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Du remous

Midi. Plein soleil. Plein cagnard. Elvis marche, se traine péniblement sous les rayons brûlants. Un chemin de croix. Il est crispé par l'agression, autant mentale que physique qu'il s'impose. La lumière le malmène, sa démarche laborieuse le trahit. Une vie nocturne, ça laisse des séquelles. Le jour le marque de sa clarté despotique. Et ça le rend hargneux. Terriblement hargneux. Ses pognes closes dans leurs poches ne demandent qu'à être dégainées, pourtant il ne décolle pas son œil du bitume. Bras de fer dans les profondeurs Son esprit et son instinct sont en lutte. Trouver du grabuge, filer droit. Dilemme auquel il se familiarise. Une vie à bastonner sous mille et un ciels, ça use, ça lasse. Il est en droit de réclamer sa pension au fond des cogneurs anonymes. Mais son entêtement vient d'ailleurs. Il n'est pas du genre à prendre la retraite. Sa ligne directrice a pris un virage radical. La violence l'appelle toujours mais il ne la reconnait plus comme la solution. Y'en a t-il seulement une ? Vingt ans à répandre la tempête, pour rien ? Pire, par égoïsme ? Ça vous ébranle un homme, même lui. Le bûcher furieux qui le dévorait s'est résorbé, digéré par le temps. Il a évolué en un tas de braises muettes. Adieu le crépitement incessant, la tornade des flammes insoumises. Ne reste que ce foyer endormi, toujours mordant, mais occupé à ronger une autre cible : lui-même.

Il ne sait pas vraiment ce qu'il fout en ce lieu. Son quotidien le malmène, l'envoie s'échouer ici, puis là. Il a toujours vécu dans le conflit, et là, en refusant de s'y adonner, il découvre le sevrage comme un vulgaire accro. En résulte un profond dégoût pour lui-même, pour sa faiblesse face à ses pulsions et pour cela, l'endroit désolé qu'il arpente lui semble tout à la fois un parfait bagne et le reflet exact de ce qu'il est aujourd'hui. Une ruine. Il se découvre une sympathie pour cet environnement égrotant, pas tout à fait mort mais qui flirte avec la ligne rouge. S'il était désert, l'endroit mériterait qu'il y dépose son baluchon et y trouve asile. C'est tout ce qu'il mérite. Mais il y a les gens.

Encore, toujours. Ces vils petits serpents que rien n'empêche de ramper. Leur détresse n'a pas éteint toute vilénie. Elvis hésite. Acculés ainsi, ne se livrent-ils pas plus à leurs infâmes desseins ? Délivrés de la crainte de perdre. Pourtant, il ne fond pas comme une épidémie sur ces carcasses repoussantes. Assister à ce théâtre de la décadence, c'est son purgatoire. Il admet cette sanction parce qu'il est le seul auquel il accepte encore de porter atteinte. Un retour de karma pour avoir joué au redresseur de torts sans rendre de comptes à qui que ce soit toute ces années. D'ailleurs, a-t'il seulement agi dans l'intérêt commun, ou simplement pour assouvir un besoin viscéral ? La duperie ne prend pas. Il n'est pas de ceux qui travestissent la vérité, se mentent pour mieux lécher leurs blessures. Lui, il assume et il encaisse.

Combien de temps s'abandonner au supplice ? Jusqu'à s'accepter de nouveau, il imagine. C'est un début d'autocritique et son inexpérience dans ce domaine l'oblige à se perdre en hypothèses. Difficile de repartir du bon pied quand on n'a aucun indice sur la direction à prendre. Il trouve un certain plaisir dans cette flagellation et c'est bien là son seul défaut. Un jour, quelque part, l'horizon rouge et acide se déchirera pour lui offrir une foi nouvelle. Une croisade. Alors il reprendra le sentier du devoir. La certitude acquise qu'il est désormais aux commandes, qu'il se contrôle, qu'il active l'ouragan au lieu de subir son impact.

Pour toutes ces raisons, Elvis marche les mains dans les poches.

Pourtant, rien ne peut être trop facile quand on cherche la rédemption et déjà, un furoncle rongé par l'herpès et l'alcool vient se caler devant ses grolles. Pour tester son engagement et parce qu'il est très con.

T'as un blouson, mecton, l'est pas bidon, qu'il nasille en le bouffant du regard.

Elvis n'est pas une vitrine. Il n'a jamais été comestible. Toujours ce foutu soleil qui plombe. Silence gênant. De son œil valide, le Fauve braque le perturbateur. Un paquet de mouches à merde gravitent autour de lui. Sa jaquette sert de casse-dalle aux mites. Tout un écosystème bien en place.

Hé, j'te parle!

Les mots se répandent comme un bidon d'essence. Manque qu'une allumette. Une foutue allumette et il rechute. Crack. En un battement de cils. L'air lui cuit la peau. Il se lacère les deux paumes en plantant ses griffes dedans. Le loffiat s'impatiente. Jusqu'à ce qu'un éclair de bon-sens le transperce. La crainte se referme sur sa gorge. La noue. L'air se tarit. Quand Elvis défouraille, il sursaute.

Tiens. De toute façon, j'avais chaud.

Elvis accroche son perfecto sur la tête-manteau du parasite et reprend sa route. Les mains à l'air libre. Plic ploc font les gouttelettes de sang.

Un gros nuage vient surplomber l'avenue. Un dédommagement.
    RP réalisé dans le cadre d'un bonus récompense.


    Chapitre 1. Réalité et bonne étoile.
    Episode 3. Du remous.

    ☽.ϟ.☾


    Une arrivée brutale. Mais je m'en étais bien sortie. J'avais plus la tête aux hommes poissons. La seule chose à laquelle je pensais, c'était me trouver un truc à manger. Et bien sûr, rien à l'horizon. Quel endroit de merde.

    L'île était pas belle. Goût personnel mais partagé, je supposais. Mais est-ce qu'on pouvait vraiment qualifier ce bout de terre d'île ? Ça ressemblait plus à un tas de sable chaud et de ferraille dérangé par les vagues salés de l'océan : une sorte de no man's land où grouillaient des âmes, errantes, perdues.  Y'avait pas d'habitations, pas de commerces à première vue, et j'allais devoir chercher pour me dégoter un truc à graille.

    La pêche. C'était une bonne idée, mais c'était pas adéquate à mon profil. Les vagues étaient hautes.  Les vagues étaient fortes. Les vagues puaient la noyade. Et j'imaginais pas le nombre de bestiaux à attendre qu'un blaireau se penche trop près du rivage pour le gober. Ici, on avait plus pied après deux pas.

    Mains dans les poches j'ai d'abord pensé demander à un lascar de m'éclairer. Mais y'avait pas grand monde sur cette plage. Et quand j'ai eu l'impression que tous ceux qui croisaient mon regard s'adonnaient au cannibalisme, j'ai rapidement éjecté l'idée. Soupire profond. J'avançais pas, et ça m'énervait de stagner. Très vite, la soif allait arriver, le soleil allait me calmer, et la faim de butter. Je pouvais pas mourir sur cette vielle île.

    Un gars qui traînait pas de la patte. Qui semblait savoir où aller. Et pas aussi dégueulasse que ces présumés autochtones. D'un coup d’œil au loin, j'avais dégoté mon lascar.

    Je me suis mise un petit coup d’accélérateur pour l'atteindre. Un petit trot. Mais rien que quelqu'un qui marche plus vite que la moyenne ça se repère de loin. Alors je me suis calmée, essayant de me rapprocher discrètement de l'étranger. Aie. Crampe à la cheville. Mais merde, j'étais vraiment un sale cas. Je me suis arrêtée deux secondes, inutiles, pour respirer. Pressée, j'ai continué, et merde, je me suis dis que j'avais intérêt à me remettre au sport quand toutes ces conneries seraient terminées.


    « Excusez-moi monsieur. Vous n'avez pas l'air du coin mais... »

    Il m'a regardé un long moment, des yeux flippants. Gênée, j'ai cru que j'allais me barrer en courant, mais j'ai quand même réussi à finir ma phrase.

    « Est-ce que.. est-ce que vous savez s'il y a un endroit où manger par ici ?
    - Non désolé. »

    Une moue déçue formée sur mon visage et un profond soupire. J'avais juste envie de rentrer chez moi, à l'abris, au chaud. Petit reniflement du nez.

    « Ecoutez, je sais qu'il y a un camp de reconstruction ici, c'est pour ça que je venue sur cette île. Ça vous direz de m'y accompagner ? »

    Directe la gonze. Confiance, confiance. Rien à perdre, et il avait du muscle pour se défendre le bonhomme. Alors autant essayer d'y gagner quelque chose.
      Place !

      Le navire s'écarte en battants, avec un poli croc!* pour conclure le fast flood. C'étaient des pirates. Enfin, c'en sont toujours. Leur navire par contre c'est plus un bon vieux hot dog qui nous a laissé le rôle de la grosse saucisse. Et elle déborde des deux côtés. On te servirait ça à une fête foraine, tu demanderais si le pain ne sert pas juste de serviette pour t'éviter de te dégueulasse ou te brûler les doigts contre la viande. Et c'est à ça que devrait servir le pain de hot dogs. Pas à caler le bide ni disputer ses saveurs au reste comme le voudraient tous les amateurs de smoothies, juste à tenter vainement de contenir l'imprégnation graisseuse de la sueur de gibier, à t'offrir un spectacle aussi appétissant qu'éphémère sur la chance de la céréale de peser face à la viande. T'apprendre la vie quoi ! On n'est pas tous égaux, c'comme ça. Surtout quand t'aimes pas le pain. Perso, j'en mange pas, jamais pigé en quoi une céréale qui n'était pas tabassée jusqu'à rendre les coups via divers alcools pouvait avoir un quelconque intérêt dans l'existence d'un être conscient de lui-même. Si on ne se définit que par nos actes, évitons d'ingérer des saloperies déjà. Se contenter des choses passives, c'est bon pour les complexés du bas de la chaine alimentaire. Dis donc, causer, ça donne faim. Et soif. Doit y avoir peu de pectopascales dans l'air pour tirer sur le corps comme ça.

      J'avais dit de faire place. J'avais prévenu ou bien ?

      L'équipage confirme. Qu'on vienne pas m'accuser de causer du grabuge gratos, ce navire c'est pas maniable comme une cervicale de Mouette. Note qu'ici, je risque pas d'en croiser beaucoup. C'est le bordel et encore, j'ai vu des bordels bien mieux entretenus que ce qu'on voit là. Du haut de notre pont de paquebot, baptisé l'Arch en lettres grosses comme ton ego, on admire la Cour des Pinacles. T'as des toits par ci, des semblants de terre par là. Tu dirais les quelques pièces d'un puzzle cent mille pièces tombées du canap', en plein sur un tapis bleu mer déjà cochonné d'embarcations diverses. Pourtant, le log pose est formel, c'est Clockwork Island. Bon, s'en sont passées des choses depuis que j'ai entamé la route des périls moi. Ca y est, c'est la fin du monde ? Encore ?

      On stabilise l'Arch en balançant l'ancre, qui ne tarde pas à heurter le fond et d'après les vibrations, ça l'a même traversé. Eh merde !

      Eh merde ! On a encore pété un bateau ?

      Non, Monseigneur, mais je crois que notre ancre s'est engloutie dans un vestige de l'ancienne cité.

      On va voir si on peut la remonter alors. Ducon ! broie le poivre !

      Bras le Pwaaaaaaaaaaaafff !

      Ducon, c'est Braff et Braff, c'est un con. Mais un con géant, ce qui le rend utile. Accessoirement c'est notre pilote aussi. Faut des paluche d'ogre pour manoeuvrer la barre de notre rafiot. Ici, je lui donne le code pour remonter l'ancre. Ca économise vingt gars et ça me tranquillise un chouia quand je vois la quantité indécente de bouffe qu'il s'envoie dans le gosier aux repas. Je me sers précieusement de ces souvenirs pour ne pas le convertir en trois sans de rations pour l'équipage au moment du bilan des pertes et profits du zig.

      Quand je comprends que l'ancre est calée, je lui donne le code pour qu'il arrête de mouliner le cabestan avant d'arracher un truc. Bon, la bonne nouvelle, c'est qu'on est à l'arrêt. La mauvaise, c'est qu'on va y rester. L'autre bonne, c'est qu'on est juste coincés, le mec qui habitait en-dessous, il a un aquarium à la place d'un salon. Mais un aquarium décoré déjà, pas de quoi bouder non plus. Tout le monde gagne.

      Bon, vous me dégagez cette ancre d'ici demain, on pêche et on repart. Pas envie de passer des saisons sur cette boule à neige sans neige. Il va se charger en combien de temps le log ?

      Hmm, quinze.


      Oh bordel... T'es conscient de ce qu'il va se passer ? Je vais te demander "quinze quoi ? heures ?" et comme d'hab' c'est une valeur sous-estimée, alors toi tu vas me répondre que c'est quinze jours. Et si j'avais dit jours, ça aurait été semaines, c'est toujours comme ça. T'sais quoi ? Tu veux jouer au con ? Allez, on va jouer à deux, mon pote !

      Quinze quoi ? siècles ?


      Quinze jours.


      Ah...

      Quinze jours, t'es sérieux ? Je vais me faire iech comme une intraveineuse pendant deux semaines sur quelques toits plantés dans la flotte ? Ah non, sûrement pas ! Si nous on glande en attendant la recharge, d'autres aussi. Y a forcément un pécore, pas loin, qui a son log proche du jour du départ et qui serait ravi de procéder à l'échange pour prolonger ses vacances au bord de la mer.

      Je guette. Ca pue le mange-merde local un peu partout mais pas loin, sur la plage, y a un zig avec perfecto qui ne sent pas l'usure à l'iode.

      Mate un peu la qualité de son imper à celui-là.

      Deux-trois bisous aimants sur le front de mon forçat d'équipage et je plonge. Et grâce à un régime strict sans fruits, je remonte et nage vers la plage artificielle. Va y avoir du remous chez les marlous. Tiens, ça ferait un bon titre ça.

      * Trinita, normalement t'as la référence et Mary, ton copain l'a.


      Dernière édition par Minos le Jeu 7 Nov 2019 - 2:51, édité 2 fois
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      L'accompagner ? Elvis est réticent. De nature, il privilégie toujours la négation; dans ce cas de figure a fortiori. Voilà bien longtemps qu'il n'a pas encouru d'interaction pacifique avec ses semblables. Il est comme pris au dépourvu même si cela ne se voit pas. Il s'abrite derrière ce masque sans même en avoir conscience, parce qu'il a oublié comment s'en départir. Tandis qu'il dévisage la jeune femme, son regard ne dégage aucune émotion spécifique. L'étonnement caressé par l'imprévu demeure dompté, emprisonné derrière le poids de la vie qui l'écrase comme un vieux meuble. Elle n'a pas l'air bien farouche, ou hostile. Ni plus dotée de flair pour venir oser la rencontre avec lui. À moins qu'il ne soit pas si effrayant qu'il se l'imagine. Et si tout cela était uniquement dans sa tête ? Cette idée ne l'émeut guère. Il est presque sûr d'être fou, et convaincu que cela ne change rien de nos jours.

      Pourtant, il s'essaye à la nouveauté pour s'extirper de l'apathie, c'est son combat, alors il lâche une moue sauvage qui s'apparente à un accord. Il tente d'obliquer vers le Oui. C'est comme essayer de faire pivoter un monument par la force d'un seul homme. C'est épuisant mais avec un peu d'acharnement, on est convaincu d'avoir senti l'édifice frémir quand bien même ce n'est pas le cas. Et puis, même s'il se risque à la politesse, dans un coin de sa tête rôde toujours l'idée tenace que chaque individu a quelque chose à se reprocher, la gonze incluse, et elle lui donnera peut-être raison. Son œil inquisiteur n'est plus braqué sur le monde mais il est des certitudes dont il est dur de se défaire.

      Il frotte ses pognes lacérées contre son jean et les range dans leurs poches pour masquer les filets de sang qui ruissellent discrètement. Quelque part, effrayer l'inconnue répondrait à une banale logique mais puisqu'elle l'a interpelé, autant pousser la curiosité jusqu'à se montrer sous un bon jour. Qui sait, peut-être même se hasarder à dévier de son morne quotidien fait-il partie de la destination à atteindre ?

      La jeune téméraire désigne le chemin à suivre, ils marchent. Le silence pourrait devenir gênant. Et puis, quitte à oser l'aventure d'une rencontre impromptue, autant le faire bien.

      Il se souvient des quelques rudiments répondant aux codes de la vie en société. Il tente une ouverture courtoise :

      Qu'êtes-vous venue faire sur cette ile ? C'est pas exactement l'adresse à touriste ici.

      Très classique certes, téléphoné. Il ne dégage pas vraiment l'empathie de celui qui aime bavarder, n'a aucun talent d'orateur. Sa voix ne chante pas, son regard n'exprime pas la moindre curiosité mais il y met du cœur. Dans un sens, se trouver aussi mauvais pour un exercice aussi simple que la discussion l'atterre. D'un autre côté, il savait en s'engageant sur ce chemin-là qu'il était un vrai cancre, et il s'efforce quand-même de faire bonne figure.

      C'est bien Elvis. Y'a du mieux. C'est quand les actions réclament le plus d'effort qu'elles gagnent en valeur, il en a la certitude.
        Du remous, du remous...y a du remous comme y a du rebelote à la belote. C'est une blague de joueurs de cartes, mais j'ai jamais été fichu de piger les règles. Tu joues avec le mec le plus loin de toi, il te félicite parce que t'as niqué les autres, puis deux minutes après il t'engueule parce qu'en fait tu fais de la merde depuis le début et qu'il voulait que tu joues ce qu'il voulait lui. Tu mets une tarte, forcément, parce que t'aimes pas qu'on t'engueule. Après tu joues tout seul et t'arrives pas à finir ta partie vu que t'as toujours pas compris les règles. Et on reivent à une bonne petite bataille de quarante minutes pour se détendre. La bataille c'est cool je comprends les règles. Puis le Roi ne met jamais le chien dans le petit avec une bonne excuse, le Roi il tabasse tout, même l'as sitôt que tu sais que c'est un un en vrai. Ouais, la bataille c'est vraiment un jeu de mec.

        Je sors de l'eau, beau comme une Arielle qui a encore une queue. Devant moi, le zig en cuir de black friday. Je le repère, mais lui aussi. Et quand il me voit avancer à grandes enjambées vers lui, il ne se dit pas que je quête pour la croix rouge. Il se prépare à dire un truc, mais je le coupe.

        T'as un log, mon pote, il me botte. J'parie que c'est fin de recharge, viens faire un tour dans la décharge. J't'apprendrai un jeu rigolo, ça s'appelle "fais péter le bibelot". J'te prends la boîte à directions.

        Lui il me dit :

        Je vous demande pardon ?

        Y m'a filé la haine, j'lui ai filé une torgnole. L'a filé dans une benne, j'lui ai pas pris de boussole.

        Mais...t'as rien ?

        J'ai mal...

        Non mais t'as keud' ! Qui t'a pris ton log pose ?  Qui est le tordu qui a fait ça ? Qui est l’infect petit poil perdu, l’espèce d’enculé de bématiste qui vient de signer son arrêt de mort ?

        Et là, touché par ma fibre paternelle, loubard tabassé rachète son âme auprès de son créateur. L'a pas perdu son log, il a chouré le blouson à un pauvre passant venu se dégourdir les petons sur la jetée. C'est pas cool ça, c'est pas cool du tout même. Moi j'aime pas trop les voleurs, surtout quand ils n'ont pas ce qui m'intéresse. Au moment de demander au repenti où qu'il est son gars qu'il a détroussé, il pointe un couple, un type aux pognes de poche et une blonde plus petite avec un gros imper. Je suppose que c'est Fred Chichin qui a perdu sa peau, parce que la donzelle une veste de plus et elle noie ce qu'il lui reste de formes. Tape amicale sur l'épaule de mon confessé. Minos offre et Minos reprend. En l'opulence, je vais reprendre le cuir au vilain et l'échanger contre son log à la victime. Tout le monde gagne, en plus je veux bien refourger mon log contre le modèle mis à jour. Je suis comme ça, héros du peuple. Tu t'en rappelleras au moment de noter la popularité, hein ma gueule ? Que je sois pas obligé de sauver un bébé chat des flammes pour qu'on se rappelle que je suis toujours vaillant, rassurez-vous. Toujours là, banane, toujours debout.

        Une fois mon forfait accompli, je repars vers le couple. Si ça se trouve, c'est elle qui a perdu son manteau, détroussé par l'aut' con, et Fredo Coeurdelion lui a passé le sien en bon gentleman après l'avoir fait rétrécir. Puis je vais te dire, ça se voit à sa tête que c'est un bon gars. La ride du lion creusée, les commissures dignement rabattues sous le niveau d'ingestion, le corps raidi à vous rompre la rate d'une amoureuse élancée en enlaçade avec un peu trop d'élan, tout en ce mec m'inspire la bonhommie du dandy moderne. Va peut-être falloir que je soigne mon langage ! Si ça se trouve j'ai affaire à un noble de ClockWork venu s'inquiéter des travaux de rénovation de la digue. C'pas probant, on va pas se mentir. Moi, à sa place, je changerais d'ingénieurs. Mais s'il ne l'a pas fait, c'est sûrement parce qu'il avait des scrupules à renvoyer une équipe, incompétente, certes, mais volontaire et qui veut y croire, qui a besoin de nourrir une famille. Et on en revient à Coeurdelion. Minos, t'es né Roi, mais dans une vie antérieure, il y a un fieffé détective qui sommeille.

        B'jour m'dame, m'sieur le Maire...

        Petite astuce, toujours donner à un noble non identifié un rang prestigieux. Soit il ne rectifie pas et vous avez tapé juste, à moins qu'il accepte tout simplement la flatterie, soit il rectifie et là vous prétendez que c'est vous qui avez le rang que vous venez de proposer. Ici, Maire Coeurdelion, qu'on va appeler Maire Lion, ne rectifie pas. Il me fixe, impassible, jusqu'à remarquer la veste que je devine bien être la sienne. Pas peu fier de lui avoir sauvé la mise d'un vilain fripon, je lui montre le machin pour qu'il constate l'état impec de l'imper.

        J'étais en balade dans le coin pour mon petit dos crawlé dominical, quand j'ai appris qu'un forban de basse extraction vous avait dévalisé le masque-clavicules. Alors, pensez, je me suis interposé entre lui et l'infamie. V'là vot' cuir, M'sieur le Maire. Et pour tout paiement, j'accepterai votre log pose en état de marche le plus proche du départ pour l'île suivante. C'est que j'ai, moi aussi, des affaires de notable à régler.

        Comme-du-ve-lour.
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        Je sors la tete de l'eau et même si on parle de ma trogne, c'est pas au sens figuré. L'ancre se perd dans l'encre  opaque des abysses. Va falloir plonger dans c'te merdier, parce qu'aucun dépanneur ne semble avoir fondé son business ici et aucun surfacien n'a de log pose. Ce qui me laisse imaginer qu'ils se seraient barrés s'ils en avaient. Du coup, le Minos, il a une théorie. Y a forcément des logs. Y en a toujours. Mais cette île, au demeurant charmante, de part son architecture rococambolesque d'inspiration fin de buster call, doit planquer les babioles à carapatage dans ses tréfonds. Eh ouais, c'est un genre de prison ici en fait. Le truc, c'est que j'ai pas envie d'y rester, dans tous les sens du terme cette fois. Faut un plan. Je descends, je taloche, je trouve mon log. Diagnostic différentiel ? Je descends, je taloche, je trouve mon log, j'invite les braves à se barrer avec moi. On locke le plan posé, t'es un génie. Mais avant de descendre dans les égouts, est-ce que tu connais Red Shadow Legend ?

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        Et que la passion du jeu règne...

        Je dégote une zone trempée entre deux fesses d'acier. Petit coup d'oeil, on dirait qu'un tuyau assez large pour que je m'y glisse pète des bulles d'oxygène. Ca me parait prometteur, alors dernières recos à l'équipage, type ne pas allumer le gaz en mon absence, et je plonge. Avec mon bras en puzzle je n'avance pas à un rythme espéré, mais les poumons gorgés d'air me permettent de m'infiltrer dans la longue coursive où je dégote la brèche qui bombarde ses bubulles vers la surface. Un soudeur y mettrait un tit coup de chalumeau, mais moi je suis plutôt désoudeur. Du coup, papatte à phalanges dans la fissure qui prend le diamètre de mon poing. Le siphon filtreur devient une bonde à retardement et suce tout ce qu'il peut, ce qui me conforte dans l'idée qu'il y a de l'espace de l'autre côté. Nouveaux coups, la structure finit par lâcher et j'entre les pieds les premiers dans un couloir à moitié noyé.

        Mon atterramerissage fait raisonner un écho plutôt sinistre de métal froissé, qui hésite à savoir s'il va servir de paille aux monstres marins des profondeurs. J'ai pas le temps de calfater, d'autant que la zone encore respirable me présente une porte entrouverte d'où déborde une pompe à flotte. Si on entretient le couloir incliné, c'est qu'il y a de l'activité récente. Sans lambiner, je remonte le boyau barbouillé pour passer la coursive, extraire la pompe qui perd son temps et verrouiller la porte derrière histoire de limiter la propagation de l'inondation. Même si je suis trempé d'eau de mer, je peux sentir la puanteur des lieux.

        La rouille, le remugle et la vieille huile rance. Des champis aussi, de moisissures diverses. Y a dans ce climat l'impression que tu vas te mettre à pourrir sur place si tu stagnes, ou si tu ne trouve spas de feu pour te sécher. Ajoute à ça le noir quasi général qu'un humain de surface peinerait à percer des mirettes et t'as une super ambiance pour sentir que tout va vouloir te tuer ici. Je suis avantagé dans les milieux sombres et souterrains, mais j'ai pas de branchies. Plus qu'autre chose, la priorité va être de cartographier les lieux sinistrés et de piger où va l'air et comment on le préserve. Y a du courant et j'ai déjà compris en voyant les pompes qu'on était plus sur du maintien des zones viables que sur un terrain condamné à court terme à l'immersion totale. En observant la pièce où je suis, un ancien bureau, je vois que tout le bois a été récupéré et que seules les trainées de pieds de meubles me laissent imaginer la hâte du déménagement. Les portes sont blindées, on n'a pas eu à les barricader. Une banque ? Je serais dans un ancien bureau de banque ? Le couloir d'où je viens devait être la séparation entre l'espace des employés et le coffre-fort. Ca peut expliquer que la brèche ait tenu tout ce temps. Si le proprio des lieux se servait de l'ancienne chambre forte pour stocker du matos, je crois bien que je viens de lui compliquer l'accès à la réserve. Ou bien, il cherchait à vider le couloir pour accéder au magot plus en aval. Là aussi, pas de chance.

        Y a quelques papiers qui ont encore leur encre, mais comme je sais pas lire ça ne m'est pas très utile. J'en chipe juste quelques uns à peu près secs et les cale dans un étui à poudre utilisée depuis belle lurette. La sortie du bureau mène à un escalier qui était pratique quand son couloir demeurait vertical. ici, on est sur de la grotte hérissées de marches, poussiéreuses de débris divers et - c'est là ce qui m'intéresse- liée d'un fil d'Ariane qui descend pour apporter de l'oxygène aux niveaux inférieurs. Okay, y a du survivant là-bas. Avec un brin de précautions, je m'engouffre dans la cage et descends les étages rampe après rampe, de plus en plus baigné d'une obscurité totale.
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        Dans les histoires de pirates, t'as tout un registre pour les explos de catacombes, ruines, cryptes et autres machins du genre. Souvent le trésor est gardé par une liche, un équipage maudit ou un monstre pas si marin. Tu sais comment on capte la couille dans le plantage de leur univers ? C'est toujours éclairé. T'arrives dans un endroit déserté depuis, je sais pas moi, quatre siècles, et t'as encore des torches au mur. Les pièges fonctionnent tous, les couloirs qui mènent au trésor aussi et t'as ni odeur infâme, ni couche de poussière d'un centimètre partout sur les murs. Les gars te racontent plus leur dernière escape room que leur dernière aventure. Tu peux garder ce tuyau, c'est cadeau. Puis une astuce quand tu mythoneras tes propres exploits.

        Ici, ça doit faire un an ou deux que tout est en vrac. Ben je te le dis, je suis crade, je tousse et c'est pas allumer une torche qui arrange la situation. Eh ouais, encore une idée reçue ! La flamme ne se propage pas tant que ça en vrai, ça sert plus à éclairer tes pieds que le décor. Et mes pieds, ils sont loin de ma main.

        Pourtant, je progresse. En tâtonnant, en chipant le moindre volume de lumière pour définir les contours. Habitué malgré tout à ce genre de déplacement le Minos, c'est pas si différent d'une mine souterraine ici. Sauf que c'est lisse et pentu, pas creusé à l'érosion ou à la taupe géante. J'irais plus vite en me laissant glisser, mais c'est bourré de caillasse et de tiges d'acier, ossature fracturée de ce qui était avant un mur porteur. De quoi se blesser inutilement ou soulever davantage de poussière. Fait chaud aussi, et les oreilles ont tendance à se boucher. Outre le fil d'Ariane, rien ne me donne de raison de sombrer. Enfin, ça et la chanson.

        Je suis fils de marin, qui traversa la mer
        Je suis fils de soldat, qui détestait la guerre
        Je suis fils de forçat, criminel évadé
        Et fils de fille du Roi, trop pauvre à marier
        Fils de coureur des bois et de contrebandier
        Enfant des sept nations et fils d'aventurier
        Métis et sang-mêlé, bien qu'on me l'ait caché
        C'est un sujet de honte j'en ferais ma fierté
        *

        Un bon petit chant marin, d'une voix enthousiasmée, qui résonne en bas. Au timbre, c'est un jeune gars. J'ai passé quelques portes, devenues des trappes à cause de l'inclinaison du bâtiment effondré, mais toutes menaient à des décombres, des zones inondées ou une barricade faite à la main, avec une tête de roger sans drapeau dessus. Le type qui chantonne doit avoir fait de ce boyau d'obscurité son nouvel abri. J'imagine qu'il mise sur du temporaire, parce qu'il y a plus d'eau que d'air qui entre dans ce bâtiment et vivre en bas de la cuve, pas ultra stratégique. Ou alors, il fuit quelque chose, s'il n'est pas juste là pour fouiner. Pour le savoir, faut faire comme moi, descendre.

        Avant que tu me préviennes, j'enjambe un fil tendu pour faire trébucher et se rattraper aux piques en acier en contrebas, tordues, froissées, à l'égard du visiteur. Que ce soit pour chasser ou alerter l'hôte de nos cris qu'il a de la compagnie, ça veut dire que je suis très proche et que le planqué n'aime pas le bavardage. Du coup, je ramasse des cailloux pour les assembler autour des poinçonneuses, les habille pour leur donner silhouette humaine me sers des papiers récupérés pour simuler une torche. Je la dépose à distance du leurre, histoire que la lumière ne le trahisse pas trop vite et profite de l'éclairage pour identifier une planque. ce sera derrière une ancienne volée d'escaliers, en aval. Comme ça je serai dans le dos du piégeur quand il découvrira la supercherie. Je préfère l'amener ici que découvrir toutes les mesures de sécurité qu'il a mises. En se réappropriant le terrain, on a l'avantage. Tout le dispositif mis en place, je coupe le fil et hurle de surprise, puis de douleur. Un vrai comédien, on jurerait que quelqu'un ma déjà fait mal un jour.

        La cantation se répand dans le tuba et je n'entends plus l'autre poilu fredonner guillerettement. C'est le silence et le qui-vive. Deux minutes après, le son des pas, du gravier frotté, puis de l'effort de la grimpette. La silhouette passe à côté de moi, sans me sentir. C'est bien un gamin, aussi frêle qu'une belette et timoré qu'un rat autour de sa tapette à souris. Je le laisse approcher le leurre et déplore ma carrure derrière lui. Aucune ombre ne peut le prévenir, ma torche et la lanterne qu'il utilise nous font face. Par-dessus son épaule, je le vois tenir un pistolet qui tremblotte autant que sa flammèche. Le pauvre hère, il a le trouillomètre proche du brun.

        Bouh !


        *
        Le chant marin:
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        C'est une gamine, au fait. Ou un mec qui a un soutard et le menton pointu que seuls les médiators égalent. L'est ficelée comme un jambon, au fond de sa tanière. Pas d'autre piège, juste une porte blindée en guise de barricade devant la trappe qui menait à son foyer. Ce dernier est une pièce renversée à quarante-cinq degrés et qui servait de bureau d'accueil avant l'effondrement. T'as encore le bureau encastré dans le sol et les pots de fleurs entassés dans un coin de l'ex-plafond. Là où ça vaut le coup d'oeil, c'est aux baies vitrées de l'entrée. Non seulement elles ont tenu, mais en plus ça donne au toit une vue d'aquarium sur le bordel aquatique du dehors. De ce que je peux voir ici, c'est une ville entière qui est submergée. Beaucoup de bâtiments émettent encore de la lumière, ce qui permet de deviner aux ombres que beaucoup d'entre eux ont aussi eu droit à une bonne tasse de thé salé. La mauvaises nouvelle, c'est qu'il faudra se mouiller pour trouver son log pose, mais la bonne, c'est qu'on peut trouver mieux que ça ici.

        Suis pas un chasseur de trésors. A part les armes secrètes et les vestiges de ma culture, m'en fous un peu des babioles enfouies. Mais là, on ne parle pas d'un coffre bourré de dents en or d'un vieil hurluberlu qui fait des copies en masse de sa planque que personne ne doit trouver. Ici, c'est une ville entière qui a du laisser son ragoût de côté pour apprendre la brasse coulée en urgence ou crever dans l'ensemble de ses salles d'eau. Ca veut dire des lieux laissés en l'état, ça veut dire des armes, des outils, des trucs précieux qui ne sont pas ici parce qu'ils sont cachés, mais parce qu'il faut se bouger le cul et connaître la config des lieux pour savoir où trouver quoi. C'est un black friday, mais tous les jours. Je suis sûr qu'il y a une cave à bière regorgeant de bouteilles maintenues au frais, des conserves de viande ou légumes pour ceux que ça peut émoustiller, des pièces étanches bourrées d'armes et peut-être même de survivants qui cherchent un moyen de se tirer d'ici. Ca sent les emplettes.

        C'est pour ça que la gamine est ficelée et que j'attends son réveil. La taloche que je lui ai collée a failli lui briser la nuque, mais elle m'en félicitera quand elle saura que je peux la sortir d'ici. Parce que la chanson, c'est juste un dial qui a enregistré un vieux chant qu'elle doit se repasser pour ressentir une présence humaine. J'ai trouvé sa réserve de bouffe, son élevage d'asticots qu'elle dévore pour survivre et même son vieux filtre à eau de mer. Sans parler de ses chiottes, heureusement loin d'ici. La petite vit une vie de merde, avec pour ciel des dizaines de mètres qui la séparent de la surface. Et parce qu'elle a pu survivre tout ce temps seule et qu'elle s'y connait en gestion des pompes à air et flotte, j'ai une place pour elle dans mon équipage.

        Enfin, tu émerges. Dis donc, faudra t'endurcir un peu, puis arrêter de compter sur les pétoires. T'as faim ?  

        Que je fais en tendant un morceau de poisson grillé encore tiède. La petite ouvre grand les yeux, mais ne me remercie pas comme elle le devrait. A la place, elle pousse des guiboles pour se coller au mur, s'aplatit la raie manta et me dévisage avec la terreur de quelqu'un qui a vu un démon. Okay, je fais quatre fois sa taille, mais j'ai proposé à manger. L'éducation ça ne veut plus rien dire à notre époque ?

        Hey, doucement la chiarde ! T'as failli faire tomber ta pitence. Et vu tes compétences de ménagère, vaut mieux pas consommer les parts des anges.  

        Pas un sourire. Au contraire, elle ouvre grand la bouche pour hurler, mais aucun son ne vient. Lorsqu'elle réalise que je lui ai attaché les chevilles et les poignets, elle essaye de les ronger. J'entends ses dents de raton laveur gratter la corde de son propre piège de tantôt, inefficaces. J'ai pas la fibre paternel d'un dessin animé de disney et j'ai autre chose à foutre que gagner la confiance d'une pisseuse qui a voulu m'embrocher sur des piques, alors histoire de ramener à la réalité, je lui ceinture le cou de ma main chaleureuse, la soulève et approche mon visage du sien pour qu'elle mesure bien avec quel calibre de dents on cisaille de la corde.

        Ecoute bien ce que je vais te dire. Je ne vais pas te faire de mal, mais ta vie ne vaut rien si tu ne m'es d'aucune utilité. Alors soit tu te montres un peu polie, soit je te laisse ici et je repars par la baie vitrée qui t'a sûrement inspiré quelques chansons de princesse prisonnière. Tu veux tester ma patience ? Continue de me faire chier.  

        Je relâche avant qu'elle suffoque et la laisse retomber lourdement au sol. Elle tousse, à cause de la poussière et de mon étreinte. Moi, je campe devant, reprends le poisson qu'elle a décliné et lui tends. Comme suis pas un monstre, je patiente une demi-minute qu'elle se récupère, puis la vois prendre doucement la bouffe qu'elle porte en bouche et mâche un moment en me regardant, attendant mon feu vert pour avaler ou je ne sais quoi. Suis pas tombé sur la personne la plus sociable du coin j'espère.

        Je suis le Roi Minos, mais tu peux m'appeler Minos si tu veux.

        Agathe.


        Bon, c'est un début. Je la laisse bouffer et lui retends du pêchon quand elle finit son morceau. Elle se ressert, toujours apeurée, mais son estomac joue les médiateurs en lui conseillant d'accepter toute la bouffe cuite qu'elle peut.

        On va jouer à un jeu, Agathe. Je fais des suppositions, toi tu hoches oui ou non pour rectifier. On est bien à Clock Work  Island ? Okay. Y a eu une catastrophe ici qui a fait couler votre ville ? C'était un accident ? Un Incident ? Un incident, c'est un accident commis volontairement par quelqu'un. Un incident ? Un incident donc. Tu sais qui a fait ça ? Bon c'est pas grave. Il y a d'autre survivants ici ? Avait ? T'étais ici au moment de l'effondrement ? La vache, t'as pas vu du pays depuis un moment. Tu sais depuis quand t'es ici ? On est en MDCXXVIII, depuis peu. Ca fait combien de temps que t'es là ? Un an ? Plus ? Deux ? T'as fait quatre des doigts ? Ca fait quatre ans ? Ben dis donc, moi qui pensais avoir stagné à l'Ile des Animaux.

        Okay, tu as un moyen de sortir d'ici ? Moi je suis entré par la salle des coffres, tout au-dessus. On peut repasser par là si t'es capable de retenir ta respiration une trentaine de secondes. Tu t'en sens capable ?


        Elle hausse les épaules. Quand son ventre ne peut plus accueillir de bouffe, je sais que sa famille était avec elle au moment des faits, puisqu'elle accompagnait son beau-père ou oncle, jamais su, pour un retrait de biftons en vue de faire des courses. Tout a chaviré, ils ont collé au plafond un moment puis boum. A son réveil, des cadavres, des décombres et des fuites. Elle a colmaté en urgence avec les quelques survivants et ils ont attendu des secours. Leurs appels à l'aide par escargophone sont restés sans suite un moment, puis ont attiré des homme-poissons. Massacre. Elle a été la seule rescapée et a survécu comme elle le pouvait ici. Avec une vie comme ça, il lui reste à faire une présentation. Mais c'moi le héros ici, on se calme !

        Il faudra plus que trente secondes pour rejoindre la surface si vous brisez la vitre. C'est trop loin.

        C'pour ça, on va d'abord remonter le bâtiment et filer par le toit. T'en fais pas, la pierre ne m'arrête pas plus que le verre.

        Elle se met à chialer. Enfin, sangloter plutôt, mais tu sens le trop-plein qui doit sortir. Je laisse faire, c'est normal de craquer. Elle sera bientôt libre, mais je sais que quitter cet aquarium va lui faire un pincement. Ca a été un enfer, mais aussi le seul endroit qui l'a couvée et où elle a appris à survivre. Je respecte son besoin de prendre le temps qu'il lui faut pour saluer ces lieux qui ont vu sa vie basculer, son oncle ou beau-père mourir, ainsi que ceux qui lui ont appris à survivre le peu de temps qu'ils ont disposé ensemble. Suis même pas assez pupute pour lui proposer l'escapade à condition de me vouer sa vie. La libération est offerte, à elle de choisir si elle sacrifie son cadeau pour mourir dans mes rangs.

        Agathe prépare ses affaires, vérifie son pistolet et me laisse passer en premier. Je m'amuse intérieurement de voir qu'elle n'emporte aucune conserve, mais conserve son ouvre-boîte. Puis le dial musical, bien sûr. Avant de quitter la pièce, elle demande quand même, intriguée par mon plâtre qui me bloque tout un bras:

        Si la pierre ne vous résiste pas, comment vous vous êtes cassé le bras ? En tapant du métal ?

        Je me suis frappé moi-même pendant que je tombais du ciel façon météorite.

        L'explication semble satisfaire, parce qu'elle renonce à poser plus de questions. Sur ce, si madame n'a pas d'autres interrogations existentielles, on va peut-être pouvoir se tirer ? Mon haki de l'empathie que j'ai pas me dit que Raphaël m'attend en haut et bon, moi aussi j'ai envie de le rencontrer. Allez, en route ! On marche. J'aide parfois la petite, qui galère avec les gravats. Elle s'essouffle même assez vite, manque d'exercice ça. Eh ouais, l'espace confiné nécessite de faire gaffe à l'endurance. On monte, étage après étage. Quand elle me fait sursauter en réprimant un cri.

        Quoi ? Kessta vu ?  

        Là ! Là !!!

        Je mire l'étage à la barricade de roger, éventrée.

        Les homme-poissons,  ils sont revenus !

        Okay, calme-toi.

        Non ! Ils sont là Minos ! Cours !

        Je la vois me dépasser en s'époumonant. Mon bras intact l'agrippe par le col de la nuque comme un chinchilla et je la laisse pédaler dans le vide quelques secondes.

        Tu ne comprends pas ! J'ai mis cette barricade après leur dernier raid. Ils ont du t'entendre, ils vont nous tuer !


        C'est moi, gamine. C'est moi qui ai pété la barricade. Tout est clean de l'autre côté.

        Elle s'immobilise. Du coup, je la repose. Méfiante, incrédule, elle regarde par le trou béant et se rend compte que, en effet, ça n'a pas été défoncé de l'intérieur. Les mots lui manquent, ce qui repose mes tympans. Puis, elle formule, sans rien piger à ce qu'il s'est passé.

        Rien du tout ? Tu n'as pas trouvé d'homme-poissons ?

        Si.

        Vivants ?

        Ah, euh au début oui. Puis non.

        Elle ne pige pas. J'explicite.

        Comme tu ronquais et que j'avais fini de visiter ta piaule, j'ai pété les planchettes pour voir ce que ça cachait. Suis tombé sur des zones inondées, derrière lesquelles un groupe d'homme-poissons m'ont retrouvé et attaqué. Baffounettes, cris de douleurs, os brisés et hop, retour ici pour veiller sur toi. Y avait rien de bien intéressant au passage là-bas, c'était une planque à drogue d'un probable gang local. J'ai laissé ça là.

        C'est fou. Tu n'as fait qu'une bouchée de ces gens.

        Oh, qu'une bouchée, c'est vite dit. D'ailleurs, toi aussi t'as participé si on va par là. T'as plutôt apprécié ton steak de cabillaud.

        Mon quoi ? Tu m'as fait manger des homme-poissons ?


        Le cabillaud seulement. J'avais déjà fini la dorade et le poulpe à ton éveil.

        Elle perd pied et dégueule. Ben quoi, sont à moitié poiscaille ces machins. Techniquement, c'est pas du cannibalisme. Ou alors, manger du singe, du cochon et de la chauve-souris sont aussi du cannibalisme, mais là. A nouveau, je poireaute, même si là elle ne met pas des plombes à se reprendre. J'évite de dire que les métahumains aussi nous bouffent, qu'au fond c'est de bonne guerre. Trop jeune. La rando reprend. Plus d'incidents, elle évite de parler et doit se féliciter que je sois un bon gars. On déboule à l'étage des coffres, où tout est comme je l'avais laissé. C'est là qu'un gros claquement provient du couloir à escaliers. Agathe sursaute encore et me fixe, apeurée, mais perso j'attends d'en entendre plus. Ca galope, ça fait un boucan d'enfer. La petite se carapate,'arme au poing, la panique plein les veines. Si on se tire maintenant, ils vont nous rattraper à la nage et, avec un seul bras valide, je pourrai pas à la fois brasser et torgnoler. Donc, on attend. De la porte, surgissent deux poiscailles aux tronches tordues par la colère. Ils ont le même tatouages que ceux que j'ai effacés au feu de camp. Les lames dentelées sorties, ils me posent une question rhétorique.

        C'est toi qui as tué nos amis ?

        Facilement.

        Ah ouais ?


        Il s'élance et veut me frapper de son sabre. Je lève la jambière pour bloquer, puis étends le pied pour le renvoyer dans son trou. Chute d'un étage, inquiétude du pote retour du premier connard. Ils sont faibles. Soudain, le poisson qui ne s'est pas lancé vers moi a une idée. Il sort une bombinette de sa trousse de maquillage et se croit maître du monde parce qu'il allume la mèche. Lance ducon, je te la renvoie aussi sec et le dessert sera du pudding de poisson à la poudre noire.

        Il lance, mais pas vers moi. Pas vers Agathe non plus. Au plafond, qui renonce à porter toute l'eau depuis aussi longtemps au moment de la détonation. Le trou béant crache immédiatement l'océan dans la pièce. Le couloir sert de cuve de réserve, mais ça ne durera pas. On sera inondés dans quelques instants.

        Hé hé hé, t'es balèze dans ton milieu naturel, l'humain. Mais ici, c'est notre territoire et toi, tu vas mourir. Mais je suis un bon chef. Dis-moi pourquoi t'as attaqué mon gang, implore mon pardon et je te laissera peut-être un boulot sympa dans mon organisation. Tu pourras manger, boire autant que tu veux et t'auras même une part des humains qu'on attrapera. Si tu collabores.

        Dis donc, il me sort le grand jeu là. Si je me sors une pièce de derrière l'oreille suis sûr qu'en prime il me laisse culbuter sa régulière. C'est tentant, mais son offre ne rencontre aucune demande.

        J'apprécie le geste. C'est pour ça que j'ai moi aussi une proposition pour vous. Vous me laissez vous péter les quatre membres, à tous les deux, et sitôt à la surface je vous fais descendre une corde que vous saisirez avec les dents. De là, je vous remonte, vous soigne et vous permets de nettoyer la coque de mon navire. Vous pourrez même emmener votre famille, si elle est travailleuse. Vous ne serez plus chefs d'une bande de guignols, mais légionnaires d'un Roi. Prestige !

        La proposition aussi est généreuse, on ne va pas se mentir. Et pourtant, ça ne les aguiche pas, genre faut que moi je rejoigne leur guilde de tocards parce qu'ils auraient proposé en premier. Ah là là, ça sent la correction avant de mettre les voiles. Ils se mettent en garde, tandis que la flotte commence à baigner les semelles. Ils attendant que le couloir déborde du trop-plein pour attaquer. C'est dommage que je sois un peu plus pressé qu'eux.

        Tant pis,j'aurai essayé. Avant qu'on se bastonne, je peux te poser une question, à toi le voltigeur ?

        Vas-y.


        Est-ce que t'es un poisson-lune ?

        On dit un mole, qu'il précise en se gonflant et en étirant les épines tout le long de sa peau.

        C'est tout ce que je voulais savoir.

        Je lui fonce dessus, décoche un coup de pied dans son bras armé et profite qu'il soit déséquilibré pour coller mon front au sien. Quelques unes de ses piques entrent dans ma peau, mais mon cuir est épais et mon ossature assez dense pour le déconnecter à l'impact. Son pote veut l'aider, mais mon bras vaillant le baffe jusqu'au courant qui l'emporte dans les escaliers. Pas de jaloux.

        Agathe ! Ta ficelle !

        La gamine se sort les doigts et approche, incapable de ne pas suivre mes injonctions au vu de la situation. Je pince la bouche du mole, souffle dedans et attends qu'il soit bien rond pour ligaturer ses lèvres avec la ficelle.

        Tiens, un ballon.

        J'offre la ficelle à Agathe qui comprend l'idée. Quand la zone sera inondée, elle pourra se barrer en s'accrochant à la bouée. A peine le temps de finir le bricolage que le couloir explose de ne plus pouvoir avaler le déluge. De cette explosion, une silhouette vive comme une déchirure musculaire traverse la pièce et me file une estocade si fulgurante et puissante que ça traverse ma chair et me fait tomber sous la force d'arrêt. Eh merde, vrai qu'ils valent quelque chose dans la flotte, ces cons.

        Tu n'aurais pas du faire ça. Mort au Roi des petits malins.

        La seule mauvaise nouvelle, c'est que sous l'eau tes conneries arriveront plus vite à mes oreilles.

        Hé hé hé, et pas qu'elles.
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        Minos !

        Je gère.

        Une énième balle en flotte me perfore la peau. Je gère que dalle, pas avec une môme sur l'épaule, l'attente de l'inondation et l'autre zig palmé qui barbote tranquillou dans l'eau. Elle m'arrive à la taille maintenant, ce qui fait qu'en plus de ses tirs d'eau salée, le poisson fuse sous le niveau de flottaison pour soit me taillader les cuisses, soit décocher des coups de talon aussi agréables que des coins de meubles dans le tibia. Peux pas tellement le maraver, avec la couche de merde dans la pièce et les remous apportés par la cascade du plafond, l'eau est opaque. Ja vais quand même pas en baver devant le premier gang de branchies ? Par après m'être tapé toute cette route. On se reprend bonhomme. Il a l'avantage, mais tout le monde commet des erreurs. Trouve-en une.

        Nouvel impact, sous forme de lame d'eau qui s'enfonce dans mon avant-bras. Dire que j'ai retiré une partie de mon armure pour plonger, paie ta coquetterie de tantouze mon bon. Ho, hop, hop ! Pas de mauvaises ondes. La petite pourrait le sentir et je tiens pas à ce qu'elle pense que je me sacrifie pour elle.

        Ouuuuh...

        Quoi ? Ca va Minos ?


        Au poil...laisse-moi me concentrer steuplé.

        Il a frappé dans les couilles. Cet enfoiré a utilisé son karaté pour frapper sous la ceinture, en plein dans les valseuses. C'est pas un coup irrégulier ça ? Bordel, je douille. Je me sens comme les gars qui jouent les virils à la piscine après un beau plat du plongeoir. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour garder sa dignité ? Tu peux pas comprendre ça, lecteur. C'est dur, n'essaye pas ça chez toi.

        Eau jusqu'aux pecs, génial. Je tangue encore à cause des coups, mais j'avoue qu'entre les entailles déjà désinfectées au sel de mer et la lassitude de servir de sac de frappes à un mec invisible, les nouveaux assauts sont plus des données sur la détérioration du corps qu'un coup au moral. Suis blasé. Le pire, c'est que je risque de crever noyé, alors que j'ai pas bouffé de fruit du démon. Et t'en as combien, de ces péquenauds, qui driftent sur l'océan en n'ayant jamais trempé un orteil dans ce qui les porte et les fascine ? C'est pas eux qui vont porter la légende du Roi Minos, sorti de terre pour finir sous les eaux. Est-ce que c'est trop demander que de me laisser à la surface, non mais oh ! J'ai le droit de respirer un petit peu ?

        Calme, caaalme. C'est l'eau qui te chatouille les aisselles qui te rend chafouin. On commence à sentir que l'oxygène se raréfie ici dis donc. Si je n'étais pas si sûr que ça ne se passerait pas dans le calme et le fairplay, j'accompagnerais bien Agathe. Les femmes et les enfants d'abord, hein ? Ben soit, soyons un bonhomme. T'façon, ça me ferait un peu chier de déserter les lieux sans mettre quelques taquets à mon dernier lascar. En parlant de lui, je le vois sortir la tête de l'eau pour me narguer, de sa petite tête d'abruti dessiné à la va-vite.

        Si tu ne t'agenouilles pas, je te forcerai à plier les genoux, Roi.


        Retourne sous les couvertures me faire du bien, je t'ai pas autorisée à parler.

        Oh ho, il est vexé. Quand sa trogne disparait sous la flotte, je sais qu'il va encore viser les burnes, et au contact. Du coup, je balaye la sousface d'un pied qui trouve son obstacle et l'envoie valdinguer plus loin. Pas trop, je suis ralenti et il est aussi à l'aise dans cet élément qu'un pédophile dans un entretien d'embauche pour prof d'éducation physique. Néanmoins, ça me laisse le temps de pousser la petite vers le siphon.

        Tu prends ta respiration, tu t'accroches bien au ballon et tu bats des jambes jusqu'à remonter. En haut, t'appelles la Légion et tu leur demandes asile en mon nom. Ils te protégeront.

        Attends, mais toi ?


        Ben moi ils me protègent déjà; j'ai pas à leur demander asile.

        Elle met du temps à comprendre. On progresse. Elle force un rire pour me signaler qu'elle a compris, et sûrement apprécié, que je sois si détendu en dépit de la situation. Dans son regard, il y a toute l'humanité d'une gosse qui ne veut plus voir des gens mourir. Brave gamine.

        C'est pas un adieu, Agathe. Je rosse le méchant monsieur et on se le bouffera ensemble, promis.

        Beuuuh...


        Hé hé, tu rigoleras plus tard, là faut te remplir les poumons d'air. On se revoit de l'autre côté.

        Elle acquiesce, pas très assurée de me voir tenir parole. Elle bouche son petit nez en le pinçant et me laisse la pousser de l'autre côté du courant. D'une impulsion, je lui garantis de ne plus être prise dans le courant et lui souhaite bon voyage. De mon côté, reste de l'air dans l'angle du mur au-dessus du trou. Je ne m'y rends pas, faut que je couvre la sortie du trou pour éviter que Don Pas Beau Mérou Bas ne profite pas de son sen inné de la saloperie pour aller la choper. Il m'est confirmé qu'il est toujours là quand je sens une lame me riper sur la clavicule pour m'ouvrir le derme jusqu'à l'épaule. Je tiens, un coup, deux. Quand l'oxygène manque un peu trop, je cède ma place de bouclier pour aller gober de l'air dans mon coin de paradis. Les coups continuent, puis cessent. Pris d'un sérieux doute, je plonge pour tâcher de trouver ce qu'il fish. A peine la tête sous l'eau que je me retrouve nez-à-nez avec lui.

        Le but du jeu, c'est que tu souffres tellement que tu renonces toi-même à reprendre ton souffle.


        Je peux pas lui dire que c'est pas trop possible pour un humain, contrairement aux poissons notre instinct de survie est plutôt bien fait. Il me tape le bide de la paume . Je sens un genre de disque de plomb qui me comprime les muscles, puis me projette contre le mur. La vache, je sais pas ce que c'était, mais ça brûle. J'ai plus d'excuses là, suis tout seul et je dois le tuer. Une idée, une faiblesse. Quelque chose.

        Pensant avoir trouvé, je reprends une gorgée d'air, replonge et m'engouffre au plus vite dans le couloir d'escaliers à présent totalement submergé. Mérou Bas ne me toxe plus, il fait pire. Il cause.

        Tu t'enfouis sous l'eau pour ne pas avoir le temps de remonter ? C'est malin. A moins que tu cherches une arme ? Un couloir pour mieux gérer mes mouvements ? C'est pas mal pensé, mais...


        Il se téléporte quasi devant moi d'un mouvement de natation et bloque ma course d'un coup de talon dans l'estomac.

        ...je suis où je veux, quand je le veux.


        Il retourne derrière moi. J'ai perdu en autonomie avec son coup, mais pas question de retourner en arrière. En m'aidant des rampes comme de propulseurs, je les attrape et parviens assez vite au roger arraché. Je m'y engouffre, essuyant une nouvelle entaille au mollet. Il prend son pied, à me coller au train comme ça. L'air commence à manquer, je sens le corps qui épuise l'oxygène de ses globules en ressentant de plus en plus la carence. Faut faire vite.

        Je traverse la pièce vide, le couloir immergé avant la récente fuite, puis parviens de l'autre côté et prends une profonde respiration en rejoignant la cache de drogue. Le gang a utilisé cette pièce précisément parce qu'elle était à l'air libre, ce qui conservait leur butin et lui permettait même de sécher un peu. L'algue qu'ils utilisent pour servir de psychotrope embaume la pièce et ne doit qu'à sa nature végétale le fait que je ne goûte pas une tite tige. Je l'aurais pas volée.

        Alors, c'est là que tu voulais aller ? Si tu espères retenir ma came en otage, je te le dis tout de suite: je la consomme aussi trempée. Ca se revend juste plus cher quand ça a pu sécher.

        C'est pas ta came qui m'intéresse, j'ai d'autres consos. Tiens, comme ça.

        J'extrais d'une paroi, encastré dans du carrelage, la trogne d'un de ses sbires. La main enfoncée sous sa chair, j'en saisis la colonne vertébrale pour l'agiter comme une marionnette.

        Tu veux rire ? Moi il ne m'a pas mangé parce que je suis trop moche.
        - Faut admettre que vous avez des têtes, on dirait des dessins d'enfants autistes, et pas les plus savants. Sais pas qui est votre designer, mais j'ai déjà vu des épileptiques faire des portraits avec plus de classe.


        La ferme ! Pose-le !

        Mais Minos, moi j'étais un mec trop sympa ! J'avais peut-être même une tite famille aimante qui m'aimait pour ce que j'étais ?
        - J'en doute pas, gueule cassée, mais t'as eu un mauvais chef. Peut-être un des pires qui soit, le genre à vous laisser vous faire défoncer par le premier humain croisé. Et je parle pas du métier de croisé, ni du costume croisé. Encore que je crois que n'importe quel humain assez fort pour lacer ses richelieus peut dessouder la plupart d'entre vous. Je parierais même que vous avez fait une réunion smoothie et galettes de quinoa pour vous dégoter un slogan de tarlouzes autosatisfaites, genre "Born To Krill" ou "La Branchie au Pouvoir !".


        J'ai dit pose-le !!!


        Il craque et charge, les bras entourés d'une série de poignards d'eaux destinés à accompagner son coup de sabre décisif. Le bouquet final. C'est pour ça que je lui balance son pote crevé au moment où il va frapper. Leurs regards se croisent, les pointes d'eau vacillent et se brisent comme du cristal. Moi, je lui agrippe le bras armé et le pète d'une torsion et quelques heurts vicieux contre la roche la plus proche. Il hurle, de douleur, de colère, de folie sanguinaire. Définitivement lassé de l'entendre, je ramasse son sabre gros comme un coutelas à mon échelle et l'égorge proprement pour le laisser étouffer dans son sang les quelques instants qu'il lui reste à vivre. Négligeant son faciès grimé de panique et colère sombre, je pose les miches sur le corps de son ancien pote et toise le suffoquant.

        Ca fait ça, la noyade. Cadeau.

        Je le taquine, mais sans énergie; j'en ai marre. Le temps de me reprendre un peu et je nage jusqu'à la salle des coffres où m'attend ma prochaine poche d'air. Je l'y savoure, satisfait d'enfin pouvoir quitter cet endroit. D'un geste, je rejoins l'ouverture et emprunte la même route qu'Agathe pour la rassurer, déjà, puis espérer que Braff ne l'a pas bouffée durant mon absence en voulant lui faire un bisou. En remontant, je vois que le poisson-lune est bien arrivé à la surface et que la gamine est à côté. Non, elle est en-dessous, toujours immergée. Regardez-là, à veiller, anxieuse, sur tonton Minos qui doit tenir sa promesse. Je souris de loin et la salue entre deux mouvements de brasse, avant de me rendre compte qu'elle est transpercée par une lame. Aussi vif qu'un homme-poisson, je la rejoins et l'agrippe pour la voir de près, savoir si je peux faire quelque chose. Nos regards se croisent, mais les siens n'expriment plus de peur, plus d'humanité, plus rien. Ce sont deux billes vides éteintes, qui ne verront plus personne mourir. Dans ses derniers instants, le corps n'a pu que rester accroché à la ficelle. Je l'en détache, sous les couinements moqueurs du ballon qui a repris connaissance, et probablement lancé son arme pour l'harponner. Avec son corps gonflé et ses petits bras, c'est tout ce qu'il pouvait faire.

        Je garde Agathe dans mon bras en perdant quelques mètres d'altitude. C'est bien un adieu. Et que je regrette, je ne suis pas revenu à temps. Ma main va machinalement chercher le dial musical auquel elle tenait tant et, sitôt les paumières closes, la voilà rendue à l'océan. Les mots me manquent, mais l'air aussi. Là où je vais, il y en a et je n'aurai pas besoin de parler. En relevant la tête, je fixe de haine le mole aux lèvres pincées, qui rigole à rouler sur la mer. Mes jambes reprennent une vigueur saturée à l'adrénaline. Je remonte à vive allure, poing tendu vers la boule de piques. Lui aura droit à toutes les vocalises qu'il veut, je vais offrir à l'océan un puissant oraison funèbre.
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