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[FB -31] Les Belles Histoires de Papy Judge ! Webley et Lebel

Webley


Quelque part dans l'Ouest sauvage, un vieil homme vivait tranquillement dans une petite ville dont il était le maire, le juge et le barman. Il semblait qu'il avait toujours été aussi vieux. De mémoire d'homme, il avait toujours porté sa barbe blanche et son ventre rebondi. Les photos de sa jeunesse avaient disparues avec les ans et on disait de lui qu'il avait découvert le secret pour vivre éternellement. Lui répondait que vivre éternellement aussi vieux, ça n'était pas un cadeau.
Ce jour-là, il y avait une séance au tribunal. Malgré le fait qu'il n'y ait pas de boisson pendant le jugement, la salle était comble. Aussi parce qu'une loi condamnait ceux qui ne venaient pas à la séance à une amende salée.

- Le condamné du jour...
- Euh. Vous voulez dire "accusé", sans doute.
- Silence dans la salle ou je fais pendre tout le monde ! Bref, voici les faits. Hier soir, vous êtes arrivés dans la ville et vous avez pris une chambre à l'hôtel. Vous êtes ensuite descendu au saloon qui se trouve en face et avez commandé un whisky. Par la suite, selon plusieurs témoins, vous avez pris part à une rixe amicale qui opposaient trois très bons clients et vous avez cassé le nez de l'un d'eux. Ensuite, fait plus grave, vous avez cassé le grand miroir du saloon et vous avez envoyé une bouteille pleine sur le tenancier du bar qui s'avère être aussi le maire de la ville. Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense ?
- Mais... C'est quoi cette mascarade ? C'est une parodie de procès, ce truc.
- Monsieur, vous insultez la cour qui vous condamne à lui verser sur le champ une compensation financière de... Combien avez-vous en poche ?
- Euh... Il me reste vingt-et-un mille berries et des poussières, mais...
- Compensation financière de vingt-et-un mille berries et des poussières ! La séance reprendra demain matin. À chaque jour suffit sa peine. Le bar est ouvert, messieurs ! Rangez les chaises et évitez de foutre le boxon. Shérif, raccompagnez le condamné à sa cellule. Je passerai après le service pour lui causer. Et venez prendre une bière quand vous aurez le temps, c'est la maison qui régale !

Le juge se leva de sa chaise et alla servir les premiers clients.

Vers minuit, alors qu'il avait mis les derniers alcooliques dehors, une ombre bedonnante se dirigea vers la prison. Il entra par la porte de derrière.

- Alors, Bill, comment va le pensionnaire ?
- Pas mal, Judge. Il gueulait un peu au début mais j'avais mes bouchons et il a pas insisté bien longtemps. J'lui ai servi la soupe il y a trois heures et il dort maintenant.
- Et ben on va le réveiller. Holà, de la cellule ! Debout, c'est l'maton !
- Gnuh ? Ah ! Monsieur Bean...
- Ce sera Judge pour toi, fiston, si tu veux pas finir à la balançoire.
- Euh... Monsieur Judge. J'aimerais bien qu'on m'explique cette situation aberrante. Je ne suis coupable de rien, je buvais tranquillement mon whisky quand ce type a cassé votre miroir. Et puis, il me semble que le deuxième vous est arrivé par derrière pour vous assommer. D'ailleurs, je crois que vous étiez le troisième, non ?
- Ah ouais, tu crois ? Tu t'permets de croire sans qu'on t'autorise ? Monsieur a fait des études, sans doute ? Môssieur croit qu'il peut penser tout seul, comme un grand ? Bah mon p'tit gars, si tu l'as pas encore compris, tu es dans une mouise terrible. Demain, on reprend le jugement et j'te condamne à la corde...
- Quoi ?! Mais vous n'avez pas le droit !
- Bien sûr que si. Le droit, ici, c'est moi. Alors, puisque tu sais sans doute compter, tu as compris que ta situation peut difficilement être pire ? Tu as peut pensé (ahah, j'me marre) à une solution ?
- Mais vous m'avez pris tout mon argent tout à l'heure... Je ne possède plus rien...
- Ah oui ? Et bien, c'est ce que nous allons voir, gamin. Shérif, apporte-moi ses affaires personnelles. Merci bien. Bon. Un peu de tabac à mâcher. Une montre en argent. Une gourde. Un chapeau à la con. Une croix en or. Un colt Webley & Scott Mk II. Et bien, ça n'est pas rien, tout ça. En échange de votre libération, je pourrais saisir cette montre...
- Monsieur Judge, non ! Cette montre est dans ma famille depuis des générations. Je préfère encore mourir que de la céder !
- Tu te rends compte que c'est ce qui va peut-être arriver ? Bon, ceci dit, on est pas des bêtes. La croix, je la laisse. J'vais pas me mettre l'Seigneur sur le dos, tout d'même. Bon, alors...
- Voilà ce que je propose, Monsieur Judge. Je vous cède le revolver - c'est une merveille de mécanique qui vous ira à merveille - et je me propose à votre service pour disons... deux mois. Qu'est-ce que vous en dites ?
- J'en dis que ce sera six mois, pas moins. Ce miroir m'avait coûté la peau du cou... Bon, shérif, faites-le sortir. Monsieur va dormir dans un vrai lit, ce soir. Enfin, celui de la chambre du pianiste, ce qui ressemble déjà plus à un lit que cette paillasse-là. Pauvre Joe. Moche de mourir la tête coincée dans son piano... Moche, de mourir comme ça...
- Si je comprends bien, il vous manque un musicien. Il se trouve que je me débrouille plutôt bien, un instrument en main.
- Et ben voilà, fallait commencer par là ! Vous serez pianiste et vous toucherez même une prime de risque, si vous touchez un jour votre salaire. Votre nom ?
- Lancastle. John Lancastle.
- Parfait, monsieur Lancastle, suivez-moi. Bonne nuit, shérif.

Et dans la nuit, Judge et son nouveau pianiste s'en allèrent. Une fois de plus, la justice avait été rendue !


Dernière édition par The Judge le Dim 15 Jan 2012 - 12:59, édité 4 fois
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Lebel



Sept ans plus tard, Judge n'avait pas changé d'un poil. La ville avait grandi. Le fait qu'une sorte de loi avait court rassurait les nouveaux venus. Ils apprenaient bien vite que tant qu'ils ne se trouvaient pas dans le chemin du juge, il pouvait mener une vie sympathique et longue. Lancastle continuait de servir au saloon, ayant trouvé la place sûre et agréable. Il avait été promu adjoint au maire et avait une chambre dans la maison du juge. Les jours passaient les uns après les autres et chaque lendemain semblait plus beau que le jour qui venait de passer.

Un jour, pourtant, tout changea. Depuis quelques temps, on entendait parler dans le coin de malfrats qui sévissaient dans la région. La diligence qui reliait la bourgade à la ville principale de l'île avait été attaquée trois fois de suite. Les voyageurs se faisaient détrousser sur les routes et personne ne retrouvait la trace de ces bandits. Un soir, une réunion se tint dans le saloon.

- Messieurs, la situation ne peut plus durer. La populace a peur et reste chez elle. C'est très mauvais pour les affaires. Je propose donc de faire une battue et de trouver ces chacals puants qui terrorisent nos femmes et traumatisent nos enfants. Leur sang impur abreuvera nos sillons, c'est moi qui vous l'dit. D'après mes informations, ils campent au sud-est. Ils bougent tous les jours mais nous pourrions retrouver leurs traces dans le sable du désert.
- Il y a justement un trappeur qui est de passage en ville. Son talent pour suivre une piste pourrait être utile, non ?
- Allez le réveiller et dites-lui qu'il est réquisitionné pour une chasse à l'homme. S'il rechigne, parlez-lui de la prime que l'on partagera. S'il ne se décide pas, dites-lui qu'il sera pendu au matin s'il refuse.
- Oui, Judge.
- Bon. Bill, mon p'tit shérif, tu es de la partie ?
- Pour sûr, monsieur le juge. Quand partons-nous ?
- À l'aube. Lancastle et moi viendrons vous chercher et nous irons nous occuper du trappeur.
- Je... Je dois venir avec vous, monsieur Judge ?
- Vous êtes adjoint au maire, fonctionnaire assermenté. Bien sûr que vous venez. Mais ne vous inquiétez pas, vous ne risquez rien tant que vous ne vous éloignez pas de moi, mon petit. Allez, bonne nuit à tous. Et n'oubliez pas de régler vos consommations, c'est pas la maison qui régale, les loustics !

Le lendemain matin, trois ombres allèrent chercher une quatrième et la maigre troupe se mit en route. Ils commencèrent par se rendre sur la dernière scène de crime et remontèrent la piste. Effacée par endroits, elle était malaisée à suivre. La nuit tomba et on ne put rien faire pour l'en empêcher. Il parait qu'un juge décida un jour un décret pour empêcher la nuit de tomber quand bon lui semblait. Elle n'avait jamais obéi et on racontait que ce juge avait passé sa vie à essayer de mettre la nuit en prison.

- Abruti, va.
- Oui, monsieur Judge ?
- Non, rien, je parlais tout seul. Alors, mon petit Lancastle, la balade vous plaît ?
- Oui, oui. Mais... Vous êtes sûr que nous serons de taille ? On dit qu'ils sont dix et nous ne sommes que quatre, dont un gratte-papier, j'en ai bien peur.
- Foutaises, Lancastle ! Exagérations de journaliste, voilà tout ! Ils doivent être trois ou quatre et la rumeur a fait augmenter le nombre. S'il fallait se fier à des on-dits, où irions-nous, je vous l'demande. Maintenant, finissez vos haricots froids et dormez. Une longue journée nous attend demain.

Le lendemain, ils continuèrent de suivre la trace et la perdirent trois fois. À la fin de la journée, épuisé par cette deuxième journée sous le soleil de l'Ouest et par le cheval qui, malgré la selle, compressait les noyaux des cavaliers, ils s'apprêtaient à faire halte lorsqu'ils virent la lueur d'un feu à une demi-douzaine de lieues de là.

- Ah les cons ! Ils osent tout ! Nous les tenons, hue dia !

En peu de temps, la petite troupe atteignit l'endroit où se réunissaient les malfrats. Une douzaine de types de tous horizons discutaient autour d'un feu impressionnant. Tous avaient sur eux de quoi fournir une armurerie pour un mois. Du haut d'un promontoire, Judge et ses hommes observaient.

- Dix, onze, douze, monsieur Judge. Nous n'y arriverons jamais, voyons.
- Si. J'ai une idée !


Dernière édition par The Judge le Jeu 4 Aoû 2011 - 16:05, édité 1 fois
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Dans la nuit, quatre ombres se déplacèrent tout autour du campement. Les salopards n'étaient pas sur leurs gardes, se croyant à l'abri de tout danger, grâce à leur nombre. Ils formaient presque une troupe. Il fallait qu'ils aient un chef avec un minimum de charisme pour faire tenir autant d'hommes ensemble. Les desperados étaient connus pour agir seul, formant occasionnellement un duo avec un collègue, par intérêt. Vers trois heure du matin, les quelques murmures se turent.
Au matin, un vieil homme grommela en se levant, faisant craquer ses os. Il s'étira et passa un peu d'eau dans les sillons desséchés de sa figure.

- Mbr. Seigneur, que ça fait du bien. Bon, les gars, vous êtes prêts ? Il faut y aller tant que le soleil est encore assez bas sur l'horizon. Bill, tu viens avec moi. Lancastle, vous vous occupez de serrer ceux qui passent à votre portée comme je vous ai expliqué hier. Monsieur le trappeur, vous couvrirez nos arrières. Je crois que nous n'avons rien oublié. Chacun a ses réserves de cartouche ? Lancastle, je vous interdis de mourir, ou je vous retire deux mois de salaire pour insubordination.

Tout le monde acquiesça et ils se mirent à leur poste. Il ne devait pas être loin de neuf heure quand, dépassant d'une dune, un chapeau élimé dépassa, suivi d'une tête et d'un corps au ventre déjà bien rebondi. The Judge avait les pouces dans la ceinture et un cigare à la main. Derrière lui, le shérif, fusil en main.

- Salut, les moches. Alors, voilà le topo. J'suis maire et magistrat de la ville de Langtry ! J'vous accuse de vols, meurtres et autres et j'vous condamne aussi sec à une pendaison bien sentie. Dès qu'on trouve un arbre, je mets la sentence à exécution. Des questions ?
- Ouais, p't-être bien. Vous êtes juste deux, contre nous tous, papy ?
- Parce que vous croyez valoir plus ? Même sans le shérif, je serais capable de vous mettre une peignée ! Repose ça, gamin, si tu veux pas finir troué...

Celui qui avançait déjà la main vers son colt hésita un instant puis sourit. Il continua le mouvement et saisit son arme. Il arma le chien. Une détonation retentit et il s'écroula dans le sable. Judge remercia l’œil du trappeur. Perché d'où il était, il pourrait les descendre. Le piège se refermait sur eux.
L'instant qui suivit la mort d'un des bandits fut plein de confusion et de contusions. Le juge se jeta à terre pour éviter la salve de balles qui sifflaient dans l'air. Il tira et fit mouche. Il y avait déjà trois hommes à terre, en face. Deux autres tombèrent sous les coups du shérif et du juge. Un troisième, planqué derrière un monticule de sable, hurla lorsqu'il fut touché à l'épaule.

- Merde, c'est un traquenard ! On s'casse, Lúis ! Viens.

Deux hors-la-loi marchèrent, trébuchèrent et remontèrent une dune, fuyant le combat. Ils avaient très nettement l'intention de se planquer derrière et de se carapater. Le magistrat sourit tandis qu'il occissait un septième larron. Dans un cri, les deux hommes se retrouvèrent pris dans le piège de cordes qui se refermait sur eux. Lancastle faisait du bon travail, pour une fois.

- Judge, poussez-vous... Argh !

Bousculant le juge, le shérif se prit la balle qui était destinée au magistrat. Celui-ci descendit le meurtrier.

- Bande de fumiers ! J'vais vous apprendre, moi !

Le juge dévala la pente sableuse et arriva sur le théâtre des opérations. Il ne restait que deux hommes, l'un blessé au ventre, l'autre à l'épaule. Ils gémissaient dans le sable qui absorbait le sang et se teintait de rouge. Judge compta mentalement.

- Vous n'étiez que onze... Où est votre chef ?
- Rrrrgh, je ne parlerai pas... Aaaarrrrhhhhh...

Un pied contre un ventre ouvert délie les langues, c'est bien connu. Doit y avoir un mécanisme qui relie l'un à l'autre, sûrement.

- Excuse-moi, j'ai mal entendu. Tu disais ?
- Il est... Il est parti... hier soir, vers minuit. Il devait partir en reconnaissance, pour le prochain casse. Kh. Kh. Quand il reviendra, il... il... Grbl...

Crachant une gerbe de sang, il ne termina pas sa phrase et se tortilla dans le sable, gémissant de douleur. Il pissait le sang à gros bouillons.

- Lancastle ?! Ah, vous êtes là. Avec le trappeur, vous allez vous occuper des quatre prisonniers. Pensez à panser les deux blessés. Moi, je vais partir à la poursuite du chef. S'il est parti il y a dix heures, il doit être sur le chemin du retour, déjà.
- Mais, monsieur Judge, ce n'est pas à vous de...
- Bien sûr que si ! En tant que shérif, il est de mon devoir d'arrêter les mécréants !
- Shérif ? Mais monsieur Bill... Oh mon dieu, il est...
- Paix à son âme. Nous ramènerons son corps à Langtry où il sera enterré comme le héros qu'il est.

Remettant son chapeau sur sa tête, le juge regagna son cheval et se lança à la poursuite du chef de la bande.
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Après quelques heures passées à suivre la piste du chef de la bande, Judge arriva à une oasis. Le genre vision de paradis. De l'eau, pour commencer, ce qui au milieu du désert vaut plus cher que l'or. De l'ombre, ensuite, qui vaut presque autant que l'eau. Enfin, le sol est fait de roche. Fini le sable. Pour le cheval, rien de plus reposant.

- Bon, le bougre va forcément devoir passer par ici. Il n'a pas le choix. Il ne me reste plus qu'à attendre. Autant passer le temps au frais.

Retirant ses bottes dans un chuintement de sueur et de crasse, Judge plongea ses pieds dans l'eau. Elle se teinta de noir mais la saleté se dilua bien vite dans la surface ondoyante qui était, quelques instants plus tôt, pure à souhait. Pendant une heure, le magistrat vécut ce qui ressemblait à des vacances. Il continuait de guetter l'horizon, espérant apercevoir le sable soulevé par la chevauchée du bandit.
Enfin, il y eut autre chose que le soleil qui rougeoie et le ciel qui bleuoie. The Judge se rhabilla, remit ses godasses dans un bruit de succion et gagna un arbre tout proche dans un bruit de cuir mouillé.

- Allez, mon beau, approche. Encore un peu. Encore un peu. Encore un peu. Encore un tout petit peu. Encore un... ça y est !

Il appuya sur la gâchette. Le coup partit. Une explosion de sable se produisit à deux pas du cheval du chef. Une deuxième explosion fit descendre le propriétaire du cheval à terre. Une troisième explosion le fit coucher à terre, flingue au poing. Judge mit ses mains en porte-voix.

- Alors, raclure, tu t'demandes qui je suis, hein ! Je suis Roy Bean, maire, juge, barman et tout récent shérif de Langtry ! Et je suis là pour te pendre puis te juger ! Alors, qu'est-ce que tu décides de faire ?

Pour toute réponse, une balle vint se loger dans le bois de l'arbre juste à côté de Judge. Celui-ci roula en arrière et se mit en position de tir, prêt à soutenir un siège. Une balle partit. Une autre lui répondit. Deux balles. Trois. Une. Deux. Trois. Deux. Une. Une. Ils rechargèrent. Le combat dura un petit bout de temps, chacun visant à l'aveuglette, ne voyant pas clairement l'adversaire et ne voulant pas faire dépasser sa tête et se prendre la prochaine sifflante entre les deux hémisphères.

- Bon... J'ai plus de balles ! Toi non plus, à ce que je vois. Alors, ce qu'on va faire, c'est poser nos armes et régler ça en hommes. Ça te va comme ça ?

Il y eut un silence suivi par un "d'accord" rauque. Judge eut un moment de doute, vite confirmé par la vision qui lui apparut. Baraqué comme une montagne, ressemblant plus à un grizzly qu'à un homme, le chef des bandits s'avançait vers lui. Il portait en bandoulière un fusil qui paraissait ridiculement petit malgré son mètre trente de longueur.

- Bordel, c'est pas Dieu possible...

Arrivé à quelques enjambées du magistrat, le géant s'arrêta. Pendant quelques secondes, Judge se demanda comment son cheval avait pu le porter si longtemps sans se briser en deux. Le colosse se mit à courir en hurlant, rappelant un troupeau de bisons en furie à lui tout seul. Le vieil homme en face n'eut pas le temps de réagir qu'il eut le souffle coupé lorsqu'un bras vint le happer par le ventre. Ils se retrouvèrent dans l'eau tiède de l'oasis. Pour le juge, ça faisait le bain de trop. Essayant de lutter contre la prise de l'autre, il se débattait dans l'eau, sentant ses poumons se remplir d'eau.
Il se rappela de son couteau qu'il pouvait atteindre et s'en saisit. Il fit un mouvement au hasard, espérant toucher un organe vital. Il érafla le bras et le monstre recula, plus sur le coup de la surprise que sur celui de la douleur : il avait le corps tellement massif que les signaux nerveux exprimant la douleur devaient se perdre entre le bras et la tête...
The Judge put respirer. Il se tint à distance, couteau à la main, et sortit de l'eau. L'autre sortit un couteau à sa taille - gigantesque, donc - et sourit. Les deux hommes se firent face et le géant se jeta sur sa victime en hurlant un cri inhumain. Ce fut le barman qui esquiva, habitué à éviter les bouteilles volantes lors des soirées un peu animées. Il parvint à lui porter un autre coup et entailla l'autre bras.
Ils reprirent leurs distance. Ils se fixèrent quelques instants puis le bandit repartit à l'attaque. À cinq centimètres près, le juge avait la tête qui partait faire la fête plus loin. De son côté, il parvint à planter son couteau dans l'épaule de son dangereux ennemi. Elle y resta. Il posa une main contre la plaie, déjà pleine de sable. Heureusement, la carotide n'avait pas été touchée, une couche de gras importante faisant office de protection. Mais le vieil homme se retrouvait désarmé face à deux cent livres de viande armée d'un couteau. Lorsque vous croiserez un taureau dans ce cas de figure, vous comprendrez pourquoi le juge n'était pas à l'aise.
Il lança une dernière charge. Judge comprit que c'était sa dernière chance de s'en sortir, ce gros bourrin fonçant à l'aveuglette. Il fallait donc réfléchir. Et vite. Plus vite qu'il n'arrivait, en tout cas.
En un mouvement uniforme, le barbu sortit son fusil de derrière son dos, se dégagea de la lanière et asséna un coup sur la nuque de la brute. Il y eut un craquement sinistre. Le malfrat tomba dans le sable. Un silence de mort régna dans le désert. Un silence seulement troublé par le souffle du juge. Celui-ci contempla son fusil : cassé en deux. Heureusement qu'il avait cogné un endroit plus "tendre" que le reste du corps. Maintenant, il fallait le ligoter et que justice soit faite.
Judge fit passer une corde par-dessus une branche d'arbre et noua l'autre extrémité autour du corps du condamné. Il prit appui contre le tronc et commença à tirer lorsqu'il croisa le regard de son cheval. Il avait presque l'air désapprobateur.

- Oh ça va, je ne fais que le pendre un tout petit peu. Il l'a bien mérité. Tu as vu ce qu'il m'a fait ?! Oui, bon, c'est pas la super-classe mais je vais pas prendre le risque de le trimballer vivant jusqu'à Langtry. Imagine qu'il se réveille. Il est bien capable de briser ses liens juste en éternuant ! Bon... Oui, ça va, on le pendra à la maison. De toutes façons, je n'arriverai jamais à le hisser tout seul...

Il regarda son cheval qui battit l'air d'une oreille. Il ligota son prisonnier en ayant soin d'utiliser assez de corde pour faire passer un pont de corde d'un côté à l'autre de Grand Line. Il le mit sur le cheval du type, lequel devait avoir mangé le fruit de l'hippopotame, au vu de la taille du bestiau. Ensuite, il s'en retourna vers la civilisation.

- Grmbl. Dans toute cette histoire, j'ai perdu ma pétoire. Si c'est pas malheureux, ça...

Dans le sable, un reflet l'éblouit. Il descendit examiner l'objet : une Lebel 1886, calibre 8mm.

- Elle doit appartenir à l'autre grizzly. Hey ! Je t'annonce que, pour agression contre magistrat, je saisis cette arme. Elle est maintenant la propriété de la justice !

Il se remit en selle et rentra pour de bon. Une fois de retour, il condamna le chef à la pendaison, les quatre rescapés à creuser la tombe de leur chef, ce qui leur prit un petit bout de temps, et puis les remit au gouvernement. Il reçut une prime pour la capture du gang qu'il versa à la veuve du shérif et garda pour lui la Lebel. Encore aujourd'hui, il aime raconter cette histoire, quand on l'interroge sur sa cicatrice. Selon les versions, le géant peut parfois atteindre les six mètres, une taille trop énorme pour être vraie.
À Langtry, la Justice régnait en la personne de Judge. Il n'était pas particulièrement juste mais essayait d'être injuste de la même manière pour tout le monde. Il n'était pas corruptible, mais pour un petit verre, il pouvait faire un effort. Mais cette justice valait mieux que rien, disait-on à Langtry.
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