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Les gars de la marine

Suite du RP joué ici.

Encore trempé, tout juste rentré à la nage, Wilhem Roc, chasseur de prime de son état, retourna à son bureau afin de chercher de quoi se sécher. Le pauvre n'eut pas le temps de se saisir d'une serviette que son escargophone se mit à brailler. Il avait passé une journée à picoler, et plusieurs heures à rentrer à la nage suite à sa confrontation malheureuse avec le cafard.

- Wilhem ? Tu vas bien ? Des types de la B.N.A ont retrouvé ta barques en mille morceaux devant Reverse Moutain.

Ce fut une nouvelle pour le moins inattendue. Joe s'était emparé de son embarcation, il le croyait déjà sur Grand Line, mais il fallait croire que ses capacités de navigation laissaient à désirer.

- Est-ce qu'on a retrouvé un cadavre à proximité ?

Son camarade chasseur de prime à l'autre bout du combiné ne chercha même pas à demander le pourquoi du comment d'une telle question. Il venait de comprendre ce qui était arrivé à Wilhem.

- Personne.

Le cafard avait la vie dure. Bien qu'il s'était échoué sur les côtes de Reverse Mountain, le forban était en vie, Wilhem en était certain, et il comptait bien se rattraper. Ordonnant à son interlocuteur de contacter tout membre de la B.N.A présent à South Blue, la directive fut claire : "Choper  Biutag, ne pas le perdre de vue, et le traîner en vie jusqu'au QG de South Blue". Cette fois, le pirate ne s'en sortirait pas aussi facilement, une horde de chasseurs de prime venait de faire de sa capture une priorité.

A une vingtaine de milles de là où se trouvait Wilhem, un galion de marine était ancré en haute mer.
Cinq marines étaient attroupés autour d'un escargophone noir, appareil d'interception de communication. Cela faisait plusieurs jours que la marine espionnait les communications de Wilhem, réputé pour être une sommité parmi les chasseurs de prime du fait de son vaste réseau d'informations.

- Colonel Komamuri, Joe Biutag a été repéré à proximité de Reverse Moutain, il s'y serait échoué en tentant son passage sur Grand Line.

Voilà plusieurs semaines que Komamuri poursuivait Joe Biutag, restant dans son sillage, constatant impuissant le résultat de ses nombreuses exactions. Depuis l'incident de Suna Land, où deux navires de la marine avaient été détruits par les manigances du cafard, le colonel était obsédé par ce pirate minable, qui de par sa simple existence, humiliait la noble institution de la marine.
En apprenant qu'aucun cadavre n'avait été repêché aux côtés des débris de barque, Komamuri, comme Wilhem, refusait de croire que le cafard était mort.

- Nous partons immédiatement pour l'île la plus proche de Reverse Mountain. Je ne laisserais pas un charognard de la B.N.A lui mettre la main dessus ! Messieurs, aucun de vous n'aura droit à la moindre forme de repos tant que le cafard ne sera pas en cage.

D'habitude très conciliant avec ses hommes, Komamuri était assez en colère pour leur imposer un rythme de travail si éreintant. Le forban faisait ressortir le pire en chaque homme, c'était avant tout ça l'effet Joe Biutag.


***



Tranquillement affalé contre le comptoir d'un troquet, Joe ne se doutait pas encore de ce qui allait lui tomber sur le museau d'ici peu de temps. Sa seule pensée allait aux quatre millions de berries qu'il avait perdu dans sa tentative de fuite.
De cette chienlit, il n'avait réussi qu'à sauver cent mille malheureux berries. Encore les yeux embués de larmes, il noyait sa tristesse dans l'alcool. Mais il la noyait modérément, n'étant pas très chaud à l'idée de dépenser les rares billets qu'il lui restait en piquette frelatée.

- Carrément, un Galion ?

La front collé au comptoir, le cafard leva la tête quelque peu intrigué. Le mot "galion" avait de quoi provoquer quelques sueurs froides quand on appartenait à son corps de métier. Tournant la tête en direction d'où venait la voix qui s'était exclamée, il chercha du regard ceux qui parlaient de galion.

- Qu'est-ce qu'ils peuvent bien vouloir donc ? Généralement quand un bâtiment pareil est mobilisé, c'est jamais bon.

Se levant et quittant la gargote en payant ses consommations, tout du moins partiellement, radin et voleur qu'il était, il sortit jusqu'aux quais. Effectivement, un immense galion de la marine approchait, il était trop tard pour voler une embarcation et leur passer sous le nez. Lui qui pensait pouvoir souffler un peu après avoir échappé à un chasseur de prime, il ne s'était pas douté une seule seconde qu'une telle mobilisation puisse avoir lieu juste pour ses beaux yeux.

- Peut-être qu'ils viennent pour une autre raison...

Alors, en proue du galion menaçant qui approchait, un marine armé d'un porte voix hurlait pour être entendu de tous.


"La marine ordonne le blocus de l'île jusqu'à nouvel ordre. Nous venons appréhender un criminel dangereux du nom de Joe Biutag, et partirons une fois notre mission accomplie. Nous comptons sur votre coopération"


- Peut-être qu'ils viennent pour un autre Joe Biutag...

Gémissant presque en prononçant ces mots, il n'aimait pas du tout ce qui se profilait à l'horizon. La "mise en quarantaine" de l'île lui coupait sa retraite, et il se voyait mal rester caché dans une cave les semaines à venir. Mains dans les poches, fermement agrippé à ses armes Joe tourna le dos aux quais, cherchant une issue à ce bourbier.
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Le Lieutenant-colonel Wynn Boasron

Un blocus, dit-il ?
De dépit, Wynn Boasron, Lieutenant-colonel de son état ragea face à l'incompétence notoire de son Colonel et de ses hommes en général. Quand la tête était malade, le bras l'était forcément. Un blocus ? Mais par les dieux... Ils ne disposaient que d'un seul galion, comment pouvait-il espérer mettre en état de siège maritime une île aussi grande que Rossignol ?
Enfin, une île moyenne pour être plus précis, se dit Wynn en se penchant sur une carte étalée sur sa table de chevet. Une île agricole que c'était, s'étalant sur cinquante kilomètres d'est en ouest et moitié moins du nord au sud. Rossignol possédait deux ports, Choucas à l'est et Merle à l'ouest. Les villes portuaires qui dépendaient de ces deux ports portaient leur nom.

D'un index, Wynn se mit à suivre un courant marin en partance de reverse. Au moins, Komamuri avait-il eut la jugeote d'appareiller pour la ville portuaire de Choucas. Si l'appel intercepté n'était pas une fumisterie alors ce Cafard de Joe Buitag aurait dû dériver et arriver quelque part au large de ce port. Et parce qu'il n'avait aucun moyen de savoir que la Marine était en route, il y serait encore. Jusqu'à ce moment stupide où Komamuri annonça leur intention par mégaphone... Maugréant, il sortit de sa cabine et s'en fut sur le pont.
Nul, moins que rien, larve, pas même fichu d'enlever le cran de sécurité de son fusil, Là-parce-que-son-père-le-veut, aimerait-bien-se-taper-le-sergent-cuisinière... A croire que chaque Marine que croisait Wynn portait son bagage d'incompétence. Il alla se planter devant son Colonel et le gratifia du salut militaire. Bientôt, je vais te dégager, incapable...

- Mes respects mon Colonel.

- Bon sang, où étais-tu ? aboya Komamuri. Le déploiement a commencé. Coordonne tout ça !

- Nous n’avons pas les moyens pour faire un blocus de l’île entière. Je pense qu'il vaudrait mieux déployer nos gars en ceinture autour de la seule ville de Choucas et la mettre en état de siège. J'ai étudié le terrain et il n'y a qu'une seule compagnie de voitures attelées qui dessert l'intérieur des terres ainsi que l'autre ville portuaire. Cette entreprise doit être perquisitionnée pour nous assurer que le Cafard n'a pas détalé à bord d’un calèche vers d'autres cieux. Bien sûr, rien ne quittera plus ce port-ci.

- Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans "coordonne tout ça !" ? Inutile de m'assommer avec les détails. Coordonne, vas-y !

Naturellement, se dit Wynn en s'en allant de sa démarche gauche. Ce que mange le Colonel, le Lieutenant-colonel s'en farcit la merde.
Beuglant ses ordres à tort et à travers, muni d'une carte détaillée de la ville, Wynn marqua minutieusement d'une croix le déploiement continu de ses hommes. Tout d'abord, il se rendit à la mairie pour obtenir du vieux maire la pleine coopération des locaux. De paisibles et prospères paysans que c'étaient mais même le plus calme des humains pouvait devenir déraisonnable avec le sentiment d'être un oiseau en cage. L'affiche de Joe Buitag fut placardée partout dans la petite ville et des éléments firent du porte à porte pour recueillir les témoignages des habitants. Beaucoup indiquèrent un bar, "Le Héron Bleu" où le forban aurait été aperçu pour la dernière fois. Mais pourquoi tout porte des noms d'oiseaux dans ce pays ?

- Je suis allé voir au Héron Bleu, monsieur, fit un sous-officier à la couenne d'ébène. Il y était effectivement et quand la rumeur de l'approche du cuirassé a circulé, il est venu voir sur le quai comme tout le monde puis a disparu. Les rumeurs s'arrêtent là.

- Pas grave, nous le trouverons. Promettez deux millions de Berry sur sa prime à quiconque nous filera des infos véridiques. Et comment se passe le siège ?

- Très bien, les habitants sont coopératifs. Après tout, le Gouvernement est leur premier client. Le port est à nous, les principales artères de Choucas sont bouclées et nous ceinturons soixante-quinze pour cent de la ville.

- Pourquoi soixante-quinze ?

- Les champs de céréales, monsieur. Ils tapissent les limites de la ville. J'ai vu des tiges de blé faire plus d'un mètre de haut. Buitag pourrait bien se tasser dans les herbes.

- Hmph... Continuez à vous déployer, après j'aviserai si nous devrions organiser une battue. Je pense qu'il cherchera à quitter la ville et il n’est pas encore midi. Formez une escouade et cherchez les propriétaires privés d'écuries. Moi, je vais aller voir avez le Condor, la compagnie de voitures-taxi. Bordel, pourquoi des noms d'oiseaux ? Toi, toi et toi là-bas, vous venez avec moi.

Alors qu'il se dirigeait vers les périphéries de Choucas pour en toucher deux mots au tenancier des carrosses-taxi, Wynn fut hélé par ses hommes. Deux d'entre eux escortaient un autre qui ne portait en tout et pour tout qu'une cape de commandant enroulée autour de la taille. Le commandant qui lui avait prêté son manteau était à ses côtés. On lui présenta le nu en tant que caporal. Son histoire donna envie au Lieutenant-colonel de le gifler jusqu'à ce que mort s'en suive. Bon sang qu’on n’avait pas idée d'être aussi stupide ! Se promener seul alors que la consigne fut donnée par ses soins de patrouiller au moins à deux ! Voilà que Joe Buitag l'avait assommé et dépouillé. Une simple fausse piste ou le Cafard se trimbalait-il désormais en tenue de Marine ?

Mais pourquoi suis-je entouré d'incapables ?
    Cela devait arriver un jour ou l'autre. Vêtu ainsi de son joli uniforme blanc et bleu, Joe comprit qu'était à nouveau venu le temps de jouer la partition de "Joe Biutag, marine de son état, et maître de l'évasion". Depuis son incarcération et sa fuite du QG de South Blue, c'était la première fois qu'il se déguisait en mouette.
    Il fallait admettre que c'était tentant. Leurs uniformes, contrairement à ses loques et sa parka, n'étaient pas infestés de puces et autres insectes douteux au régime anthropophage. N'était pas très doué pour reconnaître les grades, il n'avait pas saisit qu'il venait de s'emparer d'un uniforme de caporal.

    - Qui c'est qui va quitter l'île incognito ?

    Ce n'était certainement pas lui. Sur l'île, pas un seul habitant n'était pas au courant de sa présence. Les marines avaient bien insisté sur le fait qu'il ne portait peut-être pas sa casquette où "pirate" était inscrit par dessus le sigle "marine". Le mot d'ordre avait été donné : "Méfiez vous de toute personne avec une cicatrice sur la joue".
    Le cafard ne connaissait que trop bien cet handicap qui l'empêchait de passer inaperçu partout où il allait. Si ce maudit ivrogne ne l'avait pas lacéré à Amerzone il y a quelques années, c'eut été plus simple de se camoufler dans la foule.

    Oui vraiment, l'uniforme était saillant. Il lui allait très bien, comme une corde à un pendu. Se demandant comment il pourrait quitter l'île malgré la présence de marines qui surveillaient les quais de Choucas, il se décida à se défaire de cet uniforme nouvellement acquis pour enfiler quelque chose de moins formel.
    Bien sûr, ce n'était pas la coquetterie qui l'avait mené à prendre une telle décision, mais il venait de réaliser qu'en laissant traîner l'homme à qui il avait volé son uniforme, toute la marine sur l'île devait être à la recherche d'un cafard en blanc. Mieux valait les laisser sur cette fausse piste.

    Retournant au buisson où il avait caché ses affaires, il se rhabilla, évitant néanmoins de mettre la casquette. La provocation était amusante aussi longtemps que les marines n'arpentaient pas chaque coin de l'île pour lui mettre la main dessus.

    - Peut-être qu'en allant sur une autre île à la nage....

    Manifestement, il était à court d'idées. Personne ne quittait les quais sans que plusieurs marines n'aient inspecté l'embarcation, pas moyen de voler le moindre rafiot.
    Réfléchissant calmement, le forban sournois se trouvait dans la campagne aux alentours de Choucas. Pour le moment, le colonel n'avait envoyé aucun effectif examiner les zones rurales, mais une fois les villes fouillées de fond en comble, le moment serait venu d'envoyer ses hommes mener une battue en rase campagne.
    Au loin, il arrivait à entendre crier :

    - Une récompense de deux millions de berries sera allouée à toute personne apportant des renseignements sur Joe Biutag dit le cafard.

    Deux millions, c'était une somme. Mais une somme trop dérisoire pour avoir l'audace de se présenter comme un civil venu apporter des informations sur sa propre personne. C'était hélas mal connaître le cafard que de croire qu'il n'aurait pas la mauvaise idée de perpétrer une telle bêtise.
    Aveuglé, par la promesse des deux millions et assoiffé de richesses, il mis ses mains dans la boue, s'en mis plein le visage afin de masquer sa cicatrice et sur les vêtements pour avoir l'air d'un vrai cul terreux. S'emparant d'une fourche enfoncée dans une meule de foin laissée à l'abandon, Joe le fermier se rendait en ville avec l'idée d'en sortir avec deux millions de berries.
    A ce niveau là, cela ne relevait plus du culot mais de l'arriération mentale. Joe Biutag, recherché par des centaines de marines sur l'île, allait se présenter face à eux pour leur donner des faux renseignements. Vraiment, si il y avait une limite à la connerie, il venait de la franchir à mach trois.

    - C'mment qu'c'est mon gars, emmène moi voâr à tes supérieurs ! J'ai à leur causer sur ce Joe Bitag !

    Un marine fut apostrophé par un sinistre personnage recouvert de terre et une fourche à la main.

    - Vous voulez dire Biutag non ?

    En faisant semblant de ne pas connaître le nom, le cafard espérait passer inaperçu auprès de la jeune recrue accompagnée de son binôme. Ceux-ci se laissèrent prendre au "subtile" déguisement. Il est vrai que sans sa casquette, cheveux en bataille, sa cicatrice recouverte de boue, il était difficile de le reconnaître à partir d'une simple photo sur un avis de recherche.
    C'est tout naturellement qu'on lui montra le chemin vers l'intendance organisée par la marine dans un bureau de la mairie de Choucas que la municipalité leur avait aimablement prêté.

    - Je vous amène quelqu'un qui a des renseignements sur Joe Biutag.

    Alors qu'il était tout guilleret jusque là, croyant vraiment qu'il allait toucher le pactole en passant inaperçu, voir une dizaine de marine dans la salle, le fixant d'un regard froid et austère eut le don de refroidir ses ardeurs.

    - Ahem... Euh... Oui.... Par où commencer ?

    Le lieutenant colonel Boarson, de passage pour donner des consignes aux hommes de l'intendance lui dit d'un ton sec, que seuls les hommes d'autorité pouvaient maîtriser.

    - Eh bien quoi mon vieux ? Parlez !

    Personne ne l'avait reconnu. Pour le moment tout du moins. Quelque peu décontenancé, le forban essaya du mieux qu'il put de retrouver son sang froid, sa liberté en dépendait. Une main dans la poche de son anorak, fermement nouée autour de la crosse de son mousquet à canon triple si les choses venaient à mal tourner, il reprit la parole.

    - Où qu'j'en étais... Ah oui ! J'ai vu un drôle de bonhomme, un gars de chez vous pourtant, qui ressemblait comme deux gouttes d'eau au bonhomme que vous recherchez.

    Les marines se fixèrent les uns les autres. En effet, depuis que le caporal s'était fait délester de son uniforme, on se doutait bien que le cafard l'avait enfilé. La description était plus que vraisemblable. Personne n'aurait pu l'inventer puisque seuls les marines étaient au courant du vol de l'uniforme. Personne excepté le principal intéressé.

    - L'avait une cicatrice comme sur la photo, pis un regard pas franc pour deux sous. M'enfin, navré si je vous ai dérangé pour rien hein.

    Un sergent vînt lui remettre les liasses de billets que constituaient la récompense devant le Lieutenant-Colonel qui restait silencieux après avoir entendu ces nouvelles informations.

    - Ne vous excusez pas de nous rendre service. Dites nous où vous l'avez aperçu.

    Avec deux millions remis en mains, par un marine en plus, Joe devait se contenir de tout son être pour ne pas frétiller comme une jeune jouvencelle hystérique. Il ne lui suffisait plus qu'à leur donner une fausse piste, et se barrer en empruntant la direction inverse. Après tout, si ils devaient mobiliser des hommes pour une battue, les quais seraient moins gardés. À partir de là, aucun blocus aussi lamentable que celui-ci ne saurait se résoudre sans faire parler la poudre.
    Le cafard se voyait déjà loin de tous ces emmerdes. Ce ne serait pas la première fois qu'il se jouerait de marine. Ayant repris confiance en lui, malgré l'abondance de mouettes dans les parages, il fut néanmoins apostrophé par le Lieutenant-Colonel en personne.

    - Une cicatrice sur la joue hein ?

    Ces mots, il les avait prononcé sur un ton dédaigneux. Bras croisés, adossé au mur, il fixait Joe du regard comme si il cherchait à scruter son âme.

    - Les principaux signes distinctifs du poster sont en effet sa casquette "pirate" et sa cicatrice. C'est tout du moins ce que tout le monde retient.

    Wynn Boasron était réputé pour ses capacités d'observation. Un fin limier que ce Lieutenant-Colonel aux dents longues.

    - Mais quelque chose qui m'a marqué chez cette petite merde...

    Ayant bien insisté sur l'insulte, on aurait cru qu'il avait cherché à provoquer le forban sous ses yeux.

    - .... C'est son absence totale de sourcils. Ma question sera la suivante Monsieur. Comment avez vous perdu les vôtres ?

    Tous les marines qui s'apprêtaient déjà, bille en tête, à quitter la mairie pour donner les consignes de chasse furent tétanisés. En effet, le "paysan" qu'ils venaient d'apporter n'avait aucun sourcil sur les arcades. Chacun scruta son avis de recherche, cherchant à comparer avec l'informateur qui se tenait devant leurs yeux.
    Ils n'en revenaient pas. Le pirate qu'ils pourchassaient avait été assez cupide pour se présenter devant une assemblée de marines afin de vendre de faux renseignements le concernant. C'était si gros que ça avait failli passer.

    - Enculé !

    De rage, Joe s'apprêtait à dégainer son arme. Inutile. Entouré de marines, il n'eut même pas le temps de dévoiler son mousquet amélioré à l'air libre, le sergent qui l'avait récompensé il y a une minute à pleine le plaqua au sol, et fut aidé de plusieurs camarades pour lui passer les menottes.

    - C'est Lieutenant-Colonel enculé pour toi, pirate de pacotille.

    Décroisant les bras, sans même adresser un second regard au pitoyable forban, Wynn sortit de la mairie. Il allait prévenir Komamuri que le cafard avait été appréhendé. En chemin pour faire son rapport, il eut un sourire en coin. Komamuri, qui se targuait d'être un combattant exceptionnel s'était fait avoir à plusieurs reprises par un forban minable. Cette pensée suffisait à réjouir l'ambitieux Lieutenant-Colonel.
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    Le blocus de Rossignol fut levé une demi-heure après la capture de la fripouille. Victoire personnelle pour Wynn que c'était, lui confirmant encore à quel point il était environné d'incapables. N'eut été sa présence à cet endroit, ses hommes auraient filé de l'argent au criminel qui se serait ensuite volatilisé. Y avait-il une manière plus incompétente de servir la Justice ?

    Sous sa houlette, tous les Marines commencèrent à rempiler sur le croiseur, laissant la paisible population rurale à ses occupations quand déboula Komamuri et sa chevelue silhouette. Le voyant charger comme un bison en rut, certains Marines firent un pas en arrière. Wynn resta de marbre en se demandant quelle mouche avait encore pu piquer son Colonel. Son Colonel... Cet adjectif possessif avait le don de lui donner de l'urticaire rien qu'à y penser.

    - Lieutenant-colonel Boasron ! J'exige des explications ! beugla le "Chaud Lapin".

    - Excusez-moi, monsieur ?

    - Tu as capturé ce vil faquin depuis quoi ? Trente minutes ? Pourquoi je n'en ai pas été averti immédiatement ?

    Naturellement, il était venu pour ça... Comme toujours, une grenouille dans un puits, c'était. Ignorant que le ciel s'étendait au-delà de la circonférence du puits.

    - Nous avons mis cette ville sans dessus-dessous, monsieur. Il fallait régler quelques problèmes administratifs histoire que certains se fassent indemniser par le Fonds Marines des Dommages Collatéraux. Sans parler de certains de nos hommes que j'avais envoyé dans la seconde ville à l'autre bout de l'ile dont il fallait attendre le retour. En plus, le maire en a profité pour me toucher deux mots sur quelques activités pirates dans le coin et je voyais avec lui comment sécuriser la zone éventuellement et...

    - Assez ! Ce n'est pas de ton ressort ça. La mission, c'était capturer Joe, point. Si nous n'avions pas roulé notre bosse ici, ce maire serait-il en train de te stalquer de ses problèmes ? Ce qui compte ici et maintenant, c'est seulement Joe.

    Au milieu de sa tirade, son escargophone se mit à sonner. A l'autre bout du fil, le sous-amiral Sierra du G-4. Dans ses petits souliers, Komamuri répondit avec déférence et Wynn suivit la conversation d'un air intéressé. Jusqu'au moment de cette malheureuse phrase de son supérieur. « Oui, monsieur. J’ai capturé Joe Biutag. Il est sous bonne garde. »

    "J'ai capturé" osa-t-il dire ?
    Wynn Boarson fut envahi par une colère d'une telle violence qu'il sentit le sang affluer sous sa peau. Le liquide gagna d'abord son visage puis son flot brûlant et acide se répandit dans sa poitrine, ses bras, corrompant son âme, lui donnant une furieuse envie de jeter un sort qui transformerait cet amas d'incompétence qu'était Komamuri en une grosse limace baveuse qu'il écraserait ensuite comme la vermine galonnée qu'il était.
    Luttant contre sa folie soudaine, le Lieutenant-colonel inspira profondément et disciplina son esprit. Il avait même la chair de poule.
    Komamuri finit sa discussion -dont la fin avait échappé à Wynn à cause de sa démence passagère- d'un air un peu penaud.

    - Nous devons traverser Reverse.

    - Pardon ?

    - Sierra vient de m'ordonner de livrer Biutag au Dépotoir.

    - Le Dépotoir ? Le ponton ? demanda-t-il en se souvenant de ses lectures à propos d'un navire prison errant sur Grand Line, sans port d'attache.

    - Oui. Apparemment, il doit croiser au large d'Union John demain sous les coups de dix-sept heures. Faut immédiatement mettre les voiles si on ne veut pas le rater. Où est cette crapule ?

    Joe Biutag était solidement attaché au tronc d'un pommier sous la surveillance de dix sergents d'arme en attendant de terminer l'évacuation. Wynn avait donné l'autorisation à ses surveillants de tirer si seulement le Cafard esquissait un quelconque geste. C'était comme cela qu'on surveillait un criminel, s'était-il réjoui. Alors comprenez son exaspération et sa colère quand Komamuri se dirigea vers le balafré, de sa démarche de taureau arborant l'air satisfait de quelqu'un qui prenait une revanche personnelle. Vrai qu'il y avait un contentieux entre ces deux-là...

    Sans autre forme de procédure, Komamuri détacha Biutag de l'arbre tout en gardant les fers qui le menottaient aux poignets et aux chevilles. D'un balayage des pieds, il déséquilibra le Cafard qui s'écrasa face la première sur le sol. La chute lui arracha un petit cri pitoyable dont se nourrit gaiement le Chaud Lapin. Il empoigna ensuite Biutag par les cheveux et le traina sur le sol comme un vieux sac de patate sous les malédictions de son supplicié.  

    La rage au ventre, Wynn suivit le curieux duo. Dans sa tête résonnait encore en boucle l'affirmation de Komamuri. J'ai capturé Joe Biutag... J'ai... J'ai...

    - Fils d'incapable...

      Essayant de défaire la corde qui le retenait attaché au pommier, Joe avait devant lui dix spectateurs qui le regardaient sourire aux lèvres. Ce n'était pas tous les jours qu'ils attrapaient des pirates aussi lamentables. En essayant de s'extraire de la corde qui, enroulée autour de l'arbre, immobilisait aussi bien ses membres que son buste, il avait trouvé moyen de s'égratigner le dos en le frottant trop vivement contre l'écorce.
      A bout de souffle après avoir passé dix minutes à chercher à s'extraire de l'emprise de la corde, une pomme vînt lui tomber sur le sommet du crâne, écrasant sa casquette trafiquée. Sans le prendre une seule seconde au sérieux, les sergents mobilisés pour le surveiller se payaient des tranches de rire comme ils n'en avaient que trop rarement connu.

      - C'est ça riez bande de chiassards, une fois libéré je m'en irais vous crever les premiers.

      Un des officiers, tout en manquant de perdre son souffle à force de rire, se saisit du fruit qui venait de tomber et l'inséra d'un coup sec dans la bouche du forban afin de le faire taire. On aurait dit un cochon de lait qu'on servait sur un plateau.
      Mâchant la pomme pour qu'elle ne lui disloque pas la mâchoire, le cafard réfléchissait à un plan pour s'évader à nouveau du QG de South Blue. Cela ne serait pas aussi simple que la dernière fois. Envisageant mille procédés pour quitter une cellule dans laquelle il ne se trouvait même pas encore, un sergent raccrochant son escargophone mis fin à la rigolade.

      - Bon les gars, fini de rire. On vient de recevoir l'ordre d'escorter le cafard au Dépotoir.

      Effectivement, plus personne n'était d'humeur à rire. Des grognements et des complaintes se firent entendre bien assez tôt. Il fallait croire que ce n'était pas une destination réjouissante que celle pour laquelle ils venaient d'être mobilisés.

      - Je sais, je sais.... En principe on devrait être de retour dans un peu plus d'une semaine. Mais l'État major ne veut pas risquer une nouvelle évasion de ce crétin.

      Le dit crétin fut alors la cible des regards meurtriers de ses captifs. Peu de temps après, le colonel Komamuri vînt en personne pour lui défaire ses liens. Il était tel un chef de guerre victorieux qui se fit un plaisir de parader auprès de son insignifiante proie pour le traîner jusqu'au Galion.
      Mais une fois à bord, pas de cellule. Le colonel tînt à ce que Joe soit attaché en poupe, au mât d'Artimon afin de l'avoir à l'oeil chaque fois qu'il serait sur le pont.
      Surveillé par un colonel ainsi que la quasi totalité de ses hommes à bord, ce ne serait pas facile de foutre le camp en toute discrétion. Attaché comme il l'était il y a encore quelques instants au pommier, le forban ne faisait pas le fier. Komamuri, dans un énième élan de taquinerie se présenta à lui face à face, et lui annonça en personne ce qui constituerait la suite des évènements.

      - Dis voir cafard, tu as déjà été sur Grand Line ?

      À en voir le regard exorbité du cafard, le colonel en déduisit que la réponse était non. Joe venait de comprendre ce qu'était le Dépotoir, on le transférait vers une prison de Grand Line, là où la sécurité était renforcée, et la possibilité de s'enfuir en mer était quasi impossible.

      - Ne t'inquiète pas, la prison là bas, c'est pas sorcier. Les quarante premières années, on morfle. Et puis après, on s'habitue.

      Ravi d'avoir pu instiller de la peur en son prisonnier, le colonel retourna à ses obligations, laissant le cafard pétrifié, bouche ouverte et regard tremblant. Lui qui escomptait aller sur Grand Line prochainement n'avait pas envisagé la traversée en ces termes. L'épopée du cafard sur la route de tous les périls commençait aussi vite qu'elle se terminait.

      - Colonel attendez ! Je peux changer ! J'allai justement rendre visite à l'orphelinat des enfants de vétérans de la marine pour faire une donation.

      Mentir de manière aussi désespérée était vain, de toutes manières, Komamuri était déjà loin et ne lui prêtait plus attention. Par curiosité, un mousse qui briquait le pont se hasarda à demander au forban à combien comptait s'élever la donation.

      - Hein ? Euh... Quand je dis donation... C'est au sens large, je veux dire, donner de ma personne tout ça...

      Même quand il mentait, Joe ne pouvait s'empêcher d'être aussi avare que cupide, l'or pour lui n'était pas une denrée marchande mais une pathologie grave. Une maladie si nocive qu'elle l'avait indirectement amenée à se retrouver attaché au mât d'Artimon d'un galion de la marine.

      Reverse Mountain était parée à recevoir sur son courant ascendant un gigantesque vaisseau du gouvernement mondial.

      - Les gars, vous êtes sûr que ça va passer sans lubrifiant ? Je veux dire, le passage est encore plus étroit que l'entre-cuisse de votre amirale en chef.

      Un matelot s'empressa de lui mettre une claque en passant devant lui.

      - Ta gueule cafard.

      Cet élan de violence était justifié par l'anxiété. En effet, à aucun moment en ne partant pour capturer le pirate, il n'avait été question de traverser Reverse Mountain, aussi, le QG de South Blue avait estimé normal d'envoyer un épais galion. Seulement, maintenant que les directives avaient changé en court de route, on en vînt rapidement à se demander si l'embarcation n'était pas trop large pour atteindre Grand Line en un seul morceau. En principe, pour ce genre de traversée, des navires aux dimensions adéquates étaient mobilisés, mais Komamuri, trop pressé de voir la tête de Joe quand il le jetterai en cellule avait décidé de ne pas faire demi-tour au QG pour changer de bâtiment.

      - Ça passe, ça passe....

      Tournant la tête successiveent à droite à gauche, regardant les récifs montagneux qui jouxtaient tribord et bâbord, le cafard observait, comme le reste de l'équipage, que le galion passait de justesse. Mais la violence des remous du courant ascendant fit que le galion se frotta à plus d'une reprise aux rochers qui égratignèrent le vaisseau par divers endroits.

      - On va crever ! On va crever ! Et c'est votre faute bande de branquignoles de m...

      Agacé par les hurlements hystériques du forban, qui étaient vecteurs d'anxiété, le même matelot qui l'avait baffé accentua la dose de violence et lui décrochant un direct dans la mâchoire afin que Joe se taise pour de bon.
      Le plus dur était passé puisqu'ils culminaient enfin au sommet de Reverse Mountain. La descente était une expérience assez houleuse pour tous ceux qui empruntaient ce passage pour la première fois. Un sergent avisé ne trouva rien de mieux à dire que :

      - Accrochez vous !

      Se remettant du coup qui lui avait ébranlé la cervelle, le cafard reprit ses esprits juste à temps pour lui répondre :

      - Déjà fait....

      Même les hommes les plus vaillants avaient quelques frayeurs quand leur vaisseau se mettait à plonger à une vitesse incommensurable, glissant sur les flots plus vite qu'une balle. Les hommes de la marine avaient la décence de retenir leurs cris de stupeurs. Il allait sans dire que Joe n'avait pas leur retenue.
      Enfin arrivés de l'autre côté de la montagne imposante, le forban n'avait plus de voix tant il avait hurlé à la mort pendant la descente qui avait eu des airs d'aller simple pour l'enfer. La bave aux lèvres, les larmes aux yeux, il était sauf comme tout le reste de l'équipage. Alors, il leva la tête e regarda l'horizon. Sous ses yeux : Grand Line, une mer qu'il avait convoité depuis longtemps et sur laquelle il finirait ses jours en prison si il ne trouvait pas une idée pour se dégager de ses liens.

      - Au rapport sergent !

      Un marine se présenta au colonel.

      - Nous n'avons souffert d'aucune avarie particulièrement grave mon colonel, mais le protocole prévoit que pour naviguer sur Grand Line, le bâtiment doit être dans un état optimal. Je suggère que nous fassions une halte au cap des jumeaux quelques heures le temps de réparer les modestes dégâts de la traversée.

      Soupirant, Joe ne pourrait donc pas compter sur une hypothèse cataclysmique où il aurait pu s'enfuir dans la confusion. Le galion n'était pas prêt d'être envoyé par le fond, tout ce qu'il avait gagné, c'était un court sursis avant d'être jeté en geôle. Après avoir vomis tout le contenu de son estomac et s'être remis de ses émotions, le cafard comptait mettre ce temps d'arrêt à profit pour envisager une manière de s'enfuir. Mais même en envisageant toutes les possibilités imaginables, rien de bien concluant ne vînt effleurer ses méninges.
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      -  Tu te fous de moi, J.J ? C'était quoi cette impro' à la noix ?

      Le soldat Justin Jake

      Accroché au combiné de son escargophone, Wynn Boasron fulminait. Toute cette journée, toutes ces émotions exacerbées... On aurait pu croire que la goutte d'eau fut la déclaration du Colonel Komamuri comme quoi il avait capturé Joe Biutag mais non. La goutte de trop avait suivi, quand son colonel lui rapporta la teneur de sa conversation avec le Quartier Général. A ce moment, Wynn était trop indigné par le fait que Komamuri eût osé s'attribuer des mérites qu'il n'avait pas pour vraiment relever la lourdeur de cette goutte de trop. Mais maintenant que la nuit était tombée et que le cuirassé mouillait quelque part non loin du port des Jumeaux, il avait eu tout le temps de se ressasser cette journée bien merdique. Mais par tous les dieux, pourquoi était-il environné d'incapables congénitaux ? Même le plus simple et le plus génial de ses plans se trouvait compromis à cause d'un débile qui...

      - Va-tu délier ta langue et parler Soldat de la Brigade Scientifique, Justin Jake ? grinça Wynn de son ton impérieux d'officier. Va-tu enfin m'expliquer pourquoi tu as orienté Komamuri sur Grand Line et vers le Dépotoir ? Sans déconner ? LE DÉPOTOIR ?

      - Bah... Co...comme... z'avez dit... marmonna d'une petite voix bégayante J.J.


      - Oui, qu'ai-je dit quand nous avons quitté la base ? Je t'ai martelé d'être prêt à nous dévier de notre voie dès que Komamuri cherchera à contacter Sierra pour lui dire que Biutag avait été capturé, non ?

      - Oui... c'que j'ai fait, m'sieur. J'ai détourné l'appel vers mon propre escargophone et ai imité la voix du... sous... sous-amiral. Et j'ai dit au Colonel... de...

      - De conduire son cuirassé vers la mer de tous les périls ! maugréa Wynn en se retenant de beugler de peur que tout le bateau l'entende. Mais par Poséidon, J.J, tu es un des opérateurs radios du G-4 ! Ce n'est pas parce que tu sais imiter la voix de Sierra que tu dois te prendre pour un putain d'acteur ! Tu t'es cru dans un théâtre ou quoi ? "Nous détourner de notre voie", signifiait nous envoyer vers une île X en périphérie de notre trajet de retour vers le QG. Si je n'ai pas nommé d'île, c'est parce qu'à ce moment, je ne savais pas ou pourrait réapparaitre Joe.
      Tu penses que Grand Line est sur notre trajet vers le G-4, hein ?


      Des deux mains, Boasron s'agrippa la tête et se mordilla les lèvres. Il était très furieux, son plan préconçu pour discréditer et faire tomber le Colonel Komamuri prenait du grain dans l'engrenage. Quel con avait-il été de confier cette tâche à Justin Jake ! Et pourtant, cela semblait une bonne idée au début. Il se revoyait encore, quelques jours plus tôt, peaufinant ce plan bateau avec le soldat de la Brigade Scientifique. En tant qu'opérateur radio-escargophonique, Justin était l'un de ceux qui recevaient les appels à destination du G-4 et les traitait. Les appels de détresse de civils étaient orientés vers la division de la Réaction Rapide, et ceux qui cherchaient à parler à un quelconque responsable étaient mis en attente le temps de dévier la ligne vers ceux qu'ils demandaient.

      Depuis l'affaire de Suna Land où Joe avait tourné en bourrique Komamuri, Wynn s'était attendu à ce qu'il y ait une suite. Il espérait que le Chaud Lapin en vienne à capturer le Cafard et à cet effet, avait échafaudé un plan malléable qui comprenait l'implication d'un technicien opérateur. Son choix s'était dévolu sur J.J, un jeune au passé et à la morale trouble, autodidacte en ingénierie, recruté dans les décharges du Cimetière d'épaves. Il avait aussi ce talent de raisonnablement imiter la voix des autres.
      Le plan avait dès lors était arrêté. Si jamais Komamuri appelait pour signaler la capture de Biutag et demandait à parler à Sierra, J.J devait détourner sa ligne, non pas vers l'escargophone personnel du Sous-amiral mais vers un autre, jetable, au fond de sa chambre. Ainsi, il pourrait sortir de la salle des écoutes, et aller décrocher cet appel en se faisant passer pour Sierra et ordonner au Colonel d'aller...

      - Sur une île quelconque, pour une mission bateau, le temps de me donner la largesse de libérer Biutag et faire accuser ce Chaud Lapin ! monologua Wynn dans l'intimité de sa cabine. Je n'avais pas prévu qu'on irait sur GL, ça change radicalement les choses. Grand Line, ça soulèvera trop de questions et une enquête. D'un côté, ça pourrait être très bénéfique pour moi, forcément l'amirauté du G-4 voudra savoir pour quelle raison Komamuri est allé rouler sa bosse sur Grand Line. Et si Joe s'échappe en plus, alors ce sera la totale pour lui. Mission et destination non autorisée ajoutée à la fuite d'un criminel de basse extraction sous sa surveillance. C'en sera fini de sa carrière !

      Le ton passa de furieux à victorieux. Avec des réserves tout de même. Si tout semblait s'agencer pour le mieux, il redoutait vraiment que Grand Line ne suscite une enquête trop poussée. Personne n'aurait trop cherché à savoir pourquoi Komamuri se rendait à Endaur au lieu du QG, mais franchir Reverse... Qui plus est, le colonel ne manquerait pas de se défendre. Sierra lui avait ordonné d'y aller. Sierra qui démentira forcément cette calomnie et avec un peu de chance, tout ira de travers pour Komamuri qui serait en plus accusé d'accusation mensongère sur un membre de l'amirauté. Ouais, ça pouvait définitivement le faire ! Et cerise sur ce gros gâteau -décidément tous les astres de l'univers se mettaient en quatre pour transformer la bourde de J.J en point positif-, Joe était ligoté au mat d'artimon, au lieu d'avoir une cellule bien exiguë. Une entorse flagrante aux procédures que les affaires internes ne manqueraient pas de pointer du doigt.

      Après plusieurs minutes d'intenses réflexions auréolées d'un silence tout aussi pesant, Wynn décida de continuer son plan. Il avait tout à y gagner. Cependant, il fallait éliminer tout problème éventuel.

      - Écoute-moi bien, Justin. Tu as gravement merdé, ce n'est pas un jeu, il y a des carrières en jeu !

      - J'sais...

      - Non, tu ne sais pas ! Tu ne sais pas ! Sinon, tu ne l'aurais jamais joué théâtre et impro'. La 54e Division de Bliss cherche plusieurs opérateurs et techniciens de la Brigade Scientifique. L'annonce est passée et a été placardée, il y a trois jours. L'as-tu vue ?

      - Oui...

      - Alors, souscris-y. Demande une mutation à Bliss.

      - Quoi ? Mais m'sieur, l'QG c'est...

      - Le QG c'est un dépotoir, c'est tout. Bliss représente pour toi une meilleure opportunité de carrière, c'est bardé d'Ingénieurs supers qualifiés qui travaillent dans les chantiers navals de la Marine. Plus du tiers de tes copains opérateurs du QG ont déjà souscrits.

      - C'pour ça qu'j'espérais une promotion, vu qu'ils s'ront partis... susurra-t-il.

      - La seule promotion que tu auras en restant là, c'est un cercueil ! vociféra Wynn tremblant de colère. Tu te souviens du Cimetière d'épave, tu sais comment je m'occupe des raclures dans ton genre, hein ? J.J ? Si tu es là aujourd’hui, c'est grâce à moi, donc fait pas chier et postule pour ce poste ! Tu seras parmi un troupeau de partants, il n'y aura pas de quoi attirer l'attention. Quand il y aura une enquête sur la personne qui s'était faite passer pour Sierra, tu seras déjà loin. M'as-tu compris ?

      - Ouais, 'sieur, baragouina-t-il d'une voix défaite.

      - En plus, je connais personnellement Godric Orbea, Colonel de la 54e. Je l’appellerai pour lui parler de toi. Ta promotion, tu l'auras. Je sais aussi récompenser ceux qui me sont loyaux, fit-il en usant maintenant de la carotte.

      - Oh merci, 'sieur.

      - Du moins, tant qu'ils restent loyaux et muets.

      - Je suis une tombe, 'sieur.

      Wynn aurait préféré qu'il soit dans une tombe. L'idée lui avait caressé l'esprit de le faire disparaitre mais cela ne ferait qu'ajouter à un tableau déjà bien chargé. La mort ou la mystérieuse disparition d'un opérateur radio alors qu'un Colonel affirmait que quelqu'un ayant la voix d'un amiral lui avait ordonné d'aller sur Grand Line serait déjà en soi la preuve qu'un complot s'était tramé.

      S'étirant, il fit craquer ses vieux muscles endoloris. Ce problème étant réglé, il restait celui de Biutag. Le libérer et alors, la machinerie s'enclencherait toute seule. Mais le Cafard était attaché au mat en poupe, sous très bonne garde.
      Il lui fallait une diversion. Naturellement.
      C'est à cet effet que Wynn s'habilla de noir et se glissa hors de sa cabine. Presque tout le cuirassé dormait et les veilleurs étaient tous sur le pont. Personne ne surveillait l'artillerie, personne ne surveillait la poudre à canon. Encore une procédure à instaurer une fois qu'il en aurait fait exploser, éventrant partiellement le cuirassé.

      Pauvre Komamuri qui allait se retrouver sous les chefs d'accusation...
      Le sourire de Wynn sous le capuchon de son manteau soulignait la scène.
        Quand le désespoir était le plus total et qu'on se retrouvait à court de solutions, il restait une alternative. Le recours ultime. La prière. N'ayant que très peu la fibre religieuse, Joe, en bon arriviste se serait raccroché à n'importe quoi pour s'en sortir.
        Après avoir passé un long moment muet, ce qui était suspect en soi, son temps de réflexion était à présent achevé, c'était l'heure de s'en remettre au surnaturel pour s'en sortir.

        - Cher Dieu...

        Oui, il priait à voix haute, des fois que Dieu, entité omniprésente, omnipotente, mais surtout omnisciente, n'entende pas de là où il était. Cette prière, qui avait d'ores et déjà des allures de farce absurde quand on savait qui la récitait, aurait au moins le mérite de distraire les sergents de garde, soudain surpris par sa reprise de parole de leur captif.

        - ... Certes, il m'est arrivé de faire quelques écarts par rapport à ce que la morale recommande...

        On pouvait dire que le cafard maîtrisait mieux l'euphémisme que l'art de la prière. Avec toutes les atrocités qu'il avait commis à lui seul, une vie de pénitence ne lui aurait que difficilement permis d'obtenir le pardon divin.

        - ....Mais au fond... Je suis un chic type.

        Bien qu'une prière se devait d'être solennelle, l'un des sergents qui le surveillait s'exclama presque outré :

        - C'est tout ?

        Fronçant les sourcils, visiblement contrarié, le forban lui répondit sèchement.

        - C'est déjà pas mal je trouve. À lui de faire un effort maintenant.

        Estomaqué par le culot de cet impie, ses gardiens n'eurent pas le temps de reprendre leur souffle pour lui récapituler la liste des crimes qu'il avait commis et avait à se faire pardonner. À la place, tous se tournèrent violemment  en direction du pont central, une vive lueur venait d'attirer leur attention. On aurait dit une traînée de poudre menant à ce qui semblait être...

        - À couvert !!!!

        Une belle explosion en pleine nuit suffit à attirer l'attention de tout le monde à bord, tout du moins, de ceux qui n'avaient pas été pris dans son souffle. Que ce soit les mousses, le navigateur, ou même les gardiens de Joe, tous se ruèrent sur le pont central pour éteindre le début d'incendie qui menaçait de ravager leur fier galion.
        Le cafard n'avait même pas sursauté quand l'explosion survint, il observait ce miracle, parce qu'il n'y avait pas d'autre mot, qui venait de se produire, un air pour le moins circonspect affiché sur sa sale bobine. Secouant sa tête pour revenir à lui, il leva la tête vers les yeux étoilés.

        - Tu vois quand tu veux ! Bon maintenant détache ma corde.

        Aussi immoral pouvait-il être, il croyait effectivement en Dieu. Mais aussi idiot qu'arrogant, il semblait croire par moment que ce dernier était à son service. Et la suite des événements le conforta dans cette idée. Un individu au visage caché avait défait ses liens. Joe n'eut pas le temps de dire merci, ce qu'il n'aurait pas fait de toutes manières, qu'il fut saisit par sa manche et entraîné au bord du vaisseau. Brutalement, l'homme remis les armes confisquées dans les bras du forban.

        - Saute.

        Haussant vaguement les sourcils un regard limite méprisant s'affichant alors, Joe jeta un coup d'oeil à l'étendue de la chute qui l'attendait si il obéissait. Il y en avait bien pour plus d'une dizaine de mètres d'ici à ce qu'il touche la surface. Une fois à l'eau, rien ne lui garantissait qu'en pleine nuit une joyeuseté issue des fonds marins de Grand Line ne vienne le grignoter.

        - Toi d'abord.

        Son interlocuteur ne semblait pas d'humeur à plaisanter, regardant sans cesse par dessus son épaule, il était clairement nerveux. Sans hésiter, tirant un peu plus sur la manche, il opéra une prise de judo sur son captif et le jeta par dessus bord. Un cafard à la mer, un !
        Le navire s'étant arrêté à proximité du cap des jumeaux, l'instinct de survie du forban lui indiqua naturellement qu'il avait intérêt à nager jusqu'à la terre ferme, et vite.
        Jamais il ne connaîtrait l'identité de son bienfaiteur, et très honnêtement, il s'en foutait. Quand on était aussi ingrat et opportuniste que lui, on ne cherchait pas le pourquoi du comment, on s'estimait heureux de la manière dont les événements avaient été favorable, et on allait de l'avant. De l'instinct de survie à l'état pur.

        - Peuf.... peuf.... L'aurait pu me filer une barque l'ordure.

        Alors qu'essoufflé, il venait enfin de se hisser sur le quai du cap des jumeaux, il crachait maintenant sur son sauveur. Ce n'était jamais assez bien pour lui de toutes manières. Se baladant trempé sur la terre ferme, il profita de la nuit et du faible éclairage pour s'immiscer tranquillement dans une auberge, et, tête baissée se payer une chambre pour la nuit au tenancier somnolant.
        Il y avait fort à parier qu'avec le grabuge à bord du galion tout juste à flot suite à l'explosion, le poursuivre serait la dernière des priorités des marines à bord. Il allait se coucher la conscience tranquille. Le lendemain, il en aurait probablement oublié jusqu'à l'existence même de son sauveur. Quand on était un pirate comme lui, on allait de l'avant sans retenir le superflu. L'essentiel pour lui à présent, c'est qu'il était sur Grand Line.
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        Le Cafard était libre et Komamuri en pleine détresse.

        La nuit fut longue sur le cuirassé. Le mastodonte éventré par l'explosion prit l'eau quelques minutes après et ajouta au chaos qui se généralisa. Accroupi dans un canoé, Wynn Boasron inspectait le trou béant qu'avait laissé la déflagration. Il se souvint de la nuit précédente, des heures passées à évacuer l'eau de mer pour maintenir le bateau au-dessus de la ligne de flottaison. En désespoir de cause, des bouées versions XXL furent placées sous la coque puis gonflées de manière à placer le navire tanguant sous un coussin d'air salvateur. Mais nul ne se faisait d'illusion, ce cuirassé était fichu. Ils allaient être remorqués par un soutien qui ne tarderait à arriver. Plus de la moitié de l'équipage avait passé le reste de la nuit dans les embarcations de secours une fois les dernières mesures d'urgences adoptées.

        Intérieurement, le Lieutenant-Colonel jubilait. Son plan s'était déroulé sans accroc. La confusion qui succéda à l'explosion occupa tellement l'esprit de tout le monde que la disparition de Biutag ne fut remarquée que bien des heures après. Même pas Komamuri l'avait effacé de son esprit quand le cuirassé swingua à tribord. Et quand enfin quelqu'un souleva la question du prisonnier, il était déjà trop tard. Et depuis, l'humeur de Komamuri était allé de mal en pi quand celle de Boasron montait graduellement en flèche. Il avait eu la bonne idée, estima-t-il, de se tenir à l'écart de l'humeur massacrante de son supérieur.

        Cela ne fit qu'empirer quand deux cuirassés s'immobilisèrent près d'eux alors que le soleil se trainait doucement vers son zénith. Un Commodore aux cheveux roux coupés court.

        - Je suis le Commodore Aung San, j'ai été dépêché pour vous porter assistance. L'amirauté vous ordonne d'abandonner votre navire et de prendre possession de ce cuirassé-ci, fit-il, l'index pointé vers le mastodonte le plus à droite de sa flottille. C'est le Victoire. A son bord, vous rallierez South Blue par Calm Belt. Le vôtre de navire, nous allons le réparer à Water Seven.

        - Pourquoi n'ai-je pas été averti de cette mesure ? s'enquit Komamuri, étonné. J'ai essayé de joindre l'amirauté de South Blue, sans succès.

        - Ah oui. Voici une missive spéciale, marmonna avec lenteur Aung en remettant un papier enroulé au Chaud Lapin. Pouvoir m'a été conféré de vous démettre de vos attributions de commandant de cette troupe et de ce cuirassé... enfin, de cette épave...

        - QUOI ? POURQUOI ? QUE... Ils m'accusent de... d'avoir franchi Reverse sans autorisation ? Mais c'est quoi ce délire, c'est le sous-amiral Sierra lui-même qui...

        - Le sous-amiral Sierra est en vacance actuellement. Il n'aurait pas pu donner cet ordre.

        - NE VOUS FOUTEZ PAS DE MOI AUNG ! beugla-t-il, une veine battant furieusement sur sa tempe. J'ai parlé à Sierra je vous dis ! Hier, juste après la capture de Biutag !

        - Et vous étiez sobre en ce moment ?

        Une phrase qui provoqua l'ire complète de Komamuri. Il fusa sur son interlocuteur, l'agrippa par le col puis le plaqua contre le grand mât. La violence du choc fit trembler le pilonne. Quelques soldats hoquetèrent de surprise et d'autres se précipitèrent pour éloigner Komamuri de son collègue resté d'un calme de marbre.

        - Comme je le disais, on m'a chargé de vous démettre et de promouvoir le Lt-col Wynn Boasron en tant que commandant du Victoire de son départ ici, jusqu'au QG de South Blue. D'ici là, vous serez comme tout votre équipage, sous les ordres de Boasron. Mes respects, Lieutenant-Colonel.

        Il agrémenta son discours d'un salut auquel répondit Wynn qui arborait le visage du devoir tout en maquillant le tout de cette incompréhension et cette sympathie pour son supérieur. Un peu dans la mode de celui qui se retrouvait propulsé à un poste qu'il n'avait ne serait-ce qu'imaginer. Alors qu'en son for intérieur, tout dansait la salsa. Le désarroi et la colère de Komamuri étaient total, il lisait et relisait la missive cachetée du sceau de l'amirauté comme s'il n'y croyait pas vraiment. Dans sa tête, sûrement défilait le fil de la journée d'hier et du coup de fil reçu de l'amirauté et de sa communication avec ce Sierra. Le même qui prétendait n'avoir jamais donné cet ordre....

        Le voyage à South Blue fut jouissif pour Wynn bien qu'il resta sobre et se contenta de faire ce qu'il avait toujours fait, diriger. Une fois ancré au G-4, le Colonel Komamuri fut conduit dans une salle de débriefing dirigée par le Sous-amiral Sierra lui-même. Bien qu'il ne fût de la partie, Wynn jubila à imaginer les fautes graves reprochées au Colonel. Changement de mer sans feuille de mission ni autorisation préalable de son Amiral, non-respect du code de rétention d'un dangereux prisonnier, erreurs graves ayant entrainé l'implosion d'un cuirassé et des blessures sur Marines (personne n'était mort, encore heureux), fuite dudit prisonnier. Et surtout, accusation mensongère sur Amiral.
        Wynn faillit mourir de rire en imaginant, Komamuri soutenir mordicus que Sierra lui avait donné cet ordre et le concerné juste en face martelant le contraire. Avec un peu de chance, Komamuri finirait-il en cellule psychologique pour évaluer son état mental... Une tâche ineffaçable...


        Plus tard cette journée-là, alors qu'il s'attendait à être promu à la place du Chaud Lapin, Wynn reçut une nouvelle qui brutalisa sa bonne humeur. Komamuri allait passer devant une cour martiale à une date non précisée s'il ne fournissait la preuve de son innocence. L'état-major du G-4 avait fini par retenir la possibilité du complot ou de la mauvaise farce faite au Chaud Lapin. En circonstance de quoi, possibilité fut donnée à ce dernier de faire toute la lumière sur cette affaire, quitte à demander de l'aide extérieure. Détective civil privé ou Marines expérimentés.

        Une goutte de sueur froide perla sur le front de Lieutenant-colonel comploteur.
        Ce n'était pas fini...