Quelques jours avaient passé depuis la mission pour Shadow Law. Depuis, Matt et moi n'avions plus entendu parler du Koh-I-Nor, cette émeraude formidable, ni des Martico que nous avions aidé pour le vol de la pierre. Nous avions choisi d'attendre que nos blessures guérissent avant de reprendre la mer. Après quelques temps, nous nous rendîmes compte que deux autres problèmes nous guettaient : le manque de lessive à l'auberge pour laver notre linge, et la carence prochaine en nicotine. Avachi dans mon fauteuil, je tournai légèrement la tête pour avoir mon compagnon dans mon champ de vision. Il était debout près de la table de notre chambre, occupé à replier nos chemises :
- Matt...
- Ah non ! C'est toujours moi qui doit y aller !
- Mais Matt... T'as perdu.
Pour éviter les disputes inutiles, nous tirions au sort le préposé aux courses et aux corvées. Pile ou face. Ces temps-ci je gagnais à chaque fois.
- Pff ! Tu verras bientôt : la chance finira par te quitter.
- On en parlera une fois que t'auras acheté tout ce qu'il nous faut.
- Les mêmes que d'habitude ?
- S'il te plaît.
Et il était parti en grommelant.
En le voyant comme ça, on oubliait vite que notre mission lui avait valu une séance de torture dans les tréfonds d'une prison de glace. Il récupérait vite... Mon ongle arraché repoussait tant bien que mal, à peine visible entre les écorchures et les marques sombres qui coloraient le bout de mon doigt. Mais je restais en meilleur état. Sans doute une question de physiologie.
J'attendais depuis un bon moment mais aucun signe de Matt. Je soupirai, me passai la main dans les cheveux et jetai un coup d’œil au dehors : un temps superbe, malgré la brise fraîche qui arrivait du port de Lavallière, ramenant avec elle les odeurs de sel et de pain chaud : la boulangerie de la rue d'en face était ouverte et sûrement pleine à craquer.
Quoi que... Non, elle était vide !
J'avalai ma salive et sortis de la chambre en fermant derrière moi. Je dévalai les marches quatre à quatre et courrai à l'extérieur pour me précipiter vers la boulangerie.
Parce qu'il y avait une pâtisserie qu'on ne trouve que dans CETTE boulangerie, tenue par un couple originaire de Luvneelgraad. Une pâtisserie dont je raffolais étant gosse : le croissant aux groseilles. Quand je l'ai vu en vitrine en me promenant, à mon arrivée sur cette île, j'ai presque sauté de joie tant j'étais heureux. Ce met faisait partie des choses qui me rendaient nostalgique de ma terre natale.
Personne ne pouvait imaginer ce que je pourrai faire afin d'en avoir...
D'ailleurs personne ne pouvait imaginer ma déception quand la tenancière m'annonça que leur stock venait tout juste de s'écouler avec le dernier client, en train de redescendre la rue en direction des quais.
Pourtant de bonne éducation, pourtant poli, courtois, pourtant honnête, du moins presque, je ne savais pas exactement ce qui me passa par la tête à cet instant, mais ce fut comme un déclic. Je relâchai la pression des derniers événements d'un coup et sortis de la boulangerie, furieux, en courant à toute allure après le seul type en face de moi en train de redescendre la rue. Je n'avais pas risqué ma vie pour me priver de l'un de ses petits plaisirs. Faire preuve de sociabilité, après en être arrivé là ? J'étais un pirate maintenant, bordel de merde ! Donc je hurlai :
- Hé ! Arrête-toi tout de suite et donne-moi MON croissant aux groseilles !
A peine l'homme avait-il commencé à se retourner qu'une chose improbable se produisit.
Je chutai.
Pas en m'entravant, non. Ni en voulant esquiver un chat errant. Mais en glissant d'abord sur une plaque de verglas, puis en me rattrapant sur une peau de banane. Une peau. De banane...
- OuaaaAAH !
Au lieu de m'affaler par terre, comme n'importe quelle personne normale, il fallut que je descende la pente en roulé-boulé, jusqu'à finir le nez contre le nombril de ma cible.
Ô joie.
Comme si ça ne pouvait pas être pire : cette personne n'avait pas de croissant aux groseilles... Peut-être qu'un simple "Pardon" suffira ?
- Matt...
- Ah non ! C'est toujours moi qui doit y aller !
- Mais Matt... T'as perdu.
Pour éviter les disputes inutiles, nous tirions au sort le préposé aux courses et aux corvées. Pile ou face. Ces temps-ci je gagnais à chaque fois.
- Pff ! Tu verras bientôt : la chance finira par te quitter.
- On en parlera une fois que t'auras acheté tout ce qu'il nous faut.
- Les mêmes que d'habitude ?
- S'il te plaît.
Et il était parti en grommelant.
En le voyant comme ça, on oubliait vite que notre mission lui avait valu une séance de torture dans les tréfonds d'une prison de glace. Il récupérait vite... Mon ongle arraché repoussait tant bien que mal, à peine visible entre les écorchures et les marques sombres qui coloraient le bout de mon doigt. Mais je restais en meilleur état. Sans doute une question de physiologie.
[...]
J'attendais depuis un bon moment mais aucun signe de Matt. Je soupirai, me passai la main dans les cheveux et jetai un coup d’œil au dehors : un temps superbe, malgré la brise fraîche qui arrivait du port de Lavallière, ramenant avec elle les odeurs de sel et de pain chaud : la boulangerie de la rue d'en face était ouverte et sûrement pleine à craquer.
Quoi que... Non, elle était vide !
J'avalai ma salive et sortis de la chambre en fermant derrière moi. Je dévalai les marches quatre à quatre et courrai à l'extérieur pour me précipiter vers la boulangerie.
Parce qu'il y avait une pâtisserie qu'on ne trouve que dans CETTE boulangerie, tenue par un couple originaire de Luvneelgraad. Une pâtisserie dont je raffolais étant gosse : le croissant aux groseilles. Quand je l'ai vu en vitrine en me promenant, à mon arrivée sur cette île, j'ai presque sauté de joie tant j'étais heureux. Ce met faisait partie des choses qui me rendaient nostalgique de ma terre natale.
Personne ne pouvait imaginer ce que je pourrai faire afin d'en avoir...
D'ailleurs personne ne pouvait imaginer ma déception quand la tenancière m'annonça que leur stock venait tout juste de s'écouler avec le dernier client, en train de redescendre la rue en direction des quais.
Pourtant de bonne éducation, pourtant poli, courtois, pourtant honnête, du moins presque, je ne savais pas exactement ce qui me passa par la tête à cet instant, mais ce fut comme un déclic. Je relâchai la pression des derniers événements d'un coup et sortis de la boulangerie, furieux, en courant à toute allure après le seul type en face de moi en train de redescendre la rue. Je n'avais pas risqué ma vie pour me priver de l'un de ses petits plaisirs. Faire preuve de sociabilité, après en être arrivé là ? J'étais un pirate maintenant, bordel de merde ! Donc je hurlai :
- Hé ! Arrête-toi tout de suite et donne-moi MON croissant aux groseilles !
A peine l'homme avait-il commencé à se retourner qu'une chose improbable se produisit.
Je chutai.
Pas en m'entravant, non. Ni en voulant esquiver un chat errant. Mais en glissant d'abord sur une plaque de verglas, puis en me rattrapant sur une peau de banane. Une peau. De banane...
- OuaaaAAH !
Au lieu de m'affaler par terre, comme n'importe quelle personne normale, il fallut que je descende la pente en roulé-boulé, jusqu'à finir le nez contre le nombril de ma cible.
Ô joie.
Comme si ça ne pouvait pas être pire : cette personne n'avait pas de croissant aux groseilles... Peut-être qu'un simple "Pardon" suffira ?