- « Mange ! »
L’injonction n’en n’est pas vraiment une. C’était plutôt une invitation à la « barbare ». Le sauvage qui me tendait un morceau de grenouille braisé avait un large sourire aux lèvres. Maintenant qu’ils me considéraient des leurs, ils me « gâtaient » à leur façon, d’autant plus que je leur avais sauvé la vie. Alors, je m’emparai du morceau pour ne pas les offenser et je l’avalai séance tenante sans chercher à le mâcher pour éviter que le gout infect de cette chose n’imprègne toute ma bouche. J’eus presqu’un haut-le-cœur, mais je réussis à bien le camoufler. Il n’était pas question de les offenser ou de leur montrer le moindre signe qui trahirait mes vraies intentions. Une fois le plus dur passé, j’eus la désagréable surprise de voir que d’autres me tendirent aussi des morceaux d’animaux dégoutants et répugnants. Mais leur chef tempéra heureusement leur ardeur et ils ses dispersèrent un peu partout autour de nous en caquetant. Une manière à eux de me bizuter il faut croire. Gruh, leur chef, eut un petit rire en me regardant puis fit la conversation avec moi. Ses dernières suspicions le poussèrent à me poser plusieurs questions à la suite, mais j’y répondis avec bon cœur en lui servant de gros bobards que je pris le soin de retenir pour plus tard au cas où. Puis, après une trentaine de minutes à ne rien faire, nous reprîmes tranquillement notre chemin.
Le Mont Fujo -Montagne que l’on escaladait- était sujet à toutes sortes de rumeurs. Ce relief était clairement la frontière entre l’est et l’ouest. Parmi les rumeurs, il y avait celle de Medelin, une ancienne ville à l’image d’Arma’Lo, mais qui elle, avait subi les foudres de Kiyori parait-il. Depuis, l’endroit était considéré comme hanté et maudit et peu pour ne pas dire aucune personne ne s’y aventurait. Va savoir pourquoi. Mais sans que je ne me doute de quoique que ce soit, les réponses allaient bientôt venir à moi. L’escalade durait depuis maintenant plusieurs heures après tout et le soleil bien haut dans le ciel n’arrangeait rien à cette progression de plus en plus laborieuse à cause de l’oxygène qui se faisait rare en altitude. Avec les efforts et le manque de sommeil durant cette nuit, j’avais un peu de mal sans pour autant faiblir comme un moins que rien. J’avais vécu pire que ça après tout. Puis lors de l’après-midi, nous fîmes également une courte pause au bord d’une rivière ou nous pûmes nous désaltérer encore une fois. Ce n’est qu’une fois vers le crépuscule que nous pénétrions une région plutôt désolée. Le croassement des corbeaux et autres charognards faisaient grincer des dents et l’atmosphère putride qui y régnait me fit froncer les narines. Cette odeur infect qui flottait dans l’air, je ne la connaissais que trop bien : C’était l’odeur de la mort, tout simplement.
- « Nous sommes bientôt arrivés, Bith ! »
Gruh était lui aussi très content. Mais il y avait de quoi ! Enfin, que m’étais-je même dit ! C’était pas trop tôt ! D’autant plus que je commençais à fatiguer moi ! J’avais besoin d’une bonne nuit de sommeil ! Nous progressâmes encore une bonne demi-heure au beau milieu d’innombrables squelettes et cadavres putréfiés. Les effluves pestilentiels qu’ils dégageaient me firent repenser à la fameuse Medelin. Il arrivait parfois même que des os craquent sous nos pas tant il y en avait en nombre. Mais cela ne semblait pas gêner les barbares qui étaient dans leur élément. Ces gens-là n’allaient pas finir de m’étonner en tout cas. Mais alors que je désespérais de ne pas voir le bout de cette longue marche et escalade plus que chiante dans une montagne paumée, nous entendîmes des voix de loin. Puis le ciel se dégagea soudain. Et laissa la pleine lune éclairer une gigantesque cité qui s’érigea devant nous au détour d’un chemin sinueux entre deux grandes roches semblables à un canyon : Medelin ! Pour de vrai ! Elle était éclairée par de nombreuses torches artisanales un peu partout et semblaient plus que peuplée. Il y avait un côté resplendissant à cette cité si l’on omettait l’atmosphère et les rumeurs qui l’entouraient. De loin, je pus bien évidemment constater qu’elle avait subi des dégâts, mais rien de vraiment conséquent, en fait…
- « Hahahaha ! Voilà notre maison ! »
Le chef barbare avait l'air fier du coin. Et il n’était pas le seul. Les autres barbares se mirent à sautiller et à danser sur place, sans doute heureux de rentrer chez eux. D’ailleurs, ils ne purent contenir plus longtemps leur joie puisqu’ils se mirent à courir vers la cité. Leur chef et moi marchèrent calmement, d’autant plus que j’essayais d’examiner le coin sous toutes ses coutures. Soudain, mon haki se manifesta indépendamment et je le sentis très clairement cette puissante présence qui me fit manquer un battement de cœur d’un coup. Il ou elle était là. Dans cette cité interdite. Si bien que j’eus un sourire malgré moi sans trop savoir pourquoi. Ou plutôt je le sentais. L’individu allait être la clé de mon succès sur l’île. Une intuition. Une très forte intuition même. Une fois devant les grandes portes de Medelin, des barbares nous donnèrent l’accès à la ville après un long moment de discussion avec Gruh. Ma présence semblait curieuse, voire même gênante, mais l’homme avait dû expliquer à ses confrères que j’avais dû les sauver et que j’étais maintenant l’un des leurs. Une fois-là l’intérieur de la ville, ma présence sauta bien évidemment aux yeux, sans compter que les hommes de Gruh avaient dû annoncer mon arrivée à coup sûr. Alors, c’est tout un cortège qui nous suivit pendant une vingtaine de minutes jusqu’à la bâtisse la plus grande de la ville fantôme.
Là où j’arrêtai enfin d’être une bête de foire…
- « Je vais te présenter à notre chef. Je crois qu’il sera intéressé par ta force. »
Le dénouement était rapide, proche. Mais cela n’était pas pour me déplaire…
Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Mar 26 Sep 2017 - 13:59, édité 1 fois