Quand t'es le second larbin le plus important à la solde du Padre, le parrain de la famille Bambana, 'faut t'attendre à te faire régulièrement trimballer à droite à gauche pour gérer ses affaires. T'es un peu comme son clébard personnel, à qui il balance un os quand il se fait chier et toi tu cours bêtement lui rapporter. T'es heureux, tu tires la langue, t’aboie, tu baves ta joie et tu reviens fièrement lui déposer le morceau aux pieds. T'es prêts à répéter ce geste jusqu'à ce qu'il se lasse et te dises d'aller te faire foutre, là t’ira te terrer au fond de ta niche, chialer ta misère et l'énorme chagrin qui te prends. Cette connerie, ça vaut pour les enfoirés de mafieux qui ont toujours pas ouvert les yeux, ou qui en ont aucune envie, ceux que cette vie convient. C'était mon cas autrefois, quand j'avais besoin d'oublier, d'arrêter de réfléchir à mon existence et de juste me noyer, m'enfoncer, me laisser crever. A l'époque, j'en avais rien à cirer de donner mon âme à ce fumier, l'un des plus gros fils de chiens que cette mer abrite. Sous ses ordres, j'en ai fais des horreurs. Probablement que je regagnerai jamais la surface tellement j'ai plongé profond, mais j'ai accepté mon sort.
Aujourd'hui, la donne a changé. J'ai toujours pas espoir de regagner la surface, mais je veux entraîner ce gros lard dans les profondeurs, y laisser croupir son cadavre. Étant moi-même tombé dans la catégorie des sous-merdes dont le monde se passerait bien, débarrasser cette terre d'une chiasse plus épaisse que moi c'est la moindre des choses. D'autant que j'ai un compte personnel à régler avec ce type, il me doit plusieurs années de ma vie. En attendant d'avoir l'opportunité de lui faire sauter la cervelle d'une bonne cartouche dans la cafetière, je joue à l'homme de main parfait. Si l'organisation décernait un titre d'employé du mois, cela ferait des années que je raflerai la mise. Sous le nez de ce salopard d'Anatoli, qu'il aille finir de brûler en enfer celui-là, et pour mon plus grand plaisir. Cette fois, j'ai foutu le camp de Manshon, la maison mère, pour filer en direction du Royaume de Luvneel. J'aime pas cette île, j'aime pas ce royaume, j'aime pas les royaumes. J'ai toujours eu un problème avec l'autorité, et plus particulièrement ce qui touche à une autorité centralisant tous les pouvoirs sous une même personne.
Les gens qui ne partagent pas le pouvoir finissent inévitablement par en abuser, se sentent pousser une paire de couilles beaucoup trop grosses et l'étale sur le nez des pauvres gens qui eux, n'ont rien et ne peuvent rien. Les inégalités, l'abus d'autorité, la haine, c'est un trio qui fonctionne bien ensemble. Partout où une petite tête de con croit pouvoir gouverner tout un groupe de personnes parce qu'il a décrété qu'il était le meilleur, ça pue. Du genre qui pique aux yeux et te soulève le cœur, te serre la gorge et fais trembler tes muscles, te files des démangeaisons dans les poings et t'assailles d'une furieuse envie distribuer les mandales pour remettre les choses dans le bon ordre. J'ai horreur de ces endroits parce que je suis impuissant et ne peut rien contre cela. A part faire ce que je suis en train de faire depuis mon arrivée sur l'île, la fermer. Fermer les yeux, et prétendre que tout est normal, que tout le monde est heureux et libre. Fermer ma gueule, et ne pas agresser le premier soldat croisé pour lui cracher mon dégoût à la fiole. Fermer les poings, et les garder bien au chaud dans les poches de mon manteau, à l'abri des regards.
C'est avec soulagement que je sors de la cité, après qu'on m'ait déposé au port de Norland. De ce que j'ai pu comprendre des informations transmises pour l'affaire qui m'amène ici, le client a insisté pour que la prise de contact se fasse à l'extérieur de l'agitation ambiant des villes. C'est pas moi qui serait allé protester, même si ça peut paraître tendu de se rendre dans un coin reculé de la foule pour rencontrer un type qu'on a encore jamais vu. C'est pour cette raison que je suis pas venu seul, Don Bambana m'a généreusement offert la compagnie d'un trinôme de tontons flingueurs pour m'escorter, histoire qu'il ne m'arrive rien. Entre nous, si une embrouille devait nous tomber sur la trogne, j'ai de sérieux doutes sur qui sauverait les miches de l'autre. M'enfin, j'évite de penser au pire. Des affaires de ce genre, j'en ai bouclé plein sans jamais avoir d'histoire. Je dois en être à ma troisième clope d'allumée lorsqu'on s'approche du lieu de rendez-vous indiqué. Le coin est à l'image du reste de la zone, à l'agonie. C'est une ancienne cité tombée dans l'oubli, ou une connerie du genre. Y'a plus que des ruines, des bâtiments dominés par la flore et probablement que les décombres doivent servir de squats pour des créatures pas agréables.
On est censé les retrouver ici. On attend, donc. Surveillez le coin, que personne ne vienne nous casser les burnes.
Je mire un moment les bâtisses dévorées par la mousse, la plupart se sont cassées la gueule depuis des mois, voir des années. Il règne un silence apaisant, presque hypnotisant. Avec la fatigue accumulée à cause des mes nuits blanches, le calme et la température ambiante des lieux, j'en viendrais presque à pioncer debout. Ce serait tentant, de m'abandonner un moment, moi qui cherche désespérément un moyen de trouver le sommeil quand vient la nuit. C'est toujours quand j'en ai le moins envie que le sommeil menace de me cueillir. Je tire une bonne latte sur ma cigarette améliorée à l'opium, et laisse la drogue faire son œuvre. Savourer l'instant présent, un bref moment d'accalmie avant de retourner à la dure réalité des choses.
Aujourd'hui, la donne a changé. J'ai toujours pas espoir de regagner la surface, mais je veux entraîner ce gros lard dans les profondeurs, y laisser croupir son cadavre. Étant moi-même tombé dans la catégorie des sous-merdes dont le monde se passerait bien, débarrasser cette terre d'une chiasse plus épaisse que moi c'est la moindre des choses. D'autant que j'ai un compte personnel à régler avec ce type, il me doit plusieurs années de ma vie. En attendant d'avoir l'opportunité de lui faire sauter la cervelle d'une bonne cartouche dans la cafetière, je joue à l'homme de main parfait. Si l'organisation décernait un titre d'employé du mois, cela ferait des années que je raflerai la mise. Sous le nez de ce salopard d'Anatoli, qu'il aille finir de brûler en enfer celui-là, et pour mon plus grand plaisir. Cette fois, j'ai foutu le camp de Manshon, la maison mère, pour filer en direction du Royaume de Luvneel. J'aime pas cette île, j'aime pas ce royaume, j'aime pas les royaumes. J'ai toujours eu un problème avec l'autorité, et plus particulièrement ce qui touche à une autorité centralisant tous les pouvoirs sous une même personne.
Les gens qui ne partagent pas le pouvoir finissent inévitablement par en abuser, se sentent pousser une paire de couilles beaucoup trop grosses et l'étale sur le nez des pauvres gens qui eux, n'ont rien et ne peuvent rien. Les inégalités, l'abus d'autorité, la haine, c'est un trio qui fonctionne bien ensemble. Partout où une petite tête de con croit pouvoir gouverner tout un groupe de personnes parce qu'il a décrété qu'il était le meilleur, ça pue. Du genre qui pique aux yeux et te soulève le cœur, te serre la gorge et fais trembler tes muscles, te files des démangeaisons dans les poings et t'assailles d'une furieuse envie distribuer les mandales pour remettre les choses dans le bon ordre. J'ai horreur de ces endroits parce que je suis impuissant et ne peut rien contre cela. A part faire ce que je suis en train de faire depuis mon arrivée sur l'île, la fermer. Fermer les yeux, et prétendre que tout est normal, que tout le monde est heureux et libre. Fermer ma gueule, et ne pas agresser le premier soldat croisé pour lui cracher mon dégoût à la fiole. Fermer les poings, et les garder bien au chaud dans les poches de mon manteau, à l'abri des regards.
C'est avec soulagement que je sors de la cité, après qu'on m'ait déposé au port de Norland. De ce que j'ai pu comprendre des informations transmises pour l'affaire qui m'amène ici, le client a insisté pour que la prise de contact se fasse à l'extérieur de l'agitation ambiant des villes. C'est pas moi qui serait allé protester, même si ça peut paraître tendu de se rendre dans un coin reculé de la foule pour rencontrer un type qu'on a encore jamais vu. C'est pour cette raison que je suis pas venu seul, Don Bambana m'a généreusement offert la compagnie d'un trinôme de tontons flingueurs pour m'escorter, histoire qu'il ne m'arrive rien. Entre nous, si une embrouille devait nous tomber sur la trogne, j'ai de sérieux doutes sur qui sauverait les miches de l'autre. M'enfin, j'évite de penser au pire. Des affaires de ce genre, j'en ai bouclé plein sans jamais avoir d'histoire. Je dois en être à ma troisième clope d'allumée lorsqu'on s'approche du lieu de rendez-vous indiqué. Le coin est à l'image du reste de la zone, à l'agonie. C'est une ancienne cité tombée dans l'oubli, ou une connerie du genre. Y'a plus que des ruines, des bâtiments dominés par la flore et probablement que les décombres doivent servir de squats pour des créatures pas agréables.
On est censé les retrouver ici. On attend, donc. Surveillez le coin, que personne ne vienne nous casser les burnes.
Je mire un moment les bâtisses dévorées par la mousse, la plupart se sont cassées la gueule depuis des mois, voir des années. Il règne un silence apaisant, presque hypnotisant. Avec la fatigue accumulée à cause des mes nuits blanches, le calme et la température ambiante des lieux, j'en viendrais presque à pioncer debout. Ce serait tentant, de m'abandonner un moment, moi qui cherche désespérément un moyen de trouver le sommeil quand vient la nuit. C'est toujours quand j'en ai le moins envie que le sommeil menace de me cueillir. Je tire une bonne latte sur ma cigarette améliorée à l'opium, et laisse la drogue faire son œuvre. Savourer l'instant présent, un bref moment d'accalmie avant de retourner à la dure réalité des choses.