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To survive a war, you gotta become war. (Tenko / Moïra)

Moïra observait les alentours depuis le pont du bateau. La pluie battait fort et elle devait plisser les yeux pour apercevoir le contour brumeux de l’île de Las Camp. Elle avait été envoyée ici en renfort. Les affrontements entre la Marine et les bandits locaux s’étaient intensifiés et les médecins stationnés sur place étaient débordés. Les plus hauts gradés de l’unité médicale étaient déjà dépêchés ailleurs, aussi avait-elle été réquisitionnée avec une équipe de jeunes recrues et plusieurs brancardiers. Il y avait deux autres médecins principaux avec elle, mais ceux-ci avaient préféré rester le plus longtemps possible dans la chaleur des cabines du navire de ravitaillement plutôt que de venir sur le pont avec elle.

C’était la première fois que le médecin mettait les pieds sur cette île. Elle en avait eu de bien tristes échos, les histoires sordides qui étaient perpétrées sur ce misérable caillou se répandaient comme une traînée de poudre dans le West Blues. Un endroit dangereux pour une femme disait-on… L’Albane s’en moquait bien. Elle était là pour faire son travail, aux officiers de veiller à la sécurité.
En soupirant, elle aperçut les lumières sales du port, plongé dans la brume. D’après la couleur maladive du ciel, ils devaient être en fin d’après-midi. C’était difficile d’avoir une heure précise avec ce ciel… On avait l’impression d’être suspendu dans un espace où le temps n’avait plus vraiment cours.

En essuyant les gouttes qui ruisselaient sur son visage, la jeune femme ré ajusta son manteau blanc et retourna vers sa cabine pour rassembler ses affaires. Sur le pont, on préparait déjà les marchandises à descendre à quai. Les matelots n’avaient pas l’air très sereins et guettaient les ombres, à l’affut du moindre mouvement suspect. Moïra, quant à elle, préférait ne pas trop y penser. La zone du port était sécurisée par les soldats, il n’y avait rien à craindre, du moins dans cette partie de l’île.
La jeune femme poussa la porte de la petite pièce qui lui avait été attribuée. Elle était la seule femme sur ce convoi, aussi la Marine lui avait attribué une chambre à part. Le confort était relativement sommaire mais la jeune médecin avait été habituée à pire. Vivre entre les murs froids de Castle Leod avait forgé sa résistance aux situations inconfortables. Il fallait dire que les Albans étaient élevés à la dure…
La jeune femme essora ses longs cheveux bruns et les ramena en tresse à l’arrière de sa tête. Un instant, elle s’assit sur le lit de bois et laissa ses yeux d’azur divaguer dans la pièce. Cela faisait maintenant cinq ans qu’elle était entrée dans la Marine. Qu’en avait-elle retiré jusque là ? De l’expérience certainement, mais aussi beaucoup de désillusion. En cinq ans, pas une nouvelle de sa mère. L’éloignement de son île natale, qu’elle avait pensé constructif, s’était révélé plus destructeur qu’autre chose.
Moïra se posait beaucoup de questions. Elle était déracinée, sans port d’attache. Elle aimait les membres de son clan autant qu’elle s’en méfiait et sans doute ce sentiment était-il réciproque. Finalement, rien n’avait vraiment changé…

Un choc l’interpella. Le bateau venait d’être amarré à quai, il ne fallait pas qu’elle traîne. Elle rassembla ses deux mallettes de médecin, en profita pour resserrer l’écharpe bleue qui lui entourait le cou et ressortit sur le pont. Là bas, les marchandises étaient déjà débarquée à une allure frénétique. Elle s’avança pour sortir, retrouvant ses collègues.
Alphonse Brown était un petit homme joufflu, assez nerveux. Depuis qu’ils étaient en vue de l’île, il n’avait pas cessé de jouer avec une petite pelote de tissus qu’il gardait dans sa poche. Il avait passé toute sa carrière en sécurité au poste de la Marine de West Blue et sortait pour la première fois depuis plus de 10 ans. L’autre, beaucoup plus grand et large, se faisait appeler Cervantès. Une rumeur courrait sur le fait qu’il avait honte de son prénom. Elle avait entendu quelque part que son véritable patronyme était Gonzalo. Mais vu la taille de l’armoire à glace, elle n’avait jamais osé lui poser la question. Contrairement à Alphonse, il paraissait beaucoup plus serein, presque amusé.
Au moins un qui serait efficace dans son travail.

Un petit escadron de soldats les attendait en bas, l’œil méfiant, les armes dégainées. La jeune femme ne savait pas si elle devait trouver cela inquiétant ou plutôt rassurant.
Elle descendit la première et fut saluée par un sergent à l’œil inquisiteur. Il était encore jeune mais il paraissait très expérimenté. Moïra supposa qu’il devait être stationné sur l’île depuis un bon moment.

- Bienvenue sur Las Camp. Sergent Von Krone à votre service.

La jeune femme répondit par un salut formel.

- Médecin principal Mackenzie. Enchantée.

Le jeune homme opina du chef et attendit que tout le monde soit sorti pour donner l’ordre de quitter le quai. Il ouvrait la marche d’un pas assuré.

- Nous vous attendions de pied ferme. Je vais vous montrer sans tarder vos quartiers ainsi que l’infirmerie. Nous sommes débordés, les bandits sont plus hargneux que jamais. Vous serez placée sous les ordres de mon supérieur, le lieutenant-colonel Sozen. C’est un stratège émérite, vous n’aurez qu’à suivre ses injonctions et tout devrait bien se passer.

La jeune femme hocha la tête mais ne dit rien. Elle s’imaginait un vieux de la vieille, qui avait tout vu, tout vécu, et pensait tout savoir mieux que tout le monde. Elle n’avait aucun doute concernant les aptitudes de cet homme en matière de stratégie militaire mais elle préférait qu’on la laisse prendre des décisions concernant les soins adaptés à ses patients.
La pluie battait toujours plus fort sur le pavé, à tel point qu’Alphonse glissa pour tomber sur son postérieur en lâchant un cri qui tenait plus du miaulement de chat que de l’être humain. Instinctivement, la jeune femme s’arrêta et retourna un peu sur ses pas alors que le sergent Von Krone continuait d’avancer.

- Brown ! Vous allez bien ?

Ce fut probablement ce qui lui sauva la vie.

L’instant d’après, un bruit détonnant raisonna dans l’air. On aurait dit que l’air lui même était devenu un tissus que l’on déchirait. Le souffle du choc souffla la jeune femme qui tomba à plat ventre. Des pavés volèrent et un nuage de poussière s’éleva, brouillant pendant un bref instant la vue de la petite troupe.
Les oreilles bourdonnantes, la jeune femme fut dans les premiers à se redresser. Les salopards venaient de les viser avec un tir de mortier…

Elle réalisa soudainement qu’elle ne voyait plus le sergent. Au même moment ou presque, ses yeux se posèrent sur une forme allongée dans la poussière. Toussant, la femme médecin courut vers le cratère causé par l’explosion.

- Sergent Von Krone ! Répondez moi !

Un gémissement vint à ses oreilles. Il était toujours en vie. Moïra se précipita vers lui et commença à l’examiner visuellement, sans le toucher. Son visage était gravement mutilé par l’explosion, recouvert de sang. Son bras gauche pendait dans un angle tout sauf naturel et ses jambes tenaient plus de la compote de framboise que de membres humains… Non, ce n’était pas beau à voir. Sans céder à la panique, la jeune femme se releva en voyant des Marines accourir de tous les côtés.

- BRANCARDIERS !!!

Deux hommes arrivaient en courant, une nacelle sous le bras. Sous ses directives, ils soulevèrent le soldat pour l’y allonger et le transportèrent à pas vif vers l’infirmerie. La jeune femme marchait près d’eux, tout en parlant à l’homme qui hurlait à présent de douleur.

- Sergent, accrochez-vous ! Vous allez très vite être pris en charge, tenez bon ! Elle entra dans le bâtiment aux couleurs de l’infirmerie, devant les yeux médusés des médecins déjà débordés. Écartez-vous ! J’ai besoin d’une salle d’opération et d’infirmiers, de toute urgence ! On a un blessé par tir de mortier !!

Très vite, ils entrèrent dans une petite salle carrelée de blanc. Les brancardiers posèrent le soldat sur la table en métal froid tandis que Moïra enlevait sa veste pleine de poussière et de sang pour enfiler un tablier propre. Elle désinfecta vigoureusement ses mains et sortit ses outils ainsi que ses médicaments puis saisit des bandages propres pour nettoyer la plaie à la tête et arrêter le saignement. Pressante mais maîtresse d’elle-même, elle donnait des directives aux sous fifres qui gravitaient autour d’elle.

-Plus de bandages !! Et qu’on m’apporte de la morphine ou du chloroforme, quelque chose ! Des attelles, de quoi recoudre et désinfecter ! Allez, on se dépêche !!

Elle se pencha vers le soldat et lui fit mordre un bout de tissus.

- Je vais devoir examiner votre bras. Hurlez dans le tissus si vous avez trop mal.

Le bras n’était que déboîté, heureusement. Très délicatement, elle se prépara à le manipuler et le remis en place d’un coup sec, sans hésitation. Le sergent hurla de toutes ses forces.

- Là… Là… c’est fini.

L’état des jambes du sergent l’inquiétait davantage. Il y avait plusieurs fractures ouvertes et un pied qui n’en était plus vraiment un… La jeune femme commençait à transpirer alors que les infirmiers s’occupaient d’anesthésier le malheureux. Dans un coin de la pièce, elle aperçut soudain un homme qu’elle n’eut pas le temps de détailler. Sa voix claqua sèchement.

- Vous là ! Vous voyez bien que cet homme a besoin de compresses propres ! Soit vous restez et vous aidez, soit vous foutez le camp d’ici ! C’est une salle d’opération, pas un parloir !
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L'attaque avait été soudaine et la surprise des officiers n'en avait été que plus grande. Tenko et ses homologues se trouvaient autour de la table, discutant de la stratégie d'attaque à adopter pour en finir avec les Lunes de Las Camp, quand le projectile du mortier s'était abattu en plein milieu du secteur du port, à quelques centaines de mètres tout au plus de leur position. Le lieutenant-colonel avait réagi au quart de tour, dépêchant au plus vite des soldats pour consolider la zone. Les attaques de ce genre s'étaient multipliées depuis quelques jours, leurs ennemis voulant certainement les effrayés en montrant leur arsenal. Mais c'était des soldats déterminés qui leur faisaient face, aussi ces attaques n'étaient que des bonus pour renforcer leur volonté de boucler ces criminels. Le jeune officier avait pris la tête des renforts et avait immédiatement rejoint la position, se doutant que l'attaque avait certainement ciblé les médecins arrivés à bord du navire qui s'était signalé au large des côtes un heure plus tôt. Quand il arriva sur place, aucune trace des fameux médecins n'était visible. Les soldats s'étaient positionnés dans les fortifications prévues contre les attaques mais le jeune homme ne pouvait voir leur dirigeant direct malgré tout ces efforts. Confus, il s'approcha rapidement d'un caporal. Malgré son empressement, il garda un ton calme et posé.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ici? Où est Von Kron?"

"Lieutenant-colonel! On a été visé par un tir de mortier et c'est le sergent qui en a fait les frais! J'ai pris la relève en protégeant la place d'un éventuel assaut..."

"Vous avez bien réagi, caporal. Envoyez deux de vos escouades en éclaireur pour qu'il détermine si une attaque semble s'approcher et le cas échéant qu'ils trouvent la position de tir du mortier, qu'il soit encore là ou pas!"

"Oui monsieur!"

Sans attendre, Tenko se dégagea de la conversation et confia la suite à son subordonné direct, le Lieutenant Karnak. Accélérant, il se dirigea vers l'infirmerie de la garnison, prenant un autre chemin que celui qui l'avait emmené ici. À peine arrivé, ces médecins avaient déjà marqué des points par leur esprit d'initiative. Il pourrait sûrement compter sur eux dans un avenir proche pour gérer l'afflux de blessés ainsi que leur rapatriement du front. Il finit par arriver à destination et pénétra dans une pièce où évoluait un personnel autrement plus compétent que lui pour cette situation. À peine arrivé, il s'était plaqué contre le mur, paralysé par la situation. À vrai dire, il ne savait même pas qu'est-ce qui l'avait poussé à s'aventurer ici, où il n'aurait pas plus d'informations sur l'évolution de la condition du sergent. Il s'apprêtait à repartir quand une jeune femme affairée à soigner Von Kron se tourna vers lui et lui donna un ordre.

"Vous là ! Vous voyez bien que cet homme a besoin de compresses propres ! Soit vous restez et vous aidez, soit vous foutez le camp d’ici ! C’est une salle d’opération, pas un parloir!"

Bien que surpris par le ton du médecin à son égard, il ne broncha pas et s'acquitta de trouver les fameuses compresses avant de s'approcher de la table à son tour. L'état du sous-officier était plutôt sérieux, et rien ne garantissait qu'il survive à ses blessures. Du moins était-ce l'avis du jeune homme au premier regard. Il se tourna vers la doctoresse, lui montrant les bandages avec un regard d'incompréhension.

"Je suis censé faire quoi avec ça?"

La question pouvait sembler idiote et elle l'était probablement d'ailleurs. Mais la mouette n'avait jamais rafistolé ses blessures que sur des champs de batailles ou durant des missions, et les conditions etaient généralement bien différentes de celles d'un bloc opératoire classique. Néanmoins la jeune garda son sang-froid et lui indiqua d'un mouvement de tête les différents endroits sur lesquels il devait appliquer les compresses. Il s'exécuta et avant qu'il n'ait terminé, la jeune femme s'adressa à lui sans interrompre ses soins.

"Écoutez, si vous n'êtes pas à l'aise avec les soins, distrayez-le. On a pas pu l'endormir correctement alors il faut que vous le guidiez dans son sommeil. Vous pensez pouvoir le faire?"

"Je pense..."

Rapidement, Tenko se plaça près de son collègue et se mit à son niveau afin de pouvoir lui parler à voix basse. Le sergent bougeait ses yeux lentements à cause des sédatifs, mais il restait conscient ce qui pouvait poser un risque du fait de la douleur. Le lieutenant-colonel commença à lui parler.

"Tom, c'est moi, c'est le lieutenant Sozen. Ça va aller Tom, vous allez vous en sortir! Vous êtes un bon sergent et j'ai cru comprendre que la petit Maven était venue au monde, pas vrai?"

Les yeux du jeune sous-officier se tournèrent légèrement dans la direction de son supérieur, qui put clairement lire la peur dans ce regard. La faucheuse se penchait au dessus de cet homme, hésitante. Il redoubla d'efforts pour mener à bien son rôle dans le sauvetage de cet homme.

"Elle va avoir besoin de son père, alors il faut que vous dormiez. Si on essaye de vous sauver éveillé, vous allez y passer, d'accord? Vous ne supporterez pas la douleur. Laissez les produits agir, fermez vos yeux et respirez profondément."

Les paupières du blessés se fermèrent et se rouvrirent quelques fois avant de finalement cesser de bouger. Le jeune officier approcha son oreille du nez de son subordonné, cherchant à savoir si sa respiration était régulière. Apres quelques minutes d'envolée de rythme, elle se stabilisa enfin. Il se recula quelque peu, attendant de nouvelles instructions tout en détaillant la practicienne qui donnait son maximum pour remettre Von Kron sur pieds. Elle était assez grande pour une femme, avait Lab peau couleur caramel, probablement d'un métissage. Ses cheveux étaient tirés en une longue tresse brunes aux reflets cuivrés, contrastant avec ses yeux bleus. Les joues du jeune hommes rougirent mais peut-être était-ce seulement dû à la chaleur de la pièce?

"Comment est-ce que je peux aider maintenant?"
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Moïra avait à peine regardé l'homme qui était entré. Elle avait failli le jeter dehors mais visiblement il n'était pas contre lui apporter de l'aide. Les yeux rivés sur le corps du patient, elle lui indiqua ce dont elle avait besoin et le guida succintement dans la pose des bandages. Il y mettait de la bonne volonté mais visiblement ce n'était pas son fort. Sans lever la tête, la jeune femme lui demanda de parler au patient. Ce dernier semblait particulièrement réticent à l'idée de s'endormir, mais sans anesthésie, il y avait fort à parier que son corps ne lâche sous la douleur...

Elle n'écouta pas ce que l'homme racontait aux oreilles du blessé, trop occupée à examiner sous toutes les coutures la fracture ouverte. Soigner cela n'allait pas être une mince affaire... Elle devrait enlever les débris et désinfecter chaque millimètre carré de peau ou la gangrène était assurée. D'un air inquiet, elle se tourna vers un subalterne.

- Je vais avoir besoin d'une pince, de plusieurs fioles de désinfectant, de linges stériles et de quoi recoudre... La plaie est grave, il n'y a aucun médecin en chef qui puisse venir en renfort ?

Le pauvre infirmier hocha négativement de la tête et partit à toute allure lui chercher ce dont elle avait besoin. Les autres étaient déjà débordés et il n'y aurait pas de supérieur pour l'aider... Sur une opération comme celle-ci, la tâche en devenait encore plus difficile. Cependant, elle ne se démonta pas le moins du monde. Lorsque le jeune homme revint vers elle, elle lui jeta à peine un regard et saisit ses mains pour les placer autour des cuisses du patient.

- Je vais retirer les débris de la plaie puis je vais devoir rentrer l'os... Dans l'opération, il est probable que j'effleure un nerf ou deux, je vais donc avoir besoin de vous pour assurer l'immobilité du patient.

L'infirmier revint vers elle, les joues rouges d'avoir couru. La jeune femme lui accorda un tout petit sourire pour lui signifier qu'il faisait bien son travail et s'empara de la pince après avoir enfilé des gants. Petit à petit, elle retira les éclats qui s'étaient fichés dans les chairs, l'oeil aux aguets. Elle ne devait pas en oublier un seul. Elle regarda ses subalternes, occupés à recoudre la plaie à la tête.

- Vous faites du bon travail. Je vais avoir besoin de l'un d'entre vous pour vérifier avec moi que la plaie est nettoyée. Deux yeux valent mieux qu'un.

Elle attrapa une grande bouteille d'alcool et en imbiba un chiffon stérile et commença à nettoyer la fracture en profondeur, alors que l'infirmier confirmait qu'elle avait bien retiré tous les éclats. La jeune femme soupira et changea ses gants. Elle replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et appuya doucement sur l'os. Ses yeux se portèrent sur le jeune homme qui s'était rajouté.

- C'est maintenant qu'il risque de bouger... Tenez-bon.

Doucement, elle commença à bouger l'os pour le remettre dans une position normale, attentive au moindre craquement. Elle passa un bon moment à vérifier son angle et sa position avant de redonner à la jambe du soldat sa forme originelle. A nouveau, elle arrosa la plaie d'alcool et plaqua des compresses stérilisées sur l'ensemble.

- Pour le moment on va laisser ça comme ça... Voyons ce que l'on peut faire pour son pied.

La jeune femme contourna la table et s'approcha du membre dévasté par l'explosion. Le mortier devait être tombé proche... Elle constata avec une certaine amertume que la blessure était trop grave pour être sauvée. Avec un soupir, elle hocha négativement la tête et regarda l'assemblée.

- Si on veut qu'il vive, il va falloir enlever le pied... Apportez-moi le nécessaire.

Son regard se posa à nouveau sur le jeune homme. Il n'était pas obligé de rester, elle n'avait pas spécialement envie d'impressionner des non médecins avec des opérations aussi difficiles.

- La suite risque d'être difficile, je comprendrais si vous voulez partir... Si vous voulez rester, je vais vous demander de tenir sa jambe, le plus fermement possible.

La jeune femme se retourna pour saisir la scie qu'on lui tendait, alors qu'un infirmier garrottait en dessous du mollet. Moïra ferma un instant les yeux et pris une grande inspiration. Elle détestait amputer. Elle détestait devoir enlever à un être humain une partie de lui, quand bien même cela pouvait lui être salutaire. Pourtant, quand la doctoresse ouvrit les yeux, le bleu de ses iris brillait d'un éclat décidé, sans faille. Elle s'acquitta de sa mission sans broncher, en occultant le rouge qui l'éclaboussait, en oubliant les craquements. Elle scia mécaniquement, le sentimentalisme ne devait pas la faire hésiter, où elle raterait complètement ce qu'elle était en train d'entreprendre.
Les dix minutes d'opération lui parurent particulièrement longue. Mais elle réussit à avoir raison de cette affreuse blessure et cautérisa son ouvrage d'une main de main de maître. Sans s'y attarder, elle retourna vers la fracture ouverte et supervisa une nouvelle désinfection avant de donner les consignes aux infirmiers pour qu'ils recousent la plaie.

- Des points comme ceci... N'hésitez pas à désinfecter encore et encore avant de refermer. Si on enferme des bactéries dans la plaie, c'est la gangrène assurée.

Ils sortirent rapidement le soldat du bloc, le soustrayant à leur vue. La jeune médecin avait fait le plus gros du travail, elle était éreintée. En soupirant, elle retira son tablier taché de sang, essuya ses vêtements poussiéreux et alla se débarbouiller au lavabo.

- L'accueil à Las Camp est explosif, c'est le moins que l'on puisse dire... Je suppose que je vais devoir faire un rapport au lieutenant-colonel... Vous pourriez peut-être me mener à lui ?

Elle se retourna vers l'homme qui l'avait aidée et le détailla pour la première fois. A peine plus grand qu'elle, il était nettement plus musculeux, sans être trop imposant. Il avait un visage fin balafré sur un côté, une légère barbe de quelques jours et des cheveux sombres remontés en queue de cheval. Moïra l'aurait certainement trouvé à son goût si elle n'avait pas vu l'insigne brodé sur sa veste.
En instant, sa peau caramel perdit en couleur et elle sentit ses jambes flancher. Elle avait le lieutenant-colonel en face d'elle...

En un instant, elle revit toutes ses actions pendant l'opération du soldat. Elle revit le peu de cas qu'elle avait fait de lui, le considérant comme un infirmier. Nerveusement, la jeune femme passa une main sur son visage en lâchant un rire jaune. Soudainement lasse, elle se laissa tomber sur un tabouret, incapable de calmer son pouls devant une situation aussi vaudevillesque.

- Je suis désolée... Je ne m'étais pas rendu compte de qui vous étiez... Ha, c'est bien la meilleure.
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Tenko n'avait pu qu'être impressionné par la maîtrise de la jeune femme durant tout le reste de l'opération, pourtant délicate. Elle avait réalisé une performance digne d'officier de son corps d'armée sans jouie d'un appui quelconque. Entraîné par la procédure, le jeune homme avait continué d'aider jusqu'à ce qu'enfin le sergent Von Kron soit remis sur la voie du rétablissement. Il avait tenu sa jambe pendant que le médecin sciait son pied qui ne pouvait être soigné. Elle avait fait preuve d'une ténacité incroyable du début à la fin, tandis que ses collègues étaient restés plutôt passif, n'osant intervenir. Il avait déjà fait son choix concernant le practicien qui coordonnerait les manœuvres de sauvetage et de rapatriement. Il alla se laver les mains et la jeune métisse rejoînt à son tour le bac pour se débarbouiller. Elle l'aborda, n'ayant visiblement toujours pas compris qui il pouvait être. À mesure qu'elle continuait de parler, son regard se fixa sur les galons du jeune homme qui lui indiquèrent sa position. Elle avait finalement fait tout le chemin jusqu'au lieutenant-colonel. Il afficha un sourire sympathique et la rassura sur son impolitesse vis à vis du code militaire.

"Ne vous inquiétez pas, vous étiez en plein exercices de vos fonctions et dans un tel cadre, mon grade ne signifie absolument rien. Vous êtes un sacré médecin malgré votre grade, je ne peux que m'en réjouir!"

"Merci monsieur"

"Bah, ne soyez pas si formelle! Mais j'oublie mes manières. Lieutenant-colonel Tenko Sozen, enchanté de faire votre connaissance, docteur?"

"Mackenzie, Docteur Mackenzie."

"Que diriez-vous d'un tour des lieux, doc?"

Et sans attendre sa réponse, il tira sur son bras et l'emmena voir les différents fronts où les soldats montaient la garde. Puis il revinrent vers le centre de la ville, presque entièrement sécurisé et où les gens avaient repris le goût de vivre. Last Joy était a l'origine un quartier riche mais les rapatriements de population effectues par les mouettes avait eu le mérite de diversifier sa population. Les habitants étaient occupés ce jour là à récupérer les rations offertes par la Marine qui paliait l'inaccessibilité des champs qui permettaient à la ville entière de se sustenter en temps normal. Le jeune homme s'assît sur un banc et invita la jeune femme a en faire de même.

"Ces gens-là sont heureux de ne pas avoir servi de dommages collatéraux mais la situation pourrait changer à tout moment. Vous avez failli en faire les frais ce matin d'ailleurs..."

Il s'arrêta et fixa son regard sur deux enfants qui mangeaient tranquillement la pomme que leurs parents leur avaient laissé. Ceux-là venaient des quartiers les plus pauvres, ceux qui se trouvaient à la limite de Last End. Ils avaient été les derniers secourus, même si beaucoup d'entre eux avaient rejoint les Usuriers contre la promesse d'argent et de prospérité. Le jeune officier ne pouvait blâmer ceux qui avaient fait ce choix. Mais la justice devrait faire son travail et trier le grain de l'ivraie. Et c'était son travail à lui de terminer cette guerre au plus vite, en infligeant un coup dévastateur au moral adverse, déjà bien flanchant. Il avait eu l'occasion de le faire sur une autre île quelques semaines plutôt. Il ne tarderait pas à recommencer ici.

"Je suis content qu'ils vous aient envoyé spécifiquement. Nous allons avoir besoin de vos compétences en médecine comme en logistique pour mener à bien cette bataille. Je suis un militaire, je sais échafauder des plans pour décrocher la victoire mais c'est uniquement grâce à mon expérience du terrain. Je n'ai pas suivi de cursus d'école d'officier ou autre, aussi certains domaines me sont tôt simplement inconnus. En bref, je vais avoir besoin de votre aide..."

Le ton de sa voix s'était fait informel, comme si ces deux soldats abandonnaient la hiérarchie en place pour parler d'être à etre, sans limites imposées par de quelconques conventions. À vrai dire, le jeune homme exposait la vérité. Dans toutes les campagnes qu'il avait mené, l'organisation médicale avait été mise de côté et avait engendré des blessures permanentes chez certains hommes, car prises en charge trop tard. Il fallait changer cet état de fait au plus vite.

"J'ai vu votre talent et vous m'inspirez confiance. M'aiderez-vous?"

La demande était amicale. Le lieutenant-colonel avait tendue sa main vers la jeune femme qu'il dévisageait en rougissant. Elle ne l'avait pas laissé indifférent de par sa performance cet après-midi là...
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La jeune femme avait de la chance. Visiblement, le lieutenant-colonel n'avait pas l'air de lui en vouloir. Avec un pâle sourire, elle le remercia formellement. Au moins avait-elle fait bonne impression.
Elle eut l'air un peu surpris lorsqu'il lui demanda de mettre de côté les formalités. C'était bien la première fois qu'un officier de l'armée se montrait si familier avec elle !
Un peu gênée, elle le laissa se présenter. Évidemment, elle connaissait déjà son nom, le pauvre soldat le lui avait donné quand elle était arrivée. Tenko Sozen... Elle trouva que cela sonnait très bien. C'était bien différent des sonorités donc elle avait eu l'habitude sur Alba. A son tour, elle se présenta. Déjà, elle paraissait moins fébrile, reprenant progressivement ses esprits.
Soudain, avant qu'elle n'ait eu le temps d'acquiescer à la nouvelle proposition du jeune homme, elle se faisait tirer hors de son tabouret.

- Bon eh bien allons-y !

Elle le suivit et détailla les différentes infrastructures qu'il lui montra, attentive. Bien sûr, même si elle avait suivi des cours communs avec les officiers lorsqu'elle était en formation, elle avait toujours du male à comprendre tout ce qui retournait de la stratégie militaire. Elle trouva que Las Camp était encore plus déprimante que ce qu'elle avait entraperçu quand elle était arrivée. Tout y était gris, froid, sale. Les gens avaient des mines plus mortes que vives, même le cri des mouettes avait quelque chose de sinistre.

La jeune femme sentit son coeur se serrer lorsqu'elle vit la queue des réfugiés patienter pour obtenir un peu du ravitaillement apporté par la Marine. Tous ces gens éloignés de leurs foyers... Elle espéra qu'ils avaient pu être relogés et que personne ne dormait dans la rue.
La remarque du Lieutenant-Colonel la fit frissonner. Soudain, elle réalisa qu'elle était passée à peu de choses de connaître le même sort que le soldat Von Krone. En frissonnant, elle lâcha un petit soupir.

- Mieux vaut ne pas trop y penser... Vivre dans la crainte n'améliorera pas leur conditions de vie ou notre efficacité.

Assise sur le banc, elle couva d'un oeil attendri les deux petits enfants qui croquaient leur pomme à pleine dents. Malgré la misère, ils semblaient conserver cette innocence qui permettait à l'optimisme de fleurir. Elle se sentit soudain terriblement en colère contre les gangs qui pourrissaient Las Camp et condamnaient ces pauvres gens à la misère ou à la criminalité.

L'Albane rougit légèrement lorsque le jeune homme la complimenta, tout en lui confiant ses propres faiblesses. Il était rare qu'un officier lui témoigne de l'intérêt ou reconnaisse ses compétences. Elle s'avoua qu'elle l'avait mal jugé. Néanmoins, elle pensa qu'il la surestimait un peu. Elle n'avait rien de génial et pensait qu'elle avait agi de la même façon que tout médecin de son grade. Elle ne voulait pas que l'officier pense qu'elle allait pouvoir solutionner tous les problèmes d'un coup. Si l'infirmerie était déjà débordée, elle ne pourrait qu'aider à désengorger les salles d'opération mais elle ne pouvait garantir un retour à la normale.

- Je serai ravie de vous aider mais ne pensez-vous pas qu'un médecin en chef serait plus qualifié que moi pour diriger ces opérations... ? Je ne voudrais pas supplanter mes supérieurs hiérarchiques. Enfin, quoi qu'il en soit, je serai ravie de vous être utile et de soigner les blessés qui se présenteront à moi.

Elle sourit franchement à l'officier et plaça sa main fine dans celle qu'il lui tendait, pour la serrer d'une poigne affirmée.

- Je vous aiderai du mieux que possible. Je refuse de laisser une seule personne de plus être victime de ces criminels.

Elle rejeta son buste en arrière et releva ses cheveux en chignon. Elle commençait à fatiguer, elle se sentait sale et percluse de courbatures. Elle sentit que les gens la détaillaient. Le sang du soldat avait taché son uniforme, ce qui pouvait être impressionnant pour les jeunes enfants.

- Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, accepteriez-vous de me montrer me quartiers ? J'aurais besoin de me changer et de prendre une vraie douche, comme vous pouvez le voir.

Elle rit, un peu gênée, et se releva. Elle suivit l'homme dans la base, marchant à son rythme.

- Quand comptez-vous donner l'assaut ? J'imagine que vous prévoyez une frappe d'envergure.

Machinalement, elle joua avec le ruban de son col. Elle rêvait d'une bonne douche et d'un bol de soupe consistant. Son estomac commençait en effet à se faire entendre, pour ne rien ajouter à sa gêne. Elle l'écouta parler, jusqu'à-ce qu'ils arrivent à hauteur du quartier de la Brigade Scientifique. Avec un respectueux signe de tête, la jeune femme remercia l'officier.

- C'était très gentil à vous de m'accompagner jusqu'ici... J'imagine que tous les corps de l'armée se réunissent ensemble pour le dîner ? J'espère avoir le plaisir de vous y recroiser, si vos obligations vous laissent un peu de temps.

La jeune femme sourit à l'officier et entra dans la chambre qui lui avait été attribuée. Elle constata avec satisfaction que le matelas était un peu plus rembourré que sur le bateau et que les draps étaient frais. Au moins, elle dormirait bien ! En fredonnant, la doctoresse alla se laver consciencieusement et tenta d'oublier les heures stressantes qu'elle avait vécues cet après midi. Il fallait qu'elle s'y fasse... Demain serait sans doute pire.
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