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Un nouveau départ

L'air était lourd dans le salon de la grande résidence oharienne. Un verre de thé vert dans les mains, froid, Roy observait d'un air absent les fines perles de condensation qui gouttaient du récipient. En face de lui, également assis à la grande table de séjour, les parents d'Angie Gregson le foudroyaient du regard.

Matt Gregson était un sexagénaire grisonnant de grande taille et de bonne carrure au visage doux et agréable. Sa femme Octavia devait avoir le même âge, bien que les années semblaient avoir épargnée la belle femme qui encore aujourd'hui gardait toute sa prestance. Elle arborait une longue chevelure lustrée et pleine de vie, bien que d'une couleur grise et terne. A chaque fois que Roy se retrouvait devant elle, il ne pouvait s'empêcher d'être troublé par les yeux bleus de la vieille femme, répliques exactes de ceux de sa fille défunte. Leur hostilité grandissait à mesure que le pirate cherchait ses mots, et que le silence s'éternisait.

L'arrivée à la Nouvelle Ohara s'était faite sans encombre. Le Matheson Sorrow était amarré dans un coin de l'île à l'abri des regards et jusqu'à présent l'équipage du Tyran n'avait pas été repéré par la Marine. En parlant de ces derniers, Moria, Gill et Mochi étaient partis en vadrouille en ville, qui s'amusant, qui explorant, qui achetant des provisions en vue de la prochaine traversée. Après cette île en effet, le cap était dirigé vers la Route de tous les Périls, autant partir équipé.

Cette escale à la Nouvelle Ohara avait été une surprise pour les compagnons de Roy, qui en définitive savaient peu de choses sur le passé de leur capitaine. Pensant initialement qu'en sortant de Las Camp, le navire mettrait directement les voiles sur Grand Line, ce détour les avait pris de court. Questionnant alors les motivations de Roy, ils avaient obtenu de lui qu'il révèle son passé. L'ancien bédouin leur avait alors raconté une bonne partie de son histoire, en commençant par sa rencontre avec Angie Gregson dans le désert d'Hinu Town. D'une traite et sans s'arrêter, il avait expliqué tout ce que cette femme représentait pour lui, comment elle l'avait pris sous son aile et avait fait de lui l'homme qu'il était aujourd'hui, avant de leur apprendre son par des agents du Gouvernement Mondial. Découvrant pour la première fois les raisons qui avaient poussé le jeune capitaine à se lancer dans la piraterie, le reste de l'équipage avait soudain réalisé qu'il désirait simplement faire son deuil. Respectant son souhait, ils avaient accepté ce détour sans broncher, avec joie même pour certains pas pressés de s'aventurer sur la mer la plus dangereuse du monde.

Un détail leur demeurait caché cependant : Angie Gregson menait des recherches illégales sur le siècle oublié, et c'était ce qui lui avait valu cette visite des agents du Cipher Pol. Malgré la confiance qu'il accordait à ses compagnons, Roy n'avait toujours pas partagé ce lourd secret avec eux, et il n'était certainement pas prêt à le faire avec les parents d'Angie, ce qui rendait leur rencontre d'autant plus difficile. Sans connaître la vérité, ces derniers avaient pour seul coupable à leurs yeux l'ancien garde du corps de leur fille, qui avait tragiquement failli à sa mission.

Matt et Octavia ne s'étaient pas attendu à la visite impromptue du pirate. Si Roy les connaissait depuis de nombreuses années, leur accueil avait été bien différent que lors de ses nombreuses visites précédentes, chaque fois qu'il avait accompagné leur fille pendant ses vacances sur son île natale. Aujourd'hui, avec son avis de recherche placardé un peu partout sur les îles de West Blue, les rumeurs sur la mort de Matheson et le fait qu'il n'ait pas donné de nouvelles après la mort d'Angie le regard qu'ils avaient sur lui avait bien changé. Refusant d'abord de laisser entrer le hors-la-loi et menaçant même d'appeler la Marine, le jeune homme avait littéralement dû les prendre en otage avant de pouvoir discuter avec eux. Si cette entrée en matière avait été des plus mouvementés, heureusement le vieux couple avait fini par entendre raison au terme d'une longue plaidoirie de Roy, qui en avait appelé à leur passé commun.

À présent ils buvaient dans le salon, même si le pistolet à silex posé bien en évidence sur la table démentait la relative tranquillité du tableau. Offerte par Angie à la majorité du jeune homme, cette arme s'était ironiquement retournée contre les parents de la défunte, les dissuadant de tenter quoi que ce soit.

Finalement, il s'arracha à la contemplation de son verre et releva les yeux vers ses deux "hôtes".

 - Je sais que vous avez beaucoup de questions..., commença-t-il avec hésitation, récoltant immédiatement deux râles de frustration exaspérés.

Il leur avait promis de leur révéler la vérité s'ils se tenaient tranquilles, mais quand l'heure avait été venue de tout leur avouer, il n'avait pu que se réfugier dans le silence. Les deux parents fous de chagrin étaient au bord de la crise de nerfs.

 - Bon sang Roy, s'écria Octavia en se dressant soudainement sur sa chaise, nous avons reçu la visite de gens du gouvernement figures-toi ! Ils nous ont expliqué que tu avais tué deux de leur agent avant d'assassiner notre fille ! Vas-tu nous donner une explication nom d'un chien ?!

Un regard noir du pirate, suivi d'une courtoise invitation à se rasseoir la rappela rapidement à l'ordre. Il comprenait leur détresse, mais il y avait une certaine limite à ne pas dépasser et il en avait plus qu'assez d'être accusé injustement.

 - Angie était tout pour moi, répondit-il d'une voix chargée d'émotions, je n'aurais jamais pu lui faire le moindre mal.

 - Alors quoi ? intervint Matt Gregson en soutenant son regard. Qui a tué notre fille, et pourquoi le gouvernement voudrait-il nous le cacher ?

 - Parce qu'il responsable de sa mort, lâcha Roy de but en blanc. Je n'ai pas tué Angie. Ce n'était pas non plus des pirates, ou des brigands, ni même des mercenaires qui l'ont assassinée. Ce sont les deux agents des services secrets du GM les coupables, et je leur aient fait payer en les trucidant.

Contrairement à ce qu'il aurait pu imaginer, sa révélation sembla calmer le couple qui cessa enfin de s'agiter. Se redressant sur leur sièges, Matt et Octavia adoptèrent un silence contemplatif et étrangement, leur visages trahissaient peu de surprise. Le jeune homme en déduit que d'une manière ou d'une autre, ils avaient vu clair dans les mensonges du gouvernement.

 - Pourquoi ? demanda néanmoins Matt au bout de quelques secondes de silence.

 - Moins vous en savez, mieux vous vous porterez.

Cette réponse sèche du pirate eut le don de crisper ses deux interlocuteurs, qui échangèrent un regard sinistre avant de revenir à lui.

 - Nous avons le droit de savoir, plaida doucement Octavia, soutenue par un hochement de tête de son mari.

 - Peut-être, acquiesça Roy, balayant l'argument d'une main, ça m'importe peu.

Toutes les vérités n'étaient pas bonnes à dire. Comme il avait omis de préciser qu'il avait lui-même achevé Angie pour apaiser ses souffrances, il ne révélerait pas la véritable nature des recherches de l'historienne défunte à ses parents. Les agents du gouvernement leur avaient sûrement posé des questions à ce propos lors de leur passage, et voyant qu'ils n'étaient au courant de rien étaient partis sans les impliquer plus en avant dans cette affaire. Roy ne comptait certainement pas remédier à cela en les mettant dans la confidence.

Voyant à leurs regards déterminés que Matt et Octavia ne souhaitaient pas en rester là pour autant, il dut quand même se résoudre à sortir l'artillerie lourde. Il avait beau se vanter d'être doté d'un esprit Cartésien grâce à l'enseignement éclairé d'Angie, son cœur n'était pas de pierre pour autant et la détresse de Matt et Octavia raisonnaient en lui.

 - Le drame d'Ohara ne se reproduira pas par ma faute, lâcha-t-il simplement en fixant son verre, une profonde tristesse dans le regard, je refuse que ce soit là le seul héritage d'Angie.

Cette petite phrase doucha immédiatement l'obstination du vieux couple. Ils s’affaissèrent simultanément sur la table et restèrent là sans bouger, à contempler le bois verni, proprement estomaqués par l'indice à peine voilé qu'avait accepté de leur fournir le pirate. Comme l'avait prévu le jeune capitaine, quand ils finirent par relever les yeux, toute velléité de creuser un peu plus la vérité avait quitté leurs regards.

Pour les habitants de la nouvelle Ohara, l'idée que l'un des leurs risque à nouveau le drame d'il y a un siècle était intolérable. Connaissant leur fille, jusque-là ils n'auraient jamais pu envisager la véritable cause de sa mort. Terrifiés par les implications de ce que suggérait le pirate, ils avaient purement et simplement abandonné leur inquisition.

 - Je veux me rendre sur sa tombe, enchaîna Roy immédiatement après, impatient de passer enfin à la véritable raison de sa venue en ces lieux. Le cimetière est trop grand pour que j'inspecte toutes les stèles une à une et je ne peux pas consulter le registre sans alerter les autorités. Dites-moi où je peux la trouver.

Ni une ni deux, Matt et Octavia refusaient en crachant au pirate tous les reproches qu'ils pouvaient lui faire. S'ils avaient plus ou moins accepté le fait qu'il n'était pas le meurtrier d'Angie, ils n'oubliaient pas pour autant qu'il était la personne à qui ils avaient confié la sécurité de leur fille et qui avait échoué à sa tache ; qu'il avait disparu de la circulation sans donner de nouvelles, qu'il n'avait même pas eu la décence d'assister à l'enterrement de sa mentor... qu'il était devenu un pirate.

Patiemment, parvenant malgré lui à garder son calme, Roy attendit qu'ils aient terminé, relevant en silence leurs reproches en préparant sa réponse.

 - À la mort d'Angie je me suis retrouvé perdu et seul, raconta-t-il quand le vieux couple eut fini de l'invectiver. Je venais de tuer deux agents du Gouvernement Mondial et je savais que de nombreux autres ne tarderaient pas à rappliquer. J'ai donc fait la seule chose qu'il y avait à faire : j'ai embarqué sur le premier navire disponible et je me suis éloigné d'Hinu Town.

 - Ne fais pas comme si tu n'avais pas eu d'autres options, maugréa Octavia. Tu n'avais pas besoin de disparaître purement et simplement, ton clan de bédouins par exemple aurait pu assurer ta protection.

 - Pas contre le gouvernement, rétorqua le pirate, Krid m'aurait sans aucun doute mis à l'abri, mais ce faisant il aurait mis en péril les relations entre El Beïda et la Marine. Jamais je n'aurais pu lui demander un tel sacrifice.

 - Et pendant ce temps tu nous as laissés totalement sans nouvelles, l'accusa Matt en tapant sur la table, tu faisais partie de notre famille Roy ! Et tu as failli à tous tes devoirs envers nous !

 - Les choses à Las Camp se sont compliquées..., éluda le pirate, légèrement ébranlé par sa tirade, j'avais besoin de nouveaux alliés, qui ne soient pas embarrassés d'agir en dehors du cadre la loi. J'ai donc monté un équipage de pirates, et ce faisant je me suis fait embarquer dans les magouilles des gangs qui sévissaient sur l'île. Je suis navré de ne pas avoir pu vous donner de nouvelles, s'excusa-t-il ensuite, il fallait que j'attende suffisamment de temps pour être sûr de ne pas croiser d'agent en vous contactant, et disons-le simplement, j'étais très occupé avec mon nouveau statut de capitaine pirate.

 - Oui, trop occupé à trucider un colonel semble-t-il..., lâcha Octavia d'une voix chargée de venin.

L'écran de calme apparent de Roy se brisa en même temps que le verre dans sa main gauche à cette pique gratuite, provoquant un sursaut chez le vieux couple. Alors que le thé vert gouttait sur la table et que du sang commençait à perler entre les doigts du pirate, ce dernier s'agita sur sa chaise, les yeux fermés, évitant manifestement d'affronter les mines accusatrices des deux sexagénaires. Ignorant totalement la douleur cuisante qui devait lui vriller la main, il se résolut finalement à relever les yeux. Il n'y avait pas de colère dans son regard, juste de la honte, mêlée à une profonde confusion.

 - C'était un accident..., gronda finalement le jeune homme entre ses dents, je ne voulais pas le tuer ! Il était devenu fou, il...

Cherchant ses mots, il ne put terminer sa phrase. En face de lui, sans qu'il puisse le voir, l'armure de réprobation dont s'était engoncé le vieux couple se craquela lentement devant sa détresse. Pour la première fois depuis de longs mois, ils revoyaient Roy tel qu'ils l'avaient toujours connu : un homme bon, honnête, suivant des principes stricts et toujours prêt à aider son prochain. La mort de Matheson le Bon pesait lourdement sur sa conscience comprirent-ils. Tandis que le pirate se perdait dans son mutisme, ils échangèrent un regard, hésitant sur la marche à suivre.

Finalement, ce fut Matt qui prit une décision. Sans mot dire, il se leva soudainement et contourna la table - évitant soigneusement le côté sur lequel trônait le pistolet. Arrivant au niveau du jeune homme, il tendit une main vers la sienne qu'il avait ensanglantée et le força doucement à desserrer ses doigts. Là, il entreprit d'enlever un à un les morceaux de verre qui s'étaient incrustés dans sa peau.

 - Allez range cette arme mon garçon, murmura-t-il se faisant, on va te dire où on l'a faite enterrer.



Passant une main dans ses cheveux blonds trempés par la pluie, Moria Brittania les ramena en arrière après avoir passé la porte de la taverne. Essuyant son visage tout en examinant son nouvel environnement, le navigateur de l'équipage du Tyran s'étonna de ne pas voir grand monde. Dans son souvenir qui remontait à sa dernière escale sur l'île il y avait près de sept ans - il en avait alors quatorze - l'endroit était bondé.

Haussant les épaules, il se dirigea vers le comptoir et s'y attabla. Pour lui, moins de monde signifiait simplement moins de problèmes et plus de boisson, rien qui ne puisse lui déplaire donc. Après une longue traversée en mer depuis Las Camp jusqu'à la Nouvelle Ohara, une première pour le petit équipage pirate qui avait essuyé quelques dysfonctionnements avant de prendre ses marques, le jeune homme chargé de faire avancer la navire avait bien besoin d'un verre. Son idiot de capitaine ne buvant pas, il n'avait pas eu la présence d'esprit de charger les cales du Matheson Sorrow en alcool. Devant ce fiasco, Moria lui avait promis qu'il ne referait plus jamais les stocks sans sa supervision.

D'un signe du doigt il commanda une pinte au barman avant de tourner la tête à droite à gauche, ayant enfin la présence d'esprit de vérifier la présence de marines. Son inspection s'arrêta immédiatement cependant quand il se rendit compte qu'une remarquable créature s'était soudain assise à sa droite. Bien qu'elle ait visiblement plus d'un verre dans le nez, la femme semblait tout de même moins alerte et lui portait un intérêt non dissimulé. Une longue chevelure blanche lui tombait dans le dos et elle avait de beaux yeux bleus, actuellement occupés à le détailler.

À sa grande surprise, le regard critique de la belle dame était dirigé non pas sur lui réalisa-t-il, mais sur le fusil qu'il gardait accroché dans son dos en bandoulière.


Dernière édition par Roy D. Aston le Dim 19 Nov 2017 - 16:33, édité 6 fois
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Elle tourna une nouvelle page, avant de remarquer qu’il s’agissait de la quatrième de couverture du livre qu’elle ne tarda pas à poser sur l’épaisse pile qui s’accumulait à sa droite. Son siège préféré, son coin favori et sa table de prédilection commençaient à être quelque peu surchargés par ces longues journées de lecture intensives qui avaient attiré sur la jeune femme des regards indiscrets.

Et puis il commençait à se faire tard…

…mais un livre de plus pouvait encore l’occuper d’ici le coucher du soleil.

***

Devant ce curieux visiteur, Anna n’avait pas tardé à quitter son sombre repère pour gagner le comptoir où le tavernier continuait éternellement à lustrer sa vaisselle, lorsqu’il ne resservait pas ses clients. Avec une rapidité de déplacement et une discrétion à toute épreuve, elle s’était finalement assise près du nouveau venu qui avait immédiatement senti sa présence féline et s’était aussitôt retourné pour la dévisager en retour.

Observant alors le blondinet à lunettes dans un silence obscur avec un regard mêlant méfiance et jugement, elle se perdit rapidement dans ses pensées. Était-il un pirate ? Possiblement, elle n’avait jamais vu personne se balader dans les environs avec une arme à feu fichée dans le dos, jusqu’à maintenant. Pouvait-elle en soutirer quelque chose ? Elle l’espérait, il suffisait de trouver un sujet de discussion pour susciter l’intérêt de l’inconnu. Et au vu des œillades néfastes qu’il jetait à la bouteille personnelle de l’agente, l’alcool n’en était pas un. Brisant temporairement le contact visuel, elle se resservit donc un verre, le temps de réfléchir.

Elle en était à son combientième déjà ? Ah oui, carabine.

Presque involontairement, son regard dévia alors vers l’arme que le criminel, pour peu qu’il en fût un, portait dans son dos : un long fusil qui sortait pas mal de l’ordinaire puisqu’il n’était pas un simple mousquet, mais ce qu’Anna identifia rapidement comme un modèle d’exception. Une carabine Winchester, ce qui se faisait de mieux dans le gros calibre sur les Blues. On demeurait assez loin des fusils de précision ou des sulfateuses que la jeune femme avait déjà pu rencontrer par le passé, mais c’était un matériel qui surclassait amplement celui de la plupart des soldats de la Marine et des autres flibustiers.

« - Beau joujou que tu as là. » se décida-t-elle enfin à avouer, sous le coup de l’alcool, d’une voix qui se voulait trop grave pour ce qu’elle exprimait réellement. C’était comme si elle s’était forcée à paraître masculine ; sauf qu’après tout sa tenue choisie pour la journée ne lui dessinait pas réellement des courbes féminines.

C’étaient de vieux habits qu’elle avait retrouvés dans ses malles en faisant un petit tour à Logue Town où demeurait l’un de ses nombreux appartements vides. Elle ne se souvenait pas les avoir portés depuis au moins 1623, mais une chose était sûre : avec, elle avait quelque chose de masculin. Mais elle n’aurait su dire quoi.

Surpris par la soudaineté de la question, malgré le fait que la buveuse le reluquait depuis déjà cinq bonnes minutes sans rien dire, le bougre conserva le silence un petit moment avant de sourire, enfin. Sans plus hésiter, il répondit alors avec un regard presque enjôleur :

« - Merci, je suppose. Mais il n’est pas à vendre, si c’est ce qui t’intéresse.

- Ne t’en fais pas, je ne comptais pas te l’acheter, j’ai déjà ce qu’il faut pour me défendre. rétorqua-t-elle tout en ajustant légèrement sa ceinture, assez pour faire cliqueter les extrémités des fourreaux de ses deux poignards et l’étui de son révolver.

- Tu as l’air de t’y connaître. Et pas mal équipée pour une autochtone, moi qui croyais que l’on ne trouvait que des bouquinistes à la Nouvelle Ohara.

- C’est aussi ce que je croyais. »

Contrairement à ce que son apparence de flambeur laissait présager, le tireur était loin d’être un imbécile. Il aurait sinon été plus facile pour l’agente de l’impressionner en lui montrant comment se servir de son arme, elle aurait alors directement eu l’ascendant sur leur conversation. Au lieu de cela, le débit de parole qui liait les deux compagnons de boisson était désormais réduit à zéro, tandis que les suspicions de chacun faisaient régner une certaine tension. Amenée à penser à une autre stratégie, elle porta soudainement sa main à sa ceinture et sortit son pistolet, occasionnant chez son voisin le réflexe défensif de saisir automatiquement son fusil.

« - Holà vous deux, on a déjà eu assez de baston pour aujourd’hui, rangez-moi ça ! » intervint le tavernier, avant de noter le large sourire qui étirait à présent les traits de sa cliente. Lâchant prise sur la crampe de son revolver, celle-ci le fit alors prestement tourner autour de son index avant de le poser à plat sur le comptoir.

« - Pas de panique. Ta carabine, elle a été conçue sur la même île que mon six-coups. Et je ne sais pas si tu es au courant, mais des Winchester il n’y en a que dix au monde… et encore moins en état de fonctionner. Je suis juste curieuse de savoir où tu l’as eue et comment tu t’en sers.

- Drôle de façon de montrer ta curiosité… » s’étonna le binoclard, toujours sur ses gardes, avant d’enfin baisser son arme sans toutefois sourire en retour.

Il était vrai que sous cette couverture Anna semblait aussi dangereuse qu’imprévisible, toutefois elle pouvait se vanter de s’y connaître en armes. Malgré sa carrière d’enquêtrice, elle n’avait jamais perdu la main dans ce domaine et pouvait toujours bricoler un tromblon à partir de pas grand-chose. Elle pouvait aussi aisément décupler les caractéristiques d’un mousquet… le plus souvent en raccourcissant sa durée de vie, mais ça elle le gardait pour elle. Seules quelques rares armes pouvaient être améliorées sans perdre en solidité par la suite et les carabines Winchester rentraient aisément dans cette catégorie.

Comme elle s’y attendait, le regard de son interlocuteur se figea sur le revolver suite à sa dernière réponse. Il s’agissait là aussi d’une arme assez peu courante mais toutefois de plus en plus en vogue, avec laquelle l’agente savait se défendre sous les traits de l’enquêtrice. Et de cette pirate qu’elle s’appliquait visiblement à illustrer, Merry Reed, c’était ça.

Puis enfin, et pour la première fois, les yeux du blondin vinrent détailler le visage de la jeune femme qu’il avait devant lui et qui fronça les sourcils, bien ancrée dans son rôle de garce.

Merry fronçait souvent les sourcils : cela lui donnait un regard différent, un regard renfrogné comme si elle en voulait à la terre entière. C’était différent d’Éléanore qui n’aspirait qu’à une sorte de calme souverain, de distance dans ses pupilles. Merry, elle, donnait l’impression de jouir de toute la jeunesse dont profitent ces jeunes pirates qui se lancent à l’aventure pour aller braver les dangers de la route de tous les périls. Contrairement aux autres visages d’Anna, Merry, elle, ne flanquait pas la chair de poule à qui la regardait dans les yeux trop longtemps, mais conférait au contraire un sentiment d’assurance. C’était ce qu’elle voulait véhiculer, car c’était ce qu’elle voyait dans le regard des autres rookies… et dans celui de son interlocuteur à présent.

« - On me l’a offert il y a des années, alors que je travaillais dans la marine marchande. Je n’étais pas au courant de sa rareté, mais c’est un fusil qui a beaucoup de valeur à mes yeux.

- Je peux le voir ? Ne t’en fais pas, je ne vais pas te le rayer. »

Peu surpris par la question, le concerné considéra longuement l’interrogation avant de finalement saisir l’arme à deux mains et la tendre devant lui. S’il ne semblait pas avoir confiance en la jeune femme, celle-ci éveillait quand même chez lui une certaine forme de curiosité obsessionnelle.

Après avoir longuement observé la carabine sous toutes ses coutures, Anna fit alors mine de viser une bouteille sur l’étagère qui lui faisait face, avant de se voir interrompue par le tavernier qui abaissa subitement le canon.

« - Si vous voulez vous amuser avec vos armes, vous êtes libres d’aller plus loin, mais pas de ça dans mon bar. »

Affichant une moue de déception, la jeune femme rendit alors le canon à son propriétaire avant de récupérer sa bouteille et sauter de son tabouret pour se diriger vers la porte. Alors qu’elle l’ouvrait pour se précipiter à l’extérieur, elle dévisagea le second client qui, lui, était resté accoudé au comptoir sans mot dire et l’observait lui aussi.

« - Ben alors, tu viens ? »

Une fois n’était pas coutume, le blond aux yeux bleus se laissa un temps de réflexion. Puis il réagit finalement et lui emboita le pas sans mot dire, visiblement assez peu intéressé par le contenu de son verre qu'il délaissa à moitié vide.

Goûtant à nouveau à la douceur des embruns issus des vagues s’éclatant en bas de la falaise, à une centaine de mètres de là, Anna s’arrêta alors quelques secondes pour sentir autre chose que la tiédeur des vapeurs d’alcool… avant de reprendre sa marche en direction d’une zone moins habitée. L’inconnu marchait à ses côtés désormais, le sourcil constamment levé et la suspicion au bord des lèvres.

« - Où va-t-on ?

- Ce n’est pas évident ? On va se trouver un petit coin tranquille pour tester ça. Je n’ai jamais eu ce modèle entre les mains…

- Dans quoi est-ce que je me suis embarqué encore ? ronchonna le tireur sans toutefois interrompre sa marche ; il voulait voir où tout cela allait le mener au fond. Je n’ai même pas fini mon v-

- Tiens, tu peux te servir dans ma bouteille si tu veux. »

Le bras tendu, le goulot vissé sous le nez de son compagnon d’entraînement, la jeune femme poursuivait sa route. Et s’arrêta soudain en affichant une expression interloquée.

« - Ici c’est parfait, prête-moi ta carabine.

- Hum…

- Je ne compte pas te la voler, si c’est ce qui te préoccupe. gronda-t-elle tandis que ses doigts, d’une légère flexion répétée, semblaient appeler l’arme à venir d’elle-même.

- Bon, qui vivra verra. »

Résolu, le grand blond laissa une fois de plus l’intrigante poser les pattes sur son arme de prédilection, sans réellement savoir à quoi s’attendre. Même s’il n’osait pas le dire, il espérait secrètement qu’elle savait s’y prendre et qu’elle n’abimerait pas son cher fusil.

Vérifiant habilement que le magasin était entièrement chargé, l’agente ne tarda alors pas à agir. Sa cible rapidement sélectionnée, un arbre quelconque, elle porta d’un seul bras le canon devant elle et tira pratiquement sans réfléchir, ni même suivre la direction du projectile du regard. Son autre bras était en même temps occupé à la désaltérer, sous le regard médusé du propriétaire de l’arme.

« - Tu peux m’expliquer ce que tu fiches à tirer au hasard ? s’inquiéta-t-il, non sans exprimer une certaine colère.

- Je vérifie le recul et la précision de ta carabine. C’est définitivement une très bonne arme : la trajectoire de la balle est restée totalement rectiligne malgré ma manipulation avec un seul bras. Avec un mousquet classique, j’aurais probablement raté ma cible simplement à cause de la mauvaise qualité du canon.

- Et je peux savoir ce que tu visais, au juste ? »

Enfin, le moment était venu. Si jusqu’ici le jeune homme s’était montré méfiant, elle allait probablement pouvoir lui parler sur un même pied d’égalité à partir de maintenant. Merry aboyait beaucoup, il était temps de prouver qu’elle savait aussi mordre. Pointant du doigt la souche précédemment visée, elle dévoila la coquille trouée d’un escargot qui avait eu la malchance de passer par là. Et la cible était à une cinquantaine de mètres. Ce n’était pas une bagatelle qu’elle avait choisie pour son premier essai.

Finalement, les yeux du blondinet, après s’être étroitement rétrécis, s’ouvrirent davantage pour laisser place à une expression de stupeur mal dissimulée.

« - Joli coup. Et avec une seule main.

- Beaucoup plus facile avec un canon scié. C’est ce que certains font mais ça réduit considérablement la portée de l’arme. Il te reste quatre cartouches, tu veux tirer ? »

Sans répondre, l’interrogé se saisit alors de la Winchester, repéra sa cible et fit feu. Un autre escargot perdit la vie, cette fois non pas à cinquante mètres, mais à deux cent mètres de là. Ce n’était donc pas un simple fantassin, mais un véritable tireur d’élite qui se dévoila à Anna, malgré sa mauvaise vue. Il restait à espérer que, sans ses lunettes, l’homme pouvait toujours continuer à se battre.

« - Je suppose que tu pourrais atteindre une cible située à une distance encore plus lointaine.

- C’est possible, malheureusement je n’ai pas de lunette pour voir avec une extrême précision ce qui se trouve au-delà de deux-cent mètres.

- Ca peut être facilement réglé ça.

- Vraiment ? Tu veux dire que tu pourrais me le faire gratuitement ? »

Tout de suite la gratuité. Sans aucun doute, il s’agissait bien d’un pirate ou bien d’un coquin qui en côtoyait, de près ou de loin. La collecte d’information avait beau être importante, il s’agissait d’une bassesse à laquelle Anna ne s’était jamais adonnée : ses services n’avaient jamais valu très cher, mais tout travail méritait salaire et c’était son crédo.

« - Non, pas gratuitement, tu m’as pris pour l’Abbé Pierre ? Mais ma bouteille est vide et si tu t’engages à me payer quelques verres, je peux te bricoler ça rapidement… Il doit bien y avoir un armurier ou un brocanteur quelque part dans cette ville. »

Elle se rappelait vaguement être déjà passée devant un fourre-tout où elle était à peu près persuadée de trouver son bonheur. Le soleil se dissimulait progressivement et c’était le moment où jamais pour agir, si son nouveau partenaire était véritablement partant. La taverne, elle, pouvait rester ouverte quelques heures encore.

« - Alors, marché conclu ? » demanda l’albinos tout en tendant sa main vers le blondinet. Toute trace de scepticisme n’avait pas disparu en lui, toutefois il semblait désormais un peu plus familier avec la curieuse bonne femme qu’il avait rencontrée une heure plus tôt. Et puis, si elle semblait maladroite, Merry n’était pas vraiment une mauvaise bougresse. Elle se proposait même de l’aider, moyennant un peu d’alcool.

La chaleur de sa paume rencontre alors la froideur quasiment métallique de celle de l’armurière, tandis qu’il répondait, en souriant cette fois-ci :

« - Marché conclu ! »

Avec sa vigueur habituelle, la jeune femme ouvrit alors la marche en direction du village où attendait la suite de leurs aventures. Il était encore bien trop tôt pour aborder la véritable nature de son compagnon, pirate ou non, mais elle pouvait toutefois utiliser le silence de leur traversée pour remplir un vide qui méritait d’être comblé depuis bien longtemps déjà.

« - Au fait, comment tu t’appelles ?

- Ah, c’est vrai. Je m’appelle Moria, Moria Brittania. Et toi ?

- Merry Reed, enchantée de faire ta connaissance, Moria. » sourit-elle mécaniquement, avec toujours ce même défaut de fausseté quasiment imperceptible pour quiconque ne la connaissait pas réellement.

Et ce fut un sourire sincère que lui rendit Moria, tandis que leurs pas les menaient désormais vers la boutique d’un vendeur de bric-à-brac, dont l’enseigne renseignait « Chez Poume ».
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Moria et Merry investirent "Chez Poume" avec la délicatesse et le savoir-vivre de deux parfaits brigands, faisant comme bon leur semblaient sans le moindre égard pour les présentoirs savamment organisés de la boutique. Sûre de ce qu'elle cherchait, Merry fouilla une à une les étagères, balançant par-dessus son épaule tout ce qui ne l'intéressait pas. Un peu plus loin derrière, esquivant nonchalamment l'avalanche de projectiles qui volait autour de lui, Moria la regardait faire en souriant, conversant gaiement avec elle.

Entre deux jurons, la femme récupéra rapidement ce qu'elle désirait acheter, sans s’embarrasser de demander direction ou permission au pauvre Poume, réduit à assister à la mise à sac de son établissement sans pouvoir intervenir. Ses méfaits terminés, la tornade ambulante vint à sa rencontre afin de régler la note. Naturellement, il tenta d'abord de s'insurger et refuser de lui vendre quoi que ce soit, mais Merry Reed n'avait pas le temps pour ce genre d’enfantillage.

Il voulut d'abord élever la voix et intimer à ses deux visiteurs de sortir. Elle saisit son intention avant même que la première syllabe ne soit sortie et leva un doigt devant le nez du marchand, le coupant net dans son élan. Confus, il observa en silence la flibustière lever une bouteille de rhum à sa bouche, qu'elle entreprit de vider avec une lenteur calculée. Le bruit de ses gorgées fût rythmé par les mouvements de son doigt dodelinant autour de la tête de Poume tandis qu'elle appréciait son breuvage les yeux fermés. Quand elle en eut terminé, après avoir consciencieusement secoué la bouteille au-dessus de sa bouche et léché le goulot à la recherche des dernières gouttes d'alcool, elle la balança par-dessus son épaule en regardant le marchand droit dans les yeux, provocatrice. Manquant une fois de plus Moria de peu - lequel avait fait un pas de côté pour l'esquiver -, le récipient vint rejoindre l'amas de bric-à-brac déjà répandu au sol où il se brisa dans un éclat de verre cristallin. Le pauvre Poume sursauta à ce son et déglutit devant le regard de sa charmante cliente.

Non seulement il ne refusa pas de lui vendre sa marchandise, mais en plus se débrouilla pour qu'il lui fasse un prix. Son compagnon navigateur dans son dos observant avec un œil critique, quoique nuancé d'un certain amusement, Merry parvint sans qu'il sache trop comment à convaincre le vendeur qu'elle manquait de moyens que la bonne chose à faire était qu'il brade ses prix, afin que les deux parties puissent tirer un profit de sa visite. C'est un Poume penaud et balbutiant qu'ils abandonnèrent finalement dans sa boutique retournée, fort des nouvelles pièces acquises et de leur minime perte de berrys.

Un peu plus tard, ils étaient de retour à la taverne. Ils choisirent cette fois de s'attabler à une large table dans le fond de l'établissement, ignorant le regard contrarié du barman. C'est là que Merry choisit d'étaler son bric-à-brac, après quoi elle commença tranquillement à bricoler le fusil de son compagnon de beuverie. Tout en observant le moindre de ses faits et gestes, au moins aussi captivé par son expertise qu'inquiet pour son arme, Moria commanda une nouvelle bouteille et ils la partagèrent en profitant du peu de fréquentation dont souffrait l'établissement. Durant deux bonnes heures, ils discutèrent allègrement en enchaînant les verres. L'ambiance était bon enfant et le navigateur constata avec plaisir que Merry tenait sa liqueur au moins aussi bien que lui : ses doigts restaient remarquablement sûrs tandis qu'elle s'affairait sur le fusil. Ce dernier recevant gratuitement des améliorations, Moria se sentait redevable envers la femme énigmatique. Inconsciemment, il commençait déjà à lui faire un peu confiance, bien que sa méfiance naturelle l'empêche de tout lui déballer d'emblée. L'alcool aidant, quelques barrières étaient d'ors et déjà tombées entre les deux inconnus.

Cuisinant lentement son interlocutrice, Moria apprit finalement qu'elle avait à plusieurs reprises déjà travaillé avec des pirates et qu'elle n'avait pas le moindre scrupule à agir en dehors du cadre de la loi. Considérant le travail remarquable qu'elle effectuait sur son arme, la manière dont elle avait géré Poume ainsi que la prestance naturelle dont elle irradiait, il commença à se demander dans un recoin de son esprit si cette histoire n'allait pas intéresser son capitaine. Que dirait-il d'un cinquième membre d'équipage ? Après tout, quatre clampins seulement à l'assaut de la Route de tous les Périls, c'était juste en terme d'effectifs.

 - Quels sont tes projets alors ? osa-t-il demander au bout d'un certain temps.



Fidèle à son île, le cimetière de la Nouvelle Ohara était lui aussi envahi par les arbres. De taille variable, ils veillaient sur les tombes par endroits, les surplombant de leurs branches protectrices. Le contraste entre le vert de leurs feuilles et la voûte rougeoyante du crépuscule était saisissant, éblouissant presque pour Roy qui gardait une image sur la rétine à chaque fois qu'il levait les yeux au ciel.

La fine bruine qui tombait depuis son arrivée sur l'île avait enfin cessé et ce faisant, les odeurs aux alentours avaient décuplés d'intensité. Les effluves du bois, celles de la pluie, de la terre et des innombrables fleurs, qui déposées sur les sépultures, qui poussant naturellement au sol, se mêlaient au vent marin qui soufflait sur le cimetière. Ce dernier se trouvait près d'une falaise, certaines tombes longeant son rebord si près que l'on pouvait, en tendant l'oreille, entendre le bruit des vagues en contrebas. Le jeune homme trouvait cet endroit aussi peu conventionnel pour enterrer ses morts qu'il était empli de beauté.

Il marchait depuis un bon quart d'heure à présent. Suivant les indications détaillées que Matt et Octavia lui avaient donné, il avait entamé l'ascension de la petite colline, le cœur battant de plus en plus vite à mesure que le nombre de tombes qu'il croisait avait augmenté. Peu à peu, la colline s'était muée en falaise et son agitation n'avait fait qu'aller crescendo. Ce n'était qu'en la présence apaisante des arbres qui gardaient l'endroit qu'il avait fini par se détendre, appréciant la sérénité qui régnait en ces lieux. Calme et concentré, il aperçut enfin la tombe qu'il était venu chercher.

Le jeune homme marqua un temps d'arrêt à cette vision, qu'il ne parvint pas immédiatement à enregistrer. Pour la première fois depuis qu'il avait décidé d'entreprendre ce voyage, la réalité le frappa soudainement : il allait voir Angie sur son lieu de repos final, morte et enterrée. Travaillé par cette idée, il se remit lentement à marcher.

Il n'y avait plus de bruits aux alentours, rien qui puisse distraire Roy dans la tâche qu'il avait à accomplir. Les oiseaux ne chantaient plus, le vent avait cessé de souffler, si bien qu'il entendit distinctement ses pas à mesure qu'il s'approchait de la stèle. Ses bottes remuait la terre meuble, écrasant feuilles et gravillons humides dans un rythme résonnant à travers le cimetière. Il s'arrêta finalement à un mètre de son amie et resta là, sans parler ni remuer. En silence, il détaillait la stèle petite et carrée qu'il avait devant lui, taillée dans une pierre grise, sobre et noble à la fois. Le nom et le prénom de la défunte étaient gravés dans la roche ainsi que ses dates de naissance et de mort. Il n'y avait pas d'épitaphe, ce qui arracha un sourire triste au jeune homme.

 - Bonjour Angie, parvient-il finalement à souffler.

La mine sombre, il continua à contempler la stèle sans vraiment la voir, avant de se forcer à revenir à l'instant présent. Vérifiant rapidement qu'il était présentable, il s'arrêta sur ses mains vides.

 - Je ne t'ai pas apporté de fleurs, s'excusa-t-il en relevant les yeux, je sais à quel point tu détestais ce genre de convention.

Les souvenirs ne cessaient d'affluer, vagues par vagues. Tous les petits traits de caractère d'Angie lui revenaient, ses manies et ses petites mimiques qu'il trouvait tantôt adorables, tantôt agaçantes. A voir l'absence d'épitaphe sur la stèle et de fleurs sur la tombe, ses parents aussi la connaissaient bien. Manifestement ils avaient pris sur eux de ne pas suivre tous les rites, honorant la mémoire de leur fille en respectant son choix de vie.

Ça lui ressemble bien..., pensa-t-il, qu'on se rappelle d'elle ne faisait pas partie de ses soucis.

 - Désolé de ne pas être arrivé plus tôt, s'excusa-t-il une deuxième fois, il m'est arrivé pas mal de choses depuis que...

Il ne termina pas sa phrase. Heureusement, au même moment autour de lui une petite bourrasque souffla et fit remuer les branchages alentour, noyant ses paroles sous le bruissement des feuilles. Son chapeau bascula en arrière et se fit emporter, mais Roy ne réagit pas pour le récupérer. En silence, il attendait que le silence revienne.

 - Je me sens un peu stupide de parler comme ça à une pierre tombale..., reprit-il ensuite avec un rire gêné.

Rapidement il jeta un coup d’œil autour de lui, s'assurant que personne n’assistait à la scène, avant de revenir à la tombe. Bien qu'il s'efforçât de ne pas y penser, l'idée que le corps d'Angie était sous terre à quelques mètres de lui le mettait mal à l'aise.

 - Si tu étais là, reprit Roy avec un nouveau ricanement nerveux, tu m'aurais déjà collé une gifle en me disant d'arrêter de perdre mon temps. Tu ne croyais pas à la vie après la mort, encore moins au concept de l'âme. Moi non plus d'ailleurs évidemment, tu m'as taillé à ton image.

C'était une simple constatation, certainement pas un reproche. Il était mille fois reconnaissant de l'éducation qu'elle lui avait donnée, de ce à quoi elle lui avait permis d'échapper. Par-dessus tout Angie reconnaissait la valeur de la logique, un trait de caractère qu'elle avait transmis à sa pupille. Elle et Roy ne croyaient que ce qu'ils voyaient, que ce qu'on leur démontrait et ne prenaient jamais rien pour acquit. Elle avait échappé à la Bible qu'affectionnaient ses parents, lui avait échappé aux esprits du déserts glorifiés par les bédouins El Beïda.

 - Seulement les choses ont changé depuis que tu m'as quitté, poursuivit néanmoins le pirate. Mon regard sur le monde surtout... a changé.

Il arborait une mine confuse, comme plongé dans une profonde réflexion. Son regard extrêmement sérieux fit plusieurs fois la navette entre ses pieds et la stèle. Son visage s'illumina soudain, un agréable souvenir lui traversant visiblement l'esprit.

 - La Classification des Fruits du Démon, énonça-t-il avec un un sourire paisible, tu te rappelles de ce livre ? Tu me l'avais offert pour mes quatorze ans.

Il marqua une pause comme s'il attendait une réponse, avant de reprendre :

 - On a passé un long moment à le compulser tous les deux, persuadé de lire un tas de balivernes destinées aux plus crédules. Le "fruit des Séismes", le "fruit de l'Invisibilité", le "fruit des Âmes", tout cela semblait trop gros pour être vrai, trop merveilleux ou magique.

Un léger sourire sur le visage, le pirate se remémorait ces nombreuses soirées qu'ils avaient passées ensemble sur ce livre. Que ce soit dans une petite tente de voyage au milieu du désert, dans les camps de recherches d'Al-Médie ou bien dans l'appartement de l'historienne à Attalia, pendant une petite période ils n'avaient fait que ça dès que l'occasion se présentait. C'était l'un de ses souvenirs les plus chéris de son temps passé sous sa tutelle.

 - Mais les fruits du démons n'ont rien d'un mythe Angie, reprit-il en retrouvant le fil de sa pensée, je l'ai constaté de mes propres yeux. Un homme que j'ai combattu à Las Camp en avait mangé un. Il était devenu un homme-chien aux pouvoirs surnaturels. Crois-moi je l'ai appris à mes dépends.

Le souvenir des crocs d'Alaba plantés dans sa chair était encore bien vivace dans sa mémoire. Sur le moment il n'y avait pas vraiment pensé, occupé à protéger ses alliés de la folie d'un chef de gang lycanthrope, mais quel choc ç'avait été après coup. Il l'avait vaincu en le faisant tomber dans l'eau, confirmant toutes les rumeurs qu'il avait lues ou entendues à propos de ces fruits merveilleux.

Dans un recoin de son esprit, Roy se demanda une fois de plus ce qu'il ferait s'il venait un jour à tomber sur l'un d'eux.

 - Si les fruits du démons existent..., continua-t-il enfin, poursuivant son raisonnement avec une hésitation extrême, et s'il y a un fruit des Âmes, alors ça veut dire que l'Âme existe, n'est-ce pas Angie ?

Une fois de plus il marqua une pause et tendit l'oreille, observant intensément la stèle silencieuse devant lui. Après quelques secondes cependant, il se força à mettre fin à son manège en grinçant des dents, frustré d'en être réduit à attendre des signes de l'univers. La mort de son amie défunte devait avoir endommagé sa psyché, il y a quelques mois encore on ne l'aurait jamais pris à parler à un cadavre ou un bloc de pierre. Il hésita un instant à continuer, envisagea d'arrêter de s'humilier plus en avant, de rebrousser chemin et quitter l'île.

 - Dans ce cas, continua-t-il finalement, décidant de se jeter à l'eau sans se soucier du reste, s'il y a le plus petit espoir que tu puisses m'entendre, que ton âme ait survécu à la mort, dans cet univers ou dans un autre, alors je me devais de venir ici ce soir.

Il avait un message pour elle, plus important que la simple nécessité de lui faire ses adieux ou de tourner la page. Comme pour lui donner du courage, une nouvelle bourrasque souffla autour de lui, frappant le pirate d'un effluve marin empli de promesses d'aventure.

 - Ton héritage vivra à travers moi, énonça-t-il je t'en ai fait le serment. Je poursuivrai ton oeuvre et je l'achèverai ; pour toi.

Ceci établi, il marqua un temps d'arrêt, prenant le temps d'organiser ses pensées avant de continuer son monologue.

 - Seulement j'ai aussi ma vie, lâcha-t-il juste après. Durant les longs jours de traversée entre Hinu Town et Las Camp, j'ai évalué mes options, j'ai réfléchi à ce que j'allais devenir avec ce fardeau que tu as posé sur mes épaules.

Par flashs successifs, le souvenir des derniers mots d'Angie lui revenait en mémoire. Blessée et mourante, elle avait passé ses derniers instants dans les bras de Roy, confessant tout, vidant son cœur au jeune homme. Sachant que son heure était venue, elle avait demandé à Roy de poursuivre son oeuvre.

 - Ce fardeau je l'ai accepté pour toi, confessa-t-il, pour te permettre de partir en paix, et je crois que tu l'as été au moment de rendre ton dernier souffle.

Un dernier flash passa devant ses yeux, celui-ci lui infligeant une douleur physique quand il se le remémora : le moment où il avait apaisé les souffrances de son amie, son air apaisé quand il avait appuyé sur la détente et qu'une balle lui avait traversé le crâne. Son monde s'était définitivement écroulé à cet instant.

 - Tu m'as laissé en homme brisé Angie, énonça calmement l'ancien garde du corps, dont la seule préoccupation jusque-là avait été de la garder en vie. Je me suis retrouvé privé de but ou de raison de vivre à part la tâche impossible que tu m'as confié... et c'est dans les cales du navire que je suis finalement arrivé à une conclusion simple : je ne pourrais pas vivre éternellement dans l'ombre de ton souvenir.

Triturant nerveusement le manche de son pistolet à sa ceinture, Roy observa la tombe d'un air coupable. Il s'en voulait comprit-il dans un court instant de lucidité, éprouvait le besoin de se justifier à l'encontre de son amie.

 - Passer le reste de ma vie à poursuivre le rêve d'une fille morte ? tenta-t-il de s'expliquer, terrifié à l'idée qu'elle lui en veuille de ne pouvoir lui dédier son existence. C'était trop pour moi Angie, pardon. J'ai réalisé qu'il me fallait autre chose, quelque chose qui me permette de tourner la page et aller de l'avant, quelque chose de plus. J'ai passé les nombreuses semaines qui ont suivi à explorer mes options, lui apprit-il ensuite avec un regard pensif. J'ai pondéré mon choix en me demandant ce que je voulais faire de ma vie, j'ai cherché un but qui ait du sens, qui m'appartienne véritablement et qui me permettrait quand même d'honorer ma promesse envers toi.

Il n'en avait jamais parlé à qui ce soit, voulait qu'Angie soit la première à l'apprendre. Personne ne l'avait aidé à gérer ses tourments et il n'aurait de toute façon pas accepté de les partager. Perdu dans le gouffre de sa solitude, il avait fini par trouver une solution

 - Je me suis approprié ton rêve et je l'ai fait mien, expliqua le jeune homme. Je le mènerai à bien, n'en doutes pas, mais il y a autre chose à présent, un autre objectif qui me fera aller de l'avant...

Ses yeux fixant de nouveau le vide, il sembla hésiter quelques instants. Puis, un air de résolution s'emparant de son regard, il redressa la tête et cessa de triturer ses armes. Le dos droit et la tête tournée sur sa gauche, son regard porté vers l'horizon, sur la mer qu'il distinguait au-delà de la falaise au loin, il énonça pour la première fois son nouvel objectif à voix haute :

 - Je vais devenir le Seigneur des Pirates.

Pendant quelques instants rien ne se passa, puis une nouvelle bourrasque sembla se lever à ses mots, puissante cette fois. Les branches d'arbres remuèrent de plus belle tandis que Roy appréciait le vent marin qui s'était mis à souffler autour de lui, l'air de saluer son nouvel objectif. Son chapeau réapparut soudain à ses côtés, voletant jusqu'à la tombe sur laquelle il se posa. Quelque chose dans ce tableau déclencha en lui une vague d'adrénaline. Les yeux brillants, il se dépêcha de développer son propos :

 - Je traverserais Grand Line d'une traite, sans jamais m'arrêter et je mettrais la main sur le One Piece à mon tour, ainsi que sur les ponéglyphes et le Siècle Oublié, comme tu l'aurais voulu. Je vaincrais tous ceux qui se mettront sur mon chemin, promit-il d'une voix féroce, rien ne m'arrêtera. Tu peux en être sûre.

La tête pleine d'aventure, il embrassait avec lucidité l'énormité du voyage qu'il s'apprêtait à entreprendre. Tout ce qu'il avait jamais vécu jusqu'à maintenant comprit-il, tout ce qu'il avait jamais fait n'avait été qu'une préparation, un entraînement, une étape en prévision de cette grande aventure. Tout, de ses armes jusqu'à son entrainement, son passé et ses rencontres, n'avaient fait que le préparer à cette épopée.

Tout à son enjouement, une réalité le frappa soudainement et doucha immédiatement sa ferveur : Angie ne n'aurait jamais l'occasion de voir ce qu'il allait accomplir, il ne pourrait jamais lui montrer le résultat de ses efforts. Âme ou pas, il l'avait perdu à jamais.

Le masque de sérénité et de calme du jeune homme se brisa et le poids du monde se mit à peser des tonnes sur ses épaules. Tombant à genoux, il dut se tenir le ventre pour retenir la vague de bille qui lui était remonté dans la gorge. Quelques larmes perlèrent aux coins de ses yeux et roulèrent sur ses joues.

 - Tu me manques..., sanglota-t-il, tu me manques... affreusement...

Plus rien ne bougeait autour de lui. Désespéré, il attendit un signe, une apparition ou un son, n'importe quoi qui lui indique qu'Angie n'avait pas à jamais disparu de son monde. Rien ne vint cependant. Fou de douleur, le jeune pirate poussa un râle d'agonie, déversant sa détresse et sa peine dans l'air du crépuscule. Il pleura pour la première fois depuis que Krid Chawki l'avait accueilli dans son clan, douze ans auparavant. Pour la première fois, il laissa entrevoir au monde à quel point la disparition de l'historienne l'avait blessé. Tandis que le soleil disparaissait à l'horizon, les pleurs du jeune homme résonnèrent à travers le cimetière.



Les larmes finirent par se tarir. Hagard, Roy resta là, sans bouger durant un moment. La nuit tombant autour de lui, il finit cependant par se reprendre avec un reniflement. Passant ses mains sur son visage, il essuya ses larmes et se redressa sur un pied. A moitié agenouillé, il se pencha sur la stèle et récupéra son chapeau, qu'il secoua rapidement avant de poser sur son crâne.

 - Adieu Angie, la salua-t-il dans un murmure. Un jour je te retrouverais ; dans cette vie ou dans une autre.

S'apprêtant à partir, il eut un temps d'hésitation en observant la stèle avare d'inscription. Soudain, comme saisi d'une impulsion, il dégaina son sabre et le tint des deux mains à l'extrémité de la lame, très près de la pointe pour plus de fermeté. Là il entreprit de graver des ponéglyhes à l'endroit où aurait dû se trouver l'épitaphe. Plutôt qu'un éloge funèbre, il posa sur la roche son ultime message à son amie, une promesse transcendant le temps et l'espace, la vie et la mort. Il ne trouverait jamais le repos tant qu'il ne l'aurait pas tenue.

Ceci fait, il se releva et rengaina son arme avant de contempler son oeuvre quelques instants. Puis, le regard droit, porté loin en avant, il se retourna et quitta le cimetière.



Tout à son idée de revenir au Matheson Sorrow, Roy se rappela soudain les inquiétudes qu'avait eues son navigateur à propos de l'entrée de la Route de tous les Périls. Décidant de faire un détour, il bifurqua en sortant du cimetière : plutôt que de se diriger vers l'extérieur de l'île, il décida de se rendre dans la bibliothèque de la Nouvelle Ohara. Il n'eut qu'à lever les yeux au ciel pour apercevoir l'arbre géant qui trônait au centre de l'île, visible un peu partout depuis celle-ci. Il savait où aller.

Ce n'était pas son premier passage sur l'île, aussi l'émerveillement initial procuré par ce géant de la forêt avait disparu. Il le prenait pour acquis à présent et ne perdit pas une seule seconde pour le contempler en arrivant à l'entrée du lieu d'érudition. Pourtant c'était à la base de l'arbre que son apparence était la plus vertigineuse, quelque chose qu'il avait constaté des années plutôt, alors accompagné d'Angie et de ses parents.

Mochi avait prévenu son équipage qu'il comptait se rendre à cet endroit pour étudier tant qu'il en avait l'occasion. Roy se demanda un instant s'il allait croiser le docteur de son équipage en explorant la bibliothèque, mais les rayons dédiés à la médecine et ceux à la géographie et à la navigation étaient à des coins opposés de l'arbre. Haussant les épaules, le jeune capitaine se dirigea vers la section qui l'intéressait, appréciant l'odeur de sève ambiante qui se mêlait à celle des livres innombrables.

Tout à son projet, il ne remarqua pas la jeune femme attablée quelques mètres derrière lui tandis qu'il retirait un livre d'une étagère. Une demi-douzaine de bouquins empilée à côté d'elle, la petite brune leva un instant le nez de celui qu'elle était en train de compulser et détailla le visage du pirate avec insistance. Quand Roy se retourna et l'aperçut, elle était déjà retournée à son livre. Il continua son chemin sans vraiment noter sa présence.


Dernière édition par Roy D. Aston le Dim 19 Nov 2017 - 17:04, édité 10 fois
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Merry n’avait rien de prévu, dans un futur proche ou lointain. En vérité, elle était vouée à disparaître quelques instants après sa naissance, d’autant plus que plus le temps passait et plus Anna était persuadée que cette rencontre n’allait pas être fructueuse. Tandis que son bricolage arrivait ainsi à son terme, elle affichait un visage de plus en plus morose, gagnée par l’ennui. Mais se fendait quelques fois d’un sourire gracile pour ne pas laisser son interlocuteur remarquer son désarroi.

« - Mmh… Eh bien… Euh… laissa-t-elle planer un long moment sans trop savoir quoi répondre, avant de finalement jouer la carte de l’indécision : Je ne sais pas encore ce que je veux faire. Disons que tant que je continue d’aller d’île en île et d’éviter de me frotter à la Marine, je ne devrais pas avoir de problème.

- Et tu n’as jamais envisagé de prendre la mer ? »

La question venait de la frapper comme le marteau d’un gong : elle n’avait absolument pas prévu ça. Toutefois en démontrant ses capacités d’armurière, peut-être avait-elle éveillé cette curiosité malsaine qu’avaient les pirates pour le recrutement. A supposer que le blondinet était véritablement un pirate. A supposer qu’il avait un équipage, même s’il n’avait pas grand-chose de ce que l’on pouvait trouver chez les capitaines, aucun signe distinctif.

Son attirail, ses vêtements, n’évoquaient même pas ceux d’un flibustier, mais d’un simple jeune homme mondain, qui de temps à autres aimait aller boire un coup dans une taverne basique. Non, seul son fusil l’avait trahi, sinon Anna l’aurait bien pris pour un autre de ces rats de bibliothèque. Mais il pouvait toujours être autre chose…

Un chasseur de primes ?

Dans tous les cas, elle ne pouvait laisser la question en suspens. Eleanore s’était aventurée à Arcadia, Amanda avait exploré plusieurs îles de Grand Line et Anna avait été aux quatre coins du monde, mais Merry n’était jamais sortie de ses blues.

« - Non, je n’y ai jamais songé. Je suis plus attachée à la terre et les longues étendues d’eau salée me filent de l’urticaire… »

C’était le moins que l’on pouvait dire, quant à ce qu’une utilisatrice de fruit du démon pouvait ressentir en voyant l’océan. La mort, la mort à perte de vue. Et si l’interlocuteur de l’armurière fut décontenancé par sa réponse, il n’en montra rien.

« - J’étais comme toi il y a longtemps. L’aventure ne m’intéressait pas, j’avais le sentiment que je pouvais tout avoir à portée de main. Mais, eh, lors de mon premier voyage en bateau je me suis senti pousser des ailes et un sentiment nouveau qui m’a donné envie de m’engager dans la marine marchande. Je n’avais que douze ans. »

Une main enroulée autour de son verre, l’autre supportant son menton, le charmeur refaisait des siennes en regardant le plafond d’un air nostalgique. Ce n’était pas la première fois qu’il abordait ainsi le récit de sa vie, comme s’il cherchait à l’impressionner en retour. Cette confession qu’elle ne voulait pas prendre la mer sonnait peut-être un peu comme un aveu de faiblesse ?

« - Eh bien moi ça ne m’intéresse pas, répondit-elle, tout en filant un dernier coup de tournevis dans la pièce qu’elle venait à peine de terminer. Voilà, c’est bon pour celui-ci. Avec ça tu devrais pouvoir tirer un ennemi à cinq cent mètres. J’en ai aussi profité pour augmenter la cadence de feu et la taille du magasin, par quelques manœuvres habiles. Si l’on se revoit un jour, peut-être pourrai-je améliorer davantage ton arme. Mais en attendant c’est tout ce que j’ai pu faire avec ce que j’avais sous la main… »

Ce faisant, la directrice reposa le fusil sur la table qui les séparait et se resservit un verre qu’elle but aussitôt, cul sec. L’œil brillant, Moria ne se fit pas prier pour récupérer son cher et tendre et le bercer dans le creux de ses bras : la crosse sur l’épaule, l’œil dans le viseur, il chercha du regard les moindres détails microscopiques à proximité, occasionnant par là une toux forcée du tavernier.

« - Yosh ! Génial, un véritable fusil de précision. Franchement, tu devrais vraiment tenter de partir à l’aventure. En plus figure-toi que je fais partie d’un équipa… commença le jeune homme, avant de dévier le regard de sa lorgnette et découvrir avec un visage circonspect que sa camarade de boisson avait soudainement disparu. La cherchant longuement du regard, ce ne fut qu’un geste du pouce du tavernier qui lui mit la puce à l’oreille.

- Ta copine a mis les voiles pendant que tu essayais ton joujou, c’est pas faute d’avoir essayé de te prévenir…

- Merde ! »

Saisissant sa veste à la volée et disposant son fusil dans son dos, pour plus de confort, Brittania paya alors leurs consommations à tous les deux, comme il l’avait promis, avant de repasser la porte pour essayer d’identifier une silhouette dans la demi-pénombre. Après plusieurs minutes passées à attendre sur le seuil, le pirate dût alors se résigner : elle ne reviendrait probablement pas, ses histoires avaient dû l’ennuyer. Mais ce qui le rendait d’autant plus triste, c’était qu’il n’avait même pas eu le temps de lui proposer de rejoindre son équipage.

Grognon, le bras droit des Tyrans regagna alors la taverne où était supposé le rejoindre son capitaine, avant le départ. Puis dehors il faisait froid et sombre ; le soleil avait désormais disparu, emportant Merry Reed avec lui.

A proximité du village

Elle en était certaine désormais. Sorti de ses innombrables archives, un avis de recherche trônait dans ses mains. Comparé à d’autres, celui-ci semblait neuf, même parfaitement conservé, comme sorti d’une pochette. C’était à peu près le cas d’ailleurs. Y figuraient une prime conséquente surplombée d’un visage peu avenant, vraisemblablement froissé par la présence du photographe. Celui de Roy D. Aston, le capitaine pirate qui avait récemment beaucoup fait parler de lui dans les Blues suite aux incidents de Las Camp.

Mais ce n’était pas tout et sa présence dans les parages ne prédisait rien de bon. Non, car le dossier du prévenu allait bien au-delà de quelques escarmouches flibustières.

Angelica ne courait donc pas, mais marchait délibérément vite dans la broussaille, cherchant à regagner la taverne où elle savait sa supérieure totalement saoule mais probablement apte à l’écouter et à décuver rapidement, sous l’urgence de la situation. Il était de leur devoir de mettre ce rookie sous les verrous, avant qu’il ne gagnât en influence.

Ce fût finalement aux abords de l’auberge qu’elle distingua le visage singulier, bien qu’étrangement maquillé, de sa responsable qui, sans mot dire, l’attrapa par l’épaule et l’obligea à la suivre jusque dans une petite ruelle. Anna avait vraisemblablement deviné sa présence grâce au haki et l’avait saisie en cours de route pour une raison qui lui échappait, mais c’était tant mieux ; elle semblait même s’alarmer de sa présence, distinguant aisément sur le visage de sa subalterne que quelque chose clochait.

Quelque chose clochait toujours.

« - Qu’est-ce qui t’amène de sitôt ? Tu sais que je suis en quête d’informations, si tu apparais à la taverne cela risque de griller ma couverture.

- Vous aussi, vous avez vu des pirates ? interrogea la jeune femme, légèrement déboussolée à cause du flot d’informations qu’il lui convenait de trier dans son crâne.

- Je n’en suis pas certaine, mais si tu me dis que tu en as vu un toi aussi, ça pourrait être le cas, oui. Dans tous les cas, il ne semblait pas très disposé à causer ou à lâcher des informations croustillantes, il était temps que… Quoi, qu’y-a-t-il ? »

Silencieusement, Angelica tendit alors l’avis de recherche à la directrice, la tenant au courant des récents faits du pirate.

« - Oui, j’ai cru lire ça dans les journaux, inutile d’en faire un fromage non ? Des Colonels qui meurent, c’est assez courant, c’est leur métier même. Puis la Marine se chargera de lui, inutile d’attirer l’attention sur nous en le coffrant ici, maintenant.

- Certes, mais d’après ce que j’ai pu lire dans son dossier… ce n’est pas sa première fois avec le Cipher Pol. Ce Roy D. Aston ne sort pas totalement de nulle part, les archives avaient déjà des informations à son sujet. Je les ai rapidement consultées et c'est ce que j'ai découvert qui m'a poussée à venir vers vous. C'est une affaire vieille d'un peu moins d'un an, il m'est impossible d'en connaître tous les détails car elle est essentiellement sous la responsabilité de l'Inquisition et le CP0 n'est pas très partageur en terme d'archives.

Ce que l'on sait, toutefois, c'est que ce pirate fût le garde du corps d’une Oharienne, une dénommée Gregson, qui fût capturée et interrogée pour ses travaux sur les ponéglyphes. Sauf que les résultats de l'interrogatoire n'ont jamais été communiqués puisque Gregson et les deux types du CP0 ont été abattus. Que ce soit Roy ou pas derrière tout cela, dans tous les cas, c'est à lui que l'on a fait porter le chapeau, ce pour quoi il était déjà recherché avant ses actions sur Las Camp.

Mais à mon sens on oublie quelque chose d'important dans cette histoire : c'est probablement que Roy en sait davantage qu'il n'y paraît. Et si…


- …si elle n’avait pas emporté tous ses secrets avec elle dans sa tombe ? Si Roy l'avait bel et bien tuée car il savait leurs informations en danger. Dans ce cas on se retrouverait non pas avec un simple pirate meurtrier, mais avec un pirate capable de déchiffrer des ponéglyphes comme d’autres avant lui.

- J’ai aussi pensé à Nico Robin. Avant de voir la prime qui figure sur son avis de recherche. Regardez mieux. »

A nouveau, la directrice se pencha sur la feuille de papier, le regard critique, comptant les multiples zéros. Sept seulement, elle avait connu des primes largement supérieures à cela, il ne s’agissait définitivement que d’un petit poisson, ce qu’elle ne tarda pas à expliquer à la littéraire qui s’étonna soudainement de ce manque de recul.

« - Vous semblez avoir du mal à réaliser que nous ne sommes plus dans le Nouveau Monde, mais dans les Blues. Les pirates qui mettent le cap sur Grand Line ont rarement leurs têtes mises à prix pour plus de cinquante millions de Berries. Si nous n’arrêtons pas maintenant un tel individu, cela risque de nous porter préjudice sur le long terme… »

Comprenant alors le point que soulevait son acolyte, Anna s’efforça de deviner la progression d’une personne aussi dangereuse. Roy possédait une prime similaire à celle de Nico Robin, au sortir du drame d’Ohara, il y avait un siècle de cela… mais sans les antécédents liés aux ponéglyphes. Si celui-ci se révélait, en plus de ses crimes actuels, être en possessions de connaissances illégales pouvant grandement mettre en danger la paix prônée par le Gouvernement Mondial, comme Angie Gregson avant lui, nul doute qu’il ne tarderait pas à être considéré comme une Supernova.

Toutefois, selon les archives répertoriées par Browneye, les recherches de Gregson demeuraient obscures, en dépit de l’investigation passée, et Anna était curieuse d’en savoir plus à ce sujet. Supprimer tout bonnement Aston serait alors un véritable gâchis, surtout si celui-ci avait des informations au sujet des armes antiques du siècle oublié.

Elle repensa alors à ce curieux Moria Brittania qui lui avait demandé si elle avait déjà envisagé de prendre la mer. Sa présence n’était pas anodine, il s’agissait probablement de l’un de ces pirates débarqués avec leur capitaine. Et d’une opportunité à saisir.

« - J’ai une meilleure idée. »
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Son chapeau fermement planté sur la tête, Roy prenait garde à ne pas trop se faire remarquer en se déplaçant dans les rues paisibles de la Nouvelle Ohara. Dans une petite sacoche à son côté, il transportait toutes les notes qu'il avait pu prendre dans la bibliothèque. Les immenses et innombrables rayons qui faisaient la fierté de l'île n'avaient pas été avare en renseignements. Désormais, le pirate avait une idée très claire de ce qui allait les attendre au Cap des Jumeaux, l'entrée de la Route de tous les Périls.

Pressé de partir maintenant qu'il avait fini de régler ses affaires sur l'île, il brûlait autant d'envie de partager ses découvertes avec son navigateur, l'homme chargé de les mener de l'autre côté de Red Line sans accrocs. Plutôt que de retourner au navire et d'attendre le retour de ce dernier, Roy avait donc décidé d'aller directement à sa rencontre, là où il savait qu'il le trouverait : un bistro.

Il visita quelques établissements avant de trouver le bon, mais parvint finalement à retrouver son second dans une petite taverne avec un tenancier pas commode. Moria l'aperçut immédiatement à son entrée dans l'établissement et lui fit signe d'un geste du bras. Content de voir son second, le jeune capitaine vint à sa rencontre et s'attabla avec lui. Fidèle à lui-même, il fit preuve de savoir-vivre en se décoiffant.

Il voulut commencer à parler, mais un détail retint son attention et le coupa dans son élan.

 - Qu'est-ce que..., hésita-t-il en posant sa sacoche sur une chaise libre, il y a quelque chose de différent avec ton fusil non ?

Un large sourire illumina immédiatement le visage rayonnant du navigateur à ces mots. Contenant à peine son excitation, il décrocha l'arme de son dos.

 - Ah oui c'est le cas de le dire, confirma-t-il en la tendant au pirate, regarde ça.

Intrigué, Roy empoigna la carabine et la soupesa entre ses mains avant de la caler contre son épaule. Comme Moria quelques heures avant lui, il regarda au travers de la lunette de précision fraîchement ajoutée. Il distingua avec clarté les fibres du bois de la table, mais cela ne l'aida pas à se faire une idée de la puissance du zoom, aussi releva-t-il le fusil avant de faire un tour sur lui-même, cherchant la porte d'entrée de la pointe du canon. Avec un juron, le barman disparut derrière son comptoir au moment où l'arme se pointait vers lui. Ignorant sa réaction, Roy constata la nouvelle portée du fusil en regardant dehors, au travers la porte ouverte.

Ceci fait, il baissa l'arme et examina l'attache de la lunette au corps de l'arme. C'était remarquablement bien ouvragé.

 - Étonnant, commenta-t-il simplement en rendant sa carabine à Moria.

 - Le résultat du travail d'une..., commença ce dernier, avant de rester bloqué sur une syllabe, euh d'une..., continua-t-il à hésiter comme s'il n'était pas sûr de quoi la qualifier, d'une... elle s'appelle Merry Reed ! lâcha-t-il finalement. Je l'ai rencontré ici-même dans ce bar. On a fait connaissance et au bout de quelques verres elle m'a proposé de customiser ma déjà-superbe carabine, gratuitement plus. C'est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée, ajouta-t-il, rêveur.

 - La "meilleure chose" ? nota Roy en levant un sourcil. Et moi qui pensais que te sortir de prison et retourner Las Camp pour ton plaisir était sympa de ma part, commenta-t-il en ricanant, je vois que je vais devoir passer à la vitesse supérieure si j'espère impressionner Rainbow Moria.

 - Oh ça va viens pas faire ta sucrée, rétorqua le blondinet. Sans rire, il faut absolument que je te la présente, enchaîna-t-il sans laisser à son capitaine le temps d'en placer une.

 - Qui ça ? demanda ce dernier, ennuyé (il voulait lui parler du Cap des Jumeaux, qu'est-ce qu'il venait l'embêter avec l'une de ses conquêtes ?), Merry Reed ?

 - Elle-même ! confirma Moria. J'ai discuté avec elle et..., je sais pas si ça va te plaire, prévint-il d'avance, mais je crois qu'elle serait un superbe ajout à notre équipage.

A ces mots, Roy s'enfonça dans sa chaise et croisa les bras. Effectivement il n'appréciait pas que quiconque se mêle de choisir ceux qu'il acceptait ou non à ses côtés.

 - Attends, l'arrêta-t-il immédiatement, tu n'es pas allé raconter à une parfaite inconnue qu'on est des pirates j'espère ? s'inquiéta le jeune homme.

 - Mais non, répondit le navigateur en levant les yeux au ciel. Ça va, je suis pas non plus inconscient...

 - Ouf..., souffla Roy avec soulagement.

 - Pour un type qui se vante d'être un habitué de l'île t'es pas super informé, commenta Moria en riant. C'est une milice locale qui maintient l'ordre à la Nouvelle Ohara, pas la Marine. A moins que tu viennes mettre le bordel ils ne viendront pas t'inquiéter, peu importe la taille de ta prime.

 - On n'est jamais trop prudent, répondit le jeune capitaine en haussant les épaules.

Ignorant son propos, le blondinet redirigea immédiatement la conversation sur l'énigmatique Merry Reed et entreprit de faire l'éloge de cette dernière. Récitent à une quelconque intervention extérieure sur la gestion de son équipage et pas du tout emballé à l'idée de recruter une étrangère rencontrée le jour même, Roy refusa d'abord catégoriquement la suggestion de son second. Mais ce dernier l'ignora et continua de plaider la cause de la flibustière, vantant sa prestance, ses capacités et ses talents. Peu à peu, la plaidoirie de Moria fit son effet sur le jeune capitaine, qui eut de plus en plus de mal à cacher son intérêt pour le remarquable profil qu'on lui dressait. La carabine customisée dans le dos du navigateur ne cessait d'attirer son regard, semblant le lorgner.



 - Ah bah quand on parle du loup, lâcha Moria en relevant les yeux.

Suivant son regard, Roy se retourna et aperçut une femme aux cheveux blonds passer la porte de la taverne. Elle sembla reconnaître le navigateur des Tyrans et se dirigea immédiatement dans leur direction. Sans s'embarrasser de demander la permission, elle s'assit à la table des deux hommes et attrapa la chope du blondinet pour s'en envoyer une rasade.

 - Roy Merry, Merry Roy, commenta simplement ce dernier, faisant les présentations.

 - Bonjour, salua-t-elle distraitement le capitaine pirate - lequel fronça les sourcils - avant d'enchaîner sur la raison qui l'avait ramené dans le bistro : écoute Moria, j'ai changé d'avis. J'ai bien envie d'embarquer en mer et de ce que j'ai compris tu roules plutôt bien ta bosse dans ce domaine. Si y'a moyen de monter à bord de ton navire à toi et ton capitaine je dirais pas non.

 - Embarquer sur notre navire ? répéta le capitaine en écarquillant les yeux, avant de foudroyer son second du regard.

 - Temporairement, voulut-elle les rassurer, amusée par la réaction du jeune homme. Ce serait juste le temps de trouver un autre navire qui trouverait mes talents utiles.

Évitant le regard du Tyran, Moria hésita sur ce qu'il allait répondre à la femme.

 - On est des pirates, lâcha abruptement un Roy incrédule, coupant court à l'indécision de son bras droit.

Une authentique surprise traversa les traits de la belle à cette information. Passé l'étonnement cependant, elle plissa les yeux et détailla les deux hommes du regard, notamment l'expression du jeune capitaine.

 - Toujours intéressée ? la provoqua-t-il carrément avec un regard narquois.

 - Tout dépend..., minauda Merry en lui rendant son sourire, avant de poursuivre quand il lui eut fait signe de continuer : de... vos objectifs... de votre cap...

 - On part pour la Route de tous les Périls, l'informa carrément un Roy excédé. Je vais devenir le Seigneur des Pirates.

Oubliée la prudence, le sans-gêne affiché de ces deux énergumènes l'avait énervé. Et puis après tout, comme l'avait dit Moria un peu plus tôt, à quoi bon prendre des précautions sur cette île ? Ce n'était pas comme s'il avait un amiral juste en face du nez.

 - Hé hé le Seigneur des P..., ria par automatisme le navigateur à ses côtés, avant que les mots ne fassent leur chemin dans son cerveau et qu'il se tourne vers son capitaine, hein de quoi ?

 - Ça a l'air marrant, lâcha simplement la flibustière de l'autre côté, son air amusé ne quittant pas son visage, comptez-moi dedans.

 - De quoi ? répéta à nouveau Moria en se tournant vers elle, pris de court par ce déroulement inattendu des événements.

 - Hola pas si vite, l'arrêta néanmoins Roy, pourquoi est-ce que je voudrais de vous dans mon équipage ?

 - Mec, réagit Moria au quart de tour, oubliant instantanément sa surprise, t'as vu mon fusil ?

Remarquant le regard envieux que jeta le pirate sur le fusil de son bras droit, un éclair de malice traversa les yeux de la femme.

 - C'est un beau pistolet que vous avez là, minauda-t-elle en tendant une main avenante au capitaine pirate, lequel protégea par réflexe le cadeau d'Angie en pivotant sa hanche sur le côté.

Elle avait quelque chose en elle qui rendait difficile de lui dire non comprit-il cependant malgré lui. Cédant à sa proposition aussi implicite qu'impérieuse, il accepta de lui céder son arme.


Dernière édition par Roy D. Aston le Dim 29 Oct 2017 - 0:25, édité 4 fois
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Convertir la carabine en fusil de précision n’avait pas été d’une difficulté extraordinaire : avec le matériel et la qualité de l’arme, la chose s’était faite somme toute assez facilement. Mais pour le vieux pistolet du capitaine Roy, c’était une autre histoire.

Trifouillant dans le pistolet à silex, soigneusement démonté, la jeune femme s’appliquait désormais à réassembler les pièces avec quelques nouveaux éléments censés augmenter la contenance du magasin et la cadence de tir. De fait, elle s’était débrouillée pour fabriquer rapidement un petit barillet, avec les moyens du bord.

« - Considérons ça comme temporaire. Dès que j’aurai de meilleurs outils, je consoliderai à nouveau ton arme avec des matériaux de meilleures qualités et des outils dignes de ce nom. » concéda l’armurière tout en abattant une fois de plus son marteau rouillé sur la surface du canon. Celui-ci produisit alors un cliquètement agréable, tandis que les cinq chambres censées contenir les projectiles faisaient désormais un avec le pistolet. Il ne restait plus qu’à revisser le reste.

« - On verra ça, je ne te connais pas encore et… attends, à quoi ça sert ça ?

- À peu près à la même chose que ça. fit la jeune femme en dévoilant son revolver. Cinq coups au lieu d’un, c’est une amélioration basique du Flintlock. Certains ont plus de chambres dans leur barillet, mais j’estime ça suffisant, sinon ça joue trop sur le  poids et la stabilité de l’arme…

- Ah…

- Je te l’avais dit : c’est une sacrée bonne femme. On serait vachement cons de ne pas la prendre à bord avec nous. »

À cette constatation du blondin, Anna ne put s’empêcher de laisser apparaître un petit sourire en coin. Mais Merry n’avait pas encore dit son dernier mot.

« - Par contre, moi j’exerce un métier pour lequel je suis normalement payée. C’est bien beau, votre petit examen d’entrée pour m’avoir à votre bord et vous avez bien de la chance qu’il me reste du matériel pour bricoler ce bijou… mais la prochaine fois, je vous adresserai quand même ma facture. »

Anna était bien au courant que certains équipages pirates n’en étaient pas vraiment et que les plaisirs de l’aventure se partageaient dans la richesse comme dans la misère. Mais dans la plupart des cas, les compagnons de route devaient aussi être rémunérés pour rester fidèle à leur capitaine. Il s’agissait ici de savoir à quel bord appartenait l’équipage, si l’agente avait bien devant elle un rigolo de service ou un pirate sanguinaire. Quoi que cette quête du « One Piece » et autres conneries similaires laissait déjà planer un doute sur la réponse à sa question.

« - Je crois comprendre… Eh bien, vous toucherez votre part des trésors, comme tous les autres. Mais je suppose que si c’est pour une affaire privée, ça ne concerne que le client et vous. Je ne suis pas un grand partisan de l’exploitation ni de l’esclavage. Bien évidemment, j’attends d’être sûr que votre réputation n’est pas un leurre.

- Hé, ho, comme si j’avais une raison de te mentir. Même si c’est vrai qu’elle est plutôt mignonne…

- À la bonne heure ! Dans ce cas, je crois avoir terminé. » s’exclama finalement la jeune femme en dévoilant le Flintlock solidement vissé et délicatement posé sur les paumes de ses mains. Paumes qu’elle ne tarda pas à essuyer avec un torchon, habilement dérobé au tavernier quelques instants plus tôt, après avoir rendu l’arme à son propriétaire.

Spoiler:

La réaction fût alors pratiquement immédiate, comme si le capitaine s’était contenu d’avoir des étoiles plein les yeux jusque-là. Tenant le pistolet dans sa main tendue, le doigt sur la gâchette, Roy D. Aston semblait déjà apprécier ne fût-ce que le nouveau design de son calibre revisité. Voyant aussitôt ce curieux spectacle, le tavernier qui acceptait moyennement la présence de forbans dans son établissement décida finalement de mettre fin à cette mascarade.

« - Bon sang, j’vais devoir vous le répéter combien de fois ?! Si vous voulez tester vos armes, allez dehors ! Et puis tiens, de toute manière, j’vais pas tarder à fermer alors tout le monde dehors ! Bande de pirates ! »

C’était la première fois qu’Anna, sous une couverture pirate, était aussi bousculée. Eleanor avait été aimée et crainte, mais Merry n’était qu’une poussière bientôt sur le point d’être emportée par le vent sur ce vaste océan. Pressée de vider les lieux, elle suivit sans mot dire ses deux compagnons qui semblaient beaucoup plus hermétiques à ce genre de traitements et dévisageaient chacun leur armes d’un air béat.

« - Vous n’avez jamais fait entretenir vos canons, je suppose ?

- Éventuellement...

- ...avec les moyens du bord disons. On n'a pas vraiment les moyens de régler des frais d'armurerie. Enfin, ça, c'était jusqu'à aujourd'hui. Tiens, profitons-en pour nous rapprocher de la côte. »

Tripotant son nouveau barillet, le capitaine donnait déjà des ordres à la blonde alors même que celle-ci ne faisait pas encore officiellement partie de son équipage. Quelque part, elle attendait d’avoir sa réponse pour donner le signal à sa subalterne du début de sa nouvelle mission.

Telle une présence évoluant dans l’ombre, à plusieurs dizaines de mètres du groupe, Angelica conservait soigneusement la trace de sa directrice. Doutant quelque peu de l’intérêt ou de l’efficacité de son plan, elle aurait amplement préféré en finir directement avec l’équipage du Tyran ici et maintenant, à mieux y réfléchir. Le rapport n’allait décidément pas être facile à faire et Anna prenait des risques en s’embarquant dans une infiltration aussi insensée.

« - J’espère que vous savez ce que vous faites, Sweetsong. » murmura-t-elle, sauvagement planquée dans une buisson, tandis qu’elle voyait le groupe atteindre les côtes de l’île. Les deux gaillards devant, bruyants et solidaires, l’albinos derrière, isolée. Probablement de son propre fait.

Ce fut alors aussi soudain qu’inattendu. Stoppant instantanément sa marche, le capitaine Roy tira soudainement un premier coup de feu, déclenchant le mécanisme circulaire du barillet amenant une nouvelle balle, puis une troisième. La rotation pouvait se faire par le simple actionnement du chien, si bien qu’en moins d’une seconde le brun venait de cribler sa cible de trois trous béants. La réputation quant à la puissance de feu du Flintlock n’était plus à refaire, mais lorsque celle-ci était multipliée par trois…

L’arbre ainsi touché à trois reprises et sévèrement entamé à sa base s’effondra lentement sous le regard convaincu de l’armurière.

« - Alors ? Cette démonstration de ma bonne foi vous suffit, capitaine Roy ?

- Mmh… fit aussitôt son interlocuteur dans une moue faussement réprobatrice, avant de dévoiler un sourire prévisible : Je suis curieux à l’idée d’en voir plus, mais pour le moment c’est amplement suffisant. Moria ne m’avait pas menti, vous êtes vraiment douée dans ce travail, j’aurais tort de me priver d’un élément comme vous. »

À son tour, Anna dévoila ses quenottes blanches avec son habituel sourire immaculé, avant de finalement lever son bras droit en l’air pour afficher allégrement son index et son majeur formant un « V » victorieux. Le signal.

« - Reçu. Il est temps de quitter cet endroit pour moi aussi. À très bientôt, Cœur d’Acier. » acquiesça la brunette tout en rebroussant chemin jusqu’à l’auberge où l’attendaient ses affaires et celles de sa supérieure. Pour Angelica, Marie-Joie était la prochaine destination avant sa prochaine mission en solo.

Du moins, jusqu’à ce qu’Annabella lui communiquât un nouveau point de rendez-vous et une nouvelle marche à suivre quant à son infiltration.

« - Nous n’allons pas tarder à mettre les voiles, vous n’avez rien à récupérer avant ?

- Rien qui ne se trouve pas sur moi, à l’instant même. Ma garde-robe n’est pas très garnie. »

Le mensonge était si odieux qu’il teinta légèrement les joues de l’albinos, elle qui avait l’habitude de se balader avec multitudes de vêtements pour changer de couvertures… sauf en missions d’infiltration.

Toutefois, tandis qu’elle se rapprochait du navire qui apparaissait progressivement à l’horizon, elle ne put s’empêcher de tâter les bords de son baluchon pour sentir la présence de son tricorne.

Elle avait beau être Merry Read à cet instant, elle restait avant tout Eleanor Bonny.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Dim 29 Oct 2017 - 16:07, édité 1 fois
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- Qui est-ce ? demanda immédiatement Lily lors de leur arrivée devant le Matheson Sorrow.

Merry répondit elle-même à la question et se présenta à la femme-poisson en tant que la plus récente recrue de l'équipage du Tyran. Un large sourire barra immédiatement le visage de la comptable de l'équipage. Se retournant vers Roy - lequel lui fit un clin d'oeil discret -, elle le remercia silencieusement avant de prendre en charge la nouvelle arrivante. Tandis qu'elle entreprenait de faire visiter le navire à la flibustière, le capitaine souriant et son second s'occupèrent de charger les provisions qu'elle avait achetées.

Dès les premiers jours de leur traversée au sortir de Las Camp, il était apparu clair qu'être la seule femme à bord allait peser sur Lily. Forcée de partager le même quartier d'habitations que les hommes, le manque d'intimité associé à l'absence de présence féminine l'avait rapidement rendue malheureuse. Roy avait fait d'une pierre deux coups en recrutant Merry, ce que confirma bientôt le rire cristallin de la femme-poisson. Entendre à nouveau ce son lui mit du baume au cœur, quoique cela changeât rapidement quand il fût remplacé par le juron retentissant de leur nouvelle recrue, leur parvenant également depuis l'intérieur du navire. Manifestement on venait de la mettre au courant de la politique de l'équipage sur le partage de l'espace.

 - Comment ça quartiers mixtes ?! s'écria la flibustière depuis la cale du Matheson Sorrow.

Croisant le regard inquiet de Moria, l'objet du courroux de Merry le rassura d'un sourire paisible. Levant les yeux au ciel, il continua le chargement en sachant que Lily saurait apaiser sa nouvelle amie.

Il avait prévu le coup ce con, comprit le navigateur avec un sourire.



Les présentations faites et le tour du navire effectué, la femme-poisson et la blonde rejoignirent les deux hommes sur la berge.

 - Où est Mochi ? s'enquit Roy en les voyant arriver.

 - Je ne sais pas, répondit Lily en haussant les épaules, j'ose espérer qu'il ne tardera pas. Que fait-on en l'attendant ?

Attrapant un énorme sac de victuailles qu'il chargea sur son épaule, le capitaine marqua un temps d'arrêt pour réfléchir à la question.

 - Tu as acheté de la peinture et du vernis comme je te l'avais demandé ?

 - Oui, répondit Moria à la place de Lily un peu plus loin, juste là, fit-il en désignant quelques pots posés au sol.

 - Nickel, on commence à changer le nom de notre navire en attendant ? proposa Roy.

Ce faisant, il observa avec insistance la nouvelle recrue de l'équipage, qui avait déjà prouvé à plusieurs reprises sa dextérité manuelle.

 - Allez, accepta Merry dans un soupir.

Ensemble, le navigateur, la flibustière et leur capitaine se saisirent de brosses métalliques et décapèrent la peinture du navire à l'endroit où se trouvait son ancien nom : Le Palazio. La tâche fut longue et quelque peu pénible car en l'absence d’échafaudages, ils durent se reposer sur un système de cordes pour travailler perchés au-dessus de l'eau. Cela leur prit une bonne demi-heure, après quoi, le bois mis à nu, ils passèrent à la peinture.

Recouvrir le petit passage d'une couleur noire lustrée fût très rapide. Ceci fait, ils s'arrêtèrent pour la nuit et attendirent que la couleur puisse sécher. Les quatre compagnons mangèrent rapidement dans le salon du navire avant de partir se coucher. Durant leurs tours de garde respectifs, Roy s'occupa de poser la deuxième couche et Merry la troisième. Quelques heures avant l'aube, Mochi ne donnant toujours pas signe de vie, l'équipage du Tyran décida de lui faire confiance et d'attendre encore un peu avant de partir à sa recherche. Gratte-papier assumée depuis son plus jeune âge, Lily était de loin celle qui avait la meilleure écriture. C'est donc à elle que revint la tâche d'apposer les lettres calligraphiées du nom du navire dans une belle couleur blanche.

 - Le Matheson Sorrow ? remarqua la flibustière au-dessus d'elle au moment où elle s'apprêtait à débuter son oeuvre.

 - Oui, acquiesça simplement Roy à ses côtés en la jaugeant du regard, pas pressé de se lancer dans les explications quant au choix du nom.

 - Intéressant, nota simplement l'énigmatique Merry en observant Lily se mettre au travail avec un sourire.

La main palmée experte de la femme-poisson fit honneur à la majesté du Matheson Sorrow. Ceci fait, ils en furent de nouveau réduit à attendre que la peinture sèche. Profitant de l'aube qui pointait à l'horizon et de l'agréable température ambiante, ils sortirent tables et chaises sur le pont du navire et le capitaine se chargea de préparer le petit déjeuner. Conversant gaiement, ils apprécièrent les oeufs, bacons et pancakes en admirant le lever du Soleil. Cet instant de franche camaraderie apaisa définitivement les quelques légères tensions encore à l'oeuvre dans le petit groupe. Associé au petit travail manuel qu'ils avaient accompli ensemble, cela eut le mérite de les rapprocher. Roy commençait déjà à être plus à l'aise avec la nouvelle recrue et apprenait doucement à lui faire confiance. Lily quant à elle était déjà sous son charme.

Moria prenant le relais et s'occupant de la tâche finale - appliquer le vernis protecteur sur les lettres du Matheson Sorrow -, une barque fit finalement son apparition à l'horizon. Accroché aux cordes reliées au bastingage, les jambes plaquées sur la coque du navire à un mètre au-dessus de l'eau, le sniper se saisit de son fusil avant de se contorsionner pour regarder derrière lui. Là, il regarda au travers de la lunette de visée et identifia le passager de la barque, à plus de quatre-cents mètres au large.

 - Voilà Mochi ! cria-t-il à l'intention du reste de l'équipage, en train de se prélasser sur les transats.

En silence, Roy se leva et vint s'appuyer sur la rambarde. Plissant les yeux, il finit par distinguer l'embarcation du docteur. A ses côtés, Merry et Lily le rejoignirent, la première s'accoudant à sa gauche, la deuxième s'approchant pour poser une main sur son épaule. Quelques mètres plus bas, Moria avait également arrêtés de travailler. La tête basculée en arrière, il observait lui aussi l'horizon.

 - En route pour Grand Line, lâcha le capitaine d'une voix paisible.
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