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Recovery

Timidement, le cuirassé avait terminé son approche le long des côtes rugueuses jusqu’à pénétrer dans un étrange conduit débouchant sur un port souterrain, que l’on avait soigneusement armé de plusieurs rangées de canons prêts à faire feu au moindre bouleversement. Guidé par une caravelle et escorté par deux croiseurs sur ses deux flancs, le navire de grande taille semblait pourtant minuscule le long des quais gigantesques et froids du laboratoire gargantuesque de Nursery.

Un avant-goût plutôt symptomatique de la mégalomanie scientifique.

Après avoir poireauté un peu moins d’une heure au large de l’île sans pouvoir se décider à avancer dans les eaux brumeuses et vaporeuses, le navire de guerre et ses occupants avait finalement été escortés jusqu’au curieux bâtiment en forme d’étoile qui était visible depuis le large. Bien plus grand qu’il ne semblait l’être vu de loin, le Berceau était une véritable forteresse comme le chef d’équipe n’en avait rarement vu dans sa vie. Davantage dans son architecture et sa technologie que dans sa grandeur ou son nombre de canons, c’était une bâtisse incroyable qui s’était élevée devant eux avant qu’ils ne s’engouffrassent par cet étrange et long tuyau.

Désormais tout semblait avoir un goût de laboratoire. Rien qui ne rassurait réellement le vieillard, assez peu familier avec les laborantins et les médecins, mais qui toutefois lui donnait l’impression de ne pas s’être trompé.

A ses côtés, la carcasse sombre et purulente respirait difficilement, encore misérablement en vie… mais probablement plus pour longtemps. Préservée de l’hémorragie par son cœur robotique, la jeune femme avait toutefois été frappée par les conséquences de son avantage cybernétique. Constamment endormie et incapable de renouveler son sang, elle avait ainsi été victime d’anémie quelques jours après son départ de Parisse. Progressivement, la gangrène s’était alors installée aux extrémités de ses membres, stratégiquement de moins en moins alimentés en hémoglobine et de plus en plus sensibles aux caillots sanguins. A présent, son corps putréfié et gangrené, autrefois si joli pourtant, relâchait une odeur terrible qui avait convaincu une bonne partie de l’équipage de l’importance de s’en débarrasser au plus vite. Et c’était bien car Angelica et lui avaient fait des pieds et de mains pour que l’on maintint Annabella en vie que celle-ci n’avait pas été balancée à la flotte depuis belle lurette.

Aussitôt arrivés et amarrés, l’ancre déroulée jusque dans les fonds marins, les rescapés de Parisse eurent droit à la visite opinée d’une petite brigade d’hommes masqués venus s’assurer de l’absence de germes, virus et autres parasites à bord. Bien évidemment, ils ne purent ignorer le morceau de chair à vif, rongé par les asticots et couvert de bandes de gaze sales, qui occupait l’infirmerie.

- Bordel, qu’est-ce que c’est que ça !

- Un agent du Cipher Pol qui a accompli son devoir et mérite les premiers soins. C’était ce que nous avions convenu non, lorsque vous avez reçu notre appel ?

- Mais cette... cette chose…

- Cette femme.

- Cette femme est pratiquement morte ! Nous sommes des médecins ici, pas des marabouts !

- Excusez-moi, j’ai dû me tromper. Je cherchais des spécialistes en venant ici mais visiblement il n’y a que de vulgaires généralistes. ne put se retenir de grincer le vieil homme, tandis que le groupe de scientifiques s’amassait progressivement autour du lit dans lequel l’agente Sweetsong était, par chance, plongée dans un profond coma.

Le scientifique voulut aussitôt répondre mais fut rapidement rappelé à l’ordre par la main d’un homme plus grand, plus expérimenté et plus diplomate, venue se poser sur son épaule. Larson le reconnaissait, sans toutefois avoir eu de nombreux contacts avec lui. Il savait pourtant que c’était bel et bien lui qui avait réceptionné sa demande.

- Je ne sais pas ce que vous attendez, Médecin Principal, pour emmener de toute urgence cette femme au bloc opératoire. Il faut à tout prix lui retirer ses lésions et nettoyer ses plaies. Intervenir là où il est déjà trop tard.

Ou dans un jargon plus direct : amputer. Par réflexe, l’homme utilisait des périphrases naturelles dans l’hypothèse où le patient pouvait entendre ses diagnostics. Ici, ça n’était pas le cas, mais il l’avait fait quand même.

- Merci M. Charcotte. Si vous êtes aussi compétent qu’on le laisse entendre, les jours de Miss Sweetsong devraient être hors de danger.

- Rien n’est encore gagné, toutefois. Je suis médecin, je ferai tout mon possible pour soigner ses blessures, mais il est possible que l’opération ait raison d’elle.

- Oh cette jeune femme est forte ; je crois en vous et je crois en elle aussi. conclut le Couard tout en descendant à terre, dans le sillon du corps emporté par les sous-fifres du Médecin Général des Armées. Celui-ci ne tarda pas davantage, saluant une dernière fois le chef d’équipe d’un hochement de la tête avant de se remettre à marcher à allure soutenue comme le font souvent les médecins urgentistes, en direction de l’une des grandes portes bordant les murs d’enceinte des quais.

Prestement postée aux côtés de Larson, Angelica regardait sa supérieure partir elle aussi, le visage abscons. Dans ses yeux, il était toutefois possible de voir qu’elle était plus sereine. Ce qui n’était pas le cas des autres agents, affairés eux aussi à descendre un gros morceau qui avait eu la malchance de retrouver ses esprits et recouvrer une partie de ses blessures durant la traversée. Enchaîné, aveuglé et bâillonné, Jonas Mandrake ressemblait à une vulgaire bête, à un gros gibier. Pourtant, malgré toutes ces mesures préventives, le révolutionnaire demeurait calme. Il affrontait son destin comme un homme et, intérieurement, se réjouissait de l’état de santé de son ennemie.

Même dans le plus grand des malheurs il demeurait un fond de bonheur, et celui de Mandrake c’était la mort d’Annabella Sweetsong.

Larson l’avait compris et même s’il aurait préféré laisser l’Atout continuer à cracher ses poumons à travers le trou qui lui décorait la poitrine, il avait dû se résoudre à le faire soigner en prévention de son procès.

Rapidement, les quais furent donc désertés tandis que les derniers hommes à descendre allaient profiter de leur quartier libre pour découvrir le gigantesque laboratoire, ainsi que leurs nouvelles couches. La mine patibulaire, le Commodore avait été le premier à fuir son navire pour, probablement, aller se référer à son supérieur hiérarchique le plus proche.

Dans tout cela, il ne restait finalement plus qu’une seule personne, perdue et isolée, lorsque le chef d’équipe se résolut à rejoindre ses collègues pour évaluer la situation puis dialoguer de la suite des opérations. Elle n’était pas sûre de lever le camp avant le réveil de sa responsable. Tiraillée, Angelica ne savait pas vraiment ce qui l’obligeait à apprécier Anna. Elle la respectait toutefois et espérait qu’elle ne mourût pas.

Dernière à entrer dans la bâtisse, la brunette se dirigea vers le bloc opératoire où l’on avait emporté la femme aux cheveux blancs.

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Dans le curieux hôpital de Nursery, les visites n’étaient pas chose courante, ni quelque chose avec laquelle les médecins souhaitaient s’embrasser. Laissant le social à la porte, les spécialistes pouvaient davantage déployer leurs capacités techniques et, parfois, immorales.

Pendant près d’une semaine il fut ainsi impossible pour Angelica de voir le corps de sa supérieure, toujours cloué à la table d’opération. La bonne nouvelle était qu’elle avait survécu, visiblement. La mauvaise, c’est que les médecins ne pouvaient pas promettre des miracles : tant sur le plan psychologique que physique, les lourds implants pouvaient changer drastiquement l’agente Sweetsong que tous avaient connue jusqu’alors.

Ce qui n’était pas forcément un mal.

Le risque n’était pas faible que la jeune femme devînt amnésique, d’ailleurs. Il était à envisager et Angelica comprit que si la chose advenait, la blonde ne pouvait compter que sur la dernière arrivée du CP9 pour recouvrer la mémoire. Ou au moins, comprendre ce qu’elle était et ce qu’elle devait faire en ce monde.

Laissée à elle-même suite au départ de ses collègues, le jour précédent, la brunette profitait de son temps libre pour vagabonder dans la bibliothèque de la base de la Marine scientifique et s’intéresser de plus près à des concepts qui, malgré son intelligence et sa soif de culture, la dépassaient pour la plupart. Jamais elle ne s’était sentie plus idiote qu’au sein de Nursery. Elle le sentait dans les livres. Elle le sentait dans le regard des hommes et des femmes, en blouse blanche ou en exosquelettes qui la jugeaient constamment, lorsqu’elle les croisait. Elle le sentait jusque dans les murs et les fondations de l’endroit.

L’île était faite par et pour les scientifiques. La Marine était tolérée car elle défendait le coin. Le Cipher Pol, lui, n’avait rien à y faire et jamais son métier d’espionne ne lui avait semblé aussi visible qu’à ce moment-là.

Ce ne fut donc qu’au bout d’une semaine, juste après le départ de Larson en direction de Marie-Joie avec le corps d’un Jonas Mandrake, toujours aussi silencieux et calme, soigneusement manutentionné dans une cage épaisse en granit marin, que la situation évolua. Angelica se trouvait dans la bibliothèque, comme à son habitude, lorsqu’une infirmière vint la chercher, sous les indications d’Ambroise Charcotte. Reposant son livre intitulé « Les Derniers Humains », traitant de la mécanisation progressive de l’espèce, la jeune femme quitta alors la vaste pièce à la suite de la petite bonne femme au physique ingrat et flasque qui la guidait à travers le labyrinthe de blocs opératoires.

Jamais l’agente Browneye n’avait vu autant de billards, et pourtant elle avait grandi sur Drum où se trouvaient la fameuse académie de médecins et tous les Toubibs 20 qui la peuplaient. Mais ici tout semblait être présent en trop grandes quantités. C’était riche, propre et vaste. Alors que partout dans le monde, nombre de pauvres hères peinaient à accéder aux soins, ici tous les médicaments et produits étaient présents en abondance.

- Est-elle réveillée ? se risqua Angelica, tandis que le chemin se poursuivait dans le dédale et que l’infirmière se faisait aussi loquace qu’une pierre tombale. Ce qui ne changea pas, pour son plus grand malheur. Le mystère resta donc entier pendant encore cinq bonnes minutes.

Finalement Angelica fut présentée à une grande porte blanche, dans un corridor où elle pouvait identifier nombre de chambres inhabitées. Dans le doute de trouver Miss Sweetsong réveillée, elle toqua timidement avant de redresser ses lunettes, la réponse se faisant longue. Elle arriva toutefois, vulgaire grognement de l’autre côté de la cloison qu’elle fit balancer lentement sur ses gonds avant de refermer l’issue derrière elle.

On ne présentait jamais assez bien les chambres d’hôpital pour ce qu’elles étaient. Blanches, exiguës, mornes et impeccablement immaculées. Pourtant celle de la cheffe d’équipe contredisait tous ces critères : elle était grande, lumineuse et colorée, occupée par du mobilier en bois. Elle n’était d’ailleurs pas seule : assis sur une chaise en osier visiblement très inconfortable, le Médecin en chef veillait ; c’était probablement lui qui avait grogné puisque la jeune femme alitée semblait encore plongée dans un profond sommeil.

- Il est encore un peu tôt pour la laisser seule, mais son état semble stable. Ses constantes sont d’ailleurs très bonnes, je vois rarement des individus récupérer aussi vite qu’elle…

Angelica l’avait lu quelque part. Certaines personnes possédaient un métabolisme très efficace qui leur permettait de guérir plus rapidement. Elles n’étaient pas invincibles ni immortelles, mais si les soins étaient effectués proprement, alors la volonté se chargeait du reste.

- Elle souffre ? demanda l’invitée tout en se penchant au-dessus d’une Annabella Sweetsong… en apparence normale. Peut-être certains traits physiques semblaient avoir changé, son visage quelque peu, mais tout était là et à la bonne place. Ses jambes, ses bras, sa peau. Un tel miracle ne pouvait venir sans un prix à payer.

- Oui. Mais nous lui avons donné des antidouleurs. Juste un mauvais moment à passer.

Prudemment, Angelica fit le tour du lit pour finalement prendre place près du médecin. Celui-ci était véritablement imposant mais ne semblait pas être un mauvais bougre. Elle restait toutefois sur ses gardes : la Marine scientifique comptait pas mal de psychopathes parmi ses génies.

- Elle semble totalement rétablie… Ses membres… sa peau…

- Votre supérieure était déjà en partie greffée. Un beau travail même s’il manquait de perfectionnement, j’ai cru reconnaître la patte de Bulgemore. Nous n’avons fait que finaliser le processus. La chair ne valait plus rien, nous l’avons remplacée par l’acier sur quatre-vingt-dix pourcents de son corps. Et pour la peau… nous appelons ça du protoderme. Histoire de passer incognito, c’est comme ça que vous dites non ?

La petite Browneye s’attardait désormais sur les détails du travail d’orfèvre réalisé sur l’albinos, dont l’étrange crinière semblait, elle, ne pas avoir changé. Mais tout le reste avait été remis à neuf, c’était visible si l’on regardait bien. La peau incroyablement fine, l’absence de rides, les cils soigneusement brossés faisant tous la même taille, en même nombre. Annabella ressemblait plus que jamais à une poupée parfaite sans toutefois perdre son côté humain. Elle était belle, froidement belle, ce qui donnait la chair de poule à sa subalterne qui s’arracha finalement à ses rêves pour répondre au Toubib.

- Ah… Oui, oui nous disons ça. Bon sang, je n’aurais jamais pensé à un tel résultat au vu de son état à bord du cuirassé. Je l’ai vue se décomposer petit à petit. Elle n’était plus qu’un lambeau. Et la revoilà…

- La chair n’est qu’une enveloppe dont on peut se soustraire à n’importe quel moment. Voilà longtemps que nous le savons et que nous pouvons l’expérimenter, au sein de la Marine. Si elle n’avait pas possédé un cœur robotique, il y aurait eu peu de chances qu’elle survive, mais la prothèse a fait correctement son travail. Elle a survécu et à partir de là nous l’avons… arrangée, disons. expliqua l’homme tout en présentant, d’un geste ample de la main, sa création.

Et en effet, ils l’avaient arrangée. Angelica le remarquait désormais. Petite pointe humoristique du médecin probablement, ou bien simple acte pervers, mais la jeune femme arborait désormais des formes plus distinctes sous les draps qui montaient et descendaient en rythme.

- Vous… Vous lui avez rajouté des seins !

- Shtt… pas trop fort… intima le docteur tout en faisant de grands gestes des deux mains pour prier son interlocutrice de baisser le ton.

Celle-ci s’appliqua, non sans conserver une expression féroce sur le visage. Ils avaient osé transformer le corps de la pauvre femme sans son consentement, c’était contraire à l’éthique des médecins. Même si ici, dans ce secteur de Nursery, c’était principalement Charcotte qui faisait la loi.

- J’aurais pu jurer qu’elle était plate comme une planche à pain auparavant. Qu’avez-vous fait ? Ce n’était pas prévu !

- Il y a toujours des imprévus durant ce genre d’opérations. Elle a juste gagné en poumons, disons.

- Mais pourquoi ?

- Convenons qu’il y a eu un pari, que j’ai parié qu’elle… ahem… ne passerait pas la nuit. Et que je l’ai perdu, mauvais jugement.

- Vous aviez parié sur sa mort ?!

- Je le fais pour chaque patient ayant atteint le stade entre la vie et la mort, si ça peut vous rassurer.

Le Médecin Général des Armées était un véritable olibrius, c’était certain. Mais Angelica ne pouvait pas y faire grand-chose. De plus, ça n’était pas son propre corps et elle ne pouvait pas s’exprimer à la place de sa supérieure, juste anticiper sa réaction. Qui ne risquait pas d’être très positive.

- Vous avez fait d’autres changements ? Histoire qu’elle ne s’étonne pas d’avoir six orteils au pied gauche à son réveil.

Confus et hébété, l’homme dont la supercherie venait d’être découverte se gratta l’arrière du crâne méthodiquement avec un sourire de désarroi sur le visage. Il parvint toutefois à répondre sans prendre de gants.

- Pour tout vous dire… un défaut dans les globes oculaires que nous lui avons implantés ne nous permet pas de changer la couleur de ses iris. Ceux-ci sont bleus désormais… Au moins ça passe inaperçu.

Angelica n’en revenait pas. Pour avoir des yeux bruns basiques, elle jalousait maladivement les personnes qui étaient dotées de pupilles extraordinaires. Sans toutefois apprécier la couleur rouge-rosée de celles de sa supérieur, elle pouvait comprendre que celle-ci y tînt. Finalement, à mieux y regarder, Annabella Sweetsong n’était plus véritablement elle-même. En effet.

Et le temps était venu pour elle de le découvrir.

Ce fut avec une brusque quinte de toux que la cheffe d’équipe annonça son réveil… avant de se plaquer instinctivement les mains sur le visage, dans un geste de douleur.

- Bordel… qu’est-ce-que… grinça-t-elle entre ses dents sous le regard apeuré de sa disciple et celui interloqué du médecin. Il ne s’attendait visiblement pas à ce que son patient soit déjà réveillé. Cette douleur… !!

Les doigts enfoncés dans la peau de ses joues, les malaxant comme si cela pouvait stopper la douleur, Annabella donnait l’impression de s’être réveillée d’une longue nuit de sommeil après une soirée bien arrosée. Les vertiges étaient présents, la sensation d’avoir la tronche étirée aussi. Pourtant, elle refusait de se recoucher. Au contraire, elle souleva violemment les draps, toujours avec les yeux clos, pour essayer de se mettre debout.

Fort bien faites, les prothèses répliquaient à la perfection les membres originels. Et les fourmis qui auraient normalement dû perclure les membres inférieurs jusqu’aux cuisses existaient bel et bien dans cette version-ci aussi.

Sans surprise, la blonde s’écroula de tout son long en cherchant à mettre le pied à terre. Et ouvrit pour la première fois les yeux de stupeur, contrainte à s’habituer à la lumière du jour qui filtrait à travers l’une des nombreuses fenêtres de la grande chambre. Avant de remarquer : de un, la présence des deux visiteurs ; de deux, celle d’un poids étrange lui comprimant la poitrine.

Des deux mains, elle visita alors cette nouveauté et, après plusieurs secondes d’analyse approfondie de l’endroit, du stéthoscope de Charcotte, de ses prothèses à lui et du visage de sa subalterne, elle comprit.

- Ces carabins de mes deux, qu’ont-ils encore foutu ?!


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 14 Aoû - 7:56, édité 1 fois
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La botte conquérante, Larson fut le premier à mettre pied à terre. Comme à leur habitude, les quais du G-0 étaient pratiquement vides dans la partie uniquement consacrée aux débarquements de la Marine. Généralement, le CP9 utilisait les voies traditionnelles, mais l’événement était trop important pour offrir l’opportunité à tous de dévisager le prisonnier. Et la possibilité d’une tentative d’évasion aurait été trop forte.

Non, au contraire, l’acheminement du révolutionnaire se fit dans l’intimité la plus complète, tandis que la Colonelle de la base et d’autres officiers étaient venus réceptionner le fameux colis pour l’accompagner lors de la montée.

C’était là-haut. Non loin du palais des Dragons Célestes, on jugeait les grands criminels. Sous le regard accusateur et hautain de leurs détracteurs, ils se voyaient imposer la peine maximale systématiquement. L’exécution n’était, finalement, qu’une dernière épreuve ; une libération à la suite des souffrances qu’enduraient les révoltés. Mandrake n’était pas le premier.

Il ne serait sûrement pas le dernier.

La traversée de la ville se fit donc en voiture. Tractée par deux chevaux, offrant quatre places, sans compter les cavaliers qui trottinaient à proximité d’un pas lent et mortuaire. Tout semblait être fait pour rappeler à l’Atout sa condamnation. Mais lui, comme à son habitude, demeurait silencieux. Morne. Et surtout mystérieusement calme. Cela, Larson le comprenait : c’était le désespoir.

Il n’avait pas pu se résoudre à échanger le moindre mot avec son adversaire de toujours. Peut-être déjà car celui-ci n’aurait pas daigné lui répondre. Ainsi que par manque de formule à adopter. « Alors, à qui le tour de perdre la face » ou encore « où sont tes hommes, maintenant, Mandrake ? » n’offraient pas de poids et ne suscitaient aucun intérêt. James n’était clairement pas ce méchant écervelé des mauvaises fictions : il était un homme qui prenait plaisir à livrer à la justice un assassin et un anarchiste.

Le voyage en carriole dura près d’une heure avant que les hautes tours du château, toisant Red Line et ses environs, ne fussent finalement assez proches pour observer les myriades de fenêtres qui les composaient réellement. Et de meurtrières, comme par peur d’un ultime assaut, attendu depuis toujours mais jamais venu. Il fallait dire que Marie-Joie était réputée imprenable. Et les rumeurs semblaient fondées.

La gigantesque bâtisse tenait principalement lieu d’habitation pour les Tenryuubitos. C’était un endroit hanté par le CP7 que les autres Bureaux n’affectionnaient pas particulièrement. Ainsi, dès son entrée, le vieillard fut couronné d’un véritable orchestre de regards fuyants et menaçants. Il n’était encore jamais venu ici, pas même dans le bâtiment réservé à la Justice et aux Cinq Etoiles. Pourtant, il aurait pu jurer avoir déjà vu la blancheur des murs et des vitraux qui l’entouraient.

C’était la même qu’à Enies Lobby.

Le convoi coupa rapidement à travers l’agglomération rapide et efficace des Dragons Célestes curieux, pour finalement atteindre une sorte d’ascenseur menant aux étages les plus élevés de la première tour, exilée du reste du palais. C’était là, le dernier bastion de la plèbe, avant la cité des pseudo-dieux. Si vils, si nombreux, le chef d’équipe ne pouvait se résoudre à les apprécier. Déjà en petit nombre il les abhorrait, alors quand ils étaient des dizaines… Il aurait juste espéré être ailleurs à ce moment-là, mais ne pouvait déroger à sa mission, priant pour que le sac voilant le crâne de l’homme gris fût assez efficace pour ne pas susciter davantage d’attention. Il était périlleux d’interdire à un noble mondial de se mettre sur le chemin de la loi. Qu’ils définissaient malheureusement de par leur sang antique.

Par bonheur, la ribambelle d’hommes armés verrouillant soigneusement le cortège put aisément se glisser jusqu’au monte-charge où, probablement, des esclaves devaient s’activer à faire monter la drôle de boîte dans laquelle ils entrèrent tous les quinze.

Désormais guidé par un serviteur des Dragons Célestes ou bien un haut gradé méconnaissable de la Marine, le groupe descendait vers les profondeurs abyssales de la terre, semblait-il. Quand soudain un curieux instrument retentit d’un « Ding » tonitruant avant de précéder à l’ouverture des portes. Plusieurs dizaines de mètres sous l’épaisse tour se trouvaient… des cachots. Des cachots vastes, sombres, lugubres et humides dans lesquels il était parfois possible de voir des yeux luire, entourés de ténèbres.

- C’est ici que le prisonnier sera entreposé en attendant son jugement. expliqua le majordome tout en pointant un emplacement vide, encadré de deux rangées de barreaux en granit marin. Ici les moyens avaient été mis pour conserver les condamnés jusqu’à leur date d’expiration, sans risquer la moindre fuite. Le moindre écart.

Ce fut ainsi que Jonas Mandrake, toujours dans un calme olympien dérangeant, fut poussé à rejoindre sa nouvelle geôle tandis que ses bourreaux s’en désolidarisaient pour retourner sur leurs pas. James le premier ; l’ambiance de l’endroit ne lui plaisant pas particulièrement. Il fut cette fois-ci le premier à pénétrer dans la machine infernale et à espérer être propulsé vers la surface au plus vite.

Mais tout son voyage ne s’arrêta pas au rez-de-chaussée. Il avait fait son travail et espérait désormais profiter de congés bien mérités. Mais ne trouva pas son chemin jusqu’à la porte d’entrée ; au lieu de cela, le vieillard fut déposé bien des étages au-dessus. Dans le vestibule d’une grande salle circulaire, bardée de fenêtres de tous les côtés, où quatre vieux bonshommes et un jeune garçon semblaient s’amuser à regarder le temps passer. Ils comptaient les mouches.

Les étoiles s’ennuyaient.

***

Edouard peinait à trouver son chemin. Le Bureau du CP6 lui semblait déjà assez énigmatique pour devoir, de surcroît, imaginer celui du CP9. Pourtant la missive ne trahissait pas les intentions de celui qui désirait le rencontrer.

Depuis le retour de Parisse, l’homme s’était fait discret. Tellement discret que ses blessures, il les avait soignées lui-même. Il était conscient que quelque chose n’allait pas et soupçonnait ses camarades du CP9 de lui tenir rigueur de la mort de leur chef à tous. Mais il n’avait rien fait. Il n’avait jamais rien fait, jamais trahi sa cause ; cette vision des choses était injuste et biaisée.

Dans son grand imperméable gris vaguement nettoyé et encore troué par les impacts de balles et déchiré par les coups de lame, l’espion progressait avec une hésitation certaine. Fallait-il tourner ici ou fallait-il tourner là ? Finalement, le bonhomme prit son courage à deux mains et s’aventura dans une longue avenue qui débouchait sur des bâtiments gigantesques. Là, ce qui lui semblait être un édifice à l’apparence administrative, rectangulaire avec tout un tas de fenêtres, trônait du côté impair de la rue. Aucun nom toutefois, aucune plaque pour l’identifier. Si ça n’était pas le repère des agents du CP9, c’était bien celui de l’un ou l’autre des Bureaux. Peut-être même le sien. Quoi que son futur parmi les infiltrés révolutionnaires semblait désormais légèrement compromis. Sa couverture avait volé en éclat, des années de sa vie passées à construire quelque chose. Ce n’était pas étonnant qu’il se sentît si mal, si désorienté.

Il pénétra sans difficulté dans le grand bâtiment et se présenta à la réception. Comme il n’avait plus rien à perdre, il évoqua son nom, tout en omettant toutefois son travail. Non, il n’en était pas arrivé là non plus. Après quelques instants passés au téléphone, la réceptionniste confirma ses attentes :

- Vous êtes attendu M. Bier. Huitième étage, bureau C.

Au même instant, coïncidence ou non, une porte s’ouvrit menant vers un ascenseur hydraulique. Sous la pression de l’eau, la cabine escaladait désormais tranquillement les étages, informant systématiquement de ceux qui venaient d’être passés. Quand un « ding » résonna enfin et que le chiffre indiquait huit, les portes s’ouvrirent à nouveau pour laisser passer leur prisonnier, encore plus déboussolé qu’auparavant, dans un curieux espace sobre qui n’avait pas grand-chose à envier aux locaux des entreprises adjacentes. D’un pas pressé, le curieux bonhomme s’aventura finalement dans un long corridor pour déboucher dans un open space où une minuscule machine à café produisait un vacarme d’enfer.

- J’peux quelque chose pour vous ? tonna une voix surgie de nulle part, obligeant l’invité à jeter un bref regard panoramique avant de desceller la présence, dans une zone plus proche du sol, d’un homme en fauteuil roulant. Le regard sombre, les cheveux longs et la tenue évoquant un certain laisser-aller, c’était un handicapé qui l’avait reçu.

- Oui… Euh… On m’a dit de me rendre au Bureau C.

- Y’a pas de bureau C ici, mon gars.

Non, évidemment. C’était la façon civile de procéder. Edouard devait tenir son interlocuteur par le bon bout, avec une franchise adaptée.

- J’ai un entretien avec Sloan O’Murphy, tenez c’est écrit là.

Réceptionnant le bout de papier tendu dans sa direction, l’homme en fauteuil roulant déchiffra les hiéroglyphes du message avant de finalement laisser tomber son masque pour afficher une mine moins lugubre. Carrément plus accueillante, même.

- Ah mais il fallait le dire tout de suite ! Tiens, son bureau est juste là-bas. Dépêche-toi, il aime pas trop qu’on le fasse attendre.

Gratifiant son guide d’un vif hochement du crâne, Edouard procéda comme dit et, en moins de temps qu’il ne fallait pour dire ouf, se trouva devant une curieuse porte en bois avec une vitre opaque sur laquelle n’était absolument pas renseigné « bureau C » mais « Sloan O’Murphy, administrateur du CP9 ».

Après avoir toqué, non sans une once de timidité, l’agent Bier fut alors invité à entrer et à refermer la porte derrière lui. Derrière un épais comptoir en bois qui faisait office de plan de travail se trouvait un petit homme, brun, jeune, avec un gigantesque sourire, qui ne lui laissa pas le choix de s’asseoir.

Selon lui, ils avaient, visiblement, plein de choses à se dire.
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Suite à un curieux moment aussi honteux que gênant où les cinq étoiles étaient restées plantées là à le dévisager, James Larson avait vu le visage de Mint Figura soudainement s’éclairer. Apparemment, son entretien avec le chef d’équipe lui était sorti de la tête, comme s’il s’agissait d’une simple formalité. Pourtant l’agent se doutait plus ou moins des raisons qui l’amenaient ici, parmi la haute, dans ce lieux à la blancheur éclatante et omniprésente. Peu importait où il posait le regard, tout était brillant et frais, propre. Cela ne lui plaisait pas, c’était comme si les personnes qui habitaient les lieux avaient systématiquement des choses à cacher.

Et des choses à cacher, ça les vénérables en avaient, il n’en doutait pas. Mais il n’eut pas le temps de contempler davantage leurs visages coupables que déjà son supérieur suprême le prenait à part, d’une main vissée sur l’épaule, avec les résidus d’une force qui, jadis, devait être parmi les plus fortes de ce monde.

Aujourd’hui il ne restait qu’un vieillard, supplantant et coordonnant tous les Cipher Pols, qui décidait du mieux pour ses agents. Un fonctionnaire d’élite, un grand administrateur, pour qui les vies n’étaient définitivement plus rien. Pas le genre de personne que Larson pouvait qualifier d’humain. Pas le genre non plus qu’il pouvait encadrer, mais pour Figura il faisait des efforts.

Après tout, c’était un vétéran du Bureau.

- Ah, mon cher James, depuis quand date notre dernière discussion déjà ?

La nostalgie. Le désir de rappeler qu’ils avaient tissé des liens, il y avait longtemps de cela. Mais depuis le vénérable était devenu un vénérable et James était resté chef d’équipe, qualifié de Couard. Il était encore jeune, à l’époque, et Figura n’était que dans l’aube de sa vieillesse. Les printemps avaient défilé depuis.

- Cela me semble une éternité, Mint. Tu n’as pas pris une ride. s’essaya l’agent, mauvais menteur soit, mais menteur de bonne compagnie. Tranquillement, le duo s’écartait de la pièce principale pour s’engager dans des corridors toujours aussi lumineux, aux murs opalins décorés de feuilles de lauriers finement dorées à la main. Même le verre utilisé pour les fenêtres semblait crier « opulence ».

- Je t’en prie, pas besoin de ça entre nous… Tu sais pourquoi je t’ai fait venir ?

La question était rhétorique. Larson le savait, il s’en doutait fortement au point de le savoir, et Figura savait qu’il le savait. Mais il convenait de répondre non.

- Non.

- Ah, attends, installons-nous dans mon bureau.

A ces mots, la vénérable étoile pivota sur sa gauche pour faire face à deux grandes portes de deux bons mètres incrustées dans les murs. Blanches elles aussi, soigneusement moulues et dorées, une fois ouvertes elles débouchèrent sur un bureau aux dimensions extraordinaires. Un bureau qui faisait la taille d’un salon. Le genre de salons où venaient se regrouper les nobles et les bourgeois pour prendre le thé et écouter de la musique en comité réduit.

- Assieds-toi, j’ai récemment fait rembourrer les chaises. Les nobles ont les fesses douillettes et ne supportent pas le contact du bois, même s’il s’agit de bois d’Adam.

- Si ça ne te gêne pas, je préfère rester debout.

Ca le gênait, c’était certain. Mais on ne pouvait refuser à un soldat de rester au garde-à-vous devant son supérieur. Et quelque part, ça plaisait encore au vieil, très vieil agent de se faire respecter par l’un de ses semblables. Non pas grâce à son poste actuel, mais plutôt grâce à sa carrière. Son regard brusquement dur cessa d’être aussitôt, car Larson savait s’y prendre avec lui.

Mint l’avait toujours apprécié, cette bourrique de James qui n’en faisait qu’à sa tête. Noxe lui-même n’était pas un aussi bon agent, mais ça n’était pas lui qui avait décidé de la promotion de l’ancien directeur. C’était son prédécesseur, un fat et un incompétent qu’il s’était empressé de remplacer au même moment. Mais les choses se télescopaient trop vite, dans ces conditions. Ici, c’était sa chance de redorer le blason de son pôle avec l’organisation qui convenait.

- Je ne vais pas y aller par quatre chemins, James. Noxe est mort, il faut un nouveau directeur au CP9. Nous ne pouvons pas prendre le risque de perdre un second pôle comme ça a été le cas avec le CP8.

Depuis plusieurs mois, le CP8 s’était en effet vu bouleversé par la disparition de son directeur. Toutefois, récemment, le Bureau avait reçu des nouvelles au sujet de l’officier, rendu au Gouvernement Mondial dans un état qui ne lui permettait plus de reprendre ses fonctions. Logiquement.

- Et tu as pensé à moi, car je suis le plus ancien, c’est ça ?

- J’ai pensé à toi car j’ai confiance en tes capacités. De toute l’histoire du CP9, tu es l’un des rares chefs d’équipes pensant aussi bien à l’intégrité de leurs hommes qu'à celle de leur mission. Certes, cela est problématique des fois ; il faut comprendre qu'au CP9 plus qu'ailleurs, les sacrifices sont nécessaires. Mais tu sais ce que l’on dit des rois ayant fini par régner sur des ossements...

- Sauf que je n’ai aucune envie de régner sur quoi que ce soit... Je suis désolé Mint, mais je me dois de refuser ta proposition.

Relativement calme jusque-là, la vénérable étoile fronça soudain les sourcils avant de frapper du plat de la main sur la surface de son bureau. A quelques millimètres d’un coupe-papier qui manqua de lui ouvrir la main. Ou probablement pas, tout de même.

- Je ne crois pas te laisser le choix, James. Regarde à quoi ressemble ton Bureau aujourd’hui : vous n’êtes plus qu’une dizaine d’agents suite à ce qu’il s’est passé sur Parisse. Tu crois que je n’ai pas assez à faire, de réparer les pots cassés suite à la révolte de l’un des pays phares du Cercle ? Tu crois que je dois pondérer mes choix quand je suis certain de prendre les bonnes décisions ?

A ce moment, Larson se rendit compte qu’il devait peser ses prochains mots, s’il ne voulait pas finir dans une geôle pour non-respect des ordres venus d’en haut. Ou s’il ne voulait pas finir Directeur malgré lui. Il ne voulait pas et de toute manière il ne pouvait pas.

- Je comprends que tu aies considéré cette décision comme étant la meilleure, Mint. Il ne reste quasiment plus que des rookies, des petits nouveaux amenés à faire leurs preuves dans le Bureau, ils ont quasiment tous l’âge d’être mes gosses. Mais, grand dieu, je n’ai même pas le courage de voir les marmots sous mes ordres crever devant mes yeux sur le champ de bataille… comment peux-tu espérer que j’accepte de le faire pour toutes les missions, même celles qui ne me concernent pas directement ? Être directeur, c’est prendre ce genre de décisions. J’en suis incapable. Sais-tu comment on m’appelle au sein du Bureau ?

Il le savait. Il conservait un œil sur ce qu’il s’y passait, avant, pendant et après son départ. Le CP9 n’avait jamais cessé d’être son pôle, ses hommes, sa fierté. Pendant quarante ans, Figura en avait été à la tête et ça laissait des marques, c’était sûr. Le plus jeune directeur, le plus compétent aussi. Et le plus têtu, si on ne lui assénait pas les bons arguments.

Désormais, il devait entendre son subalterne, celui qui avait longtemps servi à ses côtés et avait inculqué beaucoup de ses valeurs. Sauf une, celle qui lui collait aux basques et l’avait enrobé dans un cocon de faiblesse que ses collègues avaient amicalement appelé « Couardise ». Avec du recul, non, c’était certain, James Larson ne pouvait pas commander une bande d’assassins aussi détraqués nécessitant systématiquement d’être mis au pas. Même Noxe avait failli à la tâche, trop invisible, trop dédié à sa propre mission.

Soudainement fatigué, l’étoile se cala au fond de son gigantesque fauteuil, bras allongés sur les accoudoirs, la mine sombre, le regard triste.

- Qui, dans ce cas-là ? Qui peut reprendre le flambeau ? Il me faut une personne, James. J’ai confiance en ton jugement, tu le sais. Mais il me faut un nom.

A son tour, le chef d’équipe s’assombrit, l’index perdu dans sa barbe. Après s’être traîné d’un pas lent jusqu’à l’une des magnifiques baies vitrées donnant sur Marie-Joie, offrant une vue incroyable sur Red Line et les nuages qui couvraient ses alentours, il dévoila le fond de sa pensée. C’était un pari risqué, il se sentait l’unique responsable de la décision qui allait suivre. Peut-être elle-même ne serait pas d’accord, mais son opinion ne faisait aucune différence. Elle apprendrait sur le tas, comme ses prédécesseurs.

Ca ne pouvait être qu’elle, de toute manière.
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Quand sa supérieure était encore dans le coma, Angelica n’avait jamais été plus loin que la bibliothèque. C’était sa passion pour les bouquins qui l’avait dévorée, ainsi que le stress de voir la cheffe d’équipe ne jamais peut-être se réveiller. Ou bien un soulagement, elle n’en était plus certaine désormais.

Maintenant, le temps filait à toute allure tandis qu’elle se propulsait dans les angles des couloirs pour essayer de découvrir davantage Nursery. Car la base de la Marine Scientifique ne s’arrêtait définitivement pas à sa librairie, il était nécessaire pour Angelica de parfaire ses connaissances en explorant chaque recoin. Sauf que… le temps était compté.

- Il est hors de question  que je reste ici une minute de plus !

Elle pouvait encore entendre la voix de sa supérieure, toujours affairée à pester contre quiconque venait réfuter ses propos, lorsque celle-ci cherchait à se défaire de l’étreinte des médecins, sous l’œil perplexe de Charcotte. A peine dix minutes après son réveil, la belle semblait déjà en pleine forme. Mais l’application d’un profond sédatif, visiblement très efficace chez les personnes avec des vis et des boulons sur la moitié du corps, avait finalement eu raison de son énervement.

Selon le médecin général, c’était normal. Et dangereux de la laisser s’énerver dans cet état. Pour Angelica, cela ressemblait plus à de la prévention pour ne pas voir la jeune femme faire une démonstration hasardeuse de ses pouvoirs. Les rumeurs s’étaient d’ailleurs répandues comme une trainée de poudre au sein de la Marine : beaucoup étaient au courant de cet agent du CP9 qui avait renversé le monde. à Parisse. Désormais, il était clair comme de l’eau de roche qu’il s’agissait aussi de cette fameuse Commodore qui avait fait de même à Astérion et à Karantane, qui avait été expédiée à une vitesse fulgurante dans les sommets de la hiérarchie. Cette Amanda Holmes qui avait tant brillé à ses débuts… et n’était désormais plus vue que comme un Judas de pacotille. Mais un Judas de pacotille terrifiant.

Angelica n’avait pu que déplorer le manque de professionnalisme du Commodore froissé par Larson qu’elle savait, au fond, responsable de la fuite. Mais il fallait se rendre à l’évidence : Annabella l’avait plutôt bien cherché.

Deux semaines après les événements, les nouvelles de Parisse continuaient d’affluer. Toujours très sombres, très négatives, elles mentionnaient désormais une ligne de front entre les révolutionnaires qui n’avaient pas pu parachever leur mission et ceux qui se sentaient trahis ou méprisés, voire même manipulés. Au final, le Gouvernement Mondial s’était totalement retiré de l’île ; seuls demeuraient des espions camouflés parmi les civils, loin des zones conflictuelles. Des intellectuels, pour faire bonne mesure, et ramener de temps en temps la Marine et le GM sur le tapis pour prendre la température.

Elle n’était jamais très bonne.

Après une nouvelle semaine de convalescence forcée, donc, Annabella se vit finalement capable de raisonner correctement. Lors de ses rares phases d’éveil, celle-ci semblait avoir perdu la mémoire aussi bien qu’un manque flagrant d’intelligence qu’Angelica la suspectait de ne pas avoir totalement récupérée.

- Il est temps de partir. avait-elle finalement asséné à sa subalterne, deux jours après son ultime réveil. La chose était cohérente avec la missive qui avait ordonné de mettre fin à son traitement pour qu’elle pût se déplacer jusqu’à Marie-Joie. La belle de plastique était attendue, mais elle ne savait pas pour quoi exactement.

Mais semblait s’en douter, car les informations étaient venues lui bourdonner à l’oreille elle aussi, à son réveil. Les infirmières, les médecins, Angelica elle-même l’avaient mise au courant de la situation. L’agente Sweetsong avait vaincu Jonas Mandrake. Mais dans son élan, elle avait rasé une ville de la carte, une bavure géopolitique impressionnante qui n’incombait qu’à elle. Et à Parisse, à Parisse seulement, les civils avaient été nombreux à distinguer cette assassine à la crinière blanche. Quelques-uns de ceux dont elle s’était servie comme appâts pour piéger son adversaire avaient survécu. L’erreur était insurmontable pour un agent secret, pour une femme qui avait si bien pu passer incognito jusque-là et voyait désormais son vrai elle, son vrai visage, devenir impopulaire. La victoire était amère et avait un arrière-goût d’échec.

Si on voulait la voir, donc, c’était probablement pour cela. L’air morose, la cheffe d’équipe semblait à la fois consternée aussi bien que préparée à voir son mandat prendre fin. Et probablement sa vie, que O’Murphy n’hésiterait pas une seule seconde à effacer. Elle savait trop de choses, Annabella. Le défaitisme et l’abandon s’étaient installés dans son esprit en un claquement de doigts, mais s’il y avait bien une chose que l’on ne pouvait pas lui réfuter : c’était sa détermination.

- Bon, je crois que c’était ici.

Ses deux pieds glissèrent légèrement sur le sol tandis que l’agente freinait doucement, pour mieux se recentrer devant une grande porte. S’il y avait un endroit qu’il lui fallait à tout prix voir à Nursery, c’était celui-ci. Bien évidemment, il nécessitait un laisser-passer pour aller plus loin, mais de grandes baies vitrées permettaient de voir à l’intérieur.

Longue salle bourrée de matériel technologique, de câbles, de morceaux en acier et de Vegapunk, la Crèche était le berceau des Pacifistas. Déjà, de son observatoire, la brune pouvait observer de nombreuses carcasses comme attachées sur des tables d’opération, inanimées. Calepin en main, la jeune femme prenait des notes, plus par simple intérêt de les relire plus tard que par désir d’enrichir son carnet déjà bien complété. Et, oui, Vegapunk était là.

Avec ses nombreux ingénieurs, l’homme à la stature unique semblait superviser la préparation des machines… par d’autres machines. Le regard satisfait, les doigts joints les uns aux autres, le vieil homme n’était définitivement pas de marbre en voyant ce spectacle. Mais Angelica ne pouvait pas en dire plus : de là où elle était, elle ne pouvait quasiment discerner que les silhouettes de la demi-douzaine de scientifiques eux aussi en train de noter des trucs sur leurs bloc-notes. Cette vision avait suffi à la faire rebrousser chemin en direction des quais. L’aiguille tournait et l’horloge affichait bientôt l’heure de départ exacte.

Comme Annabella aurait pu s’en douter, ce fut finalement avec un quart d’heure de retard que sa collègue pointa son museau. Toujours dérangée par la présence d’une poitrine plus gonflée qu’auparavant, la bientôt trentenaire, désormais jeune à jamais, conservait ses bras croisés sur ses poumons en signe de protestation… et de pudeur dissimulée.

- J’imagine que tu t’es perdue.

- Non, absolu… bon, je me suis perdue. bredouilla la jeune femme, hors d’haleine, tandis que sa supérieure continuait à la dévisager sans expression lisible sur le visage. La moindre parcelle humaine qui l’avait jadis habitée semblait désormais avoir disparu.

- Cela ne fait rien. Nous embarquons.

Laissée sur la touche, Angelica mit plusieurs secondes avant de réagir. Elle s’attendait à se faire rembarrer, engueuler, mais au lieu de cela son interlocutrice avait simplement haussé les épaules avant de lui tourner le dos. Rien ne semblait importer désormais, elle s’était beaucoup trop résignée.

Bien évidemment, on ne recevait pas de convocation émanant de Mint Figura en personne sans raison, mais la novice demeurait optimiste. Une qualité qui avait toujours manqué à Anna, sans que sa consœur le sût jusqu’à aujourd’hui.

Au moins, un navire confortable avait été affrété pour leur voyage jusqu’à Marie-Joie. Un navire passant par là, curieusement. Signe du destin, cruel, ironique. Les regards étaient sombres envers les agentes du CP9, tandis qu’elles s’aventuraient de l’autre côté du bastingage et découvraient l’étrange vaisseau long et fin. Non, Angelica seulement, car Annabella le connaissait déjà que trop bien. Et les visages des marins qui le peuplaient.

Des femmes, plutôt.

A peine un pied passé sur le pont et la blonde esquiva de justesse un mollard bien placé, chiqué par une rousse avec un curieux bandana sur le front. Qui semblait astiquer une poêle, brandie comme une arme. Celle-ci avait un visage honnête, celui de la vieille femme rabougrie qui s’en foutait de dire la vérité en face.

- R’voilà la vendue.

Mal réveillée, Angelica mit un moment à comprendre, lorsque son regard se posa sur le visage de chaque femme qu’elle semblait connaître sans en être certaine. Des traits familiers, qu’elle aurait lus plutôt que vus. Lus dans des courriers, dans des lettres écrites par sa sœur. Désormais elle reconnaissait… la 346ème. Et le visage de la Lieutenante, sa sœur, qui fut la première à l’accueillir, bras ouverts, chaleureuse envers elle. Elle seulement.

Elles s’embrassèrent d’une longue étreinte fraternelle, sans mot dire. Mais dans leurs regards, un courant électrique semblait passer : tellement de choses méritaient d’être mises sur la table.

La Lieutenante-Colonelle à bord, récemment promue au titre de Commodore, fut celle qui vint accueillir cordialement l’albinos, qu’elle appela dignement « Commodore Holmes », et lui suggérer de s’entretenir dans ses appartements. Avec les deux Browneye, leurs regards perdus dans le vide et leurs bouquins dans les mains. L’une était rousse, l’autre était brune mais les deux semblaient taillées dans le même moule et la fraternité était plus flagrante que jamais.

- Grand dieu, comme, si une seule ne suffisait pas déjà ! Allez, pressons-nous, tellement de choses à nous dire. Vous autres, commencez à lever l’ancre et préparez les voiles. Lieutenante Frances ?

- Vous avez entendu la Commodore ?! Une tempête se lève à l’ouest, nous allons profiter des contre-alizés pour gonfler les voiles. Du nerf les mouettes, c’est pas car je suis aveugle que je peux pas vous entendre lésiner !

Bientôt, le navire se mit à tanguer, privé de ses amarres. Et les quatre silhouettes se retrouvèrent autour d’une bouteille de rhum, entre quatre murs, loin des oreilles indiscrètes. Ce fût Elga qui brisa le silence la première :

- Bon, je dois vous avouer que le climat est un petit peu tendu actuellement et qu’avec toutes ces sornettes, on n’est pas très loin de la mutinerie. Certaines à bord savent que Browneye et moi étions déjà au courant pour votre couverture, agent… Commodore Holmes. Mais désormais c’est le cas de tout le monde. Alors je ne vois que deux solutions : jouer carte sur table ou trouver un mensonge assez gros pour éclipser les rumeurs à votre sujet. Moi, je pense avoir identifié ce qui devrait être la bonne solution, mais il m’est avis que de simples excuses ne suffiront pas au vu du caractère des femmes à bord.

Puis, finalement, la Lieutenante-Colonelle de poursuivre :

- Ce que veut dire la Commodore Vasilieva c’est… avez-vous déjà été mousse sur un navire de la Marine, Miss Holmes ?


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Dim 27 Aoû - 18:15, édité 1 fois
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Et du statut de grande officière, Annabella était ainsi passée à celui de femme de ménage à bord de la Jouvencelle. Par malchance plus que par choix, Angelica avait été entraînée dans sa chute et s’était retrouvée pendant de longues journées à nettoyer le pont et à éplucher les pommes de terre. Finalement, ce qui avait probablement été le plus dur à supporter avait été le silence pesant de sa supérieure, difficilement remise de sa soudaine descente aux enfers.

Ses excuses, elle les avait pourtant présentées. Les femmes les avaient acceptées ; certaines difficilement, mais pour la plupart la chose ne demeurait plus taboue à partir du moment où elle était dite. Si la jeune femme promettait de rester honnête, la 346ème pouvait bien, une fois de plus, passer sur son honneur et accepter le discrédit des autres régiments pour la garder à son bord. Après tout, lorsqu’Annabella avait besoin de se déplacer, c’était souvent la division Carter qui venait l’accueillir à son bord.

Le poids du sacrifice s’était alors amplifié lorsqu’un manche de serpillère était venu rouler aux pieds de la blonde. La grande sœur de sa coéquipière n’avait pas menti sur les intentions de ses soldates. Lieutenante-Colonelle, elle était probablement la mieux placée pour connaître ce que voulaient les femmes à bord.

Il avait finalement fallu près d’une demi-semaine supplémentaire, consacrée au voyage, pour que Red Line fût finalement à portée de vue et que le navire s’engageât dans le réseau Marijoen. Une demi-semaine où Annabella fut consacrée aux torchons et aux tâches ménagères, à être traitée comme une souillon par celles qu’elle commandait jadis. Elle avait fait son baptême de mousse et c’était en toute légitimité que ses compagnons de voyage avaient fini par la considérer comme l’une des leurs.

Le chemin avait déjà été à moitié fait de toute manière : l’albinos n’était pas non plus une parfaite inconnue et avait constitué, pendant longtemps, une cheffe respectable pour la division Carter. Même si, cela se ressentait, beaucoup la craignaient plus qu’ils ne l’appréciaient. C’était toute sa dorure qui était partie en fumée, finalement, ne laissant plus que la brute épaisse et l’assassine du CP9 à découvert.

Le dernier jour se fit alors finalement de façon ordinaire, sans tâches ingrates à effectuer, sans ordures à trier. Comme les autres marins, Annabella montait désormais dans les gréements pour affaler les voiles tandis que le bateau disparaissait dans l’ombre d’une caverne. Par peur du vide, Angelica s’était résolue à participer au tir des cordes en contrebas, avec une force impressionnant toutes les autres femmes, sa sœur y compris.

-  J’ai du mal à croire que c’est toi, tu as tellement changé depuis mon départ de la maison...

- En plus intelligente, j’espère. J’ai fait tout ce que je pouvais pour te rattraper. Maintenant je compte bien te dépasser, héhé. sourit machiavéliquement la brunette tout en tirant soudainement sur son épais cordon, amenant d’un coup, d’un seul, son pan de voilure jusqu’au sommet du mat.

Le reste du voyage se fit alors sans encombre. La cheffe d’équipe semblait avoir abandonné ses galons, dont elle avait probablement porté le deuil au cours des derniers jours, agissant désormais comme une recrue lambda. Agissant comme un agent du CP infiltré. Sauf que son véritable métier était désormais à découvert et que, de temps à autres, des regards suspicieux s’attardaient tout de même sur elle.

Son arrivée annoncée par escargophone, Annabella eut tôt fait de rencontrer son ancien supérieur sur les quais du G-0. Toujours vêtu de ce même imperméable sombre, oscillant entre le gris et le marron très foncé, il attendait patiemment. Et si la jeune femme semblait bien décidée à déchiffrer les moindres traits de son expression faciale, le vieillard l’était, lui, à n’en dévoiler aucune.

- Bon voyage ? introduisit-il lorsque la jeune femme vint le rejoindre, inexpressive elle-aussi. Elle faisait désormais face à son destin et se rendait dignement jusqu’à la guillotine. Elle grommela, donc, et Larson ne posa pas plus de questions.

Pas de carrosse, cette fois-ci, pour diligenter le petit contingent de CP9. Aux côtés des deux officiers, Angelica trottinait paisiblement. Loin d’être tourmentée par le futur d’Annabella, elle se posait tout de même des questions. Elle était optimiste, c’était dans sa nature, de ne pas avoir des pensées sombres. Même si la majorité des histoires qu’elle lisait possédaient des fins terribles.

La marche funèbre continua pendant plus d’une heure à travers les rues bondées. Dimanche, jour du seigneur, jour du marché ; les Mariejoans sortaient faire leurs emplettes et discutailler ragots. Apparemment Jonas Mandrake avait été capturé. Apparemment Parisse avait été rasée par la révolution. Apparemment, c’était jour de fête chez les Tenryuubitos et la Marine remportait toujours plus de victoires. Toujours plus de sécurité, toujours plus de joie. Tout était beau dans le quotidien des citoyens de la capitale mondiale, prisonniers malgré eux du cocon de médias et de politique qui les formataient efficacement.

Innocents, c’étaient peut-être les seuls à être véritablement heureux et intacts psychologiquement, loin de la vermine du monde dans leurs hauteurs célestes, parmi les sept océans.

Pour la première fois de sa vie, Angelica s’aventura au plus près des frontières du monde réel, là où l’on sortait du commun des mortels pour s’aventurer dans le jardin des dragons. A la porte de l’univers des nobles se dressait fièrement l’organe politique du Gouvernement Mondial, le palais qui accueillait les hérauts de la justice et le conseil des cinq étoiles, à son sommet. Et dans ses profondeurs : un captif attendant d’être jugé et envoyé loin d’ici, dans une prison sous haute surveillance. Pour Annabella, c’était aussi une première, mais Larson, lui, connaissait le chemin.

Sans guide, sans gardes supplémentaire, les trois individus s’aventurèrent dans un grand hall richement décoré en marbrures, en dorures et en épais rideaux aux couleurs chatoyantes, parant les murs et fondant sur le sol comme tant de cascades de peintures. Au terme de leur progression dans la gigantesque salle faisant office de vestibule, Larson se retourna finalement pour barrer le chemin à ses deux collègues.

- A partir d’ici, c’est seulement Sweetsong et moi-même. Il y a des fauteuils et des livres si vous souhaitez vous divertir, agente Browneye, mais vous ne pouvez pas nous accompagner.

Avec un bref froncement de sourcils, la jeune femme dévoila sa déception de ne pas pouvoir nourrir davantage sa curiosité. Aux portes du paradis, on lui avait dit d’attendre, elle qui espérait pourtant enfin mettre des visages sur les noms des Cinq, qui espérait pouvoir voir les appartements les plus somptueux de Marie-Joie. Elle ne put que regarder avidement la cage de l’ascenseur se dévoiler derrière une porte coulissante, avaler les deux agents et les faire disparaître pour finalement monter tranquillement vers le destin de la blonde.

Tout en dardant un œil perdu vers l’endroit indiqué plus tôt par Larson, où elle pouvait déjà identifier les sièges en questions et la pile de magazines, elle ne put s’empêcher d’exprimer intérieurement un « bonne chance » pour sa camarade.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mar 29 Aoû - 7:51, édité 1 fois
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Ce fût toujours avec le même visage, la même présence d’esprit, qu’Annabella découvrit le conseil des cinq. Occupé à discutailler d’une chose ou d’une autre avec tel ou tel officier de l’Etat-major, apparemment. Elle ne s’en souciait guère. Si la surprise aurait dû marquer ce moment, elle ne le fit pas : le cerveau de l’agente était déjà en surchauffe. Des milliers d’idées lui passaient par la tête et, dans son crâne, se déroulaient tous les scénarios de sa descente aux enfers. Déjà, elle pouvait voir le visage souriant de Figura annoncer ses congés et la réception de ses invités. Déjà, elle pouvait le voir venir vers elle et la presser de continuer dans son chemin, tandis que Larson, lui, restait derrière.

- Je t’attendrai ici, ce qu’il va se passer désormais ne me regarde pas. la rassura-t-il avec un regard froid. Un regard habituel d’un Larson n’ayant pas eu son verre de whisky depuis plusieurs heures, trop sobre, trop sombre.

Extérieure à son propre corps, qui n’était désormais plus grand-chose d’autre qu’un ensemble de rouages, de mécanismes et d’une fausse chair recouvrant ses muscles pistonnés et ses engrenages, Annabella semblait planer au-dessus du sol, aux côtés de l’ancien. Depuis son opération, l’agente avait dû s’habituer à son nouveau corps, mais s’y sentait constamment étrangère. Tout était différent, et pas juste car Charcotte avait perdu un pari. Sous sa peau, elle ne sentait plus ses muscles se contracter, mais de fines veines en acier bouger délicatement. Ses yeux, eux aussi, n’étaient plus les siens. Elle n’était plus elle-même, c’était ça l’idée.

A mi-chemin de leur marche, Figura décida soudainement de devenir bavard. Peut-être était-ce lié au fait qu’il venait de remettre l’agente qui l’avait précédemment escortée sur Koneashima, il y avait plusieurs mois de cela. Ou peut-être désirait-il briser la glace avant de s’aventurer sur un terrain glissant. Il ne semblait ni anxieux, ni effrayé, mais d’un calme effarant qui vrillait quelque peu l’albinos. La situation ne s’y prêtait que moyennement, sinon elle l’aurait apprécié, c’était certain.

- Et désormais c’est donc à mon tour de vous escorter jusqu’à mon bureau. Haha. Le destin peut être facétieux, n’est-ce-pas ?

- Comme vous le dites, Monsieur Figura. rétorqua-t-elle simplement, placide.

Les pensées se bousculaient beaucoup trop dans la caboche de la jeune femme pour qu’elle pût aligner ne fut-ce que deux mots supplémentaires. Au lieu de cela, elle préférait ne pas s’étendre davantage pour passer directement au plat de résistance. Au terme de leurs pérégrinations dans les longs couloirs de l’office du conseil, Mint poussa finalement le battant, déjà flottant, de la porte ouverte de son bureau. S’engageant à la suite de la jeune femme qu’il pria, bon gentleman, d’entrer la première, il ne mit pas longtemps à verrouiller l’entrée pour finalement se rendre jusqu’à son bureau physique.

Si Anna s’était intéressée à l’endroit, elle en aurait remarqué la richesse débordante et la beauté quelque peu « rococo » du coin. Mais ses yeux ne quittaient pas les mains du vieillard, qui semblaient susciter une certaine attraction, comme si le pouvoir de l’étoile y trouvait sa source.

Après avoir sorti un crayon et une feuille de papier vierge, les deux palmes de Mint Figura se posèrent à plat sur la surface de son plan de travail. L’heure n’était plus aux gestes manuels, mais au blabla. Celui-ci commença comme Annabella l’avait anticipé, dans l’un des nombreux scénarios qu’elle avait d’ores et déjà cogités.

- J’ai beaucoup entendu parler de vous, agente Sweetsong. Il semblerait qu’au sein du Gouvernement Mondial, dans le CP8 et le CP9, vous ayez suscité beaucoup d’admiration. Et de crainte.

- Je n’ai fait que mon devoir, vénérable.

- Réellement ? Je veux dire, nous avons tous fait des choses compromettantes qui dépassent l’entendement du GM. J’ai été agent du CP9 avant vous, puis je l’ai dirigé. Je me mets à votre place. Il est si facile de briser des vies avec le pouvoir que l’on met entre nos mains. J’ai lu votre dossier. Tout votre dossier. Car on m’a obligé à m’intéresser à vous.

- Je suis au courant de mes erreurs sur Parisse et je suis venu ici en connaissance de cause. J’accepte votre jugement sans sourciller, quel qu’il soit.

Le scénario se déroulait. Mais un premier détail froissa la jeune femme : une expression de semi-surprise sur le visage du vieil homme.

- Vous vous imaginez que je vous ai conviée ici pour vous blâmer ? Soit, vous n’êtes clairement pas l’élément le plus discret ni le plus stable. J’ai aussi eu vent de vos faits sur Drum et du  destin que vous avez réservé à vos parents. De votre enfance aussi. Des actes qui vous ont amenée jusqu’ici aujourd’hui, au sommet du monde. On a tous notre parcours, aussi sinueux soit-il. Mint se stoppa alors pour raffermir sa prise sur la feuille de papier, dévoilée plus tôt, et saisir son stylo. Son visage se voulait sobre et il l’était, jusqu’au fond de son âme le vénérable demeurait neutre. Mais vous n’êtes pas ici car je compte vous juger pour ce que vous avez fait. Vous n’êtes qu’un soldat, un pion, et la responsabilité de ce qu’il s’est passé à Parisse m’incombe en partie. Malheureusement.

Sous le choc, l’albinos ne put s’empêcher d’ouvrir une bouche étonnée avant de se reprendre en main, quelques secondes plus tard. Ses yeux, écarquillés désormais, semblaient à l’affût des moindres détails, de la moindre parcelle de vie, du moindre mouvement. Les œillères disparues, ses pupilles donnaient finalement l’impression de s’attarder sur l’endroit, sur le temps, sur la personne. Elle se sentait bête devant Figura, car il était qui il était et elle avait retrouvé son statut d’être vivant, un pas en arrière du précipice. Toujours sur le qui-vive, c’était désormais le doute qui l’habitait.

- Je ne comprends pas alors… pourquoi suis-je ici ? s’essaya-t-elle d’une voix fluette, étranglée.

Le vieillard avait commencé à écrire, il donnait désormais la réplique avec les yeux rivés sur le papier :

- Parce que vous êtes celle qui a battu Jonas Mandrake et permis sa capture. Parce que, au prix d’une ville, vous en avez sauvé bien d’autres de la menace révolutionnaire. Parce que Noxe est mort et que le CP9 se retrouve sans tête. Il y a moins d’une semaine, je me suis entretenu avec James Larson, mon ami de longue date et le plus ancien parmi les agents restants du Bureau. Naturellement, ce vieux grigou a refusé mon offre.

- Larson a refusé de devenir directeur ? Je le reconnais bien là… mais je ne vois pas ce que cela a à voir avec moi, honorable Figura.

Elle comprenait, en fait, mais doutait fortement et ne voulait pas se lancer dans le vide. Pas sans le matériel adéquat. Si Figura n’aimait pas se répéter et lésinait généralement sur les détails, elle préférait s’y risquer que d’être prise au dépourvu. En signe d’énervement, ce-dernier releva les yeux de la feuille sur laquelle il était en train de s’épancher et se racla la gorge avant de reprendre :

- Il y a que Larson vous a suggérée comme successeur de Noxe en me ventant vos prouesses. Et c’est vrai, vos actions d’envergure ont contribué à un bon nombre de victoires du Gouvernement Mondial. Même si votre entrée au CP9 est relativement récente, ce qui me contraindra à conserver un œil sur vous. Nous ne pouvons pas prendre le risque de voir un deuxième pôle désorganisé comme le CP8.

- Donc, je suis ici pour vous donner ma réponse ?

- Je crois que vous m’avez mal compris, agente Sweetsong. Je ne vous laisse pas le choix. Vous êtes, à compter d’aujourd’hui… Et d’un geste ample de la main, l’étoile crayonna habilement en bas de la feuille qui était désormais couverte d’écritures. Sa signature, son aplat, puis un cachet de cire vivement tamponné avec l’emblème de Marie-Joie. …directrice du Cipher Pol numéro neuf.

Lorsque ce fut chose faite, l’homme politique rendit finalement sa production à son invitée, qui darda un regard diagonal sur l’épais paragraphe. Qui soulignait effectivement et de façon officielle son accession au titre de Directrice du CP9.

- Ah et puis prenez ça aussi, j'ai cru comprendre que vous collectionniez ces babioles à chaque mission. Personnellement, je n'en ai jamais vu l'utilité au sein du CP, mais chacun ses passes-temps. Moi c'est la philatélie et le golf. termina Mint Figura en tendant, en supplément, une petite boite entrouverte dans laquelle se trouvaient des décorations de la Marine.

- M-mais… je…

- Grand dieu, ce saligaud de Larson m’avait vendu une héroïne de la nation, pas une gamine balbutiante ! Ne me faites pas déjà regretter mon acte, Miss Sweetsong. Par ailleurs je n’en ai pas encore fini avec vous. Il y a une autre affaire pressante qui vous concerne, maintenant que toute la paperasse est réglée...

Dardant un œil soupçonneux vers la porte de son bureau, la vénérable étoile poursuivit alors à voix basse. Et pour la première fois depuis longtemps, Annabella se retrouva perdue et hébétée… tandis que Mint Figura en personne lui confiait une mission de la plus haute importance. Une mission « top secrète ».


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mar 29 Aoû - 8:01, édité 2 fois
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Ce sentiment d’être extérieur à son propre corps. Annabella l’expérimenta aussi sur le chemin du retour. Désorientée, elle ne remarqua pratiquement pas la présence de ses deux coéquipiers et ce fut à peine si elle fut en état de répondre à leurs questions.

Pour une fois depuis longtemps, Annabella envisageait de prendre des congés. La décision de l’étoile était une chose, la voilà désormais directrice du CP9, mais la suite ne s’avérait pas une partie de plaisir. Elle comprenait désormais pourquoi Noxe était si souvent absent, pourquoi Sloan O’Murphy avait progressivement parasité le Bureau. C’était mauvais, elle le savait, les révélations du vieillard lui avaient ouvert les yeux. Elle savait bien plus de choses qu’auparavant, elle savait désormais que tout ce qu’elle avait fait... Elle l’avait fait car quelqu’un d’autre avait décidé à sa place, dans un but strictement personnel.

Mais désormais Anna était en position de faire ses propres choix. Devenir directeur c’était faire le choix d’une position à la fois aliénante mais libératrice.

- C’est une excellente nouvelle, non ?

Oui, non. Elle n’en était pas trop sûre. L’agente n’était pas vraiment fière d’elle, ni de ses récentes actions. Elle avait fait ce qu’elle avait pu, mais c’était loin d’être assez. Elle avait grillé l’une de ses couvertures, sacrifié des innocents et malgré ces bavures, on l’avait promue. Par dépit. Et elle le comprit davantage lorsqu’elle regagna l’office du pôle, après avoir déambulé seule à la façon d’un spectre dans les rues de Marie-Joie. Au moins, elle était en position de congédier Angelica et Larson désormais.

La ville, arrivée en fin de journée, s’était considérablement vidée, mais restait anormalement active. Bientôt, les jeunes gens fêteraient leur jeunesse et les plus vieux contempleraient le coucher de soleil. Mais pour les agents du Cipher Pol, il n’y avait rien d’aussi simple. L’incapacité de s’émerveiller des petits plaisirs de la vie était un lourd fardeau à porter.

A son arrivée dans les bureaux, Anna coupa la machine à café. Bruyante comme d’habitude, elle n’essorait plus qu’un filtre vide et desséché, que personne n’avait pris la peine de changer car… il n’y avait plus personne. On l’avait mise à la tête d’un bureau aux effectifs considérablement réduits depuis le massacre de Parisse. Et les rares bureaucrates, Sloan et Alvaro, avaient pris leur journée.

C’était dimanche, tout semblait si triste, un deuil difficile à contempler. Des ruines qu’elle devait rebâtir de ses mains. Mais elle ne s’estimait pas prête, pas encore. D’un geste dédaigneux de la main, la jeune femme ouvrit alors la porte de son bureau. Son ancien et son présent, elle n’était pas décidée à changer pour celui qui appartenait auparavant à Noxe. Qui était plus grand, plus sale et totalement à l’abandon. Il y avait des choses qu’elle avait le droit de ne pas bousculer. Au moins pas aujourd’hui. Comme son sommeil et son envie de rentrer chez elle.

Alors elle referma la porte et quitta prestement les locaux déserts pour retrouver le confort douillet de son appartement et de son lit. Par chance, ce-dernier n’était pas loin.

***

Le lendemain, Anna était la première arrivée aux bureaux. La nuit avait porté conseil et elle s’était finalement résolue à endosser son nouveau costume de directrice. La semaine passa alors de façon relativement calme et conventionnelle.

Pour les rares personnes qui n’étaient pas en service ailleurs, elle eut le droit à des regards exprimant des sentiments variés et contraires. Du respect et de la crainte. De la haine et un plaisir malsain à la voir trimer. De la voir trier la paperasse de son prédécesseur et peiner à s’y retrouver.

Finalement, le moment tant redouté arriva. Celui-où O’Murphy l’invita à la rejoindre dans son bureau pour « discuter » de la façon dont elle percevait sa promotion.

Son regard à l’égard du marionnettiste était totalement différent désormais, mais son jeu d’acteur à elle aussi s’avérait époustouflant. Elle savait des choses et n’en montrait rien.

Sitôt la porte fermée et l’invitée assise, le bureaucrate s’empressa de croiser ses doigts tout en prenant une pose assurée, au fond de son grand fauteuil. Son comportement véhiculait une seule et même idée : celle qu’ici, il demeurait le grand patron. Un préambule à ce qui allait suivre.

- Ah, semaine chargée n'est-il pas ? Désolé de ne pas avoir pu libérer du temps pour m'entretenir en privé avec vous dès votre retour. Je suis toutefois heureux de voir que vous vous portez bien ! Et, bien évidemment, félicitations pour votre mission et votre promotion. De fait, j’ai pensé qu’il serait bon de se parler puisque nous serons souvent amenés à collaborer étroitement.

Il sourit, Annabella sourit en retour.

- Bien sûr. Comme vous l’avez vu, j’étais en train de faire du ménage. Beaucoup de ménage. J'ai aussi pris quelques petites choses en main, comme j'ai vu que vous aviez l'air occupé. J’en ai donc profité, par exemple, pour passer le message à Alvaro, au sujet du recrutement.

Premier couac, le masque de l’administrateur se fissura légèrement. L’espace d’un centième de seconde, fracture quasiment imperceptible.

- Ah, le recrutement. Bonne initiative, je comptais m’en charger. N’hésitez pas à me déléguer tout ce qui est mesure administrative en revanche, vous savez, je suis là pour ça.

- Je n’en doute pas. continua l’agente, tout sourire. Aussi, j’ai jeté un œil aux missions sur lesquelles se trouvent nos agents actuellement. J’ai pris la décision d’envoyer l’agente Lydia B. Levi en support de l’agent Tetsuo sur Kanokuni.

Cette fois-ci, le politicien ne put s’empêcher de froncer les sourcils.

- Miss Sweetsong, pour ce genre de directives, il convient de m’en parler auparavant. Il est nécessaire que j’applique certaines procédures…

- Des procédures que vous pouvez toujours appliquer, en aval de ma décision, n’est-ce pas ? Je me suis aussi intéressé aux rapports de mes successeurs et à leurs charges de travail. Si j’ai bien saisi le fonctionnement de mon poste, vous êtes, en quelques sortes, mon secrétaire général. Ai-je tort ?

Cette fois-ci, O’Murphy ne put s’empêcher de grimacer. Lui qui avait tout fignolé pour placer sa protégée au sommet, voilà que celle-ci mordait désormais la main qui l’avait nourrie et le prenait de haut. Il ne pouvait toutefois s’insurger, car Anna avait raison et elle le savait.

- C’est exact. Excusez-moi, j’ai beaucoup de travail et au vu des devants que vous avez pris, je n’ai aucun doute sur l’efficacité de notre collaboration. Vous semblez déjà vous être renseignée, inutile de revenir là-dessus. Toutefois, si je peux me permettre un conseil : ne vous précipitez pas trop. Rappelez-vous que le respect se gagne et que les agents n’oublient pas. Je serais vous, je prendrais des vacances le temps que cela se tasse… il serait idiot de voir l’un de vos chefs d’équipes refuser de vous… écouter.

Mielleux, l’homme l’était dans ses menaces, qu’il faisait difficilement passer pour des avertissements. Il était énervé et cela se voyait, mais ses mises en garde n’étaient pas moins véridiques pour autant. Anna savait que si elle se présentait devant Jâmal B. Levi et lui donnait de nouvelles directives, ce-dernier n’en aurait que faire et se retournerait vers l’administrateur. Au final, Sloan était dans la capacité de court-circuiter la majorité de ses décisions. Seul Larson et Browneye répondaient fidèlement à ses ordres pour le moment. Et encore, l'ancien avait ses petites manies de refuser des missions trop risquées...

Mais à terme, Annabella parviendrait à se faire entendre. Et pour cela, elle comptait bien renverser l’autorité de Murphy dès que celui-ci se trahirait. Qu’importait le temps nécessaire pour cela, elle n’était pas sans appuis auprès des hautes instances pour ce faire. Et ça, le politicien ne le savait pas, il s’ignorait sur la sellette mais ses dernières directives l’avaient découvert. Celles qui avaient coûté la vie de Noxe, là où auparavant elle suspectait Edouard Bier. C’était finalement l’administrateur qui avait trahi son collègue et l’avait envoyé à la mort… volontairement. Elle s’était amèrement trompée et regrettait son erreur de jugement désormais.

- J'en prends bonne note, Monsieur O'Murphy. Je vais vous laisser travailler et reviendrai vers vous dès que j'aurai quelque chose à vous déléguer. Comme vous l'avez dit, nous serons amenés à collaborer.

Regagnant par la suite son nouveau bureau, Annabella termina de trier une pile de papiers qui n’étaient qu’une foule de décisions à prendre, de feuilles à signer. De l’administratif qu’elle pouvait déléguer, même si elle ne préférait pas. Mais à terme, elle dût se rendre à l’évidence : elle n’était pas faite pour cela. Noxe non plus ne l’était pas. Ni Ao Novas ; c’était pour cela que les administrateurs étaient là.

Et c’était eux, les véritables directeurs des Cipher Pols.

Alors, une fois la dernière journée terminée, Anna considéra les conseils de son collaborateur et se présenta une nouvelle fois à sa porte… pour lui annoncer ses congés, largement mérités. Elle devait prendre du recul pour reconsidérer certaines choses. Elle devait revenir avec un plan, qu’importait le temps qu’il fallait.

- Il me tarde de vous revoir parmi nous, Miss Sweetsong. Reposez-vous bien et surtout aérez-vous l’esprit. sourit une dernière fois l’homme, avant de disparaître du champ de vision de la jeune femme blonde.

Dans les dernières personnes à quitter le Bureau, Anna retrouva toutefois Angelica sur sa route. Celle-ci trimballait encore avec elle l’un de ces fameux livres incroyablement épais. Son regard voulait tout dire.

- Des congés ? Les directeurs prennent des congés ?

- Appelons plutôt ça, des missions spontanées. Je trouverai bien quelque chose à faire sur le terrain, il est temps de réinvestir un peu Elizabeth Butterfly. Tentée ?

Pour une fois qu’Annabella acceptait d’être entourée. C’était difficile à avouer, mais elle appréciait la petite nouvelle. Et elle lui devait la vie. La laisser entre les mains de l’administrateur constituait un réel gâchis. Avec un sourire sincère, la directrice attendit alors la réponse de sa partenaire qui ne fit pas durer le suspense plus longtemps. Faire équipe aux côtés de la grande détective borgne ?

- Tentée. Quand partons-nous ?

Le regard cynique, après être entrée dans l’ascenseur et avoir appuyé sur le bouton indiquant le rez-de-chaussée, Annabella ne put s’empêcher de répondre tout en regardant sa montre :

- Il y a quinze minutes.
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