'occasion de faire une nouvelle connaissance. Jack est ainsi, il préférera toujours une bonne amitié à une relation torride d'un soir, bien qu'il ne crache pas dessus. Pour le moment, la froide dame est en retrait. Jack essaie de la regarder droit dans les yeux, comme il a coutume par chez lui. D'autant que ces yeux sont emprunts d'une intensité rare. Si l'on croit que ce sont les miroirs de l'âme, alors elle possède une rare beauté intérieure. Ce genre de chose ne fait que conforter le marin dans son entreprise.

      Sa gestuelle reste aussi ouverte, calme et détendue. Non loin, il y a une chaise. Il en profite pour s'assoir en disant:


      J'espère ne pas vous déranger, mais vous semblez avoir vu beaucoup de pays. J'aimerais vous écouter en parler un peu... Hum... Excusez-moi, comment vous appelez-vous?


      Oui, Jack tente une attaque rapide et audacieuse afin de continuer la conversation. Jusqu'à présent, sa cible ne dit pas non, pas plus qu'elle n’acquiesce. Il se demande seulement où se trouvera le point de rupture. Néanmoins, dès lors qu'elle se mettra à parler et qu'il commandera une bière, cela sera sa première victoire. Non pas qu'il cherche à la séduire, il cherche à la faire sortir de sa coquille. Le marin veut profiter d'une agréable compagnie durant ces prochains jours ou au moins durant cette soirée. la première étape reste avant toute chose qu'elle lui donne son nom. Après tout, lorsque l'on échange son nom avec quelqu'un c'est un pas de plus vers l'intimité ou tout du moins un échange plus élaboré que "bonjour, merci et au revoir."

      Jack compte bien réussir à nommer l’œuvre d'art se tenant devant lui. Il en va de sa fierté d'homme et d'un désir impétueux. Le sourire se renforce encore plus. Il irradie. Après tout, face à une sublime femme lunaire, il faut un soleil la mettant en valeur. L'ardeur de Jack est à la hauteur de sa bouille sympathique. Pauvre demoiselle, vous avez affaire au pire gredin des mers. Il est plus collant qu'une sangsue, plus inarrêtable que la charge d'un rhinocéros et plus innocent qu'un chaton. Elle doit avoir des nerfs d'acier pour résister ainsi à Jack, ou une idée derrière la tête.




        Je peux résister à beaucoup de tortures différentes. Certes le poison ne me fait pas grand-effet, mais j'ai déjà été entraînée à supporter les coups, les blessures à l'arme blanche et même les brûlures et électrocutions. Mais là, face à ce Jack Wistman, je me sens comme un félin dans de l'eau chaude.
        Mal à l'aise avec une envie de quitter cette situation au plus vite.

        Psychologiquement, j'ai du mal à le cerner. Enfin, j'ai certes une idée de profil qui colle, mais elle est tellement stéréotypée que je refuse presque de la confirmer. Heureusement, j'ai quelques secondes de répit lorsqu'il tente d'appâter Zéi avec des fruits secs. Mon singe est peut-être le plus méfiant du monde, mais apparemment, son estomac est son point faible. Il a terminé ceux qu'il a pu trouver dans mon plat, et il regarde déjà avec concupiscence ceux de notre invité, et je devine qu'il réfléchit au meilleur moyen de s'en emparer sans trop s'approcher de l'homme. Et pourtant, il continue de grogner et crachoter pendant tout ce temps. La présence de cet homme semble ne pas lui plaire du tout, même lorsque Jack reporte son regard sur moi.

        Une chose m'intrigue. La plupart des gens ont toujours une réaction normale, qui est de ne pas être capable de fixer trop longtemps un regard. Généralement, c'est une question de gêne, dissimulée sous de la politesse. Pas cet officier, ou peu importe ce qu'il est. Il me regarde droit dans les yeux sans se cacher, sans une once d'embarras dans le regard. Et je me pose encore plus de questions à son sujet. Sa confiance en lui irradie, et je ne comprends toujours pas ce qu'il me veut. Ma main n'a pas lâché mon tessen. Je ne fais jamais confiance, et selon moi, cet homme a quelque chose de dangereux que je n'identifie pas.

        - J'espère ne pas vous déranger, mais vous semblez avoir vu beaucoup de pays. J'aimerais vous écouter en parler un peu... Hum... Excusez-moi, comment vous appelez-vous?

        Une interrogation banale pour obtenir une information sur moi. Zéi gronde encore plus lorsque Wistman s'adresse à moi, l'air de penser qu'il m'agresse.
        Moi, je réfléchis à toute vitesse. Un marine en mission peut-être? Il  n'a pourtant rien à me reprocher, seule mon apparence serait une motivation pour son interrogatoire poli. Heng ne peut pas m'avoir retrouvée si vite non plus. Un de mes assassinats où j'aurais commis une erreur alors? Quoiqu'il en soit, la situation me déplaît. Sans cette foule, j'aurais peut-être déjà tué cet étranger, juste parce qu'il est trop insistant et curieux. Dans mon clan, on tuait pour bien moins que ça. Parfois, seul le fait de nous avoir vu était fatal.
        Cette pensée me fait prendre conscience que j'ai sûrement perdu de mes habitudes. Je suis là, à manger l'un des plats les plus gras de ma vie à la vue de tous dans un endroit bondé qui pourrait se révéler être un traquenard. Mon mode de vie a bien changé depuis quelques mois. Avant, toute ma vie tournait autour du prochain assassinat à commettre. Mais aujourd'hui, tout n'est que recherche d'indices pour retrouver Heng, et trouver de quoi nourrir Zéi. Et je ne suis plus ma routine journalière aussi fidèlement qu'avant, que se soit pour le sport ou la nutrition.

        Zéi, ayant reculé après avoir récupéré un abricot sec, pose sa patte sur mon bras, un geste inconscient pour se rassurer. Il me fait penser que ma nouvelle situation ne me déplaît pas. Je ne me sentirais pas libre tant que je n'aurais pas tué Heng, mais au moins, je vis une vie.

        En fait, pendant toutes ces pensées, à peine une poignée de secondes se sont écoulées, mais entretemps, j'ai décidé du sort de Jack Wistman. Lorsque je me tourne vers lui, j'ai toujours mon attitude placide, mais je le regarde, moi aussi, ne me laissant plus gêner par ses yeux inquisiteurs, de la même façon que j'ignorais les regards meurtriers de mon frère.


        - Je m'appelle Xia He. Et je voyage pour la première fois hors de mon île natale.


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