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La Justice est subjective

- EMMA ! BOUGE TOI L'CUL !
- J'arrive ! Arrête de crier, tu veux ?!

   Je ne crie pas, j'extériorise !
   Sérieusement, quelle est l'andouille qui a cru que c'était une bonne idée de m'envoyer, moi, au beau milieu de MON enquête, vérifier que tout allait bien à Enies Lobby ?! Tout ça parce que des types SUPER qualifiés ont peur qu'on veuille faire évader le futur condamné, un certain Nolan Brettus. J'ai d'ailleurs toujours sa fiche sous la main, accoudé au bastingage du navire qui nous emmène en direction du lieu de la sentence.
   Il a un sacré palmarès le bougre : ancien chef d'équipe du CP8, un meneur et un combattant hors pair qui a bien servi le Gouvernement, avec des résultats toujours très satisfaisants... Jusqu'à ce qu'il craque et retourne sa veste. Il est devenu hors-la-loi, suivi par certains de ses hommes, a fondé l'équipage des Parias, ni vraiment pirates, ni vraiment révolutionnaires, a remis en cause l'autorité du GM sur Grand Line jusqu'à être enfin arrêté, seul. Il comptait fournir à l'Armée Révolutionnaire des renseignements confidentiels...
   Rien que ça.
   
   Mon assistante, Emma Skull, arrive enfin vers moi en réajustant ses lunettes et une sacoche à bandoulière sur l'épaule. Elle a l'air énervée... Je me demande bien pourquoi. Mais je ne suis pas d'humeur à lui poser la question :

- Et Braham ? Il est où ?
- Il était en train de discuter avec le timonier quand je l'ai croisé.

   Brandon Braham, formateur du Cipher Pol sur Lone Down, ancien agent vétéran, véritable maître dans son art... Il nous fait l'honneur de nous accompagner pour cette mission. Je dois avouer que pouvoir profiter de son professionnalisme me rassure un peu : avec de la chance, toute cette histoire sera terminée plus vite qu'elle n'a commencé et je pourrais retourner vaquer à mes occupations comme je l'entends sans avoir de compte à rendre à cette satanée Miss-je-sais-tout.
   Je parle bien évidemment de Clara Loft, Lady du quartier des fonctionnaires et directrice de Roublard, le centre de formation pour agents caché sur l'île inversée. C'est d'ailleurs elle qui s'est laissée convaincre par le vieil agent de m'envoyer avec lui sur l'affaire. Il semblerait que Brandon tienne à s'occuper de cette mission et, faisant partie malgré moi de ses chouchous, il n'a pas trouvé mieux que de m'embarquer dans son histoire afin d'être sûr d'avoir l'autorisation de reprendre du service.
   "Une pierre deux coups" qu'il disait ! Grâce à ça, j'allais peut-être attirer l'attention...
   Le genre de chose dont je me passerai volontiers !

   Le vieux bonhomme arrive à son tour : aussi grand que moi, presque aussi charismatique, il dégage une force intimidante et l'expérience se ressent derrière chacune de ses rides. Il en a déboîté, des mâchoires, et bien plus que moi c'est certain ! L'air très sérieux, il me lance :

- T'es prêt gamin ?
- Faut bien. On va pas tarder à accoster.
- T'as pas l'air ravi...
- Si, c'un honneur...

   Je me retiens de dire ce que je pense. Intrigué, le vieux jette un regard interrogateur à la binoclarde, laquelle hausse les épaules et soupire :

- Il est encore vexé de ne pas pouvoir terminer son autre enquête.
- Il la finira en rentrant, j'ai confiance.
- Quand j'commence un truc, j'le finis ! C'est tout !
- C'est bien d'être pointilleux, mais il faut aussi avoir le sens des priorités pour se prétendre perfectionniste.
- Ouais mais...
- Tu sais qu'il est trop tard pour reculer gamin, n'est-ce pas ?

   J'ai tout de suite senti la menace derrière la question rhétorique. Si jamais j'ose répliquer de travers, j'allais avoir droit à une séance d'entraînement personnalisée en rentrant. Autrement dit : une séance de torture.
  Comme si j'avais eu le choix de toute manière... Il y a des fois où je me demande s'il fait vraiment ça parce qu'il m'apprécie.

[...]

   Nous passons la première enceinte, puis la seconde. Le laisser-passer de mon supérieur du moment nous ouvre la voie vers l'intérieur du palais de justice, là où se trouve le Tribunal Suprême. Nous passons devant bon nombre de soldats, tous faisant partie des deux divisions affiliées à la sécurité et au respect de la loi sur le territoire quasi-saint. Le cheminement vers les portes du bâtiment central se fait lentement, cerclé par des troupes aussi tendues que la culotte de mes catins.
   Dans le décor, je reconnais des hommes à l'allure mystérieuse... Des agents, tout comme nous. Certainement les autres membres du CP5 ainsi que les assassins du CP9. Autrement dit : ça ne rigole pas, côté surveillance. Tout le monde est sur le qui-vive. Les rumeurs sur l'évasion sont prises avec beaucoup de sérieux. L'ambiance générale suffit à me mettre dans le bain : je me mets à observer tout et n'importe quoi, soupçonnant n'importe qui, écoutant n'importe quelle conversation au passage, dans l'espoir naïf de déceler une anomalie.
   En somme, toute cette mise en scène nourrit ma paranoïa et c'est mauvais pour ma santé.

- Nous n'allons pas tarder à la rencontrer.
- Qui ça ?
- La personne la plus importante ici. Lady Raven.

   J'en ai entendu parler avant de partir. La fameuse Lady raven, Juge Suprême d'Enies Lobby, élue il y a peu mais reconnue par tous pour son palmarès particulier : à ce jour, tous ceux qu'elle a jugés ont été reconnus coupables.
   Je peux presque entendre Brandon grincer des dents. Il est aussi crispé que les autres... Je me demande bien ce qui peut perturber autant un type de sa trempe. Je suis maintenant très curieux de savoir qui est cette Lady Raven...
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- P-Pitié ! Tout mais pas ça !

   A peine la grande porte du tribunal ouverte, nous assistons à ce qui semble être la fin d'un procès à l'issu fatale. Une tribune remplie, quelques jurés figuratifs, un pauvre bougre aux jambes qui flageolent, des gardes armés et, en haut de son perchoir, vêtue de noir et le regard incisif, une femme charismatique dont l'aura semble recouvrir toute la salle... J'ai d'ailleurs l'impression que l'air est plus dense à chaque pas que je fais.
    Un vieux chnoque assis derrière son bureau ose lever la tête vers celle qui dirige, marteau en main :

- Votre Honneur, il est vrai qu'il est coupable. Mais mérite-t-il vraiment cela ? Les membres de la Cour pensent que...
- Qui donne le verdict final, ici ?
- Eh bien... C'est vous mais...
- Dans ce cas, ma parole fait acte. Qu'on l'emmène.
- Je vous en prie ! Je ne recommencerai plus ! Plus jamais ! C'est promis !
- Non, c'est certain.
- Je ne veux pas mourir... Ec... Ecoutez-moi...

    Et voilà que le prisonnier se met à chialer toutes les larmes de son corps... Il trempe si vite son habit que l'eau imbibe le tout jusqu'à son entrejambe... A moins qu'il ne soit pissé dessus, la peur ayant eu raison de ses efforts.
    Je peux jurer que la Juge sourit depuis son siège. Elle continue de fixer le malheureux avec une satisfaction non-dissimulée... Ce qui a pour effet d'alourdir encore plus l'atmosphère. Braham soupire lorsque la porte se referme enfin sur le condamné et demande à un garde proche :

- La sentence cette fois ?
- Oh une pendaison... C'est la dixième de la journée.
- Et on l'accusait de quoi ?
- De vol à l'arrachée avec récidive.
- Bon... J'imagine qu'il avait été prévenu la première fois.
- Mouais... Bien sûr.

    Mais je n'écoute pas ce qu'ils disent. Mes yeux sont rivés sur cette femme. Ses lèvres pincées, rougies par un baume léger ; sa peau pâle comme la mort ; ses cheveux d'un noir de geai, parfaitement ordonnés ; ses courbes discrètes mais entendues ; ses yeux gris, froids et perçants ; la façon qu'elle a de se tenir, droite et fière... Tout chez elle est fait pour être admiré. Plus je la regarde et plus j'oublis le reste. Je ne vois qu'elle. En faisant fi du reste, j'entends presque les battements de son coeur, simulés par les tapotements de son marteau sur le socle de bois. Elle est sublime. Elle incarne tout ce que je recherche : force, peur, prestance, grandeur... Elle ferait une reine idéale.
   Elle s'impatiente. Elle tourne la tête vers les jurés, puis vers le public... Lorsqu'enfin elle tombe sur moi elle s'arrête. J'ai alors l'impression que quelque chose m'empoigne le coeur et l'étrangle. Je suffoque mais ne tremble pas. Je reste là, tétanisé, contemplant l'illumination. Encore un peu et mon âme s'en ira la rejoindre...

- Dorian... Tu nous fais quoi là ?

   La chute est brutale. Mon esprit revient à la réalité et je tourne la tête vers celle qui en est la cause. Emma me fixe comme si j'étais une sorte d'étrangeté. Ça a le don de m'irriter :

- Y a un problème ?
- C'est toi le problème : t'étais totalement ailleurs ! On aurait dit quelqu'un d'autre. Tu avais l'air si... Si...
- Séduisant ?
- Bête. Un vrai zombie.
- ... Venant d'toi ça fait mal. Vraiment.

    Tu vas voir ce que tu vas recevoir en rentrant. Compte pas sur moi pour toucher à un semblant de paperasse durant le mois qui vient !
    Le vieux Braham nous fait signe d'approcher. On nous invite à nous présenter devant la Juge qui n'a pas changé d'expression : sérieuse et froide... Y a pas à dire, elle me fait un effet monstre !

- Nous sommes la branche de Lone Down. Nous souhaiterions être mis au courant des nouvelles si vous le permettez.

    Brandon est tendu mais le ton employé est parfait. Ça fait bizarre de le voir aller droit au but, lui qui est devenu féru de parlote avec l'âge ! Comme quoi, le professionnalisme a du bon.
    Après quelques secondes durant lesquelles Lady Raven nous a sondés, celle-ci finit par acquiescer et se lever, nous invitant à la suivre. Ensemble nous quittons le tribunal pour rejoindre les escaliers. Nous montons jusqu'à atteindre l'étage des bureaux officiels et longeons un immense couloir, conçu à la manière d'un balcon, jusqu'à atteindre une pièce à la fois grande et luxueuse. Les quartiers de l'Inéquitable sont à son image : empreints de prestance et de superbe.
   Alors qu'elle s'approche de son fauteuil en velours, et sans aucune raison particulière, je me baisse pour chuchoter à l'oreille d'Emma :

- A ton avis, c'est quoi son genre de mec ? J'suis comment ? J'ai un truc entre les dents ?

   D'abord elle semble surprise, puis choquée, puis terrifiée. Elle fait mine de reculer, comme pour éviter une possible contamination et me dévisage d'un air grave :

- Tu commences à me faire vraiment peur là !
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- Il n'y a pas grand chose à dire : Nolan Brettus sera condamnée pour ses crimes, sans aucun doute. J'y veillerai personnellement.
- Le Cipher Pol pense pourtant qu'une intervention extérieure risque de...
- Le Cipher Pol est composé de paranoïaques et de vicieux compulsifs. Ce n'est pas une insulte, c'est de notoriété publique. Qui suis-je pour aller à l'encontre des faits ?

    L'ironie dans sa voix est presque palpable. Elle n'a que faire des "on dit", mais sait s'en servir pour tourner la conversation à son avantage :

- Ce sont d'ailleurs les faits qui empêcheront l'accusé de s'en sortir. Mieux : s'il est avéré qu'on vienne le faire libérer, il entraînera avec lui plusieurs criminels. N'est-ce pas merveilleux ?
- Certes... Mais j'ai appris en arrivant qu'on a attenté à votre vie il y a moins de vingt-quatre heures...
- QUOI ?!

   Tout le monde se tourne vers moi. J'ai les yeux exorbités et la bouche grande ouverte. L'information me prend de court. Finalement, Lady Raven hausse les épaules et soupire :

- Ma vie n'était pas en danger à proprement parler... J'ai préféré laisser de côté ce détail sans importance...
- Permettez-moi de juger quel détail a son importance ici, votre Honneur. On parle d'un acte d'un gravité extrême, puisqu'il a eu lieu ici, à Enies Lobby.
- Et je suis là, devant vous, pas plus effrayée qu'hier et pas plus dérangée par la charge qui m'incombe. Vous devriez savoir que je ne suis pas du genre à me laisser tuer bêtement, agent Braham.
- En effet...
- Attendez un peu... On a vraiment tenté d'vous tuer, vot' Honneur ?
- ... Et vous êtes ?
- Agent Silverbreath. J'assiste le vi... L'agent Braham pour cette mission.
- C'est un homme compétent.
- Je vois. Eh bien oui, il y a eu tentative. Il y a eu même eu menace, si vous voulez tout savoir. Au point où nous en sommes...
- Des menaces ?

    Madame la Juge sort alors un bout de papier de sous une pile de dossiers. Nous l'examinons soigneusement :

Anonyme a écrit:Laissez tomber les charges à l'encontre de Nolan Brettus* Ceci est notre seul avertissement.

   Il n'y a évidemment pas de signature. Je tourne et retourne la feuille pour y déceler autre chose mais ne trouve rien. Je regarde Brandon, lequel semble songeur. Je réfléchis à mon tour et, à force de relecture, finis par trouver un semblant d'indice, bien que maigre. A en juger par le regard de mon supérieur, il semble que nous soyons tombés d'accord :

- De ce que nous savons, Nolan est devenu capitaine d'un équipage de pirates, anciennement ses équipiers du CP8... Cette note n'a pas été écrite par l'un d'eux.
- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- D'une part, cela aurait d'mandé beaucoup d'préparation et de risques pour l'un d'eux, malgré leur passif d'agent, de s'introduire dans vos quartiers et vous r'mettre cette lettre. Et par courrier, elle aurait été interceptée d'toute manière.
- De plus, les agents connaissent les codes d'écriture de chaque section. Pour le CP8, il s'agit d'une étoile à la place du point, dessiné de façon à le rendre presque imperceptible... Cela sert à reconnaître les notes importantes. Souvent, cela provoque des déformations professionnelles. Ici, on voit bien une étoile à la fin de la phrase.
- Dans ce cas, c'est...
- Impossible que ce soit un membre de son équipage : ce serait stupide de leur part.
- Ce s'rait comme crier haut et fort "On arrive ! L'un de nous vous a déjà infiltrés alors tenez-vous bien !"... Pas la chose la plus maligne à faire.
- ... La personne qui l'a écrite ne peut pas non plus être membre de la Révolution. A moins qu'ils soient au courant pour le code d'écriture.
- Autrement dit, l'coupable est quelqu'un qui travaille avec Nolan et la Révolution, qui connait les habitudes du Cipher Pol mais peut pas en être un, à moins d'être un idiot fini... C'qui nous laisse peu d'choix... Et pas forcément cohérents... Sauf si les personnes en question s'sentent intouchables ?
- J'aime la façon dont tu penses !
- Et vous penser à quoi ?
- A des personnes haut-placées. Suffisamment pour savoir déchiffrer les notes du Cipher Pol et entrer en relation avec qui bon leur semble.

    Pendant un moment, le silence est pesant. Tout le monde intègre l'information comme il le peut... Je m'en remets assez facilement, sans doute parce que je ne doute pas des magouilles internes du Gouvernement Mondial, étant moi-même un habitué de la chose. Emma - qui avait profité d'être laissée sur le banc de touche pour enfourner une nouvelle pâte à mâcher - n'ose même plus mastiquer. L'angle de ses lunettes empêche de voir ses yeux, rendant son visage indéchiffrable.
    Brandon Braham affiche un air particulièrement sévère. Il doit certainement espérer se tromper. Quand bien même : ce ne sont que des suppositions basées sur quelques mots et un morceau de papier. L'hypothèse d'une menace irréfléchie n'est pas exclue.
    Il n'empêche qu'on a réellement tenté de s'en prendre à la Juge, d'après ses dires et ceux d'autres personnes sur place. Je devrai prendre exemple sur mon supérieur et discutailler avec qui veut pour dénicher le plus d'informations possibles. Le jugement de notre criminel n'a pas lieu avant un bon bout de temps et il y a toujours une personne infiltrée entre ces murs. J'inspire un coup, bombant le torse devant la sombre Dame et salut l'assistance :

- J'pars devant pour enquêter. Braham : j'vous laisse poser les questions qui s'imposent à tout un chacun. Emma : avec moi. J'ai b'soin d'toi...
- ... Tu as vraiment besoin de moi ?
- T'sais bien qu'la diplomatie, c'pas mon truc.
- Oh...

   Elle semble déçue. Allez savoir pourquoi. Jamais contente ces donzelles !
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J'arpente les couloirs de la Cour de Justice depuis presque une heure. J'ai interpellé quelques agents, quelques fonctionnaires, un ou deux magistrats et même un soldat en garnison à l'entrée. Tous m'ont répondu la même chose : "On n'en sait pas plus que vous. Aucun suspect n'a été remarqué." J'en viens à croire que le mieux est bel est bien l'ennemi du bien. Trop d'yeux pour surveiller valent moins qu'une paire de jumelles discrètes.

- Ça rime à rien ! J'ai pas d'idée...
- La personne qui a fait ça n'a laissé aucune trace. Le Cipher Pol est tendu.
- Et ça l'rend contre-productif ! On peut pas poser des questions en avançant à l'aveuglette, c'est stupide.

     Une sonnette aiguë mais brève retentit alors, annonçant la pause déjeuner pour l'ensemble du personnel. Plusieurs individus quittent leurs bureaux ou leur poste pour se diriger vers le réfectoire, au rez-de-chaussée. Les escarméras suivent du regard le troupeau des représentants de la Loi et une idée me vient alors.
   Sans prendre le temps de la prévenir, j'entraîne Emma en la chopant par le col et marche d'un pas rapide en direction de la salle de surveillance.

- Si c'est pour un rencard, c'est d'accord. Mais demande-le moi simplement la prochaine fois !
- Arrête tes bêtises : on va vérifier un truc.
- Ça va nous prendre longtemps ?
- ... T'as pas faim j'espère ?

   En guise de réponse, elle lâche un long soupir résigné.

    Nous passons les deux gardes après avoir décliné notre identité, saluons les surveillants à l'intérieur du local et je commence à poser les questions qui s'imposent : Qui se trouvait devant les écrans à l'heure de l'attentat ? Quel escarméra filmait ? Peut-on vérifier la mémoire de la bestiole ? Y a-t-il eu une anomalie, même minime ? Ce à quoi on me répond des banalités. Rien qui ne sorte de l'ordinaire n'a été signalé... Sauf peut-être un changement de poste entre deux gardes, à cause de la présence d'un invité de marque.
    Je fronce les sourcils et demande le nom du-dit invité. Les gardes se zieutent d'un air gêné et répondent ensemble "Aucune idée, secret gouvernemental". Ce à quoi je réplique que les secrets, ça me regarde. Mais pas un n'en démord et nous nous retrouvons à la case départ. Je fulmine avant de regarder à nouveau les écrans :

- Et ce changement de poste, vous l'avez vu j'suppose ?
- En effet. Ça c'est passé devant ce bureau.

    Le garde m'indique un point sur la carte, à l'étage où se trouve Lady Raven. Voilà qui est intéressant...

[...]


    Nous approchons du bureau sus-mentionné. Devant lui se trouve un type, seul. Un jeunot aux cheveux châtains en train de pioncer à moitié, avachi sur son fusil et moins imposant que la plupart de ses homologues. D'abord énervé par ce manque de professionnalisme évident, j'esquisse un sourire - plus proche de la grimace qu'autre chose - et le hèle avec énergie :

- Hoy l'ami ! Qu'est-ce que t'fais là ? T'es pas en pause ?
- Arf... Salut... Nan je suis de garde jusqu'en fin d'après-midi. Tant que le procès de Nolan Brettus a pas lieu, je ne bouge pas d'ici...
- Tséhéhé... Y en a qu'ont pas d'chance... Tu permets que j'entre ? J'suis en pleine enquête et j'ai besoin d'interroger la personne à l'intérieur.
- A l'intérieur ? Parce que vous savez qui c'est ?
- Non, c'est justement c'que j'veux découvrir.
- Ben... Ma foi, faudra repasser : elle est partie manger. Ou alors, essayez de la choper au réfectoire.
- Mmh... Faisons ça. T'voudrais pas nous accompagner ? Histoire d'nous montrer à quoi elle ressemble.
- Mais... C'est que j'suis de garde...
- Blablabla... Des excuses ! Tu gardes que dalle à cette heure ! Dis-toi que c'est pour l'bien de l'enquête !

    Le jeune homme au regard mort nous fixe pendant quelques secondes, d'un air indéchiffrable. Il finit par hausser les épaules en se grattant l'oreille :

- Puisqu'il le faut...
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- Et là, elle lui a répondu quoi ?
- Que tous les hommes sont des porcs et qu'elle préférait vivre seule avec son cochon bipède !

   J'éclate de rire. Les blagues d'hybrides sont les meilleures y a pas à dire ! Je suis bien content d'être tombé sur ce type - un certain Jon - car malgré son apathie flagrante, il connait pas mal d'histoires divertissantes. C'est bien ce qu'il manquait à cet endroit d'ailleurs : de quoi se fendre la gueule, et pas dans le vrai sens du terme. Encore un point à approfondir lorsque je prendrai Suna Land.
    Emma nous suit, moins emballée que moi par la compagnie du soldat... Remarque peu de choses l'emballent. C'est dommage. Elle est pas moche, pas top-model non plus, ses lunettes lui vont parfaitement et appuient son caractère consciencieux, ses longs doigts sans corne ni coupure sont ceux d'une femme délicate... Versée dans l'art d'empoisonner les gêneurs. Avec un brin d'efforts, elle pourrait être attirante. Mais c'est Emma. Et j'ai d'autres chats à fouetter que d'éveiller la féminité d'une tueuse morose.
   Nous continuons d'avancer, approchant des escaliers menant au réfectoire plus bas. Nous allons bientôt passer devant une porte différente des autres. J'interroge Jon :

- C'est quoi là ?

    Celui-ci a réduit le rythme, jusqu'à se mettre au niveau d'Emma. Je le surprends à lui chuchoter dans l'oreille tandis qu'elle l'écoute, impassible. Il lève alors la tête, un demi-sourire sur le visage et répond :

- Un ancien bureau reconverti en zone d'archivage. Cet étage a été complètement remanié il y a quelques temps de ce que j'ai appris en prenant mes fonctions. Et ça tombe bien ! Il devrait y avoir des documents sur les faits qui vous intéressent : tout ce qu'il se passe en ces murs est rédigé et trié ici-même... Même les arrivées et sorties d'Enies Lobby.
- Oh ? Alors ça c'est d'la veine ! On y fait un tour Emma ! J'veux vérifier un truc avant d'interroger notre gus.
- ...  Compris.

   La main sur la poignée de la porte, je frémis et me retourne. Quelque chose dans la voix de ma partenaire m'a paru étrange. Ce n'est pas le genre de réponse auquel elle m'a habitué jusqu'à présent. Je constate qu'elle a toujours le regard dans le vague. Pris d'inquiétude, j'ouvre machinalement la porte et pose un pied à l'intérieur de la salle. Je fixe un temps le fond jusqu'à m'habituer à l'obscurité. Et ce que je vois me laisse bouche bée : des toiles d'araignée, des balais, des seaux...

- Un placard à balais ? Qu'est-ce que...

    Je ne finis pas ma phrase. Je me sens... Bizarre. Mon esprit s'embrouille, mes yeux se plissent et mes muscles se ramollissent. Je perds peu à peu mon énergie et mes capacités cognitives. Une voix derrière moi demande alors :

- Entrez à l'intérieur et fermez les yeux. Vous y serez bien. Je vais fermer, histoire qu'on vous laisse tranquille... Si tant est que les explosions ne vous atteignent pas.

    Et à partir de là, c'est le trou noir.


[...]


- Dorian... Gamin ? Hé ! Dorian réveille-toi bon sang !

    J'ouvre les yeux sous le coup de la surprise et de la douleur. Au dessus de moi, le vieux Braham me colle des baffes avec ses mains calleuses pour me faire revenir du monde des rêves. Je m'apprête à répliquer mais un bruit sourd m'arrête : celui d'un coup de canon, au loin.
    Tout à coup, tout refait surface.

- Cet enfoiré ! Brandon : c'est c'foutu garde qui...

   Il me fait signe de me taire :

- Toi, t'as trouvé l'espion sans le savoir. Il t'a envouté avec du color-trap. J'ai vu des traces de peinture grise répandues bizarrement sur la poignée et au sol. On en parlera plus tard, pour l'instant... C'est la merde.

    Je ne sais pas ce qui est le plus déroutant : se faire rouler dans la farine malgré la paranoïa ou entendre ce vétéran du Cipher Pol déclarer "C'est la merde". Je ne sais pas combien de temps il s'est écoulé depuis mon black-out mais ça a suffit à faire évoluer les choses d'une drôle de façon !
   Je remarque Emma Skull derrière moi, la main sur la tête, comme prise de migraine. Elle est aussi déboussolée que moi. Jon a dû l'avoir lorsque je rêvassais, l'espace d'un instant. Elle était sous son emprise lorsqu'il lui chuchotait à l'oreille...
   Ce salaud est doué. Je n'ai rien senti chez lui. Aucune animosité, aucune intention malveillante, pas même un semblant de danger... Son jeu d'acteur était parfait.

- Il y avait un autre gars avec vous dans la pièce : un soldat sans son uniforme. Sans doute celui dont il a substitué l'identité. Il était dans un état déplorable. Ça devait faire un moment qu'il était là sans avoir rien bu ni mangé.
- On s'en fiche de ça : pour l'moment qu'est-ce qu'y s'passe ?
- Nous étions en chemin pour la Cour. Le procès de Nolan allait commencer... J'ai vu que tu n'étais toujours pas arrivé alors je suis parti à ta recherche. C'est là que les canons ont commencé à tirer et que les alarmes ont retenti : Enies Lobby est devenu un champ de bataille.
- ... Rien que ça ?

    Je me redresse, aide mon assistante à se relever et sort de la pièce suivi par le vieux Braham. De nouveau dans le couloir, je m'approche d'une des fenêtres donnant vers l'extérieur du bâtiment pour constater les dires de mon supérieur. Plusieurs navires canardent l'entrée de la place de Justice, au niveau de la Première Enceinte. Plus proches de nous, certains hommes se battent juste au pied du Tribunal Suprême. Difficile de dire qui sont les ennemis : tous arborent le même habit gouvernemental !
    Les rebelles n'ont pas chômé. Je ne sais pas comment ils ont pu franchir les lignes de sécurité aussi vite et en si grand nombre aussi facilement, mais cela reste un exploit remarquable... Et une sacrée honte pour le Gouvernement Mondial.
    Pas le temps de s'extasier devant le spectacle. Je me tourne vers Brandon :

- Elle est où Lady Raven ? Et Nolan ?
- Je l'ignore. Sans doute toujours à la Cour de Justice principale. Mais avec tout ce qu'il se passe... Mieux vaut se séparer à nouveau. Cette fois restez sur vos gardes ! Et demandez assistance à tout agent que vous croiserez !
- Bien r'çu. On y va Emma !

    De l'action enfin...
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- Emma !
- J'y vais.

    Comme l'avait dit le vioque, c'est la merde : les portes d'entrée viennent d'être enfoncées et, le temps que nous arrivions en bas, l'ennemi était déjà à l'intérieur... Autre chose étrange : la présence de dégâts et de blessés près des autres escaliers, de l'autre côté de la pièce. Etant à l'opposé des portes, leur dégradation me semble hors contexte. Soit l'espion est venu foutre le bordel pour faciliter l'arrivée des siens, soit...

- Oy ! C'est quoi c'souk ? Y a des hommes à terre là !
- Nolan a profité de la confusion pour se libérer !
- Il était pas enchaîné ?!
- Un traître l'a aidé...
- CHIOTTE ! Et Lady Raven ?!
- Ils l'ont emmenée, je crois...
- PUTAIN D'MERDE !

   Je le savais ! Faut que je retrouve cet enfoiré de Jon ! Mon assistante est partie rejoindre les gardes et les quelques agents sur place pour stopper l'avancée des hors-la-loi. Je la vois s'emparer d'un flingue et tirer sur un rebut au moment où il parvient à entrer.
    Je m'apprête à poursuivre le condamné et son complice quand j'entends une explosion. Je tourne la tête et respire un nuage de fumée et de poussière, lequel me pique les yeux et me fait tousser fortement. Emma a reculé, comme beaucoup de nos alliés d'ailleurs. D'autres n'ont pas eu cette chance et gisent au milieu des débris. En face, de nouveaux intrus font leur entrée. Certains sont déguisés en hommes du gouvernement, mais la plupart s'apparentent davantage aux pirates. Au centre de ce groupe d'intervention, un duo qui se démarque en raison de son calme : une femme en tenue de médecin et un homme avec une queue de cheval et les mains dans les poches. Celui-ci ouvre la bouche :

- Bon bon bon... Il va falloir nettoyer mieux que ça si on veut récupérer le capitaine. Du nerf les gars !

    Ses sbires se mettent à brailler, comme enhardis par la force "évidente" de ses mots. Ils se jettent dans la mêlée, tirant droit devant eux et sabrant tout ce qui passe à portée. De rares imprudents tombent sous leurs coups, le reste se replie derrière tout ce qui peut servir de couvert, l'imposant autel de justice au coeur de la salle étant le plus propice à cela. Je sors mon propre pistolet et élimine un hystérique avant de faire signe à Emma de me rejoindre.
    Je remarque alors une silhouette s'élever dans les airs, sans aile. Je reconnais la femme-médecin et aperçois des sortes de fioles dans ses mains. Elle les jette alors en direction des retardataires parmi nos hommes.
    A peine les projectiles ont-ils touché le sol qu'ils explosent, soufflant plusieurs malheureux au passage !

- Emma ! T'es où ?!

    Un autre nuage de poussière obstrue mon champ de vision et la tueuse à lunettes est à l'intérieur. Je commence à serrer les dents quand enfin je vois une femme vêtue de noir et de blanc courir dans ma direction, en réajustant les verres devant ses yeux :

- C'est pas passé loin... Tu t'es vraiment inquiété ?
- Evidemment ! On remplace pas une binoclarde avec des talents pareils pour le meurtre en claquant des doigts !
- Oh...

   Et elle fait encore la gueule. C'est vraiment tout un art chez elle !
   Mais nous n'avons pas le temps de respirer : le deuxième type s'envole à son tour et sort de ses poches deux autres explosifs qu'il jette à son tour. Cette fois, personne n'attend de savoir ce qui va en résulter : tous ceux proches des lieux de chute quittent leur cachette pour échapper à la mort - ou à la défiguration.
    Ceux-là maîtrisent le rokushiki... Ils font partie du groupe de traîtres ayant suivi Nolan Brettus lorsqu'il a quitté le Cipher Pol. Ce simple fait les rend dangereux par rapport aux criminels qui s'agitent sous leurs pieds. Ils commencent à redescendre pour éviter les balles de nos alliés.
    J'en profite pour dire à Emma :

- On s'occupe d'ces oiseaux-là.
- Et comment tu veux t'y prendre ?
- Facile : ils sont là pour Brettus.

    Je tousse une fois, je gonfle mes poumons et je gueule :

- Retenez ces déchets ! On part s'occuper de cet abruti d'Nolan !

    Je prends l'assassin par le bras et monte les escaliers où sont partis Jon, le condamné et la Juge. Un simple coup d'oeil en arrière me permet de confirmer que les deux anciens agents se sont lancés à notre poursuite. Logique : même s'il s'agissait d'un bluff, ils ne peuvent se permettre de courir le moindre risque pour que la libération ait lieu.
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PAN !

    J'ai sorti mon pistolet doré, Solution, afin de freiner l'avancée des deux ex-agents. Sans succès... L'homme se rapproche dangereusement et sort une nouvelle fiole. Je ne sais pas quel genre de produit il y a à l'intérieur, mais ce n'est certainement pas de la poudre pure : la fumée qui en résulte est abondante et particulièrement opaque... Heureusement elle n'est pas toxique. Il n'empêche que nous redoublons d'efforts pour mettre de la distance entre eux et nous.
    Lorsque le traître à la queue de cheval lance son explosif artisanal, je tente un nouveau tir dans sa direction, la ratant de peu cette fois.
    Au moment ou le produit entre en contact avec le sol, nous bifurquons juste à temps pour continuer notre ascension des escaliers jusqu'au deuxième étage . Le souffle manque de nous renverser, mais nous tenons bon. Emma tente un regard en arrière mais le nuage qui se forme à l'endroit de l'impact rend difficile de discerner quoi que ce soit dans le virage.
   Jusqu'à ce que quelque chose fende la fumée, déformant l'air et fonçant sur nous. Je pousse Emma d'instinct, cherchant à m'assurer davantage d'espace pour bouger. Je parviens à me pencher suffisamment pour éviter le coup... Du moins en partie : une taillade se forme sur mon épaule. Le responsable apparaît à son tour, très vite suivi par sa compagne au visage à moitié couvert. Je ne sais pas jusqu'où s'étend leur maîtrise du rokushiki, mais à en juger par le pistolet à silex que le premier porte à son ceinturon, et la technique utilisée à l'instant, j'imagine à quel point il sera difficile de l'approcher.

    Alors que nous cherchons à rejoindre le troisième étage, l'homme s'élance et, après quelques bonds rapides dans les airs à l'aide du geppou, parvient à nous couper la route. Alors que je freine pour mieux le mettre en joue, Emma me bouscule :

- Attention !

    Et je me retrouve à terre, à l'entrée de l'énorme couloir Est. Ma partenaire quant à elle est contrainte de reculer vers l'Ouest, aux prises avec la femme-médecin. Au moment de me redresser, l'autre se place sur mon chemin et me balance un nouveau rankyaku, que j'esquive en roulant sur le côté. Je tire dans sa direction, mais le temps que j'appuie sur la détente, il est déjà sur moi et tente de me perforer de son index. Geppou, rankyaku, soru, shigan... Admettons qu'il connaisse les six formes. Cela le rend extrêmement difficile à vaincre.
    La fuite a échoué, l'affrontement prend une nouvelle tournure... Je commence à sourire discrètement. On va pouvoir s'amuser un peu, lui et moi.
     J'attrape son poignet de ma main libre avant qu'il ne me transperce et cherche à l'allumer. A bout portant, les risques de rater sont moindres ! Mais il ne se laisse pas avoir : d'un simple bond, le voilà qui se contorsionne, de sorte à effectuer un début de salto, le bras toujours coincé. Mais rien ne rompt ! C'est comme si son corps était devenu flasque...
    Il termine son kami-e en me donnant un coup de pied sur le sommet du crâne, m'obligeant à le lâcher. Je me relève et me reçoit un autre coup dans l'estomac cette fois. Je cherche à répliquer, sans succès. Je sors mon couteau et attend le prochain assaut... Qui ne vient pas ! L'autre s'est écarté pour me viser une nouvelle fois. J'ai à peine le temps de faire un pas de côté et de tirer à mon tour. Les balles se frôlent mais aucune n'atteint sa cible.
    Ce type est casse-pieds ! Je veux bien que le couloir soit très large, mais sa marge de manoeuvre est abusée ! Je ne suis pas du genre à apprécier les règles, mais là...

- On va rendre les choses intéressantes, ça t'dit ?

    Je range mon pistolet, ce qui l'intrigue l'espace d'une seconde. C'est d'ailleurs la seule dont j'ai besoin, car sans crier gare, je me jette sur lui et dissipe les trois mètres qui nous séparent. Il n'est pas le seul à pouvoir utiliser le soru.
    Étonné, mais pas distrait, il parvient à esquiver le coup de couteau que je lui réservais. Il sort le sien et manque de me trancher la gorge. S'ensuit un échange de frappes et de gestes que beaucoup d'artistes martiaux qualifieraient d'éliminatoires. Mais voilà, dans la vraie vie, on ne fiche de la façon de faire, tant que l'autre finit étalé au sol, les entrailles à découvert. Je parviens à bloquer son pied d'un tekkai au bon moment et il copie l'exploit dans l'instant qui vient. Puis nous reprenons à nouveau de la distance, une autre attaque à distance arrive, ainsi qu'une autre roulade de côté, puis un coup de feu, un crochet, un uppercut, une balayette... Tout se passe très vite, mais le niveau de concentration que nous avons atteint, couplé à l'adrénaline qui circule dans nos veines, fait paraitre le temps bien plus long.

- Tu te débrouilles.
- T'as d'bons restes aussi pour un traître.
- ... Finissons-en.
- Avant ça, j'aim'rais bien savoir ton nom.
- Pourquoi faire ?
- D'habitude j'me fiche de savoir qui j'tue, mais toi tu sais y faire ! Question d'principe.
- ... Gustav Sweinberg.
- Eh ben Gustav... Pourquoi vouloir sauver Nolan ? Cet idiot s'est fait prendre. Les gens pas prudents sont faibles, donc remplaçables.
- Fais attention à ce que tu dis.
- Sans rire ! Y a bien une raison, nan ?

     L'homme à la queue de cheval me toise d'un air énigmatique. Impossible de savoir ce qu'il a en tête. D'un geste vif, il lève son pistolet mais j'étais sur mes gardes. Un pas de côté suffit à me mettre hors de danger.

- Tss... Je ne pense pas que tu comprendrais.
- Essaie toujours.
- Nolan est un homme bien. Il faisait son travail, parce qu'il le jugeait indispensable au bien-être du Gouvernement, et donc de tous... Mais ce n'est qu'un joli mensonge. Il a donc choisi de se battre pour la bonne cause.

    J'entends bien ce qu'il dit. Je vois où il veut en venir. Mais pour quelqu'un comme moi, qui suis dans une situation opposée à ce Brettus, c'est un concept mystérieux. Je lui lance un sourire mauvais, toutes dents dehors :

- T'as raison. J'comprends pas du tout.

    Et nous revoilà partis pour nous en mettre plein la figure.
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