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l'Emmerdeur

Dur réveil… Les rayons d’soleils me tapent  dans la gueule. Impossible d’me rendormir après avoir ouvert les mirettes. J’veux m’retourner mais j’sens un truc à côté d’moi. Une gonzesse. Ah, ouais, celle de la nuit dernière. En train d’émerger elle aussi. Putain, plus belle dans mes souvenirs. Et quel foutu mal de crâne, ‘dirait qu’on m’a foutu une barre à mine dans l’caboche en passant par le d’ssus. Sérieux, qu’est-ce qu’elle fout là, avec moi ? J’invite jamais personne à crécher avec moi. Allez, dégage. J’l’éjecte du pieux avec un pieds, c’qui fait un vacarme pas possible qui me nique encore plus le crâne.

-Ah, t’es sérieux… Connard, qu’elle me sort d’une voix toute molle, gueule de bois elle aussi, visiblement. -Y’est quelle heure ? Putain… Onze heures,  aboule la monnaie et j’y vais, pas l’temps.
-Quoi, quel oseille, j’t’ai payé hier, nan ?
-Une partie. On a dormi ensemble, j’te rappelle. Le temps c’est d’l’argent, coco. Allez, magne toi.
-Mais, que dalle, j’t’ai pas d’mandé d’pioncer avec moi, que j’lui rétorque en m’posant au bord du lit, la tête entre les mains.
-Eh ! Tu m’as rien dit, d’habitude les autres préviennent quand on doit s’barrer. Et… Comment j’ai pu t’dire oui, qu’elle lance en s’mettant la main devant la bouche. -Tu t’es chié d’ssus ?! Un conseil, va prendre un bain, puant !
-Bon, écoute, tu vas pas m’emmerder longtemps, du vent, mégère.

J’l’ai choppé par le bras et foutue à la porte, elle m’a balancé toutes les insultes possibles à la tronche en faisant bien gaffe à faire le plus de bruit possible, l’a même voulu d’m’me mettre des baffes avec sa force de moucheron. Avant d’refermer l’porte j’ai même dû éviter un crachat, la garce, quoi. “Eh gnegnegne, ici c’est chez Portdragon !” C’est ça, casse toi.

Bon, maintenant qu’j’suis au calme, on va pouvoir songer au programme d’la journée. La chambre est pas très grande mais l’style est pas mal. Jamais cru dire ça un jour. Plancher en bois un peu rouge, un lit en plein milieu avec une vieille couette brune et des montants d’grand-mère. P’tite table-basse à côté. Tiens, elle a oublié ses clopes. Allez, hop, c’est pour bibi. Pile en face, une grande fenêtre avec son putain d’rideau troué. Saloperie, va. Bon, c’qu’est bien c’est qui fait v’là l’beau temps aujourd’hui. Pas d’nuages, la pêche a du êt’ bonne. Mais avant, un peu d’muscu et une tige, ça f’ra p’têt passer ce maudit mal de crâne. Ca rappelle des souvenirs, le bon vieux tord-boyaux, d’la Glaise, un bazar fait-mains qui t’couche en moins d’deux, t’étais sûr d’vivre un lendemain terrible.

Y’a un grand miroir dans l’coin du carré, parfait pour s’mater. Poualalah, Meru’, mate moi ses tatouages ! Où est-ce que tu les as fait !? T’as du style mecton ! Y’a même une porte qui mène à une p’tite terrasse. Pouah, on s’met bien à Poiscaille, la vie est belle. Mais bon, va quand même falloir trouver matière à castagne. On est pas chez mémé, merde. Direction l’terrasse, y’a un gus à côté sapé comme un garçon d’ferme en train d’finquer. J’lui gratte du combustile, quel bonheur d’humer gratos. Ca m’arrive rarement d’fumer. Quand on m’propose, quoi.

Fouark, elles sont légères, du tabac d’fiotte, ça. Tant pis, j’laisse le paquet là où l’était, j’veux pas m’trimballer avec ça. Allez, quelques pompes en poirier, des “gun-squat”, j’descends sur un pieds jusqu’à c’que mon cul touche le sol, parfait pour bosser la stabilité. Important quand on fout des coups d’pieds à la gueule d’un géant, ce genre de trucs. Mais c’est peine perdue, à peine quinze minutes après qu’l’a migraine est constante, voire plus violente. J’essaie quelques enchaînements, mais que dalle. Et au moment où j’enfile mon fulal, ça frappe fort à la porte. J’calcule pas directement, sûrement l’aut’ conne. L’instant d’après, un type ventru à la tonsure légendaire, marcel empli d’sueur défonce la porte.

-C’toi qui paye pas !? Qu’il gueule en tentant d’me pousser, ses bras gras et poilus repoussés immédiatement.
-Oh, m’chauffe pas, c’est elle qu’à voulu pioncer ici. J’ai rien d’mandé. Et t’es pas obligé d’beugler, ducon.
-QUOI ? COMMENT CA J’SUIS PAS OBLIGE D’GUEULER, T’SAIS A QUI T’PARLES ? J’SUIS L’BOSS ICI, L-E B-O-S-S ! MAINTENANT TU RAQUES, COMME CA QU’CA S’PASSE !

Y m’tape sur l’système, c’t’enculé, j’sens la tension qui monte là.

-Mais ouais, c’est ça. J’te dois que dalle, et t’es en train d’me gaver, calme toi fissa, un conseil.

Là j’lui tourne l’dos pour commencer à récupérer mes p’tites affaires et m’casser. C’est bon y m’a soulé, j’ai la dalle et l’impression qu’on agite des marmites à côté d’mes oreilles. Y commet la pire erreur d’sa vie, c’lardon ambulant. M’chopper par l’épaule pour encore hurler m’menacer d’son poing boudiné. Allez, Merunes y va pas passer par quatre chemins avec toi, connard. Genou dans les couilles, saisie par les oreilles et énorme coup d’boule.

-Ca y est, t’es calmé ? Ah mais, attends, l’est plutôt chouette c’te f’nêtre ! Assez large pour qu’t’y passes. Tiens, tiens… Mais si…? ALLEZ, VOLE GROS LARD !


Dernière édition par Merunes le Dim 5 Avr 2020 - 8:37, édité 1 fois
    En sortant ils m’regardent tous avec leurs yeux mouleux là, bande d’ignares. Beh ouais, à croire qu’ça leur en bouche un coin d’voir un type qui s’laisse pas faire. Pov’ nazes. Allez, à la prochaine. Nan mais oh, l’autre phacochère a cru qu’pouvait voler qui y veut, baltringue. Mais j’sais qui dirige tout ça, pas difficile à trouver s’blase. Portdragon. Portmoncul, ouais. Enfin bref, avant d’tailler j’réclame quand même un bon vieux bourbon pour ouvrir l’appétit et graisser l’gosier, c’important. L’t’nancier a hésité au début, l’a entendu l’bordel au d’ssus et s’doutait bien qu’c’était moi qu’avait foutu la merde. L’a pas voulu s’frotter à la bête, puis j’l’ai payé, tout c’qui compte.

    V’là la chaleur, dehors. Ca tape bien dans l’crâne. Une p’tite foule s’est attroupé autour du gros tas. J’passe l’nez par dessus voir sa p’tite trogne. Y gémit “ah… j’ai mal, gnégnégné”. Ca va, l’porcin, c’était qu’le deuxième étage, arrête d’te plaindre. Va s’en rm’ettre. Direction l’port histoire d’casser la croûte comme il s’doit. Du crabe, j’espère qu’y’a du crabe, putain. Ca pour être un délice… J’en perds mes mots, merde alors, c’pour dire. L’soleil qui m’écrase la gueule aide pas du tout à gérer la migraine, ça en d’vient insupportable. Sans parler des rots d’puis l’réveil à cause d’la beuverie d’hier, un carnage. Les passants m’toisent bizarre, ça j’ai l’habitude. Tellement envie d’leur foutre mon pieds dans leur sale gueule, surtout dans les moments où j’suis pas au top...mais c’inutile. Oh, regarde, l’est entièrement tatoué, oh mais on dirait qu’il revient tout droit d’une porcherie. Messe-basse réservée aux faibles, pas l’temps pour ça.


    Sinon ‘vont aller pleurnicher comme l’aut gros porc d’mes deux, là, dès qui va émerger. ‘Savent même pas s’défendre par eux-mêmes sans t’dire qui vont le répéter à un-tel ou un-tel. Dans quel monde j’vis, incroyable. C’est bientôt si ‘vont d’mander qu’on leur torche le cul tellement ‘sont incapables de s’bouger la couenne, ça m’dégoûte. Bref, j’vais pas m’alimenter comme ça sinon j’vais jamais en finir, j’me connais. A force qu’j’avance vers le port, la bonne odeur de poiscaille fraîchement vidée s’invite dans mes nasaux en mode gros braquage. M’y v’là.

    Y’a plein de bateaux en rangs, doivent sûrement revenir d’la pêche. Du monde à c’t’heure. Un peu moche par ici, des pierres et du béton. Puis même, y’a une rangée de bâtiments jaune pisse de nobliaux pile en face de l’eau. Si jamais j’croise celui qu’à eu l’idée d’planter ça là, j’lui en toucherai deux mots. Bref, le sol brûlant m’nique bien les pieds et de c’que j’entends d’plusieurs pêcheurs, y reste apparemment encore un peu d’poissons. Toujours des spécimens goûteux à la clé. C’est l’heure d’se régaler. Sans attendre, j’vais jusqu’au bout d’un ponton et repère à peu près la zone de cueillette. Plus trop d’bateaux, pas d’risques que j’me fasse prendre dans un chalut. J’les vois bien, les marins, là. R’gardez ! On a choppé un gros Mérou ! Sauf que l’mérou l’est pas comestible, et pas très sympa non plus, bweheh. Allez, c’l’heure d’piquer une tête. Ca attire l’oeil d’quelques curieux, ENCORE. A croire qu’on peut pas broncher sans d’mander des comptes. Ça m’casse les couilles. Mais ouais, on l’sait qu’ici on a pas l’droit d’respirer parce que l’air appartient à un Machin-Chouette. Mon poing dans leur gueule, c’est tout c’que j’ai pour m’faire pardonner d’un tel affront. Bon, bon, à vrai dire, j’sais bien à qui appartient tout ça. Mais on s’en fout ! Hihihi !

    L’eau est tiède, ça fait du bien. Oulah, des bateaux s’rameutent, un coup à m’faire esquinter. J’plonge, j’arriverai la bas incognito et l’silence sous l’eau commence à calmer c’bourdonnement interminable. Mais j’y pense, m’faut un truc pour récolter l’déj’. J’retire fissa m’falzard et fait un sac de fortune pour foutre la bouffe d’dans. Direct là où ça s’échoue. J’vais un peu plus profond histoire d’pas m’faire emmerder. Eh r’gardez, un mec à poil choure not’ poisson ! C’est beau là d’ssous. Y’a du corail bien coloré, rouge, jaune, orange… L’art, les peintures, on s’en branle ! S’tu veux du vrai, c’est dans la nature qu’ça s’passe. Des p’tits poissons qui fusent à la vitesse d’l’éclair. Ceux-là ‘sont nuls, j’en veux pas. Pas nourrissantes les p’tites bestiasses. Des gros rochers, ‘doit y avoir d’sacrés bazars là d’ssous. J’ai pas une apnée d’fou, j’vais pas m’tenter. J’vais chopper deux-trois trucs qui dépassent d’un filet et ce s’ra nickel. J’préfère faire les choses en solo plutôt qu’de taper un bistrot, si j’peux. Les vieilles habitudes.

    Bordel, le v’là, un attroupement de délices en tous genres choppés par un p’tit navire. On va s’servir vite fait. Hop, un saumon, énorme. Une truite, un bar et… Oh merde, l’One Piece lui même, un bon gros crabe. Bien dodu, en plus, l’fourbe. Pensait qu’pouvait m’échapper. Allez, viens avec moi, ‘va faire connaissance. Plus d’place pour l’foutre dans l’pantalon et j’manque d’air. Ce s’ra assez pour r’prendre des forces. On va se RE-GA-LER ! Ah, c’p’tit con, y m’pince et s’débat comme un demeuré, calme toi salopard. C’est qui m’nique la main, en plus. J’arrive d’vant l’bord. J’sors la tête et r’prend bien mon souffle. Pouah, j’dépose le “sac” et l’crabe sur l’terre ferme. J’reprends un peu mes esprits, toujours dans l’eau que d’l’ombre s’fait subitement juste au d’ssus d’ma tête.

    On m’sort d’un coup sec d’l’eau, j’atteris allongé sur l’bitume complètement à poil. Trois types en face de moi, sapé d’un costard d’puceau qui s’croit tout permis et surtout l’roi du monde. C’lui qui m’a sorti, un grand aux ch’veux noirs et à la cicatrice à l’oeil droit qui dépasse d’ses lunettes de merde.


    -Tu vas r’gretter d’avoir volé Portdragon, pouilleux.

    Franchement. Face à des types pareils, j’suis sympa, j’ferme mon clapet. V’là qu’ils m’dégueulent leur baratin moisi de p’tite marionnette qui sait pas s’gérer toute seule et à b’soin d’un patron qui vient lui r’filer des fringues, d’l’oseille et une tape dans l’cul pour lui dire qu’c’est ça la vie. Mais là nan, j’écoute, encore, y’a que d’la merde qui sort. Le pire, dans l’histoire, c’est même pas les coups qu’j’me suis pris ou les crachats en pleine gueule… Nan, c’est mon PUTAIN DE CRABE qui s’est fait la malle et a sauté à la flotte. Ah, bah là c’est fini. Z’ont fini la gueule au carré, les deux premiers. L’dernier, frêle comme un fêtu d’blé se fait dans l’maronne quand j’m’approche et s’casse la gueule. Limite s’y va s’casser si j’souffle d’ssus. J’le laisse, c’est bon. J’titube, j’suis pas encore très frais, ça s’est encore passé super vite bordel. Tête qui tourne à cause d’la dalle, la gnôle et la r’prise du souffle. J’me r’trouve là, au milieu du port, chibre à l’air avec ce fifre d’mes deux qui s’tourne chialer entre les burnes d’son “Patriache”.

    -C’est ça… Barre toi… T’lui diras qu’j’ai rien senti ! QUE DALLE ! MÊME PAS MAL !

    J’manque d’me casser la gueule après avoir gueulé mais m’rattrape de justesse. Ouf. La poiscaille est toujours là, en train d’se débattre dans mon froc. Z’ont du comprendre l’message. Maint’nant, à la bouffe.
      Dans un vaste et luxueux bureau, beaucoup se tiennent debout, sauf un. Le patron, le meneur, celui dont on se doit de respecter et de respecter toutes les quémandes, aussi démesurées l’une comme l’autre. Avachi dans son large trône, il a l’air rudement en colère. Du haut de son tailleur à plusieurs millions et de son épaisse moustache grisonnante semblant taillée à la règle et au compas. Les veines du front sont gonflées, prêtes à éclater face à la ribambelle “d’incapables” debout, tous autant cabossés les uns que les autres. Dans la troupe, tous les malheureux s’étant fait éclater par l’Amerzonien, trublion du moment.

      -Bon sang, mais… Mes den den et mes secrétaires ne cessent de me harceler ! QUAND EST-CE QUE CELA VA CESSER ?!

      -Patron, un sauvage à débarqué ici y’a deux jours et, aujourd’hui, y s’met à foutre un bordel pas possible, commence celui ayant lancé les hostilités au port contre Merunes.
      -L’a r’fusé d’payer une de mes filles ! En plus d’ça… r’gardez ! ‘Vais d’voir bouffer à la paille pendant deux s’maines, qui z’ont dit les toubibs… renchérit le gérant du bordel qui a fait un vol plané dans la matinée, couvert de bandages, en chaise roulante.
      -J’ai eu vent de ce malencontreux épisode, en effet. Qui c’est, celui là. Quelqu’un a des informations ?!Maudit Sozen, nous n’avons plus les moyens d’avoir des contacts dans la Marine, dit-il, tantôt pensif. -Et je doute qu’il agisse sous leur coupe, ils ne procèdent pas de cette manière.
      -L’un d’nous l’a pris en photo, patron, matez sa dégaine, lance le balafré en lunettes fumées tout en glissant l’image sur le bureau.
      -Attendez mais…
      -Ouais, patron, ce crasseux est à poil. L’a aussi volé du poisson, votre poisson. On dirait bien qu’il vous provoque. Les terrains d’Keudver sont juste à côté. Pourtant, il a touché à rien, là-bas. Coïncidence ?
      -Je pense bien que oui. Ses terrains sont plus éloignés du rivage. S’il était à la nage, ce va-nu-pieds à dû opter pour la facilité. Tout de même, il faudra prendre des mesures, discrètement. Le souci étant que la loi règne. D’autres hommes ont été dépêchés, juste avant que vous arriviez. Il demeure quelques informateurs sur le terrain, tout de même.

      *PURUPURUPURUPURUPURU*

      *Gotcha*

      -Oui ?

      -Patron !  On a suivi l’aut sauvage, l’est dans la forêt !
      -Qu’est-ce qu’il y fait ?
      -En train d’se faire cuire à bouffer, Patron. L’a sorti des poissons d’son pantalon, ce mec est un clown.
      -Faites ça discrètement, et ramenez le moi ! Si la Marine entre dans le giron, je vous en tiendrai pour responsable !
      -J’pense pas qu’y nous ait vu… Mais, quel con, l’a allumé un feu. Un coup à tout faire embraser, ‘doit pas avoir la lumière à tous les étages. Des poissons d’son pantalon, nan mais franchement. Patron, vous savez c’qu’il a fait ! Il s’est enroulé un drap autour de la taille, comme une serviette. Il s’est pavané jusque dans les bois comme ça…
      -Bon dieu, arrêtez-le, qu’on en finisse. Quel affront…
      -Met toi en position, passe moi la longue-vue. Qu’est-ce qu’il est en train d’faire ?!
      -Qu’est-ce qu’il fait, hum ? PARLEZ !
      -C’clodo fait cuire ses poissons mais… Il danse autour du feu ? Patron, ce mec est timbré. Il fait la roue autour du brasier en gueulant des trucs incompréhensibles, nu comme un ver. Tom, dès qu’il se calme, tu tires, prononce l’interlocuteur avant que l’homme de main marque un temps de pause. -C’est bon ! Tom l’a shooté au moment où s’est assis pour becter. On va l’cueillir.
      -Alors, vous l’avez eu ?!
      -Ouais, complètement avachi dans les feuilles. Haha, l’est pas si dangereux qu’ça au fin- AH ! IL A OUV-


      *PAF*
      *PAN*
      *KLANG*

      -Tom, Becker, un point sur la situation !
      -Sympa la p’tite fléchette, hihi.
      -Bon sang… Je présume que ça n’a pas marché. Bien… qu’est ce que tu veux ?
      -J’ai affaire au grand Padre de Poiscaille ?
      -Lui-même.
      -Cool. Tes larbins m’font chier d’puis c’matin. Mais c’vrai. J’t’ai piqué deux-trois spécimens à l’eau. J’bouffe, j’viens t’payer, comme ça fin d’c’t’histoire et j’me tire d’ton île de merde. Pigé ? Et essaie pas d’en faire rameuter d’autres, j’s’rai pas aussi tendre la prochaine fois. Faut pas pousser mémé dans la gueule d’un roi des mers.
      -N-
      -En fait c’t’ait pas une question. J’arrive bientôt, trouduc. ON VA BIEN RIGOLER !

      *Gotcha*

      Tout le monde dans le bureau est abasourdi, personne n’a les mots et n’ose en placer une.

      -Une querelle sans queue ni tête, certes, mais on ne s’adresse pas à moi de la sorte. Laissez le venir. ll est vrai que nos moyens sont cruellement limités, depuis. L’ordre règne, mais il reste quelqu’un en mesure d’éradiquer ce problème. Vous deux, dit-il en désignant deux fifres proches de lui en possession de leurs moyens. -Allez chercher Le Broyeur. Nous verrons s’il sera toujours aussi prétentieux, après s’être entretenu avec.


      Dernière édition par Merunes le Dim 5 Avr 2020 - 8:13, édité 1 fois
        Après une p’tite quinzaine d’minutes à marcher tranquille, m’vlà d’vant chez c’bon vieux Chef. Si j’avais une bande de gonzes pareils à ma botte, j’s’rai d’jà en dépression, putain. Savent rien faire, se prennent pour des durs ou s’croient discrets avec leurs fringues gommés à la graisse de poulpe. S’sont crus au carnaval. Pas dur à trouver, l’manoir du shérif. C’est presque si ‘suffit d’demander aux passants, eheh. Nan, j’abuse. Pour ça, pas b’soin d’grand chose tellement la piaule est immense, rien qu’de face. Mais y’avait une paire de doigts et une baltringue qui l’ouvrait un peu à dispo’, trop tentant. Suffit d’les tordre un peu qu’ça s’met à gueuler, d’la magie.  

        La p’tite route et l’gueuleton m’ont fait du bien, comme y faut. Plus d’migraine, plus vaseux, rien, l’bonheur. Tellement bien qu’j’ai même choppé une bouteille -la moins chère d’l’île, ‘videmment- pour l’dessert. La vie est belle, j’dirais, là maint’nant tout d’suite. ‘Fin, elle le s’ra quand j’aurai choppé v’là l’bon morceau à attendrir d’une bonne rasade d’phalanges. J’perds un peu espoir, ici. Z’ont l’air abonné aux sapes de lopette et à la grande gueule. J’vais m’amuser un bon coup avec l’aut merdeux, lui foutre les pétoches un boncoup et ce s’ra bon pour moi. J’ai quand même prév’nu la bleusaille d’ici d’mes p’tites investigations, quand même. Certains m’ont gaulés à poil mais j’leur ai dit qu’des poissons bien vénères m’avaient chourés mon pantalon. Z’y ont vu qu’du feu, tellement z’ont mordus qu’ils m’ont juste dit d’faire attention et d’pas choquer les moeurs.

        Ouais, ouais, pigé, j’f’rai gaffe à c’que des pichons m’aggripent pas l’falzar la prochaine fois. L’demeure du Padre est un peu éloignée du centre, comme si ont été sur un terrain vague. Grande fontaine d’vant l’bordel, une case comme t’en a jamais vu. J’pensais qu’il avait perdu l’plupart d’ses privilèges, mais c’truc lui appartient légalement. Donc ça lui a pas été confisqué, quel pourri, même si j’m’en branle dans l’style royal. Plus j’avance, tranquille, plus j’vois le p’tit comité d’accueil présent pour m’accueillir. Me v’là face à eux, mains dans les poches et coulant d’sueur et rouge comme une écrevisse à cause de c’te maudite chaleur.

        J’me tiens là, face à ces ahuris qui pensent encore m’impressionner. A croire qui se sont pas renseignés sur ma gueule quand z’ont eu plus d’quinze de leur collègues revenirent pliés en quatre.

        -Le chef t’attends, suis nous. Et tente rien une fois à l’intérieur, un conseil.
        -Vous êtes chiés, quand même, m’enfin, en route.

        Poualala, à peine entré qu’j’en prend plein les châsses. Sol en marbre, escaliers qui serpentent, les ménagères et compagnie en d’train tout lustrer. Et, doit y avoir une cuisine de rêve, j’parie. L’odeur qui s’balade ici est folle. Pas celle des “parfums”, par contre, là c’est un piège pour m’étouffer, j’vois pas d’autres trucs. Les gens ont des goûts bizarres, parole de Glaiseux.

        J’continue à suivre les types qui m’encerclent dans c’foutu labyrinthe. J’me d’mande vraiment si c’mec vit tout seul là-d’dans. Doit s’faire chier grave. Puis, j’sais pas, autant de pièces, de types qui t’mâchent le boulot pour tout… J’comprendrai jamais rien à c’monde, d’toute manière. Plus j’avance plus j’me dis qu’c’est cuit. Le boy’s band de larbins s’croit en sécurité, l’flingue à la ceinture. Pensent tous que j’suis juste qu’un emmerdeur, un clodo qui passe son temps à gaver s’monde. Y’a un peu d’ça, ouais, mais leurs pétoires, j’les connais comme ma poche.

        A la Glaise, nous arrivait d’faire nous-même nos flingues, parfois. Ca r’ssemblait à que dalle mais violents. Des fois, ça t’pétait à la tronche. Ca m’est jamais arrivé, heureusement. D’jà vu l’effet sur un pov’ type, affreux. Toujours préféré l’castagne, et mes tatoo’s en témoignent.

        J’laisse des grosses traces noires sur l’sol impeccable, on dirait un miroir tellement c’propre. Un serviteur m’colle au cul pour nettoyer derrière moi. J’l’ai envoyé chier, direct. L’a cru qu’j’avais du miel au cul, enfoiré.  On arrive dans c’que j’pense être le bureau du boss. Une grande porte aux poignées doré, s’emmerde pas l’zig. A l’intérieur, le v’la sur son siège, retourné face à une immense vitre. S’est cru au théâtre, trou duc’. Encore d’autres types dans s’bureau.

        -Tout c’beau monde, rien qu’pour moi. Tu m’flattes, PADRE.
        -Te voilà enfin, approche, qu’il m’sort en s’retournant doucement comme une donzelle.
        -”Approche”. C’est eux tes clébards, qu’j’lui sort en désignant d’la tête les types autour d’moi. -Tu m’dis pas quoi faire.
        -Oui, oui, pardonne mes propos outranciers. Juste, laisse moi savoir qui tu es.
        -Qu’est-ce ça peut t’foutre ?
        -Eh bien, on ne peut plus prévisible. Bref, tu te doutes bien que tout ne nous appartient pas, dans la vie ? On ne peut pas se permettre de piquer et fourrer son nez là où on le souhaite ? Aujourd’hui, tu as décidé de t’en prendre à mes possessions ainsi qu'à mes hommes, bien qu'ils en soient directement venus aux mains. Puis-je te demander pourquoi ?
        -Bon, oh, z’ont déjà dû tout t’raconter, fallait pas qu’ils viennent m’faire chier, c’tout. Bon, c’est vrai, pour la poiscaille j’aurai pu rincer avant d’faire ça. Mais rien à foutre, j’sais qui t’es et j’ai pas peur ni d’remords d’te voler quoi qu’ce soit. Tu fais c’que tu veux, j’remet pas en question tes actes, t’es assez grand. Par contre, piquer deux bricoles à un crevard pareil ? J’m’en branle. Maintenant… Nan, franch’ment ? J’préfère vider l’poisson à l’main, c’meilleur.

        Tout l’monde s’regarde, silence de mort. Sa tête de vieux qui pue l’grenier est à même pas deux mètres d’moi, un mètre soixante, un peu plus… Beaucoup trop d’types autour d’ma pomme, tous armés. Mais j’en ai rien à branler, certains portent la main à leur ceinture, j’fous d’instinct un coup d’pieds rotatif pour écarter ceux qui forment un cercle sur moi. J’me propulse sur Portdragon , il tente de sortir son flingue mais j’lui choure en frappant sa main d’un kick qui claque bien.  J’pose un pieds sur son bureau et passe derrière lui d’un salto. Les v’là tous en joue sur leur Padre d’mes deux, z’ont la flippe, maintenant.

        -Ne tirez pas ! Calmez vous !
        -Vos flingues, les lopettes, dans l’aquarium. Maintenant.
        -F-faites le.
        -Toi, j’dis en désignant celui qui m’a accueilli à l’entrée du manoir. -Qu’est’ tu m’as dit en arrivant ?
        -Hein ?
        -La prochaine c’est dans tes couilles, alors ?
        -J-J’ai dis, qu’fallait pas rien tenter à l’intérieur…
        -T’entends, Porcmoncul ? C’est vous les otages, ici, que j’lui murmure en serrant mon étreinte contre son cou.
        -Dis moi ce que tu veux, tu l’auras. Ensuite, pars, va-t-en et ne reviens jamais. Pourquoi faire ça, c’est insensé...
        -J’fais c’que j’veux, pigé ? Et c’que j’veux, m’étonnerait que tu l’ais. J’voulais juste que tu vois que queq’ part, y’aura un type avec qui t’pourras pas imposer ta loi, et contre qui t’pourras rien, quoi qu’tu fasses, que j’dis en l’relâchant. -Sur ce, faites vous pousser une paire de couilles, qu’j’leur jette à la gueule en balançant l’pistolet dans la flotte.

        J’me barre comme un roi. Y’en a pas un qui bronche. ‘Sont tous la rage au bide, veulent tous m’sauter d’ssus mais, j’reconnais leur p’tit air, celui qu’t’as quand tu sais qu’t’es impuissant, qu’t’es qu’une merde. J’m’en réjouis pas, loin d’là, mais rabattre l’caquet d’une bande de p’tites frappes, ça fait aussi du bien. Ils m’font tous comme une haie d’honneur, eheh. Couteaux dans les bottes, ceintures à la boucle bien vénère, poing américain, personne utilise quoi qu’ce soit. Bien, bien, ils savent qui est l’chef, en c’moment.

        -Alors j’espère qu’c’est pas une blague parce qu’interrompre le jour des pecs pour un clo-

        Au moment où j’veux passer la porte, j’entends une bonne grosse voix juste derrière. J’marque un temps d’arrêt et m’recule un peu pour voir à qui j’ai l’honneur. Bordel, Merunes, r’tiens toi, on dirait bien qu’t’as touché l’jackpot. Et c’putain d’sourire de timbré qui m’vient. Rah, un beau bébé que v’là.
          J’doute que l’type qui vient d’entrer est des leurs. Nan, ‘dirait plutôt un invité spécial vu c’qui vient d’dire. Le v’là maintenant d’vant moi, immense, c’bâtard. Mais c’pas ça l’pire, l’est énorme aussi. Quand j’compare à tous les zig qu’j’ai vu qui bosse pour l’mafia, n’a aucun qui lui r’ssemble. Pas un seul endroit où y’a pas d’musc’ sur s’corps, bordel. Ultra massif, dessiné et pas un poil d’gras, comme moi quoi. L’est couvert d’sueur. Porte la combi’ du sportif : marcel-short, une connerie autour du front. Qu’est-ce qui vient fout’ là... J’sais pas.

          En t’cas, j’mettrai ma main au feu qui doit envoyer des pétotes v’nus tout droit du confin d’Rough Tell, vu l’volume d’ses bras. J’suis pas d’genre à juger par l’physique l’capacité d’un type à s’bastonner. Mais dans c’genre d’cas, c’est clair’ment pas naturel d’être armoire à c’point putain. S’entraîne sûrement pour êt’ si balaise, et ‘doit en avoir sous l’coque. Yeux dans les yeux, plus personne bronche. La tension monte tellement qu’les merdeux tout autour s’figent comme d’la fiante au soleil. J’suis là, comme d’hab, le p’tit homme mains dans les poches qu’en a rien n’foutre d’tout jusqu’à tomber sur s’proie.

          -Laissez moi deviner, c’est lui ?
          Qu’il sort en m’désignant.
          -Uh ?
          -On m’a parlé d’un crasseux d’chez crasseux. Quand j’te vois, je peux pas m’tromper, répond l’mastoc en sortant les dents. -Sérieusement, dix mille plaques pour toi ? La mafia, c’est plus ce que c’était.
          -C’est un beau cadeau qu’tu m’f-

          Fouah ! J’sens que j’me suis fais un nouveau copain ! A peine j’me tourne vers l’autre vioque qu’il en profite pour m’foutre une mandale de patron. J’décolle et suis amorti grâce à deux cons sur l’passage. Ca y est, y’en a plusieurs qui paniquent, z’ont jamais vu ça d’leur vie. Certains en profitent pour s’faufiler et sortir du grand bureau. C’est ça, faites nous d’la place. En plus c’est qui va vite, déjà d’vant moi pour m’rattraper par l’bras, mais j’suis plein d’poisse donc j’réussis à glisser long d’sa main pour r’prendre une distance et m’mettre sur les pattes. J’dégage les deux cons sur qui j’me suis taulé. Portdragon tente de filer mais j’fais une roulade sur l’côté et lui fout mon pieds dans l’bide, histoire de l’calmer un peu.

          Ok, à mon tour maintenant. C’est qu’il va vite en besogne, l’enculé. Direct il m’a capté, il veut m’enchainer. Ca va pas s’passer comme ça, loin d’là. Esquive d’une droite en m’penchant sur l’côté, j’lui décoche trois patates qui fusent avec la fluidité d’une anguille. Trois impacts. Bas ventre, sternum, mâchoire. Les coups r’tentissent bien contre sa carcasse, l’choc est rude. J’crois qu’il est cuit. Ses yeux ont roulés mais l’est toujours debout, la tête penchée sur l’côté, joue encore fumante.

          -Putain. J’m’en suis rarement pris d’aussi d’grosses.

          -J’n’ai d’autres encore meilleures, t’inquiète.

          J’entends qu’on arme un flingue juste derrière moi. Merde ! L’gros lard d’ce matin, dans sa chaise d’estropié. “Cadeau pour c’matin” qui m’sort. J’pensais les avoir tous récupérés, quel con t’fais ,Merunes. Pas moyen d’me planquer, j’fous la main d’vant ma gueule par réflexe, la balle part et m’atteint l’épaule. Grosse brûlure, j’gueule et serre les dents, ça m’rappelle des souvenirs. Ils m’ont bien eu les fumiers. J’ramasse un stylo-plume et lui envoie comme une flèche dans l’oeil, vengeance. Faut que j’me sauve, pris au piège. Mais trop tard, v’là que j’me fais ceinturer par l’autre musclé.

          -GERMAN SUPLEX !

          J’finis encastré, baisé par l’énorme bureau du Padre. J’vois flou, au sol et complètement fracturé. Sale débile de Merunes… Les v’là tous à m’regarder, moi en train d’canner comme la pire des merdes. L’patron s’met devant toute sa p’tite bande, gros cigare bien fumant à la main.

          -Voilà ce qui arrive quand on décide de s’en prendre à moi.
            Oh, merde, ma tête. Moi qui pensait qu’cette putain d’migraine s’était barrée, nada. J’sens qu’on m’traine, par les bras. J’suis encore trop dans l’gaz pour comprendre c’qui s’dit, et l’vue est trouble. Qu’est-ce qu’s’est passé, d’jà ? Ah, ouais. Ces enfoirés d’mafioso m’sont tombés d’ssus, et z’ont lâché leur gros clebs sur ma pomme. Trop confiant pour l’coup, j’ai grave merdé. Ca sent l’merde et l’sel, on s’rapproche d’la mer. Les égouts d’la ville. Ca y est, j’reprends mes esprits. J’me débats d’un coup sec en m’rettant les pieds à plat sur l’sol. J’veux m’m’ettre en garde mais ça m’lance d’un coup dans l’côtes, fais chier. J’serre les dents, l’épaule aussi est en purée.

            J’bousille l’premier avec un putain coup d’tête, j’y ai foutu tellement d’hargne qu’j’ai senti ma gueule s’enfoncer un peu dans sa caboche. L’autre dégaine son shlas, rapide l’bougre. J’reconnais sa gueule, l’était là dans l’bureau. J’pare par instinct en l’vant l’bras, mais l’douleur s’ramène façon dinguerie. Y plante sa lame, sans pressions. J’donne tout c’que j’ai avec un crochet du droit. C’est bon, ‘sont au tapis. Essoufflé, j’pose les mains sur les g’noux. L’impression d’être passé sous un train, bordel. J’relève la tête et voit une barque juste sur la berge. L’sol est dégueulasse, blindé d’ordures et d’carcasses toutes entassées à même la gadoue. Ca m’rappelle la Glaise, ça réchauffe le coeur quand des pourris veulent vous faire l’peau… Nan, huhu, j’rigole.

            C’lui qui m’a planté, rampe, veulent toujours s’barrer ces lopettes dès qu’elles sont un peu dans l’camboui. L’est sur l’ventre, à gémir comme une pucelle, j’lui enfonce la tête dans l’boue ‘vec mon pieds plein d’verrus, ça peut qu’lui faire du bien. J’appuie bien, ça m’passe les nerfs. J’le choppe par l’col.

            -Qui c’était, ce mec ?
            -Va t’faire foutre, dugland, qu’il me sort avant d’me cracher à la tronche.
            -T’veux vraiment jouer à ça ? Là d’où j’viens, quand un gus nous emmerde, on lui arrache les extrémités à mains nues. Par où j’commence, une burne ?!
            -AH ! AH ! ARRETE ! C’EST BON !
            -Tu vois quand tu veux, loulou, allez, accouche.
            -On l’appelle le Broyeur, c’est l’champion de Poiscaille, le patron l’a embauché pour t’faire la peau !
            -Ah ouais, le champion tu dis… Où il est ?
            -J’sais p-
            -Réfléchis bien à c’que tu vas dire, y s’peut qu’ce soit ta dernière parole, qu’j’lui dit en tenant sa langue entre l’index et l’pouce.
            -Il… Il a sa salle où il s'entraîne, c’est tout c’que j’sais ! J’le jure !  
            -Y’a intérêt. Tiens, p’tit cadeau parc’que t’as été sage.

            J’ramasse une bonne boule de merde sans nom que j’lui fourre dans l’gosier. Mange mon grand. Et encore un marron dans t’gueule. Maintenant, au lit. Bon, direction la salle du Broyeur, maintenant. Doucement, par contre... Faut dire, j’ai quand même traversé un putain d’bureau bien massif, sans parler d’la balle ‘core logée dans l’épaule, j’m’en occuperai plus tard. C’pourra attendre.



            Bon, ça m’fait un peu mal d’avoir dû raser les murs comme un faiblard mais bon, quand c’est pour l’bonne cause, j’sais ravaler l’fierté. La bâtisse est pas très grande, assez sombre. Pas d’signes extérieurs qu’il s’agit d’une salle d’sport ou quoi qu’ce soit. J’fais l’tour, t’as des mecs d’vant. Ces cons, en train d’se griller des clopes style de rien alors qu’viennent d’se tuer à la tâche. M’enfin. Y’a un tas d’poubelles sur lesquelles j’grimpe pour avoir un visuel. Eh bah, y’a tout un tas d’glands qui s’trouvent là d’dans, et le v’là qui s’entraîne. Une tripotée d’gringalets sont autour de lui à l’encourager et lui gueuler des trucs incompréhensibles. J’capte rien d’ici, et passer par là dans mon état c’est pas possible. Tant pis, j’passe par devant.

            A l’intérieur, c’t’assez vieillot. Les murs sont d’un vert chiasse d’oie, sol en béton qui donne l’impression d’être en taule. Niveau matériel, par contre, ça l’air d’y aller sévère. Après, j’m’y connais pas des masses, l’minimum quoi. Sacs de frappe, des bancs, barres et compagnie… la totale. Y’a même un ring, eheh. Certains me zieutent bizarrement mais j’profite de l’attroupement d’fanatiques autour de leur saint maître, en train de mourir sous une barre au squat.

            -ALLEZ ! ENCORE UNE VAS-Y !

            -YEUY !
            -POUSSE BORDEL DE MERDE !
            -VAS-Y !
            -RAAAAH ! CHEEEERH !

            On s’croirait au zoo. Bon, dans mon état j’pourrai pas faire grand chose en face à face. J’dis pas qu’j’suis en mauvaise posture, le seul type qui pourrait m’emmerder c’est c’Broyeur de mes deux. Le reste, rien à battre. J’choppe un haltère discrétos et m’faufile dans le tas, nan, j’bouscule plutôt tout l’monde pendant qu’l’est concentré sur son truc. Le miroir en face d’lui m’dénonce, il m’reconnait d’instinct mais à l’temps d’rien. J’suis éclate un genou et lui fracasse le crâne. V’là qui tremble, ses cannes tiennent plus droite et fait tomber l’barre dans un putain d’fracas.  J’lui fais direct une clé d’tête.

            -Enfoiré… qu’il marmonne, le sang coulant le long d’son front.
            -T’as pas frappé assez fort la dernière fois… mon p’tit “Broyeur”.
            -Fous moi la paix, clochard. J’ai fais c’qu’on m’a demandé et basta. J’ai juste fait ce pourquoi on m’a engagé.
            -J’avais bien compris. Mais tu vois, j’suis pas satisfait. On a pas fait les choses correctement, que j’lui dis en resserrant encore mon étreinte.
            -Q-Quoi ?  
            -On a mal démarré, toi et moi. On s’la refait, demain, t’vois bien qu’on est pas en état.
            -Demain ? Mais si t’es là, pourquoi pas maintenant ? Qui m’réponds avec un putain d’rictus plein d’vice.

            Il commence à s’libérer d’mon étreinte comme si de rien et veut s’relever. J’résiste du mieux qu’j’peux mais mes blessures me lancent. C’connard m’envoie un coup d’tête dans l’nez. Un filet d’sang vole, les crevettes derrière nous s’écartent. Bon, Merunes, il lui en reste sous l’capot, et toi t’es dans l’merde. Sa résistance est r’marquable, tout comme sa force. Va falloir la jouer fine. J’fais mine d’’me tenir le nez, tête baissée. Oulalah, j’ai trop mal. Bon, c’est vrai qu’j’en fais une tonne, mais l’choc était pas si rude. Faut dire, la position était pas la meilleure pour décocher un max de puissance. Il s’avance, y s’croit déjà victorieux.

            J’remarque qu’l’est du genre confiant, et pense qu’l’a victoire acquise. Hihihi, tu m’connais mal, moucheron. Allez, avance encore un p’tit peu. A à peu près un mètre d’écart, j’garde la main sur l’visage et m’arrache un poil de barbe. J’le propulse en soufflant d’ssus, direction l’oeil du mastodonte. Ah, ça fait mal, hein ? Ouais, p’tit cadeau d’père Meru. J’m’abaisse et frappe d’nouveau dans l’genou déjà blessé. Il lâche une grimace, bingo. Sa jambe tremble, l’essaie d’avancer mais il douille. C’est là qu’j’me recule tranquillement.

            -J’ai dis demain, ducon, écoute un peu quand j’parle. Maintenant, on est quittes.
            -Salopard… B-bien, demain. Prépare toi à crever, j’te ferai pas d’cadeaux…
            -Hihihi, c’est tout c’que j’attends d’toi, grand. J’me tire, tente rien jusque là ou j’t’enverrai canner dans une benne, même estropié.

            J’pars comme un roi. Maintenant, j’vais m’éloigner l’plus possible du terrain d’Portdragon histoire d’éviter les représailles ou d’me faire voir. Priorité au r’pos, j’aviserai ensuite.

            ***

            Dans un luxueux restaurant, au soir, Alexander Portdragon dîne tranquillement, entouré de sa garde rapprochée et bénéficiant d’une place de choix au sein de l’office. Lustre en verre, table ronde et nappe impeccable, le parrain de la mafia se sent dans son élément. Un établissement tranquille et de qualité. Venant tout juste de terminer l’apéritif, composé d’un bourbon de choix et de quelques délicieux biscuits, un individu inattendu fait son apparition.

            -Je prendrai l’émulsion de hareng avec un verre de rouge, Léopold.

            -Bien, Monsieur.
            -Hum ? Tiens donc, quelle surprise. Bonsoir, Adriana.
            -Toujours fixé à ces bonnes vieilles habitudes, dit la jeune femme en prenant place face au patron, en s’allumant une cigarette. -Léo, une coupe de mousseux, tu seras bien aimable.
            -Eh bien, en quel honneur ai-je droit à ta venue ? Je n’en ai pas été informé, qui plus est.
            -J’ai eu vent de ce qui s’est passé récemment, mes collaborateurs et travailleurs ne cessent d’en parler.
            -Très bien, tu ne passes pas par quatre chemins, j’apprécie.
            -Et j’ai aussi eu vent que le Broyeur a été engagé pour régler son compte à un drôle d'énergumène.
            -En effet, et son cas à été traité tout récemment, il ne causera plus de grabuge.
            -C’est ce que tu penses, très cher. Ton petit stratagème n’a pas fonctionné, il s’est échoué dans l’un de mes motels.
            -N-Nani ?!
            -Juste après avoir été rendre une petite visite au Broyeur, directement dans son antre.
            -Ce primate ne finira donc jamais… Et même Bracard n’a pas été en mesure de le neutraliser… Mais pourquoi me dis-tu cela ?
            -Bien, de ce qu’on m’a rapporté, les compétences de ce sauvage ne sont plus à prouver. Bon nombre de tes hommes sont tombés sous… ses coups. Sauf Bracard, donc il nous reste une petite chance. Je n’ai pas envie que ses actions se répercutent sur mon business, bien que ce ne soit pas dans ses projets, visiblement.
            -A quoi penses-tu ? Nous pourrions aussi faire intervenir la Marine, un coup monté et…
            -Inutile, ça ne nous apporterait que des ennuis.
            -Voilà pour vous, bonne dégustation.
            -Merci, mon bon. Voilà mon idée, un combat à la loyal contre Bracard, dans l’arène, ni plus ni moins. Il le dépasse en force brut, de ce que j’ai compris. Je doute qu’il résiste très longtemps contre lui. Et quand bien même il gagnerait, une fois dans l’arène, impossible de s’échapper.
            -Je l’avoue, cette idée me plaît. Mais quel est mon étonnement de nous voir nous associer face à pareil nuisible.
            -Les moyens nous manquent depuis l’arrestation de Zoubi et du Maire, unissons nos forces le temps de calmer la situation. Si cette histoire venait à être révélée, qui sait ce que la Marine pourrait faire pour encore nous diminuer…
            -Bien, très bien, je vais organiser cela de mon côté, je t’invite à faire de même.
            -Heureuse de voir que nous sommes sur la même longueur d’onde, dit-elle en esquissant un léger sourire.
              J’crois qu’les blessures s’infectent. J’déambule dans l’ville, vers un endroit l’plus calme possible pour vite m’remettre sur pieds et pour p’voir éclater l’aut’ con vite fait bien fait. Y f’sait l’malin, dans son GYM, mais j’l’ai bien déboité à coups d’disques dan la gueule. M’étonnerait qui puisse t’nir un combat dans s’n’état. Au moins, les pendules sont r’mises à l’heure, impossible qui m’fasse chier pendant un p’tit moment. Puis bon, j’pense pas êt’ si mauvais qu’ça pour m’cacher, même si c’pas du tout m’genre.

              Quand j’étais plus jeune, dans l’marais, d’fois c’tait nécéssaire. Genre j’pétais l’gueule d’un phaco’, sauf qu’l’était encore jeune. Du coup s’mettait à gueuler comme une truie et ses parents, quatre fois plus gros qu’lui m’chargeait. Bah là fallait trouver les p’tites tech’ pour pas s’faire marbrer. Se tartiner d’merde, grimper aux arbres, s’coucher dans la boue avec une p’tite branche creuse pendant une heure, l’temps qu’ils s’barrent… Pour ça qu’l’a ville m’fait pas peur. Les citadins pensent avoir maitrisé l’nature, mais l’est bien plus dangereuse qu’eux. Fin, j’crois.

              J’ai v’là la trainée d’sang séchée le long du bras. Y’a plein d’fragments calés dans l’épaule, fais chier. Bon, c’vrai qu’j’suis quelqu’un d’propre, mais sans plus. Si j’me met à r’tirer toute la ferraille à la main, ça va être pire que mieux. J’inspecte l’état d’mes ongles pendant qu’j’marche. Hum, mauvaise idée. Un coup à m’faire amputer. Mais bon, j’croise pas d’épiceries ou d’pharma là où j’suis. Va falloir s’la jouer Docteur Merunes, médecin en herbe. Du coup, j’rentre dans l’première boutique pour trouver du matos d’grand chir’. Du whisky, l’plus fort possible, une pince achetée sur l’tas et du tissu, parfait. Maintenant, plus qu’à trouver un taudis où m’rafistoler, me r’mettre la carcasse en place, aussi. Un p’tit somme, et j’s’rai comme neuf.

              J’pense, j’pense et j’vois même plus où j’avance. J’pense apercevoir l’bout du port, d’vieilles bâtisses abandonnées, et enfin c’qui semble être un motel tout moisi, fin, moisi pour l’commun. Tintouin d’base, j’entre, une chambre siouplait, l’gérant m’file ma clé contre avance et j’monte jusqu’à m’retrouver face à mon palace du moment. J’tourne la clé dans l’serrure, m’saisit d’la poignée. Putain, j’la lâche vivement. Un truc vient d’me piquer, une limaille qui dépassait, vu l’état d’la porte. Boah, juste une p’tite aiguille d’ferraille qui dépasse, j’la vire et la fout par terre. Elle tombe entre deux planches et finit dans l’néant. J’regarde ma main, juste un p’tit point de sang, on s’en fout.

              La chambre est minuscule, une chiure de mouche, l’bordel. Un lit plat comme j’sais pas quoi, une table, fini. Vu l’prix qu’j’ai payé aussi, faut pas qu’j’métonne. Manquerait plus que j’fasse coloc’ avec des blattes ou des souris. Bien, ça m’f’ra d’la bouffe gratos. Allez, pas d’temps à perdre, j’m’assois sur l’lit. J’ouvre la ‘teille, avale une bonne lampée et en verse une sur l’épaule. Pouah, c’te brûlure infâme. J’en verse un peu sur l’bout d’la pince, que j’enflamme aussi pour bien stériliser et cautériser. Les toubib 20 s’raient fier de moi, putain.

              P’tit à p’tit, j’retire les fragments d’balle et les caillasse au sol, bat les couilles. C’est qu’y’en a pas mal, et ça pisse un peu l’sang. Faut j’finisse avant d’refermer tout ça. J’tâche le drap, tant pis. La tête qui tourne, merde. C’normal, j’pas si mal mais ç’fait pas du bien non plus. C’est bon, j’pense avoir tout r’tiré. Maintenant j’fais cramer la pince au possible, on prends une grande inspiration et…

              -YAAAARGH ! BORDEL A CULS !


              Sorti tout seul. V’là qu’j’ai une méga trace noire sur l’épaule. Mais au moins ça saigne plus, j’finis d’nettoyer l’sang, toujours à l’alcool. J’aurai du prendre p’tet un peu plus d’gnôle, la bouteille est presque vide. Un pansement avec l’morceau d’linge, et v’là l’travail. J’ai niqué mes tatouages, fais chier, ça passera. Pour finir, faut que j’me r’foute la mâchoire et les côtes en place, du gâteau. L’un des premiers trucs qu’on m’a appris, dans m’bled. Bagarre, chutes, agression par les bestioles sauvages, l’corps est mis à mal, et les blessures sont légions. Au plus tôt on apprenait à s’déboiter et s’remboiter, mieux l’corps s’habituait pour l’suite. C’fait pas du bien non plus, mais on s’habitue. Parait qu’le pire c’est l’bruit, sordide. Ca m’la jamais fait, mais parait qu’certains se sont mis à vomir ou tourner d’l’oeil au départ. C’est bon, me v’là sur pieds, tout neuf. J’attrape quelques p’tites saloperies à bouffer qu’j’ai pris au passage.

              L’sommeil s’pointe, difficile de lutter. J’transpire, j’ai chaud et la transpi’ coule le long d’mon corps. L’impression d’être dans une source, et pourtant j’suis presque à poil, comme d’hab. J’entends les bruits aux alentours, bizarre qu’ce soit si organique; on dirait j’suis sur un bateau tellement ça tangue. P’têt que c’est l’partie d’chirurgie qui m’a foutu dans c’t’état ? Nan.. Pas possible. Y’a du sang partout mais j’n’ai d’jà perdu bien plus, et j’suis toujours en vie, eheheh. Faut qu’j’ouvre l’fenêtre, aérer un peu. Lève ton cul, Meru, connard.

              Putain qu’c’est dur. Mais j’y arrive, doucement, allez, grouille. J’ai les membres engourdis, même mon zgeg, c’pour dire… Alors qu’j’suis d’bout et tends l’bras pour ouvrir l’vitrail, j’me ramasse comme une quiche. Face contre l’sol, paralysé. J’peux plus rien faire… Un malaise ? Nan… Pas pour ça… J’vais bien, pas malade, ne serait-ce qu- J’retourne ma main et… Putain, l’endroit où j’me suis pris la pointe en voulant ouvrir l’porte, commence à y avoir des nervures brunes qui s’foutent autour. Impossible… Moi, Merunes, j’ai réussi à trouver un truc plus propre qu’ma personne ?! J’y crois pas moyen. A moins que… du poison ?

              J’entends qu’on monte les escaliers, ça discute, des voix d’mecs, bien graves. La poignée s’tourne, et des types sont dans la chambre. J’peux absolument rien faire, mon corps réponds plus, mais toujours conscient. J’vais jouer l’mort, ça vaut mieux. Mais l-

              -Bien joué, Docteur.

              -Hinhin, impossible qu’il ait pu résister à ce que je lui ai concocté !
              -Ah, pour ça, c’était radical. Ca a même pas pris dix minutes.
              -Les fléchettes tranquillisantes que vous aviez utilisées n’étaient destinées qu’à du petit gibier, vu la teneur en précipité paralysant. Ca, c’est du costaud. Quelle fût ma surprise quand Messire Portdragon et Ma Dame Keudver ont demandé mon intervention pour… ça ? Qu’il doit être dangeureux…
              -J’irai pas jusque là, Docteur. Récalcitrant, plutôt. Mais là où il va, il causera plus de soucis à personne.
              -Soit, mon travail ici est terminé, si vous le permettez, dit le petit homme avant de ramasser sa petite valise et s’en aller, nonchalamment.
                -Oh ducon, lève toi.
                -Grmplf…
                -J’ai dis… ON SE REVEILLE !

                J’me prends v’là l’seau d’eau glacée en pleine gueule. Enchainé les mains dans l’dos à une chaise, j’ai fais mine de dormir pendant un p’tit moment pour savoir où j’suis, pas trop moyen d’savoir. J’entends qu’ça gueule et compagnie dans l’fond, y’a du monde près d’ici… Mais d’là à savoir où exactement, difficile. L’plus probable s’rait une cave, vu l’odeur d’humidité mélangée à l’pisse, un régal. Mais, pour l’instant, l’plus urgent c’est l’type d’vant moi. Ces binoclards m’ont même pas attachés les pieds. A croire qu’ils ont pas ret’nus la l’çon. Ils attendent p’têt que j’les bute jusqu’au dernier, ça commence à m’gaver leur partie d’cache-cache, ennuyeux à crever. Surtout qu’j’ai rendez-vous avec le Broyeur. J’ai bien compris qu’les mafieux sont tellements des lavettes qu’un p’tit coup à l’égo les fout en rogne pendant quinze ans. Au bas d’la chaîne alimentaire, c’te bande de gosses. On va leur montrer qui est l’chef une bonne fois pour toutes. Ca va être l’clou du spectacle.

                J’fais toujours semblant d’rien, même si l’contact d’l’eau est horrible. J’suis cong’lé, mais réveillé. Il s’avance encore, j’vais l’terminer fissa. J’ai juste à déplier l’tibia qu’mon talon part à toute balle dans son menton. Un son fort, net et sordide s’fait. s’écrase net au sol, l’a rien pu faire. J’force sur l’noeud qu’il m’ont fait, et à force d’me tortiller et d’tirer d’ssus, j’arrive à m’défaire d’cette merde. Wow… Ca tourne… J’me rappelle du vieil hôtel, comment j’me suis rétalé comme une bouse. Rien vu v’nir, et rien compris à c’qui m’est arrivé. D’la drogue. Exprès pour m’amener là. S’ils avaient voulu m’tuer, l’auraient fait bien avant qu’j’sois ici. Pas besoin qu’ils se cachent. Même si l’mafia a plus trop d’pouvoir ici, pas d’doutes qu’ils aient encore assez d’influence pour m’faire disparaitre. T’as un peu joué avec l’feu Meru, ce tocard de Patriarche a encore d’la ressource pour une vieille carne. Ouaip, j’ai chié sur l’coup. L’égo en prends un coup, m’faire avoir par une bande de hyènes. Perdent rien pour attendre, ces enculés.

                Y’a que dalle dans c’te pièce. Juste moi, lui, et la chaise, et un débarras d’objets aussi pourris l’un que l’autre et une vieille porte métallique. Un type appelle son pote à l’autre bout. Mais pas d’réponses.

                -Qu’est-ce que tu fous ? Grouille.

                J’me colle au mur d’sorte à c’qu’il m’voit pas en ouvrant la porte. Wow, putain, l’drogue fait ‘core effet, ça tourne comme les manège d’Suna Land. Sauf qu’il l’fait pas à fond. Malin, l’p’tit, ou peureux. Simple duel d’force et d’vitesse, même si j’ai l’tête qui tambourine grave et encore pire que c’matin. J’aurai passé la journée complètement déglingué.

                Au moment où il voit son pote dans les vapes, j’le choppe par le col et lui met la main d’vant l’bouche. J’lui fais vite comprendre qu’il va rien comprendre à s’vie si l’ose l’ouvrir pour faire une connerie. J’le garde ‘vec moi, cas où. Une foule… Des annonces…. J’commence à entendre d’l’agitation à mesure qu’j’avance dans c’labyrinthe sombre et qui pue la transpi'.

                -On est où ?
                -Blglrmspf..!
                -ON EST OU ? que j’lui d’mande en gueulant en lui mettant une pêche dans l’ventre.

                J’me rétame la gueule avec lui en mettant rué vers l’avant. J’me r’met sur pieds en m’appuyant contre lui et m’fout contre le mur. S’relève, s’essuit la bouche et s’met sur les g’noux. Putain, mou au point d’galérer contre un gringalet. L’est résistant, tout d’même.

                -Ici, on est dans l-..l’a…
                -Accouche, pas qu’ça à foutre, j’ai rencard.

                Réponds pas, bégaye comme pas possible et baisse la tête.

                *Les ordres étaient clairs ! Il ne doit pas causer d’agitation et être directement emmené sans résister… J-Je d-dois l’arrêter !*

                V’là qu’il sort un p’tit spray d’sa poche et fonce droit vers ma pomme pour en vaporiser. Pouah, j’met la main d’vant la gueule et évite de peu. J’sais pas c’que c’est, z’ont utilisé un truc bizarre t’aleur, hors d’question d’m’faire avoir comme un bleu. J’lève le pieds, difficilement, sans équilibre mais j’réussis à faucher son spray à deux balles qui part s’éclater contre l’mur. L’a peur, l’est complètement pétrifié, c’p’tit merdeux. J’renifle ma main, un truc âpre qui arrache les naseaux, j’recule vivement. Gaffe à c’que j’m’en foute pas dans les yeux ou l’gosier.

                -Dernière chance, j’suis plus d’humeur… J’vais d’voir t’mordre les couilles s’tu m’fais ‘core suer longtemps, minot, qu’j’lui lance en titubant d’vant lui, s’per la crédibilité, bordel.

                Y veut toujours pas m’dire, coulant d’sueur, adossé contre l’mur et la gueule grande ouverte. L’a cru qu’j’’voulais y fourrer mon chibre ou quoi !?

                -L’arène ! On est dans l’arène ! L’arène de Poiscaille.
                -Hum hum !
                -AU SECOURS ! LE CLOCHARD S’EST EV- HM !

                Bah voyons, fallait s’en douter. Fais chier, sale cafard. La cavalerie va s’rameuter fissa. Ca prends même pas deux minutes. Le couloir est bloqué des deux côtés, avalanche de mafieux sur l’objectif Meru.

                -Lâche le, yaro !
                M’dit l’un d’eux alors que j’tiens leur jeune collègue par l’col.
                -C’est vrai c’qu’il a dit ? On est dans l’arène ?
                -Ouais, mais faut toujours qu’t’emmerde le monde quoi qu’tu fasses. Ton p’tit copain t’attends, mais t’étais pas censé faire d’histoires…
                -Eh gnégnégné, pas censé faire ci, pas censé faire ça… Qu’est ce c’qui m’attends, là-bas ?
                -BWAHAHAHAHA ! L’boss a raison, vrai qu’t’es pas finaud, mon con !
                -Qu-Qu-
                -C’EST L’BROYEUR QUI T’ATTENDS ! BIENVENUE EN ENFER, MON POTE !

                J’ai tellement hurlé qu’j’en fais fermer leur gueule à c’te bande d’abrutis finis. M’regardent tous avec un air ahuri d’chez ahuri. J’balance leur pote par le col au sol, qui part s’remettre dans les rangs. Là c’est bon, y’en a marre. J’suis rouge, c’est rare, rare aussi quand j’me met à hurler, z’ont l’air de comprendre l’message.

                -Laissez moi passer.
                -T’as vu dans quel état t’est ? On pourra facilement t’refaire la face, mon gars…
                -Ouais, ouais, j’vous crois. Vous pourrez m’refaire l’gueule à une condition, les tafioles. Qui a déchiré plus d’une vingtaine d’vos gars en même pas une journée ? Qui s’est frotté deux fois au Broyeur, et est toujours sur s’pattes ? Qui s’est fait droguer à j’sais pas quoi et qui tient encore…? HEIN ? QUI ? QUI ? VOUS ?
                -Euh… m-m-ais…
                -FERME TON CLAQUE-MERDE ! Maintenant on va la jouer comme ça. Le premier qui pense p’voir m’refaire la tronche, qu’il vienne. Sinon, vous m’laissez passer, en m’indiquant l’chemin bien sûr. Mais faudra pas attendre, s’personne s’écarte, j’fonce dans l’tas et vous brise comme des brindilles d’vos mères les Reines des mers, PIGE ?!

                Allez, dégagez, putain. Sont tous là sans bouger, j’vois des jambes qui tremblent, des regards s’jettent.

                -C-C’est bon, il t’attends. P-Puis c’c’est vrai, on a r-r-r-ien a v-v-voir avec ça. C’est p-p-par là… ECARTEZ VOUS !


                La masse se scinde en deux. Et j’repars, victorieux, mains dans les poches. Ils auraient pu m’donner du fil à r’tordre, vu m’n’état, j’en suis sûr. L’charisme était m’dernière arme. Faut qu’garde mes forces contre c’Broyeur. L’est fort, mais j’sais pertinemment qu’j’peux l’battre. Moi qui pensait qu’c’t’île avait rien d’spécial, j’suis arrivé jusqu’au bout, pour avec un combat qu’s’annonce rude, mais bien excitant. J’aperçois l’entrée d’l’arène, plus décidé qu’j’amais à en découdre, l’mains dans l’poches et l’regard flingueur. On va voir qui est l’champion d’Poiscaille.

                -BROYEUR ! J’ARRIVE !
                  J’déboule dans un couloir. Au bout, une putain d’lumière qui pourrait m’aveugler d’là où j’suis. Y’a du monde, ça gueule. Un nom bien familier. Allez, plus d’temps à prendre. J’suis excité comme jamais, bordel. J’avance, l’lumière m’aveugle d’plus en plus. Au moment d’passer l’seuil, me v’là arrivé dans l’arène. J’lève les yeux en l’air, les projecteurs m’aveuglent. Fait aussi bien chaud dans l’pièce, ça va pas m’aider, ça, bordel. J’tiens à peine sur mes cannes, ‘spérant qu’ça traine pas trop. Y’a un bon p’tit paquets d’gens, assis hauteur sur les côtés. En face, une grande vitre, sombre. J’distingue pas trop au travers, surement tous les commanditaires d’cette p’tite rencontre. Perdent rien pour attendre, j’irai les r’mercier ‘près tout ça.

                  M’huent tous, rien à battre. Z’attendent leur p’tit champion tout mignon. Au bout d’l’arène, un aut’ couloir d’où j’vois rien. P’tit, à p’tit, une silhouette s’dessine. J’reconnais parfaitement l’carrure, et l’tête qui va avec. Tout pimpant c’lui là. L’a p’têt eu l’chance d’se r’poser et d’être au top, mais c’luxe lui servira à rien. C’bon, j’attends c’combat d’puis trop longtemps. Une journée, p’têt, ‘vrai dire. Tous ces paysans qui gueulent à s’en arracher l’gorge m’cassent les oreilles, l’impression d’avoir la tête dans un seau et l’presque envie d’dégueuler. M’cannes tremblent. Et à m’sure que j’tente d’me concentrer, le v’là qu’arrive à ma hauteur. Bandeau sur la tête, l’fameux marcel et un short. S’est même recouvert les talons et mains d’bandes. Jamais compris à quoi ça servait.

                  -T’m’as manqué, mec.
                  -Toi aussi ! Qu’il gueule en m’pointant du doigt. -J’attendais enfin de pouvoir t’écraser la TRONCHE. Ici, t’es chez moi ! T’vas voir c’que c’est d’se frotter au champion d’l’arène !

                  Y s’met en position en f’sant de grands arcs d’cercles avec ses bras et en soufflant comme un boeuf. Bien c’qui m’semblait, ‘doit pas avoir la lumière à tous les étages, c’grand dadet. J’me démonte pas, j’garde l’mains dans les poches.

                  -Woh ! Eh, j’te signale qu’on s’est d’jà croisé deux fois. Toujours là, hein.
                  -RAAAH !

                  L’entre dans une colère folle, ‘doit se sentir stimulé d’être comme chez lui. Pis doit aussi avoir envie d’me défoncer. Il fonce vers moi en beuglant comme un dingue et  tenter un crochet du droit qu’j’esquive d’un pas sur l’côté.. J’l’admet, l’est rapide pour s’gabarit; Mais sur c’plan, j’le dép- Putain, il s’est direct r’mis sur ses appuis pour renvoyer une droite, au niveau du bide. J’recule d’instinct mais perds un peu l’équilibre.

                  La tête qui tourne, merde. V’là qui r’vient à l’charge en bondissant avec un troisième coup d’poing. Dos au mur, j’peux que parer en mettant m’garde pour amortir l’impact sur ma gueule. J’valse sur l’côté et bouffe l’sable. Pouah, l’enculé m’a envolé, y’a pas d’autres mots. J’tente de r’prendre mes esprits, affalé sur l’ventre pendant quelques p’tites secondes. L’impression d’être sur une coque d’noix en pleine tempête, infâme. La foule gueule, me hue, j’quitte le sol instantanément. M’v’là soulevé à deux mètres d’hauteur.

                  Hein ?! J’pensais qu’il allait m’balancer comme un sac à merde; mais il me saisit, droit comme un piquet la tête en bas. Tout l’monde gueule son nom, j’me r’trouve ceinturé et foutu à l’envers. M-merde, l’estomac est pas d’accord j’crois…

                  -HAHAHA ! VOILA CE QU’IL EN COMPTE DE DEFIER LE BROYEUR !
                  -BROYEUR ! BROYEUR ! FINIS LE !
                  -LE MARTEAU PIL-
                  -Blurgh…

                  Oh, pas pu m’ret’nir. Ca fait deux jours qu’j’suis dans l’gaz tellement j’picole. Sorti tout seul, v’là qu’un gros tas d’gerbe jonche l’sable.

                  -Ridicule ! Tu crèveras dans ton vomi, dans c’cas, ça m’est égal !



                  Dans la loge des parrains de la mafia locale, confortablement installés dans leurs canapés, côte à côte.

                  -Un pari risqué, mais tu en étais consciente, je présume. Tu t’es fait prendre à ton propre jeu, dommage.
                  -Hum… Lâche Keudver en tirant une bouffée de son porte-cigarette.
                  -Encore une victoire gagnée d’avance pour Henry. Pauvre homme, mourir de la sorte… Voilà ce qu’il en coûte de se frotter à moi, Alexander Portdra-
                  -Tu parles un peu trop vite, non ? Regarde bien, ses jambes bougent.
                  -Que neni, simplement le relâchement des nerfs; ça arrive freq- HEIN ?!



                  -Grmmplfpf !

                  Pas passé loin. J’sais pas si j’dois être content d’fait qu’ce soit du… vomi qui m’a sauvé les miches ?! On est sur du sable, au moment où l’a voulu m’planter dans l’sol, le tas d’gerbe a amorti l’choc contre l’sable, qui sans ça se serait tasser jusqu’à former une surface aussi dur qu’l’béton.J’ai quand même l’caboche enfoncé profondément dans la merde. J’remue comme j’peux les jambes et prend appui sur mes bras pour m’déloger. J’décolle et effectue des pirouettes dans les airs pour r’tomber d’bout.

                  J’vais faire gaffe, et en finir vite, en fait. A l’sous-estimer, c’est un coup à m’faire buter fissa.

                  -Q-Quoi !? Mais c’est pas possible ! Personne est jamais sorti d’vivant mon Marteau-Pilon ! RAAAH ! Tu m’énerves ! L’boss a raison, t’es increvable, L’EMMERDEUR !

                  J’dis rien, trop concentré à ce stade. J’pense juste à m’passer l’bras sur l’gueule pour essuyer toute la merde que j’me suis prise. Les ch’veux en pétard, dégoulinant d’dégueulis. J’ai qu’une envie c’est d’le marbrer comme y faut. Il m’fonce dessus, tête baissée, prêt à m’saisir comme un lutteur.J’saute par d’ssus, mais l’a bien calculé l’coup. Tente d’me chopper en s’redressant mais j’le baise avec l’habileté d’un chat. Lui est debout, bras en l’air pour avoir tenté d’me chopper. J’me met en position d’poirier pour poser les mains juste derrière lui, et redresser direct les jambes pour éviter son étreinte. Me v’là dos à lui, en poirier, j’regarde la même direction.

                  J’lui saisis l’cou avec les pieds et force en m’arquant l’plus possible pour lui faire perdre l’équilibre. Il résiste, mais l’manoeuvre l’étrangle en même temps. ‘Culé va, tu vas déguster pour m’avoir foutu l’gueule dans la mélasse. J’donne une impulsion sur mes mains et lui décoche une mandale avec toute ma détente. Lâche, ducon, lâche. L’impression d’voir taper sur du caoutchouc. Mais l’coup fonctionne, ‘perd l’équilibre, l’bougre, c’est l’moment. Il trébuche, j’ai l’corps plié comme un putain d’arc, en sueur, dents serrés a essayer d’bouger c’te masse. Y m’m’anque pas grand chose… Tant pis, désolé m’gros, rien d’perso, j’veux gagner. J’ouvre la gueule en grand et l’mords aussi fort que j’peux,à l’endroit où j’viens d’le cogner. Il gueule, ça y est, c’est bon, j’vais l’avoir !

                  Et tout s’passe très vite. Dans un énorme fracas, j’reproduis à peu d’choses près c’qu’il m’a fait juste avant. Tiens, ducon, tes techniques moisies j’te les rends, et j’te déboite avec. Enorme silence. Z’ont tous cru qu’j’allais m’faire éclater comme d’un rien. La dégueule m’a r’mis sur pieds, ça a p’têt évacuer la merde qu’ils m’ont injecté.

                  -Alors ? Ca fait quoi d’être un poteau ? Ah, c’vrai, t’peux pas répondre.

                  J’fais d’mi-tour, tranquille. Ca m’insulte, ça m’jette des trucs, rien à battre. J’savais déjà qu’j’allais pas m’fouler contre c’type mais plutôt contre tous les cafards qui m’ont empêché d’faire les choses b-

                  *BOOM*

                  -J’t’ai dit qu’ici, j’étais l’champion, t’as pas l’air d’avoir pigé !

                  Juste l’temps d’faire un volte-face que j’suis frappé au visage d’plein fouet. Réaction normale : j’décolle. J’râpe sur l’sol et peut même plus l’ver l’ptit doigt. Les lumières au plafond m’grille les yeuz’. L’impression qu’on m’a fendu l’crâne. J’sens un truc qui m’coule sur la gueule. Mon sang, ça m’aveugle, putain. Allez, lève le bras, essuie c’que t’as sur l’tronche. Pouark ! Encore c’truc, m’est resté sur l’bras. Ca brûle à mort !

                  Y fonce, ses deux poings s’écrasent sur l’sol, qu’j’évite d’une roulade arrière. L’sable se soulève, il dégage tout en fonçant comme un buffle. En saisie, l’bâtard ! L’choc est rude, j’parviens à l’retenir mais r’cule d’plusieurs pas, jusqu’à enfoncer mes panards dans l’sable.

                  -Bon sang ! Il l’a arrêté ! S’exclame Portdragon, se dressant de son siège, esquissant un air ahuri. -Et- Pff ! Nous n’avons encore rien vu, tu vas vite perdre ton sourire…Le broyeur est plein de ressources.  Dit-il à Keudver, tranquillement installée à observer le combat, lui se rasseyant , tantôt inquiété.

                  -Impressionnant , microbe ! Vraiment, t’as de la ressource ! Mais j’en ai marre, assez joué com-

                  A c’moment, j’sais que j’vais gagner. Pourquoi ? Bah c’est super simple. On est en pleine saisie, s’il use d’sa force jusqu’au bout, risque que j’cède. Par contre, l’a oublié la partie la plus molle du corps. Eh ouais m’gars, t’en fais quoi d’tes couilles ? Et boum, j’passe d’un coup en grand écart latéral tout en m’dégageant d’sa prise. Uppercut dans les oeufs, j’fais pas gaffe à si ça pète ou pas, un peu dégueulasse en vrai.

                  Mais l’castagne c’est l’castagne. Tout est bon pour péter une gueule… On m’a appris comme ça, et j’fais comme ça. Il ouvre la gueule en grand, d’un coup. Ses yeux s’retournent, y bave. J’suis juste en d’ssous lui, encore, j’me dégage d’une p’tite roulade entière et r’tombe sur mes pattes. Lui bouffe le sable, le cul en buse.

                  La foule gueule, j’entends d’tout. Ca va du “tricheur, connard” à “Woooh, c’est l’nouveau champion de Poiscaille !!!” Mais merde à la fin, champion d’quoi… d’une arène qui pue la moule ?! Deux fois, même.

                  J’me tourne vers la grande vitre, vers les maîtres du clebs que j’viens d’démolir. Mine de rien, c’t’ait pas facile. On m’gaze la gueule, on veut m’défoncer avant l’grand combat… Pf, aucune manière chez cette armée d’brindilles. J’mal partout, aux côtes, au crâne, les g’noux tremblent… Mais c’est pas fini… Nan… Pas fini...



                  -Ce combat m’a tout l’air d’être terminé, Alexander.

                  Le parrain est littéralement estomaqué, sa mâchoire inférieure atteignant presque le sol, à l’idée de céder la quasi totalité du fond de sa “fortune” à sa rivale de toujours, suite à l’accord passée concernant l’affrontement.

                  -Maintenant, passons à la caisse, tu veux ? dit-elle, tirant une longue bouffée dans son porte-cigarette.


                  Le vieil homme véreux n’en revient pas ses yeux, on sent que dans tout cet étonnement se cache tout de même la recherche d’un ultimatum, la dernière change qui pourrait lui permettre de triompher in extremis. Après tout, ces années d’affaires illégales lui ont fait rencontré bien des hauts et des bas quant à la tenue de ces finances. Eh bien c’est pareil dans les problèmes de la vie : on trouve toujours des solutions. Et quand il n’y en a pas, eh bien il y a de l’espoir.

                  -Angelo, allez chercher les lions en urgence, bouclez tout le périmètre ! Retenez le, il ne doit pas partir !
                  -Patron, le dernier a été vendu la semaine dernière, rappelez-vous.

                  C’est ce qui pouvait presque se lire dans ses yeux ronds comme des billes, jusqu’à la ruine totale. Quand…. comme sorti tout droit des tréfonds du désespoir, une minuscule lueur… Vraiment minuscule.

                  -REGARDEZ ! LE BROYEUR SE RELÈVE ! ET CE SAUVAGE A LA NOIX NE S’EN R- ATT- ATTENDEZ…. POURQUOI IL SOURIT ?!



                  J’les regarde, tranquillement. J’vois l’ombre d’mon p’tit pote qui s’étend derrière moi. Bah évidemment qu’tu t’relèves. Tu crois qu’j’men suis jamais pris dans les burnasses ?! J’sais exactement c’que tu vas faire, et c’est c’que j’appelle…

                  STYLE AMAZONIEN : LA RUEE !

                  D’puis tout p’tit on m’a entrainé à canaliser la douleur à c’niveau là. Parce que ça fait tellement mal qu’t’as seul envie c’est d’te relever et foutre le type en pièces. Sauf qu’non, à c’moment t’es tout sauf concentré. Bah ouais , tu vas m’foncer d’ssus dans trois s’condes, et j’en ai besoin que d’deux pour t’faire roupiller un p’tit bout d’temps. J’ai mal partout, mais j’peux p’têt faire un dernier p’tit effort pour toi. V’là c’que j’appelle… le fer de lance.

                  J’saute et m’lance en spirale pour faire volte-face dans les airs en r’tombant sur les mains. L’impact fait mal, l’sable ça rape et ça m’lance dans les côtes. Faut bien garder les g’noux fléchis pour qu’l’esquive passe en douceur. Il veut me saisir et m’casser en deux comme un ours, sauf qu’en passant sous lui encore une fois, j’tends l’pieds et vient l’caler avec tout c’qui m’reste entre la glotte et la mâchoire. Ca loupe jamais dans ces cas là, le v’là, l’fer de lance.

                  -T’aurais pu arrêter direct, gros. Mais j’aime pas les salopes qui tentent dans l’dos. Bah v’là, du coup.

                  Tout s’est passé super vite. J’eu l’impression qu’c’était même pas moi qui commandait, c’est passé super vite.     Cette fois, y tombe bien, trop bien même. La gueule qui claque bien au sol, ça rate pas. J’ai mal partout et j’entends des putains d’cris d’guerre qui viennent du tunnel. C’est tous les types qu’j’ai gérer juste avant, ils r”viennent.

                  J’dois détaler, j’suis plus en état, y m’reste plus qu’une chose à faire.

                  Exploser la gueule de Portdragon.


                    J’détale sec, tout l’corps m’lance, c’t’affreux bordel J’fuis par l’aut tunnel. J’ai pensé à grimper, mais impossible. Murs trop lisses, ‘pis si ses chiens m’rattrapent… Plus l’temps, alors j’fonce dans l’tunnel d’en face. D’moins en moins d’lumière... j’cours, j’entends l’foule, du sang m’coule sur la gueule et m’aveugle. Eux aussi, rentrent, j’me r’tourne pas, j’cours. Même si c’est l’galère. T’es entrain d’fuir n’empêche... ducon. J’titube, j’manque de m’péter la gueule dans c’couloirs sombres. Y s’rapprochent… Mal jaugé l’situation. J’l’ai eu, lui aussi m’a eu, “déloyal”, p’tain. Bien grand mot. Ces microbes ont r’tournés l’situation, m’ont eu à l’usure.

                    -IL EST LA, CHOPEZ LE !

                    -M’AUREZ JAMAIS !

                    -COURS, ON VA FINIR PAR T’AVOIR.

                    A force d’courir, j’arrive dans des couloirs plus éclairés, avec une grille au fond. D’la lumière. C’est ça ou rien ducon. Allez, du nerf… cours, t’y es presque, la sortie. J’me met à hurler d’rire en traçant, les nerfs.

                    -LE LAISSEZ PAS PASSER !

                    Une fois passé c’grille, j’la referme d’un grand coup d’pied, d’instinct. L’métal froid nique mes pieds nus et déjà flingués, ensanglantés. J’enfonce la serrure d’un nouveau coup, qui m’défonce une fois d’plus. Ces connards s’entassent comme des morts, crachent, m’insultent, tous armés. Tarderont sûrement pas à la défoncer. J’recule, doucement, presque content d’avoir gagné c’combat, j’admire ces crevards, l’sourire au lèvre.

                    Et putain qu’j’suis pas assez attentif, des types étaient là, derrière, tapis, prêt à m’sauter d’ssus. L’un d’eux m’choppe par derrière en gueulant. M’étrangle avec un bâton, d’autres se rameutent et m’tabassent par devant. J’prends un méchant coup au nez, du bruit, j’vois plus rien. Ca pardonne pas, l’nez, une fois qu’ça cogne t’vois plus rien. Le groupe bloqué en profite pour forcer l’truc, d’coup. J’tombe, j’suis rué d’coups, j’capte que dalle. Mais ces bâtards m’ont fait mal. Trop mal. J’réunis mes forces pour m’protéger et leurs latter c’que j’peux pour m’relever. Tibias, genoux, couilles, j’mords, j’me roule par terre.

                    Tout c’qui est bon pour m’redresser. M’ont mis à bout, j’supporte pas d’m’être fait étaler comme ça. Ces types m’arrivent même pas à l’cheville. Ca m’fait chier. La grille éclate. J’ai les bras et l’gambettes totalement à l’ouest. M’encerclent, j’bouge plus. Pas un qu’ose s’ramener maintenant. Sont tous là, c’est là qu’tu t’sens seul. Et jusqu’à maintenant, j’étais trop gentil. Trop sympa’ d’me dire qu’c’est des couilles molles, qui faut y aller mollo. Mais que dalle, c’est presque si j’regrette d’avoir brisé l’autre con de t’aleur…

                    Z’ont l’nombre, moi l’force. J’prends plus d’pincettes, ç’va piquer pour tout l’monde.

                    -Si on t’touche c’est pour t’refaire la gueule, puant !
                    -Le mec tu l’choppes il glisse, s’lave au goudron !
                    -Tu crois qu’c’est du respect pour soi ?! Clochard !
                    -Emmerdeur !

                    L’plus courageux avance. Pas l’temps. J’veux faire face. J’perdrai pas m’fierté contre c’gros tas d’merde. J’regarde même plus, un coup et j’brise. Ca craque, autour et en moi. C’est d’bonne guerre, j’frappe comme un singe. Ca suffit pas, ça suffit plus. J’gueule et tape les yeux fermés. Au plus j’gueule, au plus ça donne la force. J’me sens attrapé, encore. Z’en finissent pas, ‘sont partout. J’suis enseveli. J’respire plus. Nan, nan, j’ai pas fini. M’auront pas comme ça, j’vais tout d-

                    -Messieurs ! Un peu de tenue ! Est-ce loyal d’affronter un seul homme de la sorte ? Qui plus est, en attendant la moindre faiblesse... comme des rapaces.

                    Bordel, j’me s’rai cru au théâtre. Z’étaient au moins cinq à m’étrangler et m’compresser la tronche, g’nou au sol quand une femme s’pointe, clope au bec. Keudver, et son légendaire duo d’boulets. Ca m’fait toujours c’t’effet. L’espace de deux s’condes, j’oubliais la vingtaine d’type qui m’écrase.

                    Derrière elle, une armée d’gars aussi. Plus nombreux, p’têt l’double. En bien meilleur état, et mieux armés. Faut dire, les rumeurs disaient qu’elle avait pris du galon, m’étonne pas…

                    -Ca vous r’garde pas ! annonce le meneur du groupe.
                    -Pardon ?! Votre patron a envoyé son champion. Il est actuellement en train de se faire soigner, entre de bonnes mains.
                    -Ouais ! Et alors ?! C’est terminé, on a des ordres !
                    -Je viens récupérer le mien.

                    Elle m’regarde droit dans les yeux, me sourit et… s’barre ?! Ces gars restent, j’vois dans leurs yeux qu’z’ont la dalle. Ca va partir en cacahuètes, fissa. A m’sure qu’elle part tranquillement, ses clébards avancent. C’est l’choc, on s’croirait sur un champ d’bataille en l’espace de cinq minutes, bordel. C’est l’moment. Elle sait que j’veux son rival. Manière d’agir pour un intérêt commun ? Mon cul. Il est à moi. J’profite de la pagaille pour briser ceux qui m’ont fait l’plus mal. J’vais tout râtisser, et l’dégoter. L’soleil commence à s’coucher. Quelle journée d’merde.



                    En périphérie de la ville, dans une maison parfaitement anodine. L’habitation est plongée dans le noir. Le mobilier est absolument modeste, rien de superflu.

                    -Monsieur, nous devons partir ! chuchote un homme en levant sa torche, montant la garde, anxieux.
                    -Oui, Angelo, patience ! Il reste encore la cache dans la seconde pièce, veux-tu ?! ordonne faussement Portdragon.

                    Il en profite alors pour continuer à vider le coffre incrusté dans le mur, après s’être assuré que son fifre le plus fidèle -ou plutôt l’un des derniers encore vacant- était à côté, il s’en garde un peu de côté. Sûrement avait-il promis une grosse somme à ces derniers naïfs en cas de garde rapprochée rondement menée.

                    -Angelo, j’ai fini, rejoignons les autres et partons ! chuchote-t-il en se dépêchant, sacs en mains et les poches pleines. Angelo ?!

                    En se dirigeant dans l’autre pièce, il aperçoit la torche habilement posée dans le creux d’une table. Aucune vacillation de l’ombre ne s’est produite, personne n’aurait pu être alerté de quoi que ce soit. Tout se passe très vite. Le parrain aperçoit son homme de main dans le coin de la pièce, lâche immédiatement la monnaie et dépêche sa pétoire de secours.

                    ...

                    -Va pas s’réveiller, qu’j’lui dans un autre coin sombre.

                    Se r’tourne vers moi, j’suis plus rapide et lance un couteau pile dans l’flingue. Même pas l’temps d’presser l’détente. J’m’approche doucement, qui puisse m’voir. J’suis crevé, les yeux humides, couvert de bleus, d’coupures et d’sang. J’ai cette putain d’cicatrice encore fraiche à l’épaule, hinhin. J’approche, encore. Y trébuche et s’pète la gueule.

                    -Les deux dehors aussi ?!
                    -Aussi. C’t’ait bien joué, tout ton manège. Ton champion était nul, par contre.
                    -B-bon dieu ! Tu n’veux donc pas mourir ?! Q-Qui es-tu à la fin ? Qu’est ce que tu veux ? C’est mon argent que tu veux ? Tiens, prends tout ce que tu v-

                    Y tente un mouvement, j’lui écrase le bras. Y gueule, j’m’abaisse et lui couvre la bouche. J’le relève et lui flanque le front dans le nez. Cadeau.

                    -T’es cuit. Si c’pas moi, c’est ta collègue aux gros nibards. Sinon, les bleus.
                    -J’en ai enc-core quelques uns dans la p-

                    J’lui remet un direct dans le ventre, j’appuie bien. P’tite remontée, j’le tiens par la tignasse pour pas qui m’fasse d’ssus. On va pas abuser.

                    -T’es ruiné, connard. Tout l’monde le sait. Depuis qu’le maire est plus là, c’t’ait plus qu’une question d’temps avant qu’tu déchantes. J’ai fait accélérer l’choses, héhé. T’as voulu joué, c’fini maintenant. T’iras t’rendre chez les bleus, d’toi même. En disant que “comme t’es une lopette, mieux vaut arrêter l’massacre”. Plus d’hommes, plus d’pouvoir. Manqu’rait plus qu’j’démolisse ton manoir.

                    J’le regarde, yeux dans les yeux, tremblant, y m’supplierai presque.
                    -Tu m’fais pitié, qu’j’lui dis en le lâchant. -A quoi ça sert…

                    J’fais demi-tour. Ouais, j’pense qu’j’ai eu c’que j’voulais en réalité. Maintenant que j’le vois, à quoi bon lui taper d’ssus. Pff, m’a énervé sur l’coup, j’lui en voulais à mort d’avoir joué avec moi comme ça. Mais j’ai déjoué tout ça, et aujourd’hui j’suis d’vant lui, encore sur m’pieds. J’ai gagné. J’me casse.

                    Alors que j’fais demi-tour, il bouge d’un coup pour retourner s’emparer d’son arme. J’aurai du m’douter au final. Putain, quel con j’viens d’faire y’a deux s’condes. Il tire une fois, l’coup rate, j’fonce vers lui et lui met un sale coup d’pied dans l’bras. Encore une fois il geint, veut s’excuser et supplier, mais c’est fini. J’lui envoie une rafale de poings monumentale. J’l’envoie dans l’décor et m’écroule presque tellement j’y ai foutu d’la vigueur. L’a mérité. Pour toutes ses mesquineries. J’fauche un cigare, le craque et commence à tirer des grosses bouffées. Dehors, y fait noir. J’suis fracassé, j’dirai pas nan à une bonne ‘teille, tiens. Ah, et demain j’me barre de là.

                    Pas grand chose d’intéressant, finalement.