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Un grain de poussière dans une mer de sable

- Arhye...
- Quoi ?
- J'ai chaud.

    Cela fait plusieurs jours que nous traînons au Royaume d'Alabasta maintenant. Nous sommes arrivés à Alubarna, la capitale, il y a un moment déjà. Nous avons eu l'occasion de faire le tour de la ville et de collecter des informations par-ci par-là mais nous en sommes toujours au point mort. Il faut dire que l'endroit est mal choisi : malgré ses relations avec le Gouvernement Mondial, l'endroit ne comporte aucune garnison de la Marine, ni avant-poste ni rien. Il existe bien une ambassade, pour la forme, mais son utilité est négligeable.

- C'est normal, c'est le début de l'après-midi.
- ... T'as pas chaud toi ?
- Nan ça va.

    J'espérais sincèrement en apprendre plus sur le lieu où ont été emmenés mes parents. Etant soupçonnés - à tort - d'avoir pactisé avec la Révolution, et appartenant à la Marine pour l'un, j'imagine qu'ils ont dû passer devant le tribunal d'Enies Lobby. D'après le journal, il y a eu pas mal de procès au cours de ces derniers mois impliquant des révolutionnaires et leurs alliés. Si mes parents ont été reconnus coupables, il y a de fortes chances pour qu'ils aient été exécutés...
   Mais mon père possède son lot de victoires. Il est reconnu par ses pairs. Ses faits d'arme devraient lui servir, ainsi qu'à ma mère. Tant que leur mort n'est pas confirmée, je dois continuer de chercher.

- T'as bien de la chance... Si seulement je pouvais me rafraîchir, là, tout de suite... Rien que par la force de ma volonté...
- Ouais, ce serait l'idéal.
- ...
- ...
- Tu voudrais pas...
- Non, stop !
- Oh allez ! Rien qu'un glaçon ! Sur la langue !
- NON ! Je ne suis pas une machine !
- Pfeuh ! Radin...

   Et voilà. Matt Denis se remet à bouder. Tout ça parce qu'il fait quarante à l'ombre et que notre dernière pause date d'il y a deux heures, au moment du dîner. Du coup il grommelle tout seul dans son coin - la partie gauche de notre banc, sous un palmier - tout en enfonçant ses mains dans ses poches... Jusqu'à ce que la chaleur l'oblige à les ressortir, moites et collantes. Cela fait bien longtemps qu'il n'a pas remis ses gants noirs d'ailleurs.
   Je soupire et replonge dans mes pensées. En cas d'emprisonnement, Jotunheim était le choix premier : prison réputée ; résidents célèbres ; sans distinction d'affiliation. Mais les récents événements ont permis d'exclure cette possibilité. Pour le reste, ce ne sont que des suppositions : Le trou, Mile High Purgatory, le Kapharnaum... Autant de noms entendus ça et là, au travers d'une discussion, d'une rubrique ou d'une annonce gouvernementale. Quoi que Mile High soit censé être un lieu très secret : il est difficile d'accès, ce qui s'y passe n'arrive jamais aux oreilles des curieux et personne n'en ressort pour témoigner de ce qu'il y a vécu.
    Je remercie mon compagnon pour ses talents de furetage. Il n'empêche que même avec ça, impossible de savoir où chercher. De toute manière, on ne pourrait pas faire grand chose à deux.

- Je pensais à un truc.
- Mmh ?
- T'aurais pas entendu des rumeurs sur une île pas loin d'ici ?
- Une île ? Quel genre ?
- Un "royaume aussi grand qu'Alabasta"...
- Imashung ? Et alors ?
- Eh ben... Tu sais...
- ... Oh je vois où tu veux en venir. Je te connais.
- Et donc ?
- Je pense que t'es sacrément con.

    Je me tourne vers Matt, cachant mal mon étonnement : c'est bien la première fois que je l'entends jurer aussi franchement, surtout à mon égard. Sans doute que sa mauvaise humeur passagère y est pour quelque chose, mais tout de même ! Il ne sourit pas du tout. Il a même l'air particulièrement sérieux.

- Tu penses à Lust, c'est ça ?
- ...
- C'est un Corsaire, Arhye. Une des femmes les plus dangereuses au monde qui plus est. Tu ne peux pas lui demander quelque chose sans t'attendre à en payer le prix. Et nous savons tous les deux que ce ne sera pas du gagnant-gagnant.
- Quand bien même, elle pourrait au moins savoir si...
- Quand bien même ! Soit elle nous réduit en esclavage, soit elle découvre tes pouvoirs et décide de te prendre comme larbin à vie. Sois raisonnable, bon sang ! Si tu veux les retrouver, c'est pas comme ça que tu dois t'y prendre.
- ET COMMENT ALORS ?

   J'ai crié. Le voleur a sursauté, tout comme les quelques passants qui marchaient par là. Mais pour l'instant, je m'en contrefiche :

- Qu'est-ce que tu proposes ?! Hein ? Qu'on retrouve les autres ? Moka a disparu ! J'ai laissé Daemon derrière moi par pur égoïsme ! Les seules personnes qui m'ont aidé jusqu'à présent l'ont fait parce que la situation l'exigeait ! Depuis qu'on se connait, on a pas cessé de se faire utiliser, Matt. J'en suis conscient ! Mais tu vois... J'en ai plus rien à faire. Si ça peut me permettre de me rapprocher ne serait-ce QU'UN PEU de mes parents, alors soit ! Qu'on m'utilise ! Alors oui c'est désagréable, oui ça m'emmerde ! Mais est-ce que j'vaux mieux que ça ? Et même si c'était le cas, est-ce que je ne devrai pas tout faire pour les rejoindre au plus vite ? Est-ce qu'au moins ils sont encore en vie ?! PERSONNE NE LE SAIT ! MOI j'en sais rien et ça me tue ! Tu comprends ça ?!

    Plus personne n'ose bouger autour de nous. Même les rares enfants du quartier ont cessé de rire et de pleurer, comme pour respecter la non-intimité du moment. J'ai relâché la pression. Pas toute, mais une bonne partie. J'en ai presque les larmes aux yeux... Ce qui pourrait être comique dans d'autres circonstances, vu ma peau sèche. Ma respiration est forte, mon coeur bat vite. Inconsciemment, je souffle de la vapeur d'eau froide.
   Si je laissais libre court à mes pulsions, je gèlerai l'entièreté de la place, d'un revers de la main. Mais je n'ai ni la force ni l'assurance de me sentir mieux après ça. Et mes problèmes ne regardent que moi. Je n'en suis pas encore au point d'impliquer des innocents dans mes crises existentielles.
    Je ne suis pas un monstre.

    ... Au final, cette humeur passagère est la preuve que tout est calme. Cela fait un moment que nous n'avons pas eu d'ennuis.
    C'en est presque étrange.
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- Mon sac !

    Nous venions à peine de nous réhabituer au silence et de nous lever qu'une femme se met à crier. Un vol à l'arrachée vient d'avoir lieu, juste sous notre nez, au carrefour entre plusieurs rues commerçantes de la ville. Matt grimace et me regarde avec insistance. J'observe la scène sans broncher, la tête ailleurs. Ce genre de choses m'apparait banal désormais.
    Le blond me donne un léger coup de coude. Je le fixe, il me fait signe de la tête, je soupire. Je tends le bras en direction du voleur de sac, lequel me facilite la tâche en bousculant les gens sur son passage, dégageant mon champ de vision et d'action. L'extrémité de ma main gèle aussitôt et, à la manière d'une arbalète, je projette un pieu qui va se ficher de le dos du coupable*. Celui-ci pousse un cri de surprise et tombe à la renverse, la glace recouvrant peu à peu son dos et le reste de son corps.

- T'es content ?
- Ça te ressemble davantage.
- Ça fait pas très pirate.
- Je ne vois pas où tu as vu ça. Ça fait humain, c'est le plus important.
- Dixit le voleur élevé par des mafieux !

   Nous nous rapprochons de ma cible, toujours paralysée. La femme qui a crié vient à son tour, d'un pas mal assuré. Voir une lance de glace jaillir du bras d'un inconnu, ça doit faire bizarre, peu importe la situation. Elle bégaie :

- M-merci...
- Y a pas de quoi. Tâchez de faire plus attention à vos affaires.
- En vous souhaitant une bonne journée !

    Sur ce, nous quittons les lieux. Autour de nous, les murmures sont nombreux. Certains marchands causent même entre eux en nous dévisageant. Nous passons devant les étals, la capuche de nos habits locaux rabattue au maximum et sans regarder dans leur direction. Les odeurs d'épices et de friandises au miel m'emplissent les narines, tout autant que les senteurs d'encens, de terre cuite et de tapisserie neuve. Certains crieraient au cliché si je leur racontais. Et pourtant...
   Matt s'est plutôt bien remis dans mon coup de gueule. Il a toujours été nettement plus patient et compatissant que moi, même avant Daemon Wall ou les événements de Jotunheim.

- Excusez-moi...

   Nous nous arrêtons. Un homme d'à peine trente ans avec un turban sur la tête se tient devant nous, l'air timide et les bras chargés.

- J'ai vu ce que vous avez fait à l'instant... C'est ma femme que vous avez aidée : elle faisait des courses pour moi pendant que je tiens la boutique. Je vous prie d'accepter ça, pour vous remercier...

   Il tend deux paniers remplis de fruits, ainsi que quelques morceaux de viande séchée. Nous regardons cela sans trop savoir comment réagir. Moi surtout. J'ose en prendre un, doucement, et observe sa réaction. L'homme n'a pas l'air pleinement rassuré. Il semble même avoir peur de nous... Il n'est pas le seul d'ailleurs. J'ai sans doute fait plus forte impression que prévu. Je jette un oeil en arrière et vois que le voleur est toujours au sol, en train de gémir tandis que des autochtones le surveillent en attendant la garde.
   Je retourne mon attention vers le marchand et balbutie :

- Ben euh... Pas de problème, merci à vous.

   "Pas de problème, merci à vous" ? Depuis quand je n'ai pas formulé une phrase aussi... Normale ? Et nulle en plus ! Et Matt qui sourit comme un benêt à côté en plus ! Il se moque ? Il est heureux ? Va savoir. De toute manière, je suis trop malaisé pour rester sur place. Je m'éloigne avec les offrandes, mon compagnon à la suite. J'imagine que l'autre gars nous regarde encore depuis le milieu de la rue.

- Tu vois ? C'était bien de le faire.
- Peut-être bien ouais. Mais tu en aurais volé davantage sans te faire prendre.
- Et tu aurais laissé passer ?
- ...
- Tu n'as pas changé Arhye. Tu es toujours ce jeune homme plein d'empathie que j'ai rencontré à Manshon. Il n'y a que toi pour croire le contraire.

    Avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit, on nous interpèle à nouveau :

- Vous là. Suivez-nous.

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Nous tombons cette fois sur un groupe armé d'individus. Leurs lances prêtent à l'emploi imposent le respect tandis que les civils alentours prennent peur et s'éloignent au maximum. Leur uniforme laisse supposer qu'il s'agit de la garde royale. Au milieu de ce beau monde, un grand gaillard à la barbe finement taillée avec des bracelets cerclant ses énormes biceps. C'est lui qui nous a apostrophés, un doigt accusateur pointé dans notre direction.

- ... Peut-on savoir pourquoi ?

   J'ose poser la question, même en sachant que la réponse ne viendra probablement pas : dans ce genre de situation, la normalité voudrait que l'on ferme son clapet et que l'on suive les directives sans discuter. L'officier bombe le torse et choisit de répondre, à ma grande surprise :

- Des témoins viennent de nous faire part d'agissements peu communs. Pour le bien et la sécurité des habitants de cette ville, nous vous sommons de bien vouloir nous suivre sans faire d'histoire, afin que nous posions quelques questions.

   Voilà qui se présente mal. Se mettre à dos la garde royale signifie s'en prendre à l'autorité d'une des familles les plus anciennes et les plus puissantes au monde... Inversement, faire ce qu'ils disent revient à révéler notre identité et, s'ils font le lien avec mon avis de recherche, risque de mettre un terme à notre aventure.
    Sentant mon embarras, Matt vient me tirer doucement la manche pour attirer mon attention. Il me chuchote quelques mots à l'oreille et je regagne peu à peu contenance.

- Tu es sûr de toi ?
- Ca peut marcher.

- Très bien. Nous vous suivons.

    Nous nous dirigeons alors vers le palais.
   Sur notre chemin, curieux et commères s'entassent en se demandant ce qu'il peut bien se passer. Les enfants s'approchent, les mères les arrêtent dans leur élan, quelques vieillards rouspètent et tirent des conclusions hâtives. Parmi eux, certains se permettent même de nous cracher des noms d'oiseau à la figure... Je pense  que le plus courant est "vauriens". On sent que l'âge limite jusqu'à la violence des propos. Ils nous auraient traité de "chenapans" que ça ne m'aurait pas plus marqué.
   Plus nous nous éloignons des quartiers commerçants, moins il y a foule. Matt sourit et met les mains dans les poches. Il m'a fait comprendre qu'il avait un plan tout à l'heure... Je lui fais confiance. En terme de roublardise, il est le meilleur.

   Nous ne sommes plus qu'à quelques mètres des portes du palais et nous bifurquons soudainement vers la gauche. J'interroge l'officier du regard et il me lance :

- Le bâtiment des gardes est situé dans une annexe. Les geôles également. Hors de question de laisser qui que ce soit s'approcher du palais sans y avoir été invité.

    Effectivement, ça a du sens.
    Je lève tout de même la tête vers les murs de la résidence royale et ses innombrables fenêtres. J'aperçois alors la silhouette d'une jeune femme, plus en hauteur. Je ne peux pas vraiment la décrire de ma position, mais j'en vois suffisamment pour affirmer qu'il s'agit d'une demoiselle importante, et pas vraiment moche. J'ai l'impression qu'elle regarde vers nous elle aussi.
    Puis elle tourne la tête et disparaît de mon champ de vision.

- Nous y sommes.

    Nous entrons dans les baraquements. Là, un soldat somnolent reconnaît l'officier et le salue, tout à coup énergique :

- Capitaine Ikeb !
- Repos. Je vais interroger ces deux étrangers à l'arrière.

    La patrouille se divise, l'officier entre dans une salle à l'arrière et nous le suivons, ainsi que deux autres gardes. Dans la pièce, il n'y a rien à part quatre chaises et une table. Le capitaine prend place et on nous demande de faire de même. Matt ne semble pas contrarié le moins du monde. Alors je m'exécute.

- Bien... Retirez vos manteaux je vous prie.

    Nous le faisons. L'homme musculeux nous dévisage longuement, semble hésiter mais finit par continuer :

- Qu'est-ce qui vous amène à Alabasta ?
- Nous sommes des voyageurs, monsieur.
- Des voyageurs, hein ?
- Oui.
- Avec une destination finale je suppose ?
- Eh bien... Ici.
- Voyez-vous ça.

    Le dénommé Ikeb commence à tapoter la table de ses dix doigts. Nos réponses semblent lui plaire pour une raison obscure.

- Dans quel but êtes-vous venus ? Drogue ? Brigandage ? Régicide ?
- Rien de tout ça soyez-en assuré !
- Vraiment ? On m'a fait part de choses plutôt bizarres juste avant de vous interpeller : deux étrangers qui dérangent le quotidien de nos citoyens. L'un d'eux serait un utilisateur de fruit du démon. Avec des pouvoirs dangereux qui plus est. Comprenez que nous soyons précautionneux...
- C'est un fait. Mais nous empêchions simplement un vol d'avoir lieu.
- Et que sont ces paniers que vous tenez ?
- La récompense pour notre bonne action. Il y a des témoins.

   Cette fois, le capitaine fronce les sourcils :

- Si ça ne tenait qu'à moi, j'éviterai d'y retourner, par simple paresse. Il est beaucoup plus simple de vous faire cracher le morceau via certaines méthodes.
- ...
- Maaaaais je vais m'en tenir à ça pour l'instant. Il y a d'autres questions que je dois vous poser, et vous n'avez pas répondu à la précédente : que faîtes-vous ici ?
- Eh bien nous...
- Attendez !

   L'officier se lève d'un coup. Il n'a pas cessé de me fixer depuis sa dernière phrase - sans doute parce que je n'ai pas ouvert la bouche un seul instant - et ses yeux s'écarquillent :

- Je te reconnais... Toi ! Tu es recherché !

   Il cherche dans un tiroir fixé sous la table et sort une pile d'avis. Il en sort le mien :

- Arhye Frost ! Vous êtes des pirates ! Je savais que vous mentiez !
- Il y a méprise ! Frost n'est pas son vrai nom et il n'est pas plus pirate que vous !
- Hein ?
- Encore des mensonges ! GARDES !
- NOUS SOMMES VENUS QUEMANDER L'AIDE DE LA FAMILLE ROYALE !
- Que... QUOI ?!
- Hein ?
- Sir Arhye est le fils de Lady Orenna Crow, du Royaume de Luvneel. Il est de noble filiation ! Ce sont ses pairs, alliés aux révolutionnaires, qui ont fomenté un complot contre lui et sa famille. Peut-être avez-vous entendu parler de la récente bataille qu'a connu Luvneelgraad ? Durant cette tragédie, la désinformation a provoqué la chute de plusieurs membres de la noblesse, dont les parents de mon maître ici présent. Il est venu ici, aussi loin de chez lui que le lui permettaient ses moyens, pour quémander l'aide providentielle de la famille la plus illustre qui soit : la famille Nefertari.
- HEIN ?!
- HEIN ?!
- ... Hein ?!

    Tout le monde est là, bouche bée, à écouter Matt user de ses talents d'orateur. Il y a une part de vrai dans ce qu'il raconte, mais son histoire est bien trop tirée par les cheveux ! Ca ne fonctionnera jamais ! Pourquoi est-ce que je lui ai fait confiance ?! J'aurais mieux fait de les geler dès le départ pour nous permettre de fuir...

- Qu'entends-je ? Un noble déchu réclame l'aide de ma famille ?

    Une voix fluette s'échappe de derrière la porte entrouverte. L'instant d'après, une jeune femme - que je reconnais comme étant celle de la fenêtre - apparaît. Elle est... Belle, il faut l'avouer. Le fard sur ses joues, le trait sur ses paupières, le vernis de ses ongles, les parures autour de son cou... Tout chez elle est signe de richesse et de coquetterie, sans aller dans l'excès. Elle sait mettre en valeur les charmes qui sont les siens. Son sourire sublime le tableau tandis qu'elle observe le monde d'un regard qui se sait envoutant.
    Le capitaine est tétanisé :

- P-p-princesse Nina... Que venez-vous faire ici ?
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- Ai-je besoin d'une raison pour aller et venir dans la capitale ?
- B-bien sûr que non... Mais princesse : ces jeunes gens sont suspectés d'être des criminels et...
- C'est ce que j'ai cru comprendre en effet. Mais jusqu'à preuve du contraire, ce jeune homme est potentiellement un noble en quête de soutien. Le maltraiter sans être certain de ses mauvaises intentions risquerait de nous porter préjudice. Imaginez qu'il dise vrai et que le Royaume de Luvneel nous devienne tout à coup hostile ?

    La princesse Nina Nefertari ne cesse de sourire. Elle affiche un air innocent alors que son ton est solennel. Elle contrôle la conversation dès lors qu'elle ouvre la bouche et notre destin semble lui appartenir désormais.
    Cependant j'imagine mal comment mon statut de "noble déchu" pourrait avoir un impact futur sur des relations diplomatiques internationales... La question semble occuper l'esprit du capitaine car il continue d'hésiter. Mais que peut-il faire face à un membre de la famille royale ? En la regardant à nouveau, je constate que les yeux de l'élégante jeune femme ont un éclat de malice qui ne m'est pas inconnu : Matt a le même regard lorsqu'il lui vient des idées folles. Daemon aussi l'avait, en plus de son sourire prédateur...

- Pour ce qui est du motif de ma présence, il est tout autre. Je suis venu m'entretenir avec vous pour retrouver ma cousine.
- La princesse Cloclo a encore disparu ?!
- En effet. Je devais lui parler de... Quelque chose. Même Toutankhassan n'a pu me dire où elle était partie cette fois.
- Je vais immédiatement ordonner à toutes les patrouilles de se lancer à sa recherche princ...
- Inutile. J'ai une meilleure idée désormais : dites à vos hommes de sortir je vous prie.
- Mais c'est...
- S'il vous plaît ?

    Le visage innocent de la princesse a l'air convaincant... Pourtant je remarque une profonde inquiétude dans les yeux du capitaine Ikeb. Un frisson lui parcourt l'échine et il fait signe aux deux gardes de quitter les lieux. Dès l'instant où ils ferment la porte, Nina Nefertari pousse un soupir et laisse tomber le masque : la gentille et jolie demoiselle laisse place à une future dirigeante au regard empli de suffisance. Même son sourire devient narquois. Elle juge l'assistance qui la découvre et prend place sur la chaise qu'a délaissée l'officier.
    La beauté changeante me toise à nouveau, les mains jointes sur la table. Elle est détendue, tranquille, confiante. Si je le voulais, je pourrai la figer dans la glace à l'instant. Sans doute ne le sait-elle pas ? Ou alors elle cache quelque chose... Dans tous les cas, je ne me risque à rien et me contente de soutenir son regard.

- Ainsi, vous êtes Arhye Frost ? Vous seriez né... Crow c'est bien cela ?
- ... En effet votre Altesse.
- Oh ne vous méprenez pas : je ne suis pas l'héritière... Du moins pas encore... "Princesse" suffira.
- Pardonnez-moi je n'étais pas au courant, Princesse.
- Ce n'est rien. Parlons plutôt des affaires qui vous amènent. Votre honneur a été bafoué, votre titre effacé et votre famille victime d'un complot. Suis-je dans le vrai ?
- C'est tout à fait cela.

   J'ai décidé de marcher dans le plan de Matt. D'autant plus que tout est vrai, bien que j'ai renoncé à mon titre pour devenir soldat de la Marine...

- Hmm... J'imagine que si vous êtes ici, c'est parce que personne au sein de la noblesse de Luvneel n'a accepté de vous prêter main forte. Cela a dû être dur.
- Vous n'imaginez pas à quel point.

    Sur ce coup là, je n'ai pas eu besoin de simuler la peine ou la frustration. Elles m'habitent depuis longtemps maintenant. Les trois autres l'ont ressenti et ont respecté un moment de silence. Puis la princesse renchérit :

- De ce que j'ai écouté, vous seriez utilisateur d'un fruit du démon ?
- Oui, Princesse.
- Lequel ?

    La question est simple, claire, plus sur le ton de la curiosité que de l'autorité, mais ce n'en est pas moins un ordre. Je prends le temps de réfléchir à ce qu'il convient de faire : elle souhaite clairement me faire étaler toutes mes cartes. Elle aime avoir le dessus et comprendre ce qui l'attend. Le savoir est une arme qu'elle maîtrise plutôt bien pour son âge. Et ses lèvres dessinent toujours le même sourire confiant. Alors j'accepte de rentrer dans son jeu et cherche à obtenir sa confiance. Les actes étant plus forts que les mots, je m'exécute : j'exhibe ma main droite qui gèle aussitôt et devient blanche, puis presque transparente, à la manière d'un cristal de glace. De petites volutes de fumée froide se créent, résultat du changement brutal de température autour de mon avant-bras.
    Le capitaine sort son arme tandis que la princesse recule sa chaise, surpris tous les deux. Au bout d'un moment, ma main redevient ce qu'elle était et Nina reprend contenance dans la seconde qui suit. Elle semble satisfaite :

- Voilà qui était osé.
- M'auriez-vous fait confiance, si je n'avais fait que répondre ?
- J'aime votre façon de penser, Arhye de la maison Crow... Capitaine Ikeb.
- Oui Princesse ?
- Vous allez accompagner ces deux hommes à l'extérieur.
- Êtes-vous sure de vous ?!
- Oh que oui. Je déclare, en tant que membre de la famille royale, que je ferai ce qui est en mon pouvoir pour attirer l'intérêt de leur requête aux yeux de la reine. En contrepartie, je souhaite que ces deux hommes gagnent ma confiance en me ramenant ma chère cousine, et ce sous votre surveillance.
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- De toutes les idées que tu as eues, celle-ci est de loin la plus merd...
- Moins fort !
- Sérieusement Matt ! Qu'est-ce qui t'as pris ?!
- J'ai voulu créer une opportunité... Mais je ne m'attendais pas à ce qu'on tombe sur la famille royale !

    Nous avons quitté les baraquements et poursuivons notre route vers la sortie de la ville. D'après certains témoins douteux, la jeune princesse Cloclo serait sortie d'Alubarna, direction le désert à l'est. Le capitaine Ikeb fait la moue et ne dit mot. Il n'était pas vraiment emballé par l'idée de notre nouvelle garante... Je ne peux pas lui en vouloir. Dans son cas non plus, je n'approuverai pas. Enfin je crois.
    Sa mauvaise humeur finira par devenir supportable. Pour le soleil, c'est une autre histoire : nous sommes toujours emmitouflés dans nos chèches et takakats, mais marcher sur le sable chaud en plein cagnard toute une journée ne nous emballe pas des masses. Même les locaux évitent ce genre d'exercice. Les deux gardes qui nous ouvrent la porte nous souhaitent d'ailleurs "Bonne chance" sur un ton compatissant.

    L'officier se tourne alors vers nous, à l'ombre des tours de guet :

- Bon. Si ça ne tenait qu'à moi, vous seriez déjà prêts pour une exécution en bonne et due forme et la moitié de mes hommes seraient partis à la recherche de la princesse.
- On s'en doute...
- Mais puisque j'y suis contraint, je m'en remets à vous deux. Alors pas de bêtises, faites ce que je vous dis et tout ira bien, c'est bien clair ?
- Oui capitaine...
- Plaît-il ?
- Oui capitaine !

    J'ai répondu machinalement, droit comme un i et le regard fixe. Un réflexe que je ne pensais pas avoir, vu mon manque d'attention pendant mes quelques entraînements de recrue. Mais c'est bien le genre de détail qui ne trompe pas pour un soldat : l'officier alubarnien sait reconnaître une formation militaire par expérience. Même Matt est bluffé. Si la situation s'y prêtait davantage, il n'aurait pas manqué d'en rire.
    Visiblement satisfait de son effet, Ikeb nous fait signe d'avancer à nouveau et nous partons affronter la fournaise du no man's land dans lequel se serait aventuré la princesse Cloclo... Pourvu qu'elle aille bien, pourvu surtout qu'elle soit bien dans ce coin du désert et, enfin, pourvu que les raisons de son escapade n'entraînent pas plus de conséquences néfastes à notre égard ! Quand je pense que nous ne sommes que de passage... Ce n'est pas comme si on mettait la pagaille où qu'on aille !
    ... Ce n'est certainement pas comme si on le faisait exprès.

    Je ne compte pas vraiment, mais je sais que nous marchons depuis près de deux heures. Aucune piste intéressante pour l'instant, si ce n'est quelques lignes ondulées, laissées par des serpents sur leur sillage. Des empruntes nombreuses, celles des rares nomades de la région et de leurs montures, nous permettent de rejoindre un campement provisoire, au pied d'un monticule ombragé, en bordure d'une petite oasis. Mais ils ne nous apprennent rien d'intéressant, si ce n'est la présence supposée de ruines plus au sud. Après avoir rempli nos gourdes et n'ayant rien d'autre, c'est là que nous décidons de nous rendre.
    Vient ensuite le moment où l'ancien mafieux se plaint à nouveau. Il a chaud, il a soif, il transpire dans ses pompes, bref, il est gonflant et cela signe l'heure de la pause pour notre trio. Je prends les devants et, avant que la capitaine n'ait le temps de me donner un ordre, je crée une colonne de glace d'environ dix mètres de haut sur laquelle je me perche pour observer les alentours. Les autres me regardent faire, rafraichis par mon oeuvre.
    Je tourne lentement sur moi-même, essayant de repérer le moindre indice, le moindre détail contrastant avec la platitude du décor alentour. C'est au moment où je m'apprête à lâcher l'affaire qu'enfin je distingue quelque chose. Rien de concret, il faut être honnête : juste un point sombre faisant tâche au milieu de cette étendue dorée.

- J'ai peut-être quelque chose !

   Je crée une rampe en colimaçon sur laquelle je glisse pour rejoindre mes deux compagnons d'infortune, lesquels me dévisagent d'un air circonspect.

- ... Quoi ?
- Tu viens de faire du toboggan là. En plein milieu du désert.
- Et alors ?
- Tu ne pouvais pas juste sauter ? Je ne pense pas que le capitaine et moi avons eu droit à notre dose de plaisir dans cette histoire.
- Sérieusement ?! Tu veux que je te fasse monter pour faire un tour ? Dépêche-toi parce que ça va fondre vite.
- Non merci !

    Un long soupir et quelques gorgées plus tard, nous voilà repartis dans la direction que je leur ai indiquée.
    Il nous faut près d'un quart d'heures pour atteindre l'endroit, Matt et moi n'étant pas habitués à marcher dans le sable. L'officier Ikeb se voit contraint de nous attendre plusieurs fois, se retenant de nous mettre au pas de course. Finalement nous atteignons enfin le "point" que j'ai indiqué.
    Un cactus.

    Un courant d'air passe et soulève quelques grains de sable, se riant de nous au passage. Nous restons là, silencieux devant l'incroyable piste que j'ai découverte. Puis le capitaine se ressaisit, cachant mal sa lassitude :

- Je me disais bien que ce serait trop simple... Il se fait tard et je connais mal ce coin du Royaume. Nous devrions rentrer à Alubarna tant qu'il est temps, sinon nous serons pris par le froid de la nuit ou, pire, par une tempête de sable. Ici ça ne pardonne pas. J'enverrai des équipes continuer les recherches cette nuit et...
- Attendez un instant... Là-bas, ce serait pas...

    Nous suivons tous des yeux ce que nous montre Matt et les ouvrons grand lorsque nous en reconnaissons l'aspect : il y a des traces de pas plus loin, celles d'une personne et d'un canard géant.
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- Là ! Les traces continuent à l'intérieur !

    Le capitaine Ikeb a repris du poil de la bête. En suivant les empruntes, nous sommes tombés sur les ruines d'un vieux bâtiment religieux. Seule la pointe est visible, le reste étant recouvert par le sable. Impossible pour nous d'en deviner la taille réelle. Mais autre chose retient notre attention : la présence d'une fissure au sommet, suffisamment grande pour qu'une personne pénètre à l'intérieur. Voire un canard géant.
    Sans attendre, l'officier s'y engouffre. Nous le suivons sans trop d'hésitations, heureux de pouvoir se cacher du soleil un temps. Une fois à l'intérieur, nous n'avons pas le temps de profiter du décor : nous glissons le long d'un monticule de sable, sans doute créé par les tempêtes, des siècles durant, grâce à l'ouverture au plafond. Et plus nous nous enfonçons, plus il devient difficile de voir quelque chose... Puis nous finissons par atterrir sur une sorte de balcon. Là, nous attendons que nos yeux s'habituent à l'obscurité et j'entraperçois une sorte de bâton accroché au mur.
    Ikeb sort alors du sac de survie qu'il a amené un flacon, un chiffon et deux pierres sombres. Il s'approche de ce que nous identifions comme étant une torche ancienne et place le chiffon dans la partie supérieure, où est forgé un contenant, y verse le contenu de la fiole et frappe les deux pierres l'une contre l'autre jusqu'à créer des étincelles. La torche s'embrase et il la décroche, non sans mal, faisant voler de la poussière partout. Pris d'une quinte de toux, nous avançons avec peine en longeant le mur, évitant les crevasses et les zones fragilisées. Une fois toutes les particules expulsées de mon organisme, je respire un coup et m'apprête à appeler la princesse. Le capitaine, me voyant placer mes mains de part et d'autre de ma bouche, s'empresse de m'arrêter :

- Surtout pas ! On ne sait pas de quand date cet endroit... M'est avis qu'un simple cri peut nous causer des problèmes. Surtout que...
- ... Surtout que ?
- Le désert n'est pas sans vie. Des tas de créatures vivent sous le sable. C'est typiquement le genre d'endroit qui ferait un nid parfait pour les prédateurs.

    Même avec notre visibilité réduite, je suis certain de voir Matt pâlir. Il n'est pas friand d'insectes, ni de rampants ou de bêtes fauves... En fait, tout ce qui peut potentiellement tuer l'homme lui apparaît comme menaçant. Moi tant que ce ne sont pas des araignées, ça passe. Et encore, il faut qu'elles soient suffisamment grosses pour que les poils soient visibles !
    Dans tous les cas, la remarque suffit à calmer nos ardeurs.
    Nous atteignons le bout et empruntons un nouveau passage côté mur, lequel donne sur un escalier s'enfonçant encore plus profondément dans les entrailles du temple.
 
    La première chose qui nous étonne lorsque nous arrivons en bas, c'est la taille de la pièce qui nous fait face : grande, spacieuse, plutôt bien conservée pour ce que nous en voyons. La deuxième chose, c'est que le sable n'a pas réussi à se frayer un chemin jusqu'ici. La première "chambre" dans laquelle nous nous trouvions n'était pas totalement ensevelie, ce qui signifie qu'il faudra encore plusieurs dizaines d'années pour que le monticule déborde jusque dans les escaliers et commence à remplir cet endroit. Et enfin, la troisième chose, c'est la lumière mouvante au loin, face à ce qui ressemble à une immense statue.

- Tu vois ce que je vois, Kepe ? C'est fascinant...

    Nous avançons vers la lueur, jusqu'à ce que deux silhouettes se dessinent. Nos pas résonnent dans la grande salle, si bien que les ombres cessent de bouger tout en tournant la tête vers nous. Ikeb lance alors :

- Princesse Cloclo ? Est-ce bien vous ?
- Ca... Capitaine Ikeb ?! Qu'est-ce que vous fichez ici ?
- Je vous retourne la question ! Nous sommes là pour vous !

    Nous sommes maintenant suffisamment proches pour voir à qui nous avons affaire. Et la vue n'est pas pour me déplaire... Et dire que je trouvais la princesse Nina sublime.
    La jeune Cloclo est tout aussi belle, mais son charme est authentique, naturel : pas une once de maquillage, mais aucune imperfection sur son visage ; deux grands yeux étincelants, exprimant curiosité et sincérité ; les lèvres fines, sans défaut, vierges de tout rictus ou de toute fausseté. Par rapport à sa cousine, il n'y a pas photo. Elle est si pure que c'en est transparent !

- Je ne rentre pas.
- Que... Pardon ?
- Je vais chercher les trésors de ce temple, m'acheter un bateau et devenir pirate !
- QUOI ?!

    ... Bon, oublions le côté pur.

- Princesse... Vous n'y pensez pas ! J'espère que c'est une plaisanterie ! Vous me faîtes marcher, n'est-ce pas ? Dîtes-moi que...
"Hissssssss..."

     Un son étrange vient couvrir la voix du capitaine. Celui-ci se tait aussitôt et frémit. Le sol se met alors à grincer, tandis qu'un nuage de poussière apparaît ça, puis là. Nous restons figés, attentifs. Autour de nous, il y a du mouvement... La statue derrière la jeune femme et sa monture - un canard aux plumes orangées et au bec tâché de noir - représente un homme à tête de serpent... Et elle se met à trembler.
    Soudain, elle tombe et se brise. Des morceaux volent, le reste des débris s'écrase misérablement par terre. De l'endroit où se tenait la divinité sculptée apparaît un museau. Un museau énorme et recouvert d'écailles. Nous voyons d'abord les narines, puis la langue fendue, noire et épaisse, puis les yeux jaunes et reptiliens... Enfin, c'est la tête entière de la bête que nous contemplons et qui se dresse de plus en plus haut face à nous :

- Et merde... Un python géant...
- Sérieusement ? Tout est géant, chez vous ?!
- Plus ou moins...
- Plus ou moins ?! Mais qu'est-ce que c'est que ce pays de...
- Pas le temps de se plaindre ! Courez !

    Alors que nous nous retournons tous en direction des escaliers, la bête fond sur nous, mâchoire grande ouverte et crochets dehors.
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CRAC !

    Une réaction en entraînant une autre, ce sont plusieurs morceaux du décor alentours qui commencent à céder ! Le serpent monstrueux rampe à une vitesse telle qu'elle finit par nous dépasser... Du moins c'est ce que je croyais : la chose qui masque notre porte de sortie au moment où nous tentons de passer est en réalité la queue de la bête.

- Merde... Il mesure combien celui-là ?!
- On s'en fiche ! Cours pour l'instant !

    L'énorme tête arrive à notre hauteur et nous devons tous bondir sur le côté pour l'éviter. En me redressant, je me rends compte que Matt et le capitaine ont sauté à gauche alors que j'optais pour la droite. Le corps tout entier du python remue alors et l'entrée des escaliers apparait à nouveau... Seulement personne n'ose s'y engouffrer : si l'un de nous fait signe de bouger, le prédateur - de nouveau prêt à l'assaut - se fera un plaisir de le happer au passage et d'en faire son casse-croûte.
    Je regarde autour de moi, à la recherche d'un quelconque moyen de m'en sortir quand je remarque la princesse, juchée sur le dos de son canard, lui-même courant derrière le corps luisant du monstre. Ils ont dû user de l'agilité du volatile pour lui échapper dès le début de la course ! La jeune femme se met alors à hurler :

- Hé ! Par ici l'affreux !

    L'interpellé ne bronche même pas... Et à raison : celui-ci n'a pas d'oreille ! Constatant son échec, la belle opte pour une nouvelle solution et commence à fouiller dans son sac.

"HISSSS !"

    Seulement le serpent n'attend pas pour attaquer : me voyant seul, il choisit de fondre dans ma direction. J'ai tout juste le temps de placer mes mains devant moi et de créer une couche de glace pour amortir l'impact. Le bouclier éclate en morceaux sous le choc et je me retrouve projeté en arrière dans un grand "Splash" !
    Splash ?
    ... Oh ! C'est vrai : les attaques physiques ne me font rien. Je me relève donc, réassemblant les quelques morceaux de moi ayant éclaté avec ma protection. Pendant ce temps, mes deux compères en ont profité pour s'échapper. Tant mieux pour eux...

    Le python, énervé par son échec, est totalement concentré sur ma personne à présent. Il se redresse à nouveau et s'apprête à foncer derechef quand un projectile lui atterrit dans l'oeil.
    Nous nous tournons tous les deux vers la responsable : la princesse tient une pierre dans la main et, hésitante, la lance sur le visage écailleux de la bête.

- Oh oh...
- ... Je vous le fais pas dire... Restez pas là !

    Trop tard ! Cloclo reste tétanisée alors que l'immense mâchoire se rapproche dangereusement d'elle. Sans prendre le temps de réfléchir, je pointe le corps du serpent d'un bras et projette un épieu de givre dans la partie la plus tendre. Ma lance d'Odin se fiche dans le "ventre" de la créature et celle-ci se met à hurler de douleur, se tordant nerveusement dans tous les sens. Sa queue fouette l'air et soulève des débris et de la poussière partout autour de nous ! Très vite, notre visibilité déjà limitée devient quasi-nulle !
    Plissant les yeux et toussant, je finis par remarquer la faible lueur de la lanterne de la jeune femme et cours la rejoindre.
    En me voyant arriver, elle commence par paniquer. Le canard géant la secoue d'un rebond et, remise d'aplomb, elle finit par me tendre la main pour que je monte à sa suite. Nous contournons alors l'animal blessé et nous dirigeons vers l'endroit où elle se tenait auparavant, près de la statue tombée :

- La sortie est de l'autre côté !
- Si on y va, le python nous enverra voler ! Ou pire ! Il faut que nous l'éloignons d'abord...

    Elle n'a pas dû me voir utiliser mes pouvoirs ! Je m'apprête à répliquer quand nous entendons le monstre siffler férocement derrière nous : il s'est remis et nous prend en chasse !
    Peke, notre monture à plumes, couine de plus en plus fort, aussi effrayée que puisse être une volaille de cette taille. Mais elle continue de courir à toute allure, dépassant même le colosse antique brisé. Derrière, il n'y a pas grand chose à part un mur immense à la peinture ternie, quelques reliefs, naturels ou non, et un trou béant dans le sol.
    Même sans prendre le temps d'évaluer son diamètre, je sais de quoi il en retourne. Il s'agit de l'antre de la bête, s'enfonçant encore plus dans les abîmes du temple.
    Cela n'arrange en rien notre situation : si nous sautons à l'intérieur, le serpent se contentera de nous y suivre et de nous attraper ; si nous tournons, nous finirons par rejoindre un angle mort... Je sers les dents. Je ne suis mentalement pas prêt pour ce qui va suivre, n'étant toujours pas à l'aise avec mes capacités. Mais il faut bien agir si je tiens à survivre... Et je dois ramener la princesse chez elle !

   Trêve de pensées. L'héroïsme attendra ! Pour l'heure, j'ai un python géant à refroidir...

CRRRR...

    Par réflexe, nous baissons tous la tête. Sous les pieds du canard, nous remarquons une fissure. Et bizarrement, elle semble s'élargir... Au moment où nous nous estimons en danger, il est trop tard : le sol se dérobe sous nos pieds et nous chutons. La tête du reptile passe alors au dessus de nous et s'écrase contre son repère.
    La lanterne nous échappe. Nous plongeons encore plus loin dans les ténèbres.
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- Aouch... Princesse ? Vous allez bien ?

    Je me masse le front en grimaçant : un fragment de grès m'est tombé dessus alors que j'avais atterri sur de la roche vieille de plusieurs siècles. Elle s'est effritée au moment de l'impact et une fine couche de sable a fini d'amortir la chute... Je dois également remercier mes entraînements. Je suis nettement plus résistant qu'il y a de ça un an.

- Oui... Par ici, je... Aïe...
- Princesse ?

    Je me dirige vers le son de sa voix, plissant les yeux dans l'obscurité. En tâtant devant moi, je finis par sentir quelque chose de duveteux, légèrement mou... Je frémis avant de reconnaître Peke, le canard. Il semble aller bien, car il se met à piailler. Son timbre rauque est différent de ce que j'imaginais jusque là... Puis j'entends la respiration irrégulière de Cloclo, laquelle semble être à terre, à peine deux mètres plus loin.
    Je me penche vers elle doucement et lui demande de me tendre la main, ce qu'elle fait. Je la saisis et, avant de la soulever, je suis le chemin de son bras jusqu'à son ventre, jusqu'à descendre délicatement vers sa jambe. La jeune femme se raidit, mais ne me repousse pas. Nous saisissons tous les deux mon intention et son état : évitant du mieux possible ses courbes féminines, je finis par atteindre son mollet, puis sa cheville... Enflée.

- Ça n'a pas l'air cassé. Mais hors de question de vous laisser vous déplacer dans ses conditions.
- Je peux me débrouiller ! Laissez-moi deux minutes et...
- Je ne pense pas que l'autre bestiole nous laissera deux minutes.
- Et je ne tiens pas à ce que vous me touchiez davantage !

     Je soupire :

- Très bien... Laissez-moi au moins faire une dernière chose.

    Profitant de notre incapacité à nous voir, je déchire un pan de mon habit, génère quelques glaçons puis pose la compresse improvisée sur la blessure avant de la nouer soigneusement. Matt aurait fait un meilleur travail, c'est certain, mais il s'est enfui avec le capitaine. J'ose espérer qu'ils vont bien tous les deux et qu'ils sont à l'abri.

- Merci... Mais comment avez-vous...
- Vous pouvez monter sur votre canard ?
- Oui.
- Dans ce cas, ne tardons plus.

     Une fois installée, nous nous mettons en route. Il est toujours difficile d'y voir, mais l'habitude nous permet désormais de visualiser ce qu'il y a sous nos pieds. Parfois nous nous cognons à des débris sur le passage, parfois nous rencontrons des murs ou des colonnes. Nous avançons lentement pour être certains de faire le moins de bruit possible, afin de repérer l'éventuelle venue de notre prédateur. Il y a un léger écho ici bas, ce qui nous aide à estimer les distances... C'est fou comme il devient facile de retrouver nos instincts primaires lorsque la situation l'exige !
    De nouveaux tremblements retentissent, cette fois face à nous, légèrement en hauteur... Autrement dit, le serpent géant circule à travers sa cavité pour nous rejoindre et nous allons droit vers lui. Peke tremble de toutes ses plumes tandis que l'aventurière auto-proclamée fouille dans ses affaires, cherchant désespérément de quoi nous être utile.

    J'entends la créature se rapprocher dangereusement. Le sifflement qu'elle produit résonne dans l'antre sombre. Je nous oblige à reculer avec précaution. Puis j'immobilise notre trio, percevant un mouvement à quelques mètres. Nous l'entendons tourner autour de nous, resserrant son étreinte lentement, comme pour nous prendre au piège... Dans ces conditions, il ne reste plus qu'une chose à faire : je prépare un nouveau projectile de glace, prêt à envoyer dès que je sentirai sa gueule béante s'ouvrir sur nous.
    De nouveaux fragments de roche taillée tombe du plafond :

- Arhye ? Princesse ? Vous êtes là ?

    Pile au dessus de nos têtes, le visage de Matt, éclairé par une torche. Sans prendre le temps de réfléchir, je redirige mon attaque contre le sol et modifie le plan :

- Accrochez-vous à moi, ça va secouer ! Vite !

    La princesse s'exécute et, comme lors de nos recherches dans le désert, je fais naître un monticule gelé pour nous élever jusqu'à l'étage supérieur, enfin visible ! J'entends le sifflement du python devenir plus féroce encore et la base de ma colonne est mise à rude épreuve. Le corps reptilien s'enroule autour d'elle, tentant par tous les moyens de nous rattraper.
    Je baisse un bras et façonne une troisième lance d'Odin alors que nous sommes arrivés au niveau du voleur :

- Mange ça, l'affreux.

    Le coup part tout droit en direction de la bête qui, dans un dernier élan, s'apprêtait à nous happer. Touts crochets dehors, elle se prend le stalactite en pleine glotte et, mortellement blessée, se met à hurler, sa langue bifide vibrant dans l'air.
    Le monstre s'écroule avec ma tour alors que nous sautons sur les dalles stables du temple. Nous soufflons tous un grand coup alors que le calme s'installe enfin. Le temps que tout le monde reprenne ses esprits, le capitaine Ikeb se joint à la partie et se place aux côtés de sa noble demoiselle :

- Que vous est-il arrivée, princesse Cloclo ?! Est-ce sa faute si...
- Ce jeune homme m'a sauvée, capitaine Ikeb.
- Je vous en prie, un vrai plaisir... Et toi ? Rien à dire ?
- Eh bien... Je savais que tu t'en sortirais sans nous. Mais comme je ne vous voyais toujours pas revenir, je me suis dit qu'il valait mieux vérifier. J'ai eu tort de te faire confiance ?

    Un silence pesant s'installe entre nous alors que nous nous zieutons d'un air sévère. Puis je me mets à pouffer et nous rions de bon coeur. Les trois autres - s'il faut compter le volatile - nous regarde avec étonnement, sans trop savoir quoi faire ou dire. Je donne l'accolade à mon ami avant de me tourner à nouveau vers notre gardien :

- Bon ben... Mission accomplie ! On rentre ?
- ... Euh ouais. Et le plus tôt sera le mieux ! Nous devons faire vérifier l'état de la princ...
- Oh épargnez-moi ça je vous prie ! Je ne suis plus une enfant ! Capitaine : ouvrez la voie, et vous là avec la torche : ne le lâchez pas d'un pouce ! Je vais m'entretenir avec mon "sauveur".

    Mis à part l'accent ironique du dernier mot, personne ne trouva quoi répondre à cela et tout le monde suivit la formation indiquée par son altesse.
     Le temps que nous regagnâmes la surface, j'avais eu le temps de raconter toute l'histoire à Cloclo : notre arrestation à Alubarna ; la requête de sa cousine Nina ; mon avis de recherche honteux et mes titres perdus ; notre voyage au coeur du désert... Elle avait tout écouté avec attention, m'interrompant plusieurs fois pour que je précise certains points. Je lui fis part de mon fruit du démon, lui montrant clairement de quoi il en retournait. J'allais même jusqu'à rafraîchir sa cheville une seconde fois, sachant qu'à l'extérieur tout fondra en quelques instants.
    Lorsque j'eus fini, la princesse fronça les sourcils :

- Alors c'est la faute de Nina hein... J'aurais dû me douter qu'elle chercherait encore à me mettre des bâtons dans les roues ! La maudite peste !
- Allons princesse, votre langage est...
- Oh tais-toi donc ! Tu n'es pas mon précepteur que je sache !?
- Pardonnez-moi.
- Enfin bon. Je réglerai ça avec elle plus tard... En attendant : tous les deux vous êtes donc "officiellement" des pirates ?

    Le ton de sa voix a changé. Et je peux clairement voir à son regard qu'elle porte un intérêt tout particulier à ce détail de mon histoire. Je repense alors à ses paroles sous terre... Cette fille, aussi belle et innocente semble-t-elle, rêve d'aventures et d'interdits. Elle arrive à briser sans s'en rendre compte l'image que je me faisais de la jeune héritière parfaite, celle dont le roi ou la reine vante les vertus et prétend qu'elle portera la couronne à son tour... Le genre de personne pour qui n'importe quel jeune homme souhaiterait braver les dangers dans l'espoir d'une amitié, d'une gratitude... D'un lien aussi superflu soit-il !
    Fini les fantasmes, retour à la réalité ! Cloclo n'est pas demoiselle à attendre le prince charmant ou le preux chevalier servant. Elle est l'héroïne de sa propre épopée. Cela lui donne un charme tout autre... L'idée me fait sourire mais je m'en cache très vite pour lâcher un soupir faussement ennuyé. Si c'est de piraterie qu'elle veut entendre parler, alors soit.
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- Nous sommes de retour, princesse Nina.

    En effet, nous avons enfin rejoins la capitale. Après avoir compté bien des péripéties à notre protégée royale, me voilà à pénétrer timidement dans le hall du palais, entouré par le capitaine, Peke, Matt et plusieurs membres de la garde. Tous s'agenouillent devant la coquette jeune femme et celle-ci s'approche de nous, le sourire aux lèvres. Tout à coup, Cloclo s'avance et se place face à sa cousine :

- Pourquoi est-ce que tu m'as ramenée cette fois ? Qu'est-ce que je t'ai fait ?
- Oh allons ! Je voulais juste m'assurer qu'il n'arrive rien de grave à ma très chère cousine.

    Ce sur quoi l'aînée se met à glousser. Notre aventurière en herbe s'énerve davantage :

- Je n'ai pas besoin de ton aide. Contente-toi de trier tes fards et tes bijoux par couleur et par valeur, pour changer !
- Répète un peu ?!

    Bas les masques ! Le visage maquillé de Nina se tord dans une expression froide et mauvaise. Mais face à tant de personnes, elle s'empresse de reprendre contenance. Malgré son côté pimbêche, elle applique tout de même - tant bien que mal - les règles de bienséance d'une demoiselle de haute lignée. Je regarde Matt sans trop savoir quoi faire et il ne semble pas plus à l'aise. Ikeb n'est pas plus avancé... A la bonne heure.

- Je crois que la chaleur t'as fatiguée. Il vaudrait mieux que tu ailles te reposer dans tes appartements. Ton père t'y attend.
- Père est au courant ?!
- C'est lui qui m'a demandé de faire le nécessaire.

    Je sens dans sa voix une pointe de moquerie. J'imagine qu'il y a une part de vrai comme de faux. Mais mieux vaut ne pas m'en mêler pour l'instant.

- Dans tous les cas, je dois m'entretenir avec ces deux-là.
- Mes sauveurs ? Tu les as très bien choisis.
- Un compliment ? De ta part ?
- En effet : ils ont été efficaces, simples et sincères dans leur approche. Tu devrais prendre exemple sur eux d'ailleurs !
- Espèce de...
- Oui ?
- ... Jolie petite fleur. Tu as de la chance de t'en tirer à si bon compte : si la reine avait appris que tu avais encore fugué, elle aurait...
- Elle aurait sûrement été fière que je reprenne le flambeau.

    Nous marquons tous un temps de pause. Chaque paire d'yeux est posée sur le visage sérieux de la jeune femme sans qu'aucun ne comprenne ce qu'elle a voulu dire. Décontenancée, Nina est la première a se ressaisir, habituée à dominer les conversations :

- Tu as de la chance qu'il n'y ait que nous ici. Les autres sont occupés, et la reine se prépare pour les doléances de la semaine. Maintenant, si tu veux bien, je dois m'occuper de nos deux amis.
- Comment cela ?
- T'ont-ils expliqué la raison pour laquelle ils t'ont aidée ? Dans les moindres détails ?
- Tout à fait.
- Eh bien, il se trouve que j'avais effectivement un accord avec eux... Si tant est qu'ils ne soient coupables de rien. Gardes !

    Aussitôt, plusieurs lances se pointent sur nous. Matt et moi nous raidissons et, alors que je m'apprête à lever les bras vers nos adversaires, deux bras puissants m'enserrent les poignées et me placent des menottes. Je cherche à m'en débarrasser, conscient de mes capacités mais étrangement aucune vague de froid ne vient. A la place, une sensation étrange m'envahit, comme si on m'avait injecté une dose puissante de calmant. Par réflexe, je tombe à genoux, privé d'une partie de mes forces. L'espace d'un moment, j'ai des étoiles dans les yeux. Puis mon corps finit par s'habituer à la sensation et je comprends ce qu'il se passe :

- Du granit marin...
- Exact ! Ces menottes ont été amenées là par la Marine il y a plusieurs années de cela. Plutôt utile, lorsqu'il faut traiter avec un criminel dangereux.
- Un criminel ? Dangereux peut-être mais Arhye n'est pas un...
- Silence ! Vous me prenez pour une idiote ? Un fils de noble déchu, victime d'un complot ? Vous me parlez de fiction ! Je vous parle de réalité : Arhye Frost est un pirate recherché. C'est un criminel. La loi est claire là-dessus. Alabasta ne cautionnera aucun criminel.

    Le capitaine Ikeb s'approche de moi. D'abord hésitant, je vois son visage se fermer et, professionnel, il m'oblige à me redresser pour mieux me tenir en respect avec son arme. Un autre garde en fait de même pour mon compagnon d'infortune. Peke se met à caqueter, comme pour protester mais il est très vite sorti du hall du palais. La princesse Nina sourit avec satisfaction alors Cloclo nous regarde, impuissante. Je sens bien qu'elle a envie de dire quelque chose, mais elle n'ose pas. Je ne peux pas lui en vouloir : elle doit rester digne, en temps que membre de la famille royale.
    Et pourtant, qu'est-ce que ça me frustre ! J'ai envie de lui cracher tous les jurons qui me passent par la tête pour la faire réagir ! Elle souhaite devenir pirate ? Partir à l'aventure ? La belle affaire ! Si elle veut s'impliquer dans ce monde, qu'elle soit consciente de ce que cela implique.

- Emmenez-les. Je veillerai personnellement à ce que leur exécution se fasse dans les plus brefs délais.
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