Scarlet Diamond

En mer, North Blue...

- On est au bon endroit ? s'enquit Lady Ombeline.
- Sans aucun doute permis, m'dame ! lui répondit avec conviction, le vieux briscard navigateur de l'équipage. On est bien dans la Soupe aux Traitres.

La commandante d'élite Ombeline fixa son regard quelque part sur l'horizon. Il n'y avait un aucun navire en vue. Rien de bien étonnant, la Soupe aux Traitres était une portion de North Blue évitée des flottes commerciales à cause de sa sinistre réputation de mer hantée. Mais aucune malédiction n'avait jamais réussi à dissuader celle qu'on surnommait "L'épée du Matin" de traquer sans relâche ses proies, surtout quand elle avait la conviction de se rapprocher de sa cible. L'insaisissable Olusegun Soljäer. Ils étaient là... Forcément...

- On se serait pas trompé dans nos prévisions par hasard ?
- Ça m'étonnerait beaucoup, assura Darlessa Simons, Lieutenant à bord du croiseur Achéron. On sait qu'ils ont levé l'ancre quelque part dans l'archipel du Cul-aux-ruches et qu'ils font voile vers la Route du Chanvre. De tous les chemins de contrebandiers, celui qui passe par la Soupe est le plus sûr. Et puis, on est en avance, faut attendre.
- Hmmm.
- C'est pas ton fort, je sais.

Le respect des règles de la hiérarchie ou des convenances entre officiers n'était pas non plus le dada de l'équipage d'Ombeline qui n'était rien de plus qu'un ramassis de gens d'horizon divers mus par une seule chose : la violence. Tristement célèbre, l'équipage des "Bêtes de l'Ombre" n'en était pas moins efficace. A leurs actifs le démantèlement du réseau Damam de trafic de cadavres sur East Blue, l'annihilation de la Cellule Révolutionnaire et de la rébellion en principauté de Maltasthan et bien d'autres encore. Ils avaient pignon-sur-rue mais trainaient tout le temps des casseroles de dégâts collatéraux tout aussi importants que le mal qu'ils combattaient. Depuis peu, dans le viseur des Bêtes, le marché ô combien fructueux de la contrebande d'antiquités sur North Blue. Longtemps marginalisé et inconsidéré de la stratosphère criminelle de North, le secteur connut une forte expansion ces dix dernières années, dopé par l'arrivée de quelques "experts" de West Blue. Là-bas, ce marché était l'une des plus importantes vaches à lait du crime organisé.

- Sortez les log-pose et les magnétopose qu'on a en stock ! cria Ombeline prise d'une soudaine inspiration.
- T'as craqué ou quoi ? fit Darlessa. Ça va te servir à quoi sur les Blues ?
- La ferme, ignare ! répliqua-t-elle. Va rejoindre ton poste, Mlle la snipeuse. Bon, ces machins détectent le champ magnétique des iles de Grand Line, on est d’accord ? demanda-t-elle ensuite au navigateur.
- Oui, m'dame. C'pour ça qu'on peut pas les utiliser ici.
- Ouais mais ça veut dire qu'on peut s'en servir pour détecter n'importe quel champ magnétique, n'est-ce pas ? Ils sont pas uniquement calibrés sur celui des iles ?
- En théorie... ouais m'dame, répondit le vieux loup de mer après un instant de réflexion. Tant que c'est aussi fort que c'lui des iles. Ou p't'être un peu plus faible...
- Les champs magnétiques sont générés par un tas de choses. Le noyau de fer en fusion des iles, les aimants, le corps humain même si pour ces derniers, l’émanation est très infime. C'est un truc que j'ai appris avec un binoclard de limier... Enfin, bref ! Mettez les chaloupes et canoés à l'eau, que chaque équipe se munisse d'un Pose ! Vous vous éloignerez de l'Achéron en décrivant des cercles concentriques de façon à couvrir toujours plus de terrain.  

Même si les ordres étaient pour le moins étranges, il n'y eut aucune contestation. Les Bêtes faisaient souvent des trucs bizarres et la plupart du temps, sortir des sentiers battus était payant. C'est aussi pour ça qu'ils aimaient et adulaient leur commandante. Accoudée au bastingage, Lady observa ses hommes se disperser en une douzaine de petits bateaux à rames. La chasse risquait d'être longue. Un fusil de précision longue portée en bandoulière, le lieutenant Darlessa Simons vint la rejoindre sans lui poser davantage de questions malgré sa perplexité. Rien de tel que le plaisir de tâter du résultat en fin d'expérience, même si elle pensait avoir à peu près cerné l'idée qui cogitait dans la tête de sa commandante. Les circuits électriques généraient forcément des champs électromagnétiques...

Un quart d'heure passa, puis ce fut une heure, puis deux. Les embarcations étaient à présent si éloignées du vaisseau mère qu’elles n’étaient guère plus grosse que des petits pois à l'horizon. Ombeline n'avait pas changé de position et fixait toujours le large, le coude reposant sur le bastingage, une main sous le menton. D'autres minutes s'égrainèrent puis... « Fusée à neuf heures ! » s'écria une vigie. Dans le ciel automnal, une lumière empourprait le ciel. C'était le signal que tout le monde attendait, celui qui devait signaler qu'une des équipes voyait l'aiguille de son Pose devenir folle. Tous les autres canoés se précipitèrent donc sur la trouveuse pour confirmer avec leurs propres logs. Suite à quoi, une autre fusée de confirmation fut tirée.

- Pécho ! La chasse peut commencer ! s'excita Ombeline en passant une langue sur ses lèvres de manière indécente.

Rien n'excitait plus une Bête de l'Ombre que la traque. Sur la grand-voile de l'Achéron, il était d'ailleurs marqué cette citation : "Aucune chasse ne vaut la chasse à l'homme, et ceux qui ont longtemps chassé des hommes armés, qui ont aimé ça, ne trouvent plus jamais saveur à autre chose". Le branle-bas de combat était donné, le croiseur sortait ses roues à aubes pendant qu'au loin, la flottille se dispersait encore. Ils ne chassaient pas un adversaire immobile, aussi, il était primordial de situer sa position exacte via plusieurs observations de log et à chaque fois que les suspects déviaient d'orientation, une fusée était lancée pour signaler leur nouveau cap. Ombeline était contente, ses hommes s'étaient habitués à un rythme incroyable à ce bricolage, cette nouvelle utilisation du log. Désormais, les Bêtes avaient de quoi chasser des submersibles... pensa-t-elle avec délectation.

-  Beurk, Go ! ordonna Lady Ombeline.

"Beurk", c'était un sergent d'élite homme-poisson de la race des piranhas. Un affreux zèbre aux dents redoutables. Il commandait l'escouade d'hommes-poissons de l'équipage. Ils se jetèrent à l'eau et ne tardèrent pas à remonter pour donner une confirmation de visu de l'objet qu'ils traquaient depuis la surface. C'était bel et bien un sous-marin. Rapide qui plus est, avançant à près de 12 nœuds vers le nord-est. « On doit les capturer vivants ! Faut les obliger à remonter ! » insista-t-elle. Par-dessus les rambardes, les marins jetèrent à leurs collègues des barils de poudre munis de détonateurs. Les hommes-poissons s’immergèrent avec leurs tonneaux et peu après, leurs explosions se manifestèrent à la surface par des geysers. Beaucoup d'autres suivirent, en cercle toujours plus proche du submersible. Lady ne tenait plus, trottinant sur place comme si elle courait sur un tapis mécanique.

- Ils émergent ! lança Darlessa, un doigt pointé à une heure.
- Belle bête ! commenta Ombeline, le sous-marin devait mesurer plus de quinze mètres. Canon de 36, un à dix. Feu !

Sa main s'abaissa vivement, donnant le départ d'une série de canonnade à déchirer les tympans. L'Achéron trembla, la poudre et une odeur de brulé saturèrent l'atmosphère. Tous les boulets échouèrent près du traqué -c'était ça le but, pour le ralentir- mais un seul le toucha à la poupe. Le bruit de l'acier éventré était une  douce mélodie qu'Ombeline ne se lassait jamais d'entendre. De la fumée noire et des éclats de tôles se dispersèrent au-dessus du submersible. Qui s'immobilisa enfin. Les canoés et l'escouade aquatique s'approchèrent. Le sous-marin à la dérive fourmilla tout à coup d'activité. Des gens remontaient sur la carlingue, d'autres se jetaient à l'eau pour fuir le feu consumant la poupe. Les plus teigneux cependant ouvrirent le feu, décidés à vendre chèrement leurs peaux. Une sulfateuse cracha sur les élites ses centaines de plomb à la minute, les forçant au recul. « Il me plait, celui-là ! » grommela Darlessa, la lunette de visée de son fusil collée contre son œil. « Vent fort, 10 nœuds par tribord... pas la mer à boire... Hasta la vista baby ! » Son index pressa la détente. Ombeline, déjà en l'air, suivit la trajectoire de la balle traçante qui répandit une trainée orangée dans son sillage avant de se loger dans le crane de l'ennemi qui contrôlait la mitrailleuse vissée près de la grande écoutille.

Un hourra s'éleva dans les rangs de la Marine. Ils prirent le pas sur les sous-mariniers, investissant la coque, en décousant avec eux. Ombeline ne fut pas en reste. Grâce au Geppou, elle survola ses ennemis puis atterrit parmi eux, tailladant à tout va. Il n'était pas aisé de se battre sur ce terrain très glissant à cause des algues s'étant accumulées sur la coque étroite. Ce combat était une version ensanglanté d'un Royal Rumble où le premier qui tombait à la mer était disqualifié. Mais aussi mort... L'épée du Matin para un coup de cimeterre puis empala son adversaire au plexus avant de l'envoyer valser d'un coup de pied retourné. Avec une moue d’Aguicheuse -son meitou- elle déclencha une fine lame d'air circulaire qui trancha ceux qui l'environnaient. Le ménage était fait, ne restait plus qu'elle et un gros lard baraqué. Pour la première fois, elle put identifier un signe reconnaissable. Le gros coiffait un tricorne blasonné de deux dynamites croisées derrière un crane borgne. « Des pirates, ma parole ! L'équipage des Dynamiteurs hein ? Donc toi tu dois être Patrick Céquatre, primé à 15 millions de Berry. Merde ! »

- Hey... Ouais ! Si tu connais mon blase, tu f'rais mieux d'te tailler, sinon, j'vais finir avec toi, t'donner à bouffer aux r'quins...

Sur son gros pif, Ombeline écrasa le manche d'Aguicheuse. Il s'effondra en hurlant, déclenchant les rires de Bêtes. Mais il ne s'avoua pas vaincu, il se releva et s'empara d'un gros rocher blanc strié de rainures rouges. D’où sortait-il ça, Ombeline s’interrogea. Il tenta de l'écraser avec et elle fit chanter son katana une nouvelle fois. Le caillou fut proprement débité puis elle s'attaqua aux membres supérieurs de son ennemi (« Je pense que tu n'auras plus besoin de tes mains, donne-les moi ! ») Il hurla, gémit de plus belle, serrant contre sa poitrine ses moignons. « Maint'enant, faut cautériser tout ça ! » déclara avec sadisme un des toubibs des Bêtes, armé d'un chalumeau.

[...]

Allongée sur un transat face à la mer, l’Épée du Matin n'avait pas le cœur à bronzer. Trois heures s'étaient écoulées depuis l'arrestation des Dynamiteurs. Ils avaient improvisé une petite base sur un atoll rocheux dans les alentours. Le sous-marin fut fouillé et les pirates survivants, en train d'être interrogés en ce moment même. Elle pensait vraiment tenir Olusegun Soljäer et à la place, ne captura que des pirates de seconde zone. Et pourtant, dans le submersible, ils trouvèrent une caisse remplies d'artéfacts et bijoux très anciens issus de Valantis, un royaume antique d'East Blue. Le genre de produits qu'aurait volontiers écoulé Sigma, l'organisation de contrebande d'antiquité que dirigeait le dénommé Soljäer. Mais ils avaient aussi trouvé des caisses à vin, des sacs de denrées périssables et quelques pièces d'or probablement issus de razzias diverses.
L'arrachant à sa réflexion, Darlessa Simons approcha.

- On a fini de les interroger. La bonne nouvelle c'est qu'on avait vu juste. Y avait bel et bien un navire du groupe Sigma dans le Cul-aux-ruches. Le truc c'est que nos contrebandiers se sont fait pirater puis tabasser par nos Dynamiteurs. Et comme ils se rendaient sur la Route du Chanvre pour écouler leurs artéfacts, nos pirates se sont dit qu'ils vont aller faire d'autres emplettes là-bas.
- Dans ce cas, c'est pas non plus un hasard qu'ils se soient trouvés ici, fit Ombeline en se mordillant les lèvres.
- Bah... ça dépend. Nous, on cherchait la nef de Sigma. Comment t'as su qu'ils étaient en sous-marin ?
- Juste une intuition. Le Cul-aux-ruches n'est qu'à quarante milles de Zaun. Ils savaient qu'on les traquait ; à leur place, j'aurais changé de navire. Et comme Zaun est devenu la plaque tournante de la construction sous-marine, ç'aurait été un bluff énorme.
- Ah j'vois. Vraiment ingénieux d'ta part. On a déjà capturé des narco-sous-marins de Zaun et la plupart fonctionnaient à l'électricité avec des Thunder dial. Comme celui-ci.
- Et tous les appareils électriques émettent des champs magnétiques. J'espérais que celui d'un sous-marin électrique rudimentaire soit assez puissant pour faire trembler un log.
- Au moins, on a une innovation technologique propre à nous maint'nant.
- Mouais... J'aurais préféré trancher du Soljäer. Sigma continue à piller les musées et sites archéologiques des autres mers pour les receler ici.
- On a aussi autre chose captain. Un nom. Farida Faouzi.
- C'est qui ?
- Aucune idée. On a lancé une requête d'identité au QG. Apparemment, le rocher -celui avec l’quel le pirate a voulu t’écrabouiller, tu sais ?- faisait partie de la cargaison des Sigma et il y avait un mot l'accompagnant.
- Un mot ?
- Ouais, une carte même.

« A Sam, une spécialiste des départs sur les chapeaux de roues, en espérant que ce roc t'aidera à mieux t'ancrer.
Ton amie du mauvais temps.
Farida Faouzi. »


[...]
Deux jours plus tard...
Tanuki


- Elle n'arrête donc jamais de siffloter ? grinça Darlessa.

Jumelles à la main, juchées sur un promontoire rocheux, Ombeline et elle observaient depuis plusieurs heures une femme de taille moyenne, au nez crochu et cheveux couleurs de paille. Elle avait un corps plutôt musclé, sans doute à cause de son métier. Géologue. La requête d'identité avait mis quarante-huit heures à donner résultat, et encore, c'était uniquement parce que Farida Faouzi était plutôt connue dans son métier. Une petite pointure dans le domaine de la géologie qui travaillait principalement comme conférencière dans les universités ou consultante pour des entreprises minières. Elle avait même travaillé avec la Brigade Scientifique dans plusieurs projets dont personne ne voulut parler aux Bêtes. « Top Secret ! Vous vouliez une identité, vous l'avez ! » avait aboyé Mephis Toffel la Commandante de la Marine d’Élite de North Blue avant de raccrocher. L'équipage réussit à la localiser sur Tanuki où elle dirigeait une équipe d'excavation dans une mine de calcaire pour le compte du conglomérat G&GOLD. Fidèle à ses tactiques de chasseuse, Ombeline préféra d'abord l'observer de loin.

- Je me demande bien ce qu'elle sifflote comme air.
- C'est vraiment la seule chose qui te turlupine, là ?
- Bah, ça fait des heures qu'on est là hein à surveiller cette carrière à ciel ouvert. Faut bien s'occuper ! Puis, y a rien de suspect ici, tout est légal. De visu.
- Bien sûr que tout l'est, fit Ombeline. Je descends lui parler. Toi continue de surveiller la mine.
- Super... N'oublie pas de lui demander ce qu'elle sifflote !
- Ta gueule !

Farida la reçut dans le salon d'honneur de la G&Gold et pendant tout le temps qu'elle passa à préparer le thé, elle ne cessa jamais de siffloter. Si bien que malgré elle, Ombeline ne put s'empêcher de se poser la même question que son tireur d’élite. Et finalement, elle lui demanda. « Oh ! Si ça vous déranze, z'arrêtes ! » répondit-elle avec un fort zézaiement. « C'est une habitude que z'ai prise depuis z’enfant. Certains suçotent leur pouce, moi ze siffle. Tenez, voici votre thé ! » Elles burent en silence pendant un moment. Scrutant tous les aspects de la dame, Ombeline essayait de saisir un quelconque signe qui la trahirait. Aucun stress visible, juste une sorte de curiosité polie.

- Qu'est-ce que la G&GOLD peut faire pour la Marine d’Élite ?
- C'est vous que je suis venue voir. Reconnaissez-vous ceci ? fit-elle en lui tendant le mot trouvé dans le submersible.
- Oui ! C'est une carte que z'avais écrite pour mon amie Samantha Thorn. Elle accompagnait le cadeau que ze lui envoyais, un gros bloc de calcaire zébré de carbonado.
- Quand et comment avez-vous envoyé ça ?
- Par la Poste des Mers, y a quatre jours. Z’ont un comptoir ici à Tanuki. Samantha loze à Inu Town. Qu'est-ce qui lui est arrivé ? s'alarma-t-elle.
- Rien, à ce que je sache, répondit calmement Ombeline. Votre carte et la pierre étaient en fait sur un navire pirate que nous avons capturé y a deux jours.
- Des pirates ? La Poste s'est faite pirater en mer ?
- Non. On n'a pas eu connaissance d'un tel acte. On l'aurait su, je pense.
- Ben dans ce cas, comment mon colis a pu se retrouver là ?
- Je me le demande... susurra-t-elle. Peut-être qu'il y a eu un vol à l'office de Poste et qu'ensuite, notre voleur a été pillé par des pirates. Ou en était un lui-même. Nous allons enquêter.
- Si on ne peut plus faire confiance à la Poste Gouvernementale... On va faire appel à des convoyeurs privés ! C'est quoi cette histoire ?! s'indigna-t-elle. Et mon roc ? Vous l'avez ?
- Euh... Disons qu'elle est en fine tranche, au fond de la mer à l'heure actuelle.
- QUOI ?!
- Je l'ai tranchée, un pirate l'utilisait comme arme.
- C’est la cata’ !
- Ce n'est qu'une pierre.

Ce qu'il ne fallait pas dire. Dans le même ton que dire à un Ténor que ses chansons n'étaient que borborygmes. Farida s'insurgea, debout, le poing levé. Postillonnant abondamment, elle qualifia la Marine et tous ces incapables du Gouvernement de noms d'oiseaux divers. « "Une simple pierre" ?! Non mais ! Autant dire que la Zozoconde n'est qu'un gribouillage d'enfant de maternel ! Que l'Orizine du Monde n'est  qu'un cliché de zynécologue ! Que Barbe Blanze n'était qu'un homme ! » Elle continua à cracher son venin ainsi pendant une demi-heure et Ombeline regretta sévèrement de pas l'avoir fermée. Avec la condescendance d'un génie expliquant à un idiot pourquoi un et un font deux, Farida lui détailla en quoi ce morceau de calcaire strié était spécial pour tout géologue qui se respectait. « Ce que vous avez découpé est un témoin de l'âge de notre monde ! Ce bloc avait plus de soixante-cinq millions d'années ! Oui madame ! Soixante-cinq ! Les rainures rouges dessus, c'est du carbonado ! Du diamant provenant de l'espace ! Il y a soixante-cinq millions d'années, une météorite s'est écrasée sur Tanuki et c'est la première fois qu'on en avait une preuve ! Et vous... Et vous... » Elle continua à l’accabler de quolibets ainsi pendant une autre demi-heure.

- Wow ! T'as l'air lessivée !
- La ferme... marmonna Lady en s'écroulant sur le promontoire. Je ne risque pas d'oublier pourquoi je hais les scientos !
- Elle t'a bassiné avec la géologie ?
- M'en parle pas... Envoie des gens à l'office de Poste, on doit vérifier ses dires. Puis une autre requête d'identité à la Marine d'Inu Town cette fois-ci. Selon elle, le caillou était destiné à une certaine Samantha Thorn, volcanologue à la retraite de l'université des roches de Koneashima.
- Donc, elle sait pas comment son caillou s'est retrouvé sur le bateau de contrebandiers de Sigma qui a ensuite été pillé par des pirates ?
- Je ne lui ai pas révélé ça. Juste dit qu'on l'avait trouvé chez les pirates.
- Et ça a fonctionné ?
- C'est une très bonne comédienne. Je n'ai rien décelé du tout. Les traits rouges sur le caillou, c'est du diamant de météorites mais n'ayant aucune valeur selon elle. "Le diamant, c'est juste carbone hein. La mine de nos crayons, c'est du carbone aussi. C'est la pression à la création qui les diffère et le carbonado est plus proche du prix d'une mine de crayon que d'un diamant" m'a-t-elle dit. Mais on va aussi vérifier.  
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? Y a moyen de la lier aux activités de Sigma ? Et si on découvre qu'elle a réellement envoyé son rocher par la Poste ?
- Elle ne m'aurait pas glissé un mensonge si facilement vérifiable. Notre but, c'est de savoir comment le caillou a atterri chez les Sigma et si c'est vraiment le cas, pourquoi ? Qu'avait-il de spécial ? J'ai déjà appelé Euron, il va fouiller dans la vie, dans le passé de notre géologue. Quand à Ricard, il va s'intéresser à la Poste de Tanuki et à G&GOLD. Ce serait pas la première fois que des criminels parasitent des entreprises d'états à leurs fins. Puis je vais envoyer Aemon en infiltration dans la mine en tant que concasseur de roche. Faut avoir des yeux là-bas, savoir ce qui passe réellement dans ces grottes.
- Tous les officiers supérieurs ? Ça fait vraiment beaucoup de moyens pour une sciento.
- Mon intuition me dit qu'elle est mouillée. Faut juste prouver comment et on pourra enfin avoir une piste solide pour débusquer Soljäer.
- Et nous deux, on fait quoi ? demanda Darlessa en s'étirant, courbaturée par des heures de planque.
- On continue notre surveillance.
- Oh non...


Dernière édition par Loth Reich le Sam 6 Mai 2017 - 14:40, édité 1 fois
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Trois jours plus tard…
Boréa, Blanchecastel


- Souris !
- Achève-moi tout de suite ! grommela Loth.
- Oh, j'en connais une qui s'ennuie autant que toi, fit Aella en regardant un point au-dessus de l'épaule de Loth.

Il se retourna et vit la commandante des Marines de Boréa accoudée au bar, un verre à la main. Comme Loth, elle avait l'air de vouloir être partout ailleurs dans le monde sauf ici. Ne résistant pas à la tentation, il se fraya un passage dans la foule mondaine et rejoignit Midnight Bee qui finissait d'une traite son Bloody Mary. Elle en demanda un autre plus corsé. « Vous noyez votre ennui dans l'alcool ? » Elle regarda Loth avec l’expression habituelle qu’il lui réservait, un mélange de lassitude teintée du désir de le poignarder. Elle adressa un regard plus poli à la cavalière du Moine. Les deux femmes se saluèrent cordialement, se connaissant déjà. Avec son gloss noir qui faisait luire ses lèvres de façon démente, ses cheveux solidement noués en un chignon surmonté d'un ornement en forme de crane, sa robe noire vaporeuse décorée de petites piques au corsage et ses doigts ornés de bagues, Bee ressemblait à une ado au sommet de son style gothique. Loth l'avait connue plus sobre dans son manteau de Marine mais cette nuit, aucun des deux n'était dans son élément.  

- Je ne pensais pas vous voir ici, fit le Moine Hérétique en prenant place à sa droite. Je n'imaginais pas que les soirées du beau monde, c'était votre dada.
- Je m'éclate à fond là, c'est le kiff total, ironisa-t-elle en se faisant resservir un autre verre.
- Vous devriez moins insister sur l'alcool commandante, recommanda prudemment Aella.
- Que fait une belle et brillante femme comme vous avec cette raclure, Mlle Madoff ? s'enquit-elle.
- Au risque de souligner l'évidence, je suis là !
- Et ben, Loth est aussi très brillant en son genre. C'est ce qui lui vaut l'estime et l'amitié du roi Maximilian qui l'a personnellement invité à cette soirée. Après, je peux comprendre que vous ayez des différends à cause de ses fréquentations quelque peu... atypiques.
- Si vous voulez dire par là des mafieux, des criminels, oui.
- Encore une fois, je suis là !
- Ils font partie de son passé et c'est quelque chose dont il ne peut pas se débarrasser. Tout le monde a droit à seconde chance, c'est un des principes de l’Élite, non, Commandante Bee ? Je parie que Loth a moins de tares que certains de vos subordonnées, assura-t-elle d'une voix égale.
- Non mais, je suis invisible où quoi ? Je suis là !
- Oui, oui, on le sait, chéri.
- Comment va cette chère Ombeline ? demanda Loth en changeant de sujet.
- Moins bien que lui, répondit Bee en désignant du menton celui qui attirait toutes les attentions.

La cinquantaine, grisonnant, Lord Amin Freeze était un pair du royaume, baron de Blanchecastel, Secrétaire Royal à la Faune et à la Flore et l'un des plus riches vassaux de Maximilian Nordin. En fait ce soir, il revendiquait le titre de "l'homme le plus riche de North Blue" car il fêtait son "milliard de Berry". Toute cette soirée débordant d'un luxe écœurant était organisée en l'honneur du neuvième zéro sur son compte bancaire. Loth et Midnight s'étaient retrouvés forcés d'y assister, l'un en tant que premier conseiller du roi, la seconde en tant que première représentante du Gouvernement Mondial dans le pays. Soupirant de concert, ils regardèrent l'heureux milliardaire prendre des photos avec plusieurs autres pairs de Boréa. C'était la soirée mondaine par excellence et la presse people en avait fait ses choux gras des semaines en avance. Répondant à ses obligations de conseiller, Loth donna plusieurs interviews sur ce sujet. La réception était organisée dans la cour du château de Blanchecastel d'où le Lord dirigeait son domaine. Plus d'un millier de convives étaient présents. Les spots diminuèrent d'intensité et la sonorisation joua des airs sensuels, invitant à plus de promiscuité. Machinalement, les couples se serrèrent, des mains glissèrent sur les tailles et deux à deux, on se mit à valser lentement au rythme des chansons d'amours. Loth et Bee grognèrent de plus belle.

- Puis-je vous offrir cette danse, gente damoiselle ? fit la voix onctueuse du roi de Boréa en émergeant de la foule. Loth, je peux te piquer ta ravissante cavalière ?
- Bien sûr, je vous en prie votre altesse, mâchonna-t-il, indifférent.
- Midnight ! Loth ! C'est la fête ! Arrêtez de faire vos rabats joies ! Dansez, éclatez-vous ! sermonna le souverain avant de prendre Aella par la main et de disparaitre avec elle.
- Clac ! Bouh ! Boum ! Splash !

Bee venait de mimer un pistolet faisant feu sur sa tempe et l'éjection de matières cérébrales qui en aurait suivi. Loth sourit volontiers, il était à deux doigts de faire de même. S'il se conformait assez bien aux codes de la haute noblesse, il préférait largement le luxe de sa datcha ou mieux, trainer dans les bas-fonds. Que ne donnerait-il pas en cet instant pour une affaire qui nécessiterait qu'il se plonge dans les faubourgs malfamés de Lavallière ? Que ne vendrait-il pas pour courser un tueur et engager avec lui une petite lutte à mort histoire de juste se prouver qu'il était vivant ? A cette pensée, il se sentit encore plus agacé. Il perdait son temps ici alors qu'au dehors, dans tout North Blue, c'était la guerre. La Mafia de cet océan autrefois syndiquée et dirigée par une organisation appelée "les Sept Familles" -qui rassemblait les plus puissantes d'entre elles- était en lambeaux depuis 1625. On pouvait suivre les affres de cette guerre intestine chaque jour dans le journal. Les assassinats s'empilaient, les règlements de compte se déroulaient en plein jour. Les Sept se livraient une guerre sans merci : les tenants de l'ancien système dirigé par les Tempiesta contre la nouvelle garde qui désirait imposer un nouvel ordre au syndicat du crime. Loth était de ceux-là et avait personnellement déclaré la guerre aux Tempiesta en assassinant Johnny Lamorosa, cousin du parrain Manuel Tempiesta alias Don Carbopizza.

Depuis, les escarmouches avec les Tempiesta et leurs alliés se firent plus nombreuses. Étant au four et au moulin, peinant à trouver des alliés fiables -c'était la guerre aussi dans les rangs de la nouvelle garde parce que chacun voulait être le sultan à la place du sultan- Loth via son organisation Shadow Law fit appel à des mercenaires d'horizons divers, leurs confiants diverses missions contre ses ennemis. Ainsi, il prit pour cible les Bambana, le portefeuille des Tempiesta et bien d'autres en cours. Il échappa aussi à plusieurs représailles et tentatives d'assassinats dans lesquels plusieurs de ses hommes perdirent la vie. Le conflit faisait rage et le Moine Hérétique détestait perdre son temps à trainasser. Mais c'étaient là les conséquences de sa double vie, il devait très souvent prioriser sa réputation et ses obligations publiques envers quelques royaumes au détriment de l'empire du crime qu'il essayait de bâtir. D'un œil vitreux, il regarda Aella changer de partenaire de danse. Le milliardaire prit la place du roi. Elle n'était sa compagne que de couverture et à la voir ainsi valser du slow, personne ne devinerait qu'il s'agit là du plus brillant esprit de Boréa. Pour Loth, il n'y avait pas meilleure mathématicienne au monde mais son talent le plus remarquable demeurait son don pour l'organisation des organisations. Un an plus tôt, c'était encore une redoutable ennemie. Aujourd'hui, elle était une de ses dauphines et gérait pour lui Shadow Law dans l'ombre.

- En planchant sur la sécurité de la réception, j'ai vu que ta copine a été invitée par Lord Amin Freeze lui-même, fit Bee regardant aussi Aella danser avec le baron.
- Oui, ils sont amis. C'est elle qui a fait l'audit de ses avoirs et a estimé sa fortune à un milliard.  
- Ah bon ? Je croyais qu'elle était directrice du Système d'Information à la capitainerie de Lavallière ? releva Bee. Ça regroupe l'aiguillage et le stationnement des navires dans la rade mais aussi la gestion de l'organisation et de l'information non ?
- Certes. Mais vous voulez me faire croire que vous n'avez pas enquêté sur elle de fond en comble ? s'enquit Loth d'une voix malicieuse. Allons, ne me prenez pas pour un imbécile. Vous êtes tellement convaincue que je traficote que tous ceux qui sont de près ou de loin liés à moi, vous avez passé leurs vies au peigne fin. Donc vous savez déjà qu'Aella est agréée de mathématiques financières, de statistiques, d'économétrie et qu'elle fut à 13 ans la plus jeune professeure à l'université de Jalabert.
- Mouais, je sais, répondit-elle sans gêne. Je me suis toujours demandée pourquoi, avec son pédigrée exceptionnel, n'est-elle pas la Directrice Financière de la capitainerie ? Surtout que le poste à été libéré depuis que la précédente directrice impliquée dans le trafic de Dance Powder et N°2 d'Ashura est morte juste après qu'on l'ait arrêtée ?
- Vous lui demanderez. Moi je suis juste son sex-toy.

La satire passa mal, Bee lui jeta un regard noir et Loth rigola intérieurement. La commandante n'avait pas tort mais elle ignorait que la "numero Deux" capturée n'était en fait qu'une marionnette mise là par Aella. Seul Loth avait vu par delà le leurre et encore, il avait à son actif plus de six mois d'enquête aidés par les informations recueillies pendant trois autres années par un autre limier encore plus fin que lui. Ce fut à la suite de ça que Loth perça l'identité de son ennemi et proposa à Aella de rejoindre son groupe. Il ne put se résoudre à la tuer et l'aurait laissée partir même si elle avait refusé son offre. Il s'était épris de l'intelligence de la dame. Bee pouvait toujours courir pour essayer de la confondre, elle n'en avait pas le niveau. Les enquêtes pointues, ce n'était sûrement pas son rayon mais elle disposait dans ses atouts -familiaux- de quelqu'un d'aussi brillant que Loth en la matière. Et cette personne était le pire cauchemar du Moine Hérétique aussi préféra-t-il ne pas y penser.
Cela dit, songer à cette éreintante enquête quand Aella et lui étaient ennemis le rendait nostalgique de l'université de Jalabert où une partie de l'investigation se déroula. Loth aussi y était professeur. Que ne sacrifierait-il pas pour être dans son amphithéâtre en ce moment, à dispenser ses cours de criminologie à sa centaine d'étudiants triés sur le volet ? Malheureusement, c'étaient les vacances d'automne et l'université de Jalabert ne rouvrirait que dans deux mois.  

- Professeur Reich ?
- Oui ? marmonna Loth en sortant de sa rêverie. Un jeune homme au visage lunaire constellé de tâches de rousseurs le tirait par le manche.
- Bonsoir professeur, déclara-t-il vivement. Malgré son air enjoué, Loth remarqua qu'il se triturait les pouces et semblait mal à l'aise. Je-je suis Pavel Freeze, un n-neveu du Lord.
- Enchanté. Que puis-je pour vous ?
- J-je suis étudiant à l'université ! Et je m'intéresse beaucoup à la cri-criminologie ! On p-peut se parler dans un endroit plus cal-me ?
- On dirait que tu t'es fait un petit ami, mon vieux, se moqua Bee avant de s'éloigner, une bouteille à la main.

Quittant le bar, Loth suivit Pavel dans un dédale de haies. Ils échouèrent sur un banc, à un endroit où la musique était atténuée par les entrelacs de végétaux. Ils n'étaient pas les seuls à avoir trouvé refuge là, à en juger par les bruits de succion ou des petits rires qu'on entendait parfois. Pavel était toujours aussi nerveux. Il posa nombre de questions à Loth, désirant connaitre les débouchées de la filière et surtout de la science naissance qu'était l’étude du comportement humain que tentait de vulgariser le Moine Hérétique. Il lui indiqua être étudiant à l’université mais pensait changer d'orientation parce que fasciné depuis l'enfance par les romans policiers. Ils orientèrent leurs discussions sur les grands auteurs qui firent avancer la science criminologique ses dernières années puis sur les grandes captures dans le domaine. Il y connaissait un rayon, s'était beaucoup documenté à propos non seulement des tueurs mais aussi de ceux qui avaient contribué à mettre fin à leurs agissements. Loth apprécia cela. Tout le monde connaissait Jey Frey "le cannibale de Shimotsuki", Vlad "l'Empaleur", "Massacre Warrior" Killer ou encore Avalo Pizzaro "le roi corrompu". Mais peu connaissaient les méthodes, la science et le panache de ceux qui, mettant leur vie de côté, se déhanchèrent pour capturer ces monstres. Entre-temps, le slow avait cessé, remplacé par une série de présentations officielles. Ils entendaient le speaker introduire le couple Lord et Lady Freeze pour un discours. Les applaudissements se firent nourris.

- Votre oncle célèbre son milliard et vous envisagez une carrière dans la criminologie ? Vous ne voulez pas plutôt suivre ses pas et être plus riche que Crésus ?
- N-non, rien de t-tel, bégaya-t-il.
- Ah bon ? Parce qu'on dirait que rien que le fait d'aborder ce sujet vous terrifie, dit-il calmement. Ne soyez pas étonné, vous parlez à un profiler et il ne faut pas être bien doué pour remarquer votre état de nervosité. Vos parents vous ont promis à une carrière de petit nobliau et vous voulez vous enfuir ?
- Non, j-je vous assure. Ce qui me p-passionne vraiment, c'est l'analyse psychologique. D-dans votre livre "Moi, le Profiler", vous avez indiqué que l'étude du mode opératoire pouvait révéler des informations sur le tueur. Des infos dont le criminel lui-même ne pourrait avoir connaissance con-consciencieusement.
- Tout à fait.
- Q-que diriez-vous alors d'un tueur qui éventre ses victimes puis conserve leurs entrailles dans des va-vases ? demanda-t-il sans prendre le temps de respirer.
- C'est beaucoup trop vague, répondit Loth après méditation. Il me faudrait plus d'éléments. Dans les sciences du comportement criminel, l'éventration est analysée comme un crime sexuel. L'acte de poignarder peut représenter le phallus et la pénétration ; un manque de virilité que le tueur compenserait ainsi. Elle peut aussi être la manifestation d'une forme de psychopathie. Le fait d'enlever les entrailles et de les mettre dans un récipient par contre est d'une symbolique assez frappante. Je dirais que c’est un acte d’embaumement car c'est ainsi que procédaient les civilisations de l'antiquité qui ne vivaient pour ainsi dire que pour préparer leur voyage dans l'au-delà. Nettoyés, salés, stérilisés, les organes internes étaient conservés pour que le défunt puisse les récupérer intacts dans l'autre monde.
- Je-je vois. Mais un tueur qui embaume, ça v-veut dire quoi ?
- C’est encore un sujet à interprétation. Ça peut aller du remord, à la croyance véritable que le mort trouvera la paix dans l’au-delà. Comme l’ont cru les anciens peuples -et d’ailleurs, on n’a pas la preuve qu’ils avaient tort, n’est-ce pas ? Nul n’est jamais revenu de la mort.- On ne peut pas non plus exclure que cet acte soit dicté par des pulsions de voyeurisme.
- Pardon ?
- Embaumer lui permet de garder le corps en bon état. Donc y a moyen qu’il puisse le revoir, de revivre son crime, son fantasme. Un peu comme le cliché du criminel qui revient sur les lieux du crime pour s’imprégner de la chose. Comme dit, il me faudrait plus de détails pour une analyse plus poussée. Cela dit, je n'ai pas connaissance d'un tueur qui agisse ainsi. Où avez-vous obtenu cette information ?

Comme s'il avait reçu une décharge électrique, Pavel se leva d'un bond. Il ne fut pas le seul, tous les couples qui s'étaient planqués dans les haies se redressèrent. Une sorte de tumulte s'élevait de quelque part, noyant la rumeur des conversations de la réception. Ça se passait en dehors du château, une sorte de manifestation, où des « A bas la 4A ! Tueurs de tradition ! Non au loup ! Déborah Loup-garou ! Pas touche à ma tradition ! » étaient scandés. Il y eut ensuite deux fortes détonations. L'agitation gagna les convives et Loth vit plusieurs membres de la garde royale se faufiler dans la foule. Du coin de l'œil, il aperçut une grande créature ailée vrombir, s’élever puis se diriger vers l'extérieur en survolant les hauts murs d'enceinte. Il se demanda comment Midnight pouvait-elle encore garder un cap stable après les litres d'alcool qu'elle avait ingéré. Émergeant d'un angle droit formé par deux haies parallèles, Aella apparut, passablement irritée. « Nordin vient d’être exfiltré par sa garde. Ce sont les gens de la Tribu qui manifestent contre la 4A et Déborah Snow. Il parait que certains sont armés. Quels casse-noix ces gens de la Tribu ! » grommela-t-elle. Loth la crut sur parole et se contenta d’hocher la tête. Il n'avait aucune idée de qui était cette Déborah Snow, ni ce qu'était la "4A" et encore moins ladite "Tribu".

- Bee m’a dit que je te trouverais dans les haies avec un jeune homme. Où est-il ?
- Hein ? Merde alors ! Il a profité du brouhaha pour se tirer ! s'indigna-t-il.
- Qui c’était ?
- Il s'est présenté comme Pavel, un neveu de Lord Freeze mais c'était du pipeau. Il se donnait un genre, de paraitre d’ascendance noble mais son smoking était de seconde main. Ce qu’il voulait, c’est en savoir plus sur les tueurs en série et sur un en particulier qui conserverait les entrailles de ses victimes dans des récipients.
- Sérieux ?! Y en un qui fait ça ? s'enquit Aella, dégoutée.
- Pas à ma connaissance, marmonna Loth, se déplaçant à pas vif entre les haies à la recherche de Pavel. Il était anxieux Aella, nerveux comme un puceau devant sa première fille à poil. Il avait aussi peur. De quoi, je l’ignore. Je pensais le mettre assez à l'aise pour lui faire avouer ce qui l'inquiétait.
- Et toi, qu’est-ce qui t’inquiète ? demanda-t-elle, en remarquant le voile sur le regard de Loth.  
- Soit ce jeune homme a été témoin d'un crime particulièrement abominable, soit un nouveau tueur en série sévit ou va sévir à Boréa. Et je crois que je viens de le laisser filer...


Dernière édition par Loth Reich le Sam 6 Mai 2017 - 14:45, édité 2 fois
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Loth ne dormit pas de cette nuit-là. Il fit le tour de la réception sans trouver trace de Pavel. Mais sa recherche fut compliquée par les événements à l'extérieur du château qui rendit les convives très nerveux. La fête du milliard fut ainsi gâchée par les manifestants. D'habitude curieux, le Moine Hérétique ne manifesta aucun intérêt pour cette protestation. De toute façon, Boréa en était secouée depuis plusieurs mois déjà et c'est la principale raison pour laquelle il avait peu de temps à consacrer à la guerre des mafias. Il dut renégocier au nom du roi la rémunération horaire des mineurs de charbon puis entra en collision frontale avec les dockers quand ils lancèrent leurs grèves illimités paralysant Boréa mais semant également la zizanie dans tout North Blue, le port de Lavallière étant devenu l'un des poumons économique de cet océan. Être conseiller de Maximilian n'était pas de tout repos, aussi, il ne s'intéressa nullement à cette énième manifestation à Blanchecastel. Surement reprochaient-ils à Lord Freeze d'être démentiellement riche. Loth n'oublia cependant pas qu'il y avait une certaine Déborah Snow dans l'affaire. Il aurait le temps d'en savoir plus sur elle, quand il aura retrouvé Pavel. Après le Réplicateur, après la génocidaire Marie-Curie, Boréa n'avait pas besoin d'un autre tueur en série et Loth était déterminé à l'empêcher de nuire. Le lendemain, il prit rendez-vous avec l'intendant de Lord Freeze qui avait organisé la soirée. Il en consulta la liste et sans surprise, aucun Pavel n'y figurait. Pas plus qu'il n'existait de Pavel Freeze, neveu de Lord Freeze. A part les invités, les domestiques qui servaient à la soirée habitaient à la cour du Lord et se comptaient par centaine. Mais Pavel était trop instruit pour être serviteur à plein temps de la noblesse. Il venait de l'extérieur, Loth en était convaincu.

A Boréa, Loth était une super star. Aucune porte ne lui était fermée et même ceux qui voulaient la lui claquer au visage la maintenait ouverte parce que dans son ombre pouvait se trouver le roi. C'était l'homme qui murmurait à l'oreille de Maximilian Nordin, celui qui permit au jeune souverain d'affermir son pouvoir en débarrassant le pays de son plus grand réseau de corruption et d'influence : le Conseil des Six Lunes. On invitait Loth pour profiter de son influence sur le roi, on le tutoyait pour obtenir des subventions de tel ou tel département royal, on s'affichait avec lui pour se donner des airs et faire la publicité de la prochaine collection des vêtements d'hiver. Il était très demandé mais quand c'était lui qui venait toquer à une porte alors là, tous ceux qui n'avaient rien à se reprocher se carraient dans leurs sièges, adoptant une posture digne du maitre de l'univers. Rendre service à Loth Reich représentait un investissement plus que rentable. « Donc, v'v'lez les tofs qu'on a shootés à la soirée ? » fit le directeur de publication de la plus grande agence de paparazzis de Lavallière. Du point de vue de Loth, il ressemblait plus à un voyou de gang qu'à un homme d'affaire en col blanc. Clairement en filigrane de sa question, il y en avait une autre : "Qu'est-ce que j'y gagne à aider Loth Reich ?". Ne souhaitant pas être débiteur de fouineurs dans leur genre, le binoclard joua sur la concurrence. « J'en ai besoin pour retrouver un jeune homme. Si vous ne voulez pas, très bien, j'irai voir l'agence Boolitzer. » Ils étaient en guerre concurrentielle avec eux et une veine battit sur la tempe du directeur à l'évocation de ce patronyme.

Loth ne consentit aucun retour de bâton malgré l'insistance du paparazzi. Il sortait du bureau quand ce dernier le rattrapa pour lui donner les enveloppes contenant les tirages de la veille. Finalement, même rendre un service sans contrepartie à Loth Reich était un meilleur investissement que de laisser son concurrent le faire. Souriant du pouvoir qu'il détenait dans ce pays, le Moine Hérétique s'en alla rejoindre sa résidence, satisfait. Il habitait dans la suite royale de l'hôtel Véga, le plus huppé de Lavallière. Son train de vie princier était assuré par ses affaires, légales ou pas. Deux personnes, un homme et une femme se ressemblant comme deux gouttes d'eau l'attendaient. Ils se nommaient Modeste et Maude Banquiz et c'étaient de brillants étudiants en deuxième année de criminologie. Loth appréciait particulièrement leur débrouillardise digne de grands reporters de guerres. Ils avaient le don de se faufiler et de fouiner partout, obtenant toute sorte de renseignements. Leurs esprits étaient aussi vifs que le sien, auréolés en plus de l'insouciance de la jeunesse. Par moment, le Moine Hérétique avait pensé à leur faire tâter de l'underground où leur talent aurait fait des étincelles mais s'était ravisé. Les jumeaux étaient empreints d'un profond sens de la justice et Loth ne désirait pas être celui qui les corrompra.

- Désolé de vous avoir rappelés de vos vacances, mais j'avais besoin d'aide.
- Nous serions ravis de vous donner un coup de main, professeur Reich ! Nous passions l'automne dans les Crocs Givres à faire du patin à glace sur le lac Rufeld.
- En d'autres mots, ennuyant à mourir ! compléta son frère.
- Tant mieux alors. Je vous explique...
- Wow ! Très intéressant ! s'exclama Maude après le récit de Loth. Elle avait tendance à s'exciter et à partir au quart de tour.
Moi non plus, je ne connais aucun tueur qui agisse de la sorte. Ce Pavel n'est-il pas allé chercher ça dans une œuvre de fiction ?
- C'est ce que nous devons découvrir. Il est trop tôt pour alerter la Marine et de toute façon, je suis habilité à enquêter. J'ai sa photo, la voici, fit Loth en leur donnant un cliché sur lequel on voyait le visage poupon et lunaire criblé de taches de sons de Pavel.
Ça a été pris à la soirée d'hier par des paparazzis.
- Hmm, aucun signe distinctif, aucune marque tribale, pas plus de scarifications. Il doit être né en ville, originaire de Lavallière, voire de Bocande, commenta Modeste. La plupart des natifs de l'intérieur, nobles ou pas arborent des signes identitaires distinctifs, continua-t-il en montrant ses propres scarifications en forme de "O" sur chaque joue.
- Oui mais il n'est pas à poil là, Mo' ! répliqua sa sœur. Ta conclusion est trop active ! La tribu des Furlings par exemple fait tatouer ses membres au torse et nulle part ailleurs. Ce n'est pas quelque chose que tu peux identifier d'un coup d’œil à moins que tu ne saches voir sous les vêtements ! Quid de son phrasé, professeur ? Des signes ?
- Il bégayait mais peut-être à cause de son anxiété. Il n'avait aucune verve particulière, aucun accent entaché par un quelconque patois.
- Mais sa nervosité provenait de quoi, vous pensez ?
- Aucune certitude à ce niveau, admit Loth. Peut-être qu'il a vu quelqu'un commettre un crime du genre mais j'ai du mal à concevoir dans quelle situation...
- Il en était complice ? suggéra Maude.
- Dans ce cas, c'est qu'il cherche à trahir son partenaire, d'où ses nerfs qui lâchaient. A moins qu'il ne projetât de tuer ainsi et voulut savoir si quelqu'un pourrait remonter jusqu'à lui grâce au mode opératoire.
- C'est un idiot fini alors ! Venir voir le plus grand limier des Blues pour s'assurer qu'il ne le traquerait pas... grogna Modeste en hochant la tête d'incrédulité.
- A moins que...
- A moins que ?
- Ce soit un appel à l'aide !
- Un appel à l'aide ? répéta Loth.
- Vous vous souvenez de Mamad Ahmad ? Le Tueur Suppliant ? Il était animé de sombres pulsions mais gardait le contrôle et quand il a su qu'il allait craquer, il est venu supplier la Marine de l'arrêter. Mais il n'avait encore commis aucun crime, donc ils l'ont refoulé. Le jour qui a suivi, il s'en est allé massacrer tous les enfants d'une garderie puis est revenu voir les mêmes marines en leur disant "Vous m'arrêtez maintenant ?". Peut-être que Pavel souhaitait que vous l'arrêtiez, professeur.
- Je ne suis pas d'accord, Maude ! rétorqua le garçon du couple. Là, ce serait plutôt du genre Jacky l’Éventreur, non ? S'il demandait vraiment de l'aide, il n'aurait pas filé à la quatrième vitesse dès que l'attention du professeur était détournée. Moi je pense qu'il a feint la nervosité, la difficulté d'élocution pour le mener sur une mauvaise piste. Il désirait le narguer, le prévenir à l'avance de ce qu'il allait faire, le mettre au défi de l'en empêcher ! Tel Jacky ou le Sphinx !
- Dans tous les cas ! dit Loth en élevant la voix pour couper court au débat enflammé qui naissait, nous allons le rechercher. Dans vos analyses, vous avez oublié de considérer le degré de complexité de l'acte évoqué. Éviscérer, transvaser les entrailles. C'est assez pointu, pas le genre de chose qu'on fait pour la première fois quand on se met à tuer. Tous les trois avons une connaissance encyclopédique des crimes répertoriés et étudiés sur les Blues et pour certains, de Grand Line. Le fait que nous ne connaissons pas ce tueur signifie qu'il est soit passé sous les radars, soit qu'il n'a encore commis aucun crime. Au cas où la première hypothèse serait la bonne, nous allons nous renseigner davantage. Votre tâche à tous les deux sera donc de fouiner. J'ai une liste d'officiers amis dans plusieurs garnisons, nous allons chercher ce genre de signature ailleurs sur les Blues. Excluons Boréa, forcément nous l'aurions su.
- Compris. Et pour la photo ? Faisons appel aux Hérauts de l'Aurore ?
- Et comment !

Loth sourit. Ses deux élèves ne pouvaient pas deviner ce qu'il y avait de drôle. Traditionnelle police de proximité bien avant l'implantation du Gouvernement sur l'ile, les Hérauts de l'Aurore étaient un groupement de citoyens motivés s'occupant de gérer la cohésion entre habitants, d'aiguiller les touristes. Mais ça c'était avant, avant que le crime et la corruption généralisée induite par le Conseil des Six Lunes ne cancérisât le royaume. Les gens étaient moins bienveillants que par le passé, plus égocentriques. De par leur promiscuité avec les habitants, les Hérauts avaient une bonne connaissance de tout un chacun. Mais tout cela était fait de manière très rudimentaire, juste de bouche en bouche ou dans le cœur de chaque Héraut. Après l'élimination des Lunes, pour que le roi ait une plus grande assise dans son royaume, Loth lui conseilla de transformer les Hérauts en une mine d'information centralisée. Le projet datait de quelques mois seulement mais déjà, il y avait de quoi remplir une grosse bibliothèque. Pour le compte du roi, les Hérauts fichaient désormais chaque individu, consignant dans leurs registres tous ceux qui sortaient des clous. Quand le projet atteindra la maturité voulue, Boréa sera un nid d'espions au service du roi et la vie privée, révoquée. Un pas de plus dans le totalitarisme, Loth en avait conscience, mais il avait un projet pour ce royaume...

[...]
Lavallière, QG de la 444e Division

Le Dard de Minuit portait mal son nom aujourd'hui. Les faisceaux tremblotants du soleil crépusculaire éclairaient son visage ridé par la fatigue. Elle avait encore son noir à lèvres de la veille, portait encore ses gants et ses genouillères surmontées de pointes. Par-dessus la robe noire de soirée, elle avait enfilé son manteau de Commandante d’Élite. Depuis la veille à vingt-deux heures où les manifestants étaient apparus, elle n'avait pas fermé une seule fois l'œil. D'habitude, ç'aurait été une ridicule formalité pour elle qui passa toute sa vie dans le renseignement militaire, une branche très méconnue et marginale de l'Élite, laquelle pour certains, n'était qu'un gaspillage de moyens. Pourquoi les militaires auraient-ils besoin d'un service de renseignement alors que le Cipher Pol était là ? Mais les partages d'informations étant ce qu'ils étaient, certains hauts gradés avaient mis sur pied cette unité fantôme. Depuis la mort du Colonel Earl Grey ici, Bee y fut affectée avec la bénédiction du désormais retraité Vice-amiral Swiffer Jones, son instructeur. Ainsi, elle était sortie de l'anonymat, avait trouvé un pied à terre. Et parfois, elle regrettait encore la clandestinité de la vie d'espion. Pas de compte public à rendre, dormir aussi bien dans le luxe que dans des bennes à ordure, pas de fiches de paye à remplir, pas de congés maternités à donner et surtout pas de politique à faire ! Bon dieu qu'elle haïssait la politique !

Il n'y avait pas d'ambassadeur du Gouvernement à Boréa, la fonction était de facto attribuée au commandant de la garnison. Et comme le royaume avait abandonné sa souveraineté militaire au Gouvernement, il fallait donc tout gérer, des moindres incartades aux crimes les plus horribles. Et la plupart du temps, elle gérait les troubles à l'ordre public. Avec écœurement, elle se rappela encore la grève illimitée des dockers et les casses ayant suivies. Mais y penser lui rappela que c'était ce binoclard de Loth Reich qui avait solutionné le problème et s'en était pavané devant la presse. Et ça lui donna des envies de massacrer un parfait inconnu. Gérer une garnison et un royaume l'encroutait, lui faisait perdre ses réflexes. Dire qu'avant, elle pouvait tenir trois jours sans dormir ! Pour se rassurer, elle pensa que l'alcool devait y être pour quelque chose parce qu'elle en avait carrément abusé. Les mains profondément enfouies dans les poches de son manteau, elle se planta devant la plus grande cellule de la caserne qui recueillait une cinquantaine de pensionnaires.

- Héhé, j'connais une qu'a besoin d'une cellule de dégrisement ! ironisa une voix rouillée. T’as une telle gueule d’bois que si tu t’rasais, ça f’rait de la sciure !
- C'est pas le bon jour pour me chercher, Bové, se contenta de marmonner Bee. D'un coup de pied, elle ouvrit la porte.
C'est bon, vous pouvez sortir.
- Comme ça ?
- Tu veux quoi ? Mon autographe ? Si on vous a embarqué, c'est pour manifestation illégale sur une propriété privée. Lord Freeze ne souhaite pas qu'il y ait de suite. En plus, les coups de feu, c'étaient des coups de semonce de ses gardes pour vous empêcher d'approcher. Donc pour moi, vous n'avez rien fait de grave. A part m'empêcher de dormir ! Allez, dehors, bande de racailles ! aboya-t-elle.
- C'est pas fini, Bee ! La Tribu n'abandonnera jamais ! tonna le dénommé Bové, un homme court, trapu portant une longue barbe tressée.
- Qu'est-ce que tu me veux, Jonathan Bové ? fit Bee en s'accroupissant pour être à la hauteur du nain. Elle en était si près qu'elle pouvait compter ses poils de nez.
- La même chose d’puis cinq ans. La dissolution d'la 4A et d'ses projets ridicules qui ruinent nos modes d'vie ! On veut l'renvoi d'cette pute de Déborah Snow ! Elle a aucune qualification pour décider quels animaux doivent peupler Boréa !
- Apparemment, le roi le pense lui, vu qu'il l'a nommé à la tête de la 4A. Pourquoi vous ne lui demandez pas audience et arrêtez de mes les briser ?
- Tu penses qu'on n'a pas essayé ? On proteste depuis des années ! Avant, c'était discret et poli mais maint'nant que j'suis à la tête de la Tribu, c'est fini tout ça ! On va montrer qu'on blague pas !
- Faites ce que vous voulez, mais la prochaine fois, je serai pas aussi tendre. Je vous préviens !
- Tous ceux qui s'mettront en travers du chemin d’la Tribu l’paieront !
- Soyez pas ridicule, vous désirez la guerre ? Laissez-moi rire, fit Bee en s'éloignant.
- NE ME TESTE PAS BEE ! NE TESTE SURTOUT PAS LA TRIBU ! DIS A DÉBORAH SNOW QU'ELLE A UN JOUR POUR ABOLIR LE PROJET "RÉMINISCENCE" OU ELLE VA VOIR DE QUEL BOIS ON SE CHAUFFE !
- T'as aucun bois, Bové. T'es juste un faon éploré.
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Tanuki

- On est samedi, putain, Ombeline !
- Et alors ? On travaille pas les samedis ?
- Allez, ça fait deux jours qu'on épie les moindres faits et gestes de cette scientos !
- La ferme et colle ton cul contre les jumelles, elle peut être en train de trafiquer pendant que tu gueules !

La cohabitation entre l’Épée du Matin et son sniper était des plus houleuses. La planque ne donnait aucun résultat tangible et cela avait le don d'aiguiser les humeurs. La décision d'Ombeline de déployer les plus gros moyens d'infiltration dont disposaient les Bêtes pour la filature et la surveillance de Farida Faouzi n'était pas du goût de tous ses officiers qui ne se gênèrent pas pour le lui dire. La vérité était toujours un venin qu'on crachait à chaud chez eux. Et pour tous ceux qui refusaient de se plier aux ordres, il y avait toujours l'option de défier, de combattre Lady et d'essayer de s'en sortir vivant. Ce que tout le monde essaya au moins une fois depuis la formation de cet équipage ce qui en faisait aussi sa particularité. Tous avaient au moins une fois combattu l’Épée du Matin, tous avaient perdu et reconnaissaient sa supériorité. Mais cela n'empêchait pas leur libre arbitre. Et celui de Darlessa lui disait qu'ils faisaient fausse route. Comment ne pas le penser ?

Au bout de quarante-huit heures à se martyriser les muscles dans leurs planques, aucune activité suspecte ne fut identifiée. Encore moins de succès auprès de l'Ingénieur-en-chef Aemon Roose qui s'infiltra dans la mine en tant que casseur de roche. Selon ses rapports, tout était normal. Les gros-bras cassaient le calcaire par bloc et les excavateurs se chargeaient de les tracter avec les diligences attelées jusqu'au port où des bateaux cargos les acheminaient dans un autre pays pour traitement. Le lieutenant Ricard West ne fit pas davantage mouche mais il découvrit que la Poste fut victime d'un vol de colis dans ses locaux à Tanuki. Le caillou de Farida faisait partie des biens dérobés et comme l'affaire s'était déroulée sur l'ile, elle était sous juridiction de la garnison locale. Quelqu'un avait donc volé ce rocher et d'autres biens pour les revendre à Sigma ? Il semblerait que oui. L'enquête sur le conglomérat G&GOLD confirma la bonne réputation dont jouissait l'entreprise et comme si cela ne suffisait pas, elle appartenait à plus de 40% à la famille de l'Archigouverneur de North Blue alors l'enquête ne put aller bien loin...

Fouiner dans le passé de Farida n'avait pas été non plus très rafraichissant. L'information manquait cruellement et en deux jours, il était impossible de passer sa vie à la loupe. Elle était née dans une fédération insulaire de Grand Line, avait suivi ses parents marchands itinérants sur les Blues qu'elle n'avait plus quittés depuis. Aucun écart, aucune verbalisation, aucun soupçon. Rien que le fait qu'elle pût travailler sur des projets scientifiques top-secrets avec la Brigade Scientifique aurait dû être un gage d’honnêteté. Mais voilà, Ombeline n'en était pas convaincue, parce que même le binoclard travaillait avec la Brigade alors leurs tests d'intégrité... C'était sans doute mieux avant. Avec toutes ses pistes dans un cul de sac, il ne resta à Ombeline que la surveillance lointaine comme seule corde à son arc. Et elle ignorait pendant combien de temps elle pourrait encore la maintenir. La grogne gagnait son équipage mais ce n'était rien comparé à leurs supérieurs. Bientôt, quelqu'un lui demanderait pourquoi un équipage aussi sanglant et actif que les Bêtes de l'Ombre végétait dans un coin arriéré comme Tanuki. Et il vaudrait mieux pour sa carrière qu'elle ait les bonnes réponses à ce moment-là. Ombeline soupira et pensa à sa sœur ainée, en se demandant si elle s'ennuyait aussi ferme qu'elle-même en ce moment.

[...]


Lavallière, QG de la 444e Division

- Midnight, réveille-toi !
- MdhcnBbgjfj !
- Arrête de baragouiner, réveille-toi !
- Fishmoilapaixrosalie !
- Lève-toi, on a une affaire ! insista son aide de camp.
- C'est dimanche putain ! J'ai pris deux jours de congé ! Vois ça avec Nerbosc ! dit l'Abeille d'une voix endormie. Elle disparut à l'intérieur de ses draps.
- Nerbosc m'a chargée de te réveiller ! Il dit qu'il n'a pas la latitude pour gérer ce dossier seul !
- Je lui ai dit de me déranger uniquement si un Yonkou nous attaquait ! C'est le cas ? grogna-t-elle. Et même, appelez l'amirauté !
- On a trouvé un corps dans une tombe du cimetière de Gorgorian.
- Et moi j’ai trouvé un arbre dans une forêt. C'est là où il est censé être ! Me gonfle pas, Rosalie ! éructa-t-elle en se roulant en boule.
- C'est le corps de Déborah Snow.
- Répète ça ?

Midnight sentit le sommeil le quitter.
Pour toujours.

[...]


Comme Loth s'y attendait, il n'y avait rien de promettant dans les débuts de recherche des jumeaux. Le modus operandi de ce tueur problématique était bien trop singulier pour ne pas avoir fait l'objet d'une fiche. Personne dans les principaux QG de North Blue n'avait jamais entendu parler d'un tueur au vase. Le cannibalisme était rarissime mais pas inconnu ; les boucheries, fréquentes ; les crimes motivés par la démence plus communs qu'on ne le pensait. Mais quelqu'un du genre que décrivaient les jumeaux Banquiz, non. Du moins sur North Blue. Ils s'attaquèrent alors aux autres Blues.
Pendant ce temps, Loth avait mis en branle la machinerie des Hérauts. Un jour plus tard, un facteur vint lui remettre une enveloppe dans sa suite. Elle comportait une fiche d'identité avec la photo de Pavel. « Qilian Madstark » lut-il. La fiche mentionnait qu'il avait entre vingt-trois et vingt-quatre ans, qu'il était propriétaire de carrosse et étudiait l'archéologie à l'université de Jalabert. Pendant les vacances, il habitait au 32 rue Ferguson, Lavallière. Orphelin très tôt à cause d’un accident en mer, les Hérauts ne lui connaissaient aucun parent biologique vivant ; cependant, il fut adopté par une congrégation religieuse nommée "Le Sentier d'Or". En apparence, rien qui sauta aux yeux. Il décida de quitter la paix de sa salle de séjour pour humer l'air de ce dimanche automnal au Pays du Givre.

[...]


Sur le chemin qui l'amena au vieux cimetière, Midnight eut l'impression de rêver. Qu'est-ce qui n'avait pas marché ? Où avait-elle failli ? Le souvenir de sa dernière conversation dans les locaux de la 444e lui martyrisait le crâne. N'avait-elle pas assez pris au sérieux les feulements de Bové ? Parce qu'avant même d'en savoir plus sur l'affaire, elle avait pensé à lui. Personne n'était plus détracteur de Déborah Snow que lui et justement, quarante-huit heures plus tôt, il lança contre elle des menaces non voilées. Soixante-douze heures auparavant, il avait mobilisé deux cents hommes pour scander son nom, Bee s'en souvenait encore. « A bas la 4A ! Tueurs de tradition ! Non au loup ! Déborah Loup-garou ! Pas touche à ma tradition ! » furent leurs slogans. Le Dard serra ses poings si fort qu'elle en trembla. Les menaces de Bové étaient tombées dans ses oreilles de sourde parce qu'elle le considérait comme un gueulard sans envergure. Et puis, elle n'avait jamais imaginé qu'il puisse être question de meurtre ! D'ailleurs, depuis le temps qu'elle était devenue l'ennemie N°1 de la Tribu, Bee avait pris pour acquis que Snow devait avoir des gardes du corps. Aujourd'hui, elle se rendait compte que tout cela n'était que supposition. Elle n'avait pas fait l'effort de savoir, elle avait failli... Si elle avait pris une minute pour vérifier, peut-être aurait-elle délégué quelqu'un pour empêcher ça...

Sa rage se noya dans les effluves automnaux. Il y avait dans l'air un entêtant parfum de lavande et de lys. Le soleil était haut dans le ciel et pour la première fois de l'année, aucun lourd nuage hivernal ne pointait le bout de son nez, aucun flocon ne tombait du ciel. C'était l'été indien, l'automne des pays polaires. Il fait trop beau pour mourir, pensa Midnight. Sa voiture hippomobile s'immobilisa devant le cimetière. Pas de meutes de journalistes, elle avait insisté pour couver la tragédie d'une chape de silence en attendant d'en savoir plus. Un haut fonctionnaire aussi aimée que décriée venait de mourir et si cela s'ébruitait trop rapidement, les conclusions hâtives pouvaient déclencher une mini guerre civile. Pas moins. Pour prévenir tout débordement, elle avait déjà envoyé trois cent hommes dans les steppes, à un jet de pierre du territoire des Furlings sous le couvert de manœuvres d'entrainements. D'autres moins visibles, plus en civil étaient chargés de localiser la position exacte de Jonathan Bové. S'il décidait de résister à son arrestation, cela pouvait se terminer en bain de sang. Bee se faufila entre les tombes en pensant qu'elle avait bien placé ses pions. Ne lui restait qu'à abattre son jeu. Mais les jeux de stratégies n'avaient jamais été son fort. Son truc, c'était le renseignement, les planques.

Gorgorian était un vieux cimetière datant du siècle dernier. Il était presque saturé et ne recueillait que quelques rares pensionnaires dont les familles possédaient des caveaux. La première question qui la taraudait était comment diable quelqu'un pouvait-il "découvrir" un corps dans un tombeau ? Elle aurait pu se demander comment le tueur l'y avait mis mais elle préféra d'abord satisfaire la curiosité de la découverte par le témoin. Il se trouva que pour y répondre, il fallut apprendre les derniers faits du tueur. La tombe improvisée de Snow était très modeste, juste un rectangle cimenté et dallé. La dalle faisait office de pierre tombale où était gravé le nom de premier occupant : Jamison Reeder (1562-1597). L'infortuné était mort jeune et trois décennies plus tard, il avait reçu une compagne. Pour quelques heures seulement. Le coquin... ironisa-t-elle. La dalle avait été disjointe de la tombe et soulevée par le tueur pour accéder à l'intérieur. Elle eut une vision fugace d'un couvercle de marmite qu'on ôtait. Dès sa besogne terminée, le tueur avait remis le couvercle en place et avait tenté de le sceller à nouveau grâce à du mortier et c'est ce qui attira l'attention du vieux gardien du cimetière.

- Il n'y a plus de places dans cette portion du cimetière, d'ailleurs les mauvaises herbes l'ont envahie. Que faisiez-vous ici à huit heures du matin quand vous avez découvert la violation de sépulcre ?

L’ancêtre baragouina qu'il venait ramasser des pommes cannelles. L'arbre fruitier recouvrait le tombeau de Reeder d'une ombre apaisante et par terre, effectivement, on trouvait lesdits fruits. Dès qu'il vit le mortier fraichement apposé, il s'était dépêché aussi rapidement que lui permettait son rhumatisme et avait appelé la Marine. Le premier qui arriva sur place fut le Lieutenant-colonel Thomas Nerbosc, commandant en second de la 444e. Il expliqua alors à Midnight les conditions dans lesquels le corps avait été trouvé. Constatant la violation de tombeau, ils avaient déplacé la dalle. Ils trouvèrent cependant le cercueil de Reeder inviolé mais un autre cadeau les y attendait. Enfin, deux. D'abord le corps de Déborah Snow, posé sur le cercueil, les bras croisés sur son torse, sans signe apparent de blessures. Le cadavre remonté, les marines remarquèrent un petit vase ressemblant à une urne à cendre. Horrifiés, ils y découvrirent des organes internes humains. Un rapide examen du corps leur indiqua que les entrailles dans l'urne étaient surement les siennes. Sous son tailleur impeccable, elle portait une longue estafilade qui partait de la poitrine au nombril. On l'avait ouverte et recousue.

- C'est après ça qu'on a décidé de vous appeler, commandante, dit Nerbosc.
- Vous avez bien fait. Vous l'avez remontée, elle était lourde, Snow ?
- Soixante-dix kilos grand max.
- Et la dalle ?
- C'est du béton léger. Cent, cent-cinquante kilos.
- Gorgorian a combien de portes ?
- Deux. Celle du nord par laquelle vous êtes rentrée est la seule active. L'autre n'est qu'à quarante mètres d'ici, derrière les deux ifs là-bas. J'ai déjà vérifié, le tueur est sans doute venu de là. Il y a deux fines traces parallèles dans l'herbe sèche.
- Des roues de carriole ? s'enquit Bee.
- Surement.
- Donc résumons. Le tueur a transporté le corps dans un véhicule tracté, s'est amené ici. Et...
- A ouvert le tombeau.
- Comme ça ? Simplement ? On peut réellement faire sauter une pierre tombale en béton sans préparation préalable ? fit-elle. D'ailleurs, comment il a fait ça ?
- A l'ancienne. Avec un pieu et une masse, d'après les marques de cassures sur tout le pourtour de la dalle, répondit Nerbosc.
- Et vous visualisez ce type -avec un corps à côté- tailler de la pierre pépère dans un cimetière gardé ?
- Maintenant que vous le dites...
- Il s'y est préparé avant, le tombeau était déjà descellé quand il est arrivé. Peut-être qu'il a mis son cheval à contribution pour tirer la dalle et là, il a posé le corps et ce... cette urne.

Comme si elle fut de la partie, Midnight visualisait clairement le tueur sans visage accroupi, appliquant du mortier dans les interstices, comme un enfant qui se servirait d'un chewing-gum pour boucher un trou. Le meurtre était barbare, la mise en scène très macabre. Bové aurait-il pu commettre une telle ignominie ? Où l'avait-il juste commanditée ? Elle porta son attention sur le corps étendu sur le sol légèrement gelé. Bee souffla d'amertume. C'était bien la femme qu'elle avait vu durant la soirée, une petite brune aux grandes dents souffrant de daltonisme. Le tueur avait porté la minutie jusqu'à lui mettre ses lunettes à monture d'écailles sur le nez. Elle exhalait une odeur particulière que le Dard n'eut aucun mal à reconnaitre. C'était un agent conservateur dont se servaient les croque-morts dans l'embaumement. Snow avait été maquillée, mais grossièrement. Si l'intention du tueur fut de la soigner alors c'était un peu raté, on aurait plutôt dit un de ces Okama qui se revendiquaient d'Emporio Ivankov. On l’avait vêtu d’un tailleur de haute gamme, ses ongles vernis -maladroitement là aussi- en plus d'un talon-aiguille.

- Vous devez jeter un œil ici, fit Nerbosc.

Il déboutonna sa chemise. Bee se passa une main dans les cheveux et inspira profondément. Snow avait bonnement été charcutée. L'absence de sang, le soin apporté à l'apparence du corps contrastait fortement avec ce qu'elle avait sous les yeux. La longue blessure semblable à celle d'une opération chirurgicale n'était pas nette, ni droite. En plus, il y avait d'autres entailles plus petites, partout sur le corps. Comme si elle avait été torturée. Comment était-elle morte ? A part l'éventration, il n'y avait aucune blessure létale visible. Fut-elle éviscérée vivante ? Bee préféra ne pas l'imaginer. Elle ordonna la levée du corps et de l'urne vers la morgue du médecin légiste de la garnison puis participa à la battue dans le cimetière. Aucun indice supplémentaire ne fut trouvé. Sous les coups de midi, elle se rendit au domicile de Snow où elle se présenta uniquement avec Nerbosc. La nouvelle était encore un secret de polichinelle, et moins il y aurait des vagues, mieux ça serait. Déborah Snow logeait seule dans le quartier de Cristalys où se côtoyaient palaces et misère. Elle avait un jardin gazonné où poussaient des plantes aromatiques. La première chose qui attira leur attention, c'était le rocher à la devanture. Une sorte de grosse pierre dressée verticalement dépassant les deux mètres de haut et plus large que trois hommes côte à côte. Elle était aussi blanche que de la craie mais zébrée de striures rouges.

- C'est quoi ce machin ? C'est un morceau d'iceberg ?
- Nope, répondit Bee en y posant une main. C'est pas glacé et ça a l'air un peu friable. Je dirais du calcaire.
- Et c'est quoi l'intérêt d'avoir un bloc de craie devant chez soi ? Les raies rouges c'est quoi ? Du fer ? De la rouille ?
- Je suis arrivée en même temps que vous Colonel. J'en sais pas plus. On demandera une expertise mais ça m'a juste l'air d'un délire de passe-temps. Certains collectionnent des timbres, d'autres des pierres. Passons aux choses sérieuses.
- Ouais, elle n'avait ni gardien, ni garde du corps.
- J'ai encore du mal à y croire tellement elle avait des ennemis.

Ils n'eurent pas besoin de forcer, la porte principale était entrouverte.
« Nom d'un tsunami ! »
Le juron de Nerbosc cadrait bien avec l'aspect du rez-de-chaussée. On aurait dit qu'une tornade y était passée, ravageant tout. Rien ne tenait plus debout à part le grand buffet. Le sol fourmillait de photos encadrées, de verrerie cassée, de bouteilles, de journaux ; le tapis qui couvrait le parquet en bois avait été proprement laminée, déchirée. Bee courut au premier étage. Il était dans un état semblable. La seule chambre qui y tenait avait été retournée sens dessus-dessous, le lit cassé, le matelas éventré, les tapisseries murales déchiquetées. « C'est de la rage ou il cherchait quelque chose ? » demanda le colonel. La rage ne collait pas avec le "soin" que le tueur apporta au corps, à moins qu'une fois ses pulsions calmées, il voulut se racheter. Elle collait mieux cependant avec ce capharnaüm et les multiples entailles sur Snow. Une chose était certaine, elle ne pouvait plus garder l'affaire secrète, se dit Bee. Toute une équipe devait restaurer cet endroit et tâcher de découvrir ce que cherchaient le ou les tueurs. « Madame, j'ai trouvé deux autres blocs de calcaire rayés mais plus petits que la montagne au dehors ! Y a d’autres roches également. Vous aviez raison, elle devait en faire collection. Bizarre ces scientifiques ! » Midnight grogna vaguement. Elle aurait préféré avoir raison deux jours auparavant, quand elle pensait que Jonathan Bové n'était qu'un faon inoffensif. Il lui avait poussé des bois tranchants entre temps...

A l’endroit où aurait dû se trouver le lit, il y avait pas mal de photos renversées. Snow y posait à côté de personnalités de Boréa mais aussi des Blues. Ici elle était avec le feu roi Dominique Nordin père de Maximilian, sur cette autre avec l’archiduchesse Ornella Femen, là avec l'équipe de football des Loups à crinière de Chudley. Par terre, il y avait aussi plusieurs banderoles au nom de la 4A. A coup sûr, la nouvelle de sa mort embraserait Boréa plus vite qu'une trainée de poudre. La Tribu étant déjà sous surveillance et prête à être cadrée, il ne restait au Dard qu’à encadrer les plus virulents soutiens de la 4A. Et elle les connaissait. Décrochant son escargophone, elle mit sur pied une opération de surveillance à large spectre des sympathisants écologistes puis convoqua les directeurs départementaux de la 4A ainsi que leurs équipes de soutiens à la 444e. Elle convia aussi le Secrétaire Royal à la Faune et à la Flore, celui là-même qui fêtait son milliard de Berry la dernière fois que Bee vit Déborah Snow vivante. Trois jours s'étaient écoulés depuis, quelqu'un d'autre l'avait forcément vue plus récemment. Il fallait faire la totale, interroger les voisins, les collègues, les amis, la famille. Mettre en branle l'infernale machine d'investigation de la Marine. En mourant de manière aussi tragique, Snow avait perdu le droit à l'intimité. Chaque recoin de sa vie serait retourné au peigne fin pour débusquer la raison qui aurait pu pousser quelqu'un à lui faire ça. Mais Bee savait déjà vers qui se tourner. Avant d'annoncer la nouvelle à Boréa, elle sortit de la demeure, enfourcha sa jument et partit au triple galop rejoindre les terres de la tribu Furling dans la toundra Boréaline. Jonathan Bové, premier et seul suspect devait être écroué.
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Ferguson était un quartier populaire sis dans la zone portuaire de Lavallière. Quand Loth pensait avec joie humer les fragrances de cet été indien Boréalin, il avait en tête des parfums volontiers floraux, lui rappelant les champs multicolores des iles de sa South Blue natale. Pas cette atmosphère empestant le poisson cru et le sel marin. Le 32 rue Ferguson abritait des immeubles d'appartements construits en série au début des travaux d'élargissements du port. Montant les escaliers quatre à quatre, il se hissa jusqu'au troisième étage, au numéro 157 où habitait Pavel. Ou Qilian, il avait du mal à se le situer. Il toqua, une jeune femme lui ouvrit puis ouvrit la bouche en "O" en le reconnaissant. Imperturbable, Loth releva ses lunettes d'un index et demanda à voir Qilian Madstark. « Mad' ? Oh, l'ai plus vu d'puis deux jours. L'a dit qu'il rentrerait pas avant la s'maine prochaine. J'crois qu'il a une veillée de prière à son église. » Il n'eut nullement besoin d'insister pour qu'elle le laissât entrer. Qilian habitait donc en colocation avec elle. Elle c'était Diane Hollecomb, une fille maigrichonne avec des piercings au nez et aux oreilles. « Mad' ? C't'un amour pou'quoi ? Un battant comme garçon ! Il fait lui-même du taxi avec son carrosse pendant les vacances et quand il est à l'univ', il embauche quelqu'un d'autre. »

- Et vous, que faites-vous dans la vie ?
- J'gère un salon d'taoutage et d'piercing.
- Vous n'êtes pas tatouée... remarqua Loth.
- Pas aux endroits que je montre aux étrangers...
- Ah. Ok. Au temps pour moi. Qilian et vous... ?
- Moi et Mad' ? Non ! J'aime qu'les filles moi. Mais pour vous, j'suis prête à faire une exception... dit-elle en battant des paupières.
- Trop aimable, j'y penserai. Donc vous dites que vous ne l'avez jamais vu être violent ? Bagarreur ?
- Non. C't'un bagarreur mais dans l'bon sens quoi. La vie est pas facile quand t'es orphelin à l'âge l'plus tendre. Il a dû s'battre, cumuler plusieurs boulots. Et l'a pas fini dans la délinquance, y va même jusqu'à l'univ' quoi ! Sinon, l'est très facile à vivre. Jamais un mot plus haut qu'l'autre.
- Je vois.
- Mais p'quoi vous d'mandez tout ça ? Il a des ennuis ?
- En fait, je l'ignore. C'est normal qu'il s'absente pendant de longues durées donc ?
- Bah ouais. Veillées d'prières, pèlerinage, l'est très croyant.
- Et quand il y est, je suppose que le business de la carosse-taxi doit continuer à tourner ? Qui gère ?
- J'sais pas. Mais faut aller à la compagnie de Taxi Brousse, au sud d'ici. L'est syndiqué là-bas.
- Merci, je note.
- Vous lui connaissiez des fréquentations ? Une petite amie ? Un petit ami ?
- Non. Uniquement des membres d'son église qui viennent ici prier, méditer. Toujours des gens plus vieux qu'lui. J'l'ai vu une seule fois avec quelqu'un d'son âge et c'tait un mec. Un type un peu chelou.
- Dans quel sens ? interrogea Loth, intrigué.
- Serre pas la main, parle tout bas, regard fuyant. Comme s'il était sous acide ou après un bad trip. Timide à mort.
- Quilian consomme-t-il de la drogue, de l'alcool à outrance ?
- Nan.
- Bon maintenant, éloignez-vous, je vais fouiller sa chambre.
- Hey ! Vous avez c'droit ?
- Normalement non. Mais en faisant de moi son conseiller principal à la sécurité, le roi m'a donné quelques pouvoirs exceptionnels en matière d'investigation. Dès que j'ai une forte présomption, je peux perquisitionner.
- Soupçons d'quoi ?
- De meurtre.
- QUOI ?! Qui a tué qui ?

Laissant la tatoueuse à son hébètement, Loth introduisit une aiguille dans la serrure de la porte. Un instant plus tard, il y eut un déclic. La chambre de Qilian ressemblait à celle d'un étudiant lambda. Un lit une place, une table de travail surchargée de livres, une petite bibliothèque. Au mur, quelques posters de chanteur de rock et de l'équipe hockey sur glace des Frelons de Lavallière. Le ton général était sombre, le ton gris dominait dans sa garde-robe. Ce que chercha le Moine, c'étaient les signes de déviance qu'on s'attendrait à trouver chez un tueur en série ou quelqu'un en proie à des pulsions meurtrières. Il y avait les classiques cadavres d'animaux martyrisés, la passion pour le sang, la mort, la présence d'armes blanches ou à feu. Rien de cela dans la pièce, Loth trifouilla pendant une heure. Pas non plus de compartiments secrets, aucun cadavre dans les fonds de valise comme disait l'expression populaire. Il n'y avait qu'une seule photo posée sur une pile de livres. Elle immortalisait Qilian et un homme d'une soixantaine d'année qui avait toute la vigueur de sa jeunesse.

Loth le reconnut d'un seul coup d’œil, il s'agissait de DeMar Bright, anciennement commodore de la Marine. Il y a trente ans, avec sa fameuse flotte de guerre, il pacifia North Blue à une époque où la Révolution gangrénait une multitude d'iles. Loth l'avait connu en étudiant l'histoire de L’égorgeur de port en port que DeMar Bright avait éliminé après deux ans d'enquêtes pendant lesquelles l'égorgeur avait tué une quarantaine de personnes dans North Blue. Le Moine ignorait qu'il vivait à Boréa. Il fallait à tout prix qu'il lui parle... l’Égorgeur de port en port était un cas extrêmement rare de tueur en série : un Nettoyeur. Mais priorité d'abord à l'affaire en cours. Prenant congé de la colocataire, il se rendit à Taxi Brousse. La compagnie lui indiqua que Qilian n'avait pas demandé d'intérimaire et qu'il assurait lui-même les courses avec son taxi, ce que Loth trouva étrange. Pourquoi aurait-il inutilement réquisitionné son carrosse pour une retraite de prière de plusieurs jours ? Tout comme la coloc, personne à la compagnie Taxi Brousse ne l'avait vu depuis le vendredi matin, soit le lendemain de sa rencontre avec Loth.

Commander un carrosse chez Taxi Brousse se faisait par escargophone. Ainsi, il put consulter la liste de ses clients de la semaine et cibla le dernier, un bijoutier. Joint par escargophone, ce dernier lui indiqua être en déplacement à Inu Town mais put le renseigner. Selon lui, Qilian l'avait déposé à son domicile aux alentours de sept heures du matin. Ce n'était pas sa première fois d'avoir affaire lui et le bijoutier assura n'avoir rien remarqué de différent chez lui. Le jeune homme était tout aussi aimable et poli qu'à l'ordinaire.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Loth Reich.
- Allô ? Professeur, c'est Maude.
- Bonjour. Vous avez quelque chose pour moi ?
- Non, malheureusement, nos recherches n'ont pas abouti. Ce tueur au vase dont vous a parlé Pavel n'existe nulle part dans les archives de la Marine.
- Dommage. Je n'ai pas fait chou blanc de mon côté, j'ai l'identité de Pavel et je viens de quitter son domicile et son travail. Il semblerait qu'il ait disparu depuis deux jours.
- Disparu ?
- Il me reste son église à visiter pour le confirmer.
- Vous allez toujours travailler sur ce cas ?
- Pourquoi ne le ferai-je pas ?
- Nous croyions que vous auriez été assigné à l'enquête sur l'assassinat de Déborah Snow.
- Pardon ?
- Vous n'êtes pas au courant ? Personne ne vous a informé ? Avez-vous lu la presse de midi ?
- Aucune presse ne sort à midi dans ce pays.
- Toutes ont sorti des éditions spéciales sur cet assassinat. Nous pensions que vous seriez en première ligne. Ça chauffe.
- Je vais me renseigner. Je vous laisse, j'ai un double appel.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Oui, Aella ? fit Loth en devinant le sujet de son appel.
- T'as un journal ?
- Non, mais c'est normal que tout le pays soit au courant avant moi, satirisa-t-il.
- Non mais tu te rends compte ? Déborah Snow ! Assassinée !
- Qu'est-ce qui te choque là-dedans ? fit-il légèrement dubitatif.

Tout en étant N°2 du Réseau Ashura de contrebande de Dance Powder, Aella Madoff fut aussi l'une des fameuses Lunes de Boréa, celles qui avaient corrompus le pays, celles dont voulait se débarrasser coute que coute le roi qui engagea alors Loth pour la tâche. Même son dada c’étaient les chiffres, même si elle fut beaucoup moins encline à la violence que ses compères, Aella avait tout de même du sang sur les mains et avait commandité plusieurs assassinats dans son ascension au pouvoir. Personne dans le milieu ne pouvait se targuer d’avoir les mains propres de toute manière. « Arrête de faire ton blasé, j’ai discuté avec elle, nous étions juste à ses côté à la soirée du milliard ! C'est elle que les manifestants ciblaient ! » Loth qui n'avait pas daigné s'intéresser à l'affaire eut l'impression qu'il n'y échapperait pas cette fois-ci. Finalement, il allait savoir qui était cette femme et pourquoi elle déclenchait remouds et protestations. Et si quelqu'un s'était donné la peine de l'assassiner, c'est que l'affaire devait être assez croustillante. Mais il avait un tueur problématique à rechercher... Puis Aella posa la question qui lui traversa fugacement l'esprit. « Pavel aurait pu la côtoyer aussi à la soirée, tu t'en rends compte ? »

- Comment a-t-elle été assassinée ?
- Par balles.
- Dans ce cas, ça n'a rien à voir avec mon enquête. Oh crotte...
- Quoi ?
- Le bébé escargophone en lien direct avec le roi braille.
- C'est sûr qu'il voudra des éclaircissements ou des débuts de piste.
- Je ne suis pas sur l'affaire, je n'en connais même pas les détails et bordel, qui était Déborah Snow ?

Raccrochant avec Aella, laissant l'escargophone royal sonner dans le vide, il se réfugia dans un salon de café où on lui apporta le Boréa Hérald. En première page, quatre photos collées. Celle d'une femme brune aux grandes dents, d'un nain barbu, de Midnight Bee et de Maximilian Nordin. Le Hérald titrait :

"Quatre petits cochons s'en allèrent dans les bois.
Un n'en revint jamais.
Un autre fut incarcéré.
Les deux autres se préparèrent à la guerre".

- La guerre ?

Loth lut l'article avec perplexité.

C'est avec consternation qu'on a appris l'assassinat de la directrice de la 4A, Déborah Snow aujourd'hui, sous les coups de quatorze heures. L'annonce a été faite par la Commandante d’Élite, Midnight "Bee" Santana durant un point de presse. Son corps aurait été découvert à son domicile, criblé de plusieurs balles. « Au nom du Gouvernement, de la Marine et en mon nom propre, je présente mes condoléances les plus attristées à la famille et aux collègues de Mlle Snow et vous assure que ce crime sera puni avec la dernière vigueur ! » a déclaré la Commandante avant de faire le point sur le déroulement de l'enquête. « Il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives et à l'heure où je vous parle, nous ne disposons d'aucune preuve permettant d'accuser telle ou telle personne. Aussi, je vous exhorte, vous de la presse, à être prudents dans le ton et les informations que vous communiquez à vos lecteurs. La présomption d'innocence est un principe fondateur de la liberté et soupçon ne signifie pas preuve. » a-t-elle martelé ensuite. Ce qu'elle veut dire par là, c'est que ce n'est un secret pour personne que Déborah Snow s'était faite des ennemis durant sa longue carrière de militante écologiste et surtout depuis qu'elle convainquit Feu Sa Majesté Dominique Nordin de financer et de faire de la 4A une institution nationale.

Retour sur les événements qui ont conduit à cette perte tragique.

Il y a dix ans, la "4A" comprenez A.A.A.A pour Association d'Aide Aux Animaux devient une organisation nationale intégrée au Secrétariat Royal à la Faune et à la Flore (SFF). C'est le couronnement de la carrière d'une poignée d'activistes à la tête desquels se trouve alors Déborah Samira Snow, petit bout de femme d'1m60. Ses opérations coups de poing contre les chasseurs de baleine ou les bucherons de la taïga en ont fait une icône dans le royaume. La reconnaissance de son combat par le roi l'a directement propulsée en tant que Sous-secrétaire et N°2 de la SFF. Dotée de pouvoirs sur mesure octroyée par le roi, elle a alors toute la liberté de mettre ses projets écologiques en application. Sa première cible, les baleiniers. Un an après le début des activités officielles de la 4A, elle réussit à faire voter la diminution de moitié du quota de cétacés péchés chaque année dans nos eaux en plus d’une interdiction formelle de pêche des bébés baleines dont la chair est très appréciée des indigènes des contrées de la Poussière de Diamant (Est du pays).

Les uns après les autres, elle s'attaque à de colossaux chantiers qui bouleversent la vie même d'une partie rustique de la population. Réduction de la fauconnerie au printemps seulement ; interdiction de la chasse aux pécaris austraux, aux loutres des banquises, aux phoques roux et décret royal déclarant une dizaine d'espèces de proies "espèce en voie disparition" ; réduction drastique du tonnage de sapins, de pins et d'if boréaux abattus ; interdiction du commerce de cuir des crocodiles polaires, de fourrure d'ours à lunette et de panthères des neiges... La liste est longue et à chaque fois, des manifestations plus ou moins violentes ont eu lieu. Ces trois dernières années, les projets phares de la 4A ont consisté en l'établissement de "zones vertes" comprenez des réserves animales et végétales un peu partout dans le royaume privant bon nombre de peuplades de leurs terrains ancestraux.

Mais pire encore pour les indigènes -si c'est possible- il y a eu le projet "Réminiscence" qui a consisté en une série de réintroduction d'animaux disparus de Boréa dans l'écosystème. Le symbole de ces mesures demeure le Loup à Crinière (disparu des steppes Boréaline il y a 200 ans) qui a été réintroduit en Baronnie de Blanchecastel, ce qui lui a valu à Mme Snow, le quolibet de "Déborah Loup-garou". Les différents clans des steppes de Blanchecastel se sont alors réunis dans un groupement nommé la Tribu qui a organisé des actes de défiances contre la 4A. C'est ainsi qu'en 1625, cinq des loups introduits ont été retrouvés abattus.

« Ces satanées bestioles dévorent nos bisons, nos rênes ! On a l'droit d'se défendre quand on est attaqué ! » a déclaré un certain Jonathan Bové à l'époque.

En réplique, la 4A a obtenu du roi d'introduire encore plus de loups et d'en criminaliser la chasse. Ça n'a pas empêché l’abatage de trois autres canidés. La situation s'est envenimée jusqu'à l'affrontement entre détracteurs et sympathisants de la 4A durant un symposium à Lavallière. Bilan ce jour-là, 13 blessés légers. Depuis, les échauffourées sont régulières, les manifestations des anti-4A plus nombreuses, surtout que le dénommé Bové (en épousant la Jarl des Furlings) est devenu Jarl à son tour puis a été porté à la tête de la Tribu. Sa politique est ouvertement belliqueuse envers la 4A.
Ce que craignent aujourd'hui la Marine et la royauté, c'est une véritable guerre civile. Le mot n'est pas exagéré, chers lecteurs, la Tribu, c'est plus de 2000 individus qui ont un accès facile aux armes à feu de par leur mode de vie. Après la mort sauvage de Mme Snow, toutes les têtes se sont tournées vers eux et la Marine n'est pas en reste puisqu'elle a procédé à l'arrestation de Jonathan Bové avant de rendre public la nouvelle de l'assassinat.

« Jonathan Bové était surpris de la nouvelle et n'a manifesté aucune résistance à nous suivre. Il a d'ailleurs clamé son innocence » a déclaré Midnight Santana. « Les difficultés sont venues de ses membres de clan mais aussi des autres clans de la Tribu qui ont fait barrage à la procession des Elites de retour vers Lavallière. Il y a eu des altercations et deux personnes -un marine et un indigène- ont été blessés mais rien de grave. Ils ne souhaitent pas plus que nous que ça ne dégénère mais je me dois d'être claire. Tous ceux qui tenteront d'une manière ou d'une autre d'interférer dans cette enquête seront inculpés d’entrave à la justice. J'ai ordonné le déploiement de 1500 hommes dans les steppes de Blanchecastel pour prévenir tout débordement. Comme je l'ai dit, l'arrestation de M. Bové est préventive, autant pour sa propre sécurité que pour celle de son peuple. Il restera dans nos locaux jusqu'à ce que nous ayons fait la lumière sur les zones d'ombres qui entourent ces malheureux faits tragiques. Nous n'excluons pas que ce soit un vol qui a mal tourné voir même un crime passionnel. Je vous tiendrais informés. Merci. »

C'est ainsi qu'a pris fin la conférence de presse de la Commandante Santana. A la question de savoir quels moyens humains la Marine met au travail pour résoudre ce cas, elle a rétorqué avec agacement que le personnel est "100%" Marine. Une allusion à peine voilée à Loth Reich dont l'aide n'a pas été sollicitée. Les dernières coopérations entre Santana et Reich ont été un franc succès permettant l’annihilation des Lunes et le démantèlement du Réseau Ashura mais cet épisode ne fait que confirmer les rumeurs sur les liens pas au beau fixe entre le Dard de Minuit et le Moine Hérétique.

Plus de faits dans nos prochains numéros.

- Wow... Et ben. Comment j'ai pu passer à côté de ça, se demanda Loth en sirotant son café au lait. Faire la grève est devenu un tel phénomène de mode que l'histoire de la 4A n'est jamais parvenue à moi. Bon, proposons tout de même notre aide.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Pitié, non. Pas toi, fit sèchement la voix de Bee.
- Moi aussi je suis content de vous entendre. "100% Marine" hein ?
- Ça veut dire, ce que ça veut dire. T'appelles pour quoi ?
- Pour vous proposer mon aide. La presse n'a pas tort, nous faisons du bon boulot ensemble.
- Cette fois-ci, on va essayer de se passer des services du "plus grand limier des Blues", ironisa-t-elle.
- Je ne suis pas le meilleur, juste l'un des meilleurs. Et ça, vous ne pouvez pas me l'enlever.
- Non, mais c'est pas pour autant que j'ai envie de t'avoir dans mes pattes.
- Bon, comme vous voulez. Je saurai quoi dire à Maximilian quand il me demandera plus de détails.
- Je lui transmettrai les détails moi-même !
- Tant mieux. J'ai d'autres chats à fouetter d'ailleurs, je proposais par pure courtoisie, pour que ma conscience soit tranquille auprès du roi.
- Enfoiré...  
- Souriez ma chère, il fait trop beau pour tirer la tronche. Et bonne chance pour solutionner la crise !

Loth raccrocha, satisfait. Il n'avait aucun doute sur les capacités de Bee, même si ses talents d'enquêtrice étaient beaucoup moins aiguisés que les siens ou ceux de sa sœur cadette. Une histoire de règlement de compte sur fond de revendications écologique, c'était largement dans ses cordes. Il pouvait se concentrer sans retenue sur Pavel. Il prit alors rendez-vous avec le Sentier d'Or.


[...]

- Euh... Puis-je vous demander quelque chose, madame ? dit Nerbosc.
- Pourquoi j'ai menti à la conférence ?
- Ouais. Et pourquoi refusez-vous l'aide de Reich ?
- Dire au peuple qu'elle a été probablement torturée puis éventrée, maquillée, c'est horrible. Ça va pousser les militants éco' à l'extrémisme. Ça s'est déjà vu avec les Green Seed à Bliss et étrangement, notre ami Reich était de cette enquête. De simples hippies écologistes, les Green Seed sont devenus un groupe extrémiste posant des bombes parce qu'on leur a tué leur chef. Je ne veux pas de ça dans ma juridiction. Ça n'empêche qu'on traitera l'affaire comme elle se doit. On attend les résultats de l'autopsie et des enquêtes de voisinage.
- Justement, ce crime est d'une nature qu'on n’a jamais vue. Moi en tout cas. Reich est spécialiste des crimes déviants, son aide nous serait très précieuse.
- Je sais. Mais à chaque fois qu'on travaille ensemble, je me fais violence pour pas lui sauter dessus et le trucider. Je ne supporte pas sa tête de binoclard et ses airs intelligents. Il me sort par les trous de verre, on fera sans lui aujourd'hui.
- Au risque que le tueur nous glisse entre les doigts, madame ?
- Allons, reprenez-vous Nerbosc ! Vous êtes un marine, vous n'avez pas besoin de l'aide d'un civil !

[...]

- Merci de me recevoir aussi rapidement, Frère Pierre.
- De rien. Remercions Mère Nature d'avoir croisé les lignes de nos destins et favorisé notre rencontre en ce jour. Qu'est-ce que le Sentier d'Or peut faire pour le Conseiller de sa majesté ?
- Je suis à la recherche de Qilian Madstark. Ni sa coloc, ni ses collègues de la compagnie de taxi ne l'ont pas vu depuis deux jours. Donc je me suis dit qu'il s'est peut-être retiré en prière.
- Hmm, attendez, je vais vérifier.

Le frère s'en alla, sa soutane dorée flottant dans la légère brise. C'était le crépuscule, le soleil à l'horizon avait l'air d'une orange sanguine particulièrement juteuse. Le QG du Sentier d'Or ressemblait à un parc boisé d'où dépassaient les édifices disséminés un peu partout. Il croisa beaucoup de fidèles souriants, l'air en paix avec la nature. Le frère revint quelques minutes plus tard, lui signalant que Qilian n'était pas présent dans le domaine. « Pour faire une retraite, on doit se faire enregistrer et confier un box. Là, un frère s'assure que le fidèle jeûnera et priera. » dit-il. Il s'inquiéta soudain. « Puis-je vous demander pourquoi vous le cherchez ? Le royaume est en proie à Mammon ces derniers temps. » Loth le rassura et inventa une histoire d'université, de Qilian qui avait postulé pour suivre ses cours et qu'il était dans ses habitudes à lui de connaitre personnellement chacun de ses étudiants pour des suivis. Quant à la question des fréquentations de Qilian, le frère lui demanda de le suivre. Il l'emmena vers une bâtisse ronde.

- Regardez par la fenêtre, fit-il en montrant un groupe de jeunes hommes. Ce sont des brebis égarées et Qilian -comme beaucoup d'autres de la congrégation- était un pêcheur d'hommes.
- Ils souffrent tous d’une addiction à un stupéfiant ? demanda Loth en remarquant les signes de dépendance sur certains. Grattage, monologue, crises de nerfs... énuméra-t-il. Certains portent même des camisoles pour ne pas se blesser. Ceux qui les veillent sont des médecins ?
- Oui. Qualifiés. Ce sont des jeunes qui ont cédé à la facilité et aux mauvais côtés de la vie. Ils sont dépendants aux drogues pour certains, à l'argent, au sexe, à la violence, à l'alcool pour d’autres. Tous les maux auxquels l'ouverture sur le monde a condamné notre société. Grâce à nos pêcheurs d'hommes, le Sentier d'Or les recueille et les purifie de leurs démons. Moi-même j'ai été sauvé ainsi.
- Ah bon ?
- Je sniffais de la peinture. J'étais au bord du gouffre quand le Père DeMar m'a tendu la main.
- J'aurais aimé le rencontrer. J'ai vraiment beaucoup de questions à lui poser.
- Un autre jour. J'ai votre contact, je vous appellerais dès qu'il sera disponible spirituellement pour vous recevoir. C’est un très grand homme.
- J'en serai honoré. Si d'aventure Qilian vient ici, dites-lui que je suis passé.
- Sans faute. Il n'y a sans doute aucune inquiétude à avoir, assura le religieux. C'est un jeune homme plein d'initiative ; parfois, il voyage seul à l'intérieur du pays pour trouver et nous amener des brebis égarées.
- Amen.

Le frère lui avait paru sincère. Le Sentier d'Or était une communauté homologuée et jamais on ne lui avait attribué des pratiques sectaires. Il n'avait aucune raison de penser que Qilian pouvait y être retenu contre son gré, ou qu'ils le cacheraient volontairement pour quelques raisons que ce fussent. Mais on ne savait jamais. Loth appela Modeste Banquiz et lui confia une nouvelle mission : se faire passer pour un accro à la cocaïne et fouiner pour découvrir si le Sentier d'Or était véritablement sans reproche. Le Moine contacta ensuite Aella et lui demanda de mobiliser cent hommes pour lui. Ils appartenaient tous à son organisation mais avaient des boulots au port comme couvertures. Ils lui serviraient à battre le pavé, à rechercher Qilian. Le fait que les jumeaux aient échoué à trouver preuve de meurtres semblables à ce qu'il avait décrit signifiait juste qu'aucun corps n'avait jamais été retrouvé ainsi. Pas que ce modus operandi n'existait pas. Cacher un corps à la loi n'était pas des plus difficiles... Couplant la mystérieuse disparition de Qilian en sus du fait que rien dans sa vie ne laissât présager qu'il était sujet à des pulsions meurtrières, Loth commença vraiment à considérer probable que le jeune homme fût un témoin d'un crime sordide. Et dans ce cas, il était en danger. Peut-être que le véritable tueur l'avait-il déjà retrouvé.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t12978-fiche-technique-de-loth
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10961-loth-reich-le-marchand-heretique
Tanuki

- Darlessa, réveille-toi. Ça bouge.
- Ahdmdddjdnchf !
- Débout, feignasse ! murmura Ombeline. Elle asséna un coup dans les côtes de sa lieutenante qui émit une longue plainte.
La ferme !
- Toi la ferme ! Ça va pas non ?! Aie ! s'écria-t-elle quand Ombeline la gratifia encore d'une autre beigne.
- Regarde notre cible !

Lady Ombeline attrapa le béret de son sniper et tourna sa tête en direction de la maison à flanc de falaise qu'elles surveillaient. Il y avait de la lumière et par moment, elles voyaient une ombre filer rapidement devant les fenêtres obstruées par des rideaux. Une décharge salvatrice d'adrénaline irrigua les veines de l’Épée du Matin. Elle se sentit plus vivante qu'elle ne le fût ces trois derniers jours. Elle regarda sa montre qui indiquait trois heures du matin. C'était la première fois depuis qu'elle avait mis sur pied cette opération de surveillance que quelque chose d'intéressant ce déroulait. La monotonie de la vie de Farida Faouzi dans sa carrière de calcaire avait fini par avoir raison du moral de l'équipage qui ne fit aucun effort pour cacher sa désillusion. Lady elle-même avait sérieusement pensé à mettre fin à tout ça tant la léthargie gagnait les rangs. Farida Faouzi était l'archétype de la scientifique propre sur elle, trop portée par sa science et qui n'avait aucune vie en dehors. Quand elle rentrait de la carrière, elle ne sortait jamais de chez elle. Sa vie, c'était boulot-maison-dodo. Jusqu'à aujourd'hui. Pourquoi était-elle réveillée à cette heure-là ? Que faisait-elle à bouger partout dans sa maison ? Les Élites observaient la géologue d'un cap se situant à cent mètres de sa demeure.

- Elle a grave la bougeotte ! marmonna Darlessa.
- Je dirais qu'elle rassemble tout ce qu'elle peut, commenta Lady en voyant la silhouette de Farida passer vivement devant un rideau.
- On fait quoi ? L'arrêter ?
- Depuis quand c'est interdit de déménager au beau milieu de l'aube ? On va la suivre si elle sort.

Une dizaine de minutes après, elle sortit, trainant deux grosses valises à roulettes. Elle arpenta le petit chemin qui serpentait de la falaise et rejoignait la plage. Ombeline prit de l'avance sur son sniper et se jeta à la poursuite de la géologue en rebondissant dans les airs. L'air frais de l'aube, la sensation de la traque, tout cela la revigora intensément. Tout ceux qui ont déjà chassé de l'humain ne trouvent plus goût à autre chose... Cette maxime était tellement vraie, se dit-elle avec un sourire féroce. Elle survola Farida qui peinait à descendre avec ses valises. Elle ne voyageait pas léger et Lady se demanda ce qu'elle pouvait bien fuir pour partir ainsi. Qui avait-il dans ses sacs ? Juste ses vêtements ou quelque chose de plus compromettant ? Le ciel d'automne était couvert de lourd nuage et les rayons de lune peinait à éclairer la côte. Ombeline ne parvenait pas à voir l'expression de la fugitive. D'ailleurs fuyait-elle vraiment ? Peut-être livrait-elle quelque chose à quelqu'un ? Allait-elle retourner dormir dès sa cargaison livrée ? Ne se doutant pas de la chasseresse qui l'épiait depuis les cieux, Farida Faouzi atteignit enfin la plage. Pas de sable ici, mais des galets de grès. Le déplacement des roues sur les cailloux émettait des cliquetis sonores. De sa position, la commandante avait une vue imprenable sur tout le pourtour océanique mais elle ne vit aucun navire, pas âme qui vive. Peut-être étaient-ils tout feu éteint...

La géologue marcha sur trois cent mètres en logeant la côte puis disparut soudainement. Ombeline descendit d'un cran et la chercha sans succès. Qu'était-ce cette magie ? Il faisait noir, qui plus est. En parlant de magie, pensa-t-elle, il y avait un moyen de la localiser. Une capacité extrasensorielle qu'elle avait acquise depuis peu et qu'elle n'avait pas eu le temps de pratiquer. Repérer ce qui se dérobait à l'œil humain, entendre la voix des vivants. Ombeline ferma les yeux, se concentra intensément en rebondissant toujours dans les airs. Elle laissa le vent la caresser, elle s'offrit à la nature, se sentit en communion avec elle. L’Épée du Matin irradia d'une énergie invisible qui la mettait en résonance avec le Tout. Ses sens ne se limitaient plus au cinq traditionnels, ni même aux six. Ce dont elle jouissait, c'était d'un septième sens au-delà de l'intuition, quelque chose qui lui permettait de sentir les centaines de membres de cette colonie de chauve-souris qui voleta au-dessus d'elle, d'entendre les voix de ce ban de dauphins près de la côte. De repérer Farida Faouzi comme une entité dans la falaise rocheuse.
Ombeline descendit et trouva l'explication à sa disparition. Une grotte donc l'entrée tout noire se fondait dans les ténèbres environnantes. Son fluide identifia une autre voix qui accourait. Darlessa dérapa sur les galets, hors d'haleine.

- Là-dedans ?
- Ouais. Et je ne sens pas d'autre voix que la sienne. Peut-être parce que mon fluide ne couvre pas un grand périmètre. Prudence.
- C'est le maitre mot de notre équipage non ?

C'était sarcastique. Les Bêtes étaient tout sauf raisonnables. Fusil levé, torche au lumino dial allumé, Darlessa précéda Ombeline dans la grotte. Les boyaux étaient si sombres que l'obscurité paraissait solide. Le passage était juste assez grand pour que les deux femmes marchent épaule contre épaule. C'était humide, tapissé d'algues ce qui rendait le sol très glissant. Quant au plafond, il gouttait beaucoup. Les Élites désiraient rattraper leur retard sur leur cible tout en gardant un effet de surprise au cas où il y aurait de quoi la prendre en flagrant délit mais leur progression était trahie par les clapotements de leurs pas qui se répétaient en écho dans les galeries. "Fixée" par Ombeline qui suivait sa "voix" comme un lion pisterait une gazelle à son odeur, Farida ne pouvait leur échapper. Elles la talonnèrent sur deux ou trois cents mètres de dédales où elles ne rencontrèrent pas âme qui vive à l’exception de quelques crustacés. Ombeline tapota sur l'épaule de sa lieutenante pour lui signaler que Farida s'était figée. Elles accélèrent. Le boyau les conduisit dans une espèce de caverne où le plafond rocheux était assez haut pour abriter un géant et assez large pour accueillir plusieurs cuirassés. La caverne donnait sur une eau noirâtre et bouillante. North Blue.

C'était sans doute un bras de mer inaccessible depuis la côte. Une bonne cachette. Les parois brillaient grâce à l'action de millions de crustacés luminescents qui donnaient à la grotte un air de firmament étoilé. Dissimulées derrière une stalagmite rocheuse, les Élites observèrent le manège de la géologue. Attachée à une jetée de fortune, il y avait une caravelle à aube qui tanguait sous les eaux miroitantes. Farida était toute seule et embarquait avec ses valises. Finalement, pas de livraison nocturne. Donc fuyait-elle quelque chose ou quelqu'un ? Constat fait, il n'y eut plus de doute sur l'action à entreprendre. Les deux Élites sortirent de l'ombre, s'identifièrent et demandèrent à la géologue de s'éloigner des amarres et de les suivre. A la surprise d'Ombeline, elle se redressa de tout son long, une main sur les hanches, le défi marbrant chaque ligne de son visage. Il n'y avait plus aucune trace de la scientifique. Les lèvres de Lady se retroussèrent en sourire carnassier. « Ah, le voilà ton vrai visage ? Y a quoi dans ces valises ? Pourquoi tu te tires dans la nuit comme un voleur ? » demanda-t-elle.

- Pour beaucoup de raisons dont aucune qui vous regarde Élites ! Pourquoi vous n'allez pas fouiner ailleurs pour voir si j'y suis ?
- Explose lui une rotule, fit tout simplement Ombeline.

Darlessa n'hésita pas. Un terrible hurlement déchira la nuit et se répercuta en écho. Farida flancha, une main sur son membre meurtris, entre sanglots et imprécations. Les Bêtes rigolèrent et avancèrent sereinement vers le navire. Mais soudain, un terrible sentiment éprit Ombeline. Une succession de flashs très réaliste, comme un puissant sentiment de déjà-vu. Cela dura moins d'une seconde, moins qu'un clignement de cil, moins qu'un battement d'aile de colibri. Elle vit la voûte granitique exploser, elle vit le sol lui-même se désagréger, elle se vit écraser par des centaines de tonnes de roches, elle se vit morte. Avec Darlessa. Sa réaction ne fut pas réfléchie, elle laissa un réflexe primaire prendre contrôle de son corps. Faisant rapidement volte-face, elle faucha sa lieutenante au ventre puis imprima un puissant Geppou qui l'éloigna du rivage dans la seconde où une série de déflagration ébranla ciel et terre. Le sol explosa, le plafond aussi. Une pluie de rocher s'abattit. Deux ou trois Geppou plus tard, elles échouèrent in extremis dans la galerie qui desservait la caverne. L'éboulis provoqua un boucan incroyable ainsi qu'un épais rideau de poussières. A quatre pattes, les filles s'éloignèrent du cataclysme puis s'effondrèrent hors d'haleine dans une poche qu'elles jugèrent sécurisées. Le vacarme se tut au bout de quelques minutes, ce qui sembla ôter les marines de leur mutisme. « Merde ! Mais cette pute ! » cracha Darlessa encore secouée. Dans le noir, elle alluma sa torche et constata qu'elle était toute recouverte de poussière. Lady toussa pour se dégager les bronches.

- Comment t'as su ?
- Une prémonition, ou une merde dans le genre. 'fin, c'est le fluide. Elle a préparé sa fuite quand elle s'est installée ici, elle a placé des mines au plafond et dans le sol. Quand tu l'as descendue, elle les a activées.
- Putain... Sans toi, on se s'rait faites ensevelir ! Mais elle aussi, du coup ?
- Trop facile. Elle a dû se débrouiller pour que l'éboulis n'atteigne pas son bateau. Viens, on y retourne.

Mais c'était peine perdue. L'ouverture était bouchée par des tonnes de gravats. Ombeline se concentra encore mais ne perçut aucune voix. Soit Farida était morte, soit son bateau était déjà hors de portée de son Haki. Avec la rage d'avoir laissé échapper une cible prioritaire, elles retournèrent au domicile de la fugitive décidée à comprendre ce qui l'avait faite fuir. La maison ressemblait bien à l'idée que l’Épée du Matin se faisait de la demeure d'une géologue. Il y avait des cailloux un peu partout, de toutes les tailles, de toutes les couleurs ainsi qu'une grosse bibliothèque uniquement consacrée cette noble science de l'étude des roches. La maison fourmilla de Bêtes de l'Ombre, d'autres investiguèrent la carrière et les bureaux de la G&GOLD. Ombeline savait que dès la levée du jour, cette intrusion au sein des locaux de la firme lui apporterait un tas de problèmes. La famille de l'Archigouveneur de North Blue voudra savoir sous quels motifs et surtout qui a osé salir la réputation de leur entreprise en y perquisition. La tentative de meurtre d'une Commandante d’Élite et de sa lieutenante par la directrice d'exploitation de la firme à Tanuki semblait être une bonne raison, aussi, elle ne s'en inquiéta pas plus que raison. Les politiques, elle les haïssait et laissait le soin à ses supérieurs de les gérer. Dans la demeure, rien ne semblait avoir été dérangé sauf la garde-robe à laquelle il manquait plusieurs vêtements.

Sur le buffet, certains socles étaient vides, Farida avait emporté ses pierres les plus "précieuses" bien qu'Ombeline doutât qu'il s'agît de diamant ou d'émeraude. Pourquoi était-elle partie alors qu'elle dormait depuis plus de quatre heures ? Quelle nouvelle l'avait ébranlée à ce point ? Quel danger rodait ? Les questions qu’elle se posa étaient multiples. La chambre à coucher était celle qui avait le plus été dérangée. Certaines robes étaient jetées pêle-mêle sur le lit, des cintres partout. Un courant d'air ébouriffa les cheveux de la commandante qui leva les yeux vers la fenêtre à carreaux. Elle était ouverte, elle s'en approcha. D'ici, il y avait une vue magnifique sur la plage. Sa main sur le rebord toucha quelque chose de douillet. C'était une plume. Celle d'une mouette de touche évidence. Elle était mouillée, ce qui l'intrigua. Si la plume était là depuis des jours, voire même quelques heures seulement, elle aurait été sèche. La fuite de Farida datait de moins de trente minutes... Était-ce juste une coïncidence ? Les mouettes étaient de sacrées pestes qui se plaisaient à chier sur les marins, à les importuner mais en mer. Entraient-elles dans les habitations aussi ? Y avait-il un rapport entre cette plume et la fuite ? Ombeline passa plusieurs minutes à cogiter encore et encore, le regard perdu sur le panorama que lui offrait la fenêtre, la plume toujours en main. Puis soudain, un éclaircissement l’estomaqua.
Certaines mouettes étaient bel et bien porteuses de nouvelles !

- Quelqu'un a vu un journal ?! Y a un journal neuf ici ?! Elle a reçu une Mouette Postale juste avant de se casser ! Allons, bougez-vous ! Un journal ?! beugla Ombeline.

Il y eut un remue-ménage puis quelqu'un découvrit un journal jeté sous un meuble. Le remarquer avant aurait forcément donné un déclic. C'était une édition du Borea Paper datant la veille qui traitait de la mort d'un haut fonctionnaire nommée Déborah Snow. Ce meurtre allait être source de vives tensions dans le royaume à en croire le reporteur mais après avoir lu, Ombeline ne vit pas en quoi c'était en lien avec Farida. Quel lien avait-elle avait cette Snow ou son assassinat ? Les fouilles continuèrent jusqu'au petit matin sans rien découvrir. Il n'y avait aucune mention de Snow nulle part dans la demeure, pas plus que la géologue ne semblait avoir les même intérêts que l'assassinée. L'une était géologue, l'autre était vétérinaire de formation mais devenue activiste. « Je te confie la maison, Euron » dit la commandante à son second, le Lt-colonel Euron Bear. « Procède à un interrogatoire de tout le personnel minier, on doit savoir si Farida leur demandait autre chose qui ne se trouve pas sur la feuille de route de G&GOLD. »

Euron protesta vivement mais Ombeline avait déjà embarqué dans son voilier rapide personnel qui filait vers le nord. C'était aussi dans son habitude de laisser ses subordonnées gérer la paperasse ou la diplomatie. Son truc à elle, c'était l'action et elle en était en manque. Farida Faouzi s'était jouée d'elle et Ombeline comptait bien le lui faire payer. Depuis trop longtemps, elle n'avait pas fait couler du sang ; depuis trop longtemps son propre sang n'avait pas coulé ; depuis trop longtemps elle n'avait pas livré un vrai combat à mort. L'épée du Matin se pourlécha les lèvres, sa dernière virée à Boréa fut sanglante à souhait et elle espéra qu'il en soit de même aujourd'hui. Telle une flèche, le voilier fendait les flots en direction des mers plus septentrionales. Outre la perspective de l'action, Ombeline se réjouissait car à Boréa habitaient deux personnes qui comptaient beaucoup pour elle. Pas pour les mêmes raisons.

[...]
Borea, sept heures après les événements de Tanuki...

C'était un après-midi de lundi sous haute tension à Boréa. Dans la ville portuaire de Lavallière, la journée fut émaillée de plusieurs incidents consécutifs à l'annonce de l'assassinat de l'activiste Snow. Pour la masse populaire, il n'y avait aucun doute, la Tribu avait commandité cet acte. Les sympathisants de la défunte se réunirent par centaines dès la pointe du jour sous les murs de la 444e Division, armés de pancartes mais aussi d'armes blanches, réclamant la pendaison de Jonathan Bové écroué. Comme le craignaient les Marines, il y eut presque immédiatement une contre-manifestation des partisans de la Tribu et de tous ceux qui s'étaient estimés floués au cours de la longue carrière de Déborah Snow. Ils étaient pécheurs, chasseurs-trappeurs, bucherons ou juste défenseurs du mode de vie ancestral des Boréalins. Le face à face vira très vite à l'affrontement sous les yeux des forces de sécurité totalement dépassées au début. Jets de pierres, combats au gourdin et à la machette. C'était un quasi miracle qu'il n'y eût pas de morts grâce à l'intervention très musclées des Élites. Ils incarcèrent une centaine de personnes.

Debout dans son bureau dont la véranda donnait sur la grande porte de la base, Midnight apercevait encore les affres des affrontements. Barricades diverses, charrettes en feu, excréments humains et d'animaux déversés sur la chaussée... Il y avait aussi une forte suspension dans l'air due aux gaz divers utilisés pour disperser la foule. Désormais, les deux camps étaient séparés par un solide cordon de Marines. Cela ne les empêchait pas de s'insulter par mégaphones interposés ce qui rendait l'atmosphère toujours aussi électrique. D'un coup sec, elle ferma la porte de la balustrade isolant la pièce au brouhaha de l’extérieur. Elle alla se placer derrière son massif bureau en orme vernis. En face d'elle, d'eux personnes. Le Lt-Col Thomas Nerbosc et "Illusion", le médecin légiste de la base. Belle femme aux larges épaules, perpétuellement en blouse blanche, elle faisait partie d'un trio de femmes surnommées les "Harpies" qui formaient une sorte de garde rapprochée de Bee durant les opérations. Un peu plus de vingt-quatre heures après la découverte du corps, il fallait faire le point de l'enquête et des analyses médico-légales. Tout le pays était en attente d'un nouveau communiqué de la 444e.

- A toi Illusion. Dis-nous tout, introduisit Bee.
- La cause de la mort est un coup porté si fort à l'arrière du crâne que ça l'a défoncé. Elle a dû mourir instantanément. Le corps présente des hématomes aux avant-bras ce qui signifie qu’il y a probablement eu lutte et qu’elle s’est défendue. L'éviscération a été opérée post mortem. Le tueur lui a prélevé le cœur, les poumons, le foie, les reins, enfin, les principaux organes internes. Le cerveau été extrait par le nez mais comme il ne se trouve pas dans l’urne, je suppose qu’il l’a jeté.
- Sérieux ? demanda d'un ton brusque Nerbosc.
- C'est comme ça que s'y prenaient les civilisations antiques. Le cerveau n'avait aucune valeur à leurs yeux alors ils s'en débarrassaient en insérant une longue tige crochue dans le nez jusque dans la boite crânienne. Il y a tout de même un fort contraste.
- Lequel ? dit Midnight.
- Et bien, tout dans cette signature indique l'expérience. On ne tue pas la première fois en se disant "je vais éventrer le macchabée à la manière des anciens Nubiens", renchérit le légiste. Mais toujours est-il que les gestes ne sont pas précis. Les multiples découpures que vous avez prises pour des marques de tortures étaient des signes d'hésitation. L'entaille principale qui a ouvert le ventre n'est pas nette non plus. Je dirais que ça a été réalisé par une main qui tremblait. On voit ça avec les aspirants chirurgiens qui n'ont pas encore acquis le détachement nécessaire au métier.
- Qu'est-ce ça veut dire ?
- Soit on se trompe et c'est réellement la première fois du tueur pour cette signature, ce qu’il n’exclut pas qu’il ait déjà tué sans aller aussi loin dans l’horreur. Soit il y avait un couple de tueurs. Un maitre et son apprenti, dit Illusion.
- Mais... si la seconde hypothèse est vraie, pourquoi on n’a jamais entendu parler de ce genre de signature ? On a envoyé des requêtes aux autres bases et rien. Personne n'a jamais vu ça, intervint Nerbosc.
- Parce que, mon Colonel, vous arrive-t-il souvent d'exhumer des corps ? s'enquit le médecin légiste, le ton grave. Si le gardien n’était pas allé se promener dans cette partie du cimetière, s’il n'avait pas eu l'œil pour remarquer le mortier frais, jamais on aurait découvert ce corps. Jamais. Le tueur avait opté pour la meilleure des cachettes.
- C'est horrible, marmonna Midnight, les mains jointes sous le menton. Donc dans le pire des cas, on a possiblement un tueur qui a déjà fait des dizaines de victimes sans attirer l'attention et comme si ça ne suffisait pas, il se met à former quelqu'un d'autre ? L'enflure...
- Ou on a un débutant qui teste sa signature. Ce qui signifie qu'il tuera encore et montera en puissance. Je ne sais pas ce je préfère... répondit Illusion. Dans tous les cas, et ce n'est que mon avis, je ne crois pas que ce meurtre ait quelque chose à avoir avec les activités de Snow. Sinon, l'urne dans lequel reposaient les viscères n'a rien de spécial. Commercialisée partout, fabriquée par série. Les entrailles trempaient dans une solution d'alcool qui était aussi banale mais on continue les analyses chimiques.
- Et l’embaumement ? Je suppose qu’il faut des connaissances particulières pour ça ?
- Pas vraiment, il y a des livres qui en parlent, répondit le légiste. La technique n’a rien de spéciale, on lui a injecté un cocktail d’agents conservateurs que n’importe quel étudiant en première année de chimie peut fabriquer dans sa chambre. Ce n’est pas avec ça qu’on le retrouvera. Malheureusement, à cause de toutes les saletés qui lui ont été administrées, je ne peux pas dire quand elle a été tuée.
- Moi, je peux, fit Nerbosc. J'ai son emploi du temps complet.
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- La dernière fois que vous l'avez vu vivante commandante, c'était durant la "soirée du milliard", la nuit du jeudi.
- Ouaip.
- Vendredi, elle a fait un bref voyage à Sanderr pour négocier l'achat de dix mammouths laineux.
- Mammouths laineux ? fit Illusion.
- La 4A nous a expliqué que c'est une espèce disparue de Boréa depuis plus de deux siècles mais qui prolifère toujours dans les contrées du Zéro Absolu, à Sanderr. C'est l'un des joyaux de leur projet Réminiscence. Pour accueillir les pachydermes, ils ont créé le "Sérenguéti", une réserve naturelle dans la baronnie de Blanchecastel sur les territoires de la Tribu, bien sûr. Y en a déjà presque trois cents.  
- Elle est revenue avec ses mammouths ?
- Oui, dans la soirée vendredi. L’introduction des mammouths dans le Sérenguéti s'est achevée vers 19h, après quoi, elle est rentrée chez elle. C'est à partir de là que ses traces disparaissent. Le samedi, personne ne l'a vue de la journée, ni contactée d'aucune manière. Certains de ses collègues ont essayé de l'appeler mais ça sonnait dans le vide donc ils ont supposé qu'elle se reposait, fatiguée par l'opération de la veille. La dernière personne interrogée à l'avoir vu vivante, c'était l'éboueur du quartier. Il l'a vue sortir les ordures aux alentours de 21h.
- Donc elle est bien rentrée chez elle, on l’a pas interceptée en cours de route. Il était sûr que c'était elle ?
- Certains, ils ont même échangé quelques amabilités, répondit Nerbosc.
- Après le passage de l'éboueur, quelqu'un ou des gens lui ont donc rendu visite à domicile...
- Y a aucune trace de sang dans la maison, fit Illusion. Soit elle a été enlevée vivante, soit le corps a rapidement été déplacé après la mort pour qu'aucun épanchement ne trahisse la scène. Après tout, la découverte du corps est accidentelle, on n’était pas censé le retrouver. Peut-être qu’il voulait qu’on pense à un enlèvement.    
- Ce qui est très intéressant c'est que l'éboueur est repassé devant la maison à la fin de sa collecte. Et qu'il y a vu un rôdeur, exposa Nerbosc avec un sourire. Il se rappelle très bien de lui pour l'avoir déjà vu plusieurs fois dans le coin et dans le journal. Une injonction du tribunal a été prononcée contre lui après que Snow ait porté plainte l'année passée.  
- Laissez-moi deviner. Jonathan Bové ?
- Non. Son fils. Osmin Bové, alias Petit Bové.
- Oh non... maugréa Midnight, son seul désir était d'orienter l'enquête sur une piste bien loin de la Tribu.
- Il est déjà au frais, madame. On l'a arrêté, il était de ceux qui ont essayé de nous empêcher d'emmener son père. Vous devez savoir que Petit Bové a aussi été condamné pour cruauté envers les animaux en 1623.
- Ce genre de crime existe ? s'étonna Bee.
- Grâce à la 4A, les abattages, la chasse barbare ou tout mauvais traitement aux animaux a été pénalisé. Leurs militants ont photographié Petit Bové "écorchant vivant un caribou". Il a été condamné à un an de prison ferme et c'est à sa sortie que Snow est devenue une sorte d'obsession malsaine chez lui. Il la suivait partout, se planquait pour l'épier comme un chasseur envers sa proie jusqu'à l'injonction de l'approcher à moins de six cent mètres. Mais c'est pas ça qui l'a empêché de continuer à la fliquer.
- Attendez... Cette femme était stupide ou quoi ? Pourquoi elle n'avait pas de service de sécurité ? dit Illusion, éberluée.
- On a posé la question à la 4A, et selon eux, elle considérait qu'avoir des gardes du corps montrerait à ses opposants qu'elle a peur, répondit le Lt-Col. Elle ne voulait pas leur donner ce plaisir.

Illusion jura longuement. Tous considéraient cette négligence comme typique des gens sans aucun sens du vrai combat. Pour eux marines, plus on arrivait en force quelque part, mieux c'était. En quoi être nu était-il une force ? On toqua à la porte qui s’entrouvrit. Bee resta bouche bée en voyant débarquer la personne qu'elle avait le plus envie de voir au monde depuis le début de cette enquête. Thomas Nerbosc et Illusion se levèrent et présentèrent le salut militaire à la Commandante d’Élite Lady Ombeline. Elle le leur rendit. Ombeline sourit à pleines dents à sa grande sœur qui se contenta d'un signe de la main. Les sœurs Santana étaient aussi différentes que le jour et la nuit. Ombeline l'exubérante, Midnight la froide introvertie. Cependant, toutes les deux partageaient la passion du combat qui les poussa à s'engager dans l’Élite, mais même dans ce seul trait commun, elles différaient grandement. Pour Ombeline, un combat était toujours à mort, son désir le plus cher était de mourir par les mains de plus puissant qu'elle. Bee était on ne peut plus sadique, elle n'aimait pas abréger ses combats. Tant qu'elle le pouvait, elle laissait vivre son adversaire, pour qu'il revienne plus puissant et lui offre davantage de plaisir combatif.

- Je suis surprise de te voir ici, dit Bee. Tu ne t’es quand même pas ramenée avec toute ta flotte ? J'ai assez de malades à gérer comme ça.
- Haha, très drôle ! C'est vrai qu'on est foufou mais non, je suis venue seule.
- Pour quoi ?
- Genre je ne peux pas venir dire bonjour à ma sœurette ?  
- Ouais, c'est ça...
- Bon en vrai, j'ai une affaire qui est peut-être en lien avec celle qui te file la migraine en ce moment déclara Ombeline en suscitant l'intérêt de tout le monde.
- Explicite.

Ombeline expliqua tout. Sa traque du trafiquant Olusegun Soljäer et son organisation Sigma, les contrebandiers piratés, Farida Faouzi… Quand Lady parla de la géologue, de la manière dont l’équipage avait eu vent de son identité, Bee se leva brusquement et se mit à fouiller dans l’enveloppe contenant les centaines de clichés pris dans la demeure de Snow. Elle en dénicha quatre qui avaient immortalisé le gros rocher devant sa maison ainsi que deux autres cailloux de la même nature mais plus petits. Blancs, calcareux, striés de rouge. Lady en fut médusée, sur le sous-marin, le capitaine pirate tenta de l’écraser avec le même type de pierre. Elle se remémora avec exactitude la fureur de Farida Faouzi en apprenant que son précieux roc fut tranché en fins dés. « Elle m’a dit que c’était une preuve géologique qu’une météorite s’est écrasée sur Tanuki. Que ça n’avait aucune valeur pécuniaire. Selon elle, son rocher était destiné à Samantha Thorn, volcanologue retraitée à Inu. Nous l'avons retrouvée et elle a confirmé correspondre avec Faouzi qui lui envoyait souvent des roches rares » relata-t-elle. Ombeline s'arrêta soudain dans son récit, une main sur la bouche. Une soudaine inspiration venait de l'étreindre. De sa poche, elle retira le Boréa Paper et relut l'article comme si elle n'en croyait pas ses yeux. « Déborah Samira Snow... Elle s’appelait Déborah Samira Snow... Sam...  »

- Hein ? fit Bee.
- La carte qu'on a trouvé dans le sous-marin disait : "A Sam, une spécialiste des départs sur les chapeaux de roues, en espérant que ce roc t'aidera à mieux t'ancrer. Ton amie du mauvais temps. Farida Faouzi. Sam... Samantha Thorn, je n'ai pas cherché plus loin. Pourquoi l'aurais-je fait ? Tout se vérifiait. Mais si en fait, elle m'avait habilement menée en bateau ? Que ce roc fût plutôt destiné à "Sam" Samira et non à "Sam" Samantha ? La meilleure manière de mentir, c'est de dire la vérité, vous savez. Elle m'a servie une vérité qui correspondait parfaitement à la situation, monologua Lady.
- Donc cette Thorn serait complice involontaire ? s'enquit sa sœur.
- Elle a 75 ans et se déplace en fauteuil. Ce serait plus facile de s'en servir comme alibi plutôt que de l'impliquer dans une affaire douteuse. Je vais alerter la garnison d'Inu tout de même, mais nous n'avons rien contre elle.
- Pas plus contre Faouzi et Snow, madame. Même si c'est vrai que l'une envoyait effectivement ces pierres zébrées à l'autre, ça prouve quoi ?
- Pour le savoir, Nerbosc, faudrait analyser les cailloux. Vous saurez trouver un spécialiste ?
- Je m'en occupe de ce pas, fit Illusion en sortant à grandes enjambées.

Ombeline termina son récit par la fuite de Faouzi, après avoir reçu une Mouette Postale. Midnight prit la relève et raconta sa propre affaire, la vraie version, pas celle vendue à la presse. L’épée du Matin fronça des sourcils quand sa sœur lui décrivit ce qui avait été fait au corps. Thomas Nerbosc ajouta que malgré le capharnaüm dans la maison de Snow, rien n'avait apparemment été volé. En tout cas, tout semblait à sa place et plusieurs membres de la 4A qui visitèrent la demeure après la reconstitution étaient de cet avis. « Je peux te demander pourquoi tu n'as pas associé le binoclard à cette affaire vu qu'il est dans le pays ? Tu sais bien que les crimes déviants, c'est son rayon » demanda Ombeline. Le regard perçant dont le cibla son ainée lui fit pousser un long soupir d'exaspération. Bee pouvait être butée quand elle le voulait. « On avance bien sans lui et j'ai plus à m'en faire pour ça vu que t'es là » lui répondit le Dard. Sa confiance en Ombeline n'était pas surfaite, Lady avait l'esprit particulièrement aiguisé en matière d'enquête criminelle et rivalisait sans problème avec Loth Reich.

- Même si ce Petit Bové est aussi dérangé que le laisse supposer ce topo', dit Ombeline après une pause réflexion, il ne peut pas être notre coupable.
- Pourquoi ça Lady ?
- Parce que c'est un chasseur aguerri tout simplement, n'est-ce pas Nerbosc ?
- Oui.
- En plus, il aime donner la souffrance. Je n'imagine pas son bras trembler en découpant un cadavre, même humain. Je pense qu'il a déjà le sang-froid pour ne pas tressaillir, déclara l’Épée du Matin. Mais le mieux serait encore qu'on lui demande. Mais j'ai une autre question, pourquoi la tombe où vous l'avez trouvée ?
- Pardon ?
- Loin de moi l'idée de t'envoyer un retour de bâton grande sœur, mais si tu avais consulté Reich, il t'aurait fait la remarque en une seconde. Ça fait partie de la victimologie. Pourquoi cette personne précisément, pourquoi ce mode opératoire, pourquoi l'endroit où le corps a été découvert ? Dans ce dossier, c'est une question qui pèse lourd. Pourquoi ce tombeau et pas un autre ? Vous ne vous l'êtes pas demandé ?
- Non... avoua Nerbosc.
- Peut-être tout simplement parce la dalle était plus la facile à desceller quand il a fait son repérage ? suggéra Bee, mécontente du reproche.
- Ou peut-être qu'il connaissait le premier occupant de ce tombeau, riposta Lady.
- Il s'appelait Jamison Reeder, décédé en 1597.
- Y a trente ans tout juste. Qui était Jamison Reeder ?
- Euh...
- Cherchez Nerbosc, ordonna Bee. Pendant ce temps, Ombeline et moi allons interroger Petit Bové. Son père et lui marinent dans leurs cellules depuis hier, aucun d'entre eux n'a été questionné. Ils doivent être cuits à point.
- Miam !  

[...]

Une fusée verte s'éleva dans le ciel. Loth s'étira et fit craquer ses articulations endolories. Enfin... Quelqu'un avait trouvé quelque chose.
Depuis l'orée du jour, il mobilisa les cents hommes que lui fournit Aella pour rechercher Qilian Madstark. Pour ce faire, il privilégia la piste de l'enlèvement en supposant qu'il eût disparu juste après sa dernière course. Le bijoutier qu'il déposa dans le quartier d'Aurora semblait effectivement être le dernier à l'avoir vu vivant. Aurora était un quartier de riches situés dans les faubourgs de Lavallière. Loin du brouhaha de la zone portuaire, loin de la crasse et des puanteurs des quartiers populaires, les habitants d'Aurora s'étaient construits leur propre havre de paix entre nouveaux riches. Le quartier était entouré de hauts murs d'enceinte et se situait en bordure de la Route des Fourrures. Avant l'inauguration du réseau ferroviaire, c'était l'une des principales routes commerciales. Elle quittait Lavallière, s'enfonçait profondément dans la toundra et ralliait par plusieurs routes annexes différentes peuplades de chasseurs-trappeurs. Elle tomba dans la désuétude et les caravanes chargées à bloc de fourrures désertèrent ses sentiers verglacées.  

La Route des Fourrures était sauvage et longeait plusieurs bois ainsi que les chaines de montagne qui abritaient les mines de Vallis. On pouvait y faire de mauvaises rencontres : coupeurs de routes, bandits de grands chemins. Les hommes de Loth entreprirent donc de "fouiller" la Route, s'émiettant à chaque fois qu'il y avait un embranchement, un bois ou grotte à explorer. Pendant presque dix heures, la recherche fut désespérément vaine ; le groupe s'était si éloigné de Lavallière qu'il était à présent dans le Boréa sauvage, le Boréa très inhospitalier des cavaliers des steppes et des peuples nomades du grand nord. Encore heureux que ce fût un automne particulièrement chaud. C'était sous les coups de quinze heures, alors que le soleil avait décliné de son zénith que la première satisfaction apparue. La fusée était bien visible tel un nouvel astre dans le ciel. Elle devait se situer à plus de cinq kilomètres à l'est de la position de Loth. Ceux qui avaient lancé l'alerte le contactèrent par escargophone et lui confirmèrent leur trouvaille. Il se rendit donc sur place accompagnée de Maude Banquiz.
C'était un tout petit sentier à l'orée d'un bois. Une carrosse était renversée sur le côté et plus loin, un cheval d'une magnifie robe argentée étincelante gisait, mort. Deux grosses perforations étaient visibles sur son flanc droit et une sur son cou. A l'intérieur des blessures, Loth retrouva des pointes en métal cassé.

- Des flèches. C'est bien Blanche Neige, la jument de Qilian, confirma le binoclard.
- Et quelqu'un l'a chassée. Horrible, se désola la jumelle. Quelqu'un a-t-il chassé Pavel aussi ?
- Nous allons le savoir tout de suite. Rappelez les autres, il faut fouiller ce bois, fit Loth en désignant la petite forêt devant eux.

[...]

A l'instar de son père, Petit Bové était un presque nain. Bee le fit venir seul dans une salle pour l'interrogatoire. Tout d'abord présomptueux, il se tassa vite quand il vit entrer Ombeline. Sa réputation la précédait, sans doute avait-il lu cet article datant de quelque mois qui faisait la part belle aux traitements que réservaient les Bêtes aux criminels qui tombaient entre leurs mains. De quoi faire pâlir même les racailles du G-5 du Nouveau Monde. Cependant, Boréa respectait le droit humain et la torture y était interdite donc Bové retrouva vite sa confiance en lui et se mit à injurier les marines. Lady lui rappela qu'elle s'en fichait des lois en lui cassant d'entrée le petit doigt. « Oh, bon sang ! Il a glissé de sa chaise, est tombé et s'est rompu l'auriculaire droit ! T'as vu ça, Bee ? » Le Dard confirma qu'il était tombé et le nota comme tel dans son procès-verbal. En chasseur aguerri, l’instinct de Petit Bové lui disait qu'il était tombé entre les griffes de deux chasseresses qui n'hésiteraient pas à le disséquer pour obtenir les informations qu'elles désiraient. Les sœurs Santana... Il émanait d'elles une sorte d'aura meurtrière. Elles avaient l'odeur du sang..., se dit-il, suant de terreur, une main tenant le doigt meurtri. Ombeline lui expliqua les réels dessous de l'affaire.

- Donc, c'est ça le vrai topo, Petit Bové, fit-elle avec un grand sourire en s'asseyant sur la table qui les séparait. Alors on va tergiverser le moins possible sinon, tu risques de faire plusieurs chutes et l'une d'entre elle sera mortelle, tu piges ? Pour moi, tu n'es qu'un lâche petit avorton qui aime s'acharner sur de pauvres animaux sans défense. Je parie ma tête que t’es incapable de t'attaquer à un humain. Sinon, tu te serais pas contenté de suivre Snow pendant des années. Je pense que t'as pas les couilles pour commettre ce meurtre ou encore d'étriper le macchabée de Snow.
- Ooooh, regarde ces petits yeux gris de fouine terrorisée... se moqua Bee.  
- Quelqu'un t'as vu roder autour de sa résidence le vendredi dans les encablures de 23h. Et à ce qu'on sache, t'es la dernière personne à l'avoir vu en vie. Donc, où est-ce que ça merde ?
- J'...j'lai pas tuée !
- C'est ce que je viens de dire ! Qui ?
- J'en sais rien ! lança-t-il de colère. Chui d'vin ?!

BAF !

- OUCH ! OUUIIIIIIIN ! gémit-il après un coup de Lady.
- Ombeline !
- Qu'est-ce qu'il est maladroit ce garnement ! Il vient de se prendre les pieds dans ses lacets et s'est pété le nez contre la table. Note ça, Midnight.
- Arrête, ça suffit ! murmura sa sœur entre ses dents. C'est sur moi que ça va retomber, si le roi s'en mêle !
- Dans ce cas, laisse-le-moi. Va-t’en ! répliqua Ombeline d'un ton dur. Laisse-moi l'emmener en mer. Tu émettras un avis de recherche sur lui en disant qu'il s'est échappé en blessant son garde. Moi je le capturerai dans les eaux internationales, là où seule la loi du GM s'applique. Tu peux même faire d'une pierre, deux coups en me filant son père avec. Crois-moi, ils cracheront le morceau plus vite qu'un petit précoce !
- Arrête avec tes comparaisons douteuses, s'agaça Bee. Mais tu as sans doute raison... L'état de droit à Boréa, le respect de l'intégrité humaine... La non-recevabilité des aveux sous la torture... Tout ça mine mon travail, admit-elle. Marché conclut sœurette. Bien sûr, les Bové ne réapparaitront jamais ?
- Tu sais bien pourquoi on surnomme mon équipage "les Légionnaires". Après notre passage, plus rien ne reste, plus rien ne survit, plus rien de s'épanouit. Même pas la mauvaise herbe.
- Alea Jacta Est, marmonna le Dard en sortant de la salle.
- NON ! J'ai vu des gens ! Je vais tout dire ! s'exclama le suspect d'une voix tremblante en réalisant que les sœurs planifiaient paisiblement leur exécution extrajudiciaire à son père et lui, et cela après de longues tortures.
Si tu sors, Bee, je vais rien dire !
- Si je sors, tu seras à la merci des Bêtes de l'Ombre. Tu parleras dans tous les cas, répondit-elle.
- Alors reste héhé, j'vais tout dire ! Héhé ! déclara-t-il pris d'une sorte de rire nerveux hystérique. Il suait comme s'il était dans un sauna.
Ouais, j'tais planqué d'vant chez elle l'vendredi. J'ai vu l'ramasseur d'ordure passer. Mais chui parti vers minuit.
- A d'autres.
- Si si, j'vous jure, héhé. Deux gusses sont arrivés.
- Deux ?
- Oauis, héhé. Deux gars, 'fin, deux personnes en tout cas. Si c'tait des mecs ou des meufs, chai pas. Ils ont sonné, elle leur a ouvert. Puis quelqu' instants après, j'ai vu des flashs.
- Des flashs ? répéta Ombeline.
- Ouais. J'tais convaincu qu'elle f'sait un shooting pour un d'ses satanés magazines écologiques. Après ça, m’suis tiré, héhé. C'la vérité, héhé.
- Tu pouvais entendre ce qui se disait dans la résidence ? s'enquit Ombeline.
- Nan, aucune chance, héhé.
- Combien de temps s'est écoulé entre leur entrée dans la maison et les flashs ?
- Chai pas. Peut-être dix minutes ou plus, j'ai pas mesuré.
- A quoi tu penses ? demanda Bee.
- Illusion a dit qu'il y avait eu bagarre et qu'elle s'était défendue. Nerbosc n'a pas mentionné qu'elle faisait du mannequinat ou même la couverture de magazine, mais faudra vérifier. Ce que je sais d'expérience c'est que beaucoup de tueurs ressentent le besoin de revivre encore et encore leurs crimes. Si elle était déjà morte avant les flashs, c'est peut-être que les tueurs voulaient capturer le moment où ils l'ont éliminée.  
- Elle vivait seule et avait des milliers d'ennemis. Elle n'aurait pas laissé entrer des inconnus, surtout pas à cette heure. Elle les connaissait, obligé, conclut Midnight. En tout cas, ça confirme la théorie d'Illusion : un maitre et son élève.
- Ce qui signifie qu'il y a probablement des dizaines de cadavres embaumés cachés dans des cimetières à Boréa ou ailleurs, compléta Lady.

[...]

La progression était difficile dans cet amas hérissé de piquants. Le bois que fouillaient Loth et son équipe était principalement constitué d'une espèce de cactus géant boréal dont certains pouvaient dépasser les vingt mètres de haut. Ils ne mirent pas longtemps pour retrouver des lambeaux de vêtements. Ils étaient jaune et vert, tout comme l'uniforme des Taxi Brousse. Ils trouvèrent aussi des traces gelées de sang sur certains cactus puis plus inquiétant, un ongle entier semblant avoir été arraché à un gros orteil. D'autres trainées de sang furent découvertes sur les plantes, mais jamais en gros épanchement. « On dirait qu'il se fichait de s'écorcher, tant qu'il continuait à avancer... » commenta Maude. « On non ! » Sous un bosquet de cactus fleuris, ils repérèrent une bottine assortie à l'uniforme de la compagnie de Taxi. A environ cinq cent mètre de la chaussure, ils firent une trouvaille on ne peut plus macabre. Un gros orteil sectionné, auquel il manquait un ongle. Aucune trace de sang sur le sol autour du membre sectionné, ce qui ne pouvait induire qu'une seule conclusion.

- C'est une rupture due à une engelure sévère. Même si c’est l’automne et qu'il fait beau, le thermomètre affiche tout de même 3°C... fit Loth.
- C'est insensé. Il a couru comme un dératé au point de s'arracher un ongle ! Il a sprinté jusqu'à se déchausser mais même le sol glacial ne l'a pas arrêté ? Il a continué jusqu'à ce que son orteil se gèle totalement et se casse net ? se consterna Maude. Professeur... Il n'y a qu'une raison pour courir comme ça.
- Sauver sa vie.
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- Binoooooocle !

Dès que Loth passa la porte, Ombeline courut se jeter à son cou, l'enserrant fortement. On aurait dit une épouse qui attendait depuis très longtemps le retour de son mari parti à la guerre. Mais rien n'aurait pu être plus éloigné de la vérité. L'étreinte de Lady devint constrictrice, comme si elle essayait de broyer ses os. Loth se sentit momentanément étouffé avant d'y opposer une force égale puis de briser son étau. Il la repoussa mais elle attaqua derechef avec Aguicheuse. Le Meitou décrivit une courbe mortelle qu'il contra en déployant ses cheveux. Tel des tentacules, ils s'enroulèrent autour de l'arme, la stoppant dans sa course mais l'épée du Matin en tenait toujours la garde. Sur ses lèvres rouges, elle passa la langue tel un serpent. « Tu veux bien arrêter de vouloir me tuer à chaque fois que nous nous croisons ? » fit le Moine plus blasé qu'agacé.

- Ben non, j'aime la couleur de ton sang le binocle. Et tu m'excites quand tu résistes...
- Si ça ne vous dérange pas, excitez-vous loin de mon bureau ! déclara Bee d'une voix cassante.  
- Je dois vous parler Midnight, j'ignorais qu'Ombeline serait de la partie, dit Loth en annulant le Retour à la Vie.
- Je suis toujours de la partie mon chou, répliqua-t-elle en rengainant son sabre. Quand me donneras-tu ce combat à mort que j'espère tant ?!
- Quand j'aurais 99 ans.
- Vas-y Reich, parle, fit Bee en lui désignant le fauteuil le plus dur et le plus inconfortable de son bureau. Qu’est-ce qui se passe ?
- Je suis sur les traces d’un probable rapt.
- Qui a disparu ?  
- Le jeune homme qui m'a abordé durant la soirée du milliard, vous vous en souvenez ?
- Pâle, visage rond criblé de tâches ?
- Oui, il s'appelle Qilian Madstark, étudiant en archéologie à l'université de Jalabert et chauffeur de carrosse durant les trêves saisonnières.  

Loth se lança dans le récit de la recherche du disparu, de son appartenance au Sentier d'Or en passant par Taxi Brousse jusqu'à la battue sur la Route des Fourrures. De son sac en bandoulière, il sortit les indices recueillis : pointes de flèches, chaussure esseulée, l'ongle, l'orteil et quelques morceaux de cactus tachés de sang, tous emballés séparément. Il leur montra aussi les photos du carrosse et du cheval abattu. Ombeline semblait la plus intéressée. « Ouais, chelou en effet... Mais t'as pas l'impression d'avoir commencé ton histoire par la fin, Binocle ? Qu'est-ce qui t'a mis la puce à l'oreille ? Pourquoi tu le recherchais ? Ne me dis pas que... Tu voulais te le taper ? Non, je ne supporterais pas que tu sois gay ! » Pour toute réponse, Bee lui jeta une tasse à la figure. Loth l’ignora et leur étala les raisons qui le poussèrent à chercher Qilian. La réaction des commandantes ne se fit pas attendre, Ombeline écarquilla les yeux tandis que sa sœur joignit les mains dans un geste nerveux. « C'est une mauvaise blague ? Madstark t'as demandé ce que signifierait un mode opératoire où le tueur éventrerait sa victime et foutrait les boyaux dans un vase ? » répéta Bee.

- Oui et ça ne vous est pas étranger apparemment...
- Tu vois ? Tu aurais dû l'associer ! Ça aurait fait faire un bond à ton enquête ! lui reprocha Lady.
- Silence ! J'ai trouvé le corps hier seulement ! Dis pas ça comme si j'avais commis une erreur monumentale.
- Bah plus de vingt-quatre heures après grande sœur, ce sera peut-être ça la différence entre la capture et la fuite de ton tueur !
- Et si vous arrêtiez de vous disputer pour m'expliquer ce que j'ai raté ? coupa Loth.
- Bon... marmonna Bee en se demandant toujours si elle devait le mettre au parfum.
- Laisse, je raconte, trancha sa sœur.
- Non mais... Sans déconner ?! Pourquoi avez-vous parlé d'un meurtre par balle dans la presse ? s'indigna Loth après le récit d'Ombeline.
- Parce qu'il me revient de donner les informations que je désire au public pour que ça n’empiète pas sur l'enquête !
- Ouais, c’est ça… Cachez donc votre égoïsme derrière vos prérogatives. Par contre, le nom de Jamison Reeder me dit quelque chose…  Jamison Reeder, Jamison Reeder… marmotta Loth en se tenant le front. Jamison Reeder…
- T’as une mémoire photographique le Binocle et tu t’en souviens pas ?
- Parfois, c’est une malédiction. Trop de noms, trop de livres lus dans ma vie. Jamison Reeder… mort y a 30 ans c’est ça ? Reeder… Allez…
- On passe. Ça te reviendra quand ça te reviendra, fit Bee.
- Pour en revenir aux deux affaires, n'empêche, vous étiez tous présents à ce gala. Madstark, Snow, Midnight et toi. Et si vraiment il s'est fait pecho par quelqu'un -plutôt deux individus si on en croit Petit Bové- alors il se peut qu'ils aient également été de cette fête, dit Ombeline. Madstark aurait-il surpris une conversation ?
- Hautement improbable, répondit Loth. Je pense qu’il a appris l’existence de nos tueurs ou du complot contre Snow bien avant. Pour preuve, il savait que je serais à la soirée surement via les magazines people et il s’y est infiltré pour me rencontrer. Selon les registres de sa compagnie, il a servi de chauffeur à la famille du vicomte Strawberry. C'est comme ça qu'il est rentré dans le château.  
- Dans ce cas, pourquoi ne t'a-t-il pas directement tout déballé ? Il n’a pas eu le comportement d’un innocent là. Pourquoi voulait-il savoir si on pouvait remonter à l’identité du tueur via sa signature ? Qu’est-ce qu’il en avait à foutre ? demanda Bee. Et puis, j’étais là, juste à côté de toi quand il est venu ! S’il voulait vraiment dénoncer des tueurs, j’étais la plus indiquée !
- Raisonné comme ça, la première chose à laquelle je pense, c'est qu'il connaissait les tueurs. C’est la seule explication possible. S’il ne s’inquiétait pas qu’ils soient capturés, bah il les aurait balancés. Et s’il est allé voir Binocle plutôt que toi, grande sœur, c’est que pour lui Lothy était le plus grand danger, le plus à même de les retrouver.    
- Si cette déduction est exacte alors je me demande lequel de nos tueurs Qilian cherche-t-il à protéger ? demanda Loth, une main sous le menton. Le Maitre ou l’Apprenti ? Voir même les deux ?
- Ce qu’on peut affirmer c’est que ça n’a pas plu à quelqu’un que Madstark soit au courant et cette personne lui a donné la chasse... songea Midnight. Si ça se trouve, il est peut-être l’un des deux !
- Je ne crois pas, objecta Loth. Je l’ai étudié et il n’a pas un profil de meurtrier. Soit il le cache extrêmement bien.  
- Le profilage, c’est pas une science exacte, renchérit l’Abeille. Moi je pense que Madstark est l'Apprenti et qu'il t'a approché parce qu'il s'inquiétait de son sort à lui. Le projet d'assassinat était déjà rodé. Mais déjà là-bas, Reich, t'as remarqué qu'il n'était pas dans son assiette. Après le meurtre de Snow, il aura complètement craqué ce qui a poussé son "Maitre" à s'en débarrasser.
- Le déroulement ne colle pas, persista le Moine Hérétique. Qilian a disparu le vendredi matin après avoir déposé un bijoutier. Je pense que c’est après cette course qu’il a été pris à partie. Or, vous avez la preuve par témoignage de la présence de l’Embaumeur et de son "Apprenti"  au domicile de Snow ce même vendredi à 23h. Qilian ne pouvait pas être cet Apprenti, parce qu’il était blessé -au moins un orteil en moins-. S’il était encore vivant à 23h, je doute qu’il eût pu tenir debout vu la gravité de ses engelures, or je ne crois pas que votre témoin ait mentionné une quelque silhouette avec béquille ou je ne sais quoi.
- Je suis de son avis, ajouta Lady. L’Embaumeur ne pouvait pas lui avoir donné la chasse pour ensuite l’emmener en bon copain tuer une femme.
- Bon d’accord… Si vous insistez.
- Bref, Qilian devait être proche, familier même des tueurs pour s’en préoccuper à ce point. Il ne semblait pas avoir d'amis autres que ses fréquentations du Sentier d'Or, dit le Moine. Parmi eux, il y a des ados assez dérangés.  
- Possibilité d'avoir un apprenti tueur parmi eux donc ? Voire même que l’Embaumeur fasse partie de la congrégation ?
- C'est une piste on ne peut plus sérieuse. Je ne les soupçonnais pas particulièrement mais après mon passage chez eux hier nuit, j'y ai infiltré un de mes élèves pour fourrager.
- Sérieusement ? Tu mêles des enfants à tes enquêtes ? Et tu leur confies même des missions dangereuses ? s'insurgea Bee.
- Ça va, ce ne sont pas des "enfants". Ils étudient la criminologie et le droit pour devenir juges d'investigation. Ça leur fera du métier.
- On va pas sursoir l'enquête en attendant la moisson d'un étudiant, trancha-t-elle. Il faut aller toucher deux mots au guide de cette église.
- Vous devriez bien vous entendre alors, dit Loth. C'est un Commodore à la retraite, DeMar Bright.
- Bright ? Le fameux Commodore qui commanda la flotte Scarlet Needle ? s'enquit Ombeline d'une voix fascinée.
- Oui, lui-même. Je n’ai pas pu le voir quand je suis passé chez eux mais… Par l’enfer ! jura-t-il, soudain frappé d’horreur.
- Quoi ?
- Je sais qui était Jamison Reeder, vous pouvez rappeler le Lt-Colonel Nerbosc. Je me disais bien que j’avais dû lire son nom quelque part. Il était mentionné dans le livre de Barbara Sables « Âmes, les plus noires ! » C’était la quinzième victime d’Elxa Maer. La seconde qu’il ait faite à Boréa.
- Elxa Maer ? L’égorgeur de port en port ? questionna Bee en se levant, horrifiée par la perspective nouvelle de l’enquête. Cette énergumène a terrorisé les Blues en faisant plus de 86 victimes en dix ans ou plus. Et encore, c’est uniquement celles qui ont été comptées de source sûre.
- Certains rapports lui ont attribué plus d’une centaine, faisant de lui l’un des tueurs les plus prolifiques de ces cinquante dernières années sur North, corrigea Loth.
- Il a été confondu, pris sur le fait et éliminé par le Commodore DeMar Bright à Zaun. Et aujourd’hui, quelqu’un se met à enterrer un corps dans la tombe d’une de ses victimes ? Quelqu’un qui pourrait appartenir à la congrégation de Bright ? résuma Ombeline. Ouais nan, faut qu’on lui cause, j’aime pas les tournures bizarres de ce genre.
- En fait, tout se recoupe à grande vitesse, murmura le Moine en faisant les cent pas dans le bureau.
Si on considère qu’il y a depuis des années un tueur insoupçonné dans la nature qui assassine et enterre ses victimes dans des tombeaux, autant chercher une aiguille dans une meule de foin de proportion planétaire, on est d’accord ? Mais si on recentre la meule autour de quelques tombeaux en particulier, là ça devient gérable. Lady a raison, ce n’est pas une coïncidence si Snow a été déposée dans ce sépulcre en particulier. Il se pourrait que notre tueur principal, l’Embaumeur, fasse une fixation sur Elxa Maer. Nous avons tous nos idoles, les tueurs en série ne sont pas différents. En inhumant ses propres victimes dans les mêmes tombes que les victimes de son idole, il penserait ainsi le tutoyer, accomplissant son fantasme, flattant son égo. Et il y a un moyen très simple de vérifier, maintenant que nous en savons plus.
- Exhumer une autre victime de L’égorgeur de port en port et inspecter s’il n’y a pas un autre corps dans le tombeau ? proposa Bee, écœurée.
- Oui. Comme je vous l’ai dit, Jamison Reeder était la victime N°15, la seconde tuée par l’Egorgeur à Boréa. La précédente était la N°9 dans l’ordre total et s’appelait Yelena Kalachnikov, retrouvée égorgée dans un conteneur en 1594, trois ans avant Reeder. Ne me regardez pas comme ça, fit Loth d’un geste de la main à Bee, j’ai étudié cette affaire dans tous les livres qui en parlaient. Comme j’ai étudié tous les serials Killers documentés. Par contre, ce que j’ignore, c’est où Kalachnikov est enterrée.  
- On va vite trouver ça, tant que c’est à Boréa, ça devrait pas être compliqué. Je vais réorienter, Nerbosc. Il va pas être content de jouer encore les croque-morts, déclara Midnight avec amusement. Pendant ce temps, on va parler au vieux commodore. Ombeline ? On bouge ?

Mais Ombeline avait l'air perdu. Loth connaissait ce regard que tout enquêteur arborait au moins à un moment crucial d'une investigation. Celui où un déclic se faisait et où tout apparaissait soudainement avec une clarté indicible. Pour adhérer aux clichés, on en disait alors que les "pièces du puzzle s'emboitaient" parfaitement. Le Moine Hérétique scruta sa Némésis et se rendit compte qu'elle n'était pas dans les vagues mais fixait un objet précis sur la table de sa sœur. Un livre ancien qui titrait : Héros de jadis : Chronique des plus Grands Marines de tous les temps. La photographie sur la couverture immortalisait trois hommes que même le plus inculte des habitants du monde saurait reconnaitre : L'amiral Zéphir dit "Z", l'amiral Sengoku dit "Le Bouddha" et le vice-amiral Monkey D. Garp "Le Poing de l'Amour". Toutes des figures importantissimes d'avant la grande vague de piraterie. Loth essaya de disserter sur la question, du lien que pouvaient avoir ces trois illustres personnes, ou ne serait-ce que l'un d'entre eux avec leur propre problématique mais ne trouva aucune réponse. Après deux minutes de silence, Ombeline refit surface avec un grand sourire. « Binocle, depuis que t'as parlé de la fixette que ferait l’Embaumeur sur L’égorgeur, une question me taraude. Et je pense savoir pourquoi. Je vous propose de scénariser notre entretien avec le commodore Bright » dit-elle en ricanant. Loth et Midnight se dirent que les ennuis n'allaient pas tarder à poindre.  


[...]

Un feu ronflant s'épanouissait dans l'âtre de la cheminée. Il faisait un peu frisquet en cette nuit à cause d'une petite bise mordante. Un Frère les introduisit dans un salon coquet qui ressemblait à une cellule capitonnée tant les murs étaient recouvert de livres. On aurait plutôt dit la bibliothèque d'un collectionneur particulièrement riche. Au plafond pendaient des lustres à lumino-dial qui tapissaient la pièce d'une douce lumière orange. Ils s'assirent dans un canapé et le religieux leur offrit à boire. Au bout d'un moment, l'homme que Loth vit sur la photo de Qilian Madstark apparut par une des portes. Bien que grisonnant, DeMar Bright était toujours bien bâti et gardait la puissance physique de ses jeunes années. La seule altération visible de sa santé était la canne en bois sur laquelle il s'appuyait en marchant. Sur une main, il lui manquait un index, sans doute un souvenir de sa période de service. Bee et Lady se levèrent et saluèrent le marine émérite. Loth tendit une main que le vieux loup de mer serra fermement en souriant. Ils virent quatre dents en or.

- Frère Pierre m'a dit que vous étiez passé, détective Reich, dit-il d'une voix tonitruante. Votre présence à tous m'inquiète. Vous avez retrouvé le jeune Qilian ?
- Non, répondit Lady. On soupçonne Qilian Madstark d'avoir organisé et simulé sa propre disparition pour dissimuler le rôle principal qu’il a joué dans l’assassinat de l'activiste Déborah Snow, mentit-elle.
- Quoi ?! s’écria Bright d’une voix étranglée.
- Malheureusement, cette affaire est très complexe et on n’arrive pas à distinguer ses embranchements. C’est pour ça qu’on est là, en espérant que vous pourriez nous aider à y voir plus clair, monsieur, enchaina Lady. Ce que la commandante Bee Santana n'a pas dit à la presse, c’est la manière dont Snow a été tuée et où on l’a retrouvée. Elle a été découverte dans le tombeau de Jamison Reeder, éviscérée. Je suppose que le nom de Reeder ne vous est pas inconnu, mon Commodore ?
- C-c’est pas v-vrai… balbutia-t-il, au comble de l’horreur. M-mais pourquoi Qilian… Q-quoi ?
- Nous pensons qu’il voit en Elxa Maer "L’égorgeur de port en port" un modèle à suivre, répondit Loth. Il monte en puissance et nous croyons probable que sa cible suprême, ce soit vous. Ce qui nous a amené à nous poser certaines questions. Par exemple, qui est exactement Qilian Madstark, ce jeune orphelin recueilli par votre église ? Et comment ce jeune homme apparemment sans problème, bon élève et débrouillard s'est-il entiché du sanguin que vous avez terrassé ? Ses pulsions sont-elles innées ou acquises ?
- Qu'est-ce que j'en sais ? Vous suggérez peut-être que j'apprends à mes disciples à éviscérer des gens ? Je n'aime pas vos insinuations détective Reich ! tonna le commodore d’un ton qui avait perdu sa sympathie.
- Pardonnez nos allégations monsieur, fit Ombeline d’une voix mielleuse -ce qui était souvent un signe de danger-, mais malgré nos recherches, on n’a pas retrouvé de parents à ce jeune Madstark, juste un vieux rapport d'enquête des Hérauts de l'Aurore disant que ses géniteurs se sont noyés dans l'accident du Cinatit en 1602. Puis votre communauté l'a adopté.  
- Plus de mille personnes sont mortes dans la baie de Lavallière laissant des centaines d'orphelins quand le Cinatit a heurté l'iceberg. Le royaume était incapable de s'en occuper et le Sentier d'Or ne fut pas la seule organisation religieuse à prendre part à cet élan de solidarité envers ces malheureux, expliqua Demar Bright. De quel crime m'accusez-vous exactement ?
- Comme vous le dites, il y a eu des orphelins en veux-tu, en voilà. Un tel bazar qu'il n'a pas dû être difficile d'introduire parmi les vrais orphelins, un faux. Loth a posé les questions à un million de Berry : pourquoi Madstark est-il obnubilé par Elxa Maer ? D'où viennent ses pulsions ? Et si c'était inné ?
Mon Commodore, Qilian Madstark est-il le fils de L'égorgeur de port en port ? L'avez-vous adopté après avoir tué son père ?

DeMar Bright ouvrit grandement la bouche. Sa stupéfaction était tangible. Les trois enquêteurs l'observèrent attentivement à la recherche du moindre tic qui le trahirait. Si les accusations envers Qilian Madstark n'étaient que fumisteries, le fond de leur présomption demeurait valide et solide. Au lieu d'être juste un idolâtre d'Elxa Maer et si l’Embaumeur recherchait-il quelque chose de plus intime ? L'approbation d'un père mort par exemple ?
C'était une idée originale de Lady Ombeline qui pouvait fort bien expliquer l'agencement des événements autour du Sentier d'Or. Mais au lieu de donner directement l'alerte au commodore, elle préféra accabler Madstark pour brouiller les pistes au cas où leurs suppositions seraient véridiques et que DeMar Bright chercherait à protéger son "enfant adoptif". Loth estima que l'hypothèse était suffisamment sérieuse pour se prêter à la comédie. Quant à Midnight, elle refusa purement de s'y adonner.
Après son moment d'hébètement, le vieux commodore éclata d'un rire sonore sans joie. Il continua ainsi pendant quelques minutes avant de reprendre si subitement contenance que s'en fut inquiétant. Chaque trait de son visage ridé était marbré par la colère et l'offense faite par la question.

- Vous jouez votre carrière en accusant sans preuve un Marine tel que moi, répondit-il en détachant chaque syllabe. J'ai prouvé tout au long de ma carrière l'aversion que j'avais pour les criminels et j'ai eu à cœur d'appliquer la Justice Absolue partout ! Et ça, avant votre naissance à tous ! Alors je ne tolérerais pas que vous entachiez ma réputation avec ces accusations nauséabondes ! explosa -t-il. Vous en entendrez parler Commandante Lady Santana !
- J'espérais qu'on n'en arrive pas aux menaces, monsieur, reprit Ombeline, imperturbable. L’histoire est remplie d’exemples de ce genre, de gens qui finissent par recueillir les enfants de leurs ennemis mortels. Prenez Monkey D Garp et Gol D Roger par exemple. Le vice-amiral a adopté Portgas D Ace, l’enfant du Roi des Pirates qu’il a essayé toute sa carrière de trucider.  
- Moi j'aimerais vous demander comment passe-t-on de Marine à Guide spirituel ? fit Loth en relevant ses lunettes. Non, laissez, je vais tenter une réponse, vous me direz si je suis dans le vrai. Vous avez côtoyé la mort et les pires facettes de l'être humain ; vous avez vu le mal dans les yeux. Le Sentier d'Or n'est pas vraiment une religion, c'est juste un groupement, une petite association de gens méditant sur le sens de la vie, sur l'harmonie avec la nature, ce Grand Tout dont fait partie l’humanité. Vous l’avez créé pour aider les plus défavorisés, pour que les plus jeunes ne succombent pas au mal que vous avez croisé. Ai-je tort ? Donc ce n’était pas si dément de penser que vous auriez pu adopter l’enfant de votre ennemi.
- Sortez de chez moi ! Vous ne m'insulterez pas une minute de plus ! SORTEZ !


[...]

- Moi je dis que c'est suspect ! commenta Ombeline après qu'ils fussent jetés hors de la propriété du Sentier d'Or.
- Sans blague ! Parce que les innocents ne s'offusquent pas quand on les accuse sans preuve ? satirisa sa sœur.
- Merci de ton soutien Mid' ! J'ai remarqué que tu n'avais pas pipé mot durant toute l'entrevue !
- Je considérais ton approche comme folle mais au lieu de t'empêcher de suivre ton instinct, j'ai préféré ne pas m'en mêler. Même si maintenant, c'est moi qui vais prendre. Tu sais quel genre de relation pourrait avoir ce type ? Vous réfléchissez tous les deux avant de foncer tête baissée ?
- Et toi, depuis quand tu réfléchis à ce genre de détails ? s'étonna Lady.
- Depuis que je représente le Gouvernement Mondial dans ce royaume ! Tu devrais prendre une garnison, ça te remettra la tête sur les épaules ! Bon maintenant, ça suffit le tir aux pigeons ! Je reprends la main, je vais pas laisser deux têtes brûlées comme vous foutre en l'air mon enquête ! cracha-t-elle, cinglante.
- Je ne suis pas une tête brulée, se défendit Loth.
- Ah bon ? Hmmmmm. Comment t'appelles le fait d'entrer chez quelqu'un qui a sûrement plus fait pour le Gouvernement que nous tous réunis et l'accuser de collusion avec la descendance du pire tueur qu'il ait eu à arrêter dans sa carrière ?
- Ça s'appelle une piste, grande sœur ! L'égorgeur a été neutralisé en 1600 et pour peu qu'on suppose que son enfant était encore dans le sein de sa mère en ce moment -comme Portgas- il aurait 27 ans cette année. Soit juste quatre ans de plus que Qilian Madstark. C’est la même génération !
- Arrête avec Portgas, c'était y a cent an ! L'histoire ne se répète pas à l'identique, encore heureux !
- Bright lui-même vient de le reconnaitre, c'est pas seulement Madstark mais beaucoup d'autres enfants qui furent adoptés après l'accident du Cinatit, soit deux ans seulement après la mort de L'égorgeur. Je persiste, ç’aurait été un excellent moyen de faire rentrer un bambin dans le système et de brouiller les pistes ! Si Elxa Maer avait un rejeton, si Bright l'a adopté et que ce dernier est notre Embaumeur, alors on doit pouvoir retrouver sa trace dans les archives. Et si on le trouve, on trouvera celui qu'il a pris comme élève !
- Ombeline, va perdre ton temps dans la paperasse si tu veux, moi je crois que....

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!  
PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!  

Ils ne surent jamais ce que croyait Midnight parce qu'au même moment, les escargophones de Lady et de Loth se mirent à hurler à l'unisson. Dans le carrosse qui les ramenait à la base de la 444e, ils se regardèrent, très intrigués. D'exaspération, Bee leva les yeux au plafond et leur lança un "je-te-l'avais-dit-!" silencieux. A l'autre bout du fil de l’Épée du Matin, Méphis Toffel, Commandant des forces d’Élite de North Blue. Loth n'eut pas l'occasion d'écouter leur conversation puisqu'il recevait lui-même un appel du roi de Boréa. Sans surprise, le souverain l'attaqua directement sur les "insultes " proférées à l'encontre du commodore émérite et pendant le quart d'heure suivant, lui passa copieusement un savon sans lui laisser le temps d'en placer une. A la fin, il lui intima d'une voix sèche de ne plus s'approcher du retraité qui avait tant fait pour Boréa qu'il n'aspirait maintenant qu'à un repos bien mérité. La lessive de Lady Ombeline dura encore plus longtemps et de ce que comprit le Moine, elle fit bien pire que d'accuser un honorable Marine avant d'arriver à Boréa. Une histoire de fouille abusive d’une mine à Tanuki, de la famille d'un Archigouverneur très en colère… Le commandant lui ordonna d'abandonner l'enquête sur Boréa et de revenir au G6 immédiatement pour "consultation". Après qu'il eût raccroché, leurs oreilles à tous bourdonnaient encore, tellement il avait hurlé.

- Vous avez entendu ? dit Midnight d'une voix hautaine et réjouie.  
- DeMar Bright veut nous montrer qu'il est puissant et je ne goûte pas aux jeux d'influence moi, répondit Loth d'un air buté. Seule compte la vérité. Je vais demander à Modeste Banquiz de coller à Bright comme un cataplasme sur une verrue et à sa jumelle d’enquêter sur les adoptions du Sentier d’Or. Bright cache quelque chose et veut nous faire taire.
- Non mais stop ! Fichez-lui la paix ! Ne me forcez pas à prendre des mesures restrictives contre vous !
- Le suivre, c'est inutile, Binocle. Le commodore maitrise le Mantra, je l'ai senti déployer le sien sous le coup de la colère pour "enregistrer" nos voix. Ton étudiant va vite se faire repérer s'il essaie de le fliquer, détailla Ombeline.
- Le commandant Mephis Toffel vient de t'ordonner de rentrer au QG ! rappela Bee.
- J'emmerde Toffel ! Je rentrerai nulle part avant de résoudre cette enquête. On continue, Lothy ?
- Et comment ! Mais il se fait tard et la journée a été longue, répondit-il en baillant longuement. Retrouvons-nous demain après une bonne nuit réparatrice.  

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!
Cette fois, ce fut l'escargophone de Bee qui sonna. Quelqu'un allait-il lui passer un savon également ? Loth et Ombeline l'espérèrent par esprit de revanche.

- Bee, j'écoute.  
- Bonsoir Commandante.
- Nerbosc, du neuf du côté de la tombe de Kalachnikov ?
- Oui et vous devriez tous venir voir. Surtout la commandante Lady.
- Moi ?
- On a retrouvé un vieil ami à vous à l’intérieur du tombeau, expliqua Nerbosc qui semblait à la fois dégouté et amusé.
- C'est Farida Faouzi ?
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- Ça... C'est du pure délire... baragouina Lady à la vue du corps étranger exhumé du caveau de la victime N°9 d’Elxa Maer.

Ce n'était pas Farida Faouzi mais un homme maigrichon doté d'une épaisse coiffure afro parfaitement carrée. Une coiffure comme celle-là, il n'y en avait pas deux sur les Blues et même si le corps n'avait pas été aussi parfaitement embaumé, Lady Ombeline n'aurait eu aucun mal à reconnaitre la tête de sa cible : Olusegun Soljäer. Habillé d'un costume trois pièces gris, il était bien plus soigné que ne l’était Snow. L'entaille qui partait de son sternum jusqu'à l'aine était impeccable, la main n'avait pas tremblé ici. L’œuvre du Maitre Embaumeur, se dirent-ils tous. La petite urne qui reposait à côté du corps devait naturellement contenir les entrailles prélevées. Le médecin légiste Illusion s'affairait autour du corps sous la lueur de lumino dials. Ils étaient dans le vieux cimetière d’Oldglaçon, fermé depuis plus d'une décennie. Pour ne pas attirer l'attention de curieux, les Élites déployèrent autour de la zone de fouille et nouvelle scène de crime, de grosses toiles noires destinées à emprisonner la lumière.  

- Je ne peux pas déterminer avec certitude le jour de sa mort, mais je peux vous assurer qu'il repose ici depuis plus d'un an, dit Illusion. Vous voyez ça ? Ces trainées verdâtres un peu partout sur son costume ? C'est un champignon particulier qui ne pousse que dans les tombes, à raison d'un centimètre par an. Les plus longs spécimens se situent dans son dos qui était en contact avec le cercueil de Kalachnikov. Le plus grand mesure un peu moins de deux centimètres.  
- C'est du pur délire... continua de bredouiller Lady, stupéfaite.
Quand mon équipage a commencé à recueillir des infos sur l'organisation Sigma, on a été face à une structure dispersée en petites entités mobiles, ce qui en faisait sa force. Le patron, tous ceux qu'on a capturés ne semblaient pas le connaitre. Beaucoup nous ont révélé qu'il a disparu de la circulation, s'est fait plus discret.
- Bah... Se retirer dans une tombe, on peut difficilement faire plus discret sœurette. Le patron de Sigma était donc mort tout ce temps. Qui dirigeait donc l'organisation ? Reich, tu ne dis rien ?
- Je suis aussi étonné que Lady, avoua le Moine. Selon Petit Bové, Snow aurait ouvert et laissé rentrer les tueurs chez elle, sans contrainte. Mais ça ne signifie pas vraiment qu'elle les connaissait personnellement. L’embaumeur aurait pu se faire passer pour n'importe qui de recommandable -un journaliste ou un riche amoureux de la faune décidé à investir dans la philanthropie pour animaux- et prendre un rendez-vous avec elle des jours avant. Pour moi, Déborah Snow n'était qu'une victime comme une autre, choisie peut-être à cause de son côté médiatique, mais une victime de pulsion, rien de plus. Une victime d'apprentissage, un cobaye même, vu que l’Embaumeur a essayé de former son Apprenti avec ce meurtre. Mais Soljäer change totalement la donne…
- C’était une étoile montante dans le ciel de la Mafia, pas le genre de random qu'on croise au détour d'une rue ou qui vit seul sans protection comme Snow, reprit Ombeline. Abattre ce type a dû demander beaucoup d'efforts à l’Embaumeur, pour le retrouver d'abord puis pour l'isoler ou se débarrasser de ses gorilles en même temps. Mais la vraie question c'est pourquoi prendre un tel risque ? Des inconnus à massacrer, c’est pas ça qui manque.
- Cela nous force à reconsidérer tout le profil, déclara Loth. On n'a pas affaire à un tueur d'opportunité.
- Un contrat ? proposa Midnight.
- Un contrat ? répéta Nerbosc.
- Ce ne serait pas la première fois qu'un tueur en série met ses talents au service du crime pour en vivre. Parfois même, ils mettent leur "art" au service de la Justice et on les appelle "Marine d’Élite" ou  "Membre de la Brigade Pénitencière".
- Fais attention à ce tu dis, Reich ! prévint Bee.
- Fais-moi la liste de toutes les victimes restantes connues de L'égorgeur, Binocle. Je vais les exhumer une à une.
- T'es pas sérieuse, Ombeline ?
- Pourquoi pas, grande sœur ? C'est la seule chose à faire pour en savoir plus sur cet Embaumeur et par extension, sur son élève ; ce qui nous permettra de retrouver Qilian Madstark, s'il est encore en vie. Soljäer, Snow, Faouzi, je vois pas très bien le lien entre eux. Si quelqu'un a commandité la mort des deux premiers, je veux savoir pourquoi. Peut-être que d'autres corps nous donneront des indices.
- Peut-être aussi que Snow et Soljäer n'ont aucun lien, rétorqua Bee. Si c'est un tueur à gage, sans doute des clients différents l’ont-ils engagé ?
- Pour confirmer ça, il nous faut déterrer pour faire la victimologie de ses contrats. Tu connais le proverbe dans le milieu ? "Dis-moi qui tu as tué, je te dirais qui t’as engagé. "
- Tu vas beaucoup voyager, ils sont dispersés sur tout North Blue, observa Loth.
- J'ai un équipage de trois centaines d'hommes désœuvrés, ça devrait m'aider à couvrir plus de terrain.
- Prenez des précautions quand vous exhumerez, annonça Illusion. Venez examiner le bord de la dalle tombale, vous remarquez ? Les mortiers sont de nuances différentes. Sombres pour les plus récentes et claires pour les plus anciennes. Les couches ont été faites et défaites.  
- Il revient sur les lieux, c'est ça ? conclut Loth. Oui, il rouvre les sépulcres pour admirer son œuvre, encore et encore. D'où la nécessité de l'embaumement dans son rituel. Pour préserver les corps. Ça colle aussi avec les flashs décrits par Petit Bové.
- L’embaumeur aime revivre ses crimes, ça on s’en doutait. Où sont les victimes de Maer les plus géographiquement proche de Boréa, le Binocle ?
- Il en a tué cinq à Sanderr et trois dans la Principauté de Kalvin. Tu devrais commencer par-là, suggéra le binoclard.
- Faisons ça. Je dispatche le reste de ma flotte libre pour retrouver tous les tombeaux et procéder aux exhumations. Mais ce sera quasi impossible de garder ça secret.  
- Sinon, du nouveau sur l'analyse des pierres, Illusion ? s’enquit le Dard.
- Ah oui, j'allais oublier. Les analyses chimiques ont révélé qu'elles contenaient une forte concentration de phosphore. Nos scientifiques pensent que c'est ça qui explique la couleur des stries parce que normalement, c'est tout noir le carbonado.  
- Et cette coloration excentrique ne la rend pas plus chère ? Ça n'a vraiment aucune valeur ?
- On a consulté un bijoutier qui nous a affirmé que la teinte rouge est une dégradation qui sape toute valeur au carbonado. A l'instar de Farida Faouzi, il pense que son prix se rapprocherait plus de celle du graphite que du diamant. Et le graphite ne vaut que dalle, déclara le légiste.
- Pourtant, c'est le seul lien entre Faouzi et Snow ! maugréa Ombeline.  
- Laisse-moi m’en occuper, intervint Loth. Ton équipage et toi, vous vous concentrez sur les exhumations pour étudier la victimologie de l’Embaumeur, et moi sur les liens entre Farida Faouzi et Déborah Snow. Je pense me rendre à Inu Town. Tu avais parlé de Samantha Thorn, l’amie de Faouzi. Je vais l’interroger. Bee, serait-il possible de me confier une des pierres ?
- Non, ce sont des pièces à conviction !
- J’en prendrais bien soin, je ne suis pas un novice en la matière, railla-t-il. Inu regorge de géologues et surtout de gemmologues très qualifiés venus étudier les roches et les cristaux de l’ile. Je pense qu’on y trouvera plus de spécialistes à même de nous éclairer sur la nature de ces pierres.
- Okey, on fait ça, agréa Ombeline.
- Hey ! C’est toujours moi qui dirige l’enquête aux dernières nouvelles !
- Alors donne ton approbation qu’on passe à autre chose grande sœur ! Farida Faouzi a flippé et a tout plaqué en apprenant la mort de Snow, c'est bien pour une raison. Mon intuition me dit qu'elles étaient impliquées dans un truc louche et qu'il y avait risque de se faire tuer. Ce qui est arrivé à Snow. L'autre aura donc détalé la queue entre les jambes. Sans mauvais jeu de mots...
- Nerbosc a enquêté sur Snow, elle n’était pas du genre à tremper dans une affaire illégale, fit Bee, pas convaincue. On a rien trouvé dans sa vie qui indique qu’elle vivait au-dessus de ses moyens en tout cas.
- C’est le concept du contrebandier. Si elle veut passer sous les radars, elle ira pas hurler au vent qu’elle traficote, enchérit Lady.  

Loth et elle prirent congé de Boréa dans l’heure qui suivit.


[...]

Quelque part à Boréa...

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Il est très tard, je suis étonné de recevoir ce coup de fil. Que se passe-t-il ? fit la Première voix, solennelle.
- Il se passe que les diables ont franchi les barrières ! Ils sont venus chez moi ! Leur collaboration est dangereuse pour nous tous, répondit une Seconde voix sonore et semblant en colère.
- Qui ça "les diables" ? demanda le Troisième orateur de cette conférence escargophonique. Sa voix était cassée, une sorte de râpage.
- Les sœurs Santana et Loth Reich ! Séparément, on peut les gérer ; ensemble, c'est une autre histoire. Notre politique a toujours été de voler sous les radars.
- Leurs réputations ne sont-elles pas surfaites ? essaya timidement le Premier Orateur.
- Allez dire ça au Conseil de Lunes annihilé par Reich et Midnight Santana ; allez dire ça au Réseau Damam sur East Blue, à la Cellule Révolutionnaire Seagul Blood, à la Triade des Dragons de l'Ouest, au Cartel du Vesprée et aux Chevaliers des Ziggourats, tous démantelés et exterminés par Lady Ombeline et son équipage de bêtes ! aboya le Second. Si ce microbe de Madstark n'était pas allé voir Reich, tout ceci ne sera pas arrivé ! Je te blâme Pavel !
- J'suis conscient d'ça, Sensei, répondit la voix cassée et navrée du Troisième. Mon fils a jacté à Madstark qui s'en est allé cafarder à Reich.
- C’est aussi à cause de ton fils que ton enterrement a été remarqué ? cingla le Sensei. Tu n’as pas été fichu de bien ensevelir Snow, vous avez merdé tous les deux !
- J'peux réparer, Sensei. M'occuper d'eux, comme j’m’suis occupé de Snow et d’bien d'autres.
- Tu veux éliminer deux Commandantes d’Élites et un détective à la renommée internationale ? Tu veux qu'on devienne la cible des sous-amiraux du QG ? Non, il faut juste les détourner de nous. Ce sont des hyènes affamées, le morceau de viande qu'on leur jettera devra être juteuse et parfaitement correspondre à leurs attentes.
- Qu'est-ce qu'ils savent, de quoi doutent-ils ? s'enquit le Premier, apeuré à présent. Nos identités sont-elles compromises ?
- Ils me soupçonnent et pensent que j'ai adopté Madstark parce qu'il est l'enfant de Maer.
- C'est pas si loin de la vérité, Sensei, osa rigoler Pavel, le Troisième.
- Tant qu'ils dirigent tous leurs soupçons sur Madstark, on est tranquille. J'ai appelé quelques amis influents pour mettre des bâtons dans leur enquête mais je crois pas que ça suffira à les arrêter. Il faut leur donner un autre os à croquer.
- Comment ?
- Ça, je m'en occupe.
- Vous même, Sensei ?
- Ton fils et toi avez mis en péril tout ce qu'on a mis deux décennies à construire, Pavel ! Je ne vais pas te laisser la bride tranquille comme les autres fois. En plus, cette menace sérieuse nécessite des mesures énergiques. Je m'occupe des leurres, quant à toi, tu concentres tous tes efforts sur le marché parallèle développé par Snow. Où ça en est ?  
- J'ai rien trouvé d'abord, Sensei. Sûr qu'elle nous l'faisait à l'envers en montant ses propres affaires mais, j'ai pas encore capté ses assos'.
- Peut-être ne fallait-il pas la tuer avant de lui demander avec qui elle nous trahissait, non ?! intervint le Premier Orateur, énervé.
- C'tait prévu ! Mais l'p'tit, l’était trop crispé pou’sa première fois, l'a frappé trop fort à la tête et au lieu d'l'assommer… bah l'a tuée.  
- Et elle est morte avec les précieuses informations sur le marché qu'elle nous glanait ! Même si elle nous taxait, Débo' demeurait une très importante associée. Elle n'est plus là et nous ignorons si son successeur sera aussi factuel. Et comble du ridicule, nous sommes maintenant en ligne de mire de trois limiers qui viennent s’ajouter aux Tempiesta !
- J’croyais qu’les Tempiesta, on en f’sait nos alliés ? riposta-t-il, glacial.
- Tu es demeuré ou quoi ? El-Tigre est à deux pas d’être intronisée à la Septième place des Familles les plus puissantes de North, ce qui signifie que nous jurerons allégeance aux Tempiesta. Si tu n’as pas remarqué, je t’informe que c’est la guerre entre les Familles depuis deux ans ! Ce que veulent les Tempiesta, ce ne sont pas des alliés mais du cash pour gagner leur guerre ! C’est la base de l’accord que nous avons conclu avec eux, nous les fournirons en moyens financiers, pas en hommes. Mais du liquide, nous n’en avons plus à cause des malversations de Snow, je te signale ! Que penses-tu que diront nos nouveaux maitres quand ils se rendront compte que nous sommes à sec ?  tempêta le Premier. Je vais te donner un indice : nous avons pris les mêmes mesures contre Snow quand nous l’avons soupçonné de nous trahir.
-  Blablablabla… Mais pou’quoi t’y dis qu’on n’a pas d’flouze alors que t’y viens d’fêter ton gros pactole, l’sieur milliardaire ? Ça t’a pas dérangé d’annoncer à tout l’monde que t’étais plein au cul, avec l’argent d’l’organisation !
- Parce que si je ne l’avais pas fait, quelqu’un aurait forcément remarqué que j’avais des possessions au-dessus de mes moyens ! Il a fallu faire un gros montage financier pour dissimuler tout ça ! Et malheureusement, je n’ai pas un milliard en espèce, c’est juste la valeur de nos possessions, que ce soient les terrains, les immeubles ou les participations dans des entreprises privées et étatiques. Si ce genre de montage permet de blanchir efficacement, mais ça pose un souci en cas de liquidation. Tu ne penses pas que quelqu’un se poserait des questions si je venais à vendre mon domaine de trois cent hectares ? Bref, on n’a pas d’argent facilement mobilisable ; la caisse, c’est Snow qui la gérait et elle l’a détournée pour créer son organisation dont on ne sait toujours rien ! Parce tu as regardé ton fils la tuer au lieu de l’interroger ! Encore ton maudit instable fils ! Pourquoi tu l'as emmené pour ce travail ?
- Ça t’y vas bien d'critiquer ceux qui bossent dur ‘lors que t’hivernes dans ton maudit château et à t’y faire des couilles en or ! cracha Pavel, vert de colère. Blanchir l'argent, c'comme s'essuyer l'cul après chier. L'moindre effort quoi ! En plus, t’y es incapable, d’nous fournir du pèze quand on en cherche !
- Assez, vous deux ! intervint le Second Orateur, alors que le Premier s’apprêtait à rendre une réponse cinglante.
On manque cruellement de liquidité, c’est un fait. Si on n’en trouve pas assez pour contenter les Tempiesta -soit deux cent millions de Berry rapidement- on se fera écraser. On n’est pas de taille, c’est aussi un fait parce qu’on a plus investi dans la furtivité que dans l’armement.
Donc, si on commence à se tirer dans les pattes, on finira tous morts, des mains de nos nouveaux alliés ou des détectives. C’est encore un autre fait. Il faut se bouger et se serrer les coudes. Baron, tu dois nous sortir du liquide sans alerter nos détracteurs. Trouve un moyen. Pavel, ta mission reste la même : en savoir plus sur l’organisation de Snow, ses associés, ses marchés, ses clients. Si on parvient à récupérer les cent cinquante millions qu’elle nous a dérobé, on sortira direct la tête de l’eau.  
- Compris, Bright.
- A v’ordres, Sensei.

Pavel raccrocha une telle rage qu'il explosa le dispositif téléphonique greffé à la limace. Aussi vite qu'il le pût, le pauvre gastéropode s'éloigna de lui de peur de subir les affres de sa colère. L'homme émacié couleur de lait se tourna vers un autre être plus jeune que lui qui tremblait, gémissait, marmonnait tout seul comme un fou, recroquevillé sur un canapé élimé. Pavel le toisait avec un mélange de commisération, de colère et de devoir. Aussi misérable et faible fût-il en ce moment, il demeurait son fils et c'était à lui de l'éduquer. Comme son propre père l'avait fait avant que le Sensei ne reprenne la main. Sa frustration s'accentua un peu plus. Il ne pouvait pas le dire au Sensei à cause du respect de rigueur mais c'était entièrement de sa faute à lui si son fils était aussi piteux.

Si le vieux l'avait laissé le former à sa manière, il n'aurait pas eu cette vie facile qui l'avait rendu si misérable. A vingt-trois ans, incapable de trucider un chaton ?! Trembler comme une feuille sous la bourrasque dans la seule perspective de vider une femme ? Quelle maudite faiblesse était-ce ? Dégoûté, Pavel cracha un épais mollard sur le parquet vieilli. Lui-même savait à peine parler que son propre père lui donnait de petits animaux à massacrer. Cela avait forgé son caractère.
D'une poigne de fer, Pavel saisit son fils au col et le traina vers une ouverture dans le parquet. Ils descendirent des escaliers grinçants et atterrirent dans un petit espace miteux éclairé par une lampe à huile. Enchainé à un pieu profondément enfoncé dans le sol boueux, un garçon au visage lunaire constellé de taches de rousseur. De lui ou du fils de Pavel, il était difficile de savoir qui trépidait le plus.

- Ton grand ami ! T'y sais dans quelle merde y nous a foutu ? Hein Piotr ?
- P-pitié... supplia Qilian Madstark, très mal en point.
- J'y vais t'apprendre moi, la pitié !

Lâchant son fils, il se rua son supplicié qui s'affala même avant d'avoir été touché. Ses lèvres avaient bleuies et il ne sentait plus du tout ses pieds bons à jeter maintenant. D'ailleurs, il lui manquait plusieurs orteils. Au bord de l'hypothermie, Qilian sombra dans un état catatonique, les yeux vides, ouvrant et refermant la bouche comme un poisson hors de l'eau. Depuis sa capture, il servit de souffre-douleur à Pavel qui pourtant, ne l'avait pas touché une seule fois. Non, il s'était contenté de regarder, de forcer son fils donner la souffrance à son meilleur ami. C'était de cette manière qu'il entendait l'endurcir.
Pavel se ravisa dans sa ruade puis se retourna vers son rejeton avec un sourire sadique. Il sortit un couteau recourbé de son manteau et le lui fourra dans la main. Le pauvre garçon, déjà atterré était au paroxysme de l'épouvante. Ses tremblements auraient rendu jaloux un épileptique. Ses jambes flageolantes cédèrent sous lui mais avant d'embrasser le sol, son paternel le saisit à deux mains et le mit fermement debout. Dans ses prunelles délavées, cette lueur démente qui précédait généralement les génocides. Il aboya :

« T’es un Maer ! T'es Piotr Maer ! D’la troisième génération ! Et un Maer est pas un faible avorton ! Tu piges ? Si seul'ment ton grand père n'était pas mort ! Tu l'aurais rencontré, il aurait fait d'toi un meilleur homme ! Mais j'suis là, et tout c'qu'il m'a transmis, j'dois t'le transmettre ! C'est l'héritage familial ! T'y sais combien d'bouquins causent d'lui ? D'ces exploits ? J'aurais pu être plus célèbre qu'lui mais à cause du boulot et du Sensei, j'dois d'meurer dans l'ombre. Puis j'm'y plais. Tu peux pas fuir ton héritage, on peut pas aller contre l'hérédité ! Dans tes veines coulent l'sang de L'égorgeur d'port en port ! Tu dois l'y faire honneur ! »  
Il termina son discours en secouant son fils, comme pour faire renter ses mots dans chaque cellule de son corps. Puis, il ajouta : « Aujourd’hui, c’ton test final. T’y t’es débrouillé pas mal avec la gow Snow mais c’tait une inconnue pou'toi. T’y sais comment papa m’a testé pou'savoir que j’tais prêt à lui succéder ? T’y sais qui j’ai vidé ? Maman ! Celle qui m’a allaité ! J’l’ai fait, pou’lui montrer que j’tais son digne fils ! Rends-moi fier fiston ! Trucide c’lui que tu considères comme ton meilleur pote, comme ton frère. Vas-y, égorge Qilian Madstark ! »

- Pitié... marmonna le prisonnier, revenant à lui pendant que la peur paralysait Piotr Maer.
- Vas-y, fiston !
- N-noon... j'peux... aider...
- Hein ? T'y baragouines quoi pou'essayer d'gratter quelques s'condes ?
- Aider... j'peux... entendu... conversation... escargophone... sais...
- Hein ? T'y sais quoi ? Hein ? Hein ?
- Étais... soirée... milliard... avec... Snow... connais... contre...ban...de...

Dans un dernier hoquet, Qilian Madstark s'évanouit, face contre terre. Le sourire dément qui marbrait le visage de Pavel Maer changea de nature. Avant, il voulait hacher menu Madstark, maintenant il souriait parce qu'il le voulait en vie. Le garçon était de la fête, oui, c'est d'ailleurs là qu'il avait rencontré Reich. Et là, il parlait de contrebande ? Était-il possible qu'il eût entendu quelque chose, était-il possible que les associés de Snow fussent de la fête du milliard ? Machinalement, il passa une main dans ses cheveux bruns sales. Ou le garçon lançait-il son dernier coup d'archet au seuil de la mort ? Ne bluffait-il pas ? Pavel jeta un regard oblique à son fils qui tremblait toujours, les yeux fixant le vide, des larmes dégoulinant sur ses joues. Qu'est-ce qu'il avait à perdre à attendre ? Si réellement Madstark savait quelque chose à propos du réseau de contrebande parallèle mis en place par Snow sur leur dos, alors l'entreprise serait gagnante. Il y aurait encore espoir de récupérer de l'argent pour payer les Tempiesta avant l'arrivée de leur Recouvreur. Autrement, il fallait se préparer à l'affrontement avec la moribonde mais non moins plus puissante de toutes les Familles mafieuses de North Blue. Pavel éclata d'un rire aigu qui jeta l'effroi sur son fils qu'il désarma. Ensuite, il lui intima : « C’bon, va chercher d’leau et des couvertures. Faut soigner ton pote, j’espère qu’il a vraiment d’choses à m'conter, sinon, y va r’gretter d’pas être mort. »


[...]


Même s'il avait voulu somnoler encore un petit moment, le sergent T. Levan n'aurait pas pu. Cet air que sifflotait cette femme rousse était entêtant et vous pénétrait par les pores. Derrière son comptoir entouré de parois grillagées, le sergent secoua la tête tel un vieux chien mouillé. La femme continuait de siffloter. Il remarqua qu’elle s’aidait d’une canne pour tenir droit et qu’à son pied gauche, on avait apposé de lourds bandages surmontés d’un dispositif orthopédique. De chaque côté, elle était flanquée de deux gros gaillards patibulaires aux airs de chiens de garde. Tous trois portaient des manteaux blancs immaculés de scientifique par-dessus des vestes et tailleurs haut de gamme. La siffleuse sortit sa carte militaire qu'elle tendit au sergent qui fut surpris en l'entendant parler. Elle zozotait. « Ze suis la professeure Alberta Stein, Inzénieur zénérale de la Brigade Scientifique. Nous sommes venus sur ordre de la commandante Bee Zantana nous z’emparer des scellés dans l’affaire Znow. » Levan regarda incrédule le petit bout de femme et sa carte. « Quel scellé exactement ? Y a des centaines d'choses qu'ont été mises sous clés. D'ailleurs il est où votre bordereau et les décharges ? »

- Dommaze que tu sois si profezionnel ! lança la dame.

Puis ce furent les ténèbres.


[...]

Midnight ne savait plus combien de fois cela lui était arrivé ces derniers temps mais son aide de camp la réveilla en sursaut, encore une fois. Cette fois-ci, elle ne perdit pas de temps à trainasser au lit mais se leva comme si elle avait reçu une décharge électrique. S'attendant à une autre histoire de corps retrouvé, son aide la surprit en lui parlant cette fois-ci de casse. Un vol ayant eu lieu aux premières heures du jour dans un local annexe, au sein même de la garnison.
De la garnison !
D'un bond, elle se retrouva devant le bâtiment bafoué. Le cœur du Dard de Minuit battit si fort qu'elle le ressentit quelque part dans sa gorge. C'était le Bureau des scellés, là où toutes les preuves, sur toutes les affaires étaient conservées. Un endroit au centre du complexe de la 444e, difficile d'accès par essence, ce qui expliquait le peu de protection dont il jouissait. Illusion qui était sur place bien avant elle lui fit un résumé de la situation. « Aucun mort à déplorer, c'est ça la bonne nouvelle. Ils ont utilisé du gaz via le système d'aération pour endormir tout le monde ; 'fin, les trois gardiens plus le sergent de garde au comptoir quoi » exposa-t-elle. « Ce sont des pro' à n'en pas douter. On ignore quand ils ont installé le système et comment ils sont rentrés dans la base et arrivés jusqu’ici mais une complicité interne n'est pas à exclure.  »

- Viens en au fait, qu'est-ce qu'ils ont volé ? coupa Bee, impatiente.
- Les roches. Ils ont embarqué deux des trois roches blanches zébrées retrouvées au domicile de Snow. La troisième, on l’a confiée à Reich à sa demande.
- Bordel de merde ! ragea l'Abeille en donnant un coup de pied dans le vide.
- Finalement, c'est Lady qui avait raison. Ces pierres ont une certaine valeur que nous n'appréhendons pas.
- Oh tu crois ça ?! Appelez Reich, informez-le. Si l’information a fuité, ceux qui ont organisé ce casse pourraient bien le traquer pour récupérer le dernier caillou ! intima-t-elle en s'éloignant à grand pas, furieuse de s'être faite dépouiller chez elle.


[...]

Quelque part, sur North Blue...

La rouquine massait son genou douloureux qui par moment l'élançait. Crispée, elle jetait des regards inquiets de droite à gauche. Elle s'attarda sur la porte que veillait un homme costumé au visage impassible. Sa veste était blasonnée d'une chouette, symbole de la famille Martico. Déborah lui avait maintes fois parlé de cette famille de voleurs de haut vol, une des Sept plus puissantes de cet océan. Les Martico avaient aussi la main mise sur les ventes aux enchères clandestines, leurs salles étaient les plus fournies -par leurs soins-, les plus fréquentées par les pontes du crime organisé de toutes les Blues. Le veilleur annonça les Martico. D'abord, la "Grande Chouette" Fernando Martico, le parrain de la famille. C'était un grand homme assez enrobé suivi de la "Blanche Chouette" une belle jeune femme blonde assez svelte. Dans son ombre se glissa sa jumelle, la "Chouette Noire", Brianna Martico plus connue sous le surnom de "Cat's Eye". Des Martico, c'était la seule connue et primée, contre toute les traditions de la famille qui cultivait une totale discrétion. Ils s'assirent en face d'elle après les salutations d'usage. Farida attendit, les mains sur les cuisses que le parrain lance la conversation. Les coutumes étaient importantes dans ce milieu qu'elle commençait juste à découvrir.

- Vous nous avez demandé audience. On vous écoute, introduisit le parrain.
- Bonjour. Euh... ze m'appelle Farida Faouzi, ze suis zéologue. Ze... euh... Z'ai entendu parler de vous par une amie, Déborah Znow. Elle m'a dit où vous trouver.
- Jamais entendu parler, intervint Cat's Eye. Elle était dans l'milieu donc ?
- Oui.
- Quelle famille ?
- El-Tigre, répondit la zozoteuse.
- Qui ? Connais pas, fit la Blanche Chouette.
- C'sont sans doute des minables, renchérit la Chouette Noire.
- Vous vous trompez. El-Tigre est en passe d'être intronisée par les Tempiesta comme une des Sept Famille. La zeptième place est inoccupée depuis le déclin de la famille Audiffreddi. El-Tigre est une famille de l'ombre qui a grandi ces dernières années. Je crois savoir que la famille Shell tente de voler vos parts de marché ?
- Ouais, dirigés par Merlinda "Hot Widow", ils essaient de nous concurrencer. Ils ont fait échouer quelques-unes de nos opérations avec leurs méthodes d'amateurs. Merlinda ne perd rien pour attendre ! ragea Lyanna. Quand je lui mettrai la main dessus...
- Vous chercherez longtemps alors. Elle est morte depuis un moment.
- Quoi ?
- Azazinée par El-Tigre dans la plus grande dizcrétion. C'est eux maintenant qui dirizent Shell.
- Es-tu là de la part d'El-Tigre pour nous faire une offre ?
- Non, au contraire ! Déborah Znow était ma meilleure amie et El-Tigre l'a faite tuer ! Ze veux ma revenge ! Ze veux la tête du parrain d'El-Tigre !
- On n'est pas des tueurs à gage, fit paisiblement la Grande Chouette.
- Bien sûr que si, Cat's Eye en est une, rétorqua Faouzi.
- En contradiction de toutes les règles de notre famille, précisa Lyanna. Cat's est une épine dans nos pattes.
- Hey ! J'suis là !
- Adresse-toi à des professionnels du meurtre, on ne peut pas t'aider, conclut le parrain en se levant.
- Même si je garnis vos salles aux enchères de produits si rares qu'il y aura une affluence record quand le bruit se répandra que vous en vendez ?
- Quel produit ?
- C'est dans la pièce voisine, votre garde l'a confisqué. Venez voir.
- Wow ! s'exclama Lyanna. Grand père c'est... J'en ai jamais vu d'aussi complet... Wow ! Ça doit valoir... Le prince Gravilo serait prêt à débourser des tonnes de Berry pour en avoir un d'aussi complet... bafouilla-t-elle, émerveillée par le produit de Faouzi. Pas seulement lui, le maréchal Champollion aussi, le professeur Abass, la vieille Bathilda Smith...  
- On a une gamme de clients qui se jetteraient dessus, je le reconnais, fit le vieux de sa voix profonde. Où avez-vous trouvé un produit aussi rare et complet ?
- Ze vous le dirais, à condition que vous me venziez. Ze veux la tête du chef d'El-Tigre. Ze veux DeMar Bright, mort ! Déborah et moi, on a monté notre propre affaire basé sur ce produit, mais on a encore rien vendu. Ze propose qu'on s'associe. Ze connais un endroit où les trouver. On peut faire beaucoup de fric ensemble.
- Moi, ça m'semble une proposition intéressante, se réjouit Cat's. J'peux m'occuper d'ce type, hein, Grand Père ?
- Ne viens-tu pas de dire qu’El-Tigre s'apprêtait à s'associer aux Tempiesta ? S'en prendre à eux signifierait donc s'en prendre aux Tempiesta, fit remarquer le parrain.
- Déborah m'a dit que dans cette guerre, vous n'aviez pas z'encore choisi votre camp mais ça se murmure que vous seriez alliés aux Venici, premiers ennemis des Tempiesta.
- Il y a une différence entre les rumeurs et la réalité ma fille.
- C'est peut-être le moment de jouer carte sur table au grand jour, non ?! Pesez le pour et le contre, voyez ce que mon offre va vous rapporter.
- On peut aussi t'capturer et t'torturer jusqu'à c'que tu nous dises où t'as trouvé cette merveille non ? menaça Cat's.
- Déborah m'a dit que le parrain était très attaché aux anciens codes et à l'honneur. On ne tue pas un invité. Puis, ze n'ai rien à perdre, El-Tigre me traquera s'ils percent mon identité. Alors ? Alliance ou pas ?
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Sanderr

Sanderr ne se trouvait qu'à quelques milles nautiques en dehors des eaux territoriales de Boréa. La nuit avait été très courte pour Lady Ombeline qui la passa à sommeiller sur le pont de son petit voilier et à être arrosée d'embruns. A la barre, un sergent navigateur de la 444e qu’elle embarqua dans son périple. Ils atteignirent l'archipel de Sanderr à deux heures du matin. Bien que relativement petit, le port de l'ile forestière de Kronz était l'une des plaques tournantes du commerce du bois sur North Blue, aussi n'y dormait-on jamais. Selon Loth et son livre -dont elle trouva un exemplaire avant de quitter Boréa- les cinq victimes d'Elxa Maer sur l'ile étaient toutes ressortissantes du village des Seals qui gérait la zone portuaire. Son surnom de "port en port" n'était pas abusé à Maer, il ne s'éloignait jamais des quais ou de la mer, ce qui conduisit d'ailleurs à sa perte. L’Élite dut attendre le matin avant de présenter ses doléances au chef de village qui la regarda de ses yeux ronds dissimulés sous un mono-sourcil broussailleux.  

- Exhumer ? répéta-t-il sans comprendre.
- Oui, Grand Condor, on doit exhumer les corps de ceux qui ont été tués par le Malin du Port comme il est appelé chez vous. Tenez, regardez ces photos, ce sont celles des tombeaux de Jamison Reeder et de Yelena Kalachnikov, deux autres victimes du Malin. Quelqu'un s'amuse à ouvrir leurs tombeaux pour y placer des gens qu'il a lui-même tué. Nous devons vérifier qu'il n'a pas souillé la mémoire de vos disparus.

Ce ne fut pas facile de convaincre les indigènes. Les coutumes locales rendaient le rapport avec l'au-delà très délicat. Beaucoup de superstitions, beaucoup de peur de la mort surtout. Le chef délibéra pendant trois heures avec les siens et ce fut sous les coups de huit heures qu'ils autorisèrent enfin l'ouverture des caveaux. Apparemment, ils étaient tous d'accord que visiter des morts était un sacrilège mais la perspective que quelqu'un fût déjà passé en ajoutant la mort à la mort était un plus grand sacrilège. Ils préférèrent donc inspecter les lieux sous la houlette d’un Marine.
A Sanderr, il faisait encore plus froid qu’à Boréa. Là où les douceurs de l'automne et de l'été dégivraient un peu la Belle du Nord, Sanderr demeurait toujours glacée, quelques soient les saisons. Les sépulcres étaient très compliqués à creuser à cause du permafrost et sur Krong, les autochtones optèrent pour une inhumation des plus originales. Forés, les troncs des grands arbres millénaires furent transformés en gruyère, comme si des oiseaux excavateurs à taille humaine y nidifiaient. « Wow ! Un cimetière vertical... » s'exclama-t-elle. Les ouvertures étaient scellées par de la sève durcie et grâce aux températures négatives, aucune odeur de décomposition n'empestait les lieux. Les sépulcres les plus vieux étaient tout en haut des arbres hauts de plus de trente mètres. Pour les atteindre, elle s’aida du Geppou. Ayant été égorgées le même soir, les cinq victimes furent inhumées côte à côte.

- Vous pouvez desceller ?! demanda Lady au chef du village.

Les autres villageois et lui la suivaient dans les airs grâce à des oiseaux géants. Sa requête ne fut satisfaite qu'après moult prières et invocations spirituelles. Les gardiens des arbres-cimetières ouvrirent les cinq sépulcres. Ce fut une surprise pour L'épée du Matin de découvrir que même à cette hauteur, l’Embaumeur avait fait des siennes. Dans trois des cinq tombeaux, il y avait un autre corps et bien sûr, le vase canope qui allait avec. Les prières des indigènes se firent plus intenses, on entendit des roulements de tambour, des cors et des chants religieux. Les corps étrangers furent débarqués et encore une fois grâce au super travail d'embaumement couplé au climat de l'ile, l'identification ne fut pas bien difficile. Elle reconnut en un grand homme musclé à la coiffure de punk, Oleg "L’exécuteur" primé à dix millions, chef du gang des Childboy qui contrôlait le marché de la contrebande de cigarettes dans la zone occidentale de North. Puis elle identifia Khamis, sept millions de Berry, parrain de la famille Al-Seida. Natifs de West Blue, ils arrivèrent sur North pour concurrencer la Sigma de Soljäer sur le marché du trafic d’antiquités. Le dernier cadavre était celui d’une femme, Merlinda "Hot Widow", neuf millions de Berry, chef maquerelle et assassin N°1 de la famille Shell. Leur rayon, c’était le vol d’objets d’arts.
Ombeline esquissa un sourire. Pour elle, enfin, le mystère s'éclaircissait.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Oh salut grande sœur. J’allais t’appeler. Quoi de neuf ce beau matin ?
- Devine.
- Le commodore DeMar a ligué le roi contre toi aussi ?
- Si seulement. Quelqu'un est venu nous piquer les pierres saisies chez Snow. Ils n'ont pris que les blanches striées de carbonado rouge. La sécurité a été très défaillante, une enquête est en cours mais ça sent clairement la mouette mouillée.
- Oh sa mère...
- Ça tu l'as dit.
- On a une idée de leurs identités ? Les escameras de la base ?
- Rien. C'est pour ça que la collusion interne est évidente. Ils sont passés par des angles morts et le réseau d’aération. Mais le sergent au comptoir nous a donné une description. Et c'est pour ça que je t'appelle en fait. Selon lui, le trio de cambrioleurs était dirigé par une femme rousse qui sifflotait beaucoup. Il se rappelle qu'elle zozotait aussi.
- FARIDA FAOUZI ! lâcha Ombeline. Mais Darlessa l’a descendue au genou gauche, elle devait pas être au meilleur de sa forme non ?
- Oui, le sergent a rapporté qu’elle avait des bandages et portait une sorte d’attelle orthopédique cybernétique.  
- Nan mais cherche pas loin, c'est elle bordel !
- Je viens de lancer un mandat d'arrêt contre elle et mis sa tête à prix.
- Wow, rapide ! Snow et elle trempaient dans quelque chose, c'est sûr, maintenant ! Ces pierres doivent valoir cher pour avoir le toupet de venir les voler dans une base de l’Élite.
- L’Embaumeur et son apprenti ont retourné la maison en les ignorant.
- Ils ne connaissaient pas leur vraie valeur. Comme nous même. Espérons que le Binocle découvre ce que ces cailloux ont de particulier.
- Ça me rend toujours malade de croiser les doigts en espérant que Reich réussisse. Sinon, t’as fini de déterrer tes macchabées ?  
- Ouaip et j'y vois un peu plus clair maintenant. J'ai devant moi trois dépouilles de chefs d'organisations mafieuses de petite et moyenne importance de cet océan.
- Trois ?!
- Je pense qu'on affaire à une O.H.A.
- O.H.A ?
- Opération Hostile d'Assimilation. Je crois que, dans la plus grande discrétion, une organisation s'est mise en place ces dernières années sur les cendres d'autres orga'. Qu’il en soit le cerveau ou juste le bras armé, ce nouveau groupe s’est servi de l’Embaumeur pour éliminer les têtes de pont des orga' visées pour ensuite les absorber.
- Hmmmm, de leur vivant, tous ces gens avaient des tonnes d’ennemis. Sur quelle base tu affirmes que ce sont pas plusieurs personnes différentes, pour diverses raisons, qui ont mis des contrats sur leurs têtes ? Comment sais-tu que l’Embaumeur n’est pas juste un tueur à gage à la solde de multiples mafias ?
- Parce qu'il n'y a pas eu d'esclandre, répondit Lady, persuadée de tenir enfin la vérité.
J'ai commencé à poursuivre Soljäer bien avant son meurtre ; après, mon équipage n'a remarqué aucune une lutte de pouvoir au sein de Sigma sinon, on aurait su que la tête pensante avait clamsé. Tout est resté en place, uni autour du même chef apparent. Je ne prétends pas savoir comme s'y prend exactement ce nouveau groupe pour ne pas déclencher d'effusion de sang mais les preuves indirectes sont là. Si on fouille du côté des mafias que dirigeaient ces trois macchabées, je suis certaine qu'on trouvera que tout roule mieux que sur des roulettes. C'est un mode opératoire que je n'avais encore jamais vu.
- Moi si. Chez les agents secrets. Le Cipher Pol et la Révolution utilisent les mêmes tactiques de parasitage, fit Midnight, préoccupée. Quand une organisation est trop puissante ou qu'on y perd beaucoup trop à en prendre publiquement la tête, on élimine juste cette dernière et on place un homme de paille ou un sosie à la place. Ni vu, ni connu. C'est l'une des principales hantises du Gouvernement, que ses royaumes soient en fait gouvernés par des dissidents et qu'à un moment, tous fassent sécession et lui déclarent la guerre de tous les côtés.
- Je vais faire emballer les cadavres et les envoyer à Illusion. Il faut qu’on arrive à faire la chronologie des meurtres de l’Embaumeur. S’il tue depuis longtemps, le nouveau groupe criminel qu’il sert s'est sans doute mué en un puissant réseau.
- C'est quoi la typologie de leurs marchés ? demanda Bee.
- Voyons : les antiquités, la contrebande de cigarettes, le vol d'objets d'art.
- Ils semblent se limiter aux petites niches dont se désintéressent les cadors du crime.
- Pas vraiment. La contrebande d’antiquités est en expansion et beaucoup de grandes familles comment à zieuter ce secteur. Puis le vol d'objets d'art est un des marchés qui rapportent le plus de cash via les ventes aux enchères secrètes, objecta Lady. D’ailleurs, c'est la chasse gardée des Martico, une des sept Familles. On dirait que notre nouveau groupe mystère utilise une stratégie de type holding qu'on retrouve dans le domaine de la finance. Ils doivent se comporter comme une maison mère qui a de petites filiales. En grappillant ci et là, ils jouent sur tous les tableaux et limitent les risques liés à une seule activité.
- Hmph... Si tes déductions sont justes alors Snow serait quoi ? La patronne d'un groupe mafieux ?
- Ce serait pas déconnant, on a déjà quatre cadavres de mafieux sur les bras. En fait, avec ces nouveaux indices, je devine même dans quelle activité criminelle notre activiste pourrait être impliquée, affirma Ombeline. Grande sœur, à quoi Snow a-t-elle consacré sa vie entière ?
- A la défense des espèces menacées.
- Et ce qui est rare est cher. Le trafic d'espèces rares ou en voie de disparition est un marché très porteur qui étrangement n'a pas de gros leader sur North Blue. Grâce à sa renommée et à la 4A, Snow pouvait facilement se procurer les créatures les plus rares. Je pense qu'elle contrôlait ce marché et qu'elle a été éliminée par notre nouvelle organisation. Malheureusement pour eux, ça s'est pas passé comme prévu, le corps a été découvert.  
- Donc logiquement, on aurait dû avoir des luttes de pouvoir non ?
- A moins que la passation ne s'est faite pacifiquement. Si Snow avait un second désigné, il aura pris le pouvoir sans esclandre.
- Tu penses à Faouzi ?
- Totalement. Mais je pense surtout à la 4A, grande sœur. Si ça se trouve, tout le groupe n'est qu'une façade pour dissimuler leur mafia. Tu dois les disséquer.
- Pas si vite en besogne votre sainteté ! objecta Midnight. Ce serait un véritable scandale d'affirmer à Boréa que la grande protectrice des droits de la faune et de la flore est une contrebandière ! Et tout ça, ce sont que des soupçons.
- Sans te manquer de respect, grande sœur, tu vas finir par marcher à reculons en considérant à chaque fois les troubles que va causer la vérité ! On s'en fout du choc que ressentira le citoyen moyen de Boréa ! C'est la vérité qui nous intéresse, on n'est pas des bureaucrates, laissons-leur la gestion de la merde ! Et ne me dis pas que t'es devenue une putain de bureaucrate ! s’emporta L’épée du Matin.
- ...
- Tant mieux. Moi, je vais continuer les excavations des quelques tombes que mon équipage a retrouvé dans la République de Kalvin, dans l’émirat Youd Moriar, à Hat Island... On ne trouvera pas tous les tombeaux des victimes de Maer, c'est sûr mais mes gars ont fait un travail exceptionnel en seulement une nuit ! Toi, tu me remues la merde et tu me trouves tout ce que tu peux sur la vie cachée de Snow et la vraie nature de la 4A. C'est dans l'intérêt de Boréa en plus. Faouzi est devenue très audacieuse, comme le prouve son casse. Si sa cheffe a été tuée par une organisation rivale implantée dans le royaume, tu risques d'avoir une guerre des mafias sur les bras. Donc tu te bouges, c'est un ordre !
- J'étais déjà Commandante quand tu étais encore Sergente, idiote, répliqua Midnight mi amusée, mi piquée à vif par le sermon de sa cadette.  
- Certes mais là, je dois retrouver ma grande sœur. Celle qui m’a un jour dit de jamais hésiter à cracher au visage des politiciens et des bureaucrates de tout poil tant que le Gouvernement triomphe, celle qui ne se souciait pas des dommages collatéraux !

Le Dard de Minuit raccrocha en se demandant si cette Midnight là n'était pas morte le jour où elle a accepté de commander une garnison.  


[...]

Boréa, Baronnie de Blanchecastel
Dans les steppes...


Sa respiration était rauque et projetait des buées à chaque expiration. Sa vision en monochrome rendait le paysage de la toundra plus terne qu'il ne l'était réellement. Ses puissantes pattes l'emmenèrent en haut d'une espèce de corniche d'où il eut une vue plongeante sur la lande en contrebas. Un troupeau de rennes y broutait les petits arbustes automnaux. Sa vision perçante identifia trois bergers. Le sang animal ne suffirait pas… du sang humain devait couler et ainsi, la colère serait à son paroxysme. Décidé, le prédateur descendit de son perchoir, chaque pas le rapprochant de plus en plus de la horde insouciante. Sa fourrure albinos se fondait particulièrement bien dans le paysage laiteux. Quand rennes et humains remarquèrent la présence du fauve, il était déjà trop tard. Le gigantesque félin sauta au cou d'un herbivore qu'il mordit allègrement. Il sentit ses crocs se planter dans la chair tendre, le sang chaud couler au fond de sa gorge. Il arracha la carotide de sa proie la laissant se vider.

Tout autour de lui, il n'y avait que débandade et chaos. Les berges hurlèrent à tort et à travers pour calmer le troupeau paniqué. Plus qu'il ne les vit, le félin sentit l'odeur de deux humains s'approcher par derrière. Ils étaient armés et en firent usage. Le gros chat évita les balles en plongeant à droite, dérapa pour contrôler sa glissade puis bondit. Encore une fois, ses crocs se plantèrent, il déchiqueta, il délaissa et bondit encore. Ce furent autour de ses puissantes griffes qui atterrirent directement dans la poitrine du second homme dont il dévora les joues. Le prédateur s'y donna à cœur joie, massacrant rennes sur rennes sans prendre le temps de les dévorer. Il en tua une trentaine ainsi avant de tomber sur le troisième berger. Un gamin à peine dans l'âge de boire de l'alcool tout seul. La bête dévoila ses crocs dont certains étincelaient d’une lueur dorée puis grogna si puissamment qu'on dût l'entendre à des kilomètres à la ronde. Tellement terrifié qu'il fût incapable de bouger, le jeunot mouilla son pantalon. Le félin s'en approcha, tourna autour de lui à humer les fragrances d'urines avant de détaler. D'autres humains approchaient, alertés par ses grognements.

Deux heures plus tard...

C'est le temps qu'il fallut aux représentants des différentes peuplades constituant le Tribu pour se réunir dans le village de l'ethnie Furling. Il y grouillait une effervescence inhabituelle. Des pleurs, des cris, des imprécations. Le petit hameau qui accueillait habituellement moins de trois cent âmes en comptait à présent dix fois plus. Il y avait du monde partout. Au centre du village, une table ronde était en cours et le ton montait furieusement. On brandissait des mains, des armes, on s'accusait, se traitait de tous les noms d'herbivores, on tapait du poing sur la table. « C't'une d'claration d'guerre ! Faut agir ! Pas papoter ! » fulmina un grand homme manchot. « Just'ment ! On doit pap'ter pour d'cider quoi faire Ragnoc ! 'lors ta gueule ! » répliqua une femme obèse. « Parole n'est qu'parole, la puissance r'side dans l'action ! » lança un vieil homme en agitant son gourdin clouté. « Moi j'dis qu'y faut raser la 4A ! » Le brouhaha continua ainsi jusqu'à ce que la grosse femme se levât et asséna un coup à l'immense table ronde qui se brisa en copeaux. Le silence revint enfin dans l'assemblée. « Vos gueules p'tain, band's d'd'cérébrée ! Mon mari est'en prison, mon fils aussi ! Des cr’atures nous z'attaquent ! C'bêtes d'moniaque massacrent nos gens ! Faut s'défendre ouais, mais pas en d'sordre ! Alors, calmos et d'cidont ! » tempêta-t-elle de sa voix de ténor.  

- L'est prêt à parler, ma Jarl, fit un homme portant un bouc. Il soutenait un jeune homme bandé à la tête.
L'est en état de choc, s'est cogné la tête en fuyant mais peut parler maint'nant.
- Merci Torouk. Granuk, mon garçon, c'sont les dieux qui t'ont sauvé d'ce démon. Parle, dis-nous.
- J....j'......... marmonna Granuk, claquant des dents, incapable d'articuler.
- Vas-y, cause leur, encouragea Torouk. Doivent savoir c'que t'as vu.
- L-la bête. G-géante. A tu-tu-tué V-valoum, H-hecrok. Sang... p-p-partout.
- L'a tuée 48 rennes aussi, on a compté, précisa quelqu'un.
- Mon garçon, t'a r'connu la bête ?
- O-ouais. L-loup ! L-loup collier !
- LA FERME ! tonna l'obèse pour rétablir le silence après la révélation de Granuk. LA FERME ! Merci mon garçon, va t'r'coucher. Hmmm ? Un souci ? demanda-t-elle en voyant que le rescapé peinait à partir.
- C'te bête, Jarl... l-l'avait quatre crocs... en or ! dit-il avant de retourner à sa tente.
- En or ? Ça v'dire ? se questionna la Jarl.
- S'en fout ! On fait quoi ? C'sûr que c't'un un loup collier maint'nant ! demanda le belliqueux Ragnoc.
- Faut d'truire ces loups ! Les massacrer tous ! proposa quelqu'un.
- Pour ça, faut fouiller toute la steppe ! Nan, faut trouver autre cible ! enchaina un autre.
- L'siège d'la 4A ? suggéra Torouk qui avait laissé le rescapé rentrer tout seul dans sa tente à cloche pied.
- Ouais, c'bien ça !
- Bah non, t'es ouf ! cracha une femme. Att'quer Lavallière ? Avec c'te chienne d'Bee là-bas ? On n'arriv'ra jamais ! Faut prendre une cible près d'chez nous ! Qui pourra faire mal à la 4A !
- Ouais, c'plus sensé ! appuya un vieil homme. Puis y a d'jà des Mouettes dans la steppe !
- Sûr ! Vont v'loir nous z'emp'cher d'nous venger !
- Faut pas s'faire pour les Marines, sont à l'extérieur du village, assura la Jarl. Des gars les surveillent dans les mirettes. S'non, chui d'accord. Faut taper fort, faire mal.
- Faut massacrer d'la 4A !
- Nan ! répondit fermement la cheffesse. On n'z'accuse d'jà d'la mort d'Snow ! C'sont les loups qui n'z'ont attaqués ! Si on p'pas tuer du loup, 'lors on va tuer d'autres bêtes à la 4A ! Mais on laisse les humains en d'hors !
- Quoi ? Mais, nos gens ?!
- Si on tue des humains, s'en est f'nis d'nous ! On p'pas vaincre la Marine et l'royaume ! Mets du bon sens dans ta cabosse, crétin ! cingla l'obèse. Mais, on p'porter plainte puis s'servir d'ce malheur pour nous d'barrasser d'une épine ! Qu'la populace et l'roi disent "Z'ont agit sous l'coup d'la colère, normal" ! C'quoi la plus grosse 'pine dans nos pieds ? A part les loups ?
- L'parc Séren...truc !
- L'parc Sérenguéti, confirma la Jarl. Nous ont v'lé nos terres, la taïga, pour installer d'satanées bestioles qu'on peut même pas chasser ! Aujourd'hui, on va s'venger ! Faut vous z'armer les gars ! On va d'truire l'parc, chasser l'mammouth et prendre leurs fourrures ! On va d'truire l'plus gros projet d'la 4A ! déclara-t-elle sous les applaudissements de la foule en délire.
- C'pas plus dang'reux que Lavallière ? intervint timidement Torouk. C'même très dang'reux, l'parc est protégé par des lignes électriques, tout ça... Alors qu'Lavallière ?
- T'mêle pas d'ça Torouk ! intima la grosse en le saisissant à la gorge. Elle le souleva de terre aussi facilement que s'il pesait trois grammes.
T'essaies d'faire quoi là ? Insulter la mémoire d'nos disparus ? R’ste à ta place, rapp’lle-toi qu’la Tribu t'a juste adopté. Tu n’sers bien grâce à tes dons d’méd’cin mais t’as pas voix au chapitre ! acheva-t-elle en jetant l'importun par terre.
La Marine nous laiss'ra pas passer, faut une diversion, faut qu'une partie va vers L’vallière comme ça, l'plus gros des gens vont s'tailler vers l'Sérenguéti. Ragnoc, prend deux cents d'tes gars et donne du fil à r'tordre aux Mouettes. Les autres, v'nez, on va passer par les taupières !  


[...]

Inu Town

Vide. La maison de Samantha Thorn était vide de présence humaine. La plupart des objets de valeurs et de collections avaient aussi disparus. Accompagné de quelques officiers de la garnison d'Inu Town, Loth s'était rendu au domicile de la professeure émérite pour en apprendre plus sur le rocher de cinquante kilos qu'il trimballait avec lui. Le Moine était au fait des avancées de ses collègues et savait donc que la garnison de Boréa avait été braquée dans la nuit. « Les Bêtes de l'Ombre nous on fait une requête d'identité l'jeudi passé, y a cinq jours. On l'a identifiée, interrogée, c'était qu'une petite vieille en fauteuil. On n'a rien trouvé de suspect et comme on n'a pas reçu de requête de surveillance, on l'a laissée tranquille » expliqua un lieutenant, comme pour défendre le professionnalisme de son unité.
Le Moine ne s'attendait pas à être ainsi pris de vitesse. Farida Faouzi était une fine joueuse, il s'en félicita, comme à chaque fois qu'il tombait sur des adversaires corsés. Quelques fussent ses motifs, elle réussit à exfiltrer la vieille volcanologue. Il prit congé des Mouettes et fit mine de retourner au port. S'assurant de les avoir semés, il se dirigea vers une forge à l'écart de la ville de Chom. La dernière fois qu'il était venu là, il avait inauguré sa première fabrique de Dance Powder. C'est à cette occasion qu'il fit tuer le Recouvreur des Tempiesta Johnny Lamorosa, cousin du parrain. L'usine, dissimulée dans les galeries d'une ancienne mine de cristaux était subtilement déguisée en forge.

- T'es qui toi, le vieux ?
- Tonton Reich. Tu m'as déjà oublié ?
- Je ne t'ai jamais vu !
- Et ben, moi si. Et j'ai même un cadeau pour toi.
- Des dragées !!!
- Pas n'importe lesquelles, les Dragées Surprises de Betty Crocus ! Ne mange pas les violettes, je crois qu'elles sont au parfum de crotte de nez.

L'adolescente lui arracha les paquets de bonbons des mains et commença à s'en empiffrer avidement. Avec contentement, Loth la regarda tournoyer et danser de joie. Sa bonne humeur était contagieuse. C'était la même rengaine à chaque fois, elle ne souvenait pas de lui mais il lui offrait toujours ses dragées préférées. Les sœurs Santana n’auraient jamais deviné que "le gemmologue" qu’il était venu voir était cette jouvencelle qui sautillait. Myléna fut la chimiste-en-chef de l’ex-plus puissante organisation de contrebande de Dance Powder des Blues. Un pur génie que Loth récupéra et "adopta" pour son propre compte quand il démantela Ashura. A l'instar d'Aella Madoff. La petite avait une mémoire très défaillante à cause d'un drame de jadis. La seule personne qu'elle n'oubliait jamais, c'était sa nounou, une grosse femme bodybuildée qui ne la quittait jamais. « Protecteur, longtemps qu'on vous a pas vu dans le coin » grogna-t-elle. Loth acquiesça du chef et continua à regarder Myléna jouer avec ses dragées. Depuis la veille, il avait cogité jusqu’à en avoir la migraine, vu et revu dans sa tête les milliers de documents lus dans sa vie, à la recherche de quelque chose qui pourrait expliquer la forte concentration en phosphore du carbonado rouge. Un postulat émergea de ses réflexions, conforté par les nouveaux éléments et l'hypothèse "Snow-est-une-mafieuse" de Lady. Il ouvrit son sac à dos et déballa la pierre grossièrement taillée.

- Viens voir, Mylèna. Tu sais ce que c'est ?
- Fais voir. Du calcaire, répondit-elle en touchant la pierre. Les veinures rouges, c'est quoi ?
- Devine ?
- On dirait du rubis.
- Faux. Indice : ça vient du ciel.
- Un morceau de météore ? lança-t-elle avec enthousiasme.
- Ouais, bravo ! C'est du diamant des météorites pour être plus précis.
- Du carbonado ? Mais, ce n'est pas tout noir d'habitude ? fit-elle, perplexe.
- Oui, ça me rend dubitatif aussi. Le carbonado, c'est du diamant, donc du carbone. Les scientifiques de la marine l'ont analysé, y ont retrouvé du phosphore et on conclut que c'est la cause de sa teinte rouge. Tu en penses quoi ?
- Ridicule, trancha-t-elle d'une voix sèche qui ne lui ressemblait pas du tout. Il ne faut pas accorder au phosphore le bénéfice de tout ce qui brille un tant soit peu. C'est luminescent ?
- Non. Juste rouge. Ils n'ont pas pu expliquer la présence du phosphore aussi.
- Je me demande où tous ces nuls obtiennent leurs diplômes, dit-elle, glaciale. Ce que je déteste plus que les dragées amers, ce sont les chimistes du dimanche ! Le carbonado est un métastable du carbone... Ça veut dire que...

Loth ne sut ce que ça voulait dire qu'une bonne heure après. Après avoir murmuré dans sa barbe, la fillette ordonna aux hommes que le binoclard mit à son service de transporter la roche dans son laboratoire pour de plus amples examens. Il ne voulait pas influer sur les conclusions de la chimiste, raison pour laquelle il ne lui exposa pas sa théorie. Myléna revint toute joyeuse et déclara haut et fort : « Finalement, tes marines avaient raison. Les veines de carbonado sont bardées de phosphore... et de calcium ! C’est la présence de cet élément qui cause la coloration. Comme la roche est faite principalement de calcaire -donc de carbonate de calcium- ils n'ont pas cru bon de le relever alors que c'est le détail le plus important. Ils ont accusé à tort le pauvre phosphore. Quand la météorite s'est écrasée sur le dépôt de calcaire, la température a été portée à plusieurs milliers de degrés, les atomes du carbonado se sont recomposés et un phénomène très rare et encore inconnu de beaucoup de scientifiques s'est déroulé : la déformation plastique du carbone. Pour imager, dis-toi juste que le carbonado est devenu comme mou au niveau atomique et telle une éponge, il a absorbé ce qui se trouvait autour de lui. L'incrustation s'est déroulée sur plusieurs millions d'années, naturellement. »

- La chaleur de l'impact a fragilisé la structure cristalline du carbone qui a assimilé d'autres atomes ?
- Voilà ! C'est ça ! T'es chimiste le vieux ?!
- Pas du tout. J'ai juste lu C'est pas Sorcier.
- Hein ? C'est quoi, c'est quoi ?!
- Des bouquins, je t'enverrai ma collection.  Le carbonado a assimilé beaucoup de calcium donc.
- Il y en avait en pagaille là où la comète s'est écrasée.
- D'où vient le phosphore alors ? demanda Loth.
- D'habitude, on l'extrait des roches phosphatées.
- Je sais, sauf que le calcaire n'en est pas une. Il n'y a aucune roche phosphatée sur Tanuki sinon l'ile serait une mine à ciel ouvert.  
- Tu ne sais vraiment pas pourquoi y a du phosphore ? demanda-t-elle en dandinant sur la pointe des pieds. Je le vois dans tes yeux, tu as une théorie.  
- J'ignorais que tu avais des talents de devin, répondit Loth en souriant sereinement.
- Allez, allez, dis-moi ! Dis-moi ! Tu penses qu'il vient d'où le phosphore ? Dis-moi !
- J'ai procédé par recoupement. Cette roche est ancienne de soixante-cinq millions d'années d'après la géologue qui l'a découverte. C'était une époque où le monde accueillait d'autres maitres. J'ai imaginé que la météorite se soit écrasée sur ces géants de jadis et qu'au fil du temps, ils se soient fossilisés. En soi, rien d'extraordinaire. J'ai lu beaucoup de travaux sur la science naissante de la biochimie. La vie est basée sur le carbone mais d'aucuns affirment que le phosphore jouerait un rôle prépondérant dans la biologie, qu'il composerait la structure même du génome de tout organisme vivant. Et si cet excès de phosphore était la preuve que cette roche est en fait un sépulcre ?
- Un sépulcre ? grognassa la bodybuildée.
- Celui d'un dinosaure ! s'écria Myléna en toupillant sur une pointe de pied telle une ballerine. Le vieux a raison, le phosphore provient du lessivage des cadavres et des excréments de dinosaures.
- Il y a soixante-cinq millions d'années, une pluie de météorites annihilait les dinosaures de la majeure partie du monde. A Tanuki, la comète composée de carbonado s'est écrasée sur une montagne de calcaire et une horde de dinosaures. Au fil du temps, le carbonado fragilisé s'est teinté en rouge à cause de l'infiltration du calcium pendant que les dinosaures prisonniers des sédiments se fossilisaient, libérant le phosphore de leurs organismes dans la roche.
- Parfait résumé ! applaudit la jouvencelle.
- Merci de m'avoir confirmé mes soupçons, miss.
- Tu t’en vas, le vieux ? s’enquit-elle tristement.
- Je reviendrais jouer avec toi un autre jour. Pour l’instant je dois retrouver une vieille amie, j’ai un dinosaure à libérer de sa prison de calcaire.
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Boréa, Lavallière

- Navrée de vous avoir fait attendre, je dispensais un module sur la gestion des taxes à nos agents, s’excusa Aella Madoff en refermant son bureau.

Elle rejeta en arrière ses longs cheveux qui ruisselaient sur ses épaules et s’assit derrière son bureau surchargés de paperasses. Elle était vraiment magnifique avec ses lèvres, son visage fin et droit, son teint de kaolin et ses yeux. D’une intense couleur verte, ils donnaient l’impression de vous transpercer, de vous décortiquer aux rayons X. « Non, ce n’est rien. C’est ma faute de débarquer sans prévenir » déclara d’un ton bourru Lord Amin Freeze en rajustant sa cravate. Il se rapprocha du bureau. « Je ne vous ai pas remercié pour la dernière fois, pour tout ce que vous avez fait pour moi. » Subrepticement, l’ex Lune Bleue fronça les sourcils, se demandant si c’était une tactique de drague où s’il y avait une demande sous-jacente à venir. « Remercier ? J’ai évalué vos avoirs en tant que consultante indépendante, j’ai eu mes honoraires, ça s’arrête là. Il n’y a pas de remerciement qui tienne, Lord Baron Secrétaire Royal » répondit-elle amicalement. C’est vrai que le bougre occupait plusieurs fonctions officielles dont celle de Secrétaire Royale à la Faune et à la Flore en plus de la régence de la Baronnie de Blanchecastel. « Ces derniers jours n’ont pas été trop durs ? » demanda Aella. Le milliardaire la regarda avec les yeux ronds.

- L’assassinat de Mme Snow, précisa-t-elle. C’était votre dauphine, le numéro deux du Secrétariat, non ?
- Ah ! Oui, terrible perte, vraiment horrible, dit-il d’un ton affligé. Elle aura grandement marqué l’histoire du pays et son meurtre est un recul de vingt ans en arrière. Vraiment terrible. Ce n’est pas facile de garder ses partisans les plus virulents sous contrôle. Ils veulent en découdre avec la Tribu. C’est tout un travail de les canaliser, croyez-moi !
- Je vous crois. Venons-en à l’objet de votre visite alors, Lord Sécré…
- Appelez-moi Amin, coupa-t-il d’un ton chaleureux. Avant, puis-je compter sur votre… euh… discrétion ?
- Ça dépend pour quoi, répondit prudemment la Lune.
- Oh rien d’illégal bien sûr, non rien de tel. Comme c’est vous qui avez estimé mes possessions, je croyais normal de venir vous voir pour envisager les possibilités de cession.
- Vous voulez vendre ?
- Vous aviez identifié un trou de cent cinquante millions dans mes comptes. Je ne voulais pas de mauvaise publicité, que ça s’ébruite que j’ai été spolié. Or là, j’ai un certain besoin urgent de liquidité, déclara le Lord à mi-voix. Dans son fauteuil, il se rassit plus confortablement.
- Vous souvenez-vous de notre conversation juste avant que je ne vous rende mes conclusions ? Je vous avais prévenu que vos actifs n’étaient pas du tout liquides. Je vous ai conseillé de vous en dessaisir et d’investir graduellement dans les métaux précieux ou encore le charbon.
- Oui, oui, je sais. J’avais un mauvais conseiller financier. Si c’était à refaire, je n’investirai plus dans ces activités-là, c’est sûr. Dites-moi, dans mon portefeuille qu’est-ce que je pourrais le plus facilement écouler ? demanda-t-il d’une traite, l’air mal à l’aise.
- Quel montant souhaiteriez-vous acquérir ?
- L’intégralité de ce que mon ex-comptable m’a détourné, ajouta-t-il, en essuyant d’un revers de manche les sueurs de stress sur son front.
- Pour quand en avez-vous besoin ?
- Le plus rapidement possible, répondit-il en un souffle. Au plus tard, dans six jours.
- Wow ! Vos actions dans la capitainerie se montent à soixante-dix millions, ce sont vos actifs les plus rapidement vendables. Ensuite, nous pouvons aussi vendre vos parts dans l’élevage de narvals autour de trente millions…  
- Trente ?! s’étrangla le noble. Elles valent dix millions de plus !
- Les lois de l’économie. Si vous êtes pressé, vous vendrez forcément à perte, d’autant plus si votre client le sait.
- Mais…

Pour ne pas défaillir, Lord Amin Freeze dut se cramponner à l'accoudoir de son fauteuil. En cause, une petite table à côté du massif bureau qui recevait plusieurs photos dans des cadres argentés. Celle qui causa moult remous au système gastrique et cardiaque du baron immortalisait la belle et... la bête. L'immonde bête à lunette, celle qui rodait et menaçait de découvrir le pot aux roses. Le noble fut pris de nausées. Tout cela n'était-il qu'un piège finalement ? Avait-il confié les comptes de l'organisation à une amie de Reich ? Était-ce pour cela qu'il enquêtait sur eux à présent avec les maudites sœurs Santana ? Le déni incita le milliardaire à ne pas y croire. Non, il ne savait pas, elle non plus. Elle n'avait analysé que des chiffres sans savoir de quelles activités provenaient les fonds. Elle avait découvert le détournement de cent cinquante millions sans savoir qu'elle identifiait par la même occasion la trahison de Déborah Snow. Non, tout ça n'était qu'une vague coïncidence ! Mais il fallait s'en assurer... « Dites Aella, vous posez à côté de beaucoup de célébrités, je constate. Vous connaissez bien Reich ? » demanda-t-il en s'efforçant de bafouiller le moins possible. Un exploit parce que son cœur battait plus vite que celui d'un colibri. « Loth ? C'est mon fiancé » répondit-elle en rigolant intérieurement de la réaction du concerné face à ce nouvel avancement unilatéral de leur relation.

- Sale trainée ! jura le Baron en se levant. Il plongea la main dans sa poche et en sortit un petit Colt.
- Que faites-vous ? demanda-t-elle sans ciller et sans peur devant l'arme.
- Sale pute ! J'avais confiance !
- Vous tremblez milord et je ne crois pas que ce soit un jouet que vous tenez. Vous feriez mieux de laisser tomber ça que nous parlions calmement, dit-elle toujours avec sang froid.  
- Vous... vous vous acoquinez avec Reich ! Pour... pour me faire tomber ! postillonna-t-il.
- Ah. Vous paniquez parce que vous croyez que j'ai transmis une quelconque information sur vous à mon ami ? Là, je crois que vous venez de vous dénoncer tout seul, mon seigneur, parce que je n'ai aucune info compromettante sur vous.  
- Q-quoi ? Menteuse !
- Bien sûr, je me suis questionnée sur la nature de vos activités mais elles étaient si diverses que je n'ai pas cherché loin. Je n'en avais pas envie non plus, ça ne me regardait pas. Mon rayon ce sont les chiffres et les statistiques. Et puis, votre famille est une des plus anciennes et des plus riches de Boréa, donc le décor planté cadrait pas mal avec votre milliard, exposa-t-elle lentement, comme si elle parlait à un étudiant particulièrement attardé.
Vous avez gaffé.
- L..la ferme ! Venez avec moi !
- Quoi, là dehors ?
- Venez, où je tire !
- Je vous conseille de ranger ça, je ferai comme si de rien était et nous reprendrons notre conversation là où elle s'était arrêtée.
- Hahah, c'est ça ! A d'autres ! Pour que vous alliez colporter mes petits secrets à votre copain fouineur et ses amies marines ? Non ! répondit-il, au bord de l'hystérie.
- Je ne sais rien. Juste que votre argent n'est pas propre au vu de votre réaction.
- Et vous avez mes chiffres, mes comptes ! Vous auriez pu en faire des copies, garder des preuves ! Venez avec moi, je ne le répéterai pas ! Je suis prêt à tout !
- Je vois ça. Mais vous comptez me tuer pour me faire taire ?
- Pour l'instant, j'ai toujours besoin d'argent et vous allez m'en trouver ou je ne donne pas cher de votre peau ! Vous travaillerez sous ma surveillance ! Allez, levez-vous !


[...]

- Faouzi et Snow trempaient dans le trafic de fossiles de dinosaures ? s'étonna Lady.
- Oui, c'est un secteur très lucratif réglementé au même titre que les ventes d’œuvres d'art. Le bloc que j'ai en ma possession contenait un squelette entier et parfaitement préservé d'un bébé iguanodon.
- Comment ça "contenait" ?
- Pour prouver ma théorie, je l'ai faite tailler par une amie.
- Oh c'est pas vrai ! Midnight va piquer sa crise quand elle le saura ! C'était une pièce à conviction !
- Et alors ? Ça demeure toujours une pièce à conviction. Mon amie en question est chercheuse en archéologie et j'ai pris des photos de chaque étape de l'extraction. Sans ça, nous ne pouvions pas prouver cette allégation.
- Ouais bon, c'est toi qui lui annoncera que t'as cassé sa pièce, je veux pas être dans les parages quand elle crachera son fiel, je te préviens. Je m'y connais pas en dino. C'est quoi un iguanodon ?
- Un dinosaure qui ressemble à... un dinosaure. Que veux-tu que je te dise ? Il n'y a quasiment pas d'animaux existants auxquels les comparer. En tout cas, j'ai un squelette aussi gros que celui d'un chat sous mes yeux. Et il y a tous les os, c'est ça qui est fabuleux.
- Ah bon ?
- Tous les paléontologues tueraient pour un squelette complet de dinosaure. La plupart du temps, on ne retrouve qu'un crane, un fémur et le reste est reconstitué à partir de ces morceaux. Mon amie pense que le spécimen que je lui ai apporté vaudrait trente millions TTC en vente officielle. Vingt-cinq millions de plus au marché noir.
- Et tu as pris le plus petit des blocs. Le rocher mastoc dans le jardin de Snow devrait crever les plafonds alors !
- Il devait y avoir un spécimen adulte là-dedans. Ce que tu as découpé aussi, tiens.
- Merde alors, j'ai tranché de l'argent ! rigola Lady. Attends. Y a un truc qui ne colle plus dans mon hypothèse. J'ai supposé que Snow dirigeait sa propre mafia de trafic d'animaux rares et qu'elle a été tuée par la nouvelle organisation qui emploie l'Embaumeur. La même orga' qui a tué Soljäer et contrôlait Sigma. Or, à l'origine, Faouzi a envoyé à Snow la pierre via un navire de Sigma. Pourquoi se serait-elle servie de leurs ennemis pour transférer une pierre valant une fortune ? Avec une carte de vœux en plus ! Ça n'a aucun sens !
- Le trafic d'animaux, ce n'est que supposition, dit Loth. Oublions-le pour l'instant et arrêtons-nous juste aux faits. Si Snow reçoit des fossiles par un navire de contrebande de Sigma, c'est qu'elle était connectée à Sigma, donc à la nouvelle organisation. L'explication la plus simple, est toujours la meilleure.
- Dans ce cas, ce sont ses patrons ou ses alliés qui l'ont éliminée ?
- Ça expliquerait pourquoi elle a ouvert la porte à l'Embaumeur et à son apprenti. C'étaient des collègues. Mais ça n'explique pas pourquoi ces derniers ne sont pas repartis avec les cailloux, s'ils faisaient partie du même réseau.
- Ils ne savaient pas ce que c'étaient, ce qui signifie que l'organisation ne fait pas de trafic de fossiles. Sinon, quelqu'un serait venu les chercher, obligatoirement. Oh non... c'est pour ça qu'ils l'ont tuée ! s'écria Ombeline.
C'est simple, Snow faisait partie de la nouvelle Organisation qui s'est étendue aux dépends de multiples autres qu'elle a absorbé. Un jour, les pontes de cette orga' découvrent que Snow les courbe, qu'elle a monté sa propre affaire en parallèle. C'est de la trahison, ils ordonnent son élimination et lui envoie l'Embaumeur ! Y a eu lutte selon Illusion. Ils ont sans doute voulu la faire parler avant de l'exécuter mais un coup trop fort porté sur la tête l'a tuée. Résultat des courses, ils se sont retrouvés avec un cadavre sur les bras, sans savoir en quoi consistait son activité parallèle. C'est pour ça qu'ils ont rageusement fouillé sa maison.
- Ça se tient, avoua Loth.
- Faouzi, je crois qu'elle était la partenaire externe de Snow. Elle ne devait pas faire partie de l'Organisation. Elle lui a envoyé la pierre via la Poste où un agent de Sigma l'a sans doute récupérée. Quand elle a appris la mort de son acolyte, elle s'est enfuie craignant pour sa vie.
- Elle ne devrait pas trop craindre pour revenir à Boréa.
- L'appât du gain, dit Lady. On doit retourner interroger DeMar Bright, il connait l'Embaumeur, c'est sûr ! Il va pas faire de la rétention d'information pendant encore longtemps.
- Si ça se trouve, c'est lui qui envoie l'Embaumeur éliminer ces mafieux.
- Non ! Il est un coléreux et protège sans doute quelqu'un qu'il considère comme un enfant -Garp a fait de même avec Ace- mais je crois pas qu'il trempe dans l'illégalité ! C'est un héros de la Marine !
- La suite nous le dira. Que faisons-nous à propos de la G&GOLD ?
- On ne peut rien, qu'ils soient impliqués dans le trafic de fossiles ou pas. Mais vu que comment Faouzi s'est tirée à la quatrième vitesse, je pense qu'elle le faisait sur leurs dos aussi. On se voit à Boréa.  


[...]

- T'y es sûr d'toi ? Hein ? demanda avidement Pavel.
- O-oui, bafouilla Qilian. Il était au bord de l'évanouissement. V-vous m-m'tuerez... pas ? L'accord...

Qilian Madstark avait réussi à sauver sa vie en prétendant en savoir plus sur la contrebande de Déborah Snow. Ce n'était pas qu'un simple moyen de retarder l’inévitable, le jeune étudiant en paléontologie qu'il était avait remarqué sur les photos du domicile de Snow épinglées au mur comme des trophées, les gros blocs de calcaire bariolés de raies rouges. Leur professeur leur avait justement parlé de cas très rares et inexpliqués où du diamant noir se dégradait vers le graphite en devenant rouge quand il se mélangeait aux roches sédimentaires emprisonnant les fossiles. Ce "mi diamant, mi graphite rouge" était à tous les coups la preuve de la présence de restes fossilisés. Pavel devint agité et tout joyeux car il venait de faire un grand pas dans la résolution de l'énigme Snow. Fébrile, il contacta son Sensei. « De la contrebande de fossiles ? Je vois. C'est un marché très porteur et assez vierge de concurrents. Les fossiles sont très rares donc personne ne se spécialise dans leur trafic, c'est un marché ponctuel. Les cent cinquante millions qu'elle a détourné lui ont sans doute servi à financer les fouilles pour excaver les fossiles » concéda-t-il.

- Mais Sensei, c'cailloux y doivent encore être chez l'Mouettes. On peut récupérer !
- Je ne crois pas. La 444e a mis à prix une femme soupçonnée d'avoir cambriolé la base. Une géologue. Maintenant, je comprends. Ça devait être l'associée de Snow qui est venue reprendre les fossiles.
- C'qui ? Y s'appelle comment ? On peut la chasser !
- Plus tard. Il est évidement qu'on ne peut plus récupérer ce qu'elle nous a volé. Tout repose sur les épaules du baron à présent.
- Un truc qu'y vous embête ? fit Pavel, remarquant l'inquiétude dans la voix de son mentor.
- Les choses ne se déroulent pas comme prévu dans les steppes. Torouk notre agent infiltré m'a communiqué que la Tribu s'en va attaquer le parc de Sérenguéti.
- Merde ! Nan putain ! S'y font ça, tout est cuit !
- Je pensais que l'attaque sur leur troupeau et leur gardien les inciterait à s'insurger contre la 4A à Lavallière. Manifestement, j'ai sous-estimé leur capacité à réfléchir. C'est cette Jarl, la femme de Bové qu'a tout gâté ! Les autres écervelés étaient prêts à marcher sur Lavallière !
- On peut pas...
- Non. C'est trop tard, leur attaque a déjà commencé. Il faut rester serein et suivre de près la situation et la réaction de Bee. Ils ne se doutent de rien. Mais garde le Madstark en vie. Il pourrait nous être très précieux pour nous lancer sur le marché des fossiles.
- D'acc.

DeMar Bright se leva et se dirigea vers une partie de sa bibliothèque. Durant la conversation, il avait remarqué un éphémère reflet émaner de cet endroit. Dans l'interstice entre deux gros volumes traitant de navigation, il dénicha un bébé escargophone. La lumière de la fenêtre à l'opposée fut reflétée par ses lentilles. Le retraité l'identifia comme un modèle de talkie-escargophone, ce qui signifiait que le récepteur n'était pas loin à cause de leur portée très faible. Quelqu'un avait écouté ce qu'il avait dit, quelqu'un qui se trouvait tout près de lui. Il se concentra et fit appel à son Mantra. Il ressentit douze voix dans son périmètre. Comment localiser la fautive ? Le commodore sortit en boitant avec sa canne. Des pièces, ce n'est pas ce qu'il manquait dans le complexe. Beaucoup d'ateliers d'apprentissage étaient en cours donc il se concentra sur les voix esseulées. Il n'y en avait que deux et l'une d'elle était celle du Frère Ponce, chef cuisinier qui s'affairait dans le garde-manger. DeMar l’exclut d'office, il connaissait Ponce depuis des temps immémoriaux. Par contre, la voix qui émanait du placard à balai lui était inconnue. Il accéléra la cadence et tomba nez à nez avec un jeune homme à coupe en bol qui en émergeait, portant un saut, un balai et des produits de récurage.

- Paix et Salut sur vous, Grand Maître, fit-t-il.
- Paix et Salut sur toi, Jeune Esprit. Je n'ai pas l'honneur de te connaitre, répondit le commodore.
- Je m'appelle Remus Ergie. Je suis nouveau.
- Depuis quand ?
- Avant hier nuit.
- Après la première visite de Reich, songea-t-il.
- La providence t'a envoyée, Remus, je cherchais justement un agent d'entretien.
- Ah ? C'est que je dois aller nettoyer...
- Aucune importance. Le Frère Bullstrode a vomi durant notre séance de méditation. Mon salon a besoin de récurage. Viens.

La poigne ferme du retraité se referma telles des serres sur l'épaule du jeune homme qui le regardait d'un air inquiétant. A peine étaient-ils rentrés dans le salon que le main de DeMar fusa et percuta la gorge de son prisonnier. Ce dernier hoqueta et s'écroula en émettant des borborygmes. Sur le sol, ses pieds s'agitaient frénétiquement. Un escargophone tomba d'une poche intérieure de sa chemise. C'était lui l'espion de Reich. Retrouva tant bien que mal sa respiration, le pauvre garçon tenta de s'éloigner de son bourreau en rampant sur le tapis duveteux qui recouvrait le parquet. Bright laissa tomber sa canne, en proie à une furieuse colère. Tous ces gens qui venaient fouiner dans ses affaires, menacer la tranquillité de sa retraite bien méritée... « L-l'prof Reich sait qu-que je suis ici ! S'il m'arrive quel...que chose, vous... ne vous en tirerez pas ! » baragouina-t-il, les larmes aux yeux. Il recula encore et encore jusqu'à  se terrer contre les rayonnages. « C'est quoi la solution alors ? Si je te laisse partir, tu me dénonceras. Si je te tue, Reich viendra te chercher. C'est un dilemme. Mais la seconde option me laisse plus de marge ! » claironna le commodore. Sous les yeux terrifiés de Modeste Banquiz, le vieillard grisonnant laissa place à une bête.  


[...]

Le Dard volait vers l'Est, laissant le soleil crépusculaire dans son dos. Si la journée du lundi fut éprouvante, celle du mardi qui s'achevait promettait d'être apocalyptique. Bee stabilisa son vol. Elle compta sept panaches de fumées s'élever de différents points du parc. Par endroit, de gigantesques langues de feu dévoraient la forêt de sapin. Bien qu'ils fussent rapidement avertis des mouvements de la Tribu, ils arrivèrent trop en retard pour les stopper. Les hommes détachés pour les surveiller depuis l'arrestation des Bové avaient vite été débordés. Le parc fut pris d'assaut en plusieurs points par la Tribu qui se livrait à un braconnage en bande organisée, engendrant des feux de forêts sur leurs passages pour ralentir les Marines. Ils tuaient les mammouths nains durement ramenés de Sanderr en représailles à la mort de deux des leurs supposément tués par des loups à crinière relâchés dans la steppe par le programme Réminiscence de la 4A. Presque trois milles individus armés d'armes blanches et d'armes à feu, c'était le spectre de la guerre civile que redoutait Midnight depuis la mort de Snow. Avant de quitter Lavallière, au moment où la rumeur des évènements dans le Sérenguéti se répandait, elle orchestra une série d'arrestations préventives visant les leaders de la 4A, de peur qu'ils n'organisent des contres-représailles. Ayant brièvement discuté avec le roi, elle convint avec lui de décréter la loi martiale à Lavallière dans le but de cantonner tout le monde chez soi. C'était la seconde fois en deux mois que ce décret d'exception était appliqué, la première fois, c'était durant l'attaque sur Jalabert qui se solda par un immonde bain de sang.

- Nerbosc, je vois un groupe à dix heures de votre position. Environ deux cent individus. Vous pouvez intervenir ?
- Négatif ! tonna le Lt-colonel dans l'escargophone. On est aux prises avec le plus gros lot de braconniers ! La fumée nous empêche d'avancer ! Nom d'un chien ils nous canardent et en beauté ! Dispersez-vous ! Demande permission d'engager sérieusement le combat, madame !
- Refusée ! répondit Bee d'une voix affligée. Je suis désolée Nerbosc mais on doit tout faire pour ne pas aggraver la situation. La consigne n'a pas changé, utilisez les balles blanches en caoutchouc. Je veux pas de mort causée par la Marine. A tous les chefs d'unité, quelqu'un a repéré la Jarl ?
- Toujours pas !
- Négatif !
- Négatif !

Les six bras de Bee en forme hybride s'emparèrent de six lames d'entrainement. Ses ailes vrombirent, elle descendit en piquet de plus en plus vite sur la horde de gens qui avançaient, armes et torches aux poings. Juste avant de heurter le sol, elle durcit son corps. Le Tekkai couplé à la vitesse de l'impact désagrégea le sol et le fit trembler. Elle émergea du petit cratère, face à la foule qui s'était arrêtée. Seule contre deux centaines. « Je vous le dirais pas deux fois. Déposez les armes ! »
Pour toute réponse, un homme au premier rang fit feu. La balle de plomb s'écrasa et se désintégra en plusieurs morceaux en heurtant la chitine qui recouvrait son corps. Elle fit un pas et avala la distance qui la séparait du tireur qu'elle assomma d'un coup. « Vous aurez été prévenus ! » Elle se jeta dans la mêlée, faisant preuve d'une vivacité insectoïde, frappant, se retirant, changeant de direction en un clin d’œil. Ces campagnards n'étaient pas de taille et n'avait pour eux que le nombre. Au milieu de la horde, ils eurent tout de même l'intelligence de ne plus faire usage des armes à feu de peur de se blesser mutuellement. Les armes blanches et contondantes n'avaient aucun effet sur la cuirasse de l'Abeille et même sans faire appel au Tekkai, elle sortit indemne de la confrontation. En moins de dix minutes, c'était plié, la horde gisait à terre, inconsciente.

- Illusion, t'as un groupe aux coordonnées 4° Est, 2° Sud, Tango. Assommés.  
- Bien reçu, on vient les ramasser, répondit la lieutenante qui commandait une unité mobile de carrosse.  
- Nerbosc, vous vous en sortez ?
- Non, toujours pas ! La fumée est trop épaisse ! Ils s'embusquent dans les fourrées ! On y voit que dalle !
- Je viens. Ça commence à bien faire !

Elle décolla et surplomba un instant plus tard la zone du Lieutenant-colonel. C'était la plus en proie aux flammes, cinq foyers dans un secteur de moins de trois kilomètres carrés. D'une part, l'équipe de pompiers de la garnison tentait de combattre de feu via les aqua dials et des gaz dials rejetant du gaz carbonique pour étouffer les flammes. D'autre part, celle de Nerbosc voulait débusquer les rebelles mais la fumée formait une chape opaque et impénétrable autour deux. Le vent était nul, le panache stagnait. Il fallait la disperser. Mais la fumée et les abeilles n'avaient jamais fait bon ménage aussi Bee dut rassembler son courage à deux mains pour se placer au centre du nuage, luttant contre les instincts primaires du zoan qui le poussaient à sortir de là. Sous forme insectoïde, elle était bien plus sensible à la fumée que n'importe quel humain. La plus infime des inhalations lui donnerait le tournis, des nausées et des vomissements. Retenant sa respiration, elle se concentra intensément. Sa paire d'ailes membraneuses battit furieusement, très vite, aussi vite que celles d'un colibri. Au fur et à mesure que leurs vibrations augmentaient, elles déplaçaient de l'air par courant. Une voix désagréable dans le subconscient du Dard lui rappela qu'elle avait eu l'idée de cette technique en voyant Reich se battre avec son style du Karaté Aérien. Midnight se déplaça comme une balle autour du nuage, déplaçant une masse conséquente d'air et qui le ventila intégralement.

- Merci Commandante ! claironna Nerbosc dans l'escargophone. On va se les faire !
- Jarl repérée ! Position Tango, Tango, 12° Nord. Nom d'un chien, ils viennent de lancer un bâton de dynamite dans un troupeau de mammouth !

Midnight fit volteface et fusa dans la direction indiquée par le sergent. Quand elle arriva sur place, elle trouva ses hommes aux prises avec la Tribu. La forêt boréale était tenue à cet endroit. Le décor était macabre, une quinzaine de pachydermes fumant gisaient au sol, les quatre fers en l'air. Des cratères se voyaient un peu partout, preuves de la violence de la mort qui les avaient fauchés. Marines et indigènes croisaient le fer dans cet environnement auréolé de mort, se rendant coup pour coup. Les Mouettes étaient en large infériorité numérique et la consigne de ne pas faire de morts n'aidait pas à leur victoire. Surtout pour des Élites habitués à la violence. L'arrivée de Bee rétablit l'équilibre. Elle réitéra sa technique du battement d'aile, le courant d'air généré emporta les insurgés aussi facilement que s'ils étaient composés de paille. Elle les cueillit dans les airs et les assomma de quelques coups bien placés. Le calme revient dans la vaste clairière. Une fois encore, le Dard fit appel à l'équipe de ramassage. Seule la Jarl était consciente. Elle beuglait : « T'y as pas pu nous z'empêcher d'revendiquer nos droits Bee ! Œil pour œil ! Vie pour vie ! » Un filet de sang suintait de sa tempe mais la femme obèse ne semblait nullement s'en inquiéter. Elle rigolait à gorge déployée de façon démente.

- Les Bové hein... Vous m'aurez causé des tas de problèmes. Du père au fils en passant par la femme.
- C'pas encore fini ! Attends, l'opinion nationale s'ra avec nous ! Les bêtes d'la 4A sont des fléaux !
- C'est vous les fléaux. Qu'est mal ces éléphants vous ont faits ? demanda-t-elle tristement en désignant les pachydermes déchiquetés par les bombes.
- Eux rien, y f'ront d'la bonne fourrure ! Si on pouvait y donner la chasse aux loups collier, on l'fera !
- Vous êtes manipulés, bandes d'idiots ! s'emporta Bee. Vous qui clamez être des chasseurs, ça vous semble logique le comportement de l'animal qui a attaqué vos hommes ? Un loup qui attaque sans distinction rennes et humains, s'occupant juste de tuer ? Il n'a pas emmené un seul renne, n'en a pas dévoré un seul. Il était venu pour tueur uniquement !
- D'quoi ? Cherche pas à d'douaner la 4A ! C'la responsa...
- C'est ce qu'on veut vous faire croire ! Ce félin a agît trop bizarrement pour qu'il n'y ait pas une intelligence humaine là-dessous ! Où vous avez déjà entendu parler d'un prédateur qui tue gratuitement ? Les animaux tuent pour manger, l'être humain est la seule créature qui tue pour le plaisir !
- M-mais... cafouilla-t-elle à court d'arguments. Sa colère semblait s'être évanouie.
- Ce loup ou peu importe ce qui vous a attaqué était soit un animal spécialement dressé pour tuer sur ordre -l’Élite en a- soit, c'était un zoan. Jarl, y avait autre chose de bizarre avec cet animal ? J'ai appris qu'il y avait un survivant.
- Ben...
- Crachez le morceau, votre cas est déjà grave !
- Or. L'jeune Granuk a dit qu'y avait quatre crocs en or.
- Pardon ? fit Bee, frappée d'horreur.
- L'loup y avait des crocs en or !

La commandante serra si fort ses poings que ses ongles transpercèrent sa paume. Du sang goutta. Elle rageait silencieusement, ne voulant pas y croire depuis le début. Elle ne rappelait que trop bien le sourire du commodore DeMar Bright et ses canines en or. C'est Lady qui avait raison mais au-delà de ce qu'elle même aurait osé alléguer. Perdue dans sa désillusion, elle entendit Illusion la héler. Bee ne s'était même pas rendue compte que le légiste était arrivée sur place. « Le jour où je te verrai sans un cadavre humain ou animal à côté, ce sera une grande victoire pour la vie ! » Elle rigola et attira l'attention de l'Abeille sur les défenses des pachydermes. Quelques-unes étaient brisées, sûrement dû aux dynamites mais la plupart étaient brûlées, carbonisées. Elle haussa un sourcil interrogatif. « L'ivoire ne brule pas, Bee. Ça peut se noircir à l'extérieur mais l'intérieur resta intact. Ce truc a intégralement brulé, c'est du bois. La vraie défense commence à partir d'ici ! » dit-elle en indexant un endroit tout près de la base de la trompe. Lady avait encore raison... Du trafic d'animaux rares... « Quelqu'un s'est ingénié à couper l'ivoire à la base puis a greffé une fausse défense en bois lourd pour que personne ne remarque rien. Regarde, ce sont les vices qui liaient les deux parties. Ça a l'air vachement retors, on peut faire du trafic d'ivoire ainsi, sans braconner. » Sur la quinzaine de mammouths morts, onze avaient des défenses contrefaites.

- Je me rappelle que Nerbosc faisait état de presque trois cents mammouths réinsérés dans la réserve. Dès qu'on aura fini de tout sécuriser, il faut les compter. Maintenant c'est sûr, Snow faisait du trafic d'animaux rares et d'ivoires en plus de celui des fossiles.  
- C'est aberrant tout de même... La grande activiste. Tout ça ce n'était que pour berner le pays ou a-t-elle basculé à un moment ou un autre ? se demanda Illusion.
- Que dire du commodore Bright alors ? Il a tourné sa veste également et était de mèches avec Snow. Pour je ne sais quelle raison, il l'a faite tuer. C'est probablement lui le zoan qui a attaqué la Tribu dans l'espoir de nous mettre sur une fausse piste.  
- C'est con, il a eu tout le contraire !
- Je pense qu'il voulait diriger la colère de la Tribu sur la 4A à Lavallière et foutre le maximum de chaos. Mais ces génies ont préféré s'attaquer à un autre symbole de la 4A. Révélant ainsi la contrebande. Passe le message à Ombeline et Reich.
- Madame ! fit un sous-officier qui vint se planter devant elles.
- Qu'est-ce-que c'est ? s'enquit-elle en prenant le télégramme qu'il lui tendait.
- Un message laissé il y a deux heures par la Commandante Ombeline Santana pour vous.
- Ah oui, j'ai oublié mon escargophone dans la précipitation.
- Ça dit quoi ? demanda Illusion.

Rapt. Madoff.
Freeze. Appréhendé.
Banquiz. Kidnappé.
Bright. Coupable.
Arrestation. En cours.

- Ils nous ont devancés, ils vont déjà coffrer Bright !
- Vous avez compris quelque chose à ce charabia ? fit Illusion, très dubitative.
- Madoff, c'est la copine de Loth qui a été kidnappée par un "Freeze". Peut-être le Baron Freeze, va savoir pourquoi. Ils l'ont arrêté. Banquiz, c'est sans doute Modeste Banquiz, l'étudiant que Loth a infiltré dans le Sentier d'Or pour fliquer Bright. Il aura été découvert par ce dernier. Donc ils sont en route pour se faire le commodore et libérer le bambin. Mais ça c'était y a deux heures. Passez-moi un escargo !
- Il s'en passe des choses graves dans ce pays...
  • https://www.onepiece-requiem.net/t12978-fiche-technique-de-loth
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10961-loth-reich-le-marchand-heretique
 
Deux heures plus tôt...
Lavallière.


- La vache ! J'ai jamais vu un port aussi désert ! s'exclama Ombeline. Seul Loth l'attendait, les mains dans les poches.
Qu'est-ce-qui se passe ? Un couvre-feu ?
- Oui, je viens de croiser une patrouille. Ils sont sur les nerfs, ils ont bien failli tirer sans sommation. Heureusement que j'ai un passe-droit.  Il se passe qu'un loup réintroduit dans la steppe par la 4A aurait massacré une quarantaine de rennes et deux membres de la Tribu, du coup, ces derniers s'en sont allés guerroyer contre le Sérenguéti où il y a pleins d'animaux protégés par la 4A. Le couvre-feu, c'est pour que les partisans de Snow restent gentiment à la maison. Bee est dans la steppe.
- La mort de Snow n'a rien à voir avec la Tribu mais on dirait que quelqu'un essaie de nous orienter dans ce sens en créant la confrontation entre ses sympathisants et les indigènes.
- Content de ne pas être le seul à penser que c'est trop beau pour être vrai.
- Bah ouais. On laisse cette fausse crise à Bee, allons voir Bright.
- Attends, je vais appeler Aella, m'assurer qu'elle va bien.
- Pourquoi elle n'irait pas bien, ta copine ?
- Les dockers n'ont pas facilement accepté l’état d’urgence, il y a eu du grabuge et les bureaux de la capitainerie ont été saccagés.


[...]

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Ne décrochez surtout pas ! beugla le baron, arme au poing.
- Je le dois. Loth est un homme très jaloux. Si je ne décroche pas à chaque fois qu'il m'appelle, il commence à me chercher. Avec l'état d'urgence, il doit être dans tous ses états.
- Décrochez alors ! Et ne dites pas un mot de travers où je vous plombe !
- C'est bien mon seigneur, vous commencez à parler comme un vrai gangster, rigola-t-elle. Allô mon amour ?
- Salut. Ça va toi ?
- Pas vraiment non, répondit-elle. Le baron posa le canon de son pistolet sur son front.
- Qu'est-ce que tu as ?  
- Les anglais sont arrivés, bien sûr. On dirait que tu ne calcules pas !
- Pourquoi diable devrais-je calculer la période de tes menstruations ? répondit Loth, irrité. Tu ne voudrais pas que je t'apporte des tampons pendant que tu y es aussi ?
- Non merci, j'ai des réserves. Si tu m’appelles pour le petit déj’, je ne t'ai pas attendu, j'ai déjà mangé.
- Ah, bon, je ne viendrais plus alors. Bonne journée.
- A toi aussi, chéri.

Gatchan.

- Bon maintenant, hâtez-vous de me trouver des acheteurs ! intima le Baron.
- Je suis bien des choses mais pas une magicienne, milord. Déjà qu'il était compliqué de liquider d'une traite soixante millions en actions, le climat sécuritaire a réduit nos chances à zéro. Vos pairs nobles de la capitale ne s'intéresseront pas à des actions, ils investissent plus dans du concret. Or, diamant. Ce qui réduit la liste de tous nos acheteurs potentiels à la seule Lavallière. Vous voyez bien qu’aucun honnête citoyen ne bravera ce couvre-feu pour acheter des parts du port. En plus la banque nationale est fermée. Nous devons attendre la fin de l'état d'urgence.
- Non ! Nous ne pouvons pas attendre ! tempêta-t-il.
- Dans ce cas, vous serez obligé de me tuer, répondit posément Aella Madoff. A l'impossible, nul n'est tenu.
- Très bien alors ! postillona-t-il.
- Vu que je n’ai aucune chance de m’en sortir, j’aimerais tout de même satisfaire ma curiosité. Qui êtes-vous exactement et pour quelle organisation travaillez-vous ?


[...]

- Ça, c'était de la conversation ! se gaussa Ombeline. J'ai adoré le passage sur ses menstrues.
- Elle a des problèmes.
- Comment ça ?
- Tous mes proches ont un certain code, une phrase banale à insérer dans une discussion pour donner l'alerte. Celle d'Aella c'est «les anglais sont arrivés ». Ce qui signifie qu'elle est otage de quelqu'un.
- Oh pas mal.
- Ça va vite se régler, marmonna-t-il. J'ai sa vivre card. Si tu veux aller seule à la rencontre de Bright, vas-y, je t'y rejoindrai.
- Tu plaisantes ?! Je te colle aux basques.

Loth sortit une boite plane de sa poche intérieure. Elle contenait plusieurs carrés de papiers griffonnés. Il prit celle qui portait le nom d'Aella Madoff et la posa dans sa paume. Lentement, la feuille frémit puis commença à bouger, pointant vers l'ouest. Le Moine murmura un « Je te tiens ! » et se lança dans cette direction à vive allure, Ombeline sur ses talons. Lavallière était une ville morte, ce qui facilita grandement leur traque. De temps à autre, ils croisaient des patrouilles de marines nerveux qui hurlaient « Haut les mains ! » avant de les laisser passer en les reconnaissant. Pister quelqu'un à la vivre card n'était pas une mince affaire. Le papier n'indiquait qu'une direction et on y fonçait. On s'arrêtait très souvent pour vérifier que l'orientation était la bonne et le cas échéant, on retournait sur ses pas jusqu'à retrouver le bon cap. Ombeline et Loth s'évertuèrent ainsi pendant plus d'un quart d'heure à localiser Aella, la piste les emmenant de plus en plus hors de Lavallière. C’est ainsi qu’ils débarquèrent dans le quartier somptueux de Belhiver. Ils s’immobilisèrent devant un pavillon à deux étages en direction duquel pointait la feuille. Utilisant son fluide, Ombeline repéra la voix d’Aella qu’elle avait déjà rencontrée. Une autre voix était en sa compagnie. La porte vola de ses gonds, ils firent irruption dans le vestibule et trouvèrent la jeune femme confortablement assise. Un homme était à ses pieds, gémissant et parcouru de spasmes.

- Électrocuté, fit-elle en réponse aux interrogations silencieuses de Loth. Je me suis achetée un pistolet à impulsion électrique alimenté au Thunder Dial.
- C'est qui ?
- Ce cher baron Amin Freeze, répondit la mathématicienne en le retournant d’un coup de pied.
- C’est lui le milliardaire qui donnait sa fête ? s’enquit Lady, étonnée.
- Lui-même. Tu nous expliques, Aella ?
- Il se trouve que son argent provenait de diverses contrebandes.
- Sans blague ? satirisa Ombeline. Le mec fête un milliard de Berry et personne ne se pose des questions ?
- Il n’y avait pas de quoi. Les Freeze sont une ancienne et très riche famille, le Baron a fait prospérer leurs acquis. Ça a semblé normal pour tout le monde. Bref, tu te souviens du détournement de 150 millions que j’ai identifié dans ses comptes, Loth ? Il se trouve que c’était l’œuvre de Déborah Snow.
- Pardon ? s’exclamèrent-ils simultanément.
- Vous n’avez pas avancé dans votre enquête, on dirait.
- Si, nous avons découvert que Snow faisait partie d’une organisation qu’elle a probablement trahie en faisant de la contrebande de fossiles.
- L'organisation s'appelle El-Tigre. C'est une mafia dont le baron Freeze s’occupait de blanchir l’argent. Je le sais parce qu'il fut très loquace, vu qu'il comptait me tuer. Snow aurait commencé à fournir l’organisation en animaux rares, en fourrure puis en ivoire peu avant que la 4A soit institutionnalisée. Au début, ils la faisaient chanter parce qu'ils avaient la preuve qu'elle était responsable de la mort de l'équipage du Fanon, un baleinier qu'elle a éperonné durant ses années de militantisme. La Marine avait alors attribué le naufrage au blizzard. Selon notre milliardaire, elle y aurait finalement pris goût et devenue un membre à part de la famille, s'occupant en plus de la caisse. Snow aurait tellement aimé l’argent facile de la contrebande qu’elle voulait devenir indépendante, avoir sa propre famille mais elle avait besoin de beaucoup d'argent pour commencer donc elle a volé El-Tigre. Ils n'en savaient rien jusqu'à ce que j’en fasse les comptes. En représailles, ils l'ont éliminée. C’était prévu qu’ils l’interrogent avant mais apparemment, les tueurs ont eu la main lourde et ils sont restés ignorants de ses activités.
- Ça explique tout ! Quand je pense que ce gars est apparu dans l’affaire aux premières heures et qu’on l’a même pas soupçonné ! En plus, c’est le Secrétaire Royal à la Faune et à la Flore non ?! Snow était sous-secrétaire royale ! dit Ombeline.
- Cent cinquante millions… Pour avoir la concession du terrain, le permis de forer et l’achat des équipements… Sans oublier de payer la G&GOLD qui, je pense, leur a en quelque sorte "loué" son enseigne en guise de protection juridique et administrative mais sans plus, sinon, Farida n’aurait pas décampée, tout comme tu l’avais remarqué Ombeline.
- L'escroquerie a mis à mal la trésorerie d'El-Tigre et notre cher baron est venu me voir pour liquider rapidement certains des actifs qu'il a acquis avec l'argent sale. Sauf qu’il a vu une photo de toi et moi ; il a paniqué et la suite, vous la connaissez. Quand il a fini de me raconter tout ça, il est devenu hystérique et a perdu le contrôle de ses nerfs. Je l'ai donc foudroyé. Trop de gens sont morts à cause d'un tir accidentel, conclut-t-elle en riant de bon cœur.
- Il vous a parlé du fonctionnement d'El-Tigre ? demanda Lady.
- Vite fait. J'ai cru comprendre qu'ils éliminaient les têtes de pont de petites mafias avec de la complicité interne puis mettaient un homme de paille à la place. Ils privilégieraient les petites mafias parce qu'il y a moins de gens à contrôler, moins de rivalité interne. Il ne m'a pas parlé du chef d'El-Tigre, ajouta-t-elle en sentant la question poindre.
- Vous l'avez bien dézingué quand même. Il est bon pour plusieurs heures de coma, constata Ombeline en palpant le corps inerte et fumant du noble. Je vous conseille de diminuer la tension de votre pistolet sinon vous grillerez quelqu'un par mégarde. Je vais appeler un détachement, il faut prendre toute les précautions pour le ramener et que ça s'ébruite pas.

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Loth Reich.
- Presseurjen'arriveplusjoindreModratépoinchaqueeuxeures ! asséna une voix affolée.
- Wow, du calme Maude, répétez-moi ça plus intelligiblement.  
- Je n'arrive plus à joindre Modeste ! Il a raté le point qu'on fait à chaque deux heures.
- C'est pas bon, marmonna Loth inquiet tout à coup,  il n'y a pas plus ponctuel que lui. Nous allons le sortir de là, je te le promets.
- Merci. Ne raccrochez pas, ce n'est pas tout. J'ai découvert qui est Pavel, dit-elle.
- Dans les dossiers d'adoption ?
- Oui, vous aviez raison sur ce point.
- Hé ! C'était mon idée ! intervint Ombeline.
- C'est qui ?
- Personne. Continuez Maude, souffla Loth.
- Ce sont les Hérauts de l'Aurore qui ont supervisé les adoptions ayant eu lieu après le naufrage du Cinatit. Deux cent vingt-trois enfants ont été placés durant cette période, dont quarante-deux chez les Sentier d'Or. Et parmi eux, il y a avait un adolescent de quinze ans du nom de Pavel Böshetag. Le faux nom que vous a donné Qilian Madstark n'était pas anodin professeur, c'était déjà un message subliminal. Pavel Böshetag est le fils d'Elxa Maer recueilli par le commodore Bright.
- Comment peux-tu l'affirmer ? demanda Ombeline.
- J'ai fait des recherches. Böshetag c'est le nom de jeune fille d’Angela Maer, la femme de l’Égorgeur. C'est un nom de famille assez rare pour ne pas croire à la coïncidence.
- L'adoption, c'était l'année du naufrage ? En 1602 ?
- Oui, professeur.
- S'il avait quinze ans à l'époque, ça signifie qu'il en a 40 actuellement.
- J'avoue que je m'attendais pas qu'il soit si âgé ! J'étais focalisée sur le Garp-Roger-like, pensant que l'enfant ne devait pas être né quand Maer a été tué en 1600, fit Lady. Tu penses que c'est lui que Madstark cherchait à protéger ?  
- Non, répondit Loth. Si ce Pavel est l'Embaumeur alors c'est un tueur confirmé. C'est aussi quelqu'un d'aguerri qui a chassé Qilian. Or, nous savons que l'Apprenti n’a pas d’expérience, aussi, je ne pense pas qu’il aurait réussi cette chasse méthodique ; j’aime croire que Qilian ressentait de l’empathie pour quelqu’un à son image : une victime. Reste à connaitre son identité.
- Si je peux émettre un avis ? intervint Maude. Pavel Böshetag a un fils déclaré. Piotr Böshetag né un an après son adoption par le Sentier d'Or.
- Sans déconner ? jura Ombeline. Il a eu un enfant à 16 ans ? Ben alors, ce Piotr doit avoir 24 ans de nos jours, le même âge que Madstark !
- On a affaire à deux générations après Elxa Maer. Le fils qui a hérité de son père ses pulsions meurtrières et qui veut enseigner sa démence au petit-fils. Au milieu de tout ça, le commodore qui laisse faire. Qui est complice.
- Pavel et son fils Piotr ont tué Déborah Snow sur ordre de DeMar Bright, tu penses ? fit Lady en se mordillant la lèvre.
- Ça coule de source pour moi, et ça m'inquiète encore plus. Go !
- Ramenez Modeste ! supplia sa jumelle.

Ils rallièrent la propriété du Sentier d'Or si vite que Loth eut l'impression de s'y être téléporté. Avant leur saut, un peloton vint s'emparer du baron qu'ils conduisirent sous bonne garde jusqu'à la 444e. Ils débarquèrent par le ciel, le Moine utilisant sa technique de la Rencontre du Troisième Type, une sorte de Geppou manuel. Le Haki d'Ombeline n’était d'aucun secours ici, elle n'avait jamais rencontré Modeste Banquiz. Par contre, son pouvoir leur fut utile pour détecter la masse compacte de fidèles qui s'étaient agglutinés telles des mouches sur du fumier autour du Monastère, la bâtisse principale du domaine. Le fluide en dénombre plus de quatre cents, de tout âge, des deux genres. Ils étaient parés d'armes de fortune de toute sorte : pèle, râteau et parfois machette. « L'enfoiré de traitre ! Il a senti le vent tourner et a ligué ses gens contre nous. Rappelle-moi qui disait que le Sentier d'Or n'était pas "une secte" ? » railla Ombeline. Loth l'écoutait à peine, il cherchait son élève des yeux. « Dégagez de chez nous ! On veut pas de vous ! Sinon vous finirez comme lui ! » fulmina un fidèle au premier rang. Les deux limiers suivirent son index du regard. Sur une véranda du Monastère, crucifié à un pilier...

- Oh non, merde ! Pauvre gamin ! s'écria-t-elle.

A la vue de ce corps mutilé et dégoulinant de sang, Loth sentit quelque chose se briser en lui. Et le quitter à jamais. Ses entrailles remuèrent douloureusement, comme si un monstre plein d'écailles venait de s'y réveiller. Ses prunelles se rétrécirent, ses cheveux noirs de jais blondirent et ses ongles s'allongèrent. Il lui sembla que la créature lui griffait les viscères, inondant son corps d'un sang corrompu qui lui montait jusqu'au cerveau éliminant toute trace de pensée cohérente. Ombeline s'écarta de Loth ; elle vit un mince halo violet, comme une seconde peau se déployer autour de lui, créant une vibration, un bourdonnement indéfinissable dans l'air.

Tuer, tuer, encore tuer.
C'était sa seule envie.
Massacrer. DeMar Right.
Le seul coupable. Il fit un pas.
La foule avança de deux. Très bien.
Ils étaient complices. Les massacrer aussi.
Un pas, puis encore un. En une fraction de seconde.
Il fusa. Tel l'éclair. Son esprit embrouillé par la colère.
Qu'il a volontairement laissé. Le submerger.
Son Berserker. Tonnait à la porte. Shawn.
Le temps. D'un battement.
De cœur. Il s'affala.
Tout devint.
Noir.

- Désolé Binocle, fit Lady qui venait de lui porter un coup en traite à l'arrière du crâne avec le fourreau de son meitou.
Tu laisseras émerger ton Berseker plus tard, je peux pas te laisser massacrer ces pauvres zigues.

Elle fut seule contre la horde de religieux. Si elle ne les décima pas comme l'aurait fait Shawn, elle ne leur laissa aucune chance de s'échapper. Rares étaient les combats d'Ombeline qui ne se terminaient pas par la mort de son adversaire mais contre ces néophytes lobotomisés par un ex-marine cupide, elle fit preuve de retenue. Quand la 444e débarqua avec Midnight à sa tête, tous étaient hors de combat. La propriété fut fouillée, sans qu'aucune trace de DeMar Bright ne soit trouvée. Par contre, ils découvrirent plusieurs perforations par balles dans la demeure personnelle du commodore et à en croire les dires de quelques religieux, on aurait essayé de l'assassiner. Acte qu'ils imputèrent à la Marine, raison pour laquelle ils firent front contre elle. Dans la nuit, un mandat d'arrêt fut émis contre Bright et sa tête, primée à trente millions de Berry pour trafic divers en bande organisée et meurtre.

La 4A fut provisoirement dissoute par décret royal quand les à-côtés de Déborah Snow furent révélés, de même que l'implication du pair Amin Freeze dans leur mafia. Intense fut le choc à Boréa à la révélation de cette triple alliance mafieuse au moment où tout le monde pensait que le crime organisé institutionnalisé par le Conseil des Six Lunes était mort avec lui. Enfin, Pavel Maer fut également primé à 25 millions pour ses multiples meurtres dont les Bêtes de l’Ombre éparpillées ne cessaient de retrouver les preuves. Depuis la découverte de Sanderr, quatre autres corps de petits criminels furent retrouvés dans des tombeaux à Luvneel, à Zaun et à Hat Island. A court de pistes, un avis de recherche sur Qilian Madstark fut lancé et un numéro vert mis en place au cas où quelqu’un aurait une quelconque information sur sa disparition. Quant à Loth, il fut réveillé de son collapsus par les larmes intarissables de Maude Banquiz une demi-heure après l'arrestation des fidèles du Sentier d'Or.



[...]

A l'aube...

- Puisque je vous dis que je vous ai révélé tout ce que je savais !
- La ferme et baissez d'un ton ex-baron ! tonna Ombeline en assénant une gifle au milliardaire.
La justice de Boréa ne vous protègera pas ! De Sanderr à Boréa, votre mafia est étendue sur tout North Blue. On parle là de crime fédéral ! On peut vous déporter dans n'importe quelle prison sordide du Gouvernement ! Là où aucun droit des humains n'est respecté !
- Vous allez apprécier, renchérit Lady. Chaque seconde qui passe est retranchée à l'espérance de vie de Qilian Madstark. Où est-il ?
- Je n'en sais rien ! répliqua Freeze avec fougue, humilié par le traitement qui lui était réservé, sans cure de son rang passé.
Je n'en sais rien ! répéta-t-il les larmes aux yeux, une main sur sa joue meurtrie. Moi je m'occupais de blanchir l'argent ! Je n'ai jamais fréquenté ce tordu de Pavel et encore moins son instable de fils !
- Où est DeMar Bright ?! Que croyait-il faire avec sa mise en scène et les balles retrouvées chez lui ?
- A votre place, je ne serai pas si sûr que ce soit une mise en scène ! Est-ce qu'il avait un moyen de savoir que vous viendrez à lui ? Moi je pense que non ! On a réellement essayé de le tuer et il s'est enfui ! répondit Freeze.
- Qui ? fit Bee.
- Les Tempiesta ! Qui d'autres ? El-Tigre devait s'allier à eux, mais nous avons été en défaut de fonds. Ils ne pardonnent pas si facilement. Qui plus est leur Recouvreur doit déjà être dans le pays !
- Où peut-on trouver cet encaisseur d'argent mal acquis ? minauda Ombeline.
- Moi je m'occupe seulement du blanchissement, je vous l'ai déjà dit ! martela-t-il. Je n’ai jamais gérer les relations inter mafias !
- Vous en savez beaucoup pour un simple blanchisseur, milord. Peut-être qu'une nuit dans un violon sur le ponton Guantánamo vous rafraichira les idées. Emmenez-le ! ordonna Midnight.
- Je vous ai tout dit ! Non pas Guantánamo ! Je vous ai tout dit ! Par pitié ! supplia Amin Freeze alors que deux marines le trainaient vers un couloir sombre.
- Y a pas à dire, j'adore l'odeur du noble déchu. Sale petit rat condescendant ! C'est mal partit pour Madstark, c'est le moment d'avoir une brillante intuition, sœurette. Et puis ce binoclard de Reich qui ne veut plus participer à l'enquête !
- Laisse-le tranquille, tu n'en voulais pas de toute façon au début non ? Il a perdu un être cher.
- Depuis quand tu fais dans le sentimentalisme ?
- Comme le dirait le feu roi de Bliss, ce sont des branches de notre futur qu’on élague à chaque fois qu’un jeune meurt et je déteste ça. Je vais lire. Bonne nuit.
- Lire ? Lire ? s'étonna Midnight. Lire ? Toi ? Merde alors, Reich, sort de ce corps !
- La ferme, grande sœur.


[...]

- Loth, on te demande audience. J'insiste.

Accroupi dans un canapé au coin du feu, il leva des yeux lourds de sens vers celle qui venait de parler. C'était une jeune femme aux cheveux bruns tressés en une longue queue de cheval. Le Meitou qui ceignait sa ceinture se balança quand elle lui tourna le dos. Son ample kimono traditionnel bruissait à chaque pas. A l’instar d’Aella, Émeline "Chaos Theory" Reus était également une dauphine de Loth. Là où la mathématicienne se concentrait presque exclusivement sur la gestion de la contrebande de Dance Powder, Émeline coiffait toutes les autres activités illégales du Moine. Elle revint quelques secondes plus tard avec trois autres femmes. Il leur jeta un regard furtif puis se replongea dans la contemplation des braises dans l'âtre, les pensées voguant loin comme à chaque fois qu'il perdait un collègue. Il se ressassait les lamentations de la jumelle, les lourdes condoléances qu'il avait dû présenter à leurs parents, l'explication qui en avait découlé et comment ils l'avaient blâmé d'avoir impliqué leurs fils dans une aventure aussi dangereuse. Ils avaient raison, c'était totalement de sa faute. Jadis, il déclara la guerre à tout Carcinomia parce qu'un clan du pays avait osé enlever Émeline. Modeste Banquiz n'en méritait pas moins mais il était arrivé trop tard, n'avait jamais appréhendé à sa juste valeur les dangers qu'encourait le jeune homme...

- Asseyez-vous, je vous en prie. Loth, nos alliés ont une proposition à nous faire, déclara Chaos Theory.
- Parait que tu t'morfonds, l’myope ? dit sournoisement une des invités.
- C'est pas le moment, Cat's ! lui reprocha sa sœur Lyanna. On n'est navré pour ton élève, Reich. Nous sommes là pour t'aider à venger sa mort.
- Mais encore ? murmura-t-il pour la première fois, sans les regarder.
- Je suppose que tu l'as reconnue ? ajouta Lyanna en désignant la courte femme rousse à sa droite. C'est Farida Faouzi. Elle est membre de la famille à présent. Déborah Snow était sa meilleure amie et le commodore DeMar Bright l'a faite tuer, exactement comme ton élève, Reich. On a tenté de l'assassiner dans son monastère y a quelques heures mais le diable est coriace.
- Ah, c'était vous... marmonna-t-il.
- Oui. Il a éliminé deux d'nos assassins puis s'est enfui. Il a l'pouvoir d'un fruit zoan ! expliqua Cat's. Nos espions ont signalé qu'il est rentré en contact avec les Tempiesta.
- Impossible, il risque sa peau en faisant ça, objecta Émeline.
- S'il n'avait pas d'argent, oui. On n'a pas les détails mais ils l'ont accepté comme l'un des leurs.
- Étrange. Grâce aux infos d’Amin Freeze, les Bêtes de l'Ombre s’acharnent déjà à disséquer ce qui reste de la famille El-Tigre. Qu'est-ce qu'il a bien pu leur offrir ? se demanda Chaos.
- Il a déjà été exfiltré de Boréa, fit Lyanna. Ils vont vers Manshon, on peut les intercepter et les éliminer. Tu seras des nôtres non, Reich ?
- Quel genre d'avantage on en tire ? intervint Émeline.
- Hein ? Avantage ? On parle de détruire un adversaire commun ! s'indigna Farida Faouzi.
- Reste en dehors de ça, petite, tu viens juste de mettre les pieds dans notre monde. Ici, c'est la cour des grands ? fit dédaigneusement Chaos Theory sous le regard scandalisé de la géologue.
Lyanna, à engager seuls les hostilités contre les Tempiesta et leurs alliés, vous risquez d'y laisser beaucoup de plumes, donc vous démarchez vos propres alliés pour qu'ils vous aident à amortir le risque. Sauf qu'entre Shadow Law et la famille Martico, il n'y a pas de clause de protection mutuelle, vous n'en vouliez pas parce que vous jugiez trop irréfléchie notre stratégie de collision frontale avec les Tempiesta.  Vous ne vouliez pas souffrir des affres de notre guerre. "Notre guerre", pas la vôtre.
- Ouais, ouais, ouais, on a dit ça. Mais les temps ont changé ! On veut être plus offensifs à vos côtés !
- Parce qu'il y a de l'argent derrière, c'est tout. Me prends pas pour une courge. On sait tout à propos de la mine de Tanuki, on sait tout sur les fossiles et de leur marché très fructueux. Vous n'aidez pas Faouzi par bonté de cœur, vous échangez la tête de Bright contre le monopole sur le marché des fossiles, peu vous importe si par ce meurtre, vous déclarez la guerre ouverte aux Tempiesta. Le retour sur investissement est assez conséquent pour prendre ce risque. Mais nous, on gagne quoi à vous soutenir dans cette opération, c'est ça le sens de ma question, Lyanna. On combat déjà les Tempiesta, sans vous. On a nos propres plans de batailles. Loth peut assouvir sa vengeance, sans vous. Mais si on doit engager nos forces aux côtés des vôtres, les intérêts doivent être partagés. L'union Sacrée, c'est bien beau mais ça ne remplit pas les poches. Parlons Berry.
- T'es dure en affaire... Mais oui, t'as raison, elle connait des endroits sur les Blues où on pourra trouver des squelettes de dinosaures à écouler sur le marché. Notre clientèle sélecte a déjà l’eau à la bouche. Avec Farida, on compte mettre en place une nouvelle structure uniquement dédiée aux fossiles. On peut vous céder jusqu'à un tiers des parts.
- Hmmm... Plus un accès inconditionnel à vos salles aux enchères et à vos clients.  
- A nos salles aux enchères uniquement, amenda Lyanna. Nos clients, vous les approcherez pas, ça reste notre fonds de commerce. A prendre ou à laisser.
- Vendu. Shadow Law et la famille Martico sont désormais alliés en affaire, se réjouit Émeline. Appellons-nous la Coalition SM. S pour Shadow, M pour Martico. C'est cool non ?
- Bien sûr, qui n'a jamais rêvé d'appeler sa coalition SM ? Genre Sado Maso ? satirisa Cat's. C'est vrai qu'il faut être sado maso pour s'attaquer à ces gens-là.
- C'était pas ma meilleure idée... On planchera sur le nom plus tard. De quel genre de protection jouit DeMar Bright ?    
- On sait qu'il est à bord d'un cuirassé d'type Sengoku qui a coulé nos trois nefs qu'ont essayé d'les intercepter en mer des Glaçons. S'lon notre espion, vont faire escale en archiduché de Colombine avant d'rejoindre Manshon, exposa Cat's Eye.
- Un cuirassé ? Il aurait mis un cuirassé de côté pour ses vieux jours où les Tempiesta commencent à acquérir des technologies de la Marine ? demanda la dauphine de Loth, préoccupée.
- On sait pas encore. Mais à Colombine, y a un Gouverneur qui protège les Tempiesta. En tout cas, on pense que s'ils s'arrêtent là-bas, c'est pour faire l'plein d'puissance.
- Nous en faire, nous aussi. Contacte le clan Wave, Émeline, qu'ils nous envoient ce qu'ils peuvent de flotte et leurs meilleurs navigateurs. Puis, dépêche un message à Elijah. Intime-lui de nous rallier au point de rendez-vous avec toute l’escouade.
- Wow, toute l’escouade ?  Luvneel est loin, pas sûre qu’ils arrivent dans les temps.
- On verra bien. Il faut mettre tous les atouts de notre côté.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t12978-fiche-technique-de-loth
  • https://www.onepiece-requiem.net/t10961-loth-reich-le-marchand-heretique
Une énième fois, Midnight fut brutalement tirée de son sommeil. A cette seule différence qu'elle n'était plus seule dans son lit. Perpendiculairement couchée, Ombeline avait les deux pieds posés sur le ventre de sa sœur. « Comme d'habitude » maugréa l'ainée, c'était un calvaire de dormir à côté d'elle. Son sommeil était agité, comme si elle menait une infernale bataille au plus profond de ses songes. Bee la poussa avec tellement de force qu'elle tomba du lit. « La dernière fois que tu dors... avec moi... réveille-toi... se passe... encore... un truc... » bougonna la commandante. Après un brin de toilettes, elles apprirent que la cause de leur réveil n'était autre que le baron Freeze qui leur apparut lessivé et couvert de piqures (les moustiques étaient délibérément "élevés" sur ce ponton). La nuit qu'il passa sur le Guantánamo l'avait apparemment aidé à retrouver des souvenirs diffus qu'il espérait troquer contre une meilleure cellule. « J-je me rappelle... maintenant... y a un endroit... à Inari... là où la mère de Pavel... est enterrée. » hacha-t-il en se grattant furieusement entre deux mots. D'après lui, Pavel Maer aurait une sorte de sanctuaire à Inari où il se retirait parfois, le lieu de son premier meurtre, celui de sa mère. Maintenant que Bright était parti dans la précipitation, il pensait que Pavel Maer aurait pu s'y retrancher, à la recherche d'un endroit où s'ancrer et se cacher. Les commandantes estimèrent que l'hypothèse n'était pas tirée par les cheveux, aussi, Ombeline décida-t-elle d'y aller.

- Je peux pas t'accompagner, dit Bee avec dépit à sa sœur. Ma juridiction se limite désormais à Boréa sauf exceptionnel. De toute façon, j'ai une crise interne à gérer : des peuplades en colère, des militants de la cause animale en pétard, beaucoup de nobles qui avaient placé leurs fonds chez Freeze sont inquiets... Bref, j'ai un déjeuner de travail avec le roi dans quelques heures.
- Charmant. Rappelle-moi de ne jamais prendre une garnison.
- Tu vas tirer Reich de sa torpeur ?
- J'ai essayé, mais il a désactivé son escargo'. J'y serai seule.
- Ton équipage ?
- Entre le démantèlement d'El-Tigre et la recherche des victimes de Pavel, ils sont très occupés.
- Je peux te donner un détachement.
- Non merci. Je préfère les solos. Tu sais pourquoi ?
- Parce tu seras le seul témoin si tu perpètres un massacre ? ?
- A la bonne heure ! se réjouit Ombeline, un sourire carnassier se dessinant sur ses lèvres.


[...]

Le vent soufflait fort. Assis sur la figure de proue représentant une chouette, Loth avait le regard perdu sur l'horizon. Avec les informations livrées par le réseau d'espions des Martico, ils étaient à peu près certains que le convoi d'escorte du commodore passerait par cette partie de l'océan. Une petite mer calme sans prétention à trois cent nautiques des eaux de Manshon. Le Moine n'avait pas le cœur à disserter sur cette alliance et ce qu'elle pourrait apporter aux Tempiesta. Les réponses étaient tellement nombreuses et possibles ! En tant qu'ex-commodore, même s'il était à présent honni, Bright détenaient des infos qui pouvaient toujours valoir leur pesant d'or. Il avait des relations, sans compter la puissance que sa personne apporterait aux mafieux. Ils avaient tout à gagner à le recruter, peu importe si El-Tigre était à présent démantelée. La nouvelle avait paru dans les journaux de midi, illustrée par une série de photographies montrant les Bêtes de l'Ombre écrouer toutes les pontes de l'organisation émiettée. Encore une mafia victime de la voracité de l'équipage de Lady Ombeline avaient ironiquement conclut les tabloïds.

- Loth, on a un contact à six heures ! Un cuirassé et trois caravelles !

Ils brisaient la ligne d'horizon par le sud. Aligné sur l'axe X côte à côte, la flotte coalisée les attendait de pied ferme. Elle était constituée de cinq nefs battant pavillon Martico et de dix boutres, de petits et rapides navires de surface à rames pouvant embarquer au maximum cinq personnes. Ils appartenaient au clan Wave de Carcinomia et leur servaient autrefois à faire des razzias à la surface. Depuis que Loth s'était attaqué à eux et avait chamboulé les coutumes esclavagistes de leur nation, ils avaient ployé le genou devant le Moine devenant un de ses plus précieux alliés. La bataille ne serait pas équilibrée tant qu'il y aurait un cuirassé dans l'équation, il en avait averti ses associés. Loth n'oubliait pas qu'une année plus tôt, son alliance avec Red défit la flotte d'Ashura (quinze caravelles surarmées) avec seulement deux cuirassés. La puissance de feu et la résistance du mastodonte de la Marine ferait toute la différence, aussi comptait-il sur la maniabilité et l'expertise sans égale des marins Wave. Un quart d'heure après le premier contact, les navires ennemis avançaient toujours droit vers eux tout en changeant leur formation. En file indienne au début, ils se portèrent aussi sur l'axe X, face à ceux qui leur barraient le chemin. Le binoclard n'eut nullement besoin de la longue-vue que lui tendit Lyanna pour déceler DeMar Bright sur le cuirassé. Ce qu'il n'aurait jamais deviné par contre, c'est la présence de la personne qui se tenait juste à la droite du commodore.

- Nom d'une bite c'est... jura Cat's Eye.
- Don Carbopizza... marmonna Loth.
- Que fait Manuel Tempiesta ici ? s'étonna Lyanna.
- On a sous-estimé leur alliance ? Si le tout puissant parrain est venu de lui-même accueillir Bright, c'est pas bon pour nous ça !
- En quoi donc, Émeline ? interrogea le Moine. Deux pour le prix d'un, nous n'aurions jamais espéré cela. Si nous les éliminons ici, l'alliance Tempiesta éclatera.
- Non ! Toi tu n'as pas les idées claires ! objecta-t-elle. Tu penses vraiment que Don Carbo' viendrait au-devant du danger comme ça, sans plan ? C'est pas nous qui leur avons bloqué le chemin, ils nous ont attirés ici pour en finir avec nous. C'est forcément un piège !
- Et alors ? répliqua Loth. De plan, nous en avons aussi. Que le meilleur gagne !

Un sifflement inquiétant ouvrit les hostilités. Bondissant de son siège, Loth s'interposa et d'un revers dédaigneux, il dévia la course du boulet de canon venu du cuirassé. Il explosa au toucher sans l'égratigner. Aucun canon ne l'avait envoyé, c'était l’œuvre de Manuel Tempiesta. Le Moine qui ignorait s’il était ou non un combattant venait d'avoir la réponse. Elle le fit sourire, au même titre que le parrain dont il vit les dents blanches au loin. Pendant trop longtemps, il avait attendu de venger son maitre trahi par Don Carbopizza. Pendant trop longtemps, Don Carbo avait ruminé sa vengeance contre Loth, meurtrier de son cousin. Beaucoup trop comptes à solder et sur l'ardoise, le Moine Hérétique n'oubliait pas la note de DeMar Bright...
La nef amirale pivota rapidement de 180° donnant le flanc à la flotte ennemie. La rangée de douze canons latéraux ouvrit le feu dans un boucan infernal. Le navire vibra intensément à mesure que les bouches crachaient leurs obus sans discontinuer. Les autres bâtiments de la Coalition SM l’imitèrent sans pivoter toutefois, faisant usage de leurs canons de proue. S'il avait appris un truc de la bataille contre Ashura c'est qu'en prêtant le flanc, on devenait une cible facile. Les adversaires ne furent pas en reste et bientôt, on entendit plus que le chant des canonnades. La fumée s'élevait de partout, ça sentait la poudre. La nef amirale toucha la poupe d'une caravelle ennemie sans toutefois la couler. Ce n'était pas une bataille statique, les navires bougeaient en canonnant, lançaient des contremesures aux attaques qu'elles subissaient de part et d'autres.

La cible prioritaire des SM était naturellement le cuirassé qui fut atteint par plusieurs boulets, sans conséquence. A contrario de la salve dont le mastodonte cribla une de leur nef qui explosa tel un ballon de baudruche trop gonflé. Une pluie de copeaux, de shrapnels, de membres humains déchiquetés tomba sur eux. « CAT'S! » beugla Lyanna affolée en cherchant sa sœur dans les débris. Brianna commandait la nef désormais en pièces détachées. La guerre, ça fait des victimes. L’expérience apprit à Loth que le combat à distance dans ces conditions tournerait forcément en leur défaveur, aussi optèrent-ils pour l’abordage. Il prit place sur un boutre qui filait à toute vitesse sur l’eau, slalomant avec facilité entre les boulets qui tombaient dans la mer en projetant des geysers. Chaque équipage ramait à l’unisson, les boutres formant un "V". Il était de l'embarcation de tête droite tandis qu’Émeline commandait la file de gauche. Son petit équipage et lui furent les premiers à croiser près d'un navire ennemi. « Ralentissez légèrement, je dois essayer quelque chose ! » ordonna-t-il en se levant de sa place, le bras droit tendu vers le ciel, orienté sur le "tranchant" de la main. Il invoqua le Retour à la Vie, utilisa le regain de vitalité pour muscler son membre droit. Trop souvent il oubliait lui-même qu'il était un Long-bras, qu'il avait naturellement une portée supérieure à celle des autres espèces humaines. Il n'oubliait pas cependant qu'il était pratiquant de l’Inner Beast, art martial se déclinant en Karaté Aérien à haut niveau.

- Mantis Fist : Excalibur !

Son bras fendit l'air à la vitesse de l'éclair. Lui-même n'y vit qu'une tâche floue. La technique improvisée combinant la force brute que lui allouaient le Retour et le Karaté Aérien déclencha une lame d'air gargantuesque qui fusa droit sur la caravelle. Elle sembla légèrement trancher la mer durant son trajet et quand elle entra en contact avec la cible à tribord, l'épée immatérielle la fendit tout bonnement en deux. Comme un couteau surchauffé traversait du beurre. Les deux morceaux de la caravelle tranchée sombrèrent peu après sous les hourras revanchards des SM désireux de donner le change. Revigoré par ce succès, Loth s'orienta vivement vers le mastodonte qu'il ajusta de la même technique. Devançant le succès de l'attaque, d'autres hourras s'élevèrent puis s'éteignirent très vite quand la lame d'air de plusieurs mètres de haut éclata en petites volutes scintillantes, endiguée par une silhouette suspendue dans les airs près de la coque, à ras de l'eau. « Fils de pute ! » jura Loth en reconnaissant DeMar Bright. La colère qu'il s'efforçait de garder sous clé explosa soudain comme si quelqu'un en avait ouvert la vanne, irriguant pour la deuxième fois en deux jours son corps de sang noir. Le même qui inhibait en lui toute pensée rationnelle, remplacée par une primitive envie de massacre. Malgré tous ses entrainements, garder Shawn sous scellé quand il était en proie à ce genre de sentiments relevait presque de l'utopie.

- Pas encore ! hurla-t-il en prenant son envol d'un puissant coup administré dans le vide.

Pas encore, le moment n'était pas venu, Shawn devait attendre. Telle une balle, il rasa l'eau, toujours propulsé à grand coup par son Geppou manuel. On aurait dit un singe sautant de branches en branches. Il exécuta sa technique de la Danse de Zéphir, tournoyant les bras tendus ce qui généra un tourbillon localisé autour de lui. Le vieux l'attendait, drapé dans son marcel qui faisait ressortir ses muscles saillants et ses cicatrices de combats, rebondissant également grâce à la version originale du Geppou. Au tourbillon lacérant qui le visait, le commodore fit un doigt qu'un profane aurait pris pour un geste grossier ; sauf qu'amputé de l'index, il devait se débrouiller pour lancer sa technique. C'est donc le majeur qu'il darda en marmonnant « Needle Shigan ! » Un jet d'air lancéolé fusa sur le tourbillon et de leur collision naquit une onde de choc qui rida la mer et engendra des grosses vagues. Loth échoua dans l'eau salée et DeMar contre la coque du cuirassé.
A bord des boutres, les Wave faisaient preuve d'une telle habileté féline qu'on aurait juré qu'ils faisaient corps avec leurs navires qui leurs obéissaient à la moindre caresse. Malgré les contremesures, ils plastifièrent la caravelle à la poupe endommagée grâce à des pains de C4, créant ainsi une large ouverture dans la carlingue, juste au-dessus de la ligne de flottaison. Elle coula en moins de trois minutes. Plus qu'une et il ne restera plus que le cuirassé, compta Émeline trop concentrée sur les manœuvres de ses boutres...

- Attention, m'dame, à trois heures ! tonna un de ses rameurs.
- Thunder Eagle ! cingla-t-elle au réflexe.

La bataille était d’une violence inouïe et tout le monde était décidé à vendre chèrement à sa peau. Incapables de convenablement toucher les boutres trop rapides, les Tempiesta mirent à l'eau les canoës de sauvetage du cuirassé. Ils emportaient chacun un équipage de trois hommes lourdement armés, chargés de faire la chasse aux Waves en les éloignant de ce qui leur restait de navires. C'est l'un de ces chasseurs qui se glissa dans l'angle mort d’Émeline.
Quand elle abattit verticalement son Meitou, un illusoire oiseau de proie intégralement fait d'arcs électriques naquit et foudroya littéralement les ennemis. Sonnés et fumant, ils tombèrent à la mer. Mais ce n'était qu'une diversion et elle s'en aperçut trop tard. La caravelle survivante les éperonna grâce à la gigantesque lame d'acier saillante qu'elle avait en guise de figure de proue. Émeline en réchappa in extremis en plongeant ; quant à son équipage, il fut laminé. Elle émergea au milieu de cadavres flottant puis monta à bord d’un autre boutre qui vint la sauver. Ils durent par la suite se débarrasser de trois canoës supplémentaires pour se rapprocher de la mortelle caravelle par bâbord. A l'aide de ventouses, Chaos Theory escalada la coque et débarqua sur le pont. Mû encore par un réflexe salvateur, elle pirouetta sur ses talons, évitant de justesse un homme qui valdinguait. Ce dernier passa par-dessus le bord, puis un autre le suivit. Trois autres s'effondrèrent en sang, plantés dans le dos. Quelqu'un faisait le ménage, Émeline reconnu à sa grande surprise les jumelles Martico. Sans se faire prier, elle se joignit à la fête.

- Ah tiens, t'es vivante, observa-t-elle en électrocutant le navigateur à la barre.
- Bien sûr ! Tu penses pas qu'ces enfoirés vont m'avoir aussi facil'ment ? rétorqua Cat's Eye qui arborait une large estafilade verticale sur la joue. Son couteau de jet alla se figer dans la mâchoire d'un sous-fifre.
- Désolée, on se les faisait quand ils t'ont pris pour cible mais on n'a pas été assez rapides, dit Lyanna à bout de souffle. Contre un mât, elle écrasa la tête du Capo Tempiesta commandant de la caravelle.
C'était le dernier, souffla-t-elle, il aura tenu bon. Ne reste plus que le cuirassé !
- Il nous reste trois nefs plus c'te caravelle là ! On peut s'le faire ! Où est l'myope ?
- La dernière fois que je l'ai vu, il se battait contre DeMar... mâchonna Émeline, inquiète en regardant par-dessus le bastingage la silhouette du cuirassé au loin.
- On dirait qu’y a du grabuge sur leur pont aussi.


[...]

Inari

- V-vous aaaaviez promis ! Non ! Piotr ! Non ! Fais pas ça ! On-on est am-mis ! F-frères !
- 'rrête d'gigoter ! Piotr a pas d'frère ! L'a un daron qui v'lui enseigner ! C'bon, l'est sol'd'ment attaché maint'nant. Vas-y fils, fais-lui sa fête, Sensei a dit qu'on a plus b'soin d'lui !
- P-père... supplia le rachitique Piotr Maer.
- L'EST RIEN POUR TOI ! CHUI TA FAMILLE ! L'SEULE ! T'Y PENSES SURVIVRE DANS C'MONDE 'VEC C'TE FAIBLESSE ?! HEIN ! J'SSAIE D'T'ENSEIGNER UN TRUC ! D'COUPE LE !
- L'écoute pas Piotr ! Suis là pour toi ! S-suis ta famille ! gigota Qilian attaché à un lit miteux.
Non ! Fais pas ça ! Snow, c'était une erreur ! Pas ta faute ! Ton père est malade ! Ton grand père aussi ! Hérédité signifie pas une malédiction ! On n'est pas obligé de suivre les traces de nos parents ! T'as pas entendu ce qu'il avait dit ? Il a tué sa propre mère ! Il est dément ! Complètement fou ! C'est ton géniteur mais pas ton père ! On peut choisir sa famille ! On est orphelins tous les deux, on peut être une famille, se protéger mutuellement !

BAF !
Pavel lui administra une gifle monumentale qui le fit taire. De son nez dégoulina un filet de sang.

- T'Y PENSES P'VOIR ÉLEVER MON FILS MIEUX Q'MOI ? HEIN ?
- J'ai une question, Pavel, renchérit Qilian qui n'avait plus peur à présent. La mort, il devait l'affronter dans les yeux.
Si vous avez tué votre propre mère, quid de la mère de Piotr ? Il l'a jamais connue, on a dit qu'elle était morte en couche ? C'est vrai ça ? Ou a-t-elle aussi été victime de votre folie ?!
- Tori l'est morte en d'nnant naissance ! T'as la bouche pou' un cadavre ambulant !
- Moi j'ai des infos contradictoires, Piotr ! Après que tu m'aies révélé ce que ton père voulait que tu fasses, j'ai fait des recherches ! Les Hérauts de l'Aurore notent tous ! Aucun décès par accouchement le jour de ta naissance ne figure dans leurs registres ! Ta mère était bien vivante après ta naissance ! Il l'a sans doute tuée ! Fou qu’il est !
Ouch !

Le coup était plus fort que le précédent. Les lèvres de Quilian furent méchamment lacérées. Toujours tremblant, Piotr Maer observa la scène les yeux écarquillés. Son ami était dans les vapes, les yeux révulsés pendant que son père s'acharnait sur lui, fou de rage. « Fais quelque chose ! Fais quelque chose ! Fais quelque chose ! Fais quelque chose ! » martelait une voix dans son cerveau. « Sinon il va le tuer ! Fais quelque chose ! Ami ou famille ? C'est quoi un "ami" ? C'est quoi une "famille" ? Lien du sang ou du cœur ? Fais quelque chose bordel ! » Au plus profond de son indécision terrorisée, Piotr Maer entendit une voix. Il ne fut pas le seul, son père aussi l'entendit, s'arrêtant dans sa besogne de destruction faciale du pauvre Madstark. L'unique pièce qu'ils squattaient s'illumina un peu plus, d'une lueur surnaturelle cette-fois ci. Tous deux hoquetèrent d'horreur. Traversant le mur, une forme spectrale bleutée leur apparut. Elle ressemblait à un crâne surmontant une langue de flamme bleue, ou quelque chose genre. C'était indescriptible, ils n'avaient jamais rien vu de tel. Autour de la forme fantomatique, d'autres flammes d'un bleu pâle orbitaient donnant à l'ensemble l'air d'un bien étrange système solaire. Instinctivement, Piotr et son père -tassés de terreur contre le mur- se regardèrent pour être sûrs qu'ils ne rêvaient pas. Et même là, ils n'excluaient pas l'hallucination collective...

- PAVEEEEEEEEL ! PAVEEEEEEEEEEEEL ! grogna le spectre d'une voix d'outre-tombe. ON ÉTAIT JEUNE PAVEEEEEEL ! JE T'AIMAIS PAVEEEEEL ! COMMENT T'AS OSÉ ME FAIRE CA ?!
- Qu.... Qui.... balbutia l'Embaumeur.
- OH TU ME RECONNAIS PLUS ?! MOI LA MÈRE DE TON FILS ? MOI QUE T'AS IMMOLÉ APRÈS T'AVOIR DONNE TON FILS ?! TU ME RECONNAIS PAS ?! MOI TORI ?! T'AS LA MÉMOIRE COURTE PAVEEEEEEEEEEL ! TU CROIS QUE LES MORTS SONT MORTS ?! TU TE SENS A L'ABRI PARCE QU'AUCUNE DE TES VICTIMES N'EST VENUE TE DEMANDER DES COMPTES ?! MOI JE SUIS LA POUR CA ! tempêta l'esprit en se rapprochant un peu plus. Pavel passait par tous les sentiments, de la terreur à l'effroi.
- M... J... bégaya-t-il, incapable de former un mot, les yeux écarquillés, si pressé contre le mur en argile qu'il aurait souhaité s'y fondre. La chose avait vu juste, sa plus grande hantise était que ses morts vinssent le hanter.
- JE SUIS PAS SEULE ! ILS SONT TOUS LÀ AVEC MOI ! TU SAIS ? LES AUTRES ! TA MÈRE ANGELA BÖSHETAG ! JAMISON REEDER ! OLEG ! KHAMIS ! MERLINDA ! COCO ARTA ! LUCREZIA BAMBANA ! RAOUL VETTEL ! SILVIO LAVEZZI ! ROGUE VERSTAPEN ! JE LES CONNAIS TOUS ! DEPUIS L’AU-DELÀ DE L’AU-DELÀ, ON A DÉCIDÉ DE SE VENGER ! L'ENFER T'ATTEND PAVEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEL !
- No... non... !
Puis il prit ses jambes à son cou, trébuchant sur les meubles mangés aux mites. Il hurla quand son fils lui planta dans la jambe le couteau qu'il tenait fébrilement.
P-p-iotr ! haleta-t-il.
- NON MON CHÉRI ! fit la chose d'une voix maternelle à présent. TON AMI A RAISON ! CE DÉCHET N'EST QUE TON GÉNITEUR ! TU DOIS TRACER TA PROPRE VOIE ! SANS VIOLEEEEEEENNNNCE ! T'ES UN GENTIL GARÇON ! FAIS LE BIEN DANS LE MOOOOOOONDE !
- Ma-ma-ma-maman ?
- MON PLUS GRAND REGRET... NE T'AVOIR JAMAIS CONNU ! RENDS-MOI FIER ! DEVIENS UN HOMME DE BIEEEEEEEEEN ! LAISSE-MOI, LAISSE-NOUS NOUS OCCUPER DE PAVEEEEEEEEEEL ! VAS-T'EN PIOTR ! VA CHERCHER DES SECOURS POUR TON AMI ! AIME-LE COMME UN FRÈÈÈÈÈÈÈÈÈÈÈÈRE ! SOIS SANS CRAINTE, IL VOUS ENNUIERA PLUS PAVEEEEEEEEEEEEEEEL ! SON CHEMIN S'ARRÊTE ICIIIIIIIII ! VAS MON FILS ! SAUVE TON FRÈRE !
- O-oui maman ! répondit le famélique Piotr avec un sourire avant de s'éloigner à pas vif, ignorant son paternel qui le suppliait de ne pas le laisser à la merci des ombres.
- C'EST LE MOMENT PAVEEEEEEEEEEEEEEEEEL ! JE VAIS TE DEMANDER DE VENIR AVEC MOOOOOOOOOI MOOOOOOOOOOOOOOOI MOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOI !
- L'sse-moi tranquille ! rugit-il dans un sursaut d'orgueil. Il jeta une tasse qui traversa la forme.
- RISIIIIIIIIIIIIIBLE ! TU VAS ALLER EN ENFER, DANS LE TOURMENT ÉTERNEL, AU PRES DES ÂMES DES GENS QUE TU ÉLIMINÉS AVEC PLAISIR ! ET QUAND TU Y SERAS, AGENOUILLE-TOI, PROSTERNE-TOI DEVANT EEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEUUUUUUUUUUUX !

Puis la lumière ne fut plus.
Le spectre disparut laissant un silence de mort planer.
Haletant, le souffle court, Pavel tenait son pied ensanglanté, en regardant dans toutes les directions, convaincu que le pire était à venir. Deux minutes passèrent et toujours rien. Où était la bouche de l'enfer et l'armée des ténèbres promises par la Chose ? Tout cela n'était-il qu'illusion... ? Non, c'était pire que cela. Un canular ! Il s'était laissé avoir par un effet spécial imaginé par quelqu'un qui le regrettait bientôt ! Il avait été stupide d'y croire ! Les morts ne revenaient pas à la vie, c'était la seule vérité commune à l'humanité... Furieux, il entreprit de se dégager du mur et de se relever mais il sentit deux mains se refermer autour de son cou. L'étreinte était mortelle, l’asphyxie le fulgurait. Il se débattit en vain, la poigne était trop forte. Son esprit vacilla, sa vue se brouilla, peu à peu délaissée par la vie. « Désolée, c'est pas la manière de tuer que je préfère mais on doit faire les choses proprement. Les fantômes, c'est pas censé trancher les gens » chantonna Lady Ombeline. Elle augmenta la pression sur sa trachée qui se craqua en émettant un bruit sinistre. Plus aucun souffle n’émanait de Pavel, recroquevillé contre le mur, les yeux vides, la bouche béante. L'épée du matin se leva et se rapprocha de Madstark dont elle prit le pouls. Il lui faudrait surement des prothèses pour remarcher à nouveau mais à part ça, il s'en sortirait se dit-elle. C'était un garçon très fort mentalement et sans son idée de retourner Piotr contre son père en l'accusant -faussement- de la mort de la mère du petit, elle serait rentrée en bourrin dans la maison et aurait tout découpé.

- Je me suis amusée, monologua-t-elle, ce fruit de la Résurrection est rigolo en fin de compte. Bee va garder un œil sur vous deux et gare à vous si vous déconnez. Tant pis pour ma popularité, je serai pas accréditée de l'arrestation de l'Embaumeur.
Hasta la vista ! Je me demande ce que fabrique Binocle en ce moment... Je devrais avoir du temps libre pour le filer maintenant....

PULUPULUPULUPULUPULUPULUPULUPULU !!!

- Lady.
- OMBELINE ! aboya Mephis Toffel.
- Mon commandant...
- QUELLE PARTIE DE "REVIENS AU QG" T'AVAIS PAS COMPRIS ?!
- J'étais... L'affaire a pris une tournure...
- REVIENS IMMÉDIATEMENT ET T'AS INTÉRÊT A OBÉIR CETTE FOIS-CI, AUTREMENT, TU VAS TÂTER DE MON QUARANTE-CINQ !
- Oui monsieur... maugréa-t-elle tout en l'injuriant intérieurement.
- JE VEUX UN RAPPORT DÉTAILLÉ SUR TOUT !
- Oui.
- BEAU BOULOT ! VOUS ME RENDEZ FIER !
- Ah ? Euh... Merci. Donc je...
- TU REVIENS IMMÉDIATEMENT !
- Bien monsieur.

Gatchan.

- Dois être bipolaire lui, conclut Ombeline en hochant la tête.


[...]

Il évita les griffes du félin en pivotant son centre de gravité vers l'arrière, renchérit avec un coup de pied circulaire qui produisit de multiples lames d'air. L'hybride louvoya entre elles, s'envola rapidement d'un Geppou puis redescendit de la même manière, brutalement, ses deux mains griffues tendues. La rapidité de l'exécution surprit le Moine qui aurait pu souffrir de gros dommages sans son cocon capillaire. Les griffes démentielles échouèrent sur l'armure de cheveux démultipliés dont s'entoura instinctivement Loth qui contra dans la seconde en l'hérissant de piques. Les épines capillaires perforèrent les mains de Bright qui réussit à se décaler de quelques centimètres pour éviter d'être empalé au cœur. Il recula d'un saut arrière, ses membres supérieurs meurtris et dégoulinant de sang. Le binoclard se précipita sur lui, voulant en finir maintenant mais se heurta contre son pire ennemi : Don Carbopizza. Cheveux parfaitement soignés, costard impeccable, le visage avenant et intelligent couplé à ses lunettes d'intello, Manuel Tempiesta aurait pu passer pour un frère de Loth tant ils se ressemblaient dans leur apparence et manière de diriger leurs affaires. Tous deux cultivaient une saine notoriété pour dissimuler leurs activités, tous deux détestaient les plans sur brûlis préférant mûrir une action pendant des jours avant de l'exécuter, tous deux étaient de la même tranche d'âge à cette différence près que quand Manuel accéda (grâce au décès de son père) une dizaine d'année auparavant au siège suprême, Loth n'était encore qu'un sbire du Gila. Et bien sûr, tous deux se détestaient à mort.

Don Carbopizza était auréolé d'un halo rougeoyant, le Moine Hérétique d'un halo violet. L'un luttait pour contenir un « Moi » maléfique, l'autre laissait libre court à son pouvoir. Celui qui lui avait valu le surnom de Carbopizza. Carbo comme "carbonisation", pizza comme les pizzas qu'il carbonisait en même temps que ses ennemis. Le parrain possédait le pouvoir du Fruit de la Température. Sa main surchauffée tel un tison réussit à transpercer la défense capillaire. Avant qu'il ne le toucha, Loth l'empoigna par le coude, dévia son poing et lui envoya un coup de boule. Mauvaise idée, c'est tout son corps qui était surchauffé à présent. Le binoclard le lâcha et s'en éloigna rapidement. La distance serait plus salutaire. Mais le Don semblait aussi penser la même chose puisqu'il arma une main dans la position d'un joueur de bowling. Son strike, il le fit sur la tête du Moine quand il lui balança une boule d'énergie chaude. Loth sentit son visage brûler pendant deux secondes avant de valser et de raser le parquet du pont. La meute de Tempiesta fit un tir de barrage. Instinctivement, il se recoquilla une énième fois dans sa carapace de cheveux où ricochèrent les balles. DeMar Bright y ajouta du sien sous la forme d'une pluie de Rankyaku, sans compter la grêle boule d'énergie à haute température. Ces multiples assauts fragilisèrent sa protection à une vitesse alarmante. Mais puisqu'il n'y avait pas meilleure protection que l'attaque, il toupilla dans son cocon puis l'annula avant de déclencher une version horizontale de son Excalibur. Elle entailla tout sur son passage et les hommes qui ne se baissèrent pas assez vite furent proprement débités en deux. Les trois mats du mastodonte n'en réchappèrent pas.

Enfin, le monstre ne pouvait plus bouger. Sur le bout des doigts, il tâte son visage porté au rouge par la brûlure. Rien de grave, juste la désagréable sensation de picotement suivant une exposition non prolongée à une source de chaleur. De ses deux adversaires, Loth n'arrivait pas à se décider celui sur lequel concentrer ses attaques en priorité. Bien sûr, Carbo était bien plus important que Bright mais quelque chose -Shawn peut-être- l'incitait à plus haïr l'ex-commodore. Son crime était bien plus vivace dans sa mémoire que la trahison de Tempiesta envers le Gila. Il détestait chaque centimètre carré de l'apparence de DeMar Bright. Sa taille dépassant les trois mètres maintenant qu'il était en forme hybride du très rare fruit préhistorique modèle Smilodon. Au panthéon des plus gros félins de tous les temps, cet animal trônait au sommet. Il conférait ainsi au vieil homme une force dépassant celle des zoans carnivores "contemporains". L'affronter était une pure épreuve physique que le Moine aurait exécré en temps normal. Poussé par sa colère et son désir de vengeance cependant, il puisait sans sourciller dans le Retour à la Vie pour compenser son déficit de muscle. Il appréciait chaque occasion de faire mal au marine, de sentir ses os craquer, sa peau partir en lambeaux sous ses coups. Définitivement, la priorité était DeMar Bright. « Chaine Nébulaire ! » claironna-t-il. Il tressa et mua ses cheveux en cordes filiformes par centaines lui donnant l'air de la Méduse de la légende. Comme si ces appendices étaient vivants, comme si c'étaient des serpents...

En mer, la bataille marine était gagnée. Les nefs SM appuyées par la flottille de boutre criblèrent le cuirassé en faisant vibrer le pont. Quand Bright s'envola, Loth fouetta les airs de ses appendices. Un d'entre eux s'enroula autour d'une cheville. Loth lui imprima un mouvement hélicoïdal avant de l'écraser si violemment sur le pont qu'il le traversa et finit dans le compartiment en dessous. Don Carbo essaya de se glisser dans son angle mort mais ses serpents capillaires le tinrent à distance puis le saucissonnèrent également. Il porta sa température à plusieurs milliers de degré ce qui fit ramollir son étau. Il matérialisa une immense boule de chaleur qui aurait pu faire très mal si seulement une terrible explosion n'était pas venu ébranler le cuirassé. Manuel perdit l'équilibre et tangua vers la droite en même temps que le navire. Ce bref moment de relâchement permit au Moine de prendre le dessus en le cueillant d'un uppercut dopé au Retour à la Vie. Le coup souleva le parrain, lui brisa ses lunettes et l'envoya directement dans la flotte. Victoire, se dit le binoclard. Il était fini. Autour du commodore. Les tentacules allèrent le chercher au fond de la cale et le remontèrent. Bien ficelé comme un travers de porc, il était à la merci de Loth dont le regard brillait de sadisme. Autour du cuirassé, la coalition SM formait un anneau victorieux et très bruyant. On entendait des « A mort ! A mort le tigre ! » de la part des Martico et des « Vive Loth ! Loth président ! »

Ça c'était juste avant le drame.
Simultanément, les cinq nefs et la caravelle trophée explosèrent.

- ÉMELINE !
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Comment ces navires avaient-ils pu se désagréger sans prévenir ?
Pourquoi les boutres explosaient-ils ? Où était l'ennemi ? Gardant la prise ferme de ses cheveux sur son prisonnier, Loth se précipita au bastingage, ahuri. La stupéfaction avait eu le don de refouler Shawn. Quand un boutre éclata avec un saut périlleux comme si la mer elle-même l'avait éjecté, le Moine Hérétique comprit.
La mort venait d'en-dessous.
Il perçut des glouglous très familiers qui lui rappelèrent ses années en tant que sbire du Gila, quand il combattit sur ses ordres une guilde de South Blue qui utilisait... Des navires enrobés. Originaire de Shabondy, l’art de l’enrobage s’était invité sur les Blues ces trois dernières années via quelques artisans qui proposaient ce service très couteux à ceux qui désiraient la discrétion des profondeurs sans l’exiguïté des submersibles. Qui plus est, avec la bulle, on pouvait aisément tirer sous l'eau alors que les armements des sous-marins étaient quasi-inexistants avec le niveau actuel de leur technologie.

Un, deux, trois, sept, dix, douze !

Les unes après les autres, une douzaine de caravelles émergèrent des eaux précédées par des bruits de succion. Pendant quelques secondes, on pouvait encore apercevoir la bulle qui les entourait avant qu'elle n'éclate. Sur la plus grosse des caravelles, Loth distingua Manuel Tempiesta sur le nid-de-pie. « Enfoiré ! » marmonna-t-il. C'est Émeline qui avait raison, c'était un piège soigneusement orchestré. Don Carbopizza avait laissé fuité des informations pour les rassembler ici et en finir avec eux. Échec et mat.
La mer était tapissée de copeaux et d'épaves fumantes, mais aussi de cadavres. Sans considération pour la flotte qui l'environnait, coupant toute possibilité de fuite, il chercha sa dauphine dans la mer et finit par la repérer à tribord, accrochée à une planche. A ses côtés, il reconnut aussi les chevelures blondes des sœurs Martico. A l'aide de ses cheveux, ils les remontèrent sur le pont ainsi qu'une vingtaine d'autre survivants. C'est tout ce qu'il restait, ils devaient être au moins deux centaines quand la flotte fut constituée. C'était une immonde boucherie. Émeline avait tout le côté droit brûlé par le souffle d'explosion mais le cas le plus préoccupant était celui de Blanche Chouette. Les lamentations de sa sœur n'y changeraient rien, elle était condamnée constata Loth avec amertume, tristesse et colère. Aussi long qu'un avant-bras humain, un éclat de bois était enfoncé dans sa cage thoracique.

- C'est bon, tu as remonté tous tes gens ? demanda Manuel Tempiesta depuis son bateau avec un porte-voix. Il aurait pu leur demander quel temps il faisait.
Maintenant, vous allez déposer les armes et par commencer, tu vas libérer mon nouvel allié.
- Rêves toujours ! beugla Loth.
- Allons, on te dit très intelligent et calculateur. Tu as dû voir que ta stratégie à été battue à place couture, non ? Depuis le début, j'aurais pu vous annihiler mais je vous ai laissé croire que vous aviez une chance. Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Relâche DeMar et je vous laisserai en vie.
- Fais c'qu'il t'dit ! Lyanna a b'soin d'soin ! aboya Cat's Eye.
- Le chagrin te fait dire n'importe quoi. Tu penses qu'il va nous laisser gentiment nous en aller ?! Notre alliance représente la moitié des ennemis qui l'assaillent ! Aucun de nous ne sortira vivant d'ici si on se plie à ses quatre volontés !
- Et tu veux faire quoi hein ?! Regarde autour ! On est fichu d'toute façon !
- Ho ! Ho ! Ho ! Ho ! Ho ! J'adore observer la zizanie que créent mes plans, j'adore encore plus voir des alliés se déchirer. Je suis beaucoup de choses mais je n'ai qu'une parole. J'épargnerai le premier clan qui me jurera allégeance. Alors ? Loth ? Cat's Eye ? Qui va ployer le genou ? Hmmm ? Pour sauver sa vie et celles des siens ?! J'ai des médecins ici tu sais, Cat's ? Ils peuvent sauver ta jumelle. Loth, on peut être amis, on se ressemble tellement ?! Hmmm.
- 'coute-moi bien sale p'tit avorton ! fit Cat's en quittant le chevet de sa sœur, transcendée par la rage. L'jour où j'mettrai la main sur toi, crois moi, j'm'servirai d'toi pour r'définir la douleur !
- Ouuuuuuuh ! Ça veut dire non ? Tu préfères la mort que de trahir ton allié ? C'est tout à ton honneur. Mais que va faire Loth ? Tu sais qu'il est retord hein ? Quelle sera sa réponse ?!
- La voilà ! répondit le Moine Hérétique.

Ses appendices soulevèrent bien haut DeMar Bright pour que tout le monde le voie. Fignolé comme une momie, il n'avait plus voix au chapitre et se contentait de se contorsionner comme un asticot. Loth était vraiment étrange à regarder, là, debout avec ses cheveux montant vers le ciel enroulés autour de quelqu'un. Il jeta DeMar Bright vers le navire de Carbo puis Exclalibur cingla l'air une troisième fois de la journée. Le parrain vociféra un « NOOOOOOOOOON ! » juste avant que l'épée incorporelle ne morcelât le marine émérite en deux parts sanguinolentes.
A l'unisson, toutes les caravelles répondirent à la rage du Don et firent feu. Comme s'il l'action se déroulait au ralenti, Loth leur tourna le dos pendant que les obus fusaient vers eux, s'empara de ses alliés avec ces tentacules puis se jeta à l'eau. Elle était froide et polluée par les reliquats de la bataille. L'amertume le gagna au fur et à mesure que les poids combinés des survivants les enfonçaient dans la masse. Si grâce au Retour à la Vie, il avait suffisamment dilaté ses poumons et emmagasiné de l'air pour doubler sa résistance naturelle, ceux qui étaient blessés menaçaient de se noyer dans les secondes qui suivaient.... « Allez ! Où êtes-vous ? Elijah ! Tu devrais déjà être là ! Mon sort dépend de toi ! » se martela le Moine en scrutant les étendues sombres de North Blue. Puis soudain, il sentit une fulgurante douleur le lanciner aux poumons. L’asphyxie. Il avait trop abusé du Retour à la Vie, ses poumons venaient de se dégonfler tels de vieux ballons. Lui-même était aussi précaire à présent que les morts vivants qu'il trimballait. Ils allaient tous mourir en ces eaux anthracites bien loin de la portée de la gloire qu'ils attendaient tous.

Peut-être que les bras qui se resserraient autour de son torse étaient ceux de la mort...


[...]

Trois jours plus tard...

Il ouvrit un œil vitreux. Emmailloté dans des couvertures bien chaudes, il était bien. Quelqu'un le veillait ou attendait qu'il se réveille. Émeline, Aella voir même Ombeline ou Midnight. Dans tous les cas, c'était une femme qu'il s'attendait à voir à son chevet mais ce furent les contours d'un homme qu'il aperçut. Paniqué et prêt à exploser de rage -malgré son grand état de faiblesse- à l'idée que ce soit Don Carbopizza, il chercha à tâtons ses lunettes qu'il posa sur son nez. Loth s'apaisa à la vue du visage poupon et lunaire de Qilian Madstark. Un autre coup d’œil plus expert permit au Moine de comprendre qu'il était dans sa suite de Lavallière. Il ne sut que dire au jeune homme à part un vague « Vous allez bien ? » Mais étant donné qu'il était lui-même pas vraiment au point, sa question avait un côté drôle qui fit sourire Madstark. Quelque part, c'était rassurant de le voir rire à nouveau après les épreuves qu'il dût traverser. Il fut intarissable, raconta à Loth comment Piotr Maer et lui s'en étaient sortis grâce à une "apparition du fantôme de la mère de Piotr". Le binoclard qui connaissait le pouvoir de Lady Ombeline sut que la farce venait d'elle mais n'en dit rien. Qilian lui présenta ses excuses pour la manière "enfantine" dont il avait géré l'affaire et reconnut qu'il aurait dû tout lui dire au lieu de chercher à arrêter tout seul un tueur sanguinaire. Il lui affirma que Piotr s'en remettrait et qu'ensemble, ils s'inscriraient à ses cours de criminologie. Loth quant à lui espérait ne jamais les voir dans ses classes...

Après son départ, vinrent Émeline suivie par une force de la nature, un homme-poisson requin chauve comme un melon, baraqué comme Mr Muscle. Elijah. Originaire de Luvneel, c'était le N°3 du gang des Shoshark. Quand Loth apparut dans le coin à la recherche d'une relique (L’œil de Tiamat), il le recruta lui ainsi que cent de ses comparses. Ils constituaient son escouade spéciale d'hommes-poissons. Grâce à un accord négocié avec les Soshark, ils purent rester sur Luvneel pour leurs prêter main forte dans la guerre que le gang livrait aux Bambana. C'était dans l'intérêt du Moine également, les Bambana étaient de nos jours, la première force militaire des Sept et soutiens indéfectibles des Tempiesta. Luvneel était loin de Manshon, mais si seulement ils étaient arrivés plus tôt, toute la flotte Tempiesta reposerait à cet instant au fin fond de North Blue... D'ailleurs, que s'était-il passé après son évanouissement ?

Espérant un scénario impliquant la revanche de ses hommes via une attaque sanglante sous-marine, un genre de remake de ce que le Don avait lui-même planifié, Loth fut déçu. De son escouade de cent hommes, seuls dix avaient pu rallier le point de rendez-vous et les sauver. Le reste, expliqua Elijah de sa voix de ténor, était impliqué dans une importante opération de dératisation de Bambana dans le duché de Kyrat à Lunveel. Dix, c'était trop peu, même pour des hommes-poissons pour espérer prendre le dessus sur une flotte de douze navires et plusieurs milliers d'hommes. La défaite avait un goût amer mais Loth se satisfait en sachant que la mort de Modeste Banquiz avait été vengée au moins. Le Don ne perdait rien pour attendre, il menait cette manche mais à la prochaine, le binoclard espérait bien lui rendre la pareille.
Et pourtant...

- Lyanna ? demanda-t-il en craignant la réponse.
- Morte, répondit Émeline. Don Martico est inconsolable, c'était son héritière. Maintenant, la guerre est vraiment déclarée entre eux et les Tempiesta. Un de leur casino à été plastiqué en représailles, une femme qu'on dit être une des préférées de Carbo y est morte ainsi que plusieurs personnalités.
On monte d'un cran. Don Martico t'a d'ailleurs mandé mais tu as tellement utilisé le Retour que tu es resté dans le coma trois jours. Lyanna a déjà été enterrée. Les Venici sont en route, ils vont nous proposer d’officialiser notre triple alliance.
- Je ne sais pas penser des Venici. Nous voulons la même chose, la place de Manuel. Dans ce contexte, l'ennemi de mon ennemi est mon ennemi.
- Oui mais on peut faire front contre un adversaire commun pour l'instant non ? Tiens on a aussi appris grâce à des espions que la plupart du staff Tempiesta tué sur Manshon par les pirates Daemon Wall et Moka Charlotte a été remplacé. Il y a du sang neuf, Don Carbo s'est refait une nouvelle peau. On dit qu'il a un nouveau Bras Droit et Bras Gauche. On va pas tarder à l'entendre encore mieux.
- Nous aussi avons trop été au four et au moulin ces derniers temps. Moi surtout. Je mets toutes mes affaires en suspend et me consacrerai uniquement à la guerre. Organise une réunion avec Don Martico et les Venici. Je peux toujours écouter ce que ces derniers ont à offrir.
- Bien. Ah, j'oubliais, comme on a rempli notre part du marché, Farida Faouzi participera à une autre réunion avec nous et les Martico seulement pour mettre en place notre organisation commune. Pour mettre des fossiles sur le marché. J'ai cru comprendre qu'elle veut appeler ça Jurassic Ætate. Ça va rapporter gros.
- Si tu le dis. Avec la Blanche Chouette morte, c'est donc Cat's Eye qui est l'héritière en titre ?
- Bah ouais.
- Don Martico ne va pas être content, elle conchie soigneusement leurs traditions, rigola le Moine pour la première fois. Il se tourna pour s'adresser à son homme-poisson.
Elijah, rappelle immédiatement tous tes hommes. Que les Soshark se débrouillent mais je les veux frais et dispo' dans une semaine grand maximum. Émeline, tu sonnes aussi le branle-bas de combat à Carcinomia, qu'ils ouvrent l’œil. Maintenant que Manuel a un artisan enrobeur avec lui, il ne va pas se priver d'attaquer Carci. Après notre entretien avec Martico et Venici, tu convoqueras une réunion avec les clans majeurs de l'ile pour voir ce qu'ils pourront nous fournir comme hommes ou matériels.
Tempiesta veut une guerre totale, il aura la guerre !
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  • https://www.onepiece-requiem.net/t10961-loth-reich-le-marchand-heretique