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Quand on touche le fond... ( Part. 1 )

- Dorian, Emma : dans mon bureau tout de suite.

   Je regarde mon assistante Emma Skull, la jeune et belle tueuse chargée de m'éliminer il y a quelques temps. Celle-ci réajuste ses lunettes en affichant un air interrogateur. Quelques secondes passent, le temps qu'elle gonfle une bulle de pâte à mâcher et la fasse éclater. Je soupire et me lève finalement de ma chaise avant de contourner la table de bureau. Je l'invite à me suivre :

- Puisqu'il le faut.

   Nous sortons de la pièce et rejoignons le commissaire Collins, lequel ne nous a pas attendu avant de rejoindre son office. Au MI4, il est l'homme le plus important. C'est lui qui commande à tous les agents et détectives de la Milice de Lone Done. Un grand blond à la barbe mal rasée, toujours vêtu d'un trench-coat gris clair, qui n'exprime presque jamais ses émotions et ne s'attarde pas sur les détails sans importance. Son maître-mot : "efficacité".
    Nous pénétrons dans le bureau du patron, nous étonnant pour la énième fois de l'absence de décoration personnelle : n'égayent la pièce que quelques plantes dans les angles, l'armoire de fonction et ses étagères bien remplies, ainsi que la table sur laquelle reposent les documents du jour et la lampe à huile. Le porte-manteau, sur notre droite, prend la poussière.

- C'est pour quoi, commissaire ?
- Prenez ça, tout est indiqué.

    Il me tend un dossier sur lequel figure un titre étrange : "Rapport N°2-B". J'ouvre la chose et tombe sur des images prises via escarméra ainsi que sur des détails concernant des disparitions d'ouvriers. La première image montre quelques granules de roche sombre sur un parquet vieillot, la seconde un morceau de tissu noirci et déchiré, sur les dalles d'une ruelle, mouillé par la pluie. N'étant pas au courant de cette affaire, cela doit être récent.
   Je lève la tête :

- On a des pistes ?
- Aucune. C'est pour ça que je fais appel à vous deux.
- À peine arrivés et on nous prend déjà pour des vétérans ?
- Rien à voir : en tant qu'agents du Cipher Pol, je considère ne pas avoir besoin d'y aller doucement avec vous. D'ailleurs je vous suggère d'aller faire un tour à Roublard. Peut-être auront-ils plus d'informations à vous transmettre... En ce moment, je n'ai pas vraiment le temps de m'y rendre.
- Dans c'cas, on est parti. Souhaitez-nous bonne chance.
- Revenez avec des résultats. Positifs de préférence.

   Clair, net et précis. Nous quittons le bureau avec Emma aussi vite que nous y sommes rentrés. Celle-ci mâche toujours son chewing-gum :

- Qui va-t-on voir alors ? Lady Loft ?
- Nan, pas la peine de déranger la directrice avec ça... J'commence tout juste à gagner des points avec elle, ça s'rait con d'perdre un ticket potentiel maintenant. Une femme comme ça, faut la surprendre avec des grosses prises, des surprises bien arrangées !
- Mais bien sûr...
- On a qu'à aller voir Brendon Braham.
- Le maître-formateur ?
- Ouep : c'vieux croûton devrait avoir entendu suffisamment d'ragots d'la part des agents en déplacement dans la ville. Et pi il a toujours ses réflexes d'homme de terrain. M'est avis qu'il aura appris des trucs de son côté.
- Moi je pense quand même que Lady Loft est un meilleur choix. Elle est au courant de tout...
- C'est justement ça l'problème. Ça s'rait trop facile, y aurait aucun mérite...
- En quoi c'est mal ?
- Le plaisir d'la conquête, choupette ! Le plaisir d'la conquête...

    Je ne remarque pas sa grimace de dégoût alors que je récupère ma veste et quitte le Quartier Général.

[...]

- T'es sûr de pas vouloir d'aide ? Weldone est disponible, il pourrait s'occuper des tâches ingrates à ta place.
- Z'en faîtes pas : j'ai toujours aimé le travail de fond. Ça donne l'impression d'être à la chasse.

    Nous sourions tous les deux. Chacun sait à quoi pense l'autre. Cela fait peu de temps que j'ai rejoint l'île inversée, et très vite j'ai appris à m'entendre avec le vieux Brendon, un ancien agent au regard perçant qui n'a rien perdu de sa superbe d'antan. Il a choisi de rester en arrière avec l'âge, afin de former la nouvelle génération des services secrets du Gouvernement. Je le respecte pour son palmarès - malgré mes idées contradictoires par rapport à la Loi - et lui apprécie mon professionnalisme... Et mes instincts de traqueur au sang froid.
    Dans une autre vie, nous aurions pu être amis. Dommage que nos routes diffèrent à ce point... Il m'est impossible de lui dire qu'un jour je quitterai leur organisme une fois mes préparatifs achevés et que je partirai à la conquête d'un royaume. Avoir l'esprit tordu aide à mentir, mais j'ai découvert à mes dépens que je n'étais pas dénué de regrets.

   Bah ! Une fois assis sur un trône, je n'aurai plus à m'embarrasser de ce genre de détails.

- T'as bien compris ce que je t'ai dit hein ?
- Ouais. Interroger les ouvriers, m'rendre dans l'Trou et inspecter la mine Asthirite. J'laisse Emma s'occuper d'analyser convenablement les lieux où les disparitions ont eu lieu. Facile.
- Ha ! Eh bah bonne chance gamin !
- A plus tard, le vieux !

   Et me voilà parti traquer du travailleur manuel. Finalement, l'ex-agent Braham m'a appris que cette affaire était couplée à une enquête du Cipher Pol. Le CP5 auquel j'appartiens a justement envoyé quelqu'un vérifier les faits et depuis son dernier rapport... Plus rien. Tout ce qu'on a appris est que des révoltés de l'ancien régime sont potentiellement impliqués.
   Peu de gens savent réellement ce qui se cache derrière le changement de régime en place. Mais le nom de Holmes résonne un peu partout dans les couloirs de Roublard. J'irai bien demander l'avis de l'actuel Lord-Président mais je doute qu'il me fasse audience...
   Heureusement, je connais quelqu'un qui pourrait lui tirer les vers du nez de manière habile. Je sors mon escargophone et compose un numéro personnel :

- ... Allô ? Dorian ?
- C'est bien moi Abel. J'aurai besoin que tu fasses quelque chose pour moi, si c'est pas trop te d'mander.
- J'espère que ça en vaut la peine : j'ai des... "devoirs" à accomplir en tant que Secrétaire d'Etat.
- Oh crois-moi, tu vas avoir l'occasion de t'amuser un peu. Écoute bien tout c'que j'vais te dire...


Dernière édition par Dorian Silverbreath le Mar 5 Mar 2019 - 15:10, édité 1 fois
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- Mais puisque j'vous dis que je n'sais rien...
- Ecoute-moi bien, p'tite merde : qu'tu saches rien, je m'en bas l'asperge. J'suis pas v'nu pour m'entendre dire que j'perds mon temps alors tu vas m'faire le plaisir de trouver quelqu'un de COMPÉTENT histoire que les choses avancent ! Plus tôt j'aurais mes réponses, plus vite on te laiss'ra tranquille. Suis-je bien clair ?

   Le petit bonhomme en habit d'ouvrier à qui je viens de m'adresser gentiment part aussitôt chercher son supérieur. Ça fait à peine deux minutes que je suis arrivé dans le quartier où vivent ceux qui refusent l'inversion et je commence déjà à bien me faire remarquer. La plupart des maisons à l'entrée de la mine sont construites à l'envers... Ou à l'endroit si on prend en compte le fait que la mer soit au dessus et le soleil sous nos pieds à cette heure-ci. Emma me lance un de ses regards irritants, mêlant honte et désapprobation, mais je fais mine de ne pas la voir. Ça me pompe déjà suffisamment l'air d'attendre mes informations, alors qu'elle n'en rajoute pas une couche avec ses remontrances !
   Deux soupirs, trois bulles, cinq pointages de doigt et vingt-sept tapotements de pieds plus tard, une femme approche accompagnée de mon interlocuteur chétif. Celle-ci porte la salopette des travailleurs et a les menottes plus sales et plus noires que la plupart des hommes présents sur les lieux. Elle nettoie la paume de sa main d'un claquement sec sur la hanche avant de me la tendre en se présentant :

- Victoria Quinn, Lady du Quartier des Ouvriers.
- Dorian Silverbreath, agent du MI4, enchanté Ma dame.
- Mademoiselle. Et appelez-moi Victoria, ça ira. On est sur le terrain ici, y a personne pour se pavaner et se montrer plus important qu'il ne devrait ! Seul le bon travail compte.
- Sur c'point, nous sommes d'accord !
- Bien. Pourquoi vous êtes là, à embêter les honnêtes hommes, Dorian ?
- J'enquête : il paraît qu'il s'passe des choses bizarres dans l'coin et aux alentours.
- Quel genre de choses ?
- Les gens disparaissent. Pouf ! Comme ça.
- ... Et donc ? On a pas de magicien par ici.
- Non, mais z'avez des mineurs. Et il s'trouve qu'on a des traces de suie et d'autres trucs qui laissent penser que le Trou est lié à cette histoire. Alors allez pas m'faire croire qu'vous êtes au courant de rien, Victoria. En tant que cheffe, et comme j'le devine : en tant que femme de terrain, vous devriez vous sentir concernée par c'qui s'passe.

   L'intrigante rousse en bleu de travail ne bronche pas. Elle se permet même un reniflement de dédain, une main dans la poche, l'autre tenant une pioche... Je commence d'ailleurs à m'en méfier. Elle n'a pas l'air si costaude, mais la savoir Lady de ce quartier me laisse croire qu'elle a d'autres qualités que la gestion et l'administration. Et cela veut aussi dire que je ne peux rien faire qui soit punissable aux yeux de la loi à son égard, surtout devant témoins.
   Ô joies de la liberté d'action en temps que Milicien !

- C'est vrai, j'en ai entendu parler. Ça a commencé il y a trois trois jours. Un couple le premier, deux frères le deuxième et un mineur hier... Et le pire, c'est qu'on a pris soin de mener l'enquête sans m'en parler auparavant : tout a été pris en charge par Lady Loft ! Comme si Miss Je-sais-tout en avait quelque chose à faire des travailleurs du petit peuple...

    Je préfère ne rien dire : nous sommes les seuls avec Emma à savoir qui est réellement Clara Loft ici. En plus, ça m'étonnerait fort qu'elle se fiche de ce qui arrive aux ouvriers. Ils représentent tout de même un gros morceau de la population de Lone Done, laquelle est parcourue d'usines et de structures basées sur la manufacture. C'est une quantité non-négligeable de votants et une ressource économique suffisante pour qu'on veuille la préserver. Elle a beau être ce qu'elle est, son statut politique lui sied à merveille tant elle se montre compétente. J'apprends beaucoup en la voyant faire et, surtout, en l'écoutant causer.
    Et je n'ai jamais passé plus de quinze minutes avec elle dans une journée.

- Le fait est qu'on est là, peu importe qui nous envoie. Perso, j'réponds qu'à la d'mande de mon supérieur. Ça va pas m'empêcher d'faire ce qui m'a été d'mandé du mieux que j'peux. D'toute manière, j'aime pas échouer. Mon assistante ici présente non plus d'ailleurs, alors soyez certaine qu'on va tout faire pour r'trouver les disparus et mettre la lumière sur cette histoire. Z'avez ma parole.

    Je me surprends moi-même. C'est rare que je joue la carte de l'empathie pour gagner la confiance de quelqu'un. Je suis plutôt du genre cash. Sans doute ais-je jugé qu'elle avait besoin d'un peu de soutien pour pouvoir cracher le morceau plus facilement. Je doute qu'elle m'apprenne grand chose à vrai dire, mais ce sera toujours mieux que rien, et son feu vert me permettra d'explorer la mine Asthirite.
   C'est d'ailleurs l'endroit où elle nous invite à la suivre après quelques secondes de réflexion, l'air sombre. Nous pénétrons tous les trois à l'intérieur et je me rends vite compte que les quelques maisons étranges du dehors ne sont rien comparées à celles présentes dans les larges cavités qui traversent l'île flottante : des tours, des habitats troglodytes, des demeures rocailleuses qui, dans le style victorien, font penser à des monuments religieux, ou à des petits châteaux éparses. Les rails, les poutres, les ponts de métal, les cordes et les poulies qui relient l'ensemble à la roche brute provoquent un choc visuel tant le contraste est fort. C'est un village de mineurs qui s'étend à la manière de stalactites dans un espace grandiose. Les seules lumières disponibles sont celles des torches et des lampadaires répartis de façon plus ou moins ordonnée dans chaque zone artificielle.
   Je reste bouche bée. Emma fait tomber son chewing-gum. Plutôt fière de l'effet provoqué - alors qu'elle n'a rien à voir avec la construction de tels édifices - la jeune Victoria Quinn nous oblige à la suivre plus en profondeur du Trou. Nous approchons de ce qui ressemble à une plate-forme d'accès, suspendue au rebord d'un gouffre capable de rendre acrophobe n'importe qui. Elle souhaite nous emmener plus en contrebas, en arrière du village, où s'étend le principal réseau de galeries des mineurs de fer.

- Nous y serons rapidement, vous verrez.
- ... J'doute que la traversée de ces... Allez... Cinq ponts puisse être considérée comme rapide.
- On va pas marcher jusque là-bas ! Vous croyez qu'on a mis des rails pour quoi ?
- Pour transporter le fer à la surface ?
- Oui, mais inversement : les ouvriers se sont rendus compte qu'il était plus simple de descendre par le même procédé. Ça évite des fatigues inutiles.
- Vous voulez dire qu'on va...
- Oui ! Allez, on se dépêche.

   Je risque un oeil en contrebas et regarde à nouveau le wagonnet qu'elle nous indique. C'est une sorte de long caisson métallique et rectangulaire dans lequel peuvent tenir au moins quatre individus assis. Ce qui ne m'enchante pas des masses. Encore moins quand j'entends le grincement du levier qu'elle descend au moment où nous nous installons à sa suite.
   Déjà petit ma paranoïa maladive m'empêchait d'apprécier les toboggans de Suna Land, alors une descente en wagonnet dans une mine immense...
    Je commence à détester cette mission.


Dernière édition par Dorian Silverbreath le Lun 4 Mar 2019 - 23:36, édité 1 fois
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- OH BORDEL DE MEEEeeeeerde !

    Mais qu'est-ce qui m'a pris de monter ?! Je vois défiler le paysage à une vitesse affolante tandis que nous approchons du village ! S'il n'y avait pas toutes ces structures métalliques, je pourrais croire que les lumières éparses sont des étoiles filantes et que nous volons au milieu d'elles. Ça laisse peu de temps pour faire un voeu, mais je souhaite de tout coeur survivre à ces secondes interminables de glissade dans les profondeurs.
    J'ai les lèvres douloureuses : la peau de mes joues se fait tirer en arrière par la friction de l'air. Mes paupières sont grandes ouvertes et devant moi, la Lady du quartier des Ouvriers ose rire à gorge déployée :

- Alors ? C'est pas génial ?!
- J'AI CONNU MIEUX !

    J'ai sincèrement envie de l'appeler par tous les noms d'oiseau qui me passent par la tête, mais cela m'est toujours interdit. Et ce n'est pas comme si c'était une question de vie ou de mort.
   ... Après, nous ne sommes pas encore arrivés !
   J'ose un regard en arrière pour voir si Emma s'en sort mieux que moi, par crainte d'être le seul en position de faiblesse. En observant son visage, je me rends compte pour la deuxième fois que j'ai bien fait de l'accepter dans mon équipe : elle est vraiment la femme qu'il me faut pour garder le moral en toute circonstance ! Son teint est blême, ses lunettes prêtes à se faire la malle, ses yeux larmoyants et sa main sur la bouche. Elle est pathétique et je ne lui en suis que plus reconnaissant.
    J'espère juste qu'elle ne rende pas son petit-déjeuner dans la seconde qui suit. Quoi qu'à la vitesse où on file, il risque d'y avoir un retour à l'envoyeur...

   Le village est passé en dix secondes à peine. C'est à ce moment là que notre "guide" tend le bras droit, comme pour attraper quelque chose... Ce qu'elle fait l'instant qui suit : elle chope un levier sur le côté du wagonnet et une secousse nous fait comprendre qu'elle a actionné le frein à main.

- Beeuuh...

   Le choc n'a pas fait de bien à l'estomac d'Emma, laquelle met tous ses efforts dans la retenue de son en-cas du matin. Je n'ai même pas la force de répliquer quoi que ce soit d'antipathique à son égard, sachant que je sue autant qu'elle à cet instant, problèmes intestinaux mis à part.
   Nous ralentissons de plus en plus, accompagnés par le bruit strident des roues sur les rails. Lorsque le tout s'arrête enfin, Victoria Quinn saute du véhicule et inspire un grand coup en s'étirant :

- Bon ! Suivez-moi, on va rejoindre le premier poste des chefs d'équipe et... Ça va aller ?
- Ouais ouais... Deux secondes, l'temps que j'trouve la portière...
- Quelle portière ?
- Ta gueule.

- Et c'est vous qu'on a trouvé de mieux pour résoudre l'affaire ? Je me sens rassurée, c'est fou !
- Oh ça va ! Les gens parfaits, ça existe pas ! Et tant mieux : qu'est-ce que ce s'rait chiant sinon !

   Nous sortons du wagonnet, les jambes tremblantes. Mon assistante, toujours aussi pâle, réajuste ses lunettes avant de se tenir à mon épaule pour avancer sans tituber. Heureux de retrouver la terre ferme, je réapprends vite à marcher et à prononcer des phrases pleines de vie, tel un nourrisson en pleine croissance :

- Bon. Qu'est-ce qu'on a à voir là-bas ?
- C'est le premier lieu où des gens ont disparu, pendant la fin d'un service. Il paraît qu'un autre homme s'y est aventuré hier d'après certains mineurs, mais rien n'indique qu'il y ait eu entrée ou sortie de la galerie par la suite.

   Sûrement l'agent du CP5 passé avant moi.

- Dorian...
- Quoi ?
- Pas un mot de tout ça à Abel, d'accord ?
- ... Promis.

   Comme si j'allais me vanter de cet épisode auprès du type le plus emmerdeur et le plus venimeux que j'ai rencontré jusqu'à présent ! Si jamais il apprenait ça, non seulement je perdrai toute crédibilité à son égard, mais en plus il n'hésiterait pas à me faire chanter pour me pourrir la vie jusqu'à la fin des temps ! Vicieux comme il est, je suis certain qu'il trouverait même le moyen de s'enrichir en vendant ses ragots aux commères et autres curieux du monde entier... Tout le monde serait ravi d'apprendre que le Roi de Pétaouchnok, guerrier redoutable, est incontinent, ou que l'Amirale en chef est en réalité un travesti aux penchants douteux.
   Ça part loin, mais je sais qu'il en serait capable ! Je le sais !
   ... Ce con arrive à me faire peur sans être là. Il est fort.

   Nous arrivons devant l'entrée d'une galerie, laquelle est maintenue par des poutres renforcées. Le cabanon qui sert de station et de bureau pour les chefs d'équipe est collée à la paroi rocheuse, juste devant. Une lampe à huile éclaire faiblement l'intérieur, visible grâce à l'ouverture en forme de comptoir côté tunnel. La Lady ouvre la porte et s'apprête à rentrer quand quelque chose l'oblige à s'arrêter.
   Je jette un oeil par-dessus son épaule et aperçois un homme, debout au milieu de la pièce, vêtu d'une salopette poussiéreuse, avec des tâches noires sur la figure et une pioche entre ses mains gantées. C'est un grand gaillard brun et bien bâti qui nous regarde d'un air curieux :

- Lady Victoria ? Je ne m'attendais pas à vous revoir aussi vite.
- Toujours là à ce que je vois, Harper. Ta femme va se faire du souci si tu continues... Et je t'ai dit de ne pas m'appeler "Lady" ici.
- Navré ! Je ne m'y ferai sans doute pas de si tôt. Et eux, qui sont-ils ?
- Ce sont les personnes qui ont été envoyées pour enquêter sur les disparitions. J'aimerai que tu partages tout ce que tu sais avec eux.
- Oh je vois ! Eh bien comptez sur moi Lad... Victoria.

    La jeune femme hoche la tête en signe de reconnaissance et se tourne vers nous, les mains sur les hanches :

- Je compte sur vous pour mettre tout en oeuvre, agent Dorian. J'aimerai pouvoir dormir sur mes deux oreilles en sachant notre quartier à l'abri d'une quelconque menace.
- Z'en faîtes pas : j'sais c'que j'ai à faire. Vous n'serez pas déçue.
- Je l'espère...

    C'est sur un dernier regard soucieux que la rousse s'éloigne en direction de la sortie, loin en hauteur.
   Je roule les épaules avant de plonger dans le grand bain :

- Alors... Harper, c'est ça ? Vous auriez des infos sur la disparition des deux personnes ici, y a trois jours ?
- En effet.
- ...
- ...
- ... Et donc ?
- Donc quoi ?
- Bah ! C'est quoi ces infos pardi !
- Ah ! Vous ne l'aviez pas demandé.

    Je me retiens de me plaquer la main sur le visage. On est tombé sur un boulet ! Autant j'aime la minutie au travail, autant jouer sur les mots de cette façon me tape sur le système... On dirait Abel quand il a décidé d'être insupportable, c'est qui est quasi-perpétuel !
   Et pourquoi tout ce qui m'énerve me ramène forcément à cet enfoiré confortablement installé derrière son bureau de politicien ?!

- Comme vous devez le savoir, on a retrouvé peu de choses après coup sur les lieux. Mais il y avait de la suie et quelques résidus de rocaille sur le sol.
- Ça coïncide avec c'qu'on a, ouais. Autre chose ?
- Malheureusement non... Mais étant chef d'équipe, je sais qui sont les personnes enlevées : Terry et Janett. Un couple de travailleurs. Ils se sont connus dans la mine...
- Est-ce important pour l'enquête ?
- Oui ? Non... Peut-être.
- ... Continuez.
- Ils étaient appréciés. Personne ici à ma connaissance ne leur voudrait de mal, c'est certain. Ils étaient de bons éléments. A peine la trentaine tous deux, ils songeaient même avoir un enfant à c'qui paraît. Il était temps d'ailleurs, comme on avait l'habitude de se dire entre nous...
- C'est ça, c'est ça. Et les autres disparus ? Vous savez qui c'est ?
- Pas vraiment non... Sauf le dernier, Boris ! Un de mes gars, celui-là. Il était descendu bien avant mon arrivée mais il n'avait jamais souhaité faire autre chose que ce qu'on lui demandait. Il n'était plus tout jeune, mais il ne se plaignait jamais ! Même quand son dos le faisait souffrir.
- Comment on s'est rendu compte qu'il avait disparu ?
- Apparemment son fils venait lui rendre visite chez lui. Il habitait au dessus, dans le village. Sa maison est la première sur la gauche depuis l'entrée de la mine.
- Des indices sur les lieux ?
- Oui.
- ...
- ...
- ... Lesquels ?
- Ah ! Des traces de lutte dans le salon.
- Comment vous l'savez ?
- Le fils nous en a parlé, tout choqué qu'il était...

   C'est peu, mais c'est un début de piste que nous pouvons exploiter. Je regarde Emma, laquelle a retrouvé ses couleurs et attend mes indications. Elle sait d'emblée ce que je m'apprête à dire, mais l'obéissance qu'elle me témoigne l'oblige à attendre les ordres. Tout est prétexte pour elle à me faire plaisir... Tous ces efforts sont émouvants.
   Comme si j'en avais quelque chose à faire.

- J'aim'rais que t'ailles vérifier les lieux. J'suis sûr que t'pourras dénicher un truc utile.
- Compte sur moi. Pendant ce temps, tu vas faire quoi ?
- J'vais retourner à la surface, pour inspecter la ruelle où on a perdu les deux autres. Si tu trouves quoi que ce soit, continue sur ta lancée sans m'appeler. On s'retrouve au bureau en fin d'après-midi.
- ... Dorian ?
- Quoi ?
- Comment veux-tu que je sache à quel moment on sera en fin d'après-midi ici ?
- ... Ah. Bonne question... Harper, z'auriez pas un moyen d'avoir l'heure dans cet endroit ?
- Pour nous c'est une question d'habitude ! Mais pour vous, le mieux c'est d'observer l'horloge de la place du village. C'est le seul endroit qui indique l'heure de l'extérieur pour les gens déphasés.

   J'interroge pendant quelques minutes encore le grand brun avant de retourner vers la surface avec Emma. Nous nous séparons à la sortie du village et fixons notre rendez-vous à dix-neuf heures.
   Finalement, ce début de journée ne m'apporte pas grand chose... Mais quelques points noirs, comme le lien susceptible d'unir les disparus ou la piste suivie par l'autre agent, me permettent d'émettre quelques hypothèses de départ. Il faut parfois réfléchir différemment, en s'appuyant sur les contradictions et les non-dits, pour trouver un début de piste. Alors peut-être que...

   Non Dorian, arrête de délirer. Ce ne sont que des hypothèses sans fondement.
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A cause du temps merdique recouvrant l'île, toutes les traces présentes sur l'image du rapport ont disparu. Ne subsiste que le souvenir du morceau de tissu noirci, lequel se trouvait près des tonneaux dans le fond de la ruelle après les faits. C'est de ce point que je commence à chercher d'éventuels signes suspects, oubliés par mes collègues.

    Rien. Pas une granule, pas une seule trace de lutte, pas un indice... Et si victime il y a eu, difficile de dire dans quelles circonstances on l'a enlevée. Je commence à perdre espoir, me disant que si des professionnels ont observé la scène avant moi, ils auraient dû s'apercevoir d'un truc étrange. Ce que je fais est certainement stupide, alors pourquoi m'acharner de la sorte ?
   Et cette foutue pluie qui ne me laisse aucun répit !

   ... La pluie.
   Je me frappe le front d'un coup de paume. Je ressors l'image de la ruelle et constate qu'il pleuvait également à ce moment-là. Je me rends compte aussi que les dalles ne sont pas droites et que la zone est en pente très légère. L'eau a ruisselé et s'est écoulé, emportant avec elle tout ce qu'elle pouvait.
    Le tout en direction des tonneaux et des cageots près du mur.
   J'en déplace quelques uns et ce que je trouve en dessous ne manque pas de me faire sourire. Cette fois, ça commence à ressembler à quelque chose ! Mon intuition était la bonne, pas de doute... J'espère juste que ça n'aille pas plus loin que ce que je pensais.

[...]

- Alors ? Qu'est-ce que t'as trouvé ?

   Je retrouve Emma dans nos locaux. Elle m'attendait déjà, le nez dans ses papiers et une image entre les mains. En redressant la tête, je constate son air sombre et en déduis la suite :

- Pas grand chose, malheureusement. A part un peu de suie, comme dans le cabanon devant la mine... Je ne pense pas qu'on ait fouillé l'endroit auparavant, j'ai déjà demandé au chef. J'ai même contacté Lady Loft et...
- T'as QUOI ?!
- J'ai contacté Lady...
- J'avais compris merci ! Mais POURQUOI t'as fait ça ?
- Pour savoir si l'agent qu'on avait envoyé auparavant avait rapporté quelque chose ! Mais rien de son côté non plus... Et elle ne semble pas en savoir davantage. En fait, elle a rajouté un truc avant de raccrocher.
- Qui est ?

   La binoclarde me toise, les lèvres pincées et le regard exaspéré :

- Elle te fait part de sa recommandation auprès du chef. Autrement dit : c'est elle qui t'a choisi pour cette enquête, en accord avec le MI4. Et elle savait pertinemment que tu refuserais de la joindre, d'où son envie de te titiller avec ça. Tu n'es pas plus avancé qu'elle et ça la rend victorieuse sur ce point... Elle sait comment jouer avec ton ego.

   Oh la garce !
   Cette femme est parfaite. Dangereuse, mesquine, malicieuse et pleine d'ambition. Elle aurait pu faire une sacrée reine si seulement... Tant pis. Il y a d'autres poissons dans l'océan qui feront très bien l'affaire.
   Je me remets de la nouvelle et sors de ma poche un emballage trempé, tout sourire :

- Qu'est-ce que c'est ?
- Une autre piste ! D'ailleurs... Faut que j'en ai la confirmation par Abel.

   Avant que mon assistante puisse répliquer quoi que ce soit, je prends mon escargophone et appelle l'usurpateur. Celui-ci décroche quelques secondes plus tard :

- Dorian ?
- Comment t'as d'viné ?
- Personne ne m'appelle à dix-neuf heures... Si tu savais à quel point les gens d'ici sont pointilleux avec l'heure du souper ! C'en est presque effrayant.
- Est-ce que tu t'es renseigné sur c'que je t'ai d'mandé ?
- Oui, et tu avais raison de vérifier : d'après les sources du Lord-Président, il resterait encore un groupe de rebelles. Des survivants du grand chamboulement qui a eu lieu. Parmi ceux que l'on soupçonne, il y en a un en particulier qui devrait t'intéresser. C'est...
- Will Stone.
- Exact.
- C'est précisément le nom que j'voulais entendre !

   Ou pas d'ailleurs. Le doute subsiste mais mes craintes s'intensifient.

- Autre chose ?
- Monsieur Stone est surveillé en permanence. Mais pour les autres, nous ne savons rien. On imagine qu'il s'agit de gens du bas peuple, des ouvriers, des mineurs ou même des ingénieurs... De la petite main sur Lone Down, aigris par leur situation et par la prise de partie du Lord-Président.
- Ça a pas d'sens... L'économie s'est améliorée en moins d'un an !
- Tout juste... Mais cela fait également moins d'un an que Marjorie Patcher a été assassinée.

   Ah oui, la fameuse Lady Parcher. Celle qui dirigeait le Quartier des Fonctionnaires auparavant. Malgré cela, elle était très appréciée de tout le monde. Sa mort était en réalité un moyen de porter un grand coup à la Révolution sur Lone Down.

- J'vais utiliser ça... Amuses-toi bien, serpent à sonnettes !
- Tu pourrais dire merci... Enfin bon. Au plaisir, Dorian.

   Je raccroche.

- Bien. Alors ?
- Demain, on a rendez-vous avec Lord Will Stone.
- Celui du Quartier des Mineurs ? Pourquoi ça ?
- Parce qu'il s'agit justement du Lord du Quartier des Mineurs, que c'est une autre qui s'occupe d'son terrain pendant qu'il reste enfermé chez lui, qu'il est soupçonné d'être en désaccord avec l'autorité du Lord-Président et qu'en plus... J'ai ça.

   J'ouvre mon emballage de tout à l'heure et dévoile un petit bout de tissu mouillé et chiffonné. En écartant les coins, je fais apparaître un badge très particulier.

- Un bouton de manchette ?
- Bien vu l'aveugle !
- Et c'est quoi dessus...
- L'emblème d'la compagnie Stone.
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Nous arrivons enfin devant la demeure de Will Stone, Lord du Quartier des Mineurs. Une bien jolie bâtisse, mais en rien comparable avec celles des autres. Tout, de la porte d'entrée aux dernier petit caillou recouvrant les murs, respire la modestie. Et les gens modestes, moi, j'appelle ça des hypocrites en devenir...

- T'pourrais arrêter d'mâcher ton truc ? T'crois que ça fait bien d'se présenter d'vant les types importants comme ça ?
- Depuis quand tu te soucies de la bienséance ?
- Quand on fait son job, on l'fait bien, c'tout !
- Ca va pas t'empêcher de lui parler aussi mal qu'à n'importe qui...
- Oh la ferme !

   Je sonne.
   Au bout d'un moment, un vieil homme vient m'ouvrir. Il porte la moustache et le béret.

- Oui ?
- Bonjour ! Dorian, de la Milice. J'viens voir Lord Stone pour...

   L'autre lève les yeux au ciel et commence à me fermer la porte au nez. D'un geste vif, j'interpose mon pied dans l'ouverture. Il a failli me mettre en colère le bougre :

- Oh là ! Doucement l'ami... J'ai un papier ici qui m'donne le droit de lui poser quelques questions, en toute légalité ! Si vous r'fusez de coopérer, je m'verrai dans l'obligation d'vous emmener au QG pour un interrogatoire approfondi...
- Tss...
- Laisse-le entrer, John.

   Finalement, le moustachu finit par nous laisser passer, Emma et moi. Je lui fais un "merci" de la tête, l'air narquois, ce qui a pour effet de le rendre plus aigri encore. Nous longeons un couloir jusqu'à pénétrer dans la pièce principale : un grand salon aménagé simplement, avec des meubles d'artisanat communs et une décoration à la fois coquette et impersonnelle. A part quelques petits détails, rien ici ne démarque vraiment cette maison d'une autre. On ne croirait pas qu'il s'agit de la demeure d'un Lord, vraiment !
   Assis sur un fauteuil près de la cheminée, une pipe à la main et un regard de pierre, celui qui nous a fait rentrer. Ses cheveux grisonnants et sa barbe mal rasée m'informent qu'il ne s'agit pas de Will Stone. Malgré tout, aussi étrange que cela puisse paraître, je suis incapable de lui donner un âge précis :

- Monsieur, mademoiselle... Que nous vaut cette visite ?
- Avant toute chose : z'êtes qui vous ?
- Pardonnez-moi, je suis Harold Ariou. L'assistant de Lord Stone. John, ici présent, est son intendant.
- Un intendant ?
- C'est tout comme. Il s'agit d'un des meilleurs hommes à l'avoir secondé. Il lui voue beaucoup d'admiration ! C'est pourquoi il gère tout ce qui a attrait aux besoins de la maison...
- Comme un valet, en somme.
- Je ne suis pas un serviteur !
- Evitons les mots qui fâchent, monsieur.

   On m'invite à m'asseoir en face d'Harold. Celui-ci nous montre des tasses et une cafetière. Nous acquiesçons et John nous sert à boire... C'est bien ce que je disais : c'est un putain de valet.
   Après une gorgée, je m'incline vers notre hôte. Celui-ci ne dégage aucune animosité à notre égard, mais il ne parait pas serein pour autant :

- Où est le Lord ? J'pense pas m'être trompé d'adresse...
- En effet, vous êtes bien chez lui... Mais il est absent.
- Pour quelles raisons ?
- Nous l'ignorons.
- Depuis longtemps ?
- Nous l'ignorons. John l'a vu hier matin, mais depuis...
- Attendez... Même le valet n'est pas au courant ?
- Intendant !
- Je suis désolé. Je suis justement venu ici pour en discuter avec John. Nous devions nous retrouver pour discuter de certaines choses mais il ne s'est jamais présenté...
- "Certaines choses" ? De quel genre ?
- Je... Je ne peux pas en parler.
- Z'êtes sûr ? Parce qu'il s'trouve que j'suis venu interroger votre patron pour une affaire particulière... J'pense que vous savez d'quoi j'parle ? Ça concerne les disparitions d'ces derniers jours.
- Je vois... Mais je regrette, cela n'a rien à voir avec votre enquête.
- Certain ?
- Certain.
- Dans c'cas... Peut-être pourriez-vous m'parler d'ça à la place ?

   Je sors le bouton de manchette de ma poche. L'expression d'Harold Ariou change d'un coup. Il manque même de se lever de son fauteuil, surpris :

- Où avez-vous trouvé ça ?
- Dans la ruelle où des gens ont disparu.
- Impossible... Nous devons y aller ! Je vous prie de bien vouloir me suivre.
- C'plutôt mon rôle d'dire ça. M'enfin bon ! Allons-y.

   Je ne l'ai pas vu venir.
   A peine sommes-nous sortis qu'un incident a eu lieu. Notre piste, incarnée en la personne d'Harold, vient de rendre l'âme au moment où elle fermait la porte derrière elle, une balle tirée en plein coeur. Le coup de feu venait des hauteurs.
   Je cherche l'assassin du regard mais ne voit rien. Sans perdre un instant je cours droit devant, laissant le soin à Emma de prendre un chemin détourné, au cas où il tente de nous semer ailleurs. Derrière nous, John implore que quelqu'un lui vienne en aide, le corps de l'assistant entre ses bras.

   Nous courrons toujours, fouillant chaque recoin, observant chaque toiture, inspectant plusieurs rues et ruelles jusqu'à faire le tour de tout le quartier... Mais plus rien. Nous avons perdu la trace du tueur.

[...]

- Pourquoi être venu ici ?
- Parce que j'suis certain que c'est là qu'voulait nous conduire Harold Ariou.
- La ruelle ?
- Ouep.
- Je ne comprends pas.
- Tu vois : y avait pas qu'ce bouton d'manchette ici.
- Le tissu ?
- Aussi. Mais y avait encore un truc. Quelque chose que j'ai pas voulu vérifier sans préparation... M'enfin là, on a plus trop l'choix !

    Je dégage l'accès caché par les caissons et les tonneaux, montrant ma découverte à Emma Skull. Cachée dans un coin, juste sous nos pieds : une trape.
    Je l'ouvre sans trop de difficulté. Malgré le début de rouille, elle ne grince pas. Je descends le premier l'échelle qu'elle recouvrait, suivit de près par la binoclarde. Au fond du trou, il fait sombre, il fait froid et en plus ça sent fort ! J'allume une allumette. C'est loin d'être efficace, mais c'est mieux que rien !
   Nous cherchons, lentement, minutieusement, jusqu'à tomber sur une table. Dessus, plusieurs photographies, dont plusieurs sont barrées. Derrière chacune d'elles, une date.
   Je finis par tomber sur l'image de quelqu'un de familier : Lady Quinn. A l'arrière de son portrait est inscrit "2-F 1628".

[...]

- On s'occupe des préparatifs, Dorian, Emma. Vous pouvez disposez.
- Vous nous r'tirez l'affaire ?
- Non. J'aurai besoin de vous lorsque nous nous approcherons de la date indiquée sur l'image. Puisque c'est la plus récente qu'on a trouvé après une fouille complète, j'imagine que ça veut dire qu'il n'y aura pas d'autre cas avant Lady Quinn.
- Dans l'cas contraire ?
- J'en prends l'entière responsabilité... Ah, j'ai un message de Lady Loft pour vous.
- J'le sens pas...
- "Lord Stone n'a aucun lien avec la Révolution. Sa disparition est un mystère. Ceux qui le surveillaient ne donnent pas de nouvelle. Je m'en occupe personnellement et vous tiendrai informé."

   Je pense que c'est lié. Clara Loft doit s'en douter elle aussi. La connaissant, elle a dû en arriver à la même conclusion que moi au début de l'enquête et imaginer qu'il s'agisse d'un retour possible des Révolutionnaires. Parce qu'il faut toujours imaginer le pire. Mais puisque Will Stone n'a pas de lien avec eux... De quoi est-ce qu'il s'agit ?
   Je me surprends à sourire à nouveau. Une douce sensation me gagne. Un nouveau challenge va voir le jour très bientôt et je serai là pour relever le défi.
   J'attends avec impatience la nouvelle année.
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