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Les vieux briscards.


Giah... Fou... Foutredieu... Giah-ah...

Horrible est la sensation pour le malheureux soiffard que je suis, que le réveil après des semaines intensives de beuverie. Le caberlot mis en vrac par les litres de gnoles descendu, les mirettes qui flanchent, l'image qui tangue comme une nuit de tempête sur Grand Line. Si l'idée était de me faire dégobiller, c'était réussi. J'ouvre grand l'accroche-pipe et dégorge l'immonde calotin avalé ces derniers jours. Pasquedieux ! Me voilà fort soulagé désormais. J'ai comme un douloureux poids sur la besace qui s'envole et m'allège subitement, me faisant retrouver de la couleur. C'est que j'en ai la peau blafarde à me biturer la trombine sans prendre la peine de décuver quelques heures. Pour un bibard, coincer la bulle, ça n'existe pas. C'est comme demander à un bricabracologue de ne pas acquérir la dernière bastringue de valeur sous-prétexte qu'il a trop claqué cette semaine.

Par ma barbe... Quel est cet endroit... ?

Du bois. Je commence à le sentir maintenant que j'immerge de mon sommeil, j'étais affalé sur une table en satte. Cadavres de barriques, de tonnelets et quelques godets jonchent le sol et la table autour de moi. On dirait que la nuit fut bien arrosée. Ma dextre s'empare d'un des baquets et le porte à mes lèvres, rien ne coule. Vide. Mildiou ! Je balance le bachot inutile dans mon dos, dépité. Je cane la pégrenne, j'ai du coton dans la corgnole et je ne sais pas où je suis. Où sont mes compagnons de mésaventures ? La Cloque, l'Aristo ? Pas une trace de leurs sales trognes de cul-terreux ! Je grogne, blanc de rage. S'ils ont eu la mauvaise idée de m'abandonner dans ce trou perdu, ils vont le regretter ! D'un bond, je me redresse sur mes guibolles qui n'attendent pas mon consentement pour flancher et ma carcasse embrasse le coin de la table. Cette fille de joie se retourne sous mon poids et me retombe sur la calle.

Morbleu ! Sacrément fort ce tord-boyaux ! Giah-ah-ah-ah !

Il m'en faudra plus pour me claviner sur le plancher des vaches. Debout Balior, l'heure est venue de retourner au flottant ! Ce bon vieux Hollandais récemment barboté, j'espère qu'il ne lui est rien arrivé en mon absence ! Je mets le baigneur dehors. Nom d'une pipe en terre, c'est aussi désert qu'à l'intérieur ! Une ville à l'abandon ? Dans quel enfer ai-je bien pu foutre les paturons ?! Les bicoques menacent de partir en brioche, le silence règne en maître et pas une trace d'une piolle possédant encore un souffle de vie. J'ai envie de clamser. C'est quoi ce foutu enfer ?! J'avance, je me fiche de savoir où, j'allonge les cannes. Ce que je percute après coup, c'est l'endroit où mouille le rafiot. Avec le ventru à son bord, qui pionce en attendant notre retour, au Capitaine Baeteman et moi. Si seulement j'avais une foutue idée du trimin à suivre pour rejoindre la baille... Sale sensation que de se sentir seul sur une île dont on ne sait rien !

ET POURQUOI IL N'Y A JAMAIS DE TRIPOLI QUAND ON EN A BESOIN FOUTREBLEU ?!

Désespoir quand tu me tape dans la couenne, c'est moche pour les ardents. Du boucan sur ma gauche, on s'agite le lard tout proche, dans cette vieille baraque en ruines. Une masse se dégage des décombres bouchant  l'entrée, ma gniasse se décompose en reconnaissant le gaillard. Une épaisse armure, une longue bâfre grisâtre, un bourbon plus épais que mes miches, une redoutable masse dans la pogne. Lui ici. Je tombe sur le cul.

Spoiler:

Fouchtre ! J'aurais dû me douter qu'il n'y avait qu'un gougnafier de votre acabit, Blackness, pour provoquer un boucan pareil !
PAR TOUS LES DIABLES ! SALANZAR ! SALE RESIDU DE BASSE FOSSE ! JE
Avant de beugler à en réveiller les macchabées, vous pourriez faire l'effort de couvrir votre carcasse croupissante, c'est d'une immondice un tel tableau !
Giah ?

Qu'est-ce qu'il bave, le suce-cannelle ? Mes loques sont toujours sur moi comme à leur

TRIPLE DIEU ! NOM D'UNE PUTERELLE ! JE SUIS A POILS ! GIAH-AH-AH-AH-AH ! CHIENNE DE VIE !



    Cintrez-vous bien Blackness, vous vous fendrez moins le bol lorsque vous croupirez au fond d'une boite à fagots !

    Tseuh. Ce bâtard a un certain talent dans l'art de me pourrir la vie. Même ici, au milieu d'un patelin inhabité, il est là. Solidement ancré sur ses guibolles, les quinquets qui en disent long sur le sort qu'il me réserve. Maudits sois le jour où nos chemins se sont croisé. C'est un sacré chiard, lourdement équipé pour me passer le cabriolet aux poignets et me clouer au bignouf. Je lui ai déjà rentré dans le lard sur les Blues, il a fallu l'intervention de mes compères pour m'en dépatouiller. Cette fois, je suis seul. Cela tombe bien, lui aussi. Juste lui et moi. Deux barbons se raccrochant à ce monde s'apprêtent à se bosseler de la plus brutale des manières. Pas question de faire les choses à demi. Sois je lui arrache les boyaux pour lui faire gousser, soit il me dessoude la carcasse en petits morceaux pour les jeter à la baille. J'ai le regard qui change.

    Celui du bibon qui a le cafard dans le chou, prêt à utiliser les cales pour s'en sortir les couilles nettes, laisse place à un autre plus grave, conscient qu'il y a de fortes chances qu'il cane ici. L'instant de quelques petites secondes.

    GIAH-AH-AH-AH-AH ! QUE DAVY JONES MANGE SON PAIN A LA FUMEE EN LORGNANT CETTE BIGORNE ! QU'IL COMPTE LES COUPS DU FOND DE LA BAILLE, UN TONNELET DE RHUM DANS L'ARPION !  QU'IL ZYEUTE LA FACON DONT JE VAIS TE DEMANTIBULER TA SALE FACE DE SUCEUR DE ROUSTONS ! GIA-AH-AH-AH-AH-AH ! SALANZAR ! VIEILLE CAROGNE ! C'EST LA DERNIERE FOIS QUE TU VIENS M'EMMOUSCAILLER ! GIA-AH-AH-AH-AH-AH !

    Y'a une sacrée volonté d'éviscérer ce chien galeux qui monte en moi et me pousse à beugler si fort. Nom d'un ours bardache de Drum ! C'est foutrement bon ! Je me sens vivre ! Y'a longtemps que cela ne m'était pas arrivé ! La mouette n'a même pas pris la peine de me répondre, trop concentré sur la castagne dans laquelle elle vient de plonger. On y est. Dernière phase d'observation en chien de faïence. Je sors mes sabres, sa prise sur le manche de sa masse se resserre, le signal. Il gronde, je grogne. On se jette l'un sur l'autre. Deux mastodontes qui chargent, dévorés par la détermination d'en découdre. Un lourd impact, caberlot contre cabochon renforcé à l'acier. J'bronche pas, commence à être rôdé. J'enchaîne, furibard. Le tranchant de mes lames fendent l'air, ricochent sur son armure, y laissent deux belles traces.

    Sa trogne vire à la surprise, il se souvenait pas de moi si rapide, si fort. Je profite pour lui en coller une dans les clapoirs. Touché. Sa beigneuse encaisse mal le chtar, il vacille vers l'arrière, je termine de l'amener au sol en lui secouant la couenne du plat de la collante.

    Giah-ah-ah ! La place d'un Grognard est sur les mers, celle d'un pendard de ton espèce est sous la terre !

    Je lève haut la pointe de mon sabre pour mieux la rabattre sur Salanzar, encore affalé sur le casaquin, à ma merci. J'en ai terminé avec ce pédéraste !


    *WOOOOF*


    Le son émit par une arme lourde qui balaie la terre d'une trajectoire circulaire. Pierres, brindilles, poussière, tout y passe. Alors une paire d'artous vieille d'une soixantaine d'années...

    Par Saint-Couillebeau ?!

    Une lourde galtouse, cafetière la première, je me mords la babillarde dans mon malheur. Le marasquin emplit ma bonbonnière. Je l'ai pas vue venir ce coup-là, il vient de me faucher les guibolles avec sa maudite arme ! Ce sale parasite ne calanchera donc jamais ?!


    Dernière édition par Balior Blackness le Mar 29 Déc 2015 - 16:48, édité 1 fois

      Cette fois Blackness, vous ne déroberez pas à votre sort. Vos compagnons ne viendront pas vous sauver les miches ! Vous ne prendrez pas la tangente ! C'est ici que s'arrête votre carrière de flibustier !
      Ma carrière... ?! MA CARRIERE ?! TRENTE ANNEES DE MALHEUR A ME GNOLER LA TROMBINE, A GRAILLER DANS LES POUBELLES ! A SCIAGER LE LARD DE TOUS LES COUILLONS DE GALURINS QUI ME MANQUAIENT DE RESPECT ! MA CARRIERE NE VAUT PAS PLUS QU'UN COFFRE REMPLI DE CAILLES ! MA CARRIERE, C'EST ICI QU'ELLE PREND VIE ! JE SUIS LE CAPITAINE  DES GROGNARDS, BALIOR BLACKNESS !


      Et ce titre, ni cet enfant de chienne, ni aucun autre résidu de basse fosse ne viendrait me l'arracher. C'est qu'il m'a foutu furax le salopard ! La bave voltige tout autour de moi pendant que je gueule comme un porcin ma haine au monde entier. Ma pâle basane vire au vermillon. Mes pognes se resserrent, ma vieille carcasse tremble tandis que le sang me bout. Le mode furax, à l'ancienne. J'accole mon adversaire, il se prépare à me pesigner. Je mire sa masse prendre du recul, s'élever de quelques centimètres au-dessus de son pingre. Rien à foutre de son bibelot à déglingue de forbans. Je suis un Grognard, je passe outre. Rendu tout proche, l'action se déroule plus vite qu'un soiffard descend une barrique de tafia. Sa masse fuse droit sur mes ratiches, se heurte à l'acier de mes flambants mis en opposition.

      Gerbe d'étincelles, choc violent. Mes flambes se brisent et la matraque grosse comme mon brandon continue son funeste chemin. S'écrase avec une rare violence sur ma trognasse de furibard. Vert de colère, je cague sur la douleur. C'est pas le seul à toucher au but. Solide sur mes appuis du peu que cela va durer, gandillon semi-fléchi, je lui cale une châtaigne remontant direct dans la mâchoire de ce salopard. Au final, les deux impacts se font quasi en simultanée. Il a juste un peu d'avance, ce qui m'envoie bouler le premier dans le décors. La façade de l'épicerie cède quand je me gaufre dessus et me voilà qui disparaît à l'intérieur, dans un bahut à en réveiller les allongés. L'image flanche, tout comme ma conscience. Y'a une rage plus forte encore qui demande à sortir, qui castagne à l'intérieur. Quelque chose de sauvage.

      Je connais cette sensation. C'est la même que j'ai ressenti lors de la bigornepour le Hollandais. J'aime cette sensation... C'est maintenant que tu te décides à pointer le naseau, le bestiau ? Eh bien... tu arrives comme marée en carême !

      Giah-ah...Giah...hngh...grrrrO... ROOOOOOOOOOOOOOOMPF !
      Spoiler:

        Le Sergent d'élite Salanzar Marchall, surnommé ''Tape la Masse'' dans le milieu, s'était vu confronter à un nombre de flibustiers incalculable dans sa longue carrière au sein de la Marine. Et si il n'était pas parvenu à tous les arrêter, une partie occupés les froides cellules à travers les blues grâce à lui. Tous plus dérangés, violents, sanguinaires, égocentriques les uns que les autres, des êtres détestables, détestés et qu'il valait mieux mettre hors d'état de nuire avant qu'ils amassent la puissance et la richesse nécessaire à leurs projets démentiels. Il en avait livré des batailles aux côtés du Lieutenant Epic Fail et de son cher frère Matthew. Des duels à n'en plus finir dans lesquels il avait mis sa vie en jeu à chaque instant pour prendre le dessus sur son adversaire. Il pensait sérieusement avoir tout connu, déjà tout vu. Jamais il ne s'était imaginé tombé sur un forban de l’acabit de ce Balior Blackness. Son métabolisme semblait carburer à la gnôle, ses actes dictés par une détermination déconcertante à vouloir prouver son existence à la face du monde. Et cette façon agaçante d'agir en parfait suicidaire...

        Comme ici, alors qu'il venait de lui fracasser sa masse sur la carafe, ce dernier semblait avoir délibérément encaissé le coup pour mieux lui décocher ce coup de poing venu des enfers. Si le pirate soixantenaire avait sacrément morflé et même valdingué dans une bâtisse, son acte suicidaire avait fort bien payé. Le menton du Sergent d'élite avait claqué sous l'impact, quelques dents avaient sauté, et la trogne avait suivi le mouvement remontant du coup. Le corps massif alourdi par la couche de métal porté s'était vu décoller du sol pour mieux retomber lourdement quelques mètres plus loin. Allongé sur le dos, groggy, le sang s'échappant de ses lèvres,  Tape la masse ressentait l'effet désagréable que ressentait ordinairement ses cibles quand il les cognait de son arme. L'impression que la terre s'était retourné sur lui-même et qu'une enclume de la taille d'un rafiot de guerre venait de lui tomber sur le museau. Son casque avait sauté de son crâne dégarni, l'hémoglobine souillait sa longue barbe tandis qu'il tentait en vain de reprendre ses esprits.

        Il commençait à croire que ce boit-sans-soif de malheur aurait sa peau finalement... Impossible ! Il se gifla mentalement pour cette pensée faible. Jamais il ne quitterait ce monde de la sorte, pas maintenant, il ne le pouvait pas ! Il força sur ses guibolles pour se redresser, prenant appuis sur le bec de sa masse, le regard rivé sur le trou béant dans la vieille épicerie abandonnée. Un sourire satisfait le prit en constatant que tout aussi robuste qu'était Blackness, il ne s'était toujours pas remis de leur dernière accolade. Bien, il ne restait plus qu'à lui passer le fer aux poignets et à le ramener au navire. En espérant que le Lieutenant Fail et ses hommes soient parvenu à capturer le reste de l'équipage Grognards. Il ne se faisait aucun doute quant à la réussite de son beau-frère, ce ne serait qu'une formalité pour lui.

        ROOOOOOOOOOOOOOOMPF !
        Par tous les saints...

        Ce cri plus proche du beuglement animal que d'un son émanant d'une voix humaine venait de percer du fond où était supposé l'attendre la carcasse endolori du boucanier. S'il n'avait aucune idée de ce qui pouvait bien se tramer à l'intérieur, il n'aimait d'avance pas cela. L'inconnu aurait suffit à faire fuir un jeune bleu, mais pas le vieux Salanzar. Intrépide, il bascula sa masse sur son épaule et tacha de s'avancer vers le danger. Le même beuglement retentit alors, une masse sombre aux proportions énormes s'extirpant par l'embrasure. Les quinquets du fier marine s’agrandirent à en menacer d'exploser. Face à lui, une bête approchant du bovin, un taureau ? Elle devait bien faire trois mètres si ce n'était plus. Une paire de corne occupait les flancs du front, une longue crinière de poils grisonnant entouré sa gueule menaçante. Des muscles massifs, la bête se dressait sur ses deux sabots. L'autre paire de jambes servait finalement de bras, et se terminait par trois sabots remplaçant les doigts.

        Tu n'es pas...

        Il coupa sa phrase au beau milieu, ne pouvant accepter l’hypothèse saugrenue à laquelle il venait de songer. Cette bête, quoi qu'elle soit, n'était pas une légende. Le Minotaure n'existait pas, or ce qu'il avait là était bien réel, en témoigne le souffle chaud et légèrement nauséabond qui se dégageait de sa gueule. Détournant le visage un instant, toussant, il déclara d'un air écœuré.

        Ventrebleu... c'est infect... !

        La bête aux allures de bœuf géant hurla au faciès du marine, répandant un flot de bave sur ce dernier, avant que son bras massif ne le fauche au flanc droit et ne l'éjecte au loin comme une vulgaire brindille... Réception douloureuse avec le plancher des vaches, l'adrénaline du moment et sans doute un fort instinct de survie poussèrent le Sergent à se remettre immédiatement sur ses pieds, en position défensive. L'armure était sévèrement enfoncée au point d'impact, témoin de la violence de l'assaut. Son porteur respirait avec difficulté, le souffle encore coupé, acceptant l'idée qu'il venait de perdre quelques côtes et que ce ne serait pas les dernières...

        Tudieu... une telle irascibilité... Blackness sans aucun doute !

          On pourrait croire qu'avec une telle masse, l'animal serait lent, facile à prendre de vitesse. On pourrait le croire oui, et finir écrasé sous l'un de ses lourds sabots. Sous-estimé l'adversaire n'est pas le genre de Salanzar Marchall, pour autant ici cela n'aurait servi à rien. Quand cette chose vous a dans le collimateur, rien ne lui fera lâcher le morceau. D'autant plus lorsqu'il a la fâcheuse tendance à systématiquement vouloir se relever après avoir été frappé. Cela revient à déclencher le jeu de qui cédera le premier, l'avantage cette fois étant au flibustier transformé en bovin enragé. Buffle qui revient à l'assaut d'une manière fracassante. Il bondit haut, retombe avec lourdeur au sol qu'il fissure à l'atterrissage, et frappe fort de ses sabots joints en beuglant comme un sourd. Subtilité. Le Sergent a tout juste le temps de bondir en arrière, de retomber sur ses pieds que déjà, son bourreau lui tombe dessus et le heurte d'un coup frontal redoutable. Ses cornes transpercent son armure mais la violence du coup ne permet pas qu'elle s'enfonce de trop dans la chair.

          A la place de quoi, il joue une seconde fois l'homme volant est retourne sèchement au sol, déclenchant un tourbillon de poussière à la retombée. Il n'attend guère longtemps pour se redresser, désireux de retourner se confronter à l'ennemi. Une détermination de fer, une justice implacable, une armure et une masse, tel est ce qui incarne le Sergent d'élite Salanzar Marchall. Tomber sous les coups d'un bœuf géant entraîné dans une furie interminable ? Jamais. Pourtant. Il est déjà de retour, le furieux bœuf géant. Cette fois, il n'aura pas le temps de frapper, que l'incarnation de la justice lui propulse avec toute la force dont il dispose encore, le bout de son arme dans le museau. L'hybride est fauché en plein élan, dévié brutalement de sa trajectoire, et voit sa course se terminer la gueule la première dans la terre. Le marine aurait bien voulu enchaîner, mais il en a plus la force. Son corps souffre des précédents chocs, sa chair saigne des différentes plaies, son bras avec lequel il vient de cogner n'en est pas ressorti indemne.

          Ce qui rend l'affrontement compliqué outre la différence de puissance évidente entre les deux, c'est la colère sourde qui anime la bestiole. Elle se contente de charger dans le tas, sans stratégie, sans repos, sans crainte d'être contrée. Elle veut faire mal, écraser, broyer, tuer. Ne s'arrêtera pas avant d'avoir éparpillé les membres et les pièces d'armure de son opposant aux quatre coins de la ville. Situation désespérée dans laquelle aucune échappatoire autre que la mort semble se proposer. Les traits du vieillard crispé par la douleur et la fatigue se détendent, il sourit, amusé. La Justice triomphe toujours du mal qu'on lui disait lorsqu'il a signé en bas à droite le jour de son enrôlement dans la marine. Engagez-vous, luttez contre ces affreux forbans, ces exécrables criminels et ces infâmes révolutionnaires qui pullulent sur nos terres. Rejoignez nos rangs et participez à la grande purge. En plus de quarante années de bons et loyaux services, il avait largement contribué à la lutte éternelle du bien contre le mal.

          Et finalement, c'était ici, sur cette île à l'entrée de la Route de tous les Périls, que prendrait fin sa mission.

          Il l'acceptait.

          Et tandis que les pas imposants de la bête frappaient le sol, que son énorme carcasse velue et débordant de haine se rapprochait à grandes enjambées, il s'accorda un dernier baroud.

          Exténué, il trouva la force de brandir haut sa masse.

          Même dans les derniers instants de sa vie, il n’éprouvait aucune peur face à la mort. Il la défiait avec tout ce qu'il avait, de tout ce qu'il était.

          Maudis soit la catin qui vous a engendré, Balior Blackness, Capitaine des tristes Grognards ! MAUDIS SOIT VOTRE EQUIPAGE DE GOUGNAFIERS ! MAUDIS SOIT LE DEMON QUI VOUS HANTE ET VOUS DONNE CETTE FORCE !
          ROOOOOOOOOOOOOOOMPF !


          Le buffle déboulait avec des dizaines de mètres d'élan et un poids conséquent accentué par cette course. Cornes en avant, aveuglé par la rage. Salanzar propulsa son arme fétiche une dernière fois à l'encontre de la monstruosité. De toute sa force. De tout son cœur. De toute sa détermination. De tout. L'impact ne fut pas violent, brutal. Il fut destructeur. Une onde de choc se relâcha, ayant les deux assaillants pour épicentre. Destructeur. L'armure et la masse du gaillard de la marine d'élite semblèrent imploser, volant en une multitude de morceaux tout autour de la zone. Destructeur. Balior comme Salanzar furent repoussé et tous deux se partagèrent les dommages. Seulement l'un d'entre eux trouva l'énergie de se redresser. L'autre gisant au sol, inconscient. Mi homme, mi buffle, le Capitaine Grognard se relevait, incapable pour autant de n'avoir qu'une once de conscience de ce qu'il faisait. Seule la bête avait le contrôle. Elle s'avança, un pas après l'autre, jusqu'à la dépouille de son vis-à-vis.

          ROOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOMPF !

          Un beuglement triomphant claqué à la barbe du vaincu, le faciès inanimé de la mouette à quelques centimètres de la gueule grande ouverte du bestiau géant. Maintenant venait la mise à mort. Sans hésitation, il fit s'abattre son trio de sabots sur la bobine du perdant.

          Une première fois. Le nez se fracassa, une arcade sourcilière céda.

          Une seconde fois. Les mâchoires se brisèrent, quelques dents supplémentaires tombèrent.

          Une... Quelque chose n'allait pas. Comme un soudain élan de fatigue, un coup de mou. Le bras de la bête retombe mollement le long du corps tandis que toute sa silhouette semble diminuer à des proportions plus humaines.

          De retour aux commandes est Balior Blackness. De retour, mais complètement crevé, et de nouveau nue. C'est embêtant. Il mire un instant la dépouille du vieux marine, avant de s'en détourner et de quitter tant bien que mal les lieux. Direction la plage, et le Hollandais.

          Giah-ah...