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Le monde souterrain

Courir. Il fallait courir, coûte que coûte, sans se retourner. Derrière lui, Moka entendait le rire sinistre de Limoncello, qui se faisait toujours plus proche. Paniqué, il se perdait dans un dédale de ruelles étroites aux façades faites de sucreries. Toutes les portes étaient fermées, les fenêtres ne  laissaient voir que de faibles lueurs et des regards hostiles. Coupable, coupable, coupable. Ce murmure, qui glissait dans le vent, tourmentait Moka. Cette voix, il la reconnaissait, c’était celle de Splitz, son cousin qu’il avait tué. Tout d’un coup, une porte s’ouvrit à sa droite, lui offrant une échappatoire, Moka s’y engouffra, et les voix cessèrent de le suivre. A l’intérieur, il faisait sombre, et, à tâtons, le jeune prince chercha un appui, une bougie, quelqu’un, n’importe quoi, du moment qu’il ne demeurait pas seul ici.

- Tu as peur, minus ? tonna une voix caverneuse.

- Laissez-moi partir ! s’écria Moka en dégainant son épée, haletant.

- Tu comptes me faire mal avec cette aiguille ? Tu es faible, ricana la voix, qui fut suivie par mille autres dans un concert de rires.

- Montrez-vous ! Vous n’avez pas d’honneurs, vous qui vous cachez dans l’ombre, trancha Moka, en garde, et prêt à en découdre.

Soudain, toute la pièce s’éclaira et Moka se retrouva encerclé par un mur de flammes infranchissable. Derrière celui-ci, il pouvait discerner des trois ombres se tortillant dans une danse macabre et grotesque en murmurant des phrases sibyllines. Un petit prince s’élève contre une armée. Un petit prince aurait mieux fait de s’enfuir. Il ne faut pas revenir, petit prince. Il te brisera, elle te fera connaître mille songes, et tu t’en iras. Fasciné les ombres, Moka ne remarqua pas que le sol se dérobait sous ses pieds, le carrelage de marbre blanc s’effritait comme du sable. Baissant les yeux, il s’aperçut qu’il tombait.

La chute semblait durer une éternité, et au néant succéda le ciel. Plus de flammes, plus de rires, plus d’ombres, mais Totland. Tout l’archipel vu depuis le ciel, la vision était enchanteresse, et Moka cria de joie en battant les bras comme des ailes. Le sol se rapprochait, mais il était encore loin, et Moka n’en avait cure. Tout ce qu’il voulait, c’était retourner dans sa maison, revoir ses frères, revoir Flora, et cesser de courir.

- C’est magnifique, n’est-ce pas cousinet ? souffla une voix, menue et rieuse.

Moka tourna la tête et vit Cassatta, l’une de ses cousines, tomber à ses côtés, ses cheveux verts battant le vent, tout sourire. Moka ne connaissait pas beaucoup cette fille qui, selon les rumeurs, était étrange et solitaire. Bien que jolie, aucun prétendant ne s’était avisé de demander sa main, sans que l’on sache pourquoi. Cependant, les rares fois où il la voyait, elle apparaissait comme une jeune femme d’esprit, joyeuse, et taquine.

- Je…oui, c’est beau, répartit Moka, avant de reprendre, je ne pensais pas te voir ici.

- Je suis partout, car le domaine des rêves et mien cousinet, répondit Cassatta en haussant les épaules.

- Tu es une sorcière ? s’enquit, Moka, sur un ton ironique, alors qu’il voyait le sol se rapprocher et les bâtiments sucrés de Sweet City se dessiner sous ses yeux.

- On peut dire ça ! Je vais te montrer un truc sympa, regarde.

Plongeant plus avant, Cassatta se retrouva devant Moka, dos à la terre qui se faisait plus menaçante à chaque seconde. Le vent ne semblait pas avoir d’effet sur elle tant ses membres restaient figés. Doucement, elle écarta les cheveux lui barrant le front et, Moka demeura estomaqué. En plein milieu du front de sa cousine, il pouvait voir un troisième œil qui, différent des deux autres, avait l’iris d’or. Au moment où Moka prétendit toucher le visage de Cassatta, celle-ci s’évapora, laissant voir une haute tour dont la pointe rutilante d’argent risquait de l’empaler sous peu. Cherchant à dévier sa trajectoire, Moka essaya de bouger, mais quelques choses l’entravaient. De toute part, des liens invisibles le retenaient. De toutes ses forces, il luttait contre ses liens, alors que la tour s’était changée en lance d’acier noir, tenue par un géant à l’armure de dragon. Tu vas mourir. Tu vas mourir. Le murmure du vent se voulait accusateur, terrible, et Moka hurla une dernière fois. Puis il se leva, en sursaut, la peau perlant de sueur.

Ce n’était qu’un rêve. Rien qu’un cauchemar, pensa-t-il, avant de se lever, nu, pour aller se débarbouiller le visage à l’eau froide. Dans la salle de bain, il se contempla le visage dans le miroir, tandis qu’un petit robinet de cuivre déversait de l’eau. Assurément, il avait mauvaise mine, à croire que les mauvais rêves drainaient l’énergie vitale des pauvres endormis. L’eau était presque glacée et, non sans hésitation, Moka joint ses mains en coupe pour, à trois reprises, s’asperger le visage.  Ceci fait, il s’essuya avec une serviette déposée près de la baignoire et revint dans sa chambre. D’aspect rustique, la décoration ne plaisait guère à Moka mais, n’ayant jamais été un bon intendant comme son frère Robusto, il en était réduit à fréquenter ce modeste hôtel situé près du Golden Port de l’île de Manshon.

- Hmm…déjà réveillé ? Je n’ai jamais connu d’hommes aussi matinal, articula mollement une voix de femme.

Moka, un peu surpris, se tapota la tête de la main, comment avait-il pu l’oublier ? Celle qui avait passé la nuit avec lui après cette folle soirée d’hier au cours de laquelle il avait perdu, parties sur parties, au casino. Le pas alerte, il alla la rejoindre au lit et, s’allongeant à côté d’elle, couvrit sa nudité sous la couverture.

- Et bien, ma chère, sachez que j’ai fort à faire aujourd’hui, je dois retrouver mon patron pour une affaire importante.

- Je le sais, vous m’avez raconté tout ça hier… dit-elle, en passant la main dans les cheveux en bataille de Moka.

- Oh…et qu’aies-je fait d’autres ?  

- Mon dieu, vous et l’alcool…s’esclaffa la belle brune aux yeux d’un vert pétillant avant de pincer la joue de Moka.

- Vous vous moquez de moi, ce n’est pas très gentil, répondit Moka, la moue boudeuse.

- Mais non ! Vous étiez si drôle hier ! Vous avez perdu presque tout votre argent, avant de vous disputer avec l’un des clients, qui était le mien d’ailleurs, avant que vous lui éclatiez la figure contre le sol. La belle exhala un soupir navré. Puis nous avons fait connaissance…

- Donc, vous êtes une…

- Une prostituée, oui.

- Ce n’est pourtant pas mon genre de payer pour une passe…

- C’était gratuit, pour vous, répondit celle-ci, avant de reprendre, il est si rare de tomber sur des gens aussi proches du fameux Manuel Tempesta…

Quels mensonges avait-il encore inventé pour plaire à cette femme aux formes affriolantes ? Ce Manuel Tempesta, Moka ne l’avait jamais vu de sa vie, et pour cause, ce grand parrain de la mafia de North Blue mettait un point d’honneur à rester dans l’ombre, même lorsqu’il traitait avec ses partenaires de la pègre. Et puis, un autre problème plus important lui torturait l’esprit: il ne connaissait pas le nom de cette belle demoiselle ! Clara ? Sonia ? Rebecca ? Serena ? Il ne savait plus.

Cependant, Moka n’eut pas le temps de pousser plus en avant sa réflexion car une sonnerie monotone, mais familière se fit entendre : il s’agissait d’un escargophone. Ce dernier reposait sur un petit guéridon près du lit et avaient les traits de son patron, une imposante moustache noire, et des yeux endormis. Un moment hésitant, le jeune homme décida de prendre son courage à deux mains et de décrocher.


Dernière édition par Moka Charlotte le Lun 21 Nov 2016 - 22:20, édité 2 fois
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Décidément, ce bon vieux Bonifacio n’était d’humeur très joviale ce matin. Tout au long de leur conversation, il avait hurlé, rouspété, tant et si bien que Moka se demandait s’il n’avait pas de pique dans le fondement. Que son patron soit pressé ou non, Moka n’en avait cure et, tandis qu’il était attablé au restaurant de l’hôtel, contemplait de loin une partie de cartes entre des habitués avec lesquels il était familier. Quant à la jeune femme qui avait partagé sa couche, Moka l’avait congédié après lui avoir offert un repas des plus frugaux, la belle n’ayant pas l’appétit du jeune prince. Cependant, avant de se quitter, ils avaient échangé quelques mots doux et, après une embrassade tendre, Moka lui avait promis qu’il reviendrait. Belle comme l’aurore, cette Serena n’était pas une femme de joie ordinaire. De loin, alors qu’il la regardait s’éloigner le long de la rue, il la voyait jouer avec les enfants des chiffonniers, saluer les passants, faire l’aumône au pauvre mendiant qui, ancien soldat de la Marine, avait perdu ses jambes lors de la crise du Gila.

- Votre thé, Monsieur, annonça le serveur, en déposant une tasse de porcelaine finement ouvragée, accompagnée de deux morceaux de sucre et de petits gâteaux secs.

Moka gratifia la bonne âme d’un sourire et reporta son attention sur le précieux breuvage dans lequel il glissa un morceau de sucre : c’est que, sur cette île, le thé était plutôt doux et il n’était pas nécessaire d’y ajouter plus de saveur sucrée. A la table d’à côté, un nouvel arrivant s’était joint à la partie de cartes et, sous l’hilarité générale, avait parié sur sa victoire avec une mise à dix contre un. Le marasme économique de la ville n’avait pas ébranlé tant que ça la ville puisque, d’après ce qu’il voyait, certains avaient encore les bourses pleines. Le monde la pègre, conclut-il en lui, même, ironiquement.

Alors qu’il commençait tout juste à siroter son thé, l’on vint s’asseoir à sa table, en face de lui, sans un bonjour. L’homme qui était devant lui souriait d’un air malsain, dévoilant ses chicots jaunis, et un lourd parfum de lavande émanait de lui. A première vue, il avait l’air d’être un criminel, membre de l’une des mafias locales, avec son costume de piètre qualité, ses lunettes de soleil, ses cheveux gominés, coiffés en arrière, ainsi que ses innombrables bagues aux doigts.

Sans sourciller, Moka rendit son sourire à l’homme, avant d’ajouter :

- Bonjour, on se connaît ?

- Bien sûr, il marqua une pause, avant d’enlever ses lunettes pour dévoiler un œil tuméfié, on a fait connaissance hier.

- Je vous demande pardon ? Je crains de ne pas comprendre, répondit Moka, tout en sachant clairement qu’il s’agissait de l’homme avec lequel il s’était battu hier.

- Tu vois ce coquard ? questionna-t-il en montrant son œil meurtri du doigt. Eh bien, c’est toi qui m’as fait ça, espèce d’enfoiré.

- Ah oui…On m’a parlé d’une altercation que j’aurais eu hier, sous l’emprise de l’alcool, et je m’en excuse, sincèrement.

- Tes excuses, tu peux te les foutre dans le cul, trancha l’homme, sec.

D’un claquement de doigt, il fit venir plusieurs brutes autour de la table, et Moka posa doucement la main sur le fourreau de son épée, prêt à bondir hors de la table. Dans le café, un silence pesant se fit sentir, les clients restaient tétanisés, ou sortaient tout simplement du café. Du coin de l’œil, Moka guetta le comptoir et il aperçut le serveur et le barman farfouillant dans les tiroirs du bar, certainement en quête d’armes de dissuasion. Cette perspective rassura un peu Moka et, sans montrer le moindre signe de détresse, répondit au mafieux :

- La politesse n’est pas une qualité des gens de Manshon à ce que j’entends là.

- On a d’autres qualités, tu vas voir. Les gars, occupez-vous de ce mec, et apprenez lui à ne plus jamais s’en prendre à un capo de la famille Mancinelli, dit-il en quittant la table pour se diriger vers la sortie.

Sans plus attendre, Moka dégaina, et tout alla très vite. Derrière lui, des hommes s’élançaient, armés de couteaux, et Moka renversa la table pour gêner ses opposants situés en vis-à-vis. Faisant danser sa lame selon le style de l’escrime royale de Totland, il pivota en un éclair et l’acier vint mordre la chair du premier assaillant, juste en dessous de l’épaule, avant de lui trancher la tête d’un coup sec. L’établissement avait plongé dans le chaos et le barman, armé d’un fusil, se perdait en menaces et imprécations tonnantes tandis que les adversaires de Moka, visiblement impressionnés par cette dextérité à l’épée, reculaient prudemment.

Cependant, tout n’était pas fini, Moka le savait : le bal sanglant ne faisait que commencer, et il se finirait avec sa mort…ou celle de ses opposants. L’un des mafiosos, sans doute encouragé par le nombre, sorti un pistolet à silex et menaça Moka. En un clin d’œil, il alluma la mèche, et Moka fit un bond au dernier moment pour éviter le tir, qui atteignit un serveur, qui s’écroula, livide. Fou de rage, le barman riposta et atteignit le tireur en pleine tête, et la situation dégénéra. De tous les côtés, les chaises volaient, les tirs retentissaient, le bruit de l’acier contre l’acier se fit aussi pressant que celui des lames enlevant la vie.

Un homme fonça sur Moka le plaqua au sol, immobilisant ses bras avec ses genoux et l’étranglant. Luttant de toutes ses forces, Moka réussit à libérer son bras gauche, puis se saisit d’un morceau de verre pointu avant de le planter dans l’œil de son adversaire. Hurlant de douleur, celui-ci libéra l’étau de ses mains et Moka en profita pour lui planter sa lame dans la bouche, ce qu’il regretta amèrement lorsqu’un flot de sang tâcha sa veste. Je vais encore devoir passer à la laverie, songea-t-il, goguenard.

Au niveau du bar, un incendie s’était déclaré et on pouvait voir le barman, étendu sur le comptoir, sa cervelle maculant le miroir placé près des armoires à boissons. Il fallait se retirer, vite, la Marine n’allait sans doute pas tarder à arriver, et puis, il avait un compte à régler avec le salaud qui l’avait mis dans cette situation délicate. Tant bien que mal, il se releva, son épée plantée dans le parquet de l’hôtel. Titubant, il regagna la sortie en vitesse et, les soldats de la Marine approchant au loin, quitta les lieux, non sans un dernier regard vers l’établissement hôtelier qui se faisait dévorer par les flammes. On se verra ailleurs Serena. Une fois assez loin, il retrouva ses esprits et s’assit sur un banc. Avec toute cette agitation, Moka avait perdu de vue sa mission et, d’instinct, il leva les yeux à la recherche d’une horloge de rue. Celle qu’il trouva, fixée au sommet d’un petit réverbère, indiquait qu’il était presque onze heures : Moka avait près d’une heure de retard sur le rendez-vous fixé par Bonifacio…celui-ci serait furieux.

Tout d’un coup, des mains le saisirent par derrière et le molestèrent solidement contre le banc, et l’homme qui lui avait causé tout ce tort à l’hôtel se présenta à nouveau devant lui, une cigarette à la bouche. Sans prévenir, il gifla Moka avec une telle force que celui-ci fut pris de vertige, avant de cracher du sang.

- Tu croyais nous échapper petite merde ? Je connais ton nom maintenant ! Tu es Moka Charlotte, un petit noble de l’autre côté de la mer qui veut jouer au pirate.

- Je…je ne joue pas au pirate…pas comme vous, qui jouez au mafieux…alors que vous êtes une vieille canaille de bas étage.

Une seconde gifle vola, suivie d’une troisième, puis le vil criminel sortit une lame de sa veste, un stylet, ce type d’arme si adapté pour les assassinats. De la pointe, il taquina le cou de Moka et y fit perler une goutte de sang.

- Petit con va, tu vas crever, dit-il, en ricanant, avant de s’arrêter brusquement, le couteau quittant ses mains et tombant sur sol de pavés ruisselant d’eau souillée.

Un trait était venu se ficher dans le cou du malotru et, dans un geste vain pour stopper le saignement, il joignit ses mains à son cou, avant de s’écrouler quelques secondes après. Un second sifflement retentit et une flèche atteignit l’individu qui retenait Moka sur le banc, et celui-ci desserra son étreinte avant de tomber à son tour. L’épée au poing, Moka se leva et fit volte-face, un homme au physique trapu gisait au sol, une flèche plantée dans l’œil droit.

Du regard, Moka chercha ce mystérieux allié et aperçut enfin une silhouette, sur le toit d’une bâtisse. Qui était-il ?
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Le ciel avait viré au gris, et les passants se faisaient de plus en plus rares à mesure que Moka avançait, titubant et en sang, au lieu de rendez-vous où l’attendaient les autres. Malgré son état lamentable, le jeune pirate avait bel et bien décidé de respecter ses engagements. Bonifacio était un homme prompt à la colère, lent au pardon, mais il avait bon cœur : jamais il ne tiendrait rigueur à Moka pour son retard en le voyant ainsi. Sans crier gare, un premier coup de tonnerre retentit et une averse commença à inonder les pavés. Moka adorait le ruissellement des gouttes d’eau sur sa peau, elles semblaient le laver de toutes ses impuretés, le faire renaître à nouveau, et puis, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas pleuré. Levant les yeux au ciel, il étendit les bras et resta un moment immobile au milieu de la rue. La douleur du cœur avait surpassé celle du corps, et il se prit à penser à son pays, à sa famille. Crasseux et malheureux, je suis si loin de chez moi, si loin. La farce du bateleur avait assez duré, Moka devait s’en aller, en finir avec cette vie d’errance.

Les yeux larmoyants, il reprit sa route, d’un pas las. Il était presque arrivé à l’entrepôt de la Rue des Brumes, et il commençait à appréhender sa rencontre avec les amis de Bonifacio. Les rues de cette cité étaient peu sûres, et il pouvait mourir à tout moment depuis l’incident de l’hôtel. Certains le connaissaient et, à n’en pas douter, les rumeurs et les informations se propageaient rapidement dans ce monde souterrain qu’était la pègre. Et puis, une autre question trottait dans la tête de Moka : il se demandait qui était le mystérieux archer qui l’avait sauvé des mains des sbires de Mancinelli. Sans attendre un remerciement de sa part, il avait filé avec une agilité gracile. Il faut que je le retrouve, mon ange gardien. Une petite ruelle conduisait à la Rue des Brumes, ce passage mal famé de la ville où la Marine n’osait pas patrouiller, un territoire contesté et marqué par les rivalités entre les grandes familles mafieuses.

Il fallut peu de temps à Moka pour traverser la petite ruelle et, sans peine, il repéra un grand bâtiment de pierre terne, dont les grandes portes coulissantes d’ébène étaient gardées par deux malabars que le jeune homme peinait à reconnaître, tant la pluie masquait leurs traits. En s’approchant un peu, il reconnut les frères d’Angelo, Isaac et Martin, des hommes de confiance de Bonifacio. Isaac, l’aîné, écarquilla les yeux en voyant Moka, il semblait visiblement choqué par son allure. Martin se contenta de le regarder de cet air hautain qu’il affectionnait tant, et que Moka détestait par-dessus tout.

- Oh putain Moka ! La gueule que t’as mon vieux ! Et cette défroque, tonna Isaac et secouant la tête d’un air consterné.

- Tu t’es encore foutu dans la merde pour une femme toi, dit Martin, sans équivoque, et l’air grave.

- Fermez-la, et dites au boss que je suis là…

- Il est en colère, il t’attendait pour faire bonne impression devant nos invités, répliqua Martin, sans doute pour enfoncer le couteau dans la plaie.

- Tu vois bien que j’ai eu un petit contretemps Martin, non ? Sois gentil et ouvre cette porte je t’en prie, supplia Moka en s’appuyant sur son épée.

Les deux gardes échangèrent un regard, et Isaac fit coulisser la porte, juste assez pour qu’un seul homme pénètre dans l’entrepôt. Après un sourire de gratitude envers Isaac, Moka entra dans le hall du bâtiment. Il y faisait sombre et froid, quelques bougies reposant sur des coupelles d’airain éclairaient la pièce, mais faiblement. Aucun son n’était perceptible et, instinctivement, Moka se dirigea vers un escalier conduisant au sous-sol. La main sur le pommeau de son épée, il descendit prudemment les escaliers, marche par marche. Une fois en bas, il ouvrit la première porte se présentant à lui et tomba sur un groupe d’hommes rassemblés autour d’une table sur laquelle on pouvait apercevoir une carte, un pichet, et des verres de cristal. Il reconnaissait Bonifacio Torrio, et son fils, Tonino, qui le dévisageaient tous deux, visiblement en colère. Les trois autres hommes étaient de parfaits inconnus mais, Moka le savait, Bonifacio ne manquerait pas de faire les présentations.

- Tu es en retard mon fils, lança Bonifacio, sec.

- N’oublie pas qui est ton fils ici, répliqua Tonino, le ton assassin.

- Tonino, soupira Bonifacio, tu vas te taire. Moka, approche, on ne te voit pas là, je voudrais te présenter à nos associés.

Pourquoi Bonifacio n’était-il pas en colère ? Il se passait quelques choses…En silence, Moka s’avança à la lumière de la lampe à huile suspendue au plafond et dévoila son visage marqué par les coups, et son uniforme maculé de sang.

- Bon Dieu, souffla Bonifacio.

- Bordel de merde Moka, dit Tonino en reculant d’étonnement.

- On t’a pas loupé mon gars, cru bon de rajouter l’un des invités de son patron, un jeune homme aux cheveux noir de jais et habillé d’un trench sombre.

- Des hommes de la famille Mancinelli, il y a eu un incident à l’hôtel que tu m’avais conseillé Tonino…

- A tous les coups, tu as défendu une damoiselle en détresse, je te connais. Salopards de Mancinelli, ils le paieront, promit Tonino.

- Prends une chaise Moka, tu as besoin de te reposer un moment. Je vais te présenter nos invités, dit Bonifacio, avant de s’approcher de l’homme en noir et poser sa main sur l’épaule de celui-ci. Voici, Dreamwalk Jarod, alias "Le marchand de sable" ! C’est le porte-flingue le plus efficace de la famille Tempiesta et un homme de confiance de ce bon vieux Manuel.

Moka salua Jarod d’un hochement de tête mou, et le sourire gêné de celui-ci indiquait qu’il n’aimait pas franchement le contact trop rapproché de Bonifaco. Son patron se dirigea alors vers les deux autres invités mais son fils le dépassé vivement et, désignant de la main ces derniers, lança à Moka :

- Et quant à ces deux mecs, il s’agit de Roy et Joy, des jumeaux, et un sacré duo tu verras !

- Enchanté Moka, dit l’un d’eux, en s’approchant de lui pour lui faire une poignée de main amicale, tandis que l’autre se contentait d’un simple clin d’œil malicieux.

- Tout le plaisir est pour moi, répondit Moka en souriant.

- Maintenant que les présentations sont faites, on ne devrait pas plutôt mettre au jus Moka, au sujet de la relique, articula Jarod, dont la patience semblait avoir atteint ses limites.

- Oui oui ! Alors, Moka, d’après mes informateurs, l’une des reliques de l’Eglise de la Manée se trouve ici. Il s’agit d’une imposante croix en or massif sertie de pierres précieuses, dit Bonifacio, d’une voix où se percevait une certaine avidité.

- Elle a été achetée en contrebande sur Zaun mais, au moment de son arrivée au port, le bateau qui la transportait a été fouillé par la douane de la Marine, qui s’est empressée de confisquer toute la marchandise pour une histoire bidon de paperasse, poursuivit Tonino.

- Et notre boulot, c’est de récupérer cette relique, c’est bien ça ? questionna Moka, sans douter une seule seconde de la réponse.

- Don Manuel vous en serait gré, et il est toujours bon de compter la famille Tempiesta dans ses alliés, intervint Jarod.


- Et vous ne serez pas seuls ! tonna l’un des jumeaux.

Moka ferma les yeux un moment, il songeait à tous les ennuis que cette affaire pourrait lui apporter, mais la perspective de gains importants l’emporta sur tout le reste. Il avait besoin d’argent pour acheter son propre bateau, recruter un équipage, et enfin retourner chez lui. C’est ainsi qu’il se leva et, après s’être étiré rapidement, prit un air des plus sérieux, plongeant son regard dans chacun des hommes ici présents, les jaugeant tour à tour.

- On attend quoi alors ?

Un coup se préparait, un très gros coup, et Moka allait être de la partie.


Dernière édition par Moka Charlotte le Sam 10 Déc 2016 - 0:01, édité 1 fois
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Il faisait nuit noire lorsqu’ils arrivèrent devant leur objectif ; la pluie avait cessé de battre les pavés mais les nuages étaient toujours là, masquant la lumière de la Lune. Perchés sur les toits de bâtiments abandonnés, Moka et ses comparses observaient la place. Le bureau des douanes était situé sur les quais du Golden Port, et faisait office de relais de la Marine au milieu de ces docks infestés par la pègre. Erigé après la crise du Gila, ce bâtiment faisait comme tâche au milieu du port marqué par les bombardements et la décrépitude. A la porte principale, une imposante structure de bois renforcée de fer et dotée d’une petite herse, on pouvait voir deux gardes, l’un debout, l’autre assis dans un petit poste de garde. Aux fenêtres du bureau, Moka notait l’installation de trois petits canons, mais personne ne semblait être prêt à les manier en cas d’attaque. Ils se croient intouchables, pensa Moka, tandis qu’il redonnait les jumelles à Tonino.

- Alors ? Ton avis sur nos cibles ? questionna Tonino, en regardant à son tour dans les jumelles, nerveux.

- Il s’agit d’une vraie petite forteresse, m’est avis qu’il sera dur d’y entrer, répliqua Moka.

- Difficile ? La blague, ça sera l’affaire de quelques minutes, dit Roy, l’un des deux jumeaux, dont l’assurance était le prix de la jeunesse.

- On verra bien, le tout est d’attendre le rapport des éclaireurs, ajouta Tonino.

- Mais êtes-vous certains que la relique se trouve ici ?

- Evidemment, nos informateurs ont été clairs à ce sujet. La Marine stocke toutes les saisies ici et, une fois par mois, un bateau les emmène à la base du G-6.

Décidément, Tonino pensait vraiment à tout, il était le genre d’homme pragmatique et lucide quant aux capacités de notre organisation : il s'assurait toujours de ne se risquer que dans des actions qu'il était susceptible de maîtriser, contrairement à son paternel qui n’était pas renommé pour sa pusillanimité. Alors que Bonifacio et Jarod avaient opté pour une attaque frontale, Tonino préconisa une infiltration nocturne, et il avait vite rallié l’assistance à son plan force de vaines promesses et beaux discours. Pour l’occasion, il avait même préparé des tenues pour Moka et les autres, un set d’armures légères de cuir noir, alliant robustesse et souplesse. Avec lui, son père peut être tranquille, songea Moka, esquissant un sourire.

Un craquement fit se retourner Moka, qui se saisit immédiatement de son arme avant de se faire imiter par Tonino et Roy, quelqu’un montait l’échelle menant à leur observatoire improvisé.

- Ce n’est que moi les gars, calmez-vous, chuchota Jarod, dévoilant son visage à la lueur de la torche qu’il tenait dans la main.

Jarod devait patrouiller dans les rues environnantes avec son équipe et rapporter tout signe de mouvements suspects de la Marine avant le début des opérations. Visiblement, à l’air mesquin qu’il affichait, rien d’anormal n’était à déplorer. Jetant sa torche en arrière, il s’approcha de nous, accroupi, bientôt suivi d’Isaac et Martin. Tonino demanda un rapport de la situation à notre allié, avec le ton impérieux qu'il aimait prendre lorsqu'il se prenait pour le chef des opérations.

- Alors, des nouvelles des faubourgs ?

- Pas grand monde dans les rues, le mauvais temps et la nuit noire y sont pour quelques choses je pense.


- Où sont mon père et Joy ?

- En bas de l’échelle, ils nous attendent, ton vieux a hâte d’en découdre…

- Il a toujours été comme ça. Enfin bref, messieurs, descendons puis laissons parler nos lames.

Comme à son habitude, Moka laissa les autres emprunter l’échelle en premier, tandis qu’il restait là, assis sur les tuiles, son épée entre les jambes, l’esprit ailleurs. Moka n’aimait pas se précipiter, et encore moins lorsque sa vie en dépendait. Fouillant dans sa sacoche, il en tira un petit flacon d’huile de jarin, idéale pour entretenir une épée. Avec toute cette obscurité, le jeune noble ne voyait rien mais, en parcourant la lame du doigt, il devina la texture poisseuse du sang qui n’a pas encore totalement séché.

- Moka, on t’attend, magne-toi le cul, souffla Tonino, qui était remonté pour le hâter.

- Ma lame a servi aujourd’hui, donne-moi quelques secondes, chuchota Moka.

- Ouais bah dépêche, on n’a pas toute la soirée.

Rapidement, mais avec dextérité, Moka s’efforça de nettoyer sa lame avec un chiffon enduit d’huile puis la remis dans son fourreau. L’épée de Père, réduite à tuer de vulgaires raclures, pensa-t-il avec amertume, en descendant l’échelle. Le chemin jusqu’au bureau des douanes ne fut pas long et le petit groupe atteignit rapidement une ruelle située en face du portail. Cependant, quelque chose n’allait pas avec les deux soldats de la Marine stationnés devant la porte : celui qui était debout avait disparu, tandis que l’homme assis dans le poste de garde avait lâché son fusil.

- Quelqu’un pour aller voir ce qui ne va pas avec les gardes ? demanda Tonino, un couteau de lancer dans la main.

- Je vais le faire Tonino, restez-là, répondit aussitôt Moka.

Avec une prestesse de félin, Moka se dirigea d’un pas léger vers le portail, l’épée au poing. Le garde assis semblait dormir, et, en s’approchant un peu plus, Moka vit qu’il avait une flèche fichée dans le cœur. Son camarade ne fut pas dur à trouver puisqu’il gisait au sol, juste derrière un tas de poubelles près dudit poste de garde. Visiblement, quelqu’un avait traîné le corps jusqu’ici, quelqu’un les avait devancés. Cette flèche lui rappelait le mystérieux inconnu qui l’avait sauvé des mains des Mancinelli, ce qui le laissa tétanisé un moment. Tout d’un coup, une puissante explosion se fit entendre et, d’instinct, Moka se plaqua au sol. Au loin, il entendit crier Tonino qui avait décidé de changer de tactique.

- Bordel de merde ! Bon, les gars, à l’attaque !

Moka, après un ultime juron, se leva et se précipita vers l’entrée du bureau des douanes, de laquelle s’échappaient le son de l’acier contre l’acier, de la fumée, et des cris. Un soldat de la Marine sortit, tout poussiéreux, toussant à cracher ses poumons, et Moka, d’un coup vif de son épée, emporta la main droite et la tête du malheureux. Sans hésiter un moment de plus, il pénétra dans le bâtiment, à la recherche de son groupe, mais aussi de l’archer.
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Une fournaise, le bureau des douanes était devenu un enfer brûlant, les gens brûlaient, fuyaient, ou mouraient dans l’indifférence. En entrant, Moka faillit trébucher sur le corps de Martin, qui avait visiblement péri d’un coup de sabre formidable à la tête, déversant sang et cervelle sur le sol noirci. A côté de lui, un soldat de la Marine, les deux jambes coupées, délirait en appelant Dieu, sa mère, quiconque pouvant l’aider à abréger ses souffrances. Moka n’était pas indifférent au sort des hommes en souffrance, aussi abrégea-t-il les souffrances de ce pauvre être, avant de continuer sa route, un foulard lui couvrant la bouche contre les émanations toxiques de l’incendie. Il ne lui fallut pas longtemps pour retrouver l’un de ses camarades puisque, dans ce qui semblait être le réfectoire du bâtiment, il aperçut Jarod, un pistolet dans la main, une matraque dans l’autre, encerclé par un petit groupe de soldat.

Sans faire de bruits, Moka s’élança d’un bond de félin en direction de son allié et prit par surprise le premier soldat qu’il rencontra, lui plantant son épée dans le cœur. Jarod en profita pour abattra l’un de ses vis-à-vis d’un coup de pistolet et fit volter sa matraque sur les têtes de deux autres adversaires, les assommant tous deux. Tout autour d’eux, la charpente cédait sous les flammes, mais il fallait se concentrer sur l’objectif de la mission : mettra la main sur cette relique tant convoitée par les Tempiesta. L’air commençait à devenir irrespirable, Moka se mit en garde devant trois solides gaillards en armes, bien décidé à en finir le plus rapidement possible.

Enhardi par le nombre, ils s’élancèrent tous en même temps sur Moka, ce qui allait s’avérer être une erreur fatale. Bloquant le premier coup de sabre de l’un d’eux, il répliqua par une botte qui transperça la main du soldat qui, déstabilisé, redoubla d’effort pour retenir son arme : le sang coulait de celle-ci et rendait la prise sur la garde bien incertaine. Les deux autres optèrent pour un encerclement et Moka se contenta de prendre un morceau de bois enflammé dans la main gauche, puis le jeta sur celui qui fonçait à sa droite, gagnant du temps pour dévier l’estocade de l’autre côté et percer le cou de son adversaire, juste au niveau de la jugulaire. Dans un flot de vomissements sanguins, d’insultes, et de malédictions, l’homme s’écroula, une flaque rougeâtre commençant à se former au niveau de sa tête.

- Tu te débrouilles bien Moka, héla Jarod, aux prises avec deux soldats qu’il maintenait à distance par des coups de feu et des moulinets de sa matraque.


- J’ai eu un bon professeur, c’est tout, répliqua Moka, tandis qu’il parait un violent coup de son adversaire blessé à la main.

- Tu le remercieras de ma part, dit Jarod en éclatant le crâne de l’un de ses opposants.

- Si on réussit à sortir vivant de ce pétrin, lança Moka, alors qu’il esquivait une chaise enflammée et privait de sa tête le bougre à la main meurtrie.

Les deux derniers soldats présents durent se rendre compte qu’ils ne faisaient pas le poids puisqu’ils décidèrent de détaler à toutes jambes, avant de s’écrouler tout aussi soudainement, deux couteaux fichés dans le dos.

- Ne jamais laisser des connards s’enfuir, et appeler des renforts, souffla Tonino, le costume noir de suie, suivi des jumeaux.

- Vous avez trouvé la croix ? questionna Moka, tout en pensant à l’archer qui devait encore se trouver là en ce moment même.

- Non, mon père et Isaac n’ont rien trouvé au sol-sol…que des putains de caisses vides !

- C’est le mec qui est passé avant nous qui s’en est emparé, dégageons d’ici avant de finir brûlés, lança Jarod.

Tonino acquiesça de la tête et le petit groupe s’empressa de regagner la sortie, alors qu’ils entendaient les cris de soldats piégés dans les flammes. Comme dans mon rêve, les flammes font danser les ombres des morts, songea Moka. Au moment où ils allaient enfin regagner la sortie, une poutre se détacha du plafond, écrasant Tonino sans que Moka et les autres ne puissent rien y faire.

- Putain les gars, aidez-moi, tonna Tonino, alors que le feu grignotait de plus en plus la poutre, menaçant de le brûler à son tour.

Moka allait faire demi-tour lorsque Jarod le prit par le bras et l’emmena de force avec lui, aidé des jumeaux. Le jeune homme se débattait, il voulait à tout prix sauver cet homme qu’il considérait comme son ami, malgré les quelques différends qu’ils les avaient opposé par le passé. Que dirait Bonifacio en apprenant de quelle manière ils avaient lâchement abandonné son fils ? Non ! Il fallait le sauver, coûte que coûte.

- Lâchez-moi ! Jarod ! Roy !

- Non, tu viens avec nous imbécile, sinon tu vas cramer avec ton pote, dit Roy en essayant tant bien que mal de le contenir.

- Les renforts vont bientôt arriver de toute façon, on est dans la merde, intervint Joy, qui avait lâché Moka pour scruter les abords de l’entrée.

- Mais lâchez-moi ! Vous n’avez pas d’honneur, vous autres mafieux !

- L’honneur n’a jamais sauvé personne, imbécile, cesse de geindre ou ça va mal aller.

Le ton de Jarod avait changé, il n’était plus si amical, il était venimeux, presque assassin. Alors que la porte du bureau des douanes s’effondrait, laissant perdu pour toujours Tonino, Moka eu les larmes aux yeux et cessa de lutter pour se libérer de l’étreinte de Jarod et Roy. Puis il ferma les yeux, comme frappé de vertiges, son esprit s’écroulait, quelque chose enflammait son corps pourtant, et lui donnait un regain d’énergie. Une voix, en lui, chuchotait des paroles sombres, cruelles, et teintées de folie furieuse. Tue, tue, tue les tous, ne cessait-elle de répéter, secondes près secondes.

Dans une prison, Moka se trouvait enfermé dans une cage, privé de lumière, et quelqu’un l’observait, assis sur une chaise de bois. Moka ne pouvait voir son visage, mais il savait de qui il s’agissait, c’était lui, son reflet de noirceur, cette partie de lui qu’il avait toujours voulu enfouir au plus profond de son être. Cette malédiction avait un nom, il s’appelait l’Autre.

- Alors Moka, comme on se retrouve, une envie de meurtre ? ricana l’Autre, dévoilant un sourire lumineux dans l’obscurité.


- Non, c’est toi qui devrais être dans cette cage, pas moi, se lamenta Moka, au bord des larmes.

- Et pourtant, tu es enfermé, et pas moi. Tu sais très bien que je fais ça pour notre bien, tu serais mort sans moi, dans les Seducing Woods.

- Ferme-la !

- C’est moi qui ait tué Splitz et les autres, c’est moi qui, tant de fois, ait veillé sur toi. Car bon, si tu meurs, je meurs aussi…

- Laisse-moi sortir, je t’en prie, pleurnicha Moka, tombant à genoux.

- Tu es faible, c’est pitoyable, regarde toi. Tu devrais gagner ta liberté par ton épée, alors que là…dit l’Autre, en agitant son épée devant Moka, l’air taquin.

- Très bien, tu l’auras voulu, je vais te tuer, tonna Moka en se levant gauchement, la main sur le fourreau de son épée…qui était vide.

- Il n’y a qu’une seule épée, et tu as perdu le droit de la manier, disparais !

Les barreaux de la prison se changèrent en serpent noir comme le charbon, mais avec des yeux d’un rouge sanguin et brillant. Ils s’approchaient tous de Moka qui, emprisonné par les ténèbres, ne parvenait pas à bouger.

- Arrête ! Rappelle ces monstres ! haleta Moka, luttant contre les serpents qui grimpaient le long de ses jambes, l’enserrant dans une étreinte toujours plus forte.

- C’est fini, adieu, Moka le faible, dit l’Autre en s’évanouissant dans les ténèbres.

Dans un dernier cri de rage et de désespoir, Moka essaya de se libérer, mais les ténèbres furent les plus forts.
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Il faisait sombre quand Moka se réveilla, si bien qu’il croyait encore être dans un rêve. Il avait dormi, Moka s’endormait toujours lorsque l’Autre s’éveillait. Autour de lui, rien, seulement une pièce sans lumière, avec un lit dont le matelas rempli de paille donnait une sensation désagréable de picotement dans le dos. De lourdes chaînes entravaient ses mains et l’empêchaient de quitter la pièce, sans doute une précaution prise pour contenir l’Autre. En essayant de se lever, il fut pris d’une douleur insupportable à la jambe droite et, en la tâtant, remarqua qu’on avait traité sa blessure. La personne qui l’avait emmené ici ne lui voulait pas de mal, Moka en avait la certitude. Qui soignerait son ennemi pour le tuer juste après, songea Moka.

Tout d’un coup, la porte s’ouvrit et, au bruit qu’elle faisait, Moka devina qu’elle était vieille, pourrie, ce qui lui donna un indice de plus sur l’endroit où il se trouvait : sans doute l’une des nombreuses bâtisses abandonnées de Manshon pliant sous les affres du temps. Un rayon de lumière l’aveugla et le jeune prince perçut brièvement deux silhouettes entrer dans la pièce, l’une d’elle s’asseyant près du lit, l’autre restant dans l’ombre.

- Moka, sanglota une voix de femme, si familière à Moka.

- Serena ? Que fais-tu ici ? questionna Moka, sous le choc.

- Je vis ici ! Enfin…j’y passe le plus clair de mon temps lorsque je ne suis pas avec mes clients, dit Serena en baissant les yeux, l’air gêné.

- La situation des prostituées est bien précaire, ironisa Moka, le sourire taquin et le regard charmeur.

- T’es trop bête ! s’indigna Serena en lui donnant une tape sur la tête.

- Aïe ! C’est ta beauté qui m’a fait perdre la tête voyons, dit Moka, oubliant que le lieu et la situation ne se prêtaient guère au jeu de l’amour.


- Je ne te connaissais pas aussi frivole, c’est ta blessure qui te fais délirer ? Et puis, je ne veux pas te mettre mal à l’aise mais…tu me tutoies Moka, cela ne te ressemble pas.

Quel idiot ! Toute cette histoire lui avait fait oublier les règles de politesse que sa mère lui avait inculquée. Honteux, Moka se contenta de détourner le regard, se mordillant la lèvre inférieure comme il le faisait toujours lorsqu’il était anxieux. Serena dû s’en apercevoir puisqu’elle approcha sa tête de celle de Moka, si bien qu’ils se touchaient presque, les yeux dans les yeux. Et elle lui décocha un baiser, léger, frivole, leurs lèvres ne s’étaient que frôlées, mais cela réconforta Moka. Pendant un moment, ils restèrent ainsi, elle reposant sur son corps enchaîné, lui transporté loin de cet endroit lugubre, tant elle rayonnait dans l’obscurité.

- Bon, vous avez fini les amoureux ? dit une voix, au timbre monotone, d’une neutralité dérangeante, sortie de l’obscurité de manière si soudaine que Moka tressaillit.

- Quel rabat-joie celui-là ! répondit Serena en se retournant vivement.

- Non, je dois juste le libérer de ses chaînes, il ne semble plus si dangereux maintenant que je me rends compte de sa vraie nature.

Ainsi, cet homme avait vu l’Autre, et visiblement, il avait survécu à cette funeste rencontre. Et, tandis que le mystérieux inconnu s’approchait, Moka eu tout le loisir de le détailler d’un peu plus près. De taille moyenne, il était accoutré à la manière des chasseurs et braconniers des temps anciens, son cône en feutre, du même ton que sa tunique, lui masquait les yeux. Dans son dos, oscillant à chacun de ses mouvements, un arc impressionnant lui barrait le dos, aussi noir que le plus profond des abîmes, avec une étrangeté incrustée, un œil qui donnait un air surnaturel à l’arme comme à son possesseur. En un éclair, tout devint clair pour Moka : il s’agissait de l’archer à qui il devait la vie !

- Merci, vous m’avez sauvé de ces affreux sbires de la famille Mancinelli…la dernière fois…, bredouilla-t-il.


- Ce n’était rien, vous m’avez bien rendu la pareille, après tout, répliqua l’archer.

- Comment ça ? questionna Moka.  

- Nous en parlerons après, laissez-moi vous libérez avant, dit-il, tandis qu’il déverrouillait les entraves aux poignets de Moka

Une fois libre, Moka tenta de se lever mais eu besoin de l’aide de son mystérieux bienfaiteur pour se tenir debout. Sa jambe le lancinait encore, mais ce n’était rien à côté de ce qu’il avait subi depuis son arrivée sur Manshon. Une blessure de plus ou de moins, cela n’a aucune importance, pensa-t-il, se gardant bien de se plaindre devant la belle Serena. Emboîtant le pas de l’archer et suivi de Serena, il sortit de la chambre et traversa un étroit couloir éclairé par quelques bougies. Une fois arrivés au bout de ce couloir, ils descendirent un petit escalier en colimaçon qui le mena vers un petit séjour meublé de façon rustique, sobre, et qui avait la senteur du bois. Moka repéra rapidement ses vêtements, son si cher uniforme de l’armée de Totland, soigneusement plié et propre, sur une petite table ronde, alors que son sabre était simplement posé sur l’une des chaises adjacentes.

- Comment avez-vous retrouvé mes affaires ?


- Il suffisait juste d’aller jeter un coup d’œil dans l’entrepôt que votre patron utilisait comme base d’opération, sans mauvais jeu de mots.


- Vous nous espionniez ?

L’archer ne sembla pas prêter attention à cette dernière question et, se délestant de son arc, alla s’asseoir sur un vieux fauteuil de cuir brun. Sans se précipiter, il retira son chapeau, passa la main dans son opulente chevelure brune coiffée en bataille, et il posa les yeux sur moi, des yeux blancs, des yeux morts d’aveugle.

- Moi ? Un espion ? Et avec quels yeux j’aurais pu vous guetter ?


Le ton de l’archer n’était plus vraiment neutre, il était teinté d’amertume, comme un vieux soldat ruminant ses vieilles blessures de guerre, maudissant en son for le monde. Visiblement, il n’aimait guère se souvenir du voile couvrant ses yeux, aussi Moka s’abstint-il de lui demander son histoire. En bon noble respectant l’étiquette, il inclina légèrement la tête, la main droite sur le cœur.

- Désolé, je peux être fort inconvenant lorsque je suis en convalescence. Un homme qui en sauve un autre ne peut avoir comme but de l’espionner…je pense.

- A la vérité, j’ai été payé par quelqu’un pour veiller sur vous, du moins, sur Manshon.


L’argent, Moka aurait dû s’en douter. Dans ce monde pourri par le désir de toujours vouloir plus, les hommes étaient corrompus au point de faire le bien uniquement par intérêt pécunier. Voilà une chose que Moka réprouvait de tout son être, et il avait diablement envie de le montrer à cet homme. Sans qu’il se souvint avoir réduit la distance qui le séparait de l’archer, Moka se retrouva devant lui, et l’expression sereine qu’il affichait le mit hors de lui. Il saisit son interlocuteur par le col et le secoua vivement.

- Ah oui ? Et qui vous a payé ?


- Je ne sais pas, la transaction s’est faite par un intermédiaire, répondit-il en se dégageant vivement, si bien que Moka faillit tomber.


- Espèce de salopard. J’espère que ma vie vaut plus qu’une bourse de berries.

- Ne vous en faites pas pour ça, on m’a bien payé. Et puis, j’ai même eu le droit à un petit extra grâce aux informations que vos camarades m’ont donné à leur insu.

Ses camarades, Moka les avait tous perdu, il demeurait seul, comme toujours. Serena vint le prendre par le bras et l’invita à s’asseoir sur l’une des chaises de bois disposées autour de la table, ce qu’il fit sans résistance devant la délicatesse et l’attention des gestes de cette enchanteresse.  Cependant, Moka ne savait pas ce qui était arrivé à Bonifacio et Isaac, et il voulait le savoir, il désirait les sauver s’ils étaient encore en vie. Même si l’archer était en partie responsable du fiasco de la veille, Moka ne lui en voulait pas, sa vengeance étant dirigée contre Jarod et la famille Tempiesta, une bande de coupe-jarrets étrangers à l’amitié.

- Dites-moi, Monsieur le mercenaire, qu’est-il arrivé à mes compagnons ? A Bonifacio et Isaac ? demanda Moka, sans réel espoir de les retrouver.

- Appelez-moi Nikolas…Nikolas Van Irvine, et je ne suis pas un mercenaire, dit-t-il, manifestement vexé.

- Vous avez tué des gens que vous ne connaissiez pas pour de l’argent, trancha Moka.

- J’ai tué des gens que je ne connaissais pas pour vous sauver la vie, répliqua Nikolas, du tac au tac.

- Si vous voulez…Revenons à mes amis s’il vous plaît.

- Vos amis sont actuellement enfermés dans le QG de la 257e Division de la Marine. Ils seront exécutés demain par pendaison, en place publique.

C'est ainsi que Nikolas raconta tout ce qu’il avait ressenti et entendu lors de l’incident du bureau des douanes. Il avait entendu Moka, fou de rage, se battant contre ses anciens alliés, ces derniers s’enfuyant au plus profond de la nuit, le laissant seul face aux renforts de la Marine…qu’il avait fait fuir, taillant de droite et de gauche sous le ciel noir, tuant, tranchant, retirant la vie de ses ennemis, avant de devoir se replier, blessé, sous une bâtisse abandonnée, dévoré par la haine et la folie. C’est là que Nikolas s’était confronté à lui, et l’avait assommé en profitant de sa faiblesse. Il conduisit alors Moka chez Serena, la seule personne qui ne voudrait jamais de mal au prince dans cette maudite cité. Là, la belle et l’archer s’étaient efforcés de le soigner, avant de l’enchaîner dans la chambre.

Moka écouta tout le récit avec attention, la tête baissée, songeur, ne la relevant que pour acquiescer mollement de temps à autre. L’Autre était ignoble, trop dangereux pour tenir une arme, trop dangereux pour sortir, trop dangereux pour vivre. Cependant, Moka ne pouvait mourir maintenant, pas avant d’avoir sauvé ses amis, pas avant d’avoir regagné sa nation avec tous les honneurs, pas avant d’avoir tué Limoncello. Le récit terminé, il se leva, rassembla ses affaires, et se prépara à s’en aller, mais Serena le retint.

- Ne fais rien de dangereux Moka…tu es blessé.

- Je ne pars pas tout seul, n’est-ce pas ? lança-t-il en regardant Nikolas qui ne partageait pas son enthousiasme.

Et il partit.
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- Avez-vous envie de mourir ?

La voix de Nikolas résonna le long du corridor souterrain qu’ils empruntaient pour se rendre au plus près du QG de 257e Division. Celui-ci était situé en périphérie de Manshon, loin du port, et deux chemins permettaient d’y accéder. Le premier (et le plus simple) passait par les méandres de rues étroites de la cité et, si vous étiez assez intelligents pour éviter la Voie Royale et ses patrouilles de la Marine, vous arriviez sans encombres aux portes de la base. Le second, en revanche, était plus traître, et passait par les vieux égouts de la ville. Puants, ils l’étaient, obscurs, aussi, mais le principal souci résidait dans le fait que cet endroit fort reluisant faisait partie du territoire des Tempiesta, famille avec laquelle Moka n’était pas en très bon terme ces derniers temps.

- Non, je compte rendre une petite visite à nos amis de la Marine, et libérer Bonifacio et Isaac.


Le ton de Moka était sans appel, il laissait peu d’ouvertures à Nikolas pour contester son autorité. Et puis, si l’archer voulait remplir au mieux sa mission sans risquer les foudres de son employeur, mieux valait qu’il suive Moka comme son ombre. Les bottes pataugeant dans quelques flaques d’eaux croupies, le jeune prince ouvrait la voie, éclairant les parois de pierre noire à l’aide d’une torche de goudron. Il n’y avait personne, mais Moka se sentait observé, comme si une ombre les pistait. Plusieurs fois, il s’était retourné, agitant les flammes de la torche pour éclairer les coins et recoins baignés de ténèbres, sans résultat.

- Comment comptez-vous pénétrer dans une base aussi bien gardée ? Ce n’est pas le bureau des douanes, dit Nikolas, comme pour briser le silence qui commençait à le mettre mal à l’aise.

- Avisons ! Il est toujours bien d’aviser lorsque la situation l’exige, répliqua Moka, moqueur.


- Je ne veux pas parier ma vie sur un coup de chance, répliqua-t-il.


Les archers, tous du même bois, cachés dans les fourrés ou perchés en haut d’une tour, ils étaient d’une prudence qui confinaient le plus souvent à la lâcheté. La main droite sur le pommeau de son épée, Moka s’arrêta, avec une sérieuse envie de plaquer de l’acier froid contre la gorge de son compagnon de route.

- Je vous rappelle que c’est à cause de vous que mes amis sont derrière les barreaux.

- Je devrais m’excuser d’être meilleur que vous ?

Moka se tourna vers son interlocuteur, bien décidé à lui flanquer son poing au milieu du visage lorsqu’un bruit sourd en provenance de l’un des couloirs des lieux l’alerta. Ne pouvant songer à abandonner sa torche, il la posa sur l’un des vieux anneaux de fer rouillé fixés au mur et, prenant Nikolas par le bras, l’emmena se cacher dans un passage à moitié effondré.

- Deux hommes, je les entends venir dans notre direction, chuchota Nikolas.

A n’en pas douter, il s’agissait sûrement de sbires de la famille Tempiesta s’assurant qu’aucun intrus n’errait dans son territoire. Si ce n’était que ça, Moka pouvait compter sur l’effet de surprise et son talent à l’épée pour passer cet obstacle. Cependant, une sourde appréhension grandissait en son cœur alors que les deux inconnus s’approchaient de l’endroit où il avait laissé la torche. Au bout de quelques minutes qui parurent durer une éternité, il parvint à entendre leurs voix.

- Dites à Jarod que nous le remercions pour les informations qu’il a fournies à notre commandant concernant l’incident de la veille, dit une voix, dont le timbre était des plus chaleureux, contrairement à l’endroit.

- Ouep, j’y veillerai bien m’sieur ! Tiens, y’a quelqu’un qu’a laissé une torche ici ? C’pas normal ça, lui répondit une autre voix, gutturale et grave.


- Allons voir ça.

Ces deux personnes avaient évoqué Jarod, cette vile vermine qui avait abandonné Tonino à son triste sort. Cet odieux personnage méritait la mort, et Moka avait bien l’intention de l’occire avant de quitter cette île. Serrant les poings, il observait de loin les deux individus qui s’étaient approchés de la torche et réussit à discerner l’uniforme immaculé de la Marine sur l’un d’eux, un bougre ventripotent et courtaud.

- Nikolas, je vais m’approcher d’eux discrètement, et vous abattrez l’un d’eux au moment où j’engagerai le combat, compris ? dit Moka.

- Je suis prêt, susurra simplement Nikolas.

Tâtonnant le sol avec son sabre, Moka évalua rapidement le sol, à la recherche d’obstacles et de trous dérobés avant de se lancer.

- Souhaitez-moi bonne chance, souffla Moka.

Dans ce genre de situations, il fallait toujours choisir entre la rapidité d’action ou la prudence. Les deux hommes n’allaient pas rester absorbés par la torche très longtemps et, déjà, le soldat de la Marine commençait à jeter des regards scrutateurs un peu partout, à la recherche d’intrus. Se levant, Moka rengaina et décida d’improviser.

- Hey ! Comment allez-vous ?

- P’tain t’es qui toi ? cracha l’homme qui ressemblait à un bagnard avec sa barbe crasseuse et ses haillons.

- Je suis un envoyé de Manuel Tempiesta, mentit Moka.

- Ah oui ? Comment ça s’fait que je ne t’ai jamais vu alors ? questionna l’homme en sortant un coutelas grossier.

Avant même que Moka daigne répondre, une flèche vola et transperça le ventre du pauvre diable qui s’écroula en poussant un grognement désarticulé. Vif comme un daim, Moka dégaina son arme et, d’une botte, toucha la main du soldat qui lâcha son arme.

- Bordel de merde ! tonna son ennemi, tandis que Moka le menaçait de sa lame.

- Maintenant, je vais avoir une petite discussion avec toi, d’accord ? dit Moka, en exerçant une légère pression sur son sabre qui fit perler une goutte de sang du cou de son captif.

- Pitié…, pleurnicha l’homme, je ferai tout ce que vous voulez.

- Bien, tu devras juste répondre à quelques questions, et je te laisserai la vie sauve, dit Moka.

- C’est entendu, acquiesça l’homme, se redressant pour retrouver un soupçon de dignité.

Bien évidemment, Moka ne comptait pas laisser ce témoin gênant en vie, mais il valait mieux mentir que de révéler une vérité trop dure à entendre, comme le lui avait appris ses précepteurs à la Cour de Totland. Tandis que les flammes dansaient, jouant avec les ombres et donnant aux traits de leurs visages un aspect sinistre, Moka sentit le regard mort de Nikolas posé sur lui.
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Le petit interrogatoire que Moka avait mené dans les égouts s’était révélé fort concluant et, tandis qu’il grimpait le long d’une échelle d’un état contrastant avec la vétusté des lieux, il ne put s’empêcher de regretter le cadavre qu’il avait laissé derrière lui. Tout cela me fait ressembler à l’Autre, et peut-être est-il celui qui me souffle des paroles empoisonnées lorsque je suis en colère, songea-t-il. Au bout de l’échelle se trouvait une trappe, verrouillée par un lourd cadenas que Moka retira à l’aide de la clé que le soldat de la Marine lui avait donné. Soulevant la lourde plaque de métal coulissante, Moka jeta un premier coup d’œil autour de lui et, visiblement, on ne lui avait pas menti.

- Nous sommes juste derrière les baraquements mon cher Nikolas, souffla Moka.


- Le plus dur est à venir, répartit Nikolas, toujours aussi taciturne.

D’un bond, Moka se retrouva accroupi, derrière l’un des bâtiments de la place et dégaina sa lame, à l’affût du moindre signe de présence ennemie. Un étrange calme régnait dans la base de la Marine, et seules quelques lueurs filtrées par des volets fermés de-ci de-là témoignaient d’une présence humaine en ces lieux. Moka n’aimait pas le calme, car il avait toujours l’impression qu’il s’agissait des prémices d’une catastrophe, comme des marins voguant sur une eau dormante alors que la tempête s’approche au loin. Et puis, il y’avait autre chose, cette sensation d’oppression qu’il avait ressenti dans les tunnels de Manshon, à la manière d’une ombre serpentine lui enserrant le cœur et les membres. Cette chose qui le guettait le faisait se sentir vulnérable, et il n’aimait pas ce sentiment de faiblesse.

- Nikolas, sentez-vous quelques choses ? questionna-t-il, pour se rassurer.


- Vous me prenez pour un limier ? répliqua l’archer, du ton neutre dont Moka était désormais coutumier.

- Bon Dieu…Vous m’avez mal compris, soupira Moka. (Il passa la main dans ses cheveux, les plaquant en arrière.) Essayons de trouver la geôle de mes amis.

Moka allait se lever lorsque Nikolas l’empoigna avec force et le força à rester au sol, caché derrière un petit muret, vestige d’une ancienne caserne. Ils attendirent de longues minutes ainsi, allongés sur le sol poussiéreux, avant qu’une patrouille forte d’une dizaine d’hommes ne se montre enfin aux portes d’un bâtiment voisin, brisant le silence des lieux.

- Encore une perte de temps j’vous dis ! tonna l’un des soldats.

- Dis pas ça Ric, si on ne patrouillait pas dans les rues de cette cité crasseuse, les coupe-jarrets seraient légion, lui répondit l’un de ses camarades, doté de plus de bon sens que lui nota Moka.

- Je suis d’accord avec toi Will, on doit remplir notre devoir, ou le commandant nous remontera les bretelles bien comme il faut, intervint un autre homme, avant de cracher au sol, témoignant ainsi de son avis sur son supérieur.


- Ouep, si tu l’dis, j’vais dormir moi, dit le dénommé Ric en pénétrant dans le bâtiment devant lequel il devisait avec ses compères.

- C’est ça, va dormir, ce n’est pas toi qui te coltine la garde des deux condamnés à mort, grogna Will.

Après un bref salut, le groupe de soldats se scinda en trois, certains entrant dans le baraquement, d’autres se dirigeant vers la sortie de la base, et trois gardes se dirigeant vers la prison. Ces trois hommes représentaient le dernier obstacle qui le séparait de Bonifacio et Isaac, et ce n’était rien comparé à tout ce qu’il avait traversé. Une fois ses amis libérés, ils quitteraient cette île une bonne fois pour toute, loin de la haine des Tempiesta, loin des problèmes d’une vie de criminels. Moka avait tant de projets, et il espérait bien être rejoint par des compagnons fidèles.

Cependant, le jeune prince n’avait pas le temps de penser à l’avenir, la nuit n’allait pas couvrir ses actions éternellement, et la disparition d’un soldat dans les rangs de la 257e Division ne manquerait pas de souffler un vent de panique dans le camp. Il connaissait le colonel dirigeant ce ramassis de laquais du Gouvernement et, clairement, Moka n’avait pas envie de s’attirer les foudres d’un monstre pareil. Ôtant brusquement la main de Nikolas qui était plaquée à l’arrière de sa tête, Moka se releva et s’épousseta.

- Il est temps d’y aller Nikolas, dit Moka en adoptant une posture royale.

- D’accord, répondit Nikolas, sans entrain.

A la longue, Moka s’était habitué à ce caractère aux antipodes du sien, et il lui arrivait même d’envisager l’archer comme un futur compagnon de route, même s’il avait parfois envie de lui enfoncer sa lame dans le gosier.

- Très enthousiaste à ce que je vois.

- Ce sont vos amis, pas les miens. Je suis ici contre mon gré.

- Vous êtes ici pour de l’or Nikolas, et puis, vous verrez, Bonifacio et Isaac sont très gentils !

Un haussement d’épaules mou de la part de son partenaire fit comprendre à Moka que la perspective de nouvelles rencontres ne l’enchantait pas particulièrement. Reportant son attention sur les trois hommes, il les vit s’éloigner progressivement et les aurait perdus sans la torche que l’un d’eux brandissait en l’air. A pas de loups, Moka se glissait dans l’ombre des cantonnements, talonné de près par Nikolas dont les bottes semblaient à peine frôler le sol. De loin, Moka aperçut les hommes qu’il suivait prendre la relève de leurs acolytes devant les portes d’un grand bâtiment sans fenêtres apparentes. En s’approchant d’un peu plus près, Moka distingua de petites ouvertures bardées de barreaux, seuls chemins que pouvaient emprunter l’air et la lumière. A première vue, le complexe semblait impénétrable, éliminer les gardes relevait du suicide, et Moka n’avait pas de plan.

- Je crois qu’on est face à une impasse, soupira-t-il.


- Il y a toujours une ouverture dans la défense d’un ennemi, il suffit de bien regarder…ou de bien ressentir les choses, dit Nikolas, l’air étrangement confiant.


Tout d’un coup, alors qu’il scrutait les points d’accès possibles pour pénétrer dans la prison, une faible lueur attira son attention, juste dans un coin d’ombres. Cette boule de lumière bleutée ne ressemblait à rien de ce qu’avait déjà vu Moka au cours de son existence. Elle était mouvante, hypnotique, fantomatique, si bien que Nikolas dû le secouer pour le libérer de sa torpeur.

- Est-ce que vous allez bien ? dit l’archer.

- Euh…oui, je vais bien, c’est cette lumière là-bas. (Il pointa le doigt en direction de celle-ci puis, se rappelant que Nikolas était aveugle, se tapota le front.) Enfin, il y a un truc qui cloche ici.

Les geôliers de ses amis partageaient sans doute la même appréhension puisqu’ils se dirigèrent vers la lumière, le pas traînant, comme s’ils étaient captivés par la danse de ce spectre lumineux. Au moment où ces derniers rejoignirent enfin la source de cette lumière, celle-ci disparut subitement. Les minutes défilèrent et les gardes n’étaient toujours pas revenus à leur poste, ce qui titilla la curiosité de Moka.

- Nikolas, restez ici, à l’affût, je vais aller voir ce qui se passe.

- Très bien.

Tandis que Nikolas vidait les flèches de son carquois et les plantait une à une au sol, Moka se fraya un chemin dans les ténèbres, jusqu’à l’endroit où il avait aperçu la boule de lumière. Soudain, il trébucha sur quelque chose qui le fit tomber sur un corps, celui de l’un des gardes. Ce dernier respirait encore, il avait les yeux grands ouverts mais semblait perdu dans un autre monde, à la manière d’un somnambule emprisonné du royaume des songes. Alors qu’il se relevait en poussant un juron, une main se posa sur son épaule.
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L’intérieur de la prison était plutôt moderne, avec ses néons automatiques détectant le moindre mouvement, ses murs de béton gris sans souillures, son carrelage lisse à souhait : il ne devait pas y avoir beaucoup de prisonniers, ce qui était étrange au vue de la criminalité importante qui empoisonnait Manshon. Devant Moka, un garde avançait, d’un pas lourd, le son de ses bottes de cuir se répercutant le long des couloirs parsemés de cellules vides. Ce garde, le jeune prince le trouvait bien étrange : c’était lui qui, brusquement, l’avait surpris dans la pénombre alors qu’il examinait le corps inerte d’une sentinelle endormie. Loin d’être hostile, il s’était contenté de lui demander de le suivre car il avait reçu l’ordre de l’aider. Laissant Irvine dehors, Moka avait décidé de faire confiance à cet inconnu puisqu’il voulait à tout prix retrouver ses amis sans effusion de sang. Et puis, sa blessure à la jambe le lancinait encore, bien qu’il s’efforçât de ne pas boiter tandis qu’il marchait aux côtés de son nouvel allié.

- Vous ne gardez pas beaucoup de prisonniers ici, se risqua Moka.


- Effectivement, lui répondit l’homme.

Décidément, son interlocuteur était d’une froideur qui ferait passer Nikolas pour un fêtard invétéré. Cependant, le jeune prince était bien décidé à en savoir plus sur son mystérieux bienfaiteur, histoire de le remercier quand toute cette histoire toucherait à sa fin.

- Qui vous a envoyé m’aider ?

- La sorcière des rêves.

A ce nom, Moka tressaillit, et sa première pensée alla à Cassatta Charlotte, au rêve angoissant qu’il avait fait deux lunes auparavant. Alors qu’ils progressaient toujours dans des couloirs formant un véritable labyrinthe, Moka se prit à penser aux possibles motivations pouvant avoir poussé Cassatta à quitter Totland pour l’aider. Elle l’aimait bien, certes, mais son allégeance, en tant que Reine des Seducing Woods, allait à Limoncello. Sans doute le vieux roi l’avait-il envoyé à sa recherche, dans le but de le localiser, l’espionner, voire l’éliminer. Cette simple pensée rembrunit Moka qui porta instinctivement la main au pommeau de son épée, le regard braqué sur son guide.

Après avoir traversé une porte protégée par un code digital, ils s’engagèrent dans un étroit escalier en colimaçon qui s’enfonçait en dessous du niveau du sol. Au bout de quelques minutes, ils atteignirent un portail grillagé gardé par deux soldats aux allures de brutes. L’un d’eux, les yeux transpirant la méchanceté, s’approcha de Moka et son guide, en croisant ses bras musculeux couturés de cicatrices.

- Autorisations ? questionna-t-il, avant de cracher une gerbe de sang.

L’homme qui accompagnait Moka avait transpercé le garde, juste en dessous du cœur, entre deux côtes, et du sang maculait désormais son uniforme, et la main qui tenait fermement l’épée qui avait mordu dans la chair. L’autre garde, visiblement choqué, mis du temps avant de réagir, ce qui signa son arrêt de mort puisque, en un éclair, Moka lui régla son compte. Laissant deux cadavres derrière eux, les intrus pénétrèrent dans une vaste pièce faiblement éclairée, et qui donnait sur six portes blindées fermées à clé. Sur le côté, Moka remarqua un petit bureau au-dessus duquel était fixé un petit râtelier mural présentant six trousseaux de clés.

- Où sommes-nous ? s’enquit Moka.

- Le quartier des prisonniers dangereux, vos amis sont enfermés dans l’une de ces six cellules, lui répondit son guide.


Sans perdre plus de temps, Moka récupéra les trousseaux et les essaya uns à uns aux serrures des différentes cellules, qu’il découvrit vides quatre fois avant de tomber sur la bonne. Le regard de Moka tomba sur Isaac qui, le visage couvert d’ecchymoses, les vêtements déchirés, et les membres sanglant liés par de lourdes chaînes faisait peine à voir. Doucement, Moka entra dans la cellule et son ami leva les yeux.

- Moka, bordel…soupira-t-il, les yeux larmoyants.

– Ne Bouge pas Isaac, je vais te détacher, dit Moka, alors qu’il s’affairait déjà à déverrouiller les liens qui entravaient son ami.

- Ils m’ont tabassé ces enflures, grogna Isaac en lâchant un crachat rougi.

- Je n’avais pas remarqué, ricana Moka puis, se levant, il tendit une main à Isaac.

- Ils ont enfermé Bonifacio juste à côté.

Au ton qu’employa Isaac, Moka s’imagina le pire et, après l’avoir aidé à se relever, il entreprit d’ouvrir la dernière cellule et retrouver l’homme qu’il considérait presque comme un père. En ouvrant la porte, un relent de pourriture piqua les yeux de Moka et il découvrit Bonifacio. Allongé sur le ventre dans une mare de sang, les bras et les jambes brisés à la manière d’un pantin désarticulé, il était méconnaissable. C’en était trop pour le jeune homme qui ne put réprimer son haut-le-cœur et vomit sur le sol déjà souillé de la cellule de son patron. De dégoût et de colère, son cœur allait exploser, si bien que Moka dû se cramponner au mur pour ne pas défaillir.

- Les salopards, jura Isaac derrière Moka, en se massant les poignets marqués par le fer des chaînes.

- Les enfoirés, c’est ça le gouvernement ? hoqueta Moka en s’essuyant la bouche du revers de la main.

- Il faudrait songer à partir, intervint le soldat qui accompagnait Moka.

- Ouais, faut se bouger mon vieux, dit Isaac, le regard triste.

La raison lui dictait de s’en aller au pas de course, alors que le cœur le bloquait ici, le poussant à fixer le corps de Bonifacio, à se ressasser les souvenirs de jours plus heureux. Le jour de leur première rencontre lui vint à l’esprit. Moka, à l’époque, était fauché, la faim lui tenaillait le ventre, et toutes les portes se fermaient, toutes, sauf celle de Bonifacio qui avait sans doute remarqué son esprit vif et ses talents à l’épée, alors qu’il se battait constamment dans les rues de Zaun. Dès le premier jour, il lui avait offert une place à sa table, auprès de sa famille, et depuis, Moka lui vouait une reconnaissance sans faille. Moka ne remarqua même pas la main d’Isaac l’empoignant par le bras et le tirant hors de la cellule.

- Ils avaient servi des pennes aux légumes, c’était bon.

- Qu’est-ce que tu racontes Moka ? On doit bouger ! tonna Isaac.


Sans attendre de réponses de sa part, Isaac le traîna hors du quartier des prisonniers dangereux et, en quelques instants, ils se retrouvèrent à déambuler dans les couloirs de la prison, précédés par le soldat qui avait trahi son serment envers la Marine. Arrivant au niveau de la sortie, ils poussèrent les grandes portes avec fracas et tombèrent nez à nez avec une patrouille de gardes, qui se retournèrent vivement, les armes à la main. Tout d’un coup, tels trois éclairs aux pointes scintillantes, des flèches fendirent l’air et abattirent les premiers opposants du petit groupe. Profitant de ce moment de confusion dans les rangs de ses ennemis, Moka se jeta sur le premier soldat qu’il rencontra, le désarma et, d’une clé de bras, le neutralisa, plaquant de l’acier contre sa gorge.

- Ecoutez-moi bien messieurs, nous avons des tireurs embusqués postés aux quatre coins de votre base. Laissez-nous passer.

Les soldats massés devant Moka échangèrent un regard puis rirent aux éclats, ce qui sembla énerver Isaac qui cracha dans leur direction, un juron en suspens.

- Vous n’avez qu’un archer isolé, que nous trouverons sous peu, grommela l’un des soldats.

- Alors vous êtes des hommes morts.

Moka égorgea son otage, s’élançant contre l’ennemi, talonné par Isaac et leur allié.
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Si Martin se battait toujours avec patience, calme, et calcul, Isaac était fait d’un tout autre bois que son frère. Au moment où Moka s’était jeté dans la mêlée, Isaac l’avait devancé, dominant ses adversaires du haut de ses 6 pieds de muscles. D’abord intimidés, les soldats avaient reculé, mais les attaques de Nikolas redoublant sur leurs arrières, ils avaient décidé de charger Isaac. Conscient que le gabarit de son ami allait attirer leurs ennemis, Moka se plaça précautionneusement derrière lui afin de prévenir toute tentative d’encerclement.

- Tu te caches derrière moi ? Ca, te ressemble pas, grogna Isaac.

- Sachant qu’ils sont plus nombreux que nous, je surveille tes arrières mon vieux.

Un soldat prit de vitesse Isaac, esquiva un coup porté au niveau de son visage, et se retrouva devant Moka le temps d’une roulade. La rage de vaincre de cet homme rendit admiratif Moka qui inclina légèrement la tête devant, le sourire aux lèvres, avant de le saluer de son épée.

- Tu vois Isaac ? T’es un peu trop lent pour suivre les mouvements des plus rapides d’entre-deux.

- Je l’ai laissé passer pour que tu t’en charges !

La lame d’Isaac fendit l’air et trancha net dans l’épaule d’un soldat qui s’écroule dans un râle sourd. Alors que les flèches virevoltaient autour d’eux, Moka se livrait à une danse de l’acier telle qu’il n’en avait jamais exécuté auparavant. Derrière Isaac, le combat faisait rage et Moka, aidé du traître à son rang, parait, esquivait, faisait cliqueter les lames contre les lames, le noir de la nuit brillant de l’éclat du métal.

- Il faudrait songer à se barrer ? questionna Isaac, haletant.

- C’est exactement ce que j’allais proposer ! Je vois déjà d’autres soldats sortir des baraquements et nous serons bientôt submergés…

- T’as un plan ?

- A ton avis ? Suis-moi !

Avec un cri de rage qui fit reculer les premiers de ses vis-à-vis, Moka brisa le mur humain des assaillants et ouvrit une brèche pour permettre à ses amis de passer. Courant comme un forcené, Moka ne remarqua même pas que le soldat qui les accompagnait lui et Isaac était resté en arrière pour retenir leurs poursuivants, et ce n’est qu’une fois à l’abri dans le souterrain qu’il avait emprunté pour entrer dans la base de la Marine qu’il se rendit compte de la chose.

- Où est notre nouvel ami ? interrogea-t-il Isaac, tout essoufflé et adossé contre un mur.

- Il est resté pour nous permettre de fuir, les soldats ont dû le tuer ou le capturer.

Moka serra les poings avant de se laisser retomber au sol, il était fatigué, mais plus encore que la fatigue, le sentiment d’avoir abandonné un homme bien le tourmentait. Les soldats de la Marine étaient généralement reconnus pour leur loyauté et leur discipline. Le fait qu’un homme que lui leur vienne en aide était tout simplement inconcevable. Et puis, il y’avait cette attitude dérangeante, ce calme et cette monotonie dans la voix que Moka n’attribuait à rien de naturel, comme si le pauvre bougre était devenue une coquille vide sans émotions. Un grognement tira Moka de ses pensées et il vit Isaac s’assoir à côté de lui, la main posée sur une entaille à la cuisse.

- Une petite égratignure de rien du tout, se justifia Isaac, comme pour rassurer Moka.

- Faudra faire voir ça à un médecin

Moka se leva, et tendit une main à son ami pour l’aider à faire de même. Il fallait s’en aller le plus vite possible, la Marine retrouverait certainement leur trace. Les deux hommes déambulèrent longuement dans les obscurs corridors éclairés de torches avant de retrouver la sortie. Une fois dehors, Moka pu redécouvrir la sensation d’inspirer de l’air frais, loin de l’environnement oppressant des égouts de Manshon. Autour d’eux, tout semblait désert, calme, comme si le temps avait été suspendu. Un sifflement attira l’attention de Moka qui reconnut Nikolas, tranquillement assis sur un tonneau, son carquois de flèches vide reposant au sol, les doigts jouant avec la corde de son arc.

- Je croyais que vous n’arriveriez jamais très cher, souffla-t-il, avec une pointe d’impertinence dans son ton qui déplut fortement à Moka.

-Ne perdons pas de temps en discussions inutiles, partons, répliqua Moka, sans appel.

Nikolas, après un bref sourire à l’adresse d’Isaac, descendit de son tonneau d’un bond, s’étira, puis laissa Moka ouvrir la marche. Manshon la nuit était un vrai repère à truands et il ne fallait en aucun cas traverser les quartiers contrôlés par la famille Tempiesta, aussi le petit groupe mit un certain temps avant de retourner chez Séréna qui, les larmes aux yeux, se jeta sur Moka dès qu’il eut passé le seuil de la porte.

- Moka ! Espèce d’idiot…

- Désolé, je…

Moka avait toujours su trouver les mots justes pour rassurer les femmes, calmer les passions du cœur, mais cette fois-ci, il perdit ses moyens. Isaac sembla noter son désarroi puisqu’il s’approcha d’eux, non sans sa gaucherie habituelle.

- L’important, c’est que nous soyons en vie, non ? Vous êtes Séréna n’est-ce pas ? Moka nous a beaucoup parlé de vous, je crois qu’il est amoureux, dit-il en adressant un clin d’œil amusé à Séréna qui retrouva l’ombre d’un sourire.

- Vous avez raison. (Elle s’interrompit un moment, jetant un coup d’œil à la blessure d’Isaac et repoussant brusquement Moka). Mon Dieu, vous êtes blessé !

- Je lui avais dit qu’il fallait que nous nous occupions de ça une fois rentré, répliqua Moka, se sentant étrangement coupable de ne pas en avoir parlé plus tôt.

Séréna soupira et ferma les yeux un moment. Elle avait l’air de ne pas avoir assez dormi, mais ses traits étaient toujours aussi gracieux. Moka se sentait mal de l’accabler de tant de soucis, et il aurait aimé ne jamais avoir croisé sa route. Il n’était pas un fervent partisan du destin, mais certaines choses lui échappaient en ce moment, le flot de la causalité l’emportait et toutes ces nouvelles personnes étant entrées dans sa vie n’en sortiraient pas de sitôt.

- Je vais chercher un médecin, dit-elle, le regard plein d’assurance.

Moka savait qu’il ne pourrait la faire changer d’avis, il s’assit sur l’une des chaises de bois du salon, les mains posées sur sa tête. Nikolas, quant à lui, ne s’était pas exprimé depuis leur arrivée, mais sa mine sérieuse trahissait un certain embarras.

- Je vais vous accompagner, mon aide n’est pas requise ici, lança-t-il à l’adresse de Séréna.

- Je vous remercie Nikolas.

Elle se tourna elle vers Moka qui leva les yeux vers elle, et elle y lut toute son inquiétude.

- Je serai de retour bientôt Moka, veille bien sur Isaac.

- Fais attention à toi, les rues ne sont pas sûres à cette heure de la nuit.

- Tout le monde me connait et m’apprécie par ici, ne t’en fais.

Elle lui ébouriffa les cheveux et s’en alla, Nikolas sur ses talons. En la voyant s’éloigner par la fenêtre, Moka su qu’elle reviendrait.
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Isaac était un homme d’une résistance peu commune, et Moka en prenait pleinement conscience en le voyant traiter lui-même sa blessure à la cuisse. Tant bien que mal, il l’avait forcé à rester allongé sur le lit sur lequel lui-même avait récupéré de ses blessures quelques lunes plus tôt. Cependant, connaissant la vitalité de son ami, Moka avait vite déchanté en le voyant jeter au sol ses couvertures, repoussant aussi la serviette d’eau froide qui était posée sur son front.

- Moka, je ne suis pas une femme, bon sang ! Pour qui me prends-tu ? tonna Isaac, en grimaçant de douleur.

- Tu es trop faible pour bouger, donc tu vas rester bien sagement allongé avant que le docteur daigne montrer le bout de son nez. Auquel cas, il ne trouvera qu’un cadavre ici, répartit Moka, avec une pointe moqueuse dans la voix qu’Isaac nota aussitôt.

- Bon, d’accord, je vais me reposer un peu, grogna-t-il par-dessous la couverture qui le recouvrait déjà.

- Bien, je vais voir si je ne peux pas te faire quelques choses à manger.

A grands pas, Moka quitta la chambre dans laquelle Isaac récupérait de sa blessure, pour rejoindre la cuisine, situées de l’autre côté du couloir. A sa grande surprise, cette pièce était en meilleur état que le reste de cette maison branlante. Avec ce joli minois, Séréna ne doit jamais manger chez elle, ses clients l’invitent au restaurant songea-t-il amèrement. Dans cette petite cuisine rustique, Moka ne tarda pas à trouver ses repères et, en quelques minutes, il trouva les ustensiles et les ingrédients nécessaires à la préparation d’un bouillon de légumes qu’il fit mijoter une demi-heure avant de le servir à son ami.

- Tiens, mange un peu, mon ami, dit Moka en lui tendant un bol d’où exhalaient des fumets appétissants.

- Hmm, ça manque un de sel, mais ça passe, répondit Isaac à la première cuillerée.

- Toujours à te plaindre toi.

- Qu’est-ce que je ferais pour un bon petit plat d’Anna, soupira-t-il.

La mention de l’épouse de Bonifacio fit tressaillir Moka, et son regard s’assombrit. Depuis ses débuts dans la famille, cette femme avait toujours été là pour lui, jouant le rôle d’une maman auprès du jeune prince exilé. C’était elle qui avait défendu sa cause devant Bonifacio, peinée par sa triste défroque, et elle avait gagné l’approbation de son mari, comme elle savait si souvent calmer son tempérament de feu. Moka ne se sentait pas assez fort pour aller lui annoncer la mort de son mari, pas dans ses circonstances.

- Isaac ?

- Oui, mon ami.

- Il faudrait que tu ailles voir Anna après…

- Elle n’est pas proche de moi, alors que toi, tu es son petit préféré. Et puis…

Leur discussion s’arrêta net lorsqu’ils entendirent la porte du rez-de-chaussée s’ouvrir bruyamment, ainsi que l’écho d’une discussion animée : c’était Séréna qui revenait avec le docteur !

- Laissez-moi examiner le blessé Séréna, ne perdons pas le temps en vaines palabres, grommela une voix d’homme que Moka associa immédiatement dans sa tête à un physique trapu, peu avenant.

- Très bien Hike, t’es vraiment un vieux grognon, soupira Séréna, avant de reprendre d’une voix plus ferme, Nikolas, restez en bas, juste au cas où…

Moka se retourna et eu la surprise de voir Séréna, les bras croisés, sur le seuil de la porte de la chambre, qui le regardait d’un air jovial, sans doute confiante en les capacités du médecin. Ce dernier ne fut pas long à pointer le bout de son nez puisqu’il entra en bousculant Séréna de sa lourde mallette. Sans même un bonjour, il s’approcha du lit, et fit signe à Moka de s’écarter.

- Veuillez m’excuser, je dois jeter un coup d'oeil aux blessures de votre ami.

- Je…je vais aller en bas voir Nikolas, dit Moka, avant de se retirer sur une révérence.

Séréna voulu le suivre mais, du regard, il lui fit comprendre que quelqu’un devait rester avec le médecin. Moka respectait ce métier, mais sur cette île, un homme capable de sauver une vie faisait un très bon assassin. Il ne doutait pas de la volonté de Séréna de sauver Isaac, mais ce docteur bourru faisait naître en lui mille suspicions.

En arrivant dans le salon, il découvrit Nikolas, complètement avachi sur un fauteuil, loin du rôle de garde que Séréna lui avait confié quelques minutes auparavant. A ses côtés, ses armes et son chapeau de feutre reposaient sur un petit guéridon au pied duquel se trouvait un objet relativement imposant caché sous un drap. Nikolas sembla avoir remarqué l’arrivée de Moka puisqu’il tourna la tête dans sa direction, ses yeux morts semblant le jauger.

- Moka.

- Nikolas, répondit Moka en venant s’asseoir près de celui qu’il considérait désormais comme un ami.

- Tu te rappelles, quand je parlais du petit « extra » accordé par mon employeur ?

Moka se renfrogna, et Nikolas dû percevoir son irritation puisqu’il se cala un peu plus sur le côté. Visiblement, le mercenaire n’était pas vraiment attiré par la perspective d’une amitié honnête, il comptait juste remplir sa part du contrat pour percevoir une coquette somme de la part de son mystérieux client.

- Oui ?

- Regarde sous le drap à mes pieds, dit-il avec sérieux.

N’ayant jamais aimé les devinettes ou les propos évasifs, Moka se hâta de découvrir ce que lui cachait Nikolas. Retirant le drap, il resta bouche bée devant ce qu’il y’avait en dessous : un crucifix d’or massif étincelant de pierres précieuses. Moka n’avait jamais vu de joyaux aussi jolis, même lorsqu’il était à la Cour de Totland. Assurément ce trésor pourrait assurer à celui qui le vendait une vie d’opulence et de prospérité.

- Mais, comment ?! s’écria Moka, toujours sous le choc.

- En plus du crucifix, il y avait d’autres pièces de joaillerie que j’ai décidé de donner à Séréna pour la remercier.

- Où diable as-tu trouvé ça ?

- Grâce à vous.

Evidemment, Moka aurait dû y songer plus tôt, il s’agissait de la relique que Bonifacio et Jarod recherchaient, une pièce d’exception venant de l’ancienne Eglise de la Manée. Il détestait à avoir à se l’avouer, mais Nikolas était très bon, il les avait eu.

- C’est très aimable à toi de me rappeler que nous avons été battus par un aveugle.

- Ah oui ? répondit Nikolas en riant, d’un rire où cette fois Moka percevait de la sincérité.

- Tu vas le vendre ?

- Non, je vais te le donner, répondit l’archer en tapotant du poing l’épaule de Moka.

- Mais ?! Pourquoi ?

- J’ai bien le droit d’aider un ami, non ?

En disant ça, Nikolas avait passé son bras autour de l’épaule de Moka, et il comprit alors qu’il s’était trompé sur lui depuis le début. Pour aller de l’avant, Moka allait avoir besoin de soutiens fiables mais, plus important encore, d’amis, et Nikolas était le premier d’entre eux.
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Deux semaines s’étaient écoulées depuis l’évasion d’Isaac, et les journaux continuaient d’en parler. Moka était en train de déjeuner avec Séréna lorsque Nikolas leur avait apporté le Quotidien de Manshon, le journal le plus lu de l’île. Au fil de sa lecture, entre deux tartines de confiture de fraise, Moka apprit que le soldat qui les avait aidés à s’évader avait été jugé, puis condamné à mort pour haute-trahison. Le jeune pirate se sentait coupable pour ses hommes, mais Nikolas l’avait réconforté en lui disant que cet homme avait choisi sa voie, il s’était engagé sur une voie où l’issue était à tous les coups fatale. Pour enfin quitter ces lieux, tourner la page, Moka devait se venger des Tempiesta, et plus particulièrement de Jarod. Depuis plusieurs jours, Moka envoyait Nikolas dans les rues de la ville avec pour mission de retrouver la trace de cet homme, qui était apparemment très discret.

- Selon mes contacts, Jarod ne s’est montré qu’une seule fois en public depuis l’incident du bureau des douanes, dit Nikolas en s’asseyant sur l’unique fauteuil de la pièce. Selon certaines rumeurs, il traînerait souvent au Sphinx, la plus importante maison close de la ville.

- Je la connais, j’y travaille souvent, crut bon d’ajouter Séréna en se resservant une tasse de café.

- Et tu penses qu’on pourrait l’assassiner sur place ? questionna Moka.

- Vous ? Certainement pas, mais moi…

- Non, c’est trop risqué ! Tu es une femme, et cet homme est extrêmement dangereux.

- Moka ! J’ai un plan, alors ferme-la.

- Il serait peut-être judicieux d’écouter Séréna, souffla Nikolas, avec un sourire narquois.

- Bon, d’accord.

Ayant officié des années dans cet établissement appartenant aux Tempiesta, Séréna y connaissait tout le monde, et la tenancière l’adorait comme une fille. Selon elle, il ne servait à rien d’employer la violence lorsque quelques gouttes de poison dans un verre de vin pouvaient transformer un homme en pleine santé en viande froide. L’idée était plutôt audacieuse, il faudrait mettre en confiance Jarod, et trouver un poison assez puissant pour le tuer sans qu’il n’ait le temps de riposter. Moka détestait le fait d’entraîner Séréna dans une situation aussi dangereuse mais Nikolas, de son pragmatisme légendaire, avait abondée dans le sens de la femme qu’il aimait : une attaque frontale contre les Tempiesta était impossible, de même que battre Jarod en combat singulier relevait du suicide. A contrecœur, Moka accepta le plan de Séréna, et Nikolas partit immédiatement.

En moins d’une semaine, Nikolas avait noté la présence de Jarod à deux reprises dans le bordel qu’il avait l’habitude de fréquenter. Séréna y était revenu travailler, au grand contentement de sa patronne qui, tout sourires, s’empressait de la présenter à ses clients les plus fortunés. Néanmoins, la jeune se confia à la vieille tavernière, lui faisant part de son amour pour un homme travaillant dans le cercle très fermé de l’entourage des Tempiesta, un certain Dreamwalk Jarod. Heureuse de faire de son rêve une réalité, la tenancière du Sphinx avait fait jouer ses relations dans les hautes sphères de la pègre pour inviter Jarod et le présenter à Séréna. Pour l’occasion, elle avait réservée la plus belle chambre, dont le style baroque faisait penser à quelque palais, et Moka s’y tenait présentement, caché dans un placard légèrement entrouvert.

- Bienvenue Monsieur Dreamwalk, la chambre qu’Aida nous a choisi vous plaît-elle ? dit Séréna, d’une voix si sensuelle et charmeuse que Moka se demanda un instant si elle n’était pas vraiment amoureuse de Jarod.

- Elle me plaît, oui. On m’a dit que vous étiez folle de moi, c’est vrai ?

Au ton assassin qu’employa Jarod, Moka se raidit un moment, la main crispée sur le pommeau de son épée. Et si Jarod ne tombait pas dans le piège ? Et s’il tuait Séréna ? Non ! Jarod ne se doutait de rien, Moka en était convaincu, il devait se ressaisir, et attendre que son ennemi porte la coupe fatale à ses lèvres.

- Je vous ai aperçu une fois, alors que vous preniez du bon temps ici, répondit Séréna en se déshabillant lentement.

- Et ? demanda Jarod, un peu moins sur ses gardes à la vue de la nudité de la belle jeune femme.

- Et alors même que je ne connaissais ni votre nom, ni votre métier, vous m’avez plu…Et je me suis juré de vous avoir pour moi.

En disant ça, elle s’approcha de Jarod, l’enlaça de ses bras, et l’embrassa tendrement.

- Je vous sers un verre Monsieur Dreamwalk ? chuchota-t-elle dans l’oreille de celui qu’elle voulait tuer.

- Oui, et appelez-moi Jarod, dit celui qui avait signé son arrête de mort, tandis que Séréna lui tendit une coupe du fatal breuvage.

Alors que Moka retenait son souffle, à des kilomètres de là, Isaac hurlait de douleur. Devant lui se tenaient deux hommes dont l’un arborait un tatouage à la main gauche qu’il connaissait très bien : l’aigle noir Tempiesta. Selon le plan initial pensé par Moka et Séréna, ces derniers devaient s’occuper de Jarod tandis que lui et Nikolas allaient sur les quais chercher un contrebandier pour les évacuer de ce trou à rat. Evidemment, têtu comme il était, Isaac avait refusé de rester avec Nikolas, arguant le fait qu’ils iraient plus vite en se séparant. Il avait parlé à la mauvaise personne, et s’était donc retrouvé au mauvais endroit, au plus mauvais moment imaginable.

- Où se trouve Moka ? répéta l’homme au tatouage, un cutter à la main.

- Il ne nous a pas dit où il allait et…AAAAAAAAAARGH !

Le cutter avait sectionné l’auriculaire droit d’Isaac, au niveau de la première phalange. Ils ne manqueraient pas de s’attaquer à la deuxième à la prochaine question, comme ils l’avaient fait à son auriculaire gauche. Isaac regarda ses mains ensanglantées et serra les dents. Il ne pouvait pas trahir son ami, mais il ne pouvait pas non plus mourir ici. Il avait encore tant de choses à faire, comme parler à la belle Léa, la fille de Bonifacio pour laquelle il avait le béguin depuis l’adolescence. Tuer un homme, c’est facile, voler, c’est facile, mais parler à une femme, c’est dur, songea-t-il avec amertume. Une puissante gifle le ramena à la réalité et la chaise sur laquelle il était attaché bascula. Avec un grognement rageur, Isaac mordit le sol, sans même lever les yeux envers les deux crapules qui le torturaient.

- Bon, laissons le mariner au sol, on reviendra plutard dit l’homme au tatouage avant de partir, talonné par son comparse qui, avec un dernier rictus hideux, éteignit la seule lumière de la pièce.

Une fois seul, dans les ténèbres, Isaac put se laisser aller et pleurer. Ses larmes n’étaient pas celles de la douleur, elles étaient pour son frère, Léa, Moka, toutes ces personnes qu’il ne reverrait jamais, et il regretta un instant de ne pas être plus fort. Ses yeux embués de larmes croisèrent une prunelle dont l’iris d’or avait quelque chose d’inhumain. Une vive lumière bleutée entoura l’œil, qui devint bientôt une silhouette, la silhouette d’une enfant portant une étrange robe, et un chapeau pointu. A ses mains, un sceptre plus grand qu’elle chatoyait de mille éclats dorés.

- Je suis désolé Isaac, j’aurais aimé pouvoir te sauver…dit tristement l’enfant.

- Ce…ce n’est rien…Qui es-tu ? balbutia Isaac.

- Je suis celle qui a aidé Moka à te libérer, je suis aussi celle qui a engagé Nikolas pour le protéger.

- Tu es mon amie alors.

L’enfant sourit.

- Oui, et je peux t’aider, dit-elle sur une note de chagrin.

Isaac avait compris ce qu’elle voulait dire par là, et il accepta son sort avec le sourire.

- Merci, Dame sans nom.

- Je ne laisserai pas ces hommes te faire du mal une fois de plus Isaac, car je sais à quel point tu comptes pour Moka.

L’air, qui était auparavant si froid, s’était réchauffé, et de petites sphères bleutées dansaient autour d’Isaac. A cet instant, il se sentait apaisé, sous le regard de l’enfant qui, il en était sûr, était une sorcière.

- Adieu, souffla Isaac, le regard plein de gratitude.

- Adieu, ami de Moka, répondit la sorcière avec un dernier sourire.

Et il partit.
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Dix minutes, il restait à Moka si peu de temps, et tant de choses à lui dire. Séréna lui avait dit que le poison paralysait petit à petit les muscles du corps, pour finir par atteindre le cœur après 10 minutes d’agonie. Jarod se tenait devant eux, allongé sur le lit, le corps figé, le visage crispé de rage. Ses yeux ne lâchaient pas Moka, et ce dernier s’imagina sans peine toutes les malédictions qu’il lui jetait. Séréna, désormais rhabillée, se tenait sur un petit fauteuil et dégustait une pomme, comme si de rien n’était. Au début de leur relation, il voyait en Séréna une fille fragile, délicate, sensuelle, une fille ayant besoin d’être protégée en permanence. Cependant, les récents événements l’avaient amené à reconsidérer son point de vue : elle était redoutable. La jeune femme dût remarquer son malaise puisqu’elle lui décocha une œillade malicieuse, un sourire enjoliveur éclairant son visage, alors que la lumière de la pièce faisait jurer le vert de ses yeux.

- Je t’effraie Moka ?

- Du tout, tu m’as surpris ! s’esclaffa Moka, avant qu’ils ne rissent de concert.

- Fais gaffe à ne pas me tromper alors, dit-elle, en prenant une voix faussement démoniaque.

- Me voilà prévenu…

Il s’arrêta un moment, la main sur le menton, il se demandait ce qu’il allait bien pouvoir dire à Jarod avant qu’il ne meure pour de bon. L’insulter ? Non, Moka ne devait pas céder à la colère. Se moquer de lui ? Une partie de lui criait de le regarder mourir, le sourire aux lèvres, et une petite brimade assassine avant la fin. Mais Moka n’était pas comme ça, il était incapable de cruauté, il éprouvait de la haine pour Jarod, certes, mais le voir dans cet état lui faisait de la peine aussi.

- Jarod, tu as abandonné tes associés, mes amis. Tu as laissé Tonino brûler, alors qu’on aurait pu le sauver. Tu m’as trahi aussi, et je n’oublie pas les traîtres, commença-t-il.

Les yeux de Jarod s’enflammèrent de colère, il voulait sans doute hurler, lui dire qu’il n’y était pour rien, ou alors le maudire. La résistance de cet homme était hors du commun, et même Séréna l’avait reconnu : un être humain normalement constitué n’aurait plus été en mesure d’animer son regard, de lui donner cette expression de fureur que Moka notait là.

- Tu dois avoir mal, et je ne pense pas vouloir encore t’infliger plus de mal, poursuivit Moka en tirant lentement son épée hors de son fourreau.

Jarod ne sembla pas s’émouvoir devant l’acier rougeâtre de la lame de Moka. Cet homme en a vu d‘autres, songea Moka qui, l’espace d’un instant, se prit d’une certaine admiration pour celui qui acceptait sans sort sans peur.

- Attends Moka. Tu ne comptes pas abréger ses souffrances, j’espère ? dit Séréna, en lui tenant le bras.

- Je ne vais pas poursuivre cette mascarade plus longtemps, écarte toi.

- Comme tu voudras, soupira Séréna, qui lâcha le bras de Moka pour se diriger vers le balcon.

- Nous voilà seuls Jarod, dit Moka à l’adresse de Jarod.

S’approchant du lit sur lequel gisait Jarod, Moka s’assit à côté de lui et posa son sabre à ses côtés. Il resta ainsi quelques secondes qui lui parurent durer une éternité. Sans prêter attention à Jarod, il commença à siffler un air que lui avait appris Tonino, quelque chose de chantant qu’il tenait de sa propre mère. La vengeance était une motivation horrible pour un meurtre, Moka en prenait pleinement conscience maintenant. Pourrait-il tuer Limoncello s’il se tenait devant lui à cet instant ? Il y’a un an, Moka aurait répondu oui sans hésitation, mais là…

- Je ne suis pas une ordure, se convainquit-il, en reprenant son sabre.

Moka se leva, jeta un dernier regard attristé sur Jarod, et lui planta son épée dans le cœur. Un flot de sang se déversa de la bouche de Jarod, ses yeux devinrent vitreux, et la vie le quitta. Pour la première fois de sa vie, Moka prenait conscience de l’ignominie d’un meurtre, c’était sale, répugnant. Séréna vint le rejoindre et, le voyant toujours crispé sur sa lame, le prit dans ses bras.

- Allez, viens, tu dois te détendre un peu avant de partir…dit-elle, se rappelant que Moka devait s’en aller ce soir.


- Tu as raison…mais il faudra se débarrasser du corps et…

- Oui, mais d’abord, tu dois te reposer ! Un bon bain te fera du bien.

Délicatement, elle l’attira dans la salle de bain, se promettant de profiter au maximum des dernières heures qu’elle passerait avec lui.

Quelques heures après, Moka se trouvait sur les quais déserts, dans la nuit noire, à la recherche d’un archer aveugle qui ne voulait toujours pas se montrer. Les adieux avaient été difficiles avec Séréna ; les derniers moments de tendresses qu’ils avaient passé ensemble raisonnaient encore dans la tête de Moka. Tout en marchant, il scrutait l’océan qui s’étendait à perte de vue, promettant mille rêves, et qui en avait pourtant brisé des millions d’autres.

- L’océan est beau, et effrayant à la fois, pas vrai Moka ?

Cette voix, une voix d’enfant, une voix de souvenir, fit sursauter Moka qui se retourna aussitôt, l’épée au poing. Devant lui, Cassatta brillait d’une lueur bleutée qu’il avait déjà vue maintes fois. Réajustant son chapeau pointue, elle éclata de rire et s’approcha de Moka, qui s’aperçut à quel point elle avait grandi depuis leur dernière rencontre.

- Cassatta ? Je rêve ?

- Non, tu ne rêves pas cousinet, dit la jeune fille, tandis que la lumière diminuait en intensité.

- Que fais-tu ici ? Je devais voir mes amis et m’en aller d’ici…

- Nikolas n’est pas loin, il nous rejoindra bientôt je pense !

- Et Isaac ?

Cassatta s’approcha encore un peu plus, l’air navrée, et posa sa main sur celle de son cousin. L’intuition de Moka avait vu juste, il s’était passé quelques choses avec Isaac, et il allait bien savoir quoi.

- Parle, Cassatta.

- Et bien…il a été capturé, torturé, par les hommes de Manuel…mais je l’ai libéré de ses souffrances, sanglota-t-elle.

- Tu as fait quoi ?

- Je l’ai tué, pour le sauver, finit-t-ell par avouer, le cœur serré.

Écartant brusquement la main de Cassatta, il tomba à genoux devant elle. Ces mots avaient été comme des coups de poignard dans le cœur. Isaac aurait dû s’en sortir, après toutes les épreuves qu’ils avaient traversées ensemble, il ne pouvait pas mourir ! Et puis, que faisait Cassatta ici ? Elle était toujours au service de Limoncello…

- Que fais-tu ici, Cassatta ?

Le ton n’était pas aimable, teinté d’agressivité, et la jeune fille recula en tenant fermement son bâton.

- A l’origine, j’ai été envoyée ici pour t’espionner, et te tuer. Mais…

La lame de Moka fendit l’air à une vitesse hallucinante, visant la tête de Cassatta. Cette dernière avait vu le coup venir et, d’un bond, instaura une distance entre elle et son adversaire. Le regard de Moka avait changé, il levait vers elle des yeux assassins, fous, et la jeune fit comprit qu’elle devrait lutter pour s’en sortir.

L’Autre chargea Cassatta, criant de rage et de fureur, abattant son épée de tous les côtés, taillant de droite et de gauche dans un ballet désordonné mais mortel. Cassatta pouvait compter sur sa maîtrise parfaite du haki de l’observation pour esquiver les coups portés à son encontre. Cependant, le combat ne pouvait durer éternellement, et elle devait agir sans tuer son cousin. Tout en s’efforçant d’éviter le contact de l’acier, elle utilisa son bâton pour rassembler une puissante bourrasque au-dessus d’eux. Quand celle-ci fut assez grosse, elle l’abattit sur Moka qui fut alors éjecté contre un bâtiment, brisant le mur, et disparaissant dans les décombres.

- Je suis désolé, Moka, soupira Cassatta, en préparant de nouveaux nuages au-dessus d’elle.

Elle sentit une ombre s’agiter dans les ruines de la bâtisse, bien trop rapidement à son goût, aussi décida-t-elle d’abattre un puissant éclair sur la maison. Visiblement, l’ombre avait été frappée de plein fouet, puisqu’elle ne perçut plus de mouvements. Cependant, les civils commençaient à sortir de leurs maisons, un incendie venait de se déclarer dans les ruines et personne ne voulait être pris dedans. Au loin, une cloche sonna, indiquant que les pompiers et la Marine seraient bientôt là.

- Ne bougez pas, ou votre tête fera bientôt connaissance avec la pointe de ma flèche, souffla une voix derrière elle.

- Nikolas, te voilà enfin ! dit Cassatta, avec sa jovialité habituelle.

- Vous me connaissez ?

- Bien sûr, c’est moi qui t’aies payé pour protéger Moka.

- Vous venez de l’attaquer.

- Il n’était pas lui-même…Nikolas, prends Moka avec toi, et fuyez. Je me chargerai de l’incendie !

- Mais…

- Vite ! La Marine sera bientôt là, idiot !

Derrière elle, Nikolas abaissa son arc et se dirigea vers les ruines fumantes de la maison où se trouvait Moka. Privé de ses yeux, il n’en découvrit pas moins Moka, recroquevillé sur lui-même, le corps brisé. Mobilisant toutes ses forces, il souleva Moka et le mit sur son dos, il fallait quitter cet endroit, un homme avait daigné les conduire loin de là pour une somme raisonnable. En sortant de la maison, Nikolas sentit une pluie froide perler sur sa peau, et l’orage grondait dans le ciel. Un coup de cette sorcière, pensa l’archer. Accélérant le pas, il arriva près du bateau qu’il avait loué, loin du tumulte de l’incendie. Le contrebandier, en les voyant arriver, ouvrit grand les yeux, et, d’un geste de la main, indiqua à Nikolas que le prix avait augmenté.

- Pour les criminels, c’est plus cher, marmonna l’homme.

- D’accord, d’accord. Emmenez-nous loin d’ici, et vite !

Une bourse supplémentaire plutard, Nikolas, allongé sur le pont du petit navire, regardait la côte s’éloigner. Moka, le corps recouvert de bandages, dormait à côté de lui et s’agitait dans quelque cauchemar immonde. Une nouvelle aventure commençait, et il serait là pour veiller sur son nouvel ami.
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