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Rose des sables

BLAM !

    La porte de notre cellule se ferme avec fracas tandis que l'officier en charge de nous y enfermer enfonce la clé dans la serrure. Derrière les barreaux, affichant un sourire satisfait, la princesse Nina admire son oeuvre :

- Ne vous en faites pas, votre exécution aura lieu bien assez tôt. Il serait dommage de priver le peuple d'un tel spectacle ! Et il faut bien que nos hommes continuent d'inspirer le respect.

    J'ouvre la bouche pour répondre mais les mots ne sortent pas. Les menottes en granit marin m'aspirent mes forces et les événement s'étant enchaînés sans que j'y sois préparé, je me retrouve pris au dépourvu. Matt n'en mène pas large non plus, avec sa lèvre enflée : il s'est indigné et a crié à l'injustice et le capitaine Ikeb, l'un des hommes de la garde d'Alubarna, lui a collé son poing dans la figure.
    Alors que la jeune femme aux bijoux multiples et au fard prononcé s'éloigne en gloussant, nous nous laissons tomber sur notre couche. Je prends le temps de me remémorer ces derniers jours : nous étions arrivés sur Alabasta, avions cherché des pistes me menant à mes parents, avions attiré l'attention de la garde, étions tombés entre les mains de la princesse Nina, avions menti, étions partis chercher sa cousine Cloclo dans le désert et, une fois de retour, avions été trahis... Enfin c'est ainsi que je vois les choses. Même en considérant le fait que je sois un pirate, une parole donnée doit être respectée. Sinon dans quel monde vit-on ?
     De toute manière, il est trop tard pour se lamenter. Nous sommes pris au piège. Cette maudite pimbêche a su ruser alors que nous faisions ce qu'elle voulait. Maintenant, à nous de payer pour notre naïveté désolante...

- Psst... Hé ! Arhye, Matt...

    Nous levons la tête et haussons les sourcils, surpris de voir la personne qui nous appelle : cette fois, c'est la princesse Cloclo qui se présente devant nous. Elle n'a rien à envier aux charmes de sa cousine. Ses formes sont, à défaut d'être généreuses, joliment proportionnées ; ses grands yeux, dénués de maquillage, sont brillants d'intelligence et de sincérité ; ses lèvres sont fines, mais sans imperfections, à la fois délicates et attirantes... Il n'y a pas à dire : c'est une beauté naturelle.

- Que faites-vous là ?
- Je voulais vous dire que... Enfin... Je n'avais pas eu le temps de vous remercier et...
- Ce n'est pas la peine. On a fait ce qu'on devait faire, point. Maintenant si vous voulez bien...
- Je suis désolée ! Pour ça ! Sincèrement... Je ne comprends pas pourquoi on doit en arriver là.
- Parce que nous sommes des pirates. Il n'y a pas besoin de chercher plus loin.
- Mais vous m'avez aidée. Vous m'avez sauvée !
- Et ? Est-ce que ça efface notre ardoise pour autant ? Vous croyez qu'une prime a été placée sur ma tête parce que j'ai fait pleurer une fille qui jouait à la marelle ? Vous ne savez pas ce qu'on a traversé avant d'arriver ici.
- Dans ce cas, racontez-moi. Je veux comprendre. Je tiens à écouter vos hist...
- Qu'est-ce que ça changera ?! Rien du tout ! Vous ne vous y intéressez que parce que vous rêver de piraterie depuis votre jolie petite chambre, à l'intérieur de votre beau petit palais ! Qu'est-ce que vous savez vraiment de la vie de forban ? Comment imaginez-vous que les gens nous voient ?! Vous ne partez pas à l'aventure, princesse. Vous vous promenez, sans craindre pour votre vie... Vous êtes juste naïve.
- Je ne vous permets pas... Comment osez-vous... Qu'est-ce qu'il vous prend ?!
- Ce qu'il me prend ? Il me prend que je suis là, à écouter les excuses d'une fille qui n'a jamais rien connu d'autre que son foutu désert et qui ose croire qu'elle peut comprendre ce qu'est la vie au dehors ! Si vous êtes encore en vie, c'est parce que JE suis venu vous sortir du pétrin ! Et pour quoi ? RIEN ! A part la promesse d'une exécution ! Vous vouliez savoir ce que c'est d'être un pirate ? Eh bien ne cherchez pas plus loin : voilà tout ce que ça vous rapporte ! Sur ce princesse, je vous prie de bien vouloir nous laisser. Je n'ai plus rien à vous dire.

    Choquée, la belle jeune femme reste bouche bée devant notre cellule. Au bout d'un moment, ses lèvres tremblantes finissent par remuer de sorte à produire un son, mais rien ne vient. Se sachant impuissante et incapable de répondre, elle finit par s'éloigner en courant, les larmes aux yeux. Matt la regarde partir, peiné. Il se tourne vers moi et ne dit rien lui non plus : il sait très bien ce qu'il en est, il me connait depuis un moment maintenant. Je ne pensais absolument rien de ce que je lui ai dit. En temps normal, je n'aurais pas été aussi ingrat envers une personne comme elle... Seulement voilà : je suis un criminel. Je ne peux pas la laisser finir de la même façon. Elle n'a pas de raison d'être hors-la-loi, ce serait une erreur de l'y encourager. Et si jamais elle s'y obstine eh bien... J'aurais au moins réussi à couper les ponts avec elle. Je me dédouane par lâcheté, il est vrai. Mais c'est toujours mieux que d'avoir son sort tragique sur la conscience.
    Je me suis couché sur le lit miteux, tourné contre le mur, totalement fermé à toute nuisance extérieure. Ruminant ma frustration, ma tristesse et tout le reste, je m'obstine à fixer le grès rouge et poussiéreux. Le temps passe et j'essaie tant bien que mal de penser à autre chose...
    C'est alors qu'une voix se fait entendre à travers la cloison :

- On dirait bien que nous avons eu autant de veine. Vous venez d'où, les pirates ?
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- Et toi qui es-tu ?

    Matt avait posé la question. On ne s'attendait pas à entendre la voix d'un autre prisonnier... Bien qu'il soit logique qu'on ne soit pas les seuls à être enfermés. L'autre répond alors :

- Tomas Bizbee. Ici depuis deux jours. A votre tour.
- En quoi ça te regarde ?
- Charmant... J'ai daigné répondre. Je m'attendais à ce que vous en fassiez autant.
- ... Arhye Frost.
- Matt Denis.
- Qu'est-ce que vous faîtes là ?
- On a négocié notre droit de passage avec une garce couronnée.
- Ha ! Dans ce cas nous sommes trois : je suis aussi tombé sur la princesse Nina alors que j'arrivais à la capitale... Il semblerait que mes activités l'aient intéressée. A défaut de lui plaire.
- Quel genre d'activités ?
- Le "commerce de reliques".
- J'ai peur de comprendre...
- Un pilleur de tombes. Génial.

    Même s'il a réussi à faire la conversation, ce dernier détail suffit à nous refroidir. Personnellement, je ne m'imagine pas faire ami-ami avec ce genre d'individu sans honneur ni respect pour les défunts. Il enchaîne pourtant :

- Vous êtes des pirates, ça revient presque au même...
- Nous ne tuons pas.
- Ouais enfin...
- Tais-toi !

- Moi non plus.
- Et nous ne fouillons pas les sépultures.
- Par superstition ?
- Par respect !
- Et c'est ce même respect qui vous a foutu derrière les barreaux...
- Tout comme tu t'y trouves, suite à tes actions.
- Touché.

    S'ensuit un long silence durant lequel personne n'ose bouger. On entend clairement le rire des gardes dans une salle plus loin, sans doute en train de profiter de leur pause. J'ai même le temps de compter les fissures dans le mur devant moi avant que le dénommé Tomas soupire :

- Bon, vu la situation, je ne pense pas qu'il soit nécessaire qu'on se renvoie la balle de la sorte. Notre sort est déjà bien assez triste.

    Pour le coup, personne ne lui dit le contraire.

- Vous venez d'où vous ?
- ... De North Blue. Royaume de Luvneel.
- Manshon.
- Oh ! Un joli petit bout de chemin déjà ! Moi je viens de Lynbrook.
- Lyn-quoi ?
- Une île sur la Cinquième Voie de Grand Line.

   Un nouveau silence accompagne la déclaration.

- Je vois que ça ne vous parle pas... Vous saviez qu'il existait plusieurs Voies sur Grand Line ? Selon votre point de départ, et avec un Log Pose, vous finissez par suivre une Voie définie. Ici nous sommes sur la Première Voie.
- Mais alors... Comment es-tu arrivé là ?
- J'utilise un Eternal Pose.
- Un Eternal...
- J'en ai entendu parler, c'est...
- Un outil qui permet de se déplacer vers une île bien précise depuis n'importe où sur les mers !

   Après cela, nous parlâmes encore jusqu'à la tombée de la nuit. Sans que nous nous en rendions compte, nous avions accepté sa présence, ses activités et même son caractère un peu incisif par moments. Sans doute que savoir notre vie écourtée nous aidait à profiter pleinement de l'instant. Matt et moi avions écouté les péripéties de Bizbee et il avait entendu les nôtres. Nous avions gardé l'histoire dépeinte à la princesse Nina : ma famille a été victime d'un coup monté lors des combats contre la Révolution et j'ai été déchu de mon statut de noble. Il eut un élan de compassion aussi bref qu'hypocrite, mais l'intention était là. Je ne pouvais pas en vouloir à un criminel sans état d'âme... Comme si j'étais capable de changer le monde tiens !
    C'est un garde faisant sa ronde qui frappa à nos barreaux pour nous faire taire, prétextant une soi-disante extinction des feux. Nous grognons, puis nous nous allongeons tous sur notre couchette et, quelques secondes plus tard, j'entends la voix du pilleur dire :

- Si jamais vous avez encore de l'espoir, pensez à moi. J'ai un bateau qui m'attend.

    Je ne réponds pas. Je me contente de fermer les yeux et de m'endormir doucement, pensant à ces paroles...

[...]

- Ohééé... Psst...

    J'entrouvre les yeux peiniblement : je sens qu'il fait encore nuit noire au dehors. Mon corps est tout engourdi et ma respiration lente. Si je ne me rappelais pas l'endroit où nous nous trouvions, j'aurais gueulé sur l'insolent qui a osé me réveiller.
    L'insolent... L'insolent ?
    Je tourne la tête en direction de la personne et constate avec stupeur qu'il s'agit d'un individu que nous connaissons parfaitement : le capitaine Ikeb ! L'officier qui nous avait arrêtés dans la capitale et qui nous avait accompagnés pour retrouver la princesse Cloclo ! Un brave type quand on apprend à le connaître... Même si lui n'a pas eu le temps d'apprendre à nous supporter, malgré nos deux jours passés dans le désert.
    Il me fait signe de m'approcher. Il est emmitouflé dans une toge longue et chaude, avec un turban sur la tête. J'hésite puis finis par me lever sans bruit. Je manque de cogner mes menottes contre le coin de ma couche... Je n'en ai pas oublié les effets, mais ça surprend quand on dort encore à moitié.

    Je grimace, mais j'arrive enfin près de lui. Je remarque qu'il n'est pas seul : une autre silhouette, encapuchonnée, se tient en retrait. Cette dernière lui fait signe pour qu'il agisse. Ce qu'il fait :

- On m'a demandé de faire quelque chose pour vous. C'est une demande d'une personne haut placée. Seulement... Je suis capitaine de la garde. Il m'est impossible de désobéir à un ordre direct de la princesse Nina. Elle n'est peut-être pas convenablement instruite aux affaires militaires ou législatives, mais son sang justifie ses décisions.

    Il se met à chercher à l'intérieur de son habit nocturne. Les traits de son visage, tiraillés, montrent qu'il a longtemps hésiter à venir nous voir :

- Aussi... Je ne peux rien faire pour vous officiellement. Je reconnais que vous avez été justes. Vous avez sauvé la princesse. Vous m'avez aidé également, alors que je n'étais là que pour vous surveiller. En tant que personne je vous soutiens. En tant que représentant de l'ordre à Alubarna, je vous condamne... Mais officieusement... Si jamais il arrivait qu'un événement se soit produit sans que personne ne s'en rende compte et que vous ayez obtenu ceci...

    Le capitaine sort une clé qu'il me montre avant de me la mettre dans la main.

- Alors évidemment... Je devrai vous prendre en chasse. Peut-être serez-vous plus malin et attendrez le moment propice. Mais il est impensable que cela se produise, n'est-ce pas ?

    Il me jette un regard faussement inquisiteur, bien que très sérieux. Ça me fait bizarre de donner ma confiance à un homme comme lui, pourtant si intègre. Lui-même doit certainement se battre contre ses principes en cet instant... Je ne peux m'empêcher d'admirer cela en le comprenant. Je lui fais comprendre d'un signe de tête que j'entends ce qu'il me dit et il hoche la sienne avant de faire demi-tour, suivi par la silhouette, plutôt chétive à côté de lui.
   Je crois reconnaître un bracelet argenté à son poignet, mais le reflet s'estompe aussi vite qu'il est apparu, caché par son vêtement ample et sombre. Je pose les yeux sur la clé qu'Ikeb vient de me confier et l'identifie comme étant celle de mes menottes. Je m'empresse de l'insérer dans la serrure... Et je m'arrête aussi sec.
    Est-ce une bonne idée de sortir maintenant ? En pleine nuit ? Il me faudrait déjà réveiller Matt. Et dès que j'aurais ouvert un passage, dans le silence ambiant, tous les soldats seront alertés. Pourrais-je ensuite me repérer dans le palais ? Dans la ville ? Pourrais-je traverser le désert, alors qu'il fait si froid au dehors à cette heure ? Beaucoup de détails qui ont leur importance finalement. Autant attendre demain, que le jour soit levé et que j'ai pu récupérer des forces. En attendant, il me faut me recoucher. J'entends qu'on se déplace : un garde au sommeil léger passe devant nos cellules afin de s'assurer que tout va bien...
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Cling cling !

    On vient nous réveiller avec un coup de lance sur notre porte en fer. Un surveillant est venu nous apporter le petit-déjeuner : un quignon de pain, une coupole d'eau tiède et la tige d'une plante du coin, vilaine à regarder mais nutritive à souhait... Enfin pas de quoi requinquer un athlète en fin de marathon mais au moins nous avions de quoi nous réveiller et prendre quelques forces. Il y a des prisonniers bien moins lotis.
    Alors que je mastique l'herbe locale, Matt me regarde, l'air dépité, triturant la chaîne qui relie le collier autour de son cou au mur. Je sais déjà ce qu'il va dire :

- Je suis désolé Arhye...
- Tu t'es déjà excusé Matt. Arrête de dire que c'est de ta faute ! On est là parce qu'on a été bêtes tous les deux. Pas de quoi s'en vouloir.
- Je ne peux pas m'empêcher de me sentir coupable.
- Eh ben... Si ça te tracasse autant, dis-toi qu'il y a toujours moyen de se rattraper.
- Toujours ? Qu'est-ce que tu...

    Je me redresse aussitôt, le coupant dans son élan. Deux gardes s'approchent de nous, accompagnés d'un de leur supérieur... Ikeb ! Celui-ci esquisse un demi-sourire en nous voyant mais se ressaisit aussitôt. Il baisse alors les yeux vers la poche de mon pantalon et prend un air sévère. Je fais de même et comprend. La clé qu'il m'a donnée forme une protubérance, discrète mais visible par n'importe qui poserait son regard dessus. Je me retourne et m'approche du trou servant de toilettes :

- J'espère que vous avez profité de votre dernier repas les gars ! La princesse Nina ne veut pas perdre plus de temps pour... Qu'est-ce qu'il fait celui-là ?!
- Je me soulage ! Ça dérange quelqu'un ?
- Et pourquoi ça te prend autant de temps ? Tu la cherches ?

   Les deux hommes rient bêtement tandis que le capitaine continue de nous observer, immobile.

CLANG !

- C'était quoi ça ?!

    Comme pour répondre à sa question, je me tourne à nouveau dans leur direction, les mains libres. Les menottes reposent à mes pieds. Je me masse les poignets, satisfait de l'impression que je leur donne. Même Matt n'en revient pas. Le capitaine Ikeb semble lui-même décontenancé... Je mets ça sur le compte du jeu d'acteur. Il finit par dire :

- Il s'est libéré ! Faites quelque chose ! Vite !
- Trop tard.

    Sans leur laisser de lever leur arme pour nous éperonner, je lève les bras puis les plaque au sol avec violence, créant une vague de glace suffisamment solide pour faire plier les barreaux puis, le froid aidant, casser d'entre eux et bloquer les trois membres de la garde, lesquels se retrouvent collés sur la façade opposée du couloir. L'atmosphère est tout à coup plus fraîche et nos souffles produisent de la vapeur. Mon compagnon ne peut s'empêcher de lâcher un sifflement de surprise et d'admiration.
    Je cours chercher les clés portées par nos accompagnateurs en pagne et m'empresse de le libérer. Je l'attrape par le bras et commence à partir quand :

- Hé ! C'est quoi ce cirque ?!

   Je m'arrête juste devant la cellule voisine, celle du fameux Tomas Bizbee. Celui m'apparait comme un jeune homme, à peine plus vieux que Matt, les cheveux courts et châtains, les yeux clairs et les sourcils froncés. Il n'a pas du tout la tête que je me faisais d'un pilleur de tombes.
    Il constate la situation et nous toise de manière étrange, avec une pointe de surprise et... D'autre chose :

- Un utilisateur de fruit hein... Dîtes, ça vous dirait de m'aider à sortir ? Je pourrais vous être utile, j'en suis sûr !
- Et en quoi ? Nous sommes tout à fait capables de nous sortir de là tout seuls !
- Je vous donnerai ce que vous voulez !
- Les biens des morts ? Non merci.
- Je pourrais vous emmener avec moi ! Mon bateau est discret, facile à utiliser, et il a une destination toute tracée.
- Un repaire de crapules sans âme...
- Un abri et un lieu où l'on trouve tout ce que l'on souhaite ! Moyennant finance... Vous cherchez certainement quelque chose, non ?
- Des informations sensibles du Gouvernement ?
- Comme je l'ai dit : moyennant finance. Mais ça ne devrait pas poser problème si on récupère mes affaires. On chopera votre barda au passage... Alors ?

    J'hésite un temps. Le voleur à mes côtés reste suspicieux et commence déjà à s'éloigner. Je soupire et cède à la demande. D'un geste vif, je lui lance les clés.

- Qu'est-ce que tu fais ?!
- Je lui donne sa chance. Qu'il se dépêche de la prendre avant que je ne change d'avis.
- Vous ne le regretterez pas.

    Des pas de course se font entendre dans notre dos. Au fond du couloir, l'ombre d'autres gardes, alertés par le bruit, se dessinent. Notre trio nouvellement formé s'élance dans la direction opposée, vers une porte en fer que Matt s'empresse d'ouvrir à l'aide du trousseau en notre possession. Par précaution, j'élève un nouveau mur pour stopper l'avancée ennemie.
    Derrière la porte, des escaliers que nous grimpons à toute allure. Puis un autre couloir... Et d'autres portes...
    Je songe à Ikeb, resté en bas. Il nous est venu en aide... Mais il n'a pas dit qui avait décidé de nos faire libérer. Et surtout il avait parlé d'un moment propice. J'avais la nuit pour y penser et j'en avais conclu qu'il souhaitait qu'on agisse au moment de l'exécution, alors que nous serions en extérieur... Seulement, j'ai préféré agir maintenant. C'est peut-être stupide, mais je me suis dit qu'il fallait que je m'occupe d'un dernier détail avant de quitter les lieux, et me trouver loin du palais m'aurait sans doute fait changer d'avis.
    D'autres cris et d'autres bruits de pas résonnent et nous nous cachons dans une réserve sur notre chemin. En sortant, Tomas nous fait signe de le suivre. Il semble avoir remarqué quelque chose plus en avant :

- Là ! C'est le vestiaire des prisonniers.

   Nous y entrons, fouillons, trouvons nos affaires et nous empressons de quitter les lieux... Mais d'autres soldats approchant nous repèrent et chargent. Au moment où l'un d'eux sonne l'hallali, je souffle* de toutes mes forces pour les refroidir. La peau blanchie, les membres endoloris et tremblants, les assaillants - au nombre de cinq - se retrouvent recroquevillés par terre, comme une pelouse fragile au petit matin, après la rosée hivernale.
    Nous continuons notre chemin, montons de nouveaux escaliers et sortons enfin des prisons royales... Pour tomber sur l'un des accès au hall principal du palais.

    Si ce qu'il se passait plus bas n'arrivait pas aux oreilles des gardes royaux d'ici, le simple fait de nous voir suffit à leur faire comprendre qu'il y a un état d'urgence ! A l'unisson, ce sont plusieurs hommes qui foncent droit sur nous, toutes armes dehors. Matt sort son pistolet par réflexe, mais je l'arrête et m'adresse à lui, ainsi qu'à notre nouveau camarade :

- Surtout, ne tuez personne.
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- Sérieusement ?!

    Tomas comprend à mon regard que je ne plaisante pas. J'en profite pour lancer quelques projectiles aux pieds de nos adversaires, lesquels sont contraints de reculer et de rester sur leurs gardes. Les logias ne courant pas les rues, ils sont aisément intimidés : tous savent qu'il est difficile de stopper les personnes ne faisant qu'un avec leur élément. Et cela suffit à mes deux partenaires pour foncer sans se préoccuper davantage des gardes.
     J'en entends un crier :

- Priorité à l'homme de glace ! si quelqu'un voit un type aux cheveux cendrés, qu'il fasse tout ce qu'il peut pour l'arrêter ! Allez prévenir le général Toutankhanon !

    A ces mots, j'oblige les deux autres à s'arrêter. Ceux-ci me regardent d'un air surpris alors que je réfléchis à toute allure. Puis j'affiche à Matt un visage impérieux, un de ceux qu'il connait bien désormais, et qui ne l'enchante pas toujours malgré son caractère peureux... Il comprend de suite ce que j'ai en tête et grimace avant d'inviter le pilleur de tombes à le suivre. Ce dernier nous fixe comme si nous étions des étrangetés de la nature, mais finit par suivre mon ami sans se faire davantage prier. Après tout, pourquoi refuser ? Seule ma description sera faite aux soldats d'Alubarna dans les minutes qui vont suivre. En tant que voleur et fuyard accompli, j'ai confiance en la capacité de Matt de sortir du palais sans trop de problèmes. Mon rôle à moi, c'est de distraire nos poursuivants. C'est pourquoi je crée une nouvelle vague de glace afin de stopper la progression ennemie tandis que les deux autres s'approchent des portes d'entrée, plus loin, dans le hall principal.
    Pour ma part, je m'enfonce davantage dans un immense couloir - encore un - entièrement décoré de peintures antiques et de céramiques luxueuses. Quelques portes sur le côté gauche permettent d'accéder à différentes salles mais je passe devant sans prendre la peine de jeter un coup d'oeil. Ce qui m'intéresse, ce sont les escaliers vers l'étage supérieur, tout au bout !
    C'est d'ailleurs de là-bas que descendent d'autres hommes, accourant pour répondre à l'alerte. Certains d'entre eux sont armés d'arc et de flèches et ils s'arrêtent bien vite pour me mettre en joue et décocher à l'unisson. Plusieurs pointes passent à côté, mais deux d'entre elles viennent traverser mon épaule et mon estomac... Seulement voilà : même si la chose me surprend encore, deux trous blancs indolores remplacent les plaies sanguinolentes. Les flèches tombent derrière moi, incapables de me planter. Je continue de courir vers eux puis, d'un mouvement ample du bras, je façonne une langue de givre. De plus en plus grande, de plus en plus épaisse, la bande s'étire en formant une spirale, à la manière d'un looping de Grand Huit. Profitant de mon élan, je saute sur la rampe improvisée et commence tout simplement à glisser le long de mon chemin, en suspension au dessus des gardes royaux. Ceux-là restent stupéfaits, incapables de faire quoi que ce soit pour m'arrêter.
    Et j'arrive aux escaliers menant au premier étage.

     Ceux à mes trousses sont de plus en plus nombreux. Je les entends. Certains pensent que je suis resté au premier, mais j'ai continué de grimper jusqu'au deuxième étage : dans mes souvenirs, c'était à ce niveau que j'ai aperçu la princesse Nina, au travers d'une fenêtre. J'en conclus que ses appartements se trouvent dans les parages...
     J'aperçois plus loin une servante en proie à la panique. Elle cherche à rentrer dans une chambre qui refuse obstinément de s'ouvrir, sans doute bloquée de l'intérieur par certaines de ses collègues. Je m'approche d'elle, l'attrape par les épaules et lui demande sans la ménager :

- Les appartements de la princesse Nina ? Où sont-ils ?!

   Voyant qu'elle est pétrifiée par la peur, ne sachant si trahir l'une de ses maîtresses lui permettraient de vivre et s'il s'agissait de la bonne solution, elle reste muette. J'enchaîne plus doucement :

- Je ne lui ferai aucun mal, je vous le promets ! Et la princesse Cloclo... Est-elle ici ? Je dois absolument leur parler. C'est important, je vous en prie !

    Les larmes aux yeux, la servante se mord les lèvres alors que son corps est encore secoué de spasmes nerveux. Et certains gardes montent les marches non loin de nous ! Qu'elle fasse vite, qu'elle fasse vite...
    Elle finit par tendre un doigt vers la porte voisine, résignée. Je la lâche aussitôt et fonce sur l'endroit indiqué avant de tourner la poignée sans ménagement et de refermer d'un coup sec. J'attends là quelques instants, jaugeant mon propre stress, quand j'entends :

- Arhye Frost ? Mais qu'est-ce que vous fichez ici ?!

    Je tourne la tête pour apercevoir Nina, la pimbêche. La servante ne m'a donc pas menti. Je m'approche d'elle lentement, dégageant le moins d'hostilité possible pour ne pas la brusquer davantage. J'ai pourtant très envie de me jeter sur elle et de l'étrangler, là, tout de suite ! Mais je me retiens...

- Princesse... Nous avons des choses à nous dire. J'espère que vous n'y voyez pas d'inconvénients.
- V-vous ne deviez pas être ici ! C'est insensé ! Je... C'est...

BAM ! BAM !

- Princesse Nina ! Est-ce que tout va bien ici ?!

    Les gardes sont déjà là, à la porte. Je transperce des yeux l'interpellée qui, hésitante, finit par reprendre un semblant de contenance et lance :

- Tout va bien oui.
- Permettez que nous entrions, princesse ! Nous sommes à la poursuite de l'évadé... Est-il avec vous ?
- Non !
- Princesse ?
- Non non... Il n'y a personne ici. Soyez-en sûrs ! Ne me dérangez pas !
- Mais je...
- Vous osez remettre ma parole en doute ?! Je vous ordonne de rester dehors ! Cherchez ailleurs et vite !
- B-bien princesse !

    Alors qu'ils s'éloignent, nous lâchons tous les deux un soupir de soulagement. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit suffisamment lucide, et surtout apte à diriger la situation comme elle l'a fait. Malgré ses innombrables défauts, elle n'en reste pas moins capable lorsqu'il s'agit de contrôler son audimat. Sa fierté nous offre quelques instants de répit...
    Maintenant, à savoir pourquoi elle ne m'a pas dénoncé. Je doute qu'elle soit véritablement encline à discuter, sachant la rancoeur que je peux lui porter à juste titre. Avant que je ne lui demande, elle se jette à l'eau :

- Vous n'allez pas me tuer, n'est-ce pas ?

   Dans le son de la voix, je comprends qu'il s'agit d'une question rhétorique.

- Comme je l'ai dit, je veux discuter... Mais comment pouviez-vous être certaine que je ne vous ferai pas de mal ?
- Parce que vous l'auriez fait dès que vous m'avez aperçu... Enfin je suppose. Et surtout : je crois à votre histoire. Celle que vous m'avez rapportée.

   Je frémis.

- Alors... Pourquoi m'avoir trahi ?! Pourquoi ne pas m'avoir aidé comme vous l'aviez promis ?!
- Si vous saviez comme je regrette... J'ai simplement eu peur de mon père, Toutankhanon... Il est le deuxième homme le plus puissant de ce pays, si ce n'est le plus dangereux qui soit ! Et il pense que la justice est la clé de voûte de notre Royaume... S'il avait appris que j'avais laissé partir des pirates, il m'aurait dénigrée ! Vous comprenez la position dans laquelle je me trouve, n'est-ce pas ? Être noble implique de faire fi de bon nombre de convictions...

    Elle se triture les cheveux, la robe... Elle hésite, elle baisse les yeux... Elle ose de temps en temps me regarder, inquiète de ma réaction. Elle commence même à s'approcher, pour réduire la distance entre nous, et pas que du point de vue physique.
    Elle cherche à attirer ma sympathie.

- Vous semblez être un jeune homme plaisant. Si ça ne tenait qu'à moi, vous seriez déjà partis, vous et votre compagnon ! Mais j'ai les pieds et mains liés.
- Et pour votre cousine ? J'imagine que vous ne vous inquiétiez pas le moins du monde pour elle.

    Nina a un léger frisson au moment où je prononce le mot "cousine". Cependant, elle n'en laisse rien paraître :

- Je suis simplement jalouse : elle est belle, jeune, intelligente... Si ça ne tenait qu'à ça, je n'aurais pas à m'en faire ! Etant son aînée, c'est ridicule de l'envier, j'en conviens... Mais elle est aussi libre. Peu de gens s'inquiètent de savoir si ses petites aventures sont un bien ou un mal ! Tout ça parce qu'elle est la dernière sur la liste de succession au trône ! J'aimerai tant être comme elle. Je trouve ça injuste. Alors je me venge comme je peux... Voilà la triste vérité.

    J'imagine qu'une part de vrai se cache dans ses paroles, cependant je ne me laisse pas abuser : il y a autre chose. Connaissant sa superficialité, j'entrevois clairement une rancoeur puérile à laquelle elle donne de terribles proportions.
    La princesse Nina, au maquillage et aux habits impeccables, est encore plus proche. Je peux même sentir le parfum sur sa peau et entendre sa respiration, plus forte que d'ordinaire en raison de la situation. Elle est si près de moi que je suis obligé de me focaliser sur elle, plutôt que sur son mobilier en bois peint ou son tapis rouge et or, en parfait accord avec le lit à baldaquin. L'espace d'une seconde, je me rappelle même à quel point elle est attirante...

- Je suis terriblement désolée, Arhye Frost. Pardonnez ma lâcheté et quittez Alubarna... Je m'assurerai qu'on ne tente rien contre vous d'ici là !

    Elle s'empare délicatement de ma main. Elle commence même à en caresser tendrement le dos avec son pouce, afin de faire passer le message :

- Vous savez... Je suis une princesse et, comme n'importe quelle princesse, j'espère un jour rencontrer quelqu'un qui se montrera digne de moi. En d'autres circonstances, cela aurait pu être vous... Mais peut-être que si vous parvenez à vous enfuir, vous aurez la chance de changer votre destin. Et si ce jour arrive, pensez à revenir vers moi.

    Oh... Alors ça...
    Je suis rouge. Aussi rouge que peut l'être un adolescent à peine sorti de la puberté à qui l'on vient d'avouer ses sentiments. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas éprouvé une telle gêne ! Et ses yeux sont doux... Bien plus doux qu'ils ne l'ont jamais été ! Et ses lèvres. Et son parfum...
    Je cligne des yeux plusieurs fois, encore bouche bée. Je me ressaisis tant bien que mal. Je sais parfaitement comment elle fonctionne : elle reprend le contrôle de la situation ! Elle use de ses charmes pour obtenir ce qu'elle veut. Elle a tenté de jouer sur le côté aventureux de ma personne pour me faire miroiter un espoir quelconque... J'ai bien failli me faire voir.
    Si j'osais je l'embrasserai tout de suite, avec fougue, histoire de souiller ne serait-ce qu'un peu le semblant de pureté qu'elle possède... Mais même ça j'en suis incapable. Je préfère cent fois affronter un monstre marin plutôt que d'offrir mon premier baiser à une fille aussi horripilante ! Comme quoi, être pirate...
    Être pirate hein...

    Je finis par sourire :

- J'ai autre chose à vous proposer, princesse. Pourriez-vous ouvrir la fenêtre de votre balcon ?
- ... Pour quoi faire ?
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- AAAAH ! FAIS-MOI DESCENDRE ESPECE DE...
- Vous êtes sure de vous, princesse ? C'est plutôt haut...

    Au moment où elle a ouvert, je lui ai demandé où se trouvait la chambre de sa cousine... Puis l'ai attrapée par la taille et ai sauté par dessus la rambarde, créant à chacun de mes bonds un socle de glace fixé au mur extérieur.
    Les cris de Nina sont arrivés aux oreilles de nombreuses personnes en contrebas, dont certains soldats fouillant les environs. Tous me pointent du doigt en braillant, impuissants... Je jubile face à leur mine déconfite. Encore plus face à celle de mon otage, de plus en plus livide. Nous nous dirigeons ainsi vers d'autres appartements, contournant ainsi l'ensemble du palais et de son effectif pour rejoindre l'aile opposée. De là où nous sommes, personne ne peut nous atteindre, si ce n'est quelques archers... Du moins le pourraient-ils s'ils n'avaient pas peur de toucher la princesse.

    Trente secondes plus tard et nous y sommes déjà ! C'est fou comme le temps passe vite quand on s'amuse ! Enfin tout dépend du point de vue : je relâche la pimbêche sur le balcon de Cloclo, m'amusant de la voir trembler de la tête aux pieds. Sans que j'ai le temps de la piquer davantage dans son estime, une silhouette émerge depuis l'intérieur de la chambre et lance :

- Pourquoi êtes-vous ic... Nina ?!
- Cloclo... Aide-moi... Ce type est... Bouhouhouh !

    Fini les faux-semblants, le masque est tombé ! Le visage de l'aînée affiche une moue désolante tandis que de grosses larmes font couler son maquillage parfait, accentuant le côté pitoyable de la scène.

- Qu'est-ce que ça veut dire, monsieur Frost ?!
- Calmez-vous : je l'ai amenée pour que vous puissiez discuter. Elle vous doit des excuses.
- ... Pardon ?
- Quoi ?! Non je...
- Oh allez princesse Nina ! Cessez ces enfantillages et excusez-vous une bonne fois pour toutes qu'on en finisse !

    Les deux jeunes femmes me regardent sans comprendre. Je soupire, cherche machinalement mon paquet de cigarettes et constate que je n'en ai plus... Ô joie.
    J'oblige la pleurnicharde à s'asseoir sur une chaise et entraîne l'autre à en faire de même. Les deux face à face, je me positionne alors en tant que médiateur :

- Bon ! On va faire ça vite parce que j'ai pas la journée ! Nina ici présente s'amuse à te pourrir la vie, juste ?
- Euh oui... Mais...
- Et vous, vous accusez Cloclo de profiter de sa jeunesse, de sa beauté et de son caractère pour se rendre intéressante et, de ce fait, elle risque de se trouver quelqu'un avant vous. J'ai bon ?
- P-pas du tout !
- Princesse.
- ... Smirffl... Oui.
- QUOI ? Mais enfin je me contrefiche de ça !
- Je m'en doute. Alors voilà : moi dans tout ça, j'y suis pour rien ! J'ai juste eu le malheur de me trouver là au mauvais moment et voilà où on en est. Est-ce que franchement je mérite la potence pour un simple caprice d'emmerdeuse ?
- Je ne vous permet pas de...
- Ah on se vouvoie à nouveau ? Dans tous les cas... Cloclo mérite des excuses pour toutes les crasses que vous lui avez faites jusque là.

BONG !

- Princesse Cloclo ! Laissez-nous entrer !

    Les gardes sont déjà là...

- Dépêchez-vous !
- D'accord d'accord : je m'excuse !
- PARFAIT !

    J'empoigne une nouvelle fois l'aînée, la traîne jusqu'à la porte, tente d'ouvrir, constate qu'elle est fermée à clé, jette un oeil interrogateur à Cloclo, tourne le loquet et jette Nina à l'extérieur avant de claquer et de fermer à nouveau derrière moi.

- Assure-toi qu'elle le fasse convenablement la prochaine fois.
- Mais enfin qu'est-ce que ça veut dire...
- Pas le temps : on se tire !
- QUOI ?!

    Je lui prends la main, puis la hanche, puis je cours et, avant de sauter du balcon, je me penche en avant, prends appui sur mes deux jambes, lesquelles deviennent blanches peu à peu et, au moment où nous décollons du sol, jaillissent des lames de givre ondulées, se coupant et se recoupant les unes les autres et accompagnant notre bond dans les airs.
    Je sers la jeune femme au sang royal contre moi. Celle-ci s'accroche de toutes ses forces, les yeux fermés. Elle n'a même pas crié. En bas, des gens se mettent à hurler de stupéfaction, des "Regardez !" et des "Oh mon dieu !" se font entendre ça et là. A leur écoute, Cloclo se décide à contempler ce qu'il reste de son balcon et... Elle ne le voit plus.
    Pourquoi ? Parce qu'il est entièrement recouvert d'une structure de glace éclatée. Elle croit d'abord à un amas de cristaux gelés chaotiques, mais finit par comprendre qu'il s'agit d'une fleur gigantesque.
    Une rose vient d'éclore.

- C'est magnifique...
- Mmh ?
- Rien du tout.

    J'atterris sur le toit d'une maison. J'ai amorti la chute avec mes pouvoirs une énième fois... Je commence presque à fatiguer à force d'en user. Je pose la princesse au sol délicatement, mais ne lui lâche toujours pas la main.
    Elle ne se débat pas, elle saisit la situation : cette fois, c'est elle l'otage qui me permettra de m'enfuir. De mon côté, je ne brise pas le silence de suite, repensant à tout ce qu'il s'est passé depuis l'arrivée du capitaine Ikeb devant ma cellule. Trop de détails me laissent à penser que la personne qui m'a aidée était...

- C'était toi, n'est-ce pas ?

    Cloclo sait de quoi je parle, elle ne semble pas surprise par mes propos. Elle se contente de hausser les épaules. Je lui demanderai bien pour quelle raison mais... J'ai l'impression de connaître la réponse.
    Je nous fait descendre. Nous courons ensuite jusqu'aux écuries où nous trouvons Peke, le canard géant de ma "captive". Celui-ci nous attendait. Evidemment...

- Tu avais tout prévu hein...
- J'ai une dette à payer.
- Des paroles dignes d'une princesse, ça.

    Je suis ironique. Cela provoque une moue d'enfant chez elle... L'espace d'un instant, je trouve ça mignon. Mais ce n'est pas le moment de se laisser attendrir. Alors que je m'apprête à monter sur le dos de notre monture, je remarque quelque chose sur l'une des poutres verticales à côté de moi : un dessin gravé dans le bois...
   Une barque et une flèche pointant vers la droite. Je reconnais le style de Matt et je saisis assez vite le sens, connaissant la manière de penser du voleur :

- On part pour Katorea !


Dernière édition par Arhye Frost le Jeu 14 Nov 2019, 20:15, édité 1 fois
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- Où vas-tu ? La sortie la plus sûre est par là !

    Matt n'avait que faire des plaintes du pilleur. Au moment où ils avaient réussi à sortir du palais, profitant de la diversion d'Arhye, ils s'étaient assurés que le reste de la garde, paniquée, ne les trouvent pas au milieu du décor : l'entrée de la résidence royale était bordée de statues et de palmiers au tronc large, plantés là par les arrière-grands-parents de la reine. Il leur avait suffi de courir la tête baissée quand leurs poursuivants avaient le dos tourné pour parvenir au niveau des habitations lambdas, non loin de la grande place.
    Seulement le jeune homme aux gants de velours avait pensé à quelque chose : si son ami réussit à sortir, il aurait tout intérêt à quitter les lieux plus vite que jamais. Aussi Matt devait s'assurer qu'il parvienne à les rattraper sans trop de difficultés... Il sortait son couteau et gravait dans l'écorce du dernier palmier une flèche et un semblant de dromadaire sous un toit, cherchant à indiquer les écuries.
    Il courut alors en direction de celles-ci avec son compagnon d'infortune, se souciant guère de ses états d'âme et traçant le symbole plusieurs fois dès qu'il le pouvait autour du palais et des baraquements alentours.

    Ils finirent par entrer dans les écuries, à l'abri des regards, et tombèrent sur Peke, le canard géant qui ne sembla pas surpris de les voir... Ce qui conforta Matt dans ce qu'il pensait : Arhye avait beau ne rien lui avoir dit, il avait saisi que quelque chose ne tournait pas rond dans leur évasion et dans le comportement d'Ikeb avant qu'ils ne s'enfuient. Si la princesse Cloclo était véritablement de leur côté, alors il n'avait plus à s'inquiéter de ce qui risquait de lui arriver à l'intérieur... Il finirait par venir ici, c'est certain.
    Il demanda à Tomas Bizbee :


- Où se trouve ton bateau ?
- A Katorea, sur la rive est. C'est pile au Sud d'ici !
- Excellent !

    Matt monta sur le dos du canard et inscrivit le point de rendez-vous sur une poutre verticale. Il tourna la tête vers l'autre hors-la-loi et l'invita à prendre un dromadaire parmi ceux qui attendaient sagement dans leur. Il rassura le canard en descendant, trouva de quoi se changer dans les sacs à ses pattes, lui expliqua qu'Arhye le rejoindrait bien vite, choisit une monture à son tour et partit en direction du désert au sud de la capitale... Qui se soucierait de deux guides, recouverts de leur chèche et de leur toge de coton ?
    Et si ça ne suffisait pas, eh bien... Le voleur tritura son pistolet en songeant au pire, espérant qu'il n'aurait pas à en arriver là.


[...]

    Arhye, Cloclo et Peke traversent la ville à toute allure, faisant fi des gens et de leur mécontentement. Certains ont le temps de reconnaître les cheveux de la famille royale et expriment leur surprise, mais personne ne semble savoir de quoi il en retourne pour l'instant, alors les deux jeunes gens et leur monture ne rencontrent aucun obstacle...
    Jusqu'à arriver à la sortie d'Alubarna :

- Halte ! Présentez-vous !

    Peke ne ralentit pas.

- J'ai dit "Halte" ! Hé... Oh put...

    Le garde ne finit pas sa phrase, contraint de sauter sur le côté alors que le canard gonfle ses plumes et piaille de toutes ses forces pour paraître plus imposant qu'il ne l'est. Plus inquiète par un possible renversement que par autre chose, la sentinelle reste là, par terre, à regarder la bête s'enfuir avec ses passagers.
    Derrière lui, plusieurs hommes accourent en l'injuriant. Des hommes armés :

- On dirait bien qu'on va les avoir aux trousses un petit moment.
- Ils ne pourront rien tenter de risqué en sachant que tu es avec moi.

    La princesse hoche la tête et regarde droit devant nous la vaste étendue de sable que nous devons traverser. L'horizon semble infini de là où nous sommes...

[...]

     Le pilleur époussetait ses habits et faisait craquer les articulations de son dos, content de pouvoir descendre du dromadaire, lui-même éreinté. Il avait fallu près d'une journée pour rejoindre la ville portuaire.
    Matt était tout autant fatigué : il avait les lèvres sèches et la peau abîmée. Malgré les quelques denrées volées au passage en quittant la capitale, ils n'avaient croisé aucune forme de vie durant le trajet, empêchant tout ravitaillement. La chaleur accablante et le peu de scrupule du pilleur n'ont rien arrangés à la situation. Plutôt avare en renseignements, le détrousseur de défunts n'avait ouvert la bouche que pour grignoter, boire et questionner Matt sur leurs motivations, leurs exploits et d'autres informations susceptibles de l'intéresser plus tard.
    Mais le blond n'était pas dupe. Il avait tu au maximum tout ce qui concernait leurs motivations, en plus de leur semblant de richesse. L'autre n'était qu'un opportuniste. Il n'avait aucune confiance en lui... Arhye n'aurait jamais du le libérer. Le seul confort qu'il puisse tirer de cette bévue, c'est que son ami était resté, malgré son côté froid et ses récents excès de colère, quelqu'un de sensiblement gentil.
    A voir maintenant si cela allait payer.


- Mon bateau se trouve par là-bas, dans le port... Normalement personne n'y a touché.
- Pourquoi ? Tu as bien été arrêté, non ? On t'a forcément demandé d'où tu venais et comment tu étais arrivé... Tu n'as même pas l'air d'être du coin.
- Exact. Seulement j'avais prévu le coup dès mon arrivée.
- C'est à dire ?
- J'ai fait placer quelques oeuvres de faussaire dans les cales d'un navire voisin au mien. Du bon travail, capable de tromper quelques représentants de l'ordre, largement rentabilisé par les trouvailles que je pourrais faire ici.
- Je vois... Attends, tu as bien dit "fait placer" ?
- Oui : mon bateau n'est pas très grand, mais naviguer seul reste compliqué.

    Dis comme ça, ça faisait sens.

- Je me rappelle d'un truc. Quand nous étions à Alubarna, tu nous as trouvé de quoi manger et boire... Pourtant je t'ai à peine vu faire ! Tu m'as l'air plutôt doué.
- J'étais un simple voleur avant tout ça.

    Il était inutile de lui mentir là-dessus. Ce Tomas n'était pas un imbécile. Ses yeux s'illuminaient d'une lueur nouvelle :

- Franchement, un homme comme toi, c'est très utile. Ton ami, "Arié"... Il a de la chance de t'avoir.
- C'est Arhye.
- C'est pareil.

    Matt n'aimait pas le ton avec lequel il avait prononcé sa dernière phrase. C'était comme être considéré comme un outil plutôt qu'une personne... Ce Bizbee ne pensait clairement pas comme eux.
    Et le sourire qu'il affichait alors qu'ils se dirigeaient vers le port de Katorea ne le rassura en rien.
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Plusieurs patrouilleurs passaient la ville portuaire au peigne fin. Ils avaient été prévenus par message aérien. Cela obligeait les deux hommes à se déplacer dans l'ombre des bâtisses jaunes et blanches. Ils s'étaient débarrassés de leurs montures et, drapés dans leur habit local, poursuivaient leur route vers le bateau de Tomas en toute discrétion.

- C'est quand même dommage que tu t'obstines à suivre ce garçon : il n'a rien pour lui, si ce n'est la force de la jeunesse... Et un fruit du démon.
- Il a ses qualités. Et des valeurs que je respecte.
- Si tu l'dis... Enfin bon ! Si ça tient qu'à ça, je peux toujours tenter de lui demander directement son accord pour tes services. C'est quand même moi qui fournit le transport et donc le moyen de s'en sortir.
- On t'a libéré !
- Et alors ? Vous n'y étiez pas obligés. Tout comme je ne suis pas obligé de vous aider. En revanche, je suis sensible aux arrangements et aux marchés profitables. Il ne faut pas confondre une chose et une autre.

    Matt serrait les dents. Ce type n'était décidément pas raisonnable... Il était égoïste, avare et ne considérait son prochain que comme un possible investissement. Il faut du temps et de nombreuses épreuves pour devenir capable de tout chiffrer, jusqu'à la vie d'autrui... Ou alors, il suffit d'être totalement antipathique.
    Il était dangereux. Arhye n'aurait sans doute aucune peine à le maîtriser si jamais, mais le doute subsistait : qui sait ce qu'ils trouveraient sur le bateau, si tant est qu'ils aient le temps d'y voir quelque chose. Le problème, c'est que son ami souffrait toujours de leurs récentes mésaventures. Son coeur était fragile... S'il restait trop longtemps proche de ce Tomas Bizbee, de son influence, que pourrait-il se passer ? Qu'assimilerait-il à son contact ? Beaucoup de risques qui torturaient l'esprit du voleur blond, lequel s'étonnait toujours de son attachement pour le jeune Frost.
    Pour cet ami qu'il avait juré d'aider à n'importe quel prix, il était prêt à faire tout le nécessaire pour sauvegarder son esprit. Il sortit son pistolet alors que le pilleur de tombes passait devant lui et le braqua en direction de son dos.
    Sentant la menace, l'autre fit volte-face et sortit lui aussi une arme de poing qu'il cachait sous les plis de sa toge. Les deux hommes se faisaient maintenant face, au milieu d'une ruelle ombragée de Katorea, sans aucun témoin pour déranger leurs affaires.


- On peut savoir ce qu'il te prend ?
- J'évite à Arhye de faire des choix qu'il regretterait plus tard.
- Oh ? Et l'autre raison ?
- Je n'ai pas la moindre confiance en toi.
- Héhé... Tu sais quoi... Tu fais bien !

    Profitant de l'effet de surprise, Tomas écarta le canon avant que Matt ne puisse tirer. Le coup partit tout de même et fit un trou dans un mur, en plus de résonner partout autour d'eux. Leur position était désormais révélée.
    Cela n'empêcha pas le pilleur de viser à son tour et d'appuyer sur la détente. Cette fois, la balle eut le temps de toucher sa cible à la joue avant de finir sa course dans une jarre vide. Les deux ennemis s'écartèrent l'un de l'autre et le blessé passait la main sur son visage pour y essuyer le sang chaud, plus par réflexe qu'autre chose. Il n'avait pas l'habitude de se faire tirer dessus, encore moins à si petite distance. Cela a de quoi en démunir plus d'un.
    Peureux comme il était, Matt avait le coeur qui battait fort et vite. Il avait envie de fuir mais savait qu'à peine il aurait le dos tourné qu'il serait abattu. Il pointa son arme sur Tomas, lequel s'éloigna davantage en zigzagant autant que le lui permettait l'étroit couloir. Le deuxième tir rata encore et, l'autre n'attendant que ça, la réponse se fit sans délai : un nouveau projectile partit cette fois perforer la manche du voleur.

    Les premiers cris de la milice leur parvint, en plus de ceux des civils effrayés près du port. Un chat au poil ras passa entre les duellistes et mit fin aux hostilités, le temps d'une seconde. Voyant que Tomas prenait ses précautions, Matt en profitait pour sauter par dessus le muret d'un escalier de grès et courir jusqu'à la sortie de la ruelle, prenant soin de baisser la tête et de rester à l'abri.
    Le pilleur de tombes partit à sa poursuite. Il fut surpris de voir le fuyard tourner son visage vers lui, ainsi que son bras armé. Il eut à peine le temps de rouler sur le côté pour éviter le tir. Au moment de se relever, il l'avait perdu de vue.

    Matt bouscula sans le vouloir un homme paniqué en prenant son virage. Les gens alentours le pointaient du doigt sans oser l'approcher, voyant le pistolet à sa main. Il regardait autour de lui, aperçu une voile dépasser d'au dessus de la maison d'en face, de l'autre côté de la rue, et sut où il devait se rendre... Seulement les premiers patrouilleurs arrivaient, dont deux armés d'arc et de flèches, protégés par le bouclier d'un partenaire. Le savoir-faire des alubastiens avait rendu ces protections de cuir et de métal parfaites contre les balles de plomb, qu'elles faisaient ricocher sur leur surface arrondie et multi-couches.
    C'est ce que constata Matt en cherchant à les intimider.
    Il n'attendit pas de réponse et détala à nouveau, profitant du mur d'autochtones, à la fois curieux et effrayés. Ce n'est qu'au bruit de la détonation qu'ils s'étaient mis à s'agiter vraiment, créant un véritable chaos dans la rue, empêchant aux forces de l'ordre de répliquer ou de rattraper le fuyard.
    Tomas rejoignit la cohue à son tour, cherchant des yeux sa cible. Il vit également les voiles et alla en direction des quais.


Dernière édition par Arhye Frost le Jeu 21 Nov 2019, 19:36, édité 1 fois
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BANG !

    La balle frôla la joue de Matt, l'obligeant à changer de direction. Plusieurs marins s'affolèrent tandis que Tomas ne lâchait plus le fuyard des yeux. Il courait vers lui, son pistolet tendu, prêt à l'emploi. S'il touchait un civil, tant pis. Au point où il en était, les risques étaient autant d'obstacles qu'il se contenterait d'enjamber pour parvenir à ses fins.
     Quant au voleur, il cherchait désespérément un endroit sûr pour se mettre à couvert. Il jeta son dévolu sur un énorme caisson laissé là par ses porteur, effrayé par la situation. Il rechargea son arme, osa un regard par dessus les planches, évita un nouveau tir, visa à son tour et appuya sur la détente. La balle s'arrêta aux pieds de son adversaire, lequel ne ralentissait pas. Ce dernier se contentait de zigzaguer entre les derniers passants, espérant - à raison - que Matt ne se risquerait pas à les blesser.
     La garde de Katorea ne tarderait pas à les rejoindre, attirés par le bruit et la débandade... Il fallait en finir, et vite. Le pirate se triturait les méninges pour trouver une solution. Profitant de la peur, de l'adrénaline et de ses récentes expériences aux côtés d'Arhye, il en vint à une solution. Une de celles qu'il n'aurait jamais cautionné il y a encore un an, car contraire à ses principes.

    Tomas Bizbee devait mourir, mais il était meilleur tireur que le jeune homme. On sentait l'expérience dans sa façon d'agir, et son sang-froid démontrait qu'il ne montrerait aucune hésitation. Tout l'inverse de lui, qui n'était doué que pour prendre la fuite. Voler, cambrioler, détrousser... Tout ce qu'il avait appris jusqu'alors n'impliquait pas de se retrouver dans une fusillade ! Du moins il faisait tout pour. Depuis qu'il avait changé de voie, qu'il ne pensait plus qu'à sa personne, il avait commencé à revoir sa façon de penser et d'agir. C'est pourquoi il tira encore, manquant de peu le pilleur de tombes qui eut enfin un geste de recul.
    Profitant de l'occasion, Matt sortit de sa cachette en roulant sur le côté, esquivant au passage un autre coup de feu. Il se rua alors sur son ennemi, lequel ne s'attendait clairement pas à ça. Ayant réduit la distance qui les séparait, celui-ci n'était plus qu'à cinq mètres du blond aux gants de velours, lequel ne cherchait même plus à échapper à sa visée.
    Tomas visa et tira. La douleur fit grimacer Matt, mais il retint son cri et ne ralentit pas. Il leva son propre pistolet et appuya sur la gâchette à bout portant. Le plomb se ficha dans le torse de Bizbee qui baissa la tête, à la fois stupéfait et figé par l'impact. Alors qu'il tentait de lever une dernière fois son arme, le voleur était déjà sous son nez, stoppant son geste et lui décochant un coup de poing en pleine figure. Agonisant, son adversaire gisait par terre, son pistolet à quelques centimètres de lui, trop étourdi pour pouvoir l'atteindre.

   Matt se tenait le flanc. Il se pencha sur le mourant et lui attrapa le col :


- Ton bateau... Où est-il ?

    Il n'y avait aucune raison pour lui de répondre, le voleur le savait. Pourtant il n'avait plus d'autre choix pour obtenir l'information. Pensant qu'un moyen de pression supplémentaire aiderait, il approcha son autre main de la blessure, menaçant d'enfoncer un doigt dans la plaie. L'autre observait le geste d'un regard vague. La vie le quittait peu à peu et il n'avait plus assez d'air pour articuler de phrase concrète. Il resta là, à attendre la mort avec pour dernière vision ce jeune homme qui, pourtant si lâche, avait fait front et l'avait vaincu.
    Dieu sait ce qui traversait l'esprit du pilleur de tombes à cet instant. Il n'empêche que dans un dernier élan, l'oeil de plus en plus vitreux, il tendit l'index en direction d'une petite caravelle. Ce fut sa dernière action avant l'inertie. Se redressant péniblement, Matt constata qu'il affichait un demi-sourire dont il ne comprenait pas le sens.

    Il marcha tant bien que mal vers la direction indiquée...


- Halte !

    Une dizaine de soldats l'avaient rattrapé et tentaient de le prendre en tenaille. Blessé, il ne pensait pas pouvoir fuir davantage cette fois... Il était fichu.
    Un vent frais se leva alors. Puis une vague de givre vint attraper les jambières des forces de l'ordre et les fixer au sol.


- Désolé pour l'attente !
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J'ai traversé le désert en compagnie de la princesse Cloclo et de Peke en effectuant le moins d'arrêt possible. Nous n'avions pas pris de quoi nous sustenter : je ne pensais pas que ne rien avaler de consistant pendant plus de vingt-quatre heures pouvait être aussi désagréable...
    Heureusement, mes capacités nous ont permis de nous rafraîchir et de supporter la chaleur en journée. C'est au moins ça de gagné. Et à peine sommes-nous arrivés à Katorea que nous voyons des gens courir depuis le port. Là-bas : des détonations, faibles mais n'annonçant rien qui vaille. Je somme au canard géant de se hâter et nous arrivons juste à temps pour voir Matt aux prises avec la garde.
    Après que je les ai stoppés, la princesse descend de sa monture, m'invitant discrètement à la suivre de très près.

- Ne tentez plus rien, je vous prie !
- P-princesse Cloclo ?! QU'est-ce que ça veut dire ?
- Je suis leur otage... Si vous tentez quoi que ce soit, ils risquent de s'en prendre à ma personne.
- Et merde... Lâchez vos armes !

    Sans demander leur reste, la troupe de plus en plus conséquente de soldats alabastiens obéit et conserve une distance raisonnable.
    J'en profite pour soutenir mon compagnon, lequel est blessé au flanc. Je l'interroge, cherchant des yeux le pilleur de tombes qui l'accompagnait :

- Il a fallu s'en occuper... Il n'était pas fiable. Je suis désolé...
- Ce qui compte, c'est que tu sois en vie !
- Son bateau, c'est celui-ci.

    Il pointe du doigt une caravelle, sur le quai à une dizaine de mètres de nous. Je nous y amène, tenant le voleur d'un bras et la jeune femme de l'autre. Personne n'ose intervenir. Je lance tout de même à l'intention des hommes démunis :

- N'ayez crainte, je ne l'emmènerai pas et ne lui ferai aucun mal... Tant que vous resterez bien sagement où vous êtes.

    L'aventurière aux cheveux bleus tourne la tête vers moi, visiblement surprise. Elle devait s'attendre à autre chose... Mais je m'en fiche pour l'instant. Ce qu'il nous faut pour l'instant, c'est mettre Matt à l'abri, s'occuper de sa blessure et nous enfuir par la même occasion.
    Nous arrivons devant le fameux bateau de Tomas Bizbee, un petit vaisseau avec à son bord cinq ou six personnes. Tous ont l'air de ne rien comprendre de ce qu'il se passe. Certains ont vu toute la scène, y compris mon intervention, ce qui suffit à les rendre plus dociles : celui qui se tenait devant le ponton s'écarte pour nous laisser monter.
    Je me tourne alors vers la princesse :

- Vous restez ici.
- Non !
- Si.

    La belle fronce les sourcils et bombe la poitrine, pensant que cela suffira à s'imposer. Les mains sur les hanches, elle s'exclame :

- Je vous ai aidés ! Nous sommes quittes désormais ! Et vous savez pertinemment ce que je souhaite. Laissez-moi vous accompagner...
- Et vous savez ce que je pense de ça. Cette vie n'est pas faite pour vous. Elle n'est faite pour personne d'ailleurs... Pirate, ce n'est pas un métier, c'est un défi que seuls les fous et les criminels sont en droit d'accepter.
- Dans quelle catégorie vous situez-vous alors ?
- ... Aux yeux du monde, je ne suis plus un innocent. Tous les jours du reste de ma vie, des gens souhaiteront ma mort. C'est ainsi. Vous, vous n'avez pas à endurer ça. Maintenant partez, avant que je ne vous y oblige.
- Vous n'oseriez pas, je...

    Le regard que je lui lance la fait taire : mes pupilles ne dégagent aucune chaleur. Je me suis totalement fermé à ses charmes pour la repousser de toutes mes forces. Tant bien que mal, je convainc mon esprit qu'elle ne mérite pas d'être là. Je veux qu'elle sente le mépris qu'elle m'évoque, même de façon illusoire. Je la rejette... Pour son bien.
    L'effet est immédiat, et une larme nait au coin de son oeil. J'en suis peiné, mais je tiens bon. Il est hors de question que je m'attache davantage à elle. Nous sommes restés ensembles quelques jours seulement, et dans des circonstances plus que particulières. Forcément, ça crée des liens forts. C'est une chose qui ne se contrôle pas... Mais il n'empêche qu'elle est de la famille royale. Même sans être héritière, elle n'en reste pas moins un modèle à suivre pour son peuple. C'est tout un royaume qui compte sur son intégrité, de par son sang et les devoirs qu'il implique.
    Je lui lâche le bras et l'écarte d'un geste ferme, sans réellement chercher à la violenter. Peke se met à couiner faiblement, la tête basse. Il touche l'épaule de Cloclo avec son bec, devenant complice de ma décision. Elle semble en colère... Cette fois, elle ne peut plus s'empêcher de sangloter. Je me retourne, pose mon pied sur le plancher de la caravelle et, sans regarder cette amie capricieuse, je coupe enfin le lien :

- Adieu, princesse.

[...]

    Les hommes de Bizbee n'ont rien tenté contre nous. Ils ont trop peur de mes pouvoirs pour essayer quoi que ce soit de déraisonnable... A en croire Matt, ils n'ont pas la trempe de celui qu'ils servaient jusqu'alors. Le voleur se repose sur la couchette à côté de moi, bien installé dans le fauteuil de la cabine principale. Je me suis occupé de sa blessure : j'ai anesthésié la plaie en la gelant et j'ai retiré la balle en lui imposant de détourner la tête. Même sans éprouver trop de douleur, la simple vue du sang et de ma maladresse l'auraient fait tourner de l'oeil. Un des marins s'est occupé des derniers soins, évitant une éventuelle infection et s'assurant chaque jour que la blessure se referme correctement.

- T'es vraiment une chochotte quand même.
- Dit celui qui a failli s'agenouiller devant une demoiselle.
- C'est faux.
- T'as raison : elles étaient deux...
- Oh tais-toi !

    Je fais mine de bouder, ce qui suffit à amuser Matt. Il s'arrête alors de me charrier et se redresse sur son oreiller :

- N'empêche... Elle avait l'air sérieuse, Cloclo. Elle souhaitait réellement vivre une aventure, quitte à être radicale.
- Tu penses que j'ai eu tort ?
- Non... Je pense que tu as bien fait. Tu as été vraiment super sur ce coup-là. C'était sage de ta part.

    Je me contente de hausser les épaules. Si ça continue, il va encore me rabattre les oreilles avec cette "gentillesse qui me définit" et toutes ces bêtises.
    Je me masse les tempes, davantage enfoncé dans le fauteuil. Notre arrêt prolongé sur Alabasta n'aura pas été de tout repos. En plus de n'avoir servi à rien, cette histoire m'a encore confronté à des décisions pénibles. Je ne regrette pas d'avoir laissé derrière une jeune femme ignorante des dangers de l'extérieur... Mais un compagnon de plus ? Quelqu'un qui aurait pu me soutenir à sa manière, tout comme Matt le faisait déjà... Non pas que je me sente seul, mais cette vie commence à vraiment me peser.
    Pourvu que notre destination m'offre les réponses que je cherche. Je veux en finir avec cette quête insensée.
    J'ouvre la porte de la cabine, me dirige depuis le pont jusqu'à la poupe et observe une dernière fois en direction du Royaume d'Alabasta. J'ai une pensée pour la rose que j'y ai laissée, m'amusant de la pagaille causée... Et espérant que son souvenir réconfortera encore un peu cette princesse fougueuse et rêveuse. Un faible sourire aux lèvres, je me tourne vers la proue :

- Lynbrook, nous arrivons...
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