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La première investigation

Voilà plusieurs jours que j’étais sur un bateau en direction de Kage Berg. À peine étais-je arrivé dans les locaux du Cipher Pol qu’on me donna ma première mission. J’étais pas mal surpris et un peu déçu de ne pas pouvoir me poser un peu pour prendre mes marques, mais le voyage que j’avais passé avec les agents qui étaient venus me chercher à Logue Town m’avait fait comprendre qu’il valait mieux que je me donne à fond pour prouver que je n’étais pas qu’un simple mec pistonné. Du coup, je n’avais rien dit quant à l’ordre de mission. En même temps, je doute qu’il eut été judicieux de contredire mon supérieur alors que je venais à peine d’arriver.

Cette mission était assez simple : deux semaines auparavant, sur une île de West Blue nommée Kage Berg, se trouvait des révolutionnaires prisonniers de la marine. Malheureusement, ils furent secourus par un jeune épéiste appelé Ragnar selon les rapports. Mon travail consistait à me rendre à Kage Berg et trouver des indices pour découvrir où les révolutionnaires s’étaient enfuis. Je prenais les dossiers concernant l’affaire et levait les voiles en direction de l’île.

Sur le navire, j’avais lu et relu les rapports afin de bien cerner l’affaire que l’on m’avait confiée, mais il n’y avait pas tant de détails que ça et j’en avais vite fait le tour. Ce qui restait notable dans cette histoire, c’est que la marine avait été totalement dépassée par cet homme, Ragnar. J’avais déjà une idée de ce que j’allais faire en arrivant. Premièrement, me rendre à la base de la marine pour interroger le lieutenant censé superviser le transfert des révolutionnaires. Secondement, me rendre sur les lieux où s’était déroulé le combat pour y chercher des indices. Troisièmement, interroger les habitants pour essayer d’obtenir des informations sur la potentielle destination de fuite.

J'étais très enthousiaste de commencer, sauf que voilà, le voyage était plutôt long et je n'avais pas mis bien longtemps pour planifier ce que j'allais faire sur l'île. J'avais bien un livre, mais mon ennui était si fort que je l'avais fini en à peine une journée. Quand cela arriva, il fallait que j'occupe encore au moins trois jours de route. Ne trouvant aucun partenaire d'entraînement satisfaisant parmi l'équipage du navire de transport de l'organisation, je dus donc me contenter de regarder l'océan et de patienter. Voir la terre ferme fut un immense soulagement pour moi.

Nous avions accosté dans un petit port pittoresque. Les maisons à colombages se ressemblaient toutes et les rues étaient animées par le marché matinal. Je remarquai que les habitants me jetaient quelques regards, sûrement à cause de mes habits. C'est sûr que j'étais mille fois mieux vêtu que ces simples pécheurs et éleveurs de mouton. Enfin bref...

Je me dirigeai d'un pas vif vers la caserne où se trouvait la garnison de l'île. C'était un assez grand bâtiment où une centaine de soldats s’entraînaient dans la cour à mon arrivé. Un caporal me remarqua et me demanda de m'identifier. Je me présentais alors et lui fis comprendre que je voulais voir le lieutenant présent durant l'attaque pour lui poser deux où trois questions. Passé la surprise et, une fois s'être inutilement excusé au cas où il aurait été rude envers moi, il me guida jusqu'à la chambre où se trouvait le lieutenant. Une fois arrivés, il nous laissa seul à seul.

Le lieutenant Armando Castellani était un homme proche de la trentaine, plus grand que moi et avec une musculature plus développée. Il était assis dans son lit, des bandages recouvraient son corps au niveau de son torse et il regardait par la fenêtre d'un air troublé. Il savait que j'étais là, mais ne tournai pas la tête pour me faire face, comme s'il avait peur de quelque chose. Dans un sens, c'était plutôt normal de sa part. Il avait échoué à transférer les prisonniers et son grade allait en prendre. La venue d'un membre du Cipher Pol pour l'interroger n'avait pas du le rassurer. Voyant qu'il n'allait pas entamer la conversation, je m'élançais :
- Bonjour, lieutenant. Je suis Adal Erick Eder, du Cipher Pol 8. Dans le cadre d'une enquête, j'aurais besoin de vous poser quelques questions.

Il resta silencieux, fuyant le plus possible mon regard. Je poursuivis donc :
- Tout d'abord, j'aimerai plus de détail sur votre mission initial. Qui étaient ces révolutionnaires et pourquoi les transférer via cette île ?

Je m'assis dans un coin de la salle et attendis patiemment qu'il me réponde, sortant mon carnet pour prendre ses réponses en note. Je l'observai attentivement. Il cherchait ses mots pour ne plus commettre de bavure et ne rien dire qui aurait pu se retourner contre lui. Je ne voulais pas le presser, pas tout de suite. Bien que je me fusse rendu compte que l'organisation à laquelle j'appartenais avait des méthodes... peu conventionnelles, dirons-nous simplement, je préférai utiliser la méthode douce pour le moment. Après tout, ce n'était pas mon ennemi et il n'avait aucune raison de me mentir. Il prononça finalement : 
- Nous les avions capturés sur une île voisine et nous nous dirigions vers G-3. Nous voulions faire escale sur Kage Berg pour plus de discrétion puisque nous supposions que les révolutionnaires attendaient le bon moment pour nous tomber dessus en mer. Il faut croire que l'on n'a pas été assez prudent.
- Ensuite, pouvez-vous confirmer l'identité de la personne qui vous a agressé ?
- J'ai cru comprendre qu'il s'appelait Ragnar, alors j'ai transmis son signalement à...
- Vous m'avez mal compris, fis-je d'un ton sec. Pouvez confirmer que c'était son vrai nom ?
- No... Non, avoua-t-il. Mais quelle différence cela fait ?
- Eh bien... si ce n'est pas son vrai nom, alors il n'aura aucun problème à se faire appeler autrement sur une autre île. De plus, cela veut dire qu'on ne peut pas le retrouver dans des archives de naissances, donc savoir d'où il vient et lancer une enquête plus poussée. Donc oui, son identité est importante. Mais passons. Dans le rapport, il est dit qu'il était vraisemblablement accompagné d'au moins un acolyte. Que pouvez-vous me dire sur lui.
- De ce que m'ont rapporté mes hommes, il est plus vieux que le dénommé Ragnar. Il semblait être borgne et était très bien habillé, un peu comme vous.
- Mais vous n'avez pas fait de signalement pour lui donner une prime ?

Son silence suffit à me donner une réponse. Je n'attendis même pas qu'il tente de se justifier et continuai :
- J'aimerais que vous me fournissiez deux choses : premièrement, la liste des prisonniers et, secondement, la liste de leurs effets personnels confisqués. M'autorisez-vous à y jeter un œil ?
- Évidemment. Vous avez le champ libre pour résoudre cette affaire après tout. Léo, cria-t-il.

Un jeune soldat à qui je n'aurai pas donné plus de dix-huit ans entra et se mit au garde-à-vous. Après que son supérieur lui donné l'ordre de repos, celui-ci lui ordonna de me donner ce dont j'avais besoin. Il m'invita à le suivre vers les bâtiments administratifs. Après quelques petites et courtes formalités, j'avais ce que je voulais en ma possession. J'y jetai un coup d'œil rapide pour voir de quoi il en retournait et congédiait Léo. Au même moment, une idée me traversa l'esprit et je lui demandai :
- Préviens ton lieutenant que j'irai voir les effets personnels des prisonniers demain dans l'après-midi. Et essaie d'être discret. Je ne tiens pas à ce que toute la base soit au courant de mes agissements.

J'avais donc terminé la première tâche que je m'étais confié. Je décidai donc de sortir de la base pour me diriger vers le lieu de l'agression, afin de voir s'il n'y avait rien à en tirer.
    Je marchais tranquillement sur un chemin entre deux champs en fleurs. L'île de Kage Berg était assurément très belle pour un touriste, surtout en cette période de l'année où le temps était parfait pour sortir dehors. Dommage que ma première visite fut consacrée au travail. J'avais rapidement mangé dans une petite auberge et j'étais immédiatement parti vers le lieu de l'attaque, afin de ne pas perdre un seul instant. Pour l'instant, il n'y avait aucune piste à l’horizon et je semblai condamner à ne rien trouver de pertinent. Je relisais mon carnet dans lequel j'avais consigné les informations données par le lieutenant Castellani. Sur la liste qu'il m'avait fournie, il ne semblait pas y avoir de gros bonnets de la révolution ou plutôt quelqu'un suscitant un quelconque intérêt. Et concernant les objets confisqués, aucun ne paraissait être utile à l'enquête, mais j'allais attendre de les voir de mes propres yeux pour en décider, histoire de ne pas manquer bêtement une possible piste.

    En marchant, j'essayais de répondre aux questions soulevées par ce que j'avais entendu. Tout d'abord, comment les révolutionnaires avaient-ils été mis au courant pour le transfert via l'île ? Quelle importance revêtaient les prisonniers pour que soit organisé un plan de secours ? Je me demandai aussi quelle était la raison pour le choix de Kage Berg, insatisfait de la réponse que m'avait fourni le lieutenant. Après une bonne heure de marche, je parvenais enfin à destination.

    D'après le rapport, l'attaque avait eu lieu sur un chemin au milieu de rien et totalement à découvert. À une vingtaine de mètres au sud se trouve une forêt. C'était par celle-ci que les révolutionnaires étaient parvenus à s'échapper. Je notais rapidement la configuration des lieux sur mon carnet. Le sol était encore bien marqué par le combat : on pouvait voir des traces de pas qui dévoilaient les combats qui s'y étaient produits et des cratères sûrement dûs à des explosions de grenade étaient observable. Je pus donc retracer le fil de l'action. Ragnar et son acolyte étaient venus du nord, avaient combattu et s'étaient enfui vers le sud. Seulement, il y avait un hic : d'où venaient les marines. D'après ce qui m'avait été rapporté, il venait d'un village un peu plus loin et se dirigeait vers la garnison. Sauf que les traces au sol me disaient le contraire. En effet, la marine transportait les prisonniers via un chariot, et j'avais suivi les traces pour arriver là où j'étais, mais les traces s'arrêtaient ici et aucune n'allait vers le village mentionné dans les rapports. Plutôt louche donc.

    Je me dirigeais ensuite vers le sud pour essayer de voir par où les révolutionnaires étaient passés. Le bois était dense et, si on ne faisait pas attention, on pouvait facilement se perdre. Après un quart d'heure, je sortais enfin de la forêt pour déboucher sur une plage. Un bateau avait dû les attendre pour l'extraction. Cela voulait donc bien dire que les révolutionnaires avaient bien prévu et organisé la fuite des leurs. Restait à comprendre pourquoi et comment. Je revins sur mes pas, mais, alors que j'étais au milieu de la forêt, je fis une étrange découverte : des vêtements étaient enterrés dans le sol. J'en déduisis qu'ils avaient voulu tromper l'odorat des marines pour faire diversion. Je trouvai quatre de ces pièges et observai attentivement les vêtements, espérant y trouver quelque chose d'intéressant. Évidemment, il n'y avait rien. J'abandonnai donc ces vêtements là où ils étaient et retournai sur le lieu de l'affrontement.

    Au final, ça ne m'avait pas servi à grand chose de faire ça. A part me confirmer ce que je savais déjà, je n'avais pas de nouvelles informations et j'avais même plutôt perdu mon temps. Je soupirai de déception, et décidai de visiter le village où les marines prétendaient être passés.

    Ce dernier n'était qu'à une demi-heure de marche et n'étaient vraiment pas très grand. J'estimai que sa population ne dépassait pas le millier d'habitants, ce qui était honorable, mais peu en comparaison de la ville où j'avais accosté. De la même que pour cette dernière, les gens semblaient surpris de voir une personne aussi bien habillée que moi. Je posai des questions à quelques personnes, mais leurs réponses se rejoignaient. Oui, ils avaient connaissance de l'affrontement qui s'était déroulé. Non, le transfert n'était pas passé par là et, non, ils n'avaient pas non plus vu de personnes suspectes. Bref, à la fin de l'après-midi, je n'avais toujours pas avancé. Enfin pas tout à fait. J'étais désormais sûr à cent pour-cent que le lieutenant Castellani me cachait quelque chose. J'avais aussi deux hypothèses pour la raison de la connaissance du transfert des révolutionnaires : soit ces derniers avaient un informateur sur l'île, soit il y avait une taupe dans la marine. Maintenant, il fallait que je trouve des preuves en faveur de l'une ou de l'autre des théories.

    Le soir pointant le bout de son nez, je pris une chambre dans l'auberge rustique du petit village. Je passai la soirée à préparer un plan d'action pour le lendemain. Mais quand je décidai enfin de partir me coucher, je fus surpris par une chose assez inattendue.
      Alors que j'allais me coucher, je jetai un coup d’œil à travers les rideaux de ma chambre. Je remarquai alors deux silhouettes semblant se cacher sous de grandes capes sombres qui avançaient d'une allure vive vers la sortie du village, par là où moi j'étais arrivé quelques heures plus tôt. En temps normal, je n'aurais rien fait, mais je trouvais cela trop intriguant pour le laisser passer. Je regardai l'horloge : minuit trente. Je pouvais bien attendre encore un peu avant d'aller me coucher. Je m'habillai et sortis pour partir à leur poursuite.

      Seul le clair de la pleine lune pouvait éclairer mon chemin. J'avançai prudemment, gardant une bonne distance avec les deux inconnus, histoire de ne pas me faire repérer. Il fallait redoubler de prudence, car le chemin était très à découvert. Au bout d'un moment, ils tournèrent et prirent un chemin que je n'avais pas remarqué en arrivant et qui s'enfonçait dans les bois. Le chemin débouchait sur la même plage sur laquelle j'étais arrivé en allant au sud du lieu de l'affrontement. Je continuai de suivre les deux silhouettes en restant dans l'orée de la forêt pour mieux me cacher. Ils longèrent la côte quelques minutes et s'arrêtèrent au milieu de la plage.

      Ils restèrent là sans bouger pendant au moins un quart d'heure, vérifiant autour d'eux pour être sûr de ne pas avoir été suivis. J'étais à une dizaine de mètres d'eux, suffisamment proche pour les entendre, mais assez loin pour s'enfuir au cas où. Je ne faisais plus aucun mouvement, restreignant ma respiration au plus bas possible. Après ce quart d'heure, une barque s'approcha de la côte. Un homme en descendit et une discussion s'engagea :
      -Comment se déroule votre mission à tous les deux ? questionna le dernier arrivé, que j'assumai être leur supérieur.
      -Plutôt bien, répondit le premier homme, si on excepte le fait qu'un agent du Cipher Pol serait arrivé sur l'île d'après ce qu'on nous a dit.
      -C'est de cela dont nous voulions vous parler, fis le second homme encapuchonné. Cette mission devient un peu trop dangereuse si le CP commence à fourrer son nez dans nos affaires. Si la marine leur parle du pseudo-arrangement que l'on avait avec eux, ça va causer pas mal de ramdam. On ferait mieux de plier bagage le plus vite possible.

      Leur supérieur prit une pause, sans doute pour réfléchir, puis reprit :
      -Écoutez, votre mission n'est pas encore terminée et vous avez sûrement encore quelques jours pour l'accomplir. Récupérer ce que nous voulons et on vous faire sortir de ce trou à rat.
      -Pas plus d'une semaine d'accord ?
      -Très bien. Nous reviendrons dans une semaine pour extraction. Si vous êtes dans de gros problèmes, envoyez le message de secours, nous serons dans les parages.

      Je n'en croyais pas ce que je venais d'entendre. Les révolutionnaires auraient passé un deal avec la marine ? Si tant est que ces hommes faisaient bien partie de la révolution. Si c'était bien le cas, alors j'allais devoir m'entretenir avec le lieutenant Castellani une fois de plus. Ils avaient aussi mentionné une mission de récupération. Je me doutai que cela eût un rapport avec toute l'affaire, mais j'ignorai parfaitement de quoi il parlait. Ils continuèrent de parler pendant quelques minutes, mais le vent s'était levé, si bien qu'il couvrît leur voix. Le supérieur remonta dans sa barque et se dirigea vers le navire qui avait jeté l'ancre à une centaine de mètres de la plage. Les deux encapuchonnés repartirent alors vers le village de toute à l'heure. J'attendis un peu qu'il s'éloigne et repris la filature.

      Quand nous arrivâmes dans le chemin boisé, je lançai l'offensive. Je pris ma canne dans ma main et courus jusqu'à l'un d'eux. Ils m'entendirent m'approcher, mais celui que j'avais décidé de frapper n'eut pas le temps de réagir quand ma canne s'abattit sur sa nuque. Le choc fut si violent qu'il tomba inconscient d'un seul coup. L'autre sortit un sabre de dessous sa cape et tenta de me porter un coup. D'une voix claire, j'annonçai :
      -La Grande Ouverture.

      Je chassai alors la lame d'un mouvement vif de ma canne et frappai son torse sur son plus fragile point : le plexus solaire. J'enchaînai tout de suite avec une frappe de ses tempes par mes paumes, ce qui le sonna encore plus, avant de le terminer par ma technique de savate consistant à enchaîner trois frappes au pied. La première toucha sa jambe, la seconde son flanc et la troisième sa tête. Après ça, il resta à terre. Je m'époussetais rapidement et menottais les deux hommes. Je les attachais à un arbre afin qu'il ne s'échappe pas et partît immédiatement en direction de la caserne. Il fallait que le lieutenant et moi ayons une petite discussion nocturne.
        Lorsque j'arrivai à la caserne, le soldat qui montait la garde à l'entrée me reconnut et me demanda la raison de ma présence. Je lui ordonnai fermement de m'amener immédiatement dans la chambre du lieutenant Castellani. D'abord réticent, il ne tarda pas à obéir. Les pensées fusaient dans mon esprit. Je ne comprenais rien de ce qui se produisait sur cette île et ça me mettait hors de moi. J'avais bien quelques théories, mais rien pour les étayer. En arrivant, j'avais accordé ma confiance à ce lieutenant de pacotille, mais au final rien de ce qu'il m'avait dit ne paraissait vrai. Il n'y avait aucune raison pour la marine de transférer les prisonniers via cette île. Île qui cachait quelques révolutionnaires. Révolutionnaires qui souhaitaient récupérer quelqu'un ou quelque chose en rapport avec les prisonniers. En bref, je tournai en rond et il me fallait des explications. Et puisque la méthode douce n'avait pas fonctionné, il était temps d'être un peu plus persuasif.

        Quand j'arrivai dans la chambre, réveillant dans un sursaut l'homme qui m'avait menti. Je congédiai le soldat qui m'avait guidé, lui révélant l'emplacement où j'avais laissé les deux révolutionnaires que j'avais mis à terre. Il nous laissa donc seul et je fermai la porte à clé derrière lui. Une fois que je fus assuré d'être seul à seul, je m'approchai d'Armando qui se doutait que j'eusse percé ses machinations à jour. Je posais le bout de ma canne juste en dessous de son menton, sur sa gorge. Je m'exprimai le plus calmement possible :
        -Bonsoir lieutenant. Je suis désolé d'interrompre votre sommeil, mais j'ai besoin de réponse. Et ne vous avisez pas de me mentir. Vous êtes suffisamment dans la merde, alors, n'en rajoutez pas. Est-ce bien compris ? articulai-je en insistant bien sur chaque mot.
        - Ou...Oui, bégaya-t-il.
        - Parfait. Première question, pourquoi passiez-vous par Kage Berg pour le transfert et qui étaient ces prisonniers ?

        Il semblait continuer d'hésiter à me répondre alors j'appuyais un peu sur ma canne. Il répondit, commençant à paniquer :
        - C'était censé être un piège pour les révolu...
        - Mensonge , criai-je en le frappant avec mon arme. J'ai surpris une conversation de deux révolutionnaires qui disaient que vous aviez passé un pseudo-engagement. Dîtes-moi la vérité.
        - Laissez-moi vous expliquer. Ces prisonniers étaient des esclaves en fuite que nous avions attrapés sur une île non loin de là.
        - Des esclaves ?
        - Oui. Après leur capture, nous avons reçu un message de la révolution. Ils avaient une proposition à nous faire : des informations que nous aurions pu utiliser contre eux en échange la libération des esclaves.
        - Et vous les avez crus ?  m'indignai-je.
        - Évidemment que non. Et nous savions pertinemment que jamais ils n'allaient remplir leur part du marché. Nous voulions donc piéger les révolutionnaires. Le but était de les attirer avec les prisonniers, de faire semblant de jouer le jeu et de les capturer au moment propice. Nous n'avions pas prévu d'être attaqués au milieu de nul part et d'être aussi dépassés.
        - Et pourquoi n'avez-vous rien dit ?
        - Non seulement j'aurais été ridiculisé,  tenta-t-il de s'expliquer, mais j'aurais sûrement été contraint de quitter les rangs de la marine.
        - Et comptez bien là-dessus quand je ferai mon rapport à mes supérieurs. Vous êtes un incapable doublé d'un lâche. Si vous nous aviez renseignés plus tôt sur cette affaire, nous aurions pu agir bien plus efficacement. Bon ensuite, pourquoi les révolutionnaires souhaitaient autant récupérer ces esclaves.
        - Ça, j'en sais vraiment rien, je le jure. On ne comprenait pas du tout pourquoi ils y tenaient tant à ces hommes.

        Cette fois, j'étais sûr qu'il me disait la vérité. J'avais déjà exposé son plus gros secret, alors il n'avait aucune raison de me mentir. Je terminai mon interrogatoire par une simple question :
        - Y'a-t-il autre chose que vous aimeriez mentionner avant que je ne parte ?
        -Non, vous connaissez la vraie histoire. Nous sommes incapable de vous donner des informations sur leur destination.
        - Sept jours.
        -Pardon?
        - Dans sept jours, un navire de la révolution se trouvera non loin de la plage sud. Il est censé venir pour récupérer les deux hommes que j'ai arrêtés. Attendez-le, attaquez-le et vous pourrez obtenir les informations dont j'ai besoin.

        Je relâchais la pression sous la gorge du marine. Il se mit à souffler de manière frénétique.
        - Vous m'avez vraiment déçu, lieutenant. Ah oui ! Ça, c'est pour m'avoir fait perdre mon temps.

        Au moment où je prononçais ces mots, je frappai violemment sa jambe, lui arrachant un cri. Je sortis de la chambre et découvris une foule qui s'était attroupée pour essayer d'entendre ce qu'il se disait. En voyant mon visage sévère, ils crurent bon de retourner à leur occupation première et disparurent de mon champ de vision en un instant. Je soupirai et partis vers le lieu de la caserne où était conservé les objets confisqués. Bien qu'aucun ne m'eût particulièrement tapé dans l'œil, je voulais quand même vérifier par moi-même. En plus, ce que j'avais entendu par les révolutionnaires avait ravivé ma curiosité.

        Je demandai donc mon chemin jusqu'à un petit local poussiéreux. Elle était remplie de casier portant des numéros de dossier et une table siégeait en son centre. Je cherchais les affaires relatives aux prisonniers. Une fois trouvé, je les étalais sur la table et commençai par vérifier qu'il n'en manquait aucun, en m'aidant pour cela de la liste que je possédais. Quand cela fut fait, je manipulais chaque bien pour vérifier qu'il ne cachait rien. Évidemment, je fis chou-blanc. Du moins jusqu'à trouver un petit carnet. De très bonne facture et avec une magnifique reliure en cuir, il était aussi vierge de toute écriture. Comment un esclave aurait-il pu se le procurer ? En le volant ? Ou bien était-ce une possession d'avant qu'il devienne un esclave. J'allais le reposer, quand je remarquai qu'une partie de sa reliure pouvaient se retirer. Une petite clé y était cachée. Je l'observai, sans comprendre ce qu'elle pouvait bien ouvrir. Intrigué, je décidai de conserver le carnet et la clé.

        Après avoir tout rangé, je sortis du local et m'étirais. J'en avais enfin fini. Ou plutôt, je ne pouvais rien faire de plus ici. Je décidai donc de retourner au village où j'avais loué une chambre et de rester sur Kage Berg quelques jours de plus, histoire de profiter du beau temps et de la beauté de l'île. Il fallait aussi que je rédige un rapport qu'il me fallait envoyer à mes supérieurs pour les informer des découvertes que j'avais faites.

        J'avais donc fini ma première mission. Je ne savais pas encore bien comment réagir. Moi qui ne m'étais jamais intéressé de près à la révolution et à toutes les histoires tournant autour, j'étais maintenant au cœur de l'action. J'étais encore perturbé par quelques détails. Où était partis le dénommer Ragnar ? Et son acolyte ? Pourquoi les révolutionnaires tenaient tant à la clé que j'avais trouvée, si tant est que c'était bien ça l'objet qu'il recherchait ? Je me doutai que j'allasse devoir me confronter à ces questions un jour ou un autre, mais pour le moment, je songeais plus à quel paysage j'allais bien pouvoir admirer durant mon séjour sur cette île.