La chaleur du bol rempli d'eau bouillante et d'un soupçon de thé vert me réchauffait tendrement la paume des mains, siégeant sur mon lit d'hôpital, adossée contre l'oreiller moelleux et délicat posé contre le mur. J'avais dormi pendant une semaine et je ne m'étais finalement réveillée que hier. Suite à une journée et une nuit entières de douleurs sourdes et de sueurs froides, à la fois paralysée mais parcourue de spasmes incontrôlés et donc maintenue par des sangles, je commençais peu à peu à retrouver des sensations dans mes membres endoloris aléatoirement secoués par des tremblotements symptomatiques. A l'approche de l'aurore j'avais eu le droit à l'un de ces contrôles réguliers des sympathiques infirmières délivrant systématiquement une dose adéquate de morphine pour trop m'éviter de souffrir et ce n'était que désormais que celles-ci semblaient réellement être effectives.
- Est-elle réveillée ?
Affairée à diverses tâches d'aide soignante, la jeune femme au visage tendre et rond, à la tenue blanche des ballerines jusqu'au bandeau emblématique vissé sur le crâne lève un sourcil inquisiteur tout en se redressant pour maintenir un contact visuel avec mon visage circonspect.
- L'autre femme...
- Son état est stable.
Une sorte de secret médical, peut-être une clause du serment d’Hippocrate qui veut que le personnel infirmier ne divulgue jamais la réponse adéquate mais à la place quelque chose de flou et d'inefficace, me désobligeant à une forme de frustration extrême. Je peux alors lui sortir ma carte secrète, jouer sur mon atout mais mettre en avant par là la possibilité de perdre le face, que mon coup de poker se retourne soudainement contre moi. Il me faut savoir, elles ne doit pas se réveiller, elle ne me laisse aucun choix.
- Je suis sa fille. Annabella Sweetsong. avoué-je tout en reposant le bol délicatement sur le plateau-repas.
La jeune femme dévoile soudainement un air béat, la bouche involontairement ouverte dans une expression stupide et interdite mal dissimulée. Malgré ma haine envers ma génitrice, je me devais bien souvent de faire face à nos ressemblances physiques qui la faisaient ressembler à une version plus vieille de moi-même et bien que mes cheveux aient perdu de leur superbe dans leur mutation blanchâtre, n'avais-je les mêmes traits ? Alors ce second argument frappe l'infirmière comme une seconde claque alors qu'elle me reluque et se rend compte de la véracité de mon propos.
- C'est... c'est... Elle...
- Prenez votre temps, après tout, ma mère est peut-être dans le coma et je n'en sais rien, ce n'est pas si important. la pressé-je, le ton empli d'ironie et d'amertume.
Lentement, les doigts crispés par le contrecoup de la bataille et du coma qui s'en était suivi, je déplace la couverture le long de mes jambes nues pour me découvrir du drap de soie qui me recouvre de sa chaleur bienfaisante. Alors je pivote pour balancer ces mêmes membres mous et apathiques par-dessus la rambarde de la couche médicalisée et rencontrer avec la plante des pieds le froid glacial du carrelage.
- Je veux voir ma mère.
- C-c'est... c'est...
Elle ne termine pas sa phrase, embarrassée, inutile, elle ne sait quoi dire, elle n'a probablement jamais eu à gérer ce genre de situation. Comme je l'avais deviné et anticipé si facilement, elle abandonne finalement sa fausse éthique pour me libérer la voie et m'escorter à contre cœur dans les couloirs immaculés de l'établissement. Le pas d'abord incertain, lent et trébuchant, avec de l'entrainement, avec la réhabilitation usuelle de la cheville, du talon, des muscles de la jambe, la douleur finit par abdiquer petit à petit pour me permettre de marcher sans assistance. Après avoir dévalé une volée de marche nous amenant à un niveau inférieur du bâtiment, mon regard se pose fugacement sur une pancarte indiquant le service vers lequel nous nous rendons. Dissimulant avec peine la joie qui m'envahit, je me rassure en lisant et relisant intérieurement les quelques mots inscrits qui m'envoient machiavéliquement ravie.
"Service de Réanimation Médicale"
- Est-elle réveillée ?
Affairée à diverses tâches d'aide soignante, la jeune femme au visage tendre et rond, à la tenue blanche des ballerines jusqu'au bandeau emblématique vissé sur le crâne lève un sourcil inquisiteur tout en se redressant pour maintenir un contact visuel avec mon visage circonspect.
- L'autre femme...
- Son état est stable.
Une sorte de secret médical, peut-être une clause du serment d’Hippocrate qui veut que le personnel infirmier ne divulgue jamais la réponse adéquate mais à la place quelque chose de flou et d'inefficace, me désobligeant à une forme de frustration extrême. Je peux alors lui sortir ma carte secrète, jouer sur mon atout mais mettre en avant par là la possibilité de perdre le face, que mon coup de poker se retourne soudainement contre moi. Il me faut savoir, elles ne doit pas se réveiller, elle ne me laisse aucun choix.
- Je suis sa fille. Annabella Sweetsong. avoué-je tout en reposant le bol délicatement sur le plateau-repas.
La jeune femme dévoile soudainement un air béat, la bouche involontairement ouverte dans une expression stupide et interdite mal dissimulée. Malgré ma haine envers ma génitrice, je me devais bien souvent de faire face à nos ressemblances physiques qui la faisaient ressembler à une version plus vieille de moi-même et bien que mes cheveux aient perdu de leur superbe dans leur mutation blanchâtre, n'avais-je les mêmes traits ? Alors ce second argument frappe l'infirmière comme une seconde claque alors qu'elle me reluque et se rend compte de la véracité de mon propos.
- C'est... c'est... Elle...
- Prenez votre temps, après tout, ma mère est peut-être dans le coma et je n'en sais rien, ce n'est pas si important. la pressé-je, le ton empli d'ironie et d'amertume.
Lentement, les doigts crispés par le contrecoup de la bataille et du coma qui s'en était suivi, je déplace la couverture le long de mes jambes nues pour me découvrir du drap de soie qui me recouvre de sa chaleur bienfaisante. Alors je pivote pour balancer ces mêmes membres mous et apathiques par-dessus la rambarde de la couche médicalisée et rencontrer avec la plante des pieds le froid glacial du carrelage.
- Je veux voir ma mère.
- C-c'est... c'est...
Elle ne termine pas sa phrase, embarrassée, inutile, elle ne sait quoi dire, elle n'a probablement jamais eu à gérer ce genre de situation. Comme je l'avais deviné et anticipé si facilement, elle abandonne finalement sa fausse éthique pour me libérer la voie et m'escorter à contre cœur dans les couloirs immaculés de l'établissement. Le pas d'abord incertain, lent et trébuchant, avec de l'entrainement, avec la réhabilitation usuelle de la cheville, du talon, des muscles de la jambe, la douleur finit par abdiquer petit à petit pour me permettre de marcher sans assistance. Après avoir dévalé une volée de marche nous amenant à un niveau inférieur du bâtiment, mon regard se pose fugacement sur une pancarte indiquant le service vers lequel nous nous rendons. Dissimulant avec peine la joie qui m'envahit, je me rassure en lisant et relisant intérieurement les quelques mots inscrits qui m'envoient machiavéliquement ravie.
"Service de Réanimation Médicale"