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Frayer avec l'ennemi

Précèdement:

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Davinar Copa passait son temps à se prélasser sur la plage, se plaçant toujours en face de son prisonnier qui cuisait au soleil ou était détrempé par la pluie. William n'avait passé que quelques jours dans cette situation mais la faim lui avait déclenché une forte douleur, comme si les parois de son estomac s'étaient collées entre elles. Le pirate lui donnait néanmoins de l'eau pour lui éviter la mort. Il ne lui parlait pas, et l'artificier avait abandonné ses tentatives de communication après quelques heures. Cloué à la cabane, il avait eu tout le temps de réfléchir à un moyen de s'échapper. Mais ses liens étaient fermement serrés et son geôlier attentif. L'artilleur ne comprenait pas ce qui pouvait pousser Copa à rester aussi oisif, alors même qu'il semblait improbable que son équipage puisse le trouver dans ce coin perdu. Néanmoins, le pirate ne semblait pas plus préoccupé que cela par son égarement. Il disposait de tout les vivres qu'avaient récolté les cadavres qui parsemaient l'île, et il y avait de quoi tenir un siège. Aurait-il décidé de s'installer qu'il l'aurait pu. C'était ce que commençait à penser l'artificier quand enfin son ravisseur se leva et commença à empiler du bois en sifflotant. Interloqué, le jeune homme essaya de lui parler malgré sa faible voix. L'exposition successive au soleil et aux averses n'avait pas manqué de le faire tomber malade.

- Tu te décides à quitter l'île?
- Pardon? J'ai mal entendu avec ta voix cassée...

Il se fendit d'un sourire, hilare de sa mauvaise plaisanterie. William n'eut besoin que d'un regard pour signifier qu'il n'avait ni l'envie ni la force de rentrer dans le jeu de son interlocuteur. Ce dernier soupira en levant les yeux au ciel avant de répondre enfin.

- J'en ai pas mal rajouté après la bataille, pour garder l'effet de surprise... Mais j'étais quand même blessé et j'attendais d'aller mieux pour nous sortir de là.
- Nous?

De tout les scénarios qu'avait envisagé le jeune homme, il ne passait jamais le pont d'un bateau que les pieds devant. Il ne comprenait pas l'intérêt que pouvait trouver le forban dans sa capture. Il n'avait aucune valeur, en dehors de ses talents d'artificier. Même si c'était une qualité souhaitable pour un homme d'équipage, c'était un pari risqué que d'intégrer un homme de force au sein d'un navire.

- Oui, je t'embarque! Tu as un bon sens tactique et tu ne te débines pas face à l'adversité. J'aurais l'utilité de quelqu'un comme toi dans mes troupes...
- Et le libre-arbitre?
- Foutaises! Si tu sors un peu du rang, on tuera quelqu'un de chez toi pour te faire la leçon. C'est aussi simple que ça.

William se renfrogna mais ne répondit plus. Davinar sourit une dernière fois avant de se remettre à la tâche. L'inquiétude croissait chez le jeune homme à mesure que le tas de bois grandissait. Il ne savait rien de l'homme qu'il avait en face de lui. Peut-être mentait-il, c'était une éventualité. Il pouvait l'abattre à tout moment et se faire récupérer seul, en jouant le rôle de la victime. Trop soucieux d'éviter les ennuis, les civils qui le ramasseraient ne signaleraient pas l'île et le naufrage qui avait eu lieu aux autorités. Il faudrait des mois, peut-être des années avant que la Marine ne passe par là. Et ils ne jetteraient qu'un regard distrait sur les cadavres avant de les mettre en terre. D'ici là, le forban aurait filé loin, perpétré d'autres méfaits et serait peut-être même mort à son tour. Mais s'il disait vrai, un avenir bien pathétique s'ouvrait au jeune artificier. Il secoua la tête plusieurs fois en s'imaginant séquestré par des pirates. Il ne pouvait pas laisser une telle chose arriver. Il tira sur ses liens, une fois de plus. Mais la vigueur qui avait pu l'animer dans les premières heures d'entrave l'avait quitté. Il se trouvait totalement à la merci de Copa.

- Et si tu me laissais partir?
- Dans quel intérêt?
- Je ne vais jamais me plier à tes ordres, autant économiser les frais non?

Le flibustier se leva, songeur. Il tira son épée et s'approcha du jeune homme qui se crispa. Puis, il passa sa lame entre la corde et la cabane, avant de s'immobiliser. Il plongea son regard dans celui de William. C'était un duel inexpressif, sans véritable but. Un sourire éclaira le visage du forban quand il retira son épée pour la placer sous la gorge de l'artilleur qui suait maintenant à grosses gouttes, ses yeux terrifiés ne pouvant se détacher de ceux de Davinar.

- Bien sûr que tu vas faire tout ce qu'on te dit. Tu as peur de mourir, plus encore que de vivre le cauchemar que je te promet. Parce que vivant tu auras toujours une chance d'espérer mieux, d’œuvrer pour te sortir du pétrin. C'est ce qui va t'animer chaque jour que tu passeras en ma présence. Mais c'est beaucoup moins risqué que de te lâcher dans le monde civilisé, là où tu pourras disperser mon nom et attirer les regards sur moi. Et puis, manque de bol, j'aime jouer...

Quand le pirate eut fini, le jeune homme avait perdu quelques tons de peau. Vidé de tout orgueil, de tout sentiment rebelle, il laissa ses yeux dériver tandis qu'un immense brasier éclairait les ombres fragiles que la nuit naissante avait accouchées. Il ne dormit pas plus ce soir là que ceux qui avaient précédés. Il ne réagit pas non plus quand ses liens furent subitement desserrés avant que quelques dizaines de minutes plus tard des civil n'affluent pour le transporter à bord de leur navire. Il se laissa aller vers ce futur qui l'effrayait.