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Le goût perdu ! [solo au présent]

Pourquoi suis-je entré dans la Marine déjà ? J'avoue que je ne sais même plus. Cela ne fait pourtant pas aussi longtemps que ça. Maintenant que je suis Commandant, j'ai enfin la liberté que je voulais, le commandement d'un navire, vogué sur les mers avec mon équipage. Pourtant, cela ne m'enchante pas plus que ça. Et ça, je ne sais pas pourquoi.

Début de matinée dans ma cabine. Je me lève, un peu étourdi par une nuit de sommeil assez agitée, durant laquelle je me suis tourné retourné plus que de raison. Une nuit courte. Je me redresse, m'étirant, mon corps craquant à plusieurs endroits, alors que je soupire un peu. Au moins quelque chose qui fait du bien.

Un des avantages d'être un officier supérieur, c'est que j'ai une cabine privée, ainsi qu'une salle de bain privée. La douche froide me fit un bien fou, me permettant de me réveiller, d'aiguiser mes sens, tout en me permettant de souffler un coup, sans trop réfléchir. Elle me pris une bonne quinzaine de minutes, l'eau glacée ruisselant sur mon corps, me faisant également frissonner. Au moins, maintenant, j'étais bien réveiller.

Cela fais quelques mois que je suis Commandant. Et depuis, durant ce laps de temps, rien. Aucune intervention majeure, aucun conflit ouvert. Juste quelques petites rixes avec pirate et autre malfrat. Ce sentiment de vide, cette déprime, c'est sans doute ce qu'ils appellent la dépression de l'officier. Je ne pensais pas que cela me toucherais. Je pensais être assez fort mentalement pour encaisser ces nouvelles responsabilités. Apparemment, je me suis trompé.

Après un déjeuner sommaire, je me suis installé à mon bureau, tout en ouvrant le hublot de ma cabine, le bruit du vent et l'odeur marine m'extirpant un peu de ma torpeur matinale. Là, j'ai commencé le travail, remplir plusieurs rapport, décrire les incidents. Hier par exemple, deux navires de pêche se sont accrochés, causant un embouteillage à la sortie d'un port. En plus de ça, aucun des deux navires ne voulait reconnaître sa faute. J'ai dû intervenir en envoyant quelques marins au tapis.

Je sais, ce n'est pas très soldat, mais à un moment, il faut savoir outrepasser ses fonctions pour faire en sorte de réussir à gérer les conflits. Et malheureusement, la plupart des gens ne comprennent que la violence. C'est... Désolant à force. Après une petite heure, mon second vint également me faire son rapport. C'est un chic type. Trop protocolaire à mon goût, mais très gentil.

"Lieutenant à vos ordres mon Commandant ! Je viens faire mon rapport matinal. Alors, pour commencer, nous sommes bientôt à cours de vivre et d'eaux potables, je ne sais pas pourquoi, mais nos rations ont brusquement diminuées les derniers jours, je soupçonne certains soldats d'avoir organisé une fête clandestine, je ferais plus de recherche là-dessus mon Commandant. Ensuite, il y a eu ce matin un contrôle de routine avec un navire marchand, rien à signalé là-dessus. Et... C'est à peu près tout ce qu'il s'est passé entre hier et aujourd'hui."

"Merci de... Votre rapport Lieutenant. Je vois qu'effectivement, il y a un peu de relâchement dans les troupes, je veillerais à régler le soucis. En attendant, cap sur la prochaine île, il faut bien faire en sorte d'avoir de quoi manger et boire pour les longs trajets. Quant à ce navire marchand, rien de suspect ? Vous avez vérifié les comptes, l'inventaire, le protocole habituel ?"

Le Lieutenant me regarda quelques secondes, comme s'il voyait mon agacement. J'espère au moins qu'il ne le prend pas contre lui. C'est la routine mon adversaire, personne d'autre. Il marqua une petite pause, avant de reprendre, toujours au garde-à-vous.

"Oui mon Commandant. Tout a été vérifié dans le respect du protocole. Et rien ne pouvait nous faire dire qu'il y avait un souci avec ce navire. Quant à votre ordre de faire cap sur la prochaine île, je vais en faire part tout de suite au capitaine. D'après mes informations, il y en a une à quelques heures de navigation. Une petite île fermière, rien de très impressionnant, mais au moins, ça sera un bon moyen de refaire nos provisions. Je m'en vais de ce pas faire le calcul du montant des dépenses que nous pouvons nous permettre !"

Je lui fit alors signe de partir. Alors que je soupirais un peu plus. Je commençait vraiment à me demander pourquoi j'étais ici. Pourquoi je suis assis sur cette chaise, à attendre, que quelque chose se passe. J'ai perdu ma joie. Mon but. Peut-être que démissionner est la bonne méthode...
    À quoi je pense moi ? Démissionner ? Après tout ce que j'ai enduré pour en arriver là ? Je pense que cette déprime est plus ancrée en moi que ce que je pensais. On dirait un combat ou mon adversaire est invisible et pourtant présent. Une bataille ou seul moi peut intervenir. Et pourtant, je n'en ai pas plus envie que ça. Je la laisse gagner. Petit à petit. Elle prend du terrain, comme la mort venant s'emparer de moi. Je suis pathétique. Une simple coquille vide. Sans but. Sans rien.

    Durant les quelques heures suivantes, je me suis mis sur le pont du navire. Regardant la mer. Le tumulte des vagues se terminant sur la coque du navire. Regardant ce spectacle sans rien d'autre. Fermant à quelques reprises les yeux pour me concentrer sur le bruit des vagues et des mouettes, une mélodie douce à mes oreilles, alors que le vent parcourait mon corps, me donnant froid. Le soleil et ses rayons me réchauffant instantanément après.

    Alors que nous arrivions près de la dite île, je me suis installé de nouveaux à min bureau. J'ai pris une feuille, un stylo. J'ai commencé à écrire ma lettre de démission. À l'armée, je ne peux pas juste partir comme ça, je serais considéré comme un déserteur, un traître, encore pire qu'un pirate ! Et ce n'est pas ce que je veux. Ce que je veux, c'est expliquer ce mal-être, cette perdition dans laquelle je me trouve. Cette impasse noire et seule. Cet endroit dont je ne peux m'extirper. Mais comment mettre ça sur papier ?

    Je ne sais pas. J'ai bien passé une bonne heure devant cette page blanche. Avec juste écris "Démission" en haut. Je soupire un peu, jetant un livre un peu plus loin, histoire de me calmer les nerfs. Même une simple lettre, je suis incapable de l'écrire. J'ai besoin de souffler. De temps et de réflexion. J'ai besoin de sortir du bateau. J'attrape alors ma casquette, ma veste et mon sabre. Je m'habille. Tant que je fais encore parti de la marine, je me dois au moins de la représenter fièrement. Même si ce n'est plus pour longtemps.

    Je descend alors du bâtiment une fois que celui-ci, ce soit amarré au port de l'ile. C'est une petite île charmante. Peut-être devrais-je m'installer ici. Devenir fermier ? Au moins j'aurais un but. Faire pousser ce dont je me nourris. Aider les gens. Faire en sorte que tout le monde mange à sa fin. Ca, c'est un but.

    J'ai marché. Le long de la plage, le long de l'île. Je me suis assis sur un banc, regardant des enfants jouer. Je me doute de la réaction de mon second quand il apprendra mon souhait de vouloir quitter la marine. Il va sans doute me dire que c'est du gâchis. Me dire que je suis un soldat dont on a besoin me dire que...

    "Excusez moi monsieur ? Vous êtes bien de la marine non ? Puis vous avez l'air pas bien ? Ce n'est pas bien d'être pas bien ! Mon papa, il dit souvent que si les gens ne vont pas bien, c'est parce qu'ils ont le ventre vide. Parce que mon papa, il dit que si on mange bien, tout va bien ! Enfin.. Il disait puisqu'il est plus là..."

    Juste à côté de moi un enfant m'avait rejoint. Me parlant de son père. Et de nourriture ? Je dois dire que cela me fit esquisser un sourire. L'innocence de l'enfance.

    "Tu sais petit, ce n'est pas aussi simple dans le monde des grands. Des fois, on est perdus. On ne sais pas quoi faire, à quoi, on sert. Et même si effectivement un bon repas peux souvent régler les soucis, dans mon cas, je ne suis pas certain que ça arrange beaucoup les choses ahah."

    Il me regarda, dans les yeux, fouilla dans sa poche, puis me tendis une bille. Je le regarde alors, l'air un peu dubitatif. Puis il souris fièrement.

    "C'est une bille que mon papa, il a fait quand il était encore là ! Et moi, c'est Joe ! Mais tout le monde m'appelle Joe le rigolo  ! Bha oui, c'est normal ahah ! Tiens Monsieur, je te donne la bille. Mon papa, il disait souvent que quand on vois quelqu'un qui va mal, il faut l'aider et lui offrir quelque chose !"

    Cet enfant est un peu tête en l'air, j'ai l'impression. Mais... Il paraît sincère et me rappelle moi à son âge. Moi aussi, je ne jurais que par mon père, fermier de génération en génération. Quand j'ai annoncé mon départ à l'armée, il était déçu que je ne reprenne pas la ferme. Mais il accepta quand même ma décision. J'ai alors pris la bille, le remerciant. Un cadeau ne se refuse pas.

    Il me raconta ensuite son histoire. Son père, fermier fut tué l'hiver derniers dans une avalanche. Depuis, il s'occupe seul de sa mère. Il travaille avec les autres membres de l'île pour qu'ils ne manquent de rien. Un enfant si jeune et pourtant si responsable. J'en suis presque jaloux. Il a quelque chose que j'ai perdu après tout. L'envie.
      Cet enfant. Il était plein de vie et pourtant. Je ne sais pas pourquoi je pense voir en plus quelque chose de sombre. Comme moi. Je sentais cette odeur noire et sombre, tournant autour de lui, comme elle tourne autour de moi. Mais bon, d'un coté ce n'est pas vraiment mon problème après tout, je ne suis là que pour quelques heures, puis j'irais finir cette fameuse lettre.

      Autour de nous, pendant que Joe était en train de me raconter des histoires de son père et de l'île en général, je pouvais voir les villageois. Ils m'observaient. Tous. Comme pour voir ce que je disais à ce petit homme. Un regard dur sur moi et pourtant si bienveillant envers lui-même. On dirait une allégorie de la protection et du devoir. C'est drôle. Et chaleureux. Je suis celui qui se fait juger, pourtant, cela me fait sourire.


      Il continua de me parler sans s'arrêter encore et encore. Puis, quand le soleil commença à se coucher, il m'annonça qu'il devrait rentrer chez lui. Pour pouvoir s'occuper de sa mère qui est malade à cause du froid. Il me sourit de nouveau, puis partis en courant dans une maison ne se trouvant pas très loin. J'imagine qu'il était temps pour moi aussi de rentrer.

      Après tout, j'ai cette fameuse décision à mettre sur papier. Ce n'est pas facile. Mais au moins, si je reprend la ferme familiale, ça soulagera sans doute mon père. Je me suis alors levé de ce banc. Regardant la bille que Joe m'avait donné. Elle était magnifique. Mais ça venait de son père. Je ne pouvais pas la prendre, je vais aller lui rendre.

      Je me suis donc dirigé vers sa maison, celle ou je l'ai vu entrer plus tôt. J'ai toqué à la porte. Une fois. Deux fois. Trois fois. Puis, je suis entré. Et là, j'ai trouvé Joe. Sur le sol. Assis, recroquevillé. En train de pleurer toutes les larmes de son corps. À coté de lui, allongée et endormie, sa mère. Elle était malade. Je me suis approché de Joe. Il me regarda, essuya ses larmes tout sourire.

      "Rebonjour Monsieur ! Désolé de pleurer, je me suis cogné en rentrant ahah ! Désolé ma maman ne peux pas parler... Elle est malade...

      Je pouvais voir qu'il mentais. Qu'il n'allait pas bien du tout. Pourtant, il se forçait à sourire. À de riens laisser paraître. Je comprend un peu mieux la réaction des autres maintenant. Je me suis levé, tout en lui souriant. Je me suis approché de sa mère. Il me regarda, un peu dubitatif. Puis, je lui ai dit que j'étais médecin.

      À l'entente du mot médecin, ses yeux s'ouvrirent un peu plus. Comme s'il espérait que je soigne sa mère. Et bien sûr, j'allais essayer. Je suis rapidement retourné au navire, pris mon matériel ainsi que mon escargophone. Puis, j'y suis retourné. Après un check-up rapide, je pouvais voir que sa mère était surtout épuisée. Et mal nourrie. Elle devait se donner à fond pour son fils, tout en négligeant sa propre santé. Une mère aimante. J'ai serré le poing et attraper l'escargophone pour appeler mon second.

      "Lieutenant ? Ici le Commandant Volkof. Changement de programme, nous allons rester ici quelques jours. Je vais vous faire parvenir une liste de médicaments, prenez les dans la pharmacie du bateau. Emmenez-moi aussi de quoi faire un ragoût. Vous savez, celui que je donne aux soldats épuisé. Et rapidement, c'est un ordre !

      Le Lieutenant me répondue rapidement et dans l'heure qui suivit. Tout était prêt. J'ai aidé la mère à se réveiller, tout en l'aidant à se nourrir. Et j'ai fait ça durant les quelques jours qui suivirent. La santé de la femme s'est rapidement amélioré et après quelques jours et des conseils de ma part elle était sortie d'affaire. Joe me sauta dans les bras tout en pleurant. Ce gamin était tellement fort. Il était dans une situation désastreuse et pourtant, il a tenu bon. Un exemple.

      Après ces quelques jours, il était temps de partir. Joe me regardait avec des gros yeux emplis de larmes. Je me suis agenouillé et sur sa tête, j'ai mis ma casquette de Commandant. Je dirais que je l'ai perdu en mer, on m'en enverra bien une autre !

      "Merci Joe. Tu es un gamin vraiment fort. Je ne sais pas comment j'aurais fait à ta place. Et grâce à toi, j'ai retrouvé ce que j'avais perdu. La raison pour laquelle je porte cet uniforme et pourquoi je me bat. Si je le fais ce n'est pas pour moi, ce n'est pas pour le gouvernement. C'est pour les gens comme toi et ta mère, pour ceux dans le besoin, ceux qui désirent être heureux. Ceux qui méritent de par leur sacrifice et leurs actions. Merci à toi. Je suis sûr que ton père est fier de toi de là ou il est."


      Je me suis redressé. Puis je suis retourné au navire. À cause de moi, on était à quai depuis trop longtemps. Il fallait partir. Et maintenant, je l'avais trouvé. Ce but. Cette envie. Pourquoi je fais tout ça. Et si jamais je la perd de nouveau, je n'aurais qu'à regarder cette petite bille de verre. Et je saurais ce que ça signifie.