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Pour l'impératrice

Rappel du premier message :

Ils avaient à peine quitté la cité rouge depuis quelques minutes qu’il se mit à pleuvoir. Le ciel s’obscurcit, on aurait cru que la nuit était déjà là. De mauvais augure plus les plus superstitieux du groupe. Les augures, les pressentiments et j’en passe avait tous l’air mauvais, mais ils ne pouvaient s’y attarder. Ils avaient une mission à remplir. Mission que Yuki avait eu tellement de mal à accepter que maintenant, il s’était presque auto endoctriné pour y croire. Il ne faiblirait devant aucun obstacle. Ni le vent, ni la pluie ne les arrêteraient.

Alors qu’ils avaient fait un détour par un bosquet pour y trouver un peu répit. Ils découvrirent le spectacle de la place du Dragon, un promontoire naturel vertigineux. Son sommet était caché dans les nuages noires, qui dissimulait un immense palais ? A ses pieds une foule en colère qui faisait le siège. De temps à autre un projectile enflammé était visible. Ceux tirer par la révolution et le peuple soulevé n’atteignait pas le haut de la falaise. Alors que ceux de l’armée de l’impératrice faisait mouche et gardait l’unique accès farouchement. Il leur fallait un plan pour déloger l’impératrice. La confrontation directe était veine apparemment. Ils savaient que la révolution avait un plan, mais le convoi avait échoué. Avaient-ils un plan B, un plan C. Ils devaient mettre au point leur plan pour s’infiltrer.

« Alors qu’est-ce qu’on fait ? »
« Je ne sais pas. J’avoue que je ne pensais pas que la situation serait bloquée à ce point. »
« Le problème, c’est qu’on ne peut pas le canarder d’en bas, alors qu’eux pas de soucis. »
« Oui, c’est pour ça que le convois devait amener des canon capable de les déloger. »
« On devrait se rapprocher discrètement et escalader le mur. Apparemment, les marines l’ont bien fait pour arriver ici. »
« Oui, mais on se fera repérer avant d’avoir atteint le pied du promontoire. »

« Si on pouvait se propulser jusqu’en haut, le tour serait joué ? »
« Oui, mais ce n’est pas possible. »

« C’est possible, mais pas avec les canons dont on dispose. Sur Bulgemore le canon est capable de vous envoyer sur l’ile d’à côté. Malheureusement on n’a rien de ce genre sous la main… »

« Qu’est-ce qu’on fait, je propose de tenter l’infiltration malgré tout. »

« … Cependant, un engin plus ancien permettrait de les atteindre. Si je construis un trébuchet et qu’on a le vent dans le dos on devrait pouvoir atteindre la place du Dragon. »
« Tu es sûr de toi ? »
« Oui. Enfin, je crois. Je te le dirai quand je verrai la tête de notre trébuchet. Seulement il faudrait se rapprocher encore une peu.
Là ! Il y a un bosquet avec des arbres assez gros pour la construction à 500m au Sud-Ouest de la cible. Le gros de troupe semble positionné à l’Est. On sera dans leur angle mort ou presque. »


Pour l'impératrice - Page 2 229f206b0ad68563dc50c5d95741feb2Pour l'impératrice - Page 2 Kuroko.no.Basuke.600.1903798 Pour l'impératrice - Page 2 Steamp10
"C'est en forgeant que l'on devient forgeron, c'est en voyageant que l'on se forge un nom"


Dernière édition par Yukikurai le Dim 7 Mai 2017 - 20:54, édité 1 fois
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La vache. Cette catastrophe « naturelle » ne nous a vraiment pas prévenue. Le coup de tonnerre nous a tous foudroyé. Miraculeusement, bien qu’un peu sonné, je m’en sors plutôt pas mal par rapport à tous ceux qui m’entourent. Aussitôt, je fais le point sur la situation, constatant que l’empereur manque à l’appel et que Zao, pourtant à côté de moi, n’est plus ici également. Suis-je le seul a faire la corrélation entre la disparition de Zao et celle de l’empereur ?

Un second coup de tonnerre. Le palais tout entier risque de s’écrouler, sa destruction s’entame déjà petit à petit. Des gravats tombent d’un peu partout, frappant les plus étourdis, ou alors simplement les moins chanceux. Les gardes royaux s’occupent d’évacuer les journalistes. Ils ont déjà prouvés leur force et leur organisation, je peux compter sur eux pour évacuer la salle du trône.

Pour l’heure, je me concentre sur les nombreux trous donnant sur les étages du dessous. L’empereur et Zao sont peut-être tombés, qui sait ? La pluie semble intraitable en cette fin de journée. Le bout de tissu qui maintenait ma queue de cheval s’est volatilisé. Mon kimono entièrement trempé, au même titre que mes cheveux détachés. Ma hantise. Le temps des plaintes n’est cependant pas encore venu. Sans attendre un instant de plus, je saute dans l’une des nombreuses fissures causées par la puissance du tonnerre.

L’étage du dessous est lui aussi en piteux état. Des gardes rouges sont présents, plus ou moins blessés pour certains. Aucune présence de l’empereur. Je n’ose pas tellement leur demander s’ils ont eu la chance de le voir, car je ne dois être qu’un ennemi à leurs yeux. De toute manière, il n’est de toute évidence pas dans cette salle. J’aurais préféré voir l’un des deux disparus avec ces gardes. La situation est peut-être plus critique que jamais, alors que nous étions si proches de cesser ce massacre…

Tant de morts inutiles. Aussi durs soient mes mots, ils n’en sont pas moins vrais. Mandrake l’a parfaitement compris : nous n’avons plus rien à gagner, inutile de perdre davantage de nos hommes. Mais avec cet étrange changement météorologique et les folies de Zao, dieu seul sait comment va se finir cette histoire. La configuration de la salle est presque identique à celle où j’étais initialement, si ce n’est que le plafond - bien que partiellement détruit, est toujours en place.

Je descends à l’étage du dessous, une fois encore en passant par une fissure, cette fois-ci bien moins grande que la précédente. Plus je descends, plus je crains d’être enseveli sous les décombres dans le cas où le palais venait à s’effondrer. Mourir ainsi ne me rendrait vraiment pas fier. Mourir pour la cause ne me dérange pas, je me suis engagé dedans pour ça. Mais ne pensez-vous pas qu’il y a des manières de mourir ? La pièce est extrêmement sombre. On y voit pas grand chose. Mais cette fois-ci, j’entends des voix.

[•••]



Elle frappe la première, oui. Mais c’est sans compter sur la réaction de Zao pour parer simplement son coup, qu’il saisit de sa seule main recouverte de haki. Le type est totalement en transe. Il tient le gibier tant convoité d’une main ferme. Ce qu’il dégage est si horrible que l’impératrice reste figée quelques instants, avant que le révolutionnaire ne la repousse d’un chassé au niveau de la ceinture abdominale.

Il utilise l’effet de son coup sur l’impératrice pour se défaire des deux gardes rouges et se saisir de l’empereur, impuissant. Sa dame se relève à toute vitesse, elle aussi impuissante face à la peur de perdre son époux.

« - À quoi joues-tu, Zao, demande-t-elle furieuse et effrayée ?
- Sérieusement… Comment… Comment peux-tu oser me regarder droit dans les yeux et poser la question !?
- De quoi parle-t-il, ma dame, s’interroge le roi ?…
- Tu ne lui as rien dit…
- Zao, hurle l’impératrice ! Non ! 
- Il a le droit de savoir avant de mourir. Tes dernières paroles avant de mourir devraient être sincères, au moins pour cette unique fois dans ta vie, Wu… »


[•••]


Des brefs explications que j’ai pu avoir, Zao et l’impératrice ont entretenus une relation assez particulière. Concubin un jour, poignardé dans le dos le soir d’après, c’est pas terrible à vivre. Paraît-il qu’il a bel et bien échappé à la mort. Ces femmes… Si ma mère n’en n’était pas une, j’en dirais le plus grand mal. C’est caché dans l’ombre que j’écoute une bonne partie de la discussion que je comprends plus ou moins.

Le roi a probablement bien compris qu’il existait une relation particulière entre son épouse et Zao, à moins d’être totalement débile. Cependant, je ne peux laisser une telle information parvenir aux oreilles de celui dont l’issue de cette guerre dépend. À la limite, ils régleront leurs histoires de coeur plus tard, mais certainement pas en la présence de l’empereur. Je suis déjà bien content qu’il soit toujours en vie. En un instant, je me retrouve entre l’impératrice, Wu, et Zao.

« - Oï, moi c’est Ragnar, enchanté, dis-je en me tournant vers l’impératrice. Monsieur, Zhou Qang, nous avons déjà été présentés. Zao, cessons cela, la mission importe bien plus que vos histoires externes aux affaires de ce pays.
- Ragnar… Mêle-toi de tes affaires, gamin. Tu ignores tout.
- J’en sais suffisamment pour affirmer que ça ne vaut pas les vies qui se trouvent à l’extérieur de ces murs. Oï, Zao, insisté-je, c’est vraiment pas le moment pour flancher. J’ai besoin de toi à mes côtés. »

Mais durant ce court laps de temps, l’impératrice passe à l’attaque. Il n’est pas envisageable que Zao et cette dernière entre en contact, sinon je serais moi-même impuissant face à ce carnage. Je m’interpose pour stopper sa course, mais elle disparait sans préavis, me laissant sur le carreau. Rokushiki ? Sans aucun doute. Marine ou membre du Cipher Pol ? Peu importe. J’ai vraiment pas le temps de penser à ce genre de choses.

Sa cible est forcément Zao. Je fléchis sur mes jambes, puis après une contraction musculaire exceptionnelle et un cri épouvantable, me voici propulsé à une vitesse inouïe vers le couple impérial et mon camarade. Wu apparait de nouveau à gauche de Zao, où son bras est inutilisable, armé d’une dague et prête à le planter. Avalant les mètres qui nous séparent d’une seule traite, je dégaine ma lame in extremis et repousse l’assaillante.

« Oï, dis-je le regard froid, n’avez-vous donc pas compris que ce que je dis à Zao est également valable pour vous ? Ça m’emmerde déjà suffisamment de gérer vos conflits, alors n’en rajoutez pas. Mandrake va m’faire la peau si les négociations échouent, donc tu vas lâcher l’empereur gentiment. Et vous deux, en pointant l’impératrice du doigt, vous partirez vous réfugier en compagnie de vos gardes respectifs. Si l’un de vous tente quoique ce soit, camarade révolutionnaire ou impératrice, je vous mettrais en pièces. »

Je me retourne à présent vers mon nouvel ami, le regard apaisé, posant une main sur son épaule. Ce dernier, malgré l’hésitation qui se lit dans ses yeux, semble accepter mes paroles et lâche l’empereur qui accourt vers sa dame. L’image est poignante. Voir un homme à tel point rongé par une femme, désirant lui faire subir le même par tous les moyens, allant même à l’encontre de ses principes…

« - Monseigneur, dis-je en interrompant légèrement les retrouvailles, puis-je vous demander une requête ?
- Ragnar, c’est ça ?
- Absolument.
- Tout ce que tu veux du moment que cette situation cesse.
- Que diriez-vous d’évacuer le palais avec vos gardes ? Ces deux anciens camarades de classe ont des choses à régler, dis-je en me grattant la tête.
- Mais que dis-tu !? Tu sais bien qu’ils vont s’entretuer, bougre d’ignare !… 
- Qui est l’idiot ? Celui qui ne comprend pas que sa femme risque davantage de mourir s’il reste dans les parages, ou celui qui tente de faire en sorte que tout le monde s’en sorte, dis-je cette fois-ci d’un ton un peu plus massacrant ? Gardes, emmenez-le loin d’ici, s’il vous plaît. »

J’ai pas spécialement apprécié qu’il m’insulte. Les gardes saisissent l’empereur et quittent les lieux. À peine le dos tourné, les deux ex se mettent à s’affronter ardemment. Malheureusement, le chef de ce pays a pu voir le premier échange de coups, alors qu’il quittait justement la pièce avec ses colosses. Heureusement qu’ils sont là et très bien formés ces gardes, l’empereur peut être fière de ses soldats.

Bref. Le combat devient de plus en plus intense. Wu, ça se voit que cela fait bien longtemps qu’elle n’a pas eu de combat de haute voltige. Zao, lui, n’a cessé de se préparer pour ce jour fatidique, mais avec un bras en moins, malgré tout, on voit qu’il est obligé de compenser avec d’autres choses. Le problème, c’est que l’un ou l’autre va finir par céder et probablement mourir. Enfin, c’est sans compter sur ma présence pour arrêter cela.

Le problème, c’est qu’en m’interposant entre ces deux tarés, je risque moi aussi d’y laisser ma peau. Ça se déplace rapidement, ça tape fort, ça rejette une certaine envie de tuer… J’aime les combats sanguinaires, quand je suis combattant et que j’ai un opposant, là au moins si je meurs c’est justifié. Là, concrètement, plus rien ne me retient. L’empereur est en sécurité, Zao et Wu n’ont pas trop d’impact sur la suite des évènements…

Non, le seul bémol est que l’empereur risque de vouer une haine énorme envers la révolution si elle venait à tuer sa femme, et ce à travers les mains de Zao. La vengeance accomplie, je sais que ce dernier se fichera complètement de son sort, mais le souci est que je risque aussi d’en prendre plein la gueule à cause de ses conneries. Mourir accidentellement en séparant une bagarre ou mourir des mains de Mandrake ? Le choix est vite fait.

« Fait chier… »

Divinité, ma lame, toujours entre mes mains frétillent elle aussi à l’idée d’interrompre cet échange. Du moins c’est ce que je m’imagine. La connaissant depuis le temps, elle désire simplement se nourrir de sang. Alors en position de départ, je m’apprête à démarrer tel un fauve mais… les deux énergumènes sont à l’arrêt, l’un en face de l’autre, totalement essoufflés de leurs échanges de porcs. Cela dit, ils ne semblent pas non plus avoir abandonnés pour autant.

Ça sent bêtement l’attaque finale. Seuls les combattants savent de quoi il s’agit. Vous savez, quand vous vous tenez face à votre adversaire, prêts à utiliser votre dernier souffle pour la toute dernière attaque, la der des der, celle qui déterminera si vous méritez de vivre ou de mourir. Et bien là, c’est exactement ce qu’il se passe. Je suis tenté de voir lequel des deux va survivre à cet échange, mais je tiens trop à ma vie pour ça.

Je suis tenté par l’idée d’envoyer une lame d’air, mais j’ai peur que la bâtisse ne tienne et finisse par s’écrouler. Les évacués sont au mieux encore dans les alentours, au pire à l’extérieur. Étonnant que je prenne ces facteurs en compte, moi qui agis toujours sans réfléchir. Bon, là, tout s’enclenche assez rapidement. C’est-à-dire qu’instinctivement, nous démarrons tous en même temps.

Mine de rien, tout comme eux mais à moindre mesure, j’utilise probablement mes dernières ressources. Je prends une puissante impulsion au sol, formant dessus un cratère et de légères déformations autour. Je mise tout dessus. Le shigan de l’impératrice contre le haki du révolutionnaire. Le choc est immédiat. Dans leurs regards, pas la moindre hésitation, aucune. Temps estimé avant la collision : trois secondes.

3… 2… 1… Explosion. Et non. Ce sont les trois secondes les plus longues de ma vie. Je vois leurs mouvements au ralenti, mes sens sont à leurs paroxysmes, mais je suis encore bien trop loin de l’action. Probablement un tic, je ferme les yeux en poussant le plus fort possible, comme au toilette lorsque j’ai bien trop mangé. Inconsciemment, je refuse probablement de voir ce qu’il va suivre.

Bim.

Une secousse. Une brise d’air et une stimulation électrique qui parcourt l’ensemble de mon corps. J’ouvre les yeux tout doucement. Le poing de Zao, le doigt de Wu, faces à faces, dieu merci séparés par le bout du bout de ma lame. De part ses propriétés que j’ignore toujours jusqu’à présent, elle a été capable d’absorber ce puissant choc. Plus qu’étonnés, les deux tourtereaux ou ex, se regardent en ne pensant pas pouvoir le refaire un jour, à bout de force.

« Qu’est-ce que vous n’avez pas compris dans ma phrase, demandé-je agacé ? Maintenant, chère impératrice, vous allez vous sagement utiliser vos dernières forces pour partir aussi vite que vous êtes arrivée. Quant à toi, Zao, tu ne me quittes plus, ok ? J’ai peur tout seul… »

Des regards persistants… Au début, remplis de rage, mais au fil des secondes, sans que je puisse y comprendre quoique ce soit, j’ai pu apercevoir de part et d’autre des regards remplis d’affection pour l’autre. C’est quoi ce bordel à la fin ? Ils se détestent ou s’aiment à en mourir ? Pourquoi se combat à mort !? J’ai beau faire des efforts pour comprendre les sentiments humains, c’est trop compliqué pour un homme aussi simplet que moi.

Et comme elle est arrivée, c’est avec un Soru qu’elle s’échappe de ce palais en ruine. Zao tombe ensuite sur les rotules, sans doute épuisé ou anéanti. Je n’ose même pas vérifier s’il pleure ou non. Franchement, c’est pas fait pour moi ce genre de situation, je sais pas comment réagir. Les débris tombent à une fréquence de plus en plus élevés, le sol s’affaissent, des fissures se forment encore et encore… Le palais ne tient plus qu’à un fil, il va s’écrouler d’une seconde à l’autre.

« Une de perdue, dix de retrouvées, va. Oh, sérieusement, c’est pas une gonzesse qui va te mettre dans ces états. Dès qu’on sera sorti de ce merdier, j’te promets qu’on ira faire la fête au milieu d’une armée de femmes toutes plus séduisantes que ton impératrices à deux balles… Et promis, elles ne te poignarderont pas durant ton sommeil ! Mouahahaha ! »

Sa tête se relève, son regard croise le mien, je comprends que c’était la blague de trop. Alors qu’il semblait mourant et incapable de bouger, il se relève et me poursuit sans relâche en me balançant tout pleins d’injures. Le palais entier se met à trembler. Poursuivis par un chien enragé et pris au piège dans un bâtiment en ruine, je prends une décision radicale : une lame de vent en direction du mur, ouvrant un passage vers le monde extérieur. Je saute dans le vide, Zao me suit aveuglément, on chute.

wwWWAAAAAAAH ! »

Au-dessus de nous, le palais s’effondre totalement. Je repousse tant bien que mal les débris, l’As de la révolution également avec son seul et unique bras, c’est un carnage. En même temps, on se rapproche du sol et aucun matelas nous attend en bas. Saisissant mon camarade par le bras, je vrille sur moi-même, dégageant une multitude de lames d’air en direction du sol, dans l’espoir que cela ralentit notre chute, comme lors de mon arrivée au-delà des murs. J’utilise mes dernières forces. J’hurle de toutes mes forces, je m’arrache autant que possible. Pas possible de mourir de cette manière.

Quand je cesse de frapper, faute de force, je constate avec joie que nous avons atterris sans le moindre encombre… Essoufflé, tétanisé, je tombe sur les rotules en regardant autour de moi. Ma vue est légèrement trouble, mais il y a du monde qui se rapproche. De plus en plus proches, je distingue absolument rien. Des sons également, on essaie de me parler sauf que je n’entends rien. Je finis simplement par m’écrouler de fatigue, bavant probablement déjà.
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En lieu d'un temple du zenihisme, la place du dragon était avant tout un refuge où les populations pouvaient se réfugier en cas d'inondations. Les espaces alentours étaient constitués de grandes plaines et de rizières irriguées, déjà sujettes à des débordements en temps normal. C'était pour accueillir les populations rurales en ces occasions que la place avait été bâtie. Sauf qu'ici, c'était précisément la place qui constituait le danger.

Alors, nous avions pris la fuite. Avec une tempête pareille et nulle part où s’abriter, nous n’avions pas le choix.

Le problème, c’est que c’était le cas sur des dizaines de kilomètres à la ronde. De très longues heures de marche dont je vais simplement vous donner un rapide aperçu.

Imaginez quelle horreur ça a été de devoir traverser des dizaines de kilomètres à pied, embourbés jusqu'aux mollets dans la campagne devenue marécage, morts de froid et de fatigue et usés jusqu'aux os par ce déluge qui ne s'arrêtait pas. Nous étions des éponges, des épaves, nous étions cent dix mille. Une véritable exode de même-pas-réfugiés misérables et plongés dans la boue. À avancer quand même, en empruntant des routes moribondes pour ceux qui avaient cette chance, en se hasardant au milieu des trous d'eau emplis de vase pour les autres, avec la conviction que ça ne s'arrêterait pas. C'était une catastrophe. Et c'était jusqu'au couple impérial qui devait patauger dans cette bouillasse géante ; le manège de porteurs improvisé par leurs servants n'avait tenu qu'un quart d'heure avant que le terrain et les intempéries n'imposent leur point de vue là-dessus. Maintenant, leurs belles robes d'or et de lin n'étaient plus que des torchons déchirés tant bien que mal pour les laisser se mouvoir. Wu Quang, si splendide et divine il y a une heure de ça, était épouvantable. Ses cheveux... je le savais, qu'ils étaient ridicules. Et le fait d’avoir pris un grand bain dans le marais à l’occasion d’une chute hasardeuse lui allait à ravir.

À ce stade, c'en devenait franchement agréable de les voir dans un état aussi déplorable que nous. Je souhaitais à ces pauvres crétins prétentieux de souffrir et pleurer à en garder un souvenir indélébile, pour leur rappeler qu'ils pouvaient eux aussi patauger dans la vase avec leurs chers sujets quand les choses allaient mal. Et surtout, qu’ils devaient être heureux d'avoir évité le pire. Ce n'était qu'un aperçu de ce qu'on aurait pu vivre ; ici, personne ne se battait, on s'aidait tout du long, et c'était nécessaire.

N'empêche que, finalement.

Merde.

Je les détestais tous, ils méritaient tout ça, ils méritaient bien pire. C'était bien fait pour eux, je voulais qu'ils en bavent et s'étouffent avec ça. Qu’ils apprennent leur leçon.

Forcément, je n’étais pas d’humeur.

J’ai perdu une chaussure dans la boue, je gelais sous la pluie, ça n’en finissait pas, JE N’EN POUVAIS PLUS DU TOUT, ET PUIS FLUTE, JE NE MERITAIS RIEN DE CA, MOI.
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Personne n’aurait pu prévoir que le conflit prendrait fin de cette manière. Surtout pas l’impératrice.

A de multiples reprises, son cœur avait manqué un battement. Lorsqu'elle avait eu vent de l’apparition de Zao dans la salle du trône. Lorsque la foudre avait frappé le bâtiment à de multiples reprises. Et lorsqu'elle avait retrouvé son amant aux mains du révolutionnaire.

Elle s’était alors battue jusqu'à en perdre le souffle, jusqu'à voir certains de ses os brisés par la rancune de cet homme qu'elle avait trahi. Elle le détestait. Elle le détestait car lorsqu'elle le voyait, elle se détestait elle-même. Pourquoi n’était-il pas mort ? Pourquoi avait-il dû la hanter comme cela jusqu'à aujourd'hui ? Dans ce gigantesque conflit, dans cette terrible déclaration d’indépendance camouflée, sa mort était sa délivrance. C’était l’une des choses principales pour lesquelles elle s’était battue.

Et une fois de plus, elle avait échoué à le tuer.

Désormais révolutionnaires et impériaux marchaient côte à côte. Les négociations ne faisaient que commencer, elle ne pouvait pas encore se résoudre à dévisager ces officiers qui marchaient à ses côtés, qui lui offraient un cortège, à elle, à son époux et à leurs gardes. Qing Qong ouvrait la marche avec l’Atout qui s’était déplacé depuis le Nouveau Monde et avait vu nombre de ses hommes périr en mer.

Beaucoup d’hommes étaient tombés aujourd'hui. Beaucoup de vies avaient été sacrifiées pour la cause d’une trêve. Non, d’une paix durable. L'agente du Cipher Pol en elle continuait à voir ces révolutionnaires comme les insectes qu'ils étaient, mais l’impératrice se devait de revoir son jugement et, au pire, de dissimuler sa haine. Zhou y croyait lui. Mais Zhou pouvait malheureusement être très naïf.

- J’ai du mal à croire que c’est terminé. soupira l’intellectuel, comme ôté d’un poids.

Wu le regarda avec un visage bienveillant, sans mot dire. Son apparat était aussi sale et aussi déchiré que le sien… et pourtant il n’avait jamais semblé aussi royal. Il avait fallu une guerre pour que le peuple le suive, comprenne ses motivations. Il avait fallu ces journalistes pour que tous saisissent à quel point l’Empereur appréciait son pays et le voulait libéré des carcans du Gouvernement Mondial et loin de ceux de l'Armée Révolutionnaire. Il n’avait pu se résoudre à faire tous ces sacrifices.

Alors elle les avait faits pour lui. Elle avait pris la responsabilité de toutes ces morts injustes et s’était posée comme la cruelle agente du Cipher Pol que l’on raconte dans les contes pour faire peur aux enfant. Elle n’était plus sûre de ce qu'elle était désormais, mais cette agente était morte et sa mission au sein du Gouvernement Mondial, loin derrière. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que celui-ci mette sa tête à prix ou dépêche des assassins pour tenter de l’exécuter. Mais pour tout cela, il leur faudrait passer les solides murailles de sa patrie et les rangs serrés de ses gardes. Et puis elle possédait cette malédiction qui lui fournissait un dernier rempart.

Lentement mais sûrement, le niveau des eaux montait et contraignait la formidable armée à gagner en vitesse. Leur objectif était la Cité Rouge, même si celle-ci ne pouvait pas être entièrement protégée de la mousson, au moins les murs d’enceinte et le système de déversement des eaux usées prévenaient des inondations. Ils étaient nombreux à désirer l’asile : corsaires, citoyens ayant pris les armes, révolutionnaires et soldats venus de villages isolés. Mais par chance le palais avait été construit par des architectes mégalomanes, avides de hauteurs et de largeurs exagérées.

Lorsque les murs rouges de l’antique cité apparurent à l’horizon, ils surent tous que leur périple était enfin terminé.
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