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Imprévu frontal

Assis à ton bureau, tu poses le stylo d'encre noire et regarde d'un air fatigué l'horloge au dessus de la porte d'entrée. Il est vingt-trois heures. Soupirant bruyamment, tes mains attrapent le rapport en cours d'écriture et le plient en quatre avant de le glisser dans ta poche. Faisant glisser la confortable chaise de bois au coussins et accoudoirs emplis de mousse, tu rayes le carrelage en reculant. L'idée est venue d'aller boire un coup dehors avant que le sommeil ne t'emmène pour la nuit. Un moyen comme un autre de rester éveillé sans que le rapport ne soit pas rendu demain.

Revêtant un blouson blanc de fourrure importé sur une commande spéciale de Tanuki, tu quittes ton bureau habillé du reste de ton uniforme noir sans même fermer à clé. Descendant les étages grâce aux escaliers que tu n'utilises pas, préférant comme à ton habitude de t'assoir inconfortablement sur la rambarde pour y glisser dessus, au détour d'un virage tu percutes un homme aux cheveux clairs ébouriffés qui titube et s'y tenait pour monter. Il y a tellement de justiciers ici que tu ne le reconnais. Suite au contact -le probablement blond- fait un roulé-boulé et atterrit au ras de chaussée. Reposant ton derrière sur le toboggan métallique, aidé des mains pour ne pas perdre l'équilibre lors de la descente rapide, tu le rejoins bien vite et le sermonne calmement sans même te soucier s'il est blessé.


 - Eh le nouveau, quand tu choisis de te bourrer la gueule faut dormir dehors à l'abri des regards. Faut croire que tu te rends pas compte qu'en étant milicien ton comportement doit être irréprochable. En plus ton uniforme est crade et déchiré. Que je te recroise pas, sinon je vais me démerder pour te prendre sous mes ordres et tu vas avoir la vie dure.

L'homme bourré se relève, sans saigner, et croise les mains derrière sa tête sûrement douloureuse. D'un regard noir et méprisant il s'adresse à ton dos, puisque tu n'allais pas perdre plus de temps avec lui en préférant partir.

 - Ohé oh ! C'est quoi ton grade morveux ?

La marche stoppée, tu te retournes sereinement et hésites longuement si oui ou non il vaut la peine, dans cet état lamentable, d'être sujet à une discussion. Les dix secondes de réflexion en regardant ce frêle jeunot sont trop longues pour lui et il se montre vocalement impatient.


 - Moi j'suis Commandant ! Et j'pourrais même t'avoir un blâme pour m'avoir bousculé ! En grossissant les faits.  

Il semble oublier qu'au rez de chaussée ie la pièce principale d'accueil, il ne sont pas seuls. Des villageois sont assis sur les chaises en patientant, eux qui vous regardent étrangement, et une quinzaine de marins sont présent en vaquant à leurs occupations sans s'intéresser aux deux hommes. Seule la réceptionniste à l'oreille trop fine, s'excusant au préalable à son interlocutrice, éleva la voix dont l'écho suffit à leur parler même en étant à une cinquantaine de mètres.

 - Je ne peux pas me concentrer dans ces conditions ! Retournez à vos occupations et dans le calme ! J'ai du travail MOI !

Ce coup-ci, l'animation, les allés et venues à l'entrée et tout les mouvements s'arrêtèrent deux secondes. Elle, il ne fallait pas l'énerver car avec sa réputation de maîtrise complète du rokushiki, elle enverrai même un Contre-Amiral au tapis. L'instant d'après tout redeviens normal et les messes basses des civils auparavant silencieux fusent.

Yuki décide de s'avancer vers le supposé blond avoisinant à vue d'oeil la vingtaine. Arrivé face à lui après quelques pas seulement -chacun fit la moitié de l'espace qui les séparait- il déboutonna son blouson qui le fait passer à moitié pour un mouton. Sans mots dire, en retirant une manche, il pointe du doigt son propre grade indiqué sur l'épaule de son uniforme devenue apparente. Au risque que le commandant sous l'emprise de l'alcool n'ait pas les idées en place, le Lieutenant lui dit son grade.

 - Je suis lieutenant. Un simple lieutenant comme il en existe des milliers. Donc poses toi cette question. Pourquoi ce mec trentenaire est Lieutenant alors que moi avec la vingtaine je suis Commandant ? Pour l'information personnelle, j'ai commencé ma carrière à dix-huit ans. Tu comptes et tu constates que pendant plus de la moitié de ta vie je servais déjà l'E.M.M. Alors réfléchis bien et que ta nuit soit tourmentée car les pistonnés de ton genre je peux pas les supporter.

Dans l'étonnement le plus total, attirant une nouvelle fois l'attention générale, Yuki ne veux pas de réponse et lui assène un franc coup de crâne. Celui-ci est bruyant à l'extérieur mais qui sonne creux à l'intérieur. Laissant le commandant sonné au sol, le balafré regarde l'heure à l'immense pendule sur le mur, un quart d'heure est passé et il se sent réveillé, motivé à terminer son rapport. Avant de remonter dans son bureau, son fade regard observe l'homme couché au sol.

 - Fais-toi plaisir, au moins tu n'auras pas besoin de grossir les faits.

Et il s'en alla vers son bureau personnel au second étage, calmement et de bonne humeur, en remontant les escaliers non sans hâte.
    Chaque marche m'éloignais de ce qu'il venait de se passer. Plus je montais, plus cette histoire restait derrière moi en quittant bien vite mes pensées.

    Soudain, arrivé au palier du premier étage, je me rappelle pourquoi j'étais descendu. Demi-tour. Glissade murale. Rez-de-chaussée. J'ai oublié mon thé. Monsieur le Commandant n'est plus là, il est sûrement en train de pleurer auprès de ses parents, ce qui remplira ma boite aux lettres d'un blâme ou d'un averto que j'assumerai sans regrets.

    Avec tant de témoins, je préfère finalement ne pas quitter leurs yeux observateurs à mon égard et ne pas quitter le lieu, le rapport me concernant ne sera que moins mystérieux sur une potentielle absence. Sans croiser les regards et sans me faire petit, je nourris de quelques berry l'estomac du distributeur puis je repart avec ma boisson chaude en main.