Courir. Il fallait courir, coûte que coûte, sans se retourner. Derrière lui, Moka entendait le rire sinistre de Limoncello, qui se faisait toujours plus proche. Paniqué, il se perdait dans un dédale de ruelles étroites aux façades faites de sucreries. Toutes les portes étaient fermées, les fenêtres ne laissaient voir que de faibles lueurs et des regards hostiles. Coupable, coupable, coupable. Ce murmure, qui glissait dans le vent, tourmentait Moka. Cette voix, il la reconnaissait, c’était celle de Splitz, son cousin qu’il avait tué. Tout d’un coup, une porte s’ouvrit à sa droite, lui offrant une échappatoire, Moka s’y engouffra, et les voix cessèrent de le suivre. A l’intérieur, il faisait sombre, et, à tâtons, le jeune prince chercha un appui, une bougie, quelqu’un, n’importe quoi, du moment qu’il ne demeurait pas seul ici.
- Tu as peur, minus ? tonna une voix caverneuse.
- Laissez-moi partir ! s’écria Moka en dégainant son épée, haletant.
- Tu comptes me faire mal avec cette aiguille ? Tu es faible, ricana la voix, qui fut suivie par mille autres dans un concert de rires.
- Montrez-vous ! Vous n’avez pas d’honneurs, vous qui vous cachez dans l’ombre, trancha Moka, en garde, et prêt à en découdre.
Soudain, toute la pièce s’éclaira et Moka se retrouva encerclé par un mur de flammes infranchissable. Derrière celui-ci, il pouvait discerner des trois ombres se tortillant dans une danse macabre et grotesque en murmurant des phrases sibyllines. Un petit prince s’élève contre une armée. Un petit prince aurait mieux fait de s’enfuir. Il ne faut pas revenir, petit prince. Il te brisera, elle te fera connaître mille songes, et tu t’en iras. Fasciné les ombres, Moka ne remarqua pas que le sol se dérobait sous ses pieds, le carrelage de marbre blanc s’effritait comme du sable. Baissant les yeux, il s’aperçut qu’il tombait.
La chute semblait durer une éternité, et au néant succéda le ciel. Plus de flammes, plus de rires, plus d’ombres, mais Totland. Tout l’archipel vu depuis le ciel, la vision était enchanteresse, et Moka cria de joie en battant les bras comme des ailes. Le sol se rapprochait, mais il était encore loin, et Moka n’en avait cure. Tout ce qu’il voulait, c’était retourner dans sa maison, revoir ses frères, revoir Flora, et cesser de courir.
- C’est magnifique, n’est-ce pas cousinet ? souffla une voix, menue et rieuse.
Moka tourna la tête et vit Cassatta, l’une de ses cousines, tomber à ses côtés, ses cheveux verts battant le vent, tout sourire. Moka ne connaissait pas beaucoup cette fille qui, selon les rumeurs, était étrange et solitaire. Bien que jolie, aucun prétendant ne s’était avisé de demander sa main, sans que l’on sache pourquoi. Cependant, les rares fois où il la voyait, elle apparaissait comme une jeune femme d’esprit, joyeuse, et taquine.
- Je…oui, c’est beau, répartit Moka, avant de reprendre, je ne pensais pas te voir ici.
- Je suis partout, car le domaine des rêves et mien cousinet, répondit Cassatta en haussant les épaules.
- Tu es une sorcière ? s’enquit, Moka, sur un ton ironique, alors qu’il voyait le sol se rapprocher et les bâtiments sucrés de Sweet City se dessiner sous ses yeux.
- On peut dire ça ! Je vais te montrer un truc sympa, regarde.
Plongeant plus avant, Cassatta se retrouva devant Moka, dos à la terre qui se faisait plus menaçante à chaque seconde. Le vent ne semblait pas avoir d’effet sur elle tant ses membres restaient figés. Doucement, elle écarta les cheveux lui barrant le front et, Moka demeura estomaqué. En plein milieu du front de sa cousine, il pouvait voir un troisième œil qui, différent des deux autres, avait l’iris d’or. Au moment où Moka prétendit toucher le visage de Cassatta, celle-ci s’évapora, laissant voir une haute tour dont la pointe rutilante d’argent risquait de l’empaler sous peu. Cherchant à dévier sa trajectoire, Moka essaya de bouger, mais quelques choses l’entravaient. De toute part, des liens invisibles le retenaient. De toutes ses forces, il luttait contre ses liens, alors que la tour s’était changée en lance d’acier noir, tenue par un géant à l’armure de dragon. Tu vas mourir. Tu vas mourir. Le murmure du vent se voulait accusateur, terrible, et Moka hurla une dernière fois. Puis il se leva, en sursaut, la peau perlant de sueur.
Ce n’était qu’un rêve. Rien qu’un cauchemar, pensa-t-il, avant de se lever, nu, pour aller se débarbouiller le visage à l’eau froide. Dans la salle de bain, il se contempla le visage dans le miroir, tandis qu’un petit robinet de cuivre déversait de l’eau. Assurément, il avait mauvaise mine, à croire que les mauvais rêves drainaient l’énergie vitale des pauvres endormis. L’eau était presque glacée et, non sans hésitation, Moka joint ses mains en coupe pour, à trois reprises, s’asperger le visage. Ceci fait, il s’essuya avec une serviette déposée près de la baignoire et revint dans sa chambre. D’aspect rustique, la décoration ne plaisait guère à Moka mais, n’ayant jamais été un bon intendant comme son frère Robusto, il en était réduit à fréquenter ce modeste hôtel situé près du Golden Port de l’île de Manshon.
- Hmm…déjà réveillé ? Je n’ai jamais connu d’hommes aussi matinal, articula mollement une voix de femme.
Moka, un peu surpris, se tapota la tête de la main, comment avait-il pu l’oublier ? Celle qui avait passé la nuit avec lui après cette folle soirée d’hier au cours de laquelle il avait perdu, parties sur parties, au casino. Le pas alerte, il alla la rejoindre au lit et, s’allongeant à côté d’elle, couvrit sa nudité sous la couverture.
- Et bien, ma chère, sachez que j’ai fort à faire aujourd’hui, je dois retrouver mon patron pour une affaire importante.
- Je le sais, vous m’avez raconté tout ça hier… dit-elle, en passant la main dans les cheveux en bataille de Moka.
- Oh…et qu’aies-je fait d’autres ?
- Mon dieu, vous et l’alcool…s’esclaffa la belle brune aux yeux d’un vert pétillant avant de pincer la joue de Moka.
- Vous vous moquez de moi, ce n’est pas très gentil, répondit Moka, la moue boudeuse.
- Mais non ! Vous étiez si drôle hier ! Vous avez perdu presque tout votre argent, avant de vous disputer avec l’un des clients, qui était le mien d’ailleurs, avant que vous lui éclatiez la figure contre le sol. La belle exhala un soupir navré. Puis nous avons fait connaissance…
- Donc, vous êtes une…
- Une prostituée, oui.
- Ce n’est pourtant pas mon genre de payer pour une passe…
- C’était gratuit, pour vous, répondit celle-ci, avant de reprendre, il est si rare de tomber sur des gens aussi proches du fameux Manuel Tempesta…
Quels mensonges avait-il encore inventé pour plaire à cette femme aux formes affriolantes ? Ce Manuel Tempesta, Moka ne l’avait jamais vu de sa vie, et pour cause, ce grand parrain de la mafia de North Blue mettait un point d’honneur à rester dans l’ombre, même lorsqu’il traitait avec ses partenaires de la pègre. Et puis, un autre problème plus important lui torturait l’esprit: il ne connaissait pas le nom de cette belle demoiselle ! Clara ? Sonia ? Rebecca ? Serena ? Il ne savait plus.
Cependant, Moka n’eut pas le temps de pousser plus en avant sa réflexion car une sonnerie monotone, mais familière se fit entendre : il s’agissait d’un escargophone. Ce dernier reposait sur un petit guéridon près du lit et avaient les traits de son patron, une imposante moustache noire, et des yeux endormis. Un moment hésitant, le jeune homme décida de prendre son courage à deux mains et de décrocher.
- Tu as peur, minus ? tonna une voix caverneuse.
- Laissez-moi partir ! s’écria Moka en dégainant son épée, haletant.
- Tu comptes me faire mal avec cette aiguille ? Tu es faible, ricana la voix, qui fut suivie par mille autres dans un concert de rires.
- Montrez-vous ! Vous n’avez pas d’honneurs, vous qui vous cachez dans l’ombre, trancha Moka, en garde, et prêt à en découdre.
Soudain, toute la pièce s’éclaira et Moka se retrouva encerclé par un mur de flammes infranchissable. Derrière celui-ci, il pouvait discerner des trois ombres se tortillant dans une danse macabre et grotesque en murmurant des phrases sibyllines. Un petit prince s’élève contre une armée. Un petit prince aurait mieux fait de s’enfuir. Il ne faut pas revenir, petit prince. Il te brisera, elle te fera connaître mille songes, et tu t’en iras. Fasciné les ombres, Moka ne remarqua pas que le sol se dérobait sous ses pieds, le carrelage de marbre blanc s’effritait comme du sable. Baissant les yeux, il s’aperçut qu’il tombait.
La chute semblait durer une éternité, et au néant succéda le ciel. Plus de flammes, plus de rires, plus d’ombres, mais Totland. Tout l’archipel vu depuis le ciel, la vision était enchanteresse, et Moka cria de joie en battant les bras comme des ailes. Le sol se rapprochait, mais il était encore loin, et Moka n’en avait cure. Tout ce qu’il voulait, c’était retourner dans sa maison, revoir ses frères, revoir Flora, et cesser de courir.
- C’est magnifique, n’est-ce pas cousinet ? souffla une voix, menue et rieuse.
Moka tourna la tête et vit Cassatta, l’une de ses cousines, tomber à ses côtés, ses cheveux verts battant le vent, tout sourire. Moka ne connaissait pas beaucoup cette fille qui, selon les rumeurs, était étrange et solitaire. Bien que jolie, aucun prétendant ne s’était avisé de demander sa main, sans que l’on sache pourquoi. Cependant, les rares fois où il la voyait, elle apparaissait comme une jeune femme d’esprit, joyeuse, et taquine.
- Je…oui, c’est beau, répartit Moka, avant de reprendre, je ne pensais pas te voir ici.
- Je suis partout, car le domaine des rêves et mien cousinet, répondit Cassatta en haussant les épaules.
- Tu es une sorcière ? s’enquit, Moka, sur un ton ironique, alors qu’il voyait le sol se rapprocher et les bâtiments sucrés de Sweet City se dessiner sous ses yeux.
- On peut dire ça ! Je vais te montrer un truc sympa, regarde.
Plongeant plus avant, Cassatta se retrouva devant Moka, dos à la terre qui se faisait plus menaçante à chaque seconde. Le vent ne semblait pas avoir d’effet sur elle tant ses membres restaient figés. Doucement, elle écarta les cheveux lui barrant le front et, Moka demeura estomaqué. En plein milieu du front de sa cousine, il pouvait voir un troisième œil qui, différent des deux autres, avait l’iris d’or. Au moment où Moka prétendit toucher le visage de Cassatta, celle-ci s’évapora, laissant voir une haute tour dont la pointe rutilante d’argent risquait de l’empaler sous peu. Cherchant à dévier sa trajectoire, Moka essaya de bouger, mais quelques choses l’entravaient. De toute part, des liens invisibles le retenaient. De toutes ses forces, il luttait contre ses liens, alors que la tour s’était changée en lance d’acier noir, tenue par un géant à l’armure de dragon. Tu vas mourir. Tu vas mourir. Le murmure du vent se voulait accusateur, terrible, et Moka hurla une dernière fois. Puis il se leva, en sursaut, la peau perlant de sueur.
Ce n’était qu’un rêve. Rien qu’un cauchemar, pensa-t-il, avant de se lever, nu, pour aller se débarbouiller le visage à l’eau froide. Dans la salle de bain, il se contempla le visage dans le miroir, tandis qu’un petit robinet de cuivre déversait de l’eau. Assurément, il avait mauvaise mine, à croire que les mauvais rêves drainaient l’énergie vitale des pauvres endormis. L’eau était presque glacée et, non sans hésitation, Moka joint ses mains en coupe pour, à trois reprises, s’asperger le visage. Ceci fait, il s’essuya avec une serviette déposée près de la baignoire et revint dans sa chambre. D’aspect rustique, la décoration ne plaisait guère à Moka mais, n’ayant jamais été un bon intendant comme son frère Robusto, il en était réduit à fréquenter ce modeste hôtel situé près du Golden Port de l’île de Manshon.
- Hmm…déjà réveillé ? Je n’ai jamais connu d’hommes aussi matinal, articula mollement une voix de femme.
Moka, un peu surpris, se tapota la tête de la main, comment avait-il pu l’oublier ? Celle qui avait passé la nuit avec lui après cette folle soirée d’hier au cours de laquelle il avait perdu, parties sur parties, au casino. Le pas alerte, il alla la rejoindre au lit et, s’allongeant à côté d’elle, couvrit sa nudité sous la couverture.
- Et bien, ma chère, sachez que j’ai fort à faire aujourd’hui, je dois retrouver mon patron pour une affaire importante.
- Je le sais, vous m’avez raconté tout ça hier… dit-elle, en passant la main dans les cheveux en bataille de Moka.
- Oh…et qu’aies-je fait d’autres ?
- Mon dieu, vous et l’alcool…s’esclaffa la belle brune aux yeux d’un vert pétillant avant de pincer la joue de Moka.
- Vous vous moquez de moi, ce n’est pas très gentil, répondit Moka, la moue boudeuse.
- Mais non ! Vous étiez si drôle hier ! Vous avez perdu presque tout votre argent, avant de vous disputer avec l’un des clients, qui était le mien d’ailleurs, avant que vous lui éclatiez la figure contre le sol. La belle exhala un soupir navré. Puis nous avons fait connaissance…
- Donc, vous êtes une…
- Une prostituée, oui.
- Ce n’est pourtant pas mon genre de payer pour une passe…
- C’était gratuit, pour vous, répondit celle-ci, avant de reprendre, il est si rare de tomber sur des gens aussi proches du fameux Manuel Tempesta…
Quels mensonges avait-il encore inventé pour plaire à cette femme aux formes affriolantes ? Ce Manuel Tempesta, Moka ne l’avait jamais vu de sa vie, et pour cause, ce grand parrain de la mafia de North Blue mettait un point d’honneur à rester dans l’ombre, même lorsqu’il traitait avec ses partenaires de la pègre. Et puis, un autre problème plus important lui torturait l’esprit: il ne connaissait pas le nom de cette belle demoiselle ! Clara ? Sonia ? Rebecca ? Serena ? Il ne savait plus.
Cependant, Moka n’eut pas le temps de pousser plus en avant sa réflexion car une sonnerie monotone, mais familière se fit entendre : il s’agissait d’un escargophone. Ce dernier reposait sur un petit guéridon près du lit et avaient les traits de son patron, une imposante moustache noire, et des yeux endormis. Un moment hésitant, le jeune homme décida de prendre son courage à deux mains et de décrocher.
Dernière édition par Moka Charlotte le Lun 21 Nov 2016 - 22:20, édité 2 fois