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Tenter le Diable

Mon premier contact avec Manshon m'avait grandement réjoui. Je marchais dans ses belles rues pavées avec la sensation de me sentir chez moi. Le luxe et le calme ambiant apportaient à mon âme de jeune provincial le sentiment d'être un animal enfui du zoo qui trouverait, après un haletant périple, un immense clan de ses semblables dans une vallée perdue.

Nous avions été conduits ici, Antonio et moi, à la suite d'une longue conversation par escargophone : mon ancien camarade d'études avait accepté de nous rencontrer tous les deux pour discuter affaires dans l'un des meilleurs restaurants de la ville.

Il fallait voir la devanture de l'établissement : le genre d'endroit que vous osez à peine regarder de peur qu'on vous dise qu'un simple coup d’œil soit payant. Là où vous amèneriez la fille que vous espérez séduire en claquant plusieurs mois de salaire pour votre petite soirée. L'homme que nous cherchions dînait dans ce genre d'endroit seul. Du moins habituellement.

Au moment où nous entrâmes dans le restaurant, j'aperçus, assise à la table de mon ami, une belle femme, dans la quarantaine, mais ayant conservé tous les attraits de ses jeunes années, habillée de manière faussement simple, d'une étoffe luxueuse qui épousait parfaitement ses formes encore admirables et d'un collier d'argent dont le minimalisme n'otait absolument rien à la valeur certaine.

En face, un homme qui paraissait plus jeune qu'il ne l'était réellement, qu'on aurait sans doute encore dit étudiant s'il n'était pas habillé à la manière des hommes étant déjà accomplis dans l'avancement de leurs carrières : une veste d'un noir sobre, une chemise d'un blanc immaculé, et une cravate blanche parfaitement nouée. Ses manières de tables étaient irréprochables et il aurait fait un gendre idéal si son idiosyncrasie ne le rejetait pas à la limite du genre humain respectable : Ernst von Luckner était un homme de science avant tout.

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Ernst von Luckner

Une mâchoire légèrement prognathe, des traits un peu trop anguleux et un albinisme au moins oculaire faisaient du personnage un être avec un peu trop d'anomalies génétiques pour rentrer dans la position confortable de beau jeune homme. La physiognomonie l'aurait sans doute décrit sous les traits d'un buveur de sang, probablement déviant sexuel et avec une morphologie crânienne qui certifiait de son héréditaire génie. Sans être nécessairement un vampire, mon ami se trouvait bel et bien être un de ces intellectuels qui trahissent presque un éloignment quant au genre humain.

La femme avec laquelle il conversait semblait, de par sa posture et son langage corporel, lui porter une attention toute particulière, et cherchait visiblement à combler la distance qui existait entre elle et son interlocuteur. Distance qui venait d'ailleurs probablement du scientifique. Peu d'hommes auraient eu cette attitude impassible et ce regard qui montrait plus d'attention pour son repas que pour une jolie femme. Mais jamais l'homme ne semblait impoli, et gardait toujours le bon gout de sembler à peine distrait.

Posant soudainement ses couverts, il se leva pour accompagner la dame qui venait de se lever elle aussi. Elle dénia d'un geste cette attention, comme pour prier le scientifique de retourner rapidement à des occupations d'importance, telle que la découverte d'un vaccin qui sauverait des centaines d'enfants d'une maladie auparavant incurable.

Antonio et moi saluèrent la femme qui sortait du restaurant. Elle nous adressa un signe de tête bref, mais poli, alors que je lui ouvrais la porte. Nous dirigeant ensuite vers la table de mon ami, il nous repérera et ne sembla pas surpris outre mesure. Il se leva pour nous serrer la main à tous les deux, suivi d'un succint « Bonjour. ». Il fit alors signe au personnel d'amener ce qu'il considérait être la suite logique du repas qu'il avait commencé : plusieurs perdreaux cuisinés de la plus fameuse des manières.

« Bon appétit, messieurs. », nous dit-il de l'air le plus concerné du monde, après avoir marqué un temps.

Restant d'abord quelques instants sans rien dire, je me mis à rire sans retenue tout en lui lançant :

« Alors comme ça, consoler des veuves ne te met pas plus en joie que ça ? Tu as vraiment tout perdu de la civilisation, von Luckner ! »

Il resta un moment atterré, me regarda fixement, pris une étrange expression de joie, puis joint à mon rire le sien, assez fort pour étonner les autres clients de l'établissement. Au rire plutôt hilare et sonore de moi et d'Antonio s'ajoutait le ricanement guttural d'un individu dont on aurait dit qu'il eut trouvé les codes de lancement de la bombe atomique. Il se reprit :

« D'Arbogio, tu ne respectes rien : elle n'est pas encore veuve. Même si je pense que ça ne saurait tarder. », répondit-il d'un suivi d'un signe nous priant de nous asseoir.

« Je croyais que tu avais juré de plus jamais faire des consultations pour le quidam moyen après ta sortie de l'université ? Ceci dit, avec ce rôle de l'homme de science conscientieux que tu nous as montré… Quoiqu'il te manque un peu de calvitie et de ventre. »

« J'y travaille. Tu vois, ton souvenir m'a rappelé tous ces moments d'étudiant jamais à court de moyens pour finir le mois : je me suis dis que je pouvais une nouvelle fois jouer au docteur. »

« Ce n'est pas trop ennuyeux ? »

« Si, mais j"en suis très bien récompensé. Payé pour trouver des remèdes de grand-mère, qui, à part diminuer la douleur du type, ne font pas grand-chose. La maladie de son mari est en phase terminale. Je pense qu'elle le sait, d'ailleurs. Forcément, je la réconforte un peu de sa peine… Ça, le mari doit aussi le savoir. Tout est dans le regard... Ah, les riches. Dès que la pression se relâche, ils partent pêle-mêle, ce sont des éléments volatiles… Il y a quelque chose de pas net chez ces gens-là. Ils sont toujours ceux qu'il faut décoincer des positions les plus saugrenues... »

« Et quant tu auras fini de faire de l'humanitaire, comment échapperas-tu aux demandes en mariage de la demoiselle ? »

« Je ne joue pas aux cartes. », s'amusa-t-il d'un air complice. « Mon travail m'occupe, et quoiqu'il en soit, il est probable que je doive partir sur Zaun dans les prochains mois. Mes recherches sont capables de m'envoyer partout. Vous avez eu de la chance de me rattaper, car désormais me voici devenu un nomade. »

« Que diriez-vous si on vous délivrait de ces errances ? », dit Antonio qui prit soudain la parole.

« Antonio D'Arbatella ? On m'a dit du bien de vous. Vous avez un meilleur sens des affaires que mon ami, il semblerait. »

« Écoutez, je sais que votre travail provient largement à vos besoins. Mais ce que je vous propose est unique. Nous avons accès à des ressources toutes particulières, qu'hélas des régulations trop strictes rendent inaccessibles au scientifique moyen. »

« D'où est-ce que vous tenez tout ça? »

« Si cela vous intéresse, pourquoi ne continuerions-nous pas cette conversation dans un endroit plus privé ? »

L'homme fit signe à un serveur, à qui il fit la demande d'une pièce pour nous trois seulement. L'employé nous conduisit à l'étage, dans lequel se trouvait un petit salon ou nous pûmes discuter tout en fumant. Dès que la porte fut fermée derrière nous, Ersnt prit cet air expectatif qui priait Antonio de continuer son histoire. Les détails que j'en avais eu moi-même quelques jours plus tôt m'avaient fort surpris. Il risquait d'en être de même pour l'homme dont les yeux brillaient déjà d'un rouge plus vif, comme deux minuscules lampes à travers la fumée.
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