C’est un doux drap de coton blanc. Le corps s’y love, les joues s’y réchauffent et l’esprit s’y endort. C’est un doux drap de coton blanc duquel le Monstre aimerait y rester pour ne plus en bouger. Mais l’esprit est retord et l’âme trop vivante. Alors les paupières s’ouvrent, lentement, et la douceur du coton se fait endurcir, pour devenir violente, douloureuse, piquante. Chaque muscle du cachalot se réveille avec son lot de douleurs. Sa gueule crache les grains de sable, ses narines morvent la crasse, ses genoux se replient, les muscles durs comme de la pierre. Lorsque sa main se pose sur le sol pour tenter de soulever le reste du corps, il est si surpris par son poids qu’il se renfonce la gueule dans le sable.
Il se demande un instant si il ne devrait pas rester ainsi, comme un con, à écouter le clapotis des vagues, cette douce odeur de la mer qu’il aime tant. Son nez hume l’air marin, celui des algues, du sel, de l’air iodé et des crustacés. Cet air-là, c’est l’air de la vie qui lui redonne le sourire, lui fait oublier un court instant l’horreur du corps abimé et lui redonne la force de se soulever. Il s’appuie sur ses deux mains et d’un geste lent, à la limite du ridicule, en prenant bien des étapes, il réussit à se lever.
Ses yeux sont de trop mangés par le sable pour voir quoi que ce soit, alors il se repère au son. Au son et à la douleur aussi. A peine demande-t-il son Mantra qu’une immense vague de douleur et de peur l’envahit. Tout autour, c’est une tombe à ciel ouvert.
La plage n’est plus qu’un immense cercueil.
Les souvenirs reviennent, flous. Il y a ceux d’une tempête incroyable, plus dure et plus longue que toutes celles qu’il a connu. Il y a les vagues immenses, violentes, tueuses. Le bateau qui craque, les enfants qui pleurent et le cœur qui se serre. Il y a les heures qui passent et sa lame qui détruit les vagues de mort. Il y a la fatigue qui vient mais l’esprit qui tient. Mais il y a encore d’autres heures, d’autres jours. Il y a des semaines sans dormir et puis… le corps qui lâche.
Oh le corps, ce n’est maintenant pus qu’un tas d’os décharné là où la graisse et le muscle lui donnaient un air si imposant. C’est comme si tout le superflus s’était vidé pour laisser des bras squelettiques avec les veines ressorties, immondes, le ventre gonflé par la malnutrition et les joues d’habitude si grosses creusées par la faim.
A cette heure, il ne sait pas sur quelle île ils ont pu s’échouer. Le Monstre entend des cris, des râles. Ils proviennent de tous coins de l’immense plage. Au loin, ses deux yeux croient apercevoir ce qu’il reste du bateau, coupé en deux. Ce n’est plus qu’un énorme bout de bois sans vie, lui qui pouvait accueillir plusieurs centaines d’hommes et femmes.
Ici, la plage a changé d’air pour colorer le sable d’un rouge carmin. Ici, des centaines de taches noirâtres parsèment le sol comme autant de corps abîmés, échoués par la mer.
Le Monstre sent quelque chose à son pied. C’est la main d’un homme, allongé sur le sol, qui plein d’espoir vient gratter du réconfort au pied du Monstre. Du réconfort, parce que de pied, l’homme en a perdu deux. Son corps est coupé net, au bas des fesses, et tout le sang perdu qui transforme le sable en une couleur immonde, tout ce sang donne à l’homme une gueule de mort.
Ishii pleure. Des larmes coulent le long des joues du Monstre pour tomber et venir rafraichir la gueule du presque mort. La main du monstre se perd sur le fourreau de son épée pour la sortir ; C’est étrange mais la sentir encore là, présente après tout ça, la sentir malgré l’usage, le sentir lui fait du bien. C’est comme une amère sensation de réconfort.
Ishii lève sa lame pour la faire virevolter dans les airs. La lame tourne et tourne encore, de plus en plus vite, sous les yeux affolés de l’homme incapable de fuir ; la lame va si vite qu’elle finit par faire jaillir des étincelles sous le choc du contact avec l’air. Soudain Ishii jette sa main pour venir percuter les fesses du blessé.
Un cri immonde vient réveiller les morts.
Lorsque les habitants de l’île arriveront sur la plage, bon nombre d’entre eux en perdront leur repas. Mais après l’horreur, une chaine de secours se mettra en place, désorganisée, souvent inefficace, mais pleine de cœur. Parce que du cœur, il leur en faudra. Les corps sans vie ne seront pas les pires. Il y aura ceux avec l’âme pleine de douleur, il y aura les mutilés, il y aura les veufs, orphelins. Il y aura tous ces gens-là et au milieu, le Monstre seul à s’en vouloir pour le malheur des autres. Quand il verra les premiers iliens arriver, tout son corps s’écroulera sur le sol, trop fatigué pour continuer.
Il se demande un instant si il ne devrait pas rester ainsi, comme un con, à écouter le clapotis des vagues, cette douce odeur de la mer qu’il aime tant. Son nez hume l’air marin, celui des algues, du sel, de l’air iodé et des crustacés. Cet air-là, c’est l’air de la vie qui lui redonne le sourire, lui fait oublier un court instant l’horreur du corps abimé et lui redonne la force de se soulever. Il s’appuie sur ses deux mains et d’un geste lent, à la limite du ridicule, en prenant bien des étapes, il réussit à se lever.
Ses yeux sont de trop mangés par le sable pour voir quoi que ce soit, alors il se repère au son. Au son et à la douleur aussi. A peine demande-t-il son Mantra qu’une immense vague de douleur et de peur l’envahit. Tout autour, c’est une tombe à ciel ouvert.
La plage n’est plus qu’un immense cercueil.
Les souvenirs reviennent, flous. Il y a ceux d’une tempête incroyable, plus dure et plus longue que toutes celles qu’il a connu. Il y a les vagues immenses, violentes, tueuses. Le bateau qui craque, les enfants qui pleurent et le cœur qui se serre. Il y a les heures qui passent et sa lame qui détruit les vagues de mort. Il y a la fatigue qui vient mais l’esprit qui tient. Mais il y a encore d’autres heures, d’autres jours. Il y a des semaines sans dormir et puis… le corps qui lâche.
Oh le corps, ce n’est maintenant pus qu’un tas d’os décharné là où la graisse et le muscle lui donnaient un air si imposant. C’est comme si tout le superflus s’était vidé pour laisser des bras squelettiques avec les veines ressorties, immondes, le ventre gonflé par la malnutrition et les joues d’habitude si grosses creusées par la faim.
A cette heure, il ne sait pas sur quelle île ils ont pu s’échouer. Le Monstre entend des cris, des râles. Ils proviennent de tous coins de l’immense plage. Au loin, ses deux yeux croient apercevoir ce qu’il reste du bateau, coupé en deux. Ce n’est plus qu’un énorme bout de bois sans vie, lui qui pouvait accueillir plusieurs centaines d’hommes et femmes.
Ici, la plage a changé d’air pour colorer le sable d’un rouge carmin. Ici, des centaines de taches noirâtres parsèment le sol comme autant de corps abîmés, échoués par la mer.
Le Monstre sent quelque chose à son pied. C’est la main d’un homme, allongé sur le sol, qui plein d’espoir vient gratter du réconfort au pied du Monstre. Du réconfort, parce que de pied, l’homme en a perdu deux. Son corps est coupé net, au bas des fesses, et tout le sang perdu qui transforme le sable en une couleur immonde, tout ce sang donne à l’homme une gueule de mort.
Ishii pleure. Des larmes coulent le long des joues du Monstre pour tomber et venir rafraichir la gueule du presque mort. La main du monstre se perd sur le fourreau de son épée pour la sortir ; C’est étrange mais la sentir encore là, présente après tout ça, la sentir malgré l’usage, le sentir lui fait du bien. C’est comme une amère sensation de réconfort.
Ishii lève sa lame pour la faire virevolter dans les airs. La lame tourne et tourne encore, de plus en plus vite, sous les yeux affolés de l’homme incapable de fuir ; la lame va si vite qu’elle finit par faire jaillir des étincelles sous le choc du contact avec l’air. Soudain Ishii jette sa main pour venir percuter les fesses du blessé.
Un cri immonde vient réveiller les morts.
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Lorsque les habitants de l’île arriveront sur la plage, bon nombre d’entre eux en perdront leur repas. Mais après l’horreur, une chaine de secours se mettra en place, désorganisée, souvent inefficace, mais pleine de cœur. Parce que du cœur, il leur en faudra. Les corps sans vie ne seront pas les pires. Il y aura ceux avec l’âme pleine de douleur, il y aura les mutilés, il y aura les veufs, orphelins. Il y aura tous ces gens-là et au milieu, le Monstre seul à s’en vouloir pour le malheur des autres. Quand il verra les premiers iliens arriver, tout son corps s’écroulera sur le sol, trop fatigué pour continuer.
Dernière édition par Ishii Môsh le Ven 15 Jan 2016 - 20:47, édité 1 fois