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Quand l'honneur vous rend dur de la feuille



Mama ouvrait la marche, une énorme marmite dans chaque main, suivie par un de ses deux collègues qui maniait la hache d’abattage du bétail, puis par son deuxième collègue, muni du pic qui servait à faire avancer les animaux. On pouvait croire qu’ils la suivaient tous les deux, mais seul le dernier tentait de les dissuader de se révolter.

Elle évitait la ville, bien entendu, et préférait la contourner sans donner la possibilité aux troupes postées là bas d’avoir en visu leur rebellion. Comme l’abattoir dans lequel ils étaient forcés de travailler en tant qu’esclave était loin de celle-ci, il y avait une belle quantité de champs, de vergers, et de pâturages à traverser. Elle prenait donc un malin plaisir à serpenter autant que possible dans la campagne ou dans la nature sauvage de la Nouvelle Réa, afin de grossir les rangs avant de se confronter au moment fatidique.
Pour le moment, leur petit nombre leur permettait de pouvoir agir en toute discrétion, même si cela était difficile. L’Île aux Esclaves était certes rocheuse, mais suffisamment plate et les arbres trop peu nombreux, pour qu’ils pussent se cacher indéfiniment. Fort heureusement pour eux, une poignée de chênes providentiels étaient piqués là dans la contrée sauvage jusqu’à leur prochaine destination, ce qui les dissimula à la vue d’un contingent de Marines qui s’éloignait. Mama en profita donc pour établir mentalement son cheminement.

Alors que les trois compères pas forcément d’accord s'approchaient d’un verger, un des contre-maître alla à leur rencontre en dégainant son arme, se doutant de quelque chose.

— Eh ! Vous ! Retournez au travail !

Personne ne répondit, personne ne s’exécuta.
Alors il comprit qu’il ne ferait pas le poids contre eux trois et tenta de faire demi-tour pour alerter les siens et les forces de l’ordre.
Mama le stoppa net dans sa fuite à l’aide d’un magnifique lancer de marmite en direction de son occiput.

Le bruit sourd alerta les esclaves les plus proches qui se retournèrent dans leur direction, intrigués par celui-ci. Certains comprirent immédiatement, d’autres étaient perplexes. Certains rejoignirent leurs rangs, hésitants ou satisfaits, d’autres détalèrent. L’un des sympathisants imaginait parfaitement ce qu’avaient en tête les fuyards : ils allaient cafter aux dignitaires de l’autorité. Mama le fixa, il lui rendit son regard, et les deux hochèrent de la tête. Il appela avec lui quelques hommes en renfort et leur petit groupe tenta de rattraper les mouchards. La rumeur enflait, le combat éclata dans la ferme.
De longues minutes plus tard, une dizaine d’esclaves les rattrapa dans leur marche.

— Pas de mort, rappela Mama.

Le meneur du verger opina du chef, l’air interdit.

Leur prochaine destination était celle des fermes bordées de champs de champs de blé et de maïs. Personne ne parlait, tous avançaient avec la même détermination : celle d’en finir avec leur vie d’esclaves. Le petit groupe n’avait pas besoin de parler. Quand Mama faisait un signe, il était répété jusqu’à la queue de la petite file. Là, tout le monde était couché dans les cultures pour laisser passer une troupe qui faisait sa ronde. Cela commençait à être difficile. Le nombre augmentant, chaque mesure de discrétion prenait du temps à être mise en place et surtout, elle ne se faisait plus sans bruit. A chaque fois, il y avait au moins un bruissement d’herbes qui se répandait quand le groupe s’exécutait.

Mama s’estimait chanceuse que tout se passa aussi bien mais une trompe résonna au loin derrière eux. Leur supercherie avait été découverte et si dans un premier temps, le contingent était parti rejoindre le lieu de l’alerte au pas de course, tout ce beau monde allait bientôt finir par revenir à la charge. Désormais il leur fallait agir vite et bien : intervenir dans les places fortes, ouvrir les hostilités avec les forces de l’ordre sur les lieux pour ne pas les laisser s’organiser, gonfler leur nombre et repartir.

La cheffe de file se releva, et se remit à jouer de la marmite en les frappant l’une contre l’autre et en hurlant à l’assaut des fermes. Tout ce qu’elle espérait, c’était qu’elle eût le temps de libérer Sasha.

La bataille dura plus longtemps que ce qu’elle n’avait prévue. Le groupe de révoltés n’était pas encore assez important, et certains ne savaient pas se battre, comparés à leurs ennemis quand il s’agissait de Marines. Un de ceux-ci eut même le temps, lui aussi, de sonner l’alarme. Les esclaves sur place prirent eux aussi part au combat et une fois la menace locale enfin évincée, Mama donna ses premiers ordres.

— Que celles et ceux qui sont armés et savent se battre prennent la tête du cortège. Il nous faut aussi des ailiers ! Celles et ceux qui ne savent pas se battre ou qui ne sont pas en état, faites ce que vous pouvez et essayez de rester au milieu. Je veux aussi quelques gens armés pour fermer la marche. On tournera quand on aura trop de blessés. Notre but, maintenant, est simple : il faut se dépêcher de rallier les dernières structures avant d’aller en ville. Mais plus on visite de lieux, plus on va devoir se mettre sur la tronche avec les contremaîtres et les Marines, et plus la bataille finale sera difficile. Je ne sais pas si vous avez des amis dans d’autres structures, mais c’est pas dit qu’on puisse toutes et tous les libérer. Qu’on se le dise. Pour le moment, on va rester hors de vue de la ville le plus longtemps possible, tant que la Marine n’est pas encore trop organisée. Ah, et évitez les morts.

La cible suivante était un autre abattoir. Mama était fière de son bataillon, même s’il ne marchait pas au même rythme. Mais ce n’étaient pas des militaires.
Quand un des esclaves les aperçut, heureux, il se ficha un crâne de mouton sur le sien avant de foncer sur son contremaître. Les révoltés durent intervenir pour contenir le matage de sa rébellion. Ils se firent également doubler par une troupe de Marines qui revenaient d’un lieu qu’ils avaient déserté. Swinger marmites au poing devenait difficile mais Mama ne voulait pas s’en défaire. Après tout, elles avaient été le déclencheur de ce mouvement et elles rythmaient leur marche pour donner du baume au coeur. Aussi, les blessés commençaient à se faire plus nombreux, mais rien de bien grave pour le moment. Les épines dans leur pied s’accumulaient petit à petit, et leur combat était loin d’être terminé.

L’infrastructure suivante, et l’avant-dernière, était les pâturages dans lesquels Sasha travaillait. Peut-être le pas des rebelles n’était-il pas coordonné, mais quand Mama entrechoquait par deux fois ses marmites, le cortège lui répondait en frappant leurs outils à long manche sur le sol de la même façon, et à l’unisson.
Alors que leur brouhaha gagnait les fermes, Mama s’époumona :

— ALEXIS ! C’EST TON MOMENT !

Pour toute réponse, elle ne reçut qu’un cri de joie suivi de bruits sourds. Elle n’avait pas tardé à prendre le dessus sur Sasha et à ouvrir les hostilités. Sans plus attendre, Mama vint à son aide à l’aide d’un :

— CHAAARGEEEZ !

Des Marines étaient déjà présents sur place. Les esclaves qui avaient pu être maîtrisés l’étaient et au vu du positionnement de leurs ennemis, Mama devina qu’Alexis s’était enfermée dans la grange. C’était risqué mais elle comprit sa stratégie : le gros des troupes ne pouvait pas lui tomber dessus tout entier. Certes, elle s’était piégée elle-même mais ses adversaires étaient pris dans un goulot d’étranglement.

— Quelques hommes avec moi, les autres, protégez les nôtres !
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Certains rebelles, au moins celles et ceux qui savaient se battre, avaient pu enfin s’armer convenablement en dépouillant les contremaîtres et les Marines mis au tapis.
Mama et quatre autres esclaves prirent à revers les Marines qui tentaient de coincer Alexis dans sa grange. Elle avait prêté une de ses marmites à son collègue de l’abattoir qui avait gardé son pic en bois jusque là.
Chacun empoigna la sienne à deux mains et ils commencèrent à dégrossir les rangs, talonnés par les deux autres. Mais ce fut à leur tour d’être pris en tenaille par quelques soldats du gouvernement mondial qui s’étaient détachés de la bataille principale pour défendre leurs frères et soeurs d’arme.

— Vous deux ! Couvrez nos arrières !

Les deux autres rebelles acquiescèrent et fondirent sur le petit groupe qui arrivait au pas de course.
Mama se retourna et …


MAMA’S POT SWING !


Elle écarta deux Marines d’un revers de marmite à gauche, puis d’un autre à droite. Le galonné qu’elle visait se retourna, mais trop tard.


MAMA’S POTBANG !



Elle lui écrasa la marmite sur le sommet du crâne et il s’écroula de tout son poids. Elle répéta ce mouvement aux deux Marines qui se relevaient de son Swing.
Son collègue, lui, avait préféré sonner son adversaire en lui fourrant la tête à l’intérieur du récipient avant de tirer vers lui et de le dégager le chemin d’un vaste et brusque mouvement de gauche à droite. Le pauvre marin s’était retrouvé dans une course incontrôlable vers son adversaire durant laquelle il ne voyait rien, avant de décoller du sol et de rentrer dans ses petits camarades pour finir de dégrossir le bataillon.
Un autre mouetteux avec une morgenstern dans les mains prit Mama dans le collimateur. Agressif, il lançait des assauts répétés en faisant un huit avec son arme. Mama tentait tant bien que mal de parer ses coups avec sa marmite. Alors qu’il pensait l’avoir fatiguée et avoir une ouverture, il tenta un coup frontal descendant ! Mama le para mollement au dernier moment, la masse à pics rebondit aussi mollement sur la marmite et Mama l’acheva en lui enfonçant la masse en pleine face, appuyée de tout le poids de son récipient !
Sauf que le suivant prit aussitôt la relève ! Surpris de cette attaque, son katana mordit dans la peau du bras de la révolutionnaire. Elle recula d’un bond en grimaçant mais son adversaire revint au contact ! Une idée en tête, elle lâcha une anse de sa marmite et la présenta de front, sans perdre de vue le marin. Ce qu’elle avait prévu ne fonctionna pas, mais grâce à un déhanché inespéré, elle évita un coup d’estoc dans l’abdomen. Il refit une tentative pour l’acculer, et l’anse para la lame en la faisant dévier. Mais la troisième fois fut la bonne : Mama encercla le sabre avec la poignée de sa marmite, esquiva l’estoc et cassa l’élan en tirant de droite à gauche d’un coup sec pour entraver la lame. Prisonnière de l’anse qui la bloquait en dessous et au dessus, le Marine fut obligé de lâcher son arme. Sa surprise laissa suffisamment de temps à Mama pour lui coller un revers de marmite en pleine tronche et de le finir avec un Mama’s Potbang.

Devant elle et derrière elle, les combats cessèrent. Derrière elle, le nombre de blessés augmentait dangereusement. Devant elle, Sasha hantée de la personnalité d’Alexis pouvait enfin sortir de la grange. Amochée, fatiguée, mais vivante et suffisamment en forme pour asséner une série de coups de pied dans les côtes d’un soldat qui avait eu le malheur de se plaindre. Elle paraissait même satisfaite d’elle !

Rassurée, Mama l’embrassa rudement comme l’aurait fait un ours.

— Oh ! Oh ! J’suis pas Sasha hein !

Mama lâcha son étreinte, un sourire niais aux lèvres.

— Quelque part … si …

Mais ce n’était pas le moment pour des retrouvailles en bonne et dûe forme. Elle fronça les sourcils et se retourna pour s’adresser aux esclaves qu’elle menait. Enfin, il lui fallut quelques secondes pour cela puisqu’elle s’étonna elle-même du nombre d’esclaves qui avait bien voulu prendre les armes et rejoindre sa révolte. Ils étaient une grosse cinquantaine.

— Messieurs dames, je suis au regret de vous dire qu’on ira pas libérer plus de camarades. Comme je vous l’ai dit plus tôt, la Marine commence déjà à nous devancer et à organiser des contre-attaques, et pas mal d’entre nous ne savent pas se battre ou sont amochés. TENEZ BON, MES FRÈRES ! MES SOEURS ! LE PLUS DUR NOUS ATTEND ! Nous devons aller en ville pour rejoindre le port ! Si tout va bien, une barge devrait nous attendre. Si on parvient à s’enfuir, je vous préviens, la vie à bord jusqu’à la prochaine île risque d’être difficile ! Je ne sais pas combien mon sauveur aura apporté de vivres et on aura pas beaucoup de place ni pas beaucoup d’intimité. Alors chacun devra encore se sacrifier un peu. MAIS PENSEZ À NOTRE LIBERTÉ !

Elle laissa la foule s’engaillardir en levant les armes au ciel, d’un mouvement brusque.

— ASSEZ PARLÉ ! PLUS ON S'ÉTERNISE, ET PLUS ON RENCONTRERA DE RÉSISTANCE ! TRAÇONS DROIT JUSQU’AU PORT !

Pour toute réponse, la petite foule exulta sa liesse et son dévouement.

Mais bizarrement, ils ne rencontraient ni contremaître, ni Marines jusqu’en ville.
Et même arrivés là haut, dans les rues, il n’y avait que des marchands et des esclavagistes qui les regardaient d’un mauvais œil. L’avenue misérable et boueuse jusqu’au port était … complètement libre … Ils avancèrent quand même. Même les rebelles restaient muets et sur le qui-vive.


J’aime pas ça …


Et effectivement, leur pressentiment s’avéra juste. Aussitôt que le port fut en vue, Mama remarqua certes sa barge qui y était accostée mais devant elle, tout un peloton de Marines agenouillés, fusils en main, menés par le vieux colonel qui dirigeait la garnison, et qui lui-même maniait un fusil à lunettes.
Derrière et sur les flancs du groupe qui tenait sa formation, les portes des bâtiments sommaires s’ouvrirent toutes à la volée, et toutes vomirent leur flot de soldats.

Ils étaient complètement cernés, et largement en sous-nombre. C’était perdu. Ils avaient fait tout ça pour rien. Déjà nombre de rebelles levaient les bras au ciel, capitulant avec peur et désespoir.

Mama fronça les sourcils et lâcha lentement, délicatement, sa marmite avant de lever les bras au ciel à son tour. Ne sachant que faire, elle ne voulait pas pour autant que celles et ceux qui l’avaient soutenu paient pour elle. Elle ne pouvait pas miser leur vie sur un de ses coups de tête. Alors elle s’avança prudemment pour en prendre l’entière responsabilité.

Alors qu’elle marchait droit vers le peloton prêt à l’exécuter, elle entendit de légers bruits de pas, et sans même se retourner, elle somma :

— Retourne avec les autres, Alexis.
— C’est moi, Mama.
— Retourne quand même avec les autres.
— Non. J’en peux plus d’être séparée de toi.


Elle ne répondit pas. Parce qu’il n’y avait rien à répondre et que Sasha n’en ferait qu’à sa tête. Ça l'embêtait parce qu’elle ne voulait pas la mêler à ses histoires mais … soit.
Dans la foule qui se massait sur son passage, il y avait certes des Marines, mais il y avait également des contremaîtres et des civils qui assistaient à la scène, tantôt médusés, tantôt fanfarons. Dans le lot, elle reconnut son homme, Grant. Pareillement, elle lui adressa la parole sans le regarder.

— T’en as mis du temps.
— Et toi donc ?!


Mais elle reprit sa lente marche en voyant un des tirailleurs du gouvernement mondial commencer à être pris de spasmes d’impatience. Ce n’était pas le moment de se faire trouer le cuir. Elle toisa directement le colonel.

— Laissez ces gens en dehors de tout ça. Vous voulez une responsable ? La voilà.
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Tous les fusils se braquèrent sur Mama. D’un simple geste de la main, le Colonel Späre les fit baisser. Bien évidemment, le reste des Marines qui encerclaient la demi-centaine d’esclaves restaient alertes, armes aux poings.

— Ainsi donc, c’est à vous et vous seule que nous devons tout ce remous ?
— Oui.
— Eh bien …


Il roula son épaule à laquelle il manquait le bras qui devait la prolonger.

— … je dois dire que je suis impressionné. Non pas que je cautionne votre petite rébellion -évidemment que non, mais d’après les derniers rapports, peu de morts sont à déplorer dans nos rangs. Mais ce n’est pas parfait pour autant. Nous avons quelques blessés graves, beaucoup d’hommes mis hors-combat et des blessés légers.

Pendant tout ce temps, Mama et lui ne s’étaient pas lâchés du regard, comme si chacun jaugeait l’autre.

— Et qu’espériez-vous ? Vous vouliez vous emparer d’un de nos navires pour prendre la fuite ?
— Non, j...


Mama avait parlé plus vite qu’elle n’avait pensé, et elle se mordit la langue. Il lui lança un regard interrogatif qui l’invitait à en dire plus. Elle ne voulait pas impliquer Grant dans l’affaire mais …

— J’suis pas vraiment un marchand d’Saint-Uréa.

C’était son homme qui avait parlé avant de s’avancer lentement vers sa femme, les mains en l’air. Les soldats du gouvernement mondial qui étaient munis d'armes à distance les braquèrent sur lui, jusqu’à ce que, à nouveau, le colonel les fit taire du même geste, mais répété, à cause de l’agacement qui poignait.
Mama ne sut pas s’il s’était dénoncé de lui-même ou si c’était parce qu’elle avait parlé trop vite. Dans tous les cas, elle s’en voulait. Par deux fois, son égoïsme et son sang chaud l’avaient poussé à se mettre en danger.

— Quand j’ai appris qu’ma femme était am’née ici, j’ai fait des pieds et des mains pour m’faire une couverture. J’ai passé un marché avec un cam’lot du royaume. J’savais qu’ma femme allait pas résister à s’rebeller, alors fallait que j’sois là quand ça allait êt’ le cas.

Un contremaître éleva la voix.

— Ah mais c’est pour ça que vous me disiez de charger encore plus de denrées ! Que votre barge tiendrait le coup ! C’était pour gagner du temps finalement !
— Ouais.


Le colonel Späre se gratta la barbe en réfléchissant, tête baissée. Puis il la releva et toisa Grant.

— Qu’on décharge les caisses, d’abord.

Il opina du chef.

— Vous pouvez pas vous tromper : c’est les seules qui sont pas encore attachées.
— Vous avez entendu ? Ne prenez que celles-là et ne touchez à rien d’autre.


Il tourna la tête vers ses matelots pour s’assurer qu’ils obéissaient bel et bien. Quand il la retourna vers les révolutionnaires, un petit rictus de satisfaction et d’amusement était niché sur ses lèvres. Mama et Grant restèrent interdits, mais aussi confiants. Indubitablement, c’était un homme d’honneur. Beaucoup d’autres auraient mis la barge à sac et arrêté tout ce beau monde, voire pire. Seule Sasha serrait les dents.

— A mon tour, de vous proposer un marché : les autres esclaves restent ici. Je vous laisse trois jours pour établir un plan et revenir. Vous avez trois jours pour libérer un maximum d'esclaves sans faire la moindre démonstration de force.

Toute la foule, mais aussi tous les esclaves -dont Sasha et Grant- et toutes les forces de l’ordre furent choqués d’une telle proposition et de ce qu’elle impliquait.
Un de ses lieutenants-colonels risqua :

— M’enfin, mon Colonel ! Vous n’y pensez pas ?

Mais Späre ne lâchait pas Mama du regard. Il paraissait agréablement surpris qu’elle n’eût pas réagi. En bien comme en mal.

— Oh le con ! lâcha discrètement Grant.

Cela tomba malgré tout dans l'oreille du sourd à la surdité sélective.

— Bien sûr que je suis un “bon” ! Contrairement à ce que vous pourriez penser, nous ne sommes pas tous corrompus ou imbus de nous même, dans la Marine. Je pense que la sécurité est importante pour tout le monde, dignitaires de l’autorité comme esclaves ou même civils. Alors ?
— J’accepte.
— Mais ! Mon Colonel ! Ils vont en profiter pour filer loin d’ici !


Mentalement, Grant et Sasha acquiesçaient de toutes leurs forces, l’air carnassier. Mais Mama ne bronchait toujours pas, et avec le Colonel Späre, ils continuaient de s’évaluer du regard.

— Je ne crois pas. (aux Révolutionnaires) Mais pour autant, sachez qu’on ne vous facilitera pas la vie. Nous savons que vous reviendrez, donc nous serons préparés. Et nous vous attendrons.

Mama confirma d’un signe de tête.

— Très bien alors. Vous pourrez partir si tôt les provisions déchargées. Marines, ramenez ces braves gens à leurs propres postes.

Les contremaîtres et les Marines étaient renfrognés et fusillaient les trois amis. Les civils liés à cette île, qu’ils fussent marchands ou esclavagistes, commençaient déjà à donner leur avis négatif sur la question et sur l’incompétence du dirigeant.
Les esclaves avaient la mine basse. Certains étaient déçus que leur tentative eût échoué, d’autres en voulaient à Mama et les siens d’avoir la belle vie pendant qu’eux trimeraient, et d’autres encore se satisfaisaient de cette décision et du fait qu’elle entraînerait officiellement aucune représaille. Mais ils savaient toutes et tous que cela signifiait que les Marines et les contremaîtres allaient les surveiller d’autant plus près, et qu’ils allaient devoir trimer deux fois plus pour combler le retard. Mais c’était préférable aux coups de fouet.


* * *


— On est d’accord qu’on s’en va loin de là, hein Mama ?
— C’te question ! Bien évidem…
— …ment que non.


Alors que les révolutionnaires prenaient le large, tous affairés, Mama fit volte-face.

— J’ai fait des promesses de liberté à ces gens, je les ai engagés dans un de mes coups de tête ! Hors de question de leur tourner le dos maintenant.
— Mais !
— Y a pas de “mais”.
— Quoi ?! Tu veux vraiment r’tourner dans c’guêpier ?! Tu fais chier, Mama ! J’veux pas êt’ venu pour rien !
— Tu te souviens pas de la belle époque ? De la Barge des Barges ? On respectait les officiers qui avaient de l’honneur. D’accord, s’ils sont gradés c’est qu’ils tolèrent les injustices. Mais certains rendent la vie moins dure aux autres. C’est pas l’idéal, mais on peut au moins leur reconnaître ça. Alors on fait comme j’ai dit, et je m’en excuse, mais dans un premier temps, on s’éloigne de l’île pour être vus.
— Soit, mais ça fait trois fois qu’tu nous met dans la merde ! I’ va t’arriver une bricole, et on s’ra p’us là pour t’aider !
— Je m'en fous si c'est le prix à payer. Tout ce qui m'importe, c'est d'avoir réparé mes erreurs et payé mes dettes.
— Et à nous ? Tu penses à nous ?
— Oui. Vous savoir en vie et en sécurité me suffit.
— C'est pas ce que je veux dire. Peut-être que tu auras réparé tes erreurs, que tu auras payé des dettes, mais si tu meurs ou si tu te fais capturer, nous aussi on va être touchés parce qu'on va s'inquiéter et tu sais qu'on fera tout pour essayer de te libérer. Même si tu nous l'interdis !
— Ma fille, c'est touchant mais c'est la vie qu'on a choisie. Je te rappelle que je ne t'ai pas enrôlée de force.

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Plus tard, au large de la Nouvelle Réa


— Bien, j’imagine que MÂDÂÂÂME a un plan d’action.
— Oui.
— Tu peux nous en faire part ?
— C’est simple, on se lèche les plaies jusqu’à demain. On se soigne, on mange, on dort.
— Vaudrait mieux attaquer d’nuit.
— Mieux pour le nombre de patrouilles, mais c’est prévisible.
— Alors quoi ?
— Alors on va frapper en journée ?
— C’est ça. Demain matin de bonne heure. Dès la reprise des travaux par les esclaves, en fait. Reposez-vous bien, ça va être intense pour tout le monde.


Les trois amis avaient jeté l’ancre hors de vue de l’île et ils étaient dans la coquerie, autour d’un repas fini. Malgré les conditions qui n’incitaient pas à cela, Mama avait sorti un tonnelet de la victoire. Mais c’était davantage pour oublier ces dernières semaines et pour se donner du courage. Aussi, ils avaient parlé du calvaire que chacun avait vécu.
Ils avaient poussé les assiettes et s’étaient servis un bock de tisane et un biscuit de mer datte-pistache, que Mama avait confectionné à la va-vite. Elle sortit un papier et un crayon et dessina une carte sommaire de l’île.

— On va attaquer à l’opposé de la garnison et de la ville. C’est ni le port, ni l’exact opposé. Et en plus, c’est un peu excentré des fermes.
— Mais c’est que d’la rocaille pointue ! Comment tu veux t’amarrer ?
— On jettera l'ancre. Certains rochers-îlets flottent, donc certains qui ont des ponts qui ont cédé. On va s’en servir. Le hic, c’est que je ne sais pas à quel point on sera visible ou non sous les falaises. Mais bon, cet endroit a le mérite d’être boudé par les bateaux de passage, à cause des îlots voisins. Mais le nôtre n’a ni mat, ni voiles.
— Et comment tu veux accéder aux ponts cassés ?
— Si Grant ne les a pas débarqués, on a de vieux lance-harpons en cale.


Grant fit non de la tête, tout en écoutant le plan avec une concentration maximale. Sasha peinait à suivre mais elle s’accrochait.

— Donc on harponnera les vestiges en espérant que ça tienne.
— Et comment tu veux approcher l’île ? T’as vu leurs armes ? Ils vont nous tirer d’sus d’puis les côtes …
— Pour ça, y’a le Bâton climatique. Et c’est pour ça que j’aurais besoin de vous deux tout le temps. Grant, tu gèreras la barge. Sasha, tu te mettras le plus haut possible, genre sur le toit de la coquerie, et tu feras de grands cercles avec le tiers de la baguette qui crée des bulles froides. Il sera attaché à un bout. Ne t’arrête jamais !


Elle opina du chef mais avec des grands yeux ronds d’incompréhension.

— Pendant ce temps, je ferai le tour de la barge en courant avec le tiers de la baguette qui crée des bulles de chaleur.
— J'vois, j'te r'lèv'rai pour qu'tu puisses aussi souffler.


Mama confirma d’un signe de tête. Mais comme Sasha ne comprenait toujours pas, la révolutionnaire s’expliqua.

— Les bulles froides, plus denses, vont retomber alors que les bulles de chaleur vont monter. En se croisant, elles vont se frotter et avec l’humidité de la mer, ça va créer un mirage qui fera disparaître notre navire aux yeux de ceux sur les littoraux. Ce ne sera pas parfait, mais suffisant pour qu’on échappe aux tirs des Marines les plus attentifs. Enfin, je l’espère. Dans tous les cas, si on s’arrête, le mirage va vite s’estomper. C’est aussi comme ça qu’on opérera sur l’île, Sasha et moi. Grant, toi, tu gèreras la barge.

Ils hochèrent la tête d’affirmation.

— Grant, on t’enverra les esclaves par petits paquets. Comme je suis la plus grande et que j’ai plus d’envergure, je tiendrais les tiers du bâton climatique, la zone de mirage sera donc plus grande et on pourra escorter un peu plus de monde à la fois. Sasha, tu assureras le relai.

Elle s’étira.

— Sur ces belles paroles, je vous souhaite une bonne nuit. Qu’elle soit la plus réparatrice possible.

Elle dévora son biscuit de mer qu’elle engloutit sous une énorme rasade de tisane avant de quitter la coquerie et aller se coucher.
Qu’il était bon de retrouver une literie digne de ce nom ! Certes, à bord d’un navire elle était plutôt sommaire, mais elle y était habituée, et mieux : c’était la sienne.
Quand Sasha regagna sa cabine, Grant rejoigna celle qu’il partageait avec sa femme qui ne dormait toujours pas.

— Tu d’vrais dormir.
— Je sais, mais je n'y arrive pas. Je stresse trop pour demain.
— J’imagine … Et c’est pas commun pour toi ! Essaie d’oublier toute cette merde pour cette nuit, t’façon, tu pourras rien y changer avant qu’tu lances l’assaut …
— C’est vrai … Merci mon cow-boy des mers.
— J’pensais qu’la Révolution m’tuerait, mais j’crois que c’est toi qui va finir par y arriver, avec tout l’sang d’encre qu’tu m’fais faire ! Mais bonne nuit quand même, mon grizzly des îles.



Le lendemain matin


Quand Grant et Sasha se levèrent, Mama était déjà réveillée, son bâton climatique en main. Elle était montée sur le toit de la coquerie et affichait un air contrarié, malgré les bulles transparentes bleues et rouges qui émanaient de la baguette.

— Mama ? Qu’est-ce qui ne va pas ?
— J’ai beau m’acharner, impossible de créer un mirage … Il doit faire trop froid …
— On peut r’mett’ ça à demain au pire …


Mama pesta, et agacé, Grant se pencha par dessus la lisse, café en main. Il haussa soudainement les sourcils de surprise.

— Ou alors, on peut l'faire aujourd’hui … mais dans une nappe de brouillard !

Mama jeta un œil par-dessus bord.

— Il me parait un peu mince quand même …
— Alors quoi ?
— Tiens !


Elle lui lança deux tiers de la baguette climatique, qu’il réceptionna sans mal.

— Assemble-les l’un derrière l’autre, et souffle doucement s’il te plaît.

Les bulles d’air froid et celles d’air chaud n’avaient pas le temps de sortir de la baguette. En effet, celles-ci se frictionnaient les unes contre les autres et, aidées par le souffle du révolutionnaire, il en sortait une légère brise qui vient troubler la calme de la brume qui tourbillonnait sur la mer.
Sasha se grattait le menton, perdue dans ses réflexions.

— J’ai compris pourquoi tu fais ça ! Tu vas te poster à la proue et créer de la brume. Comme la barge va être entourée de brume, si elle bouge, au mieux elle l’emmènera dans son élan, au pire elle la transpercera ! Mais quelqu’un souffle à la poupe, on va la dispercer dans les deux directions opposées ! Et les Marines ne sauront pas d’où on frappera !
— Malin ! Et pis en cas d’pépin, on peut prend’ la tangente en manœuvre à 90°. On garde l’écran de brouillard pour nous dissimuler avant d’reprendre notre route !
— Bien vu, vous deux ! Mais c’est un peu trop tard pour aujourd’hui. Les températures vont remonter dans quelques heures, et la brume va vite se dissiper. On remet ça pour demain, mais ça implique de devoir changer la météo dès que les températures baissent dans la nuit …
— Tu peux compter sur nous !
— Yep !

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Toute la journée durant, Sasha avait joué les vigies. Elle devait prévenir au moindre bateau approchant afin que leur position ne fût pas divulguée. Ils furent dérangés une seule fois, vers midi. Ils s’éloignèrent de leur position.

Le soir approchant, ils prenaient leur quart par deux : une personne pour créer de la brume et la laisser s’étaler sur la mer, l’autre pour surveiller l’horizon. La dernière dormait. Celui ou celle qui devait surveiller qu’ils ne fussent pas découverts était une précaution peut-être un peu inutile, mais Mama ne voulait prendre aucun risque.
Le brouillard se massait, compact près du navire, mais s’estompait rapidement non loin d’eux. Juste avant l’aube, ils levèrent l’ancre pour commencer à diffuser la brume matinale qu’ils avaient créée. Ils firent un large détour hors de la vue des soldats de la Nouvelle Réa avant de virer serré pour atteindre l’endroit abrité qu’ils visaient. Mama était à la barre, Sasha émettait des bulles d’air froid à la proue, et Grant une légère bise à la poupe. De cette façon, la brume s’étendait devant et derrière eux.
Ils ne savaient pas si leur stratagème fonctionnait étant donné qu’ils étaient au cœur de leur flaque de brume. Et puis comme la Révolutionnaire avait enregistré une carte mentale de l’île, elle était la plus à même d'éviter les côtes rocheuses.
Elle ne pensait pas que les Marines lui suspectassent un don pour la maîtrise du Clima Tact. Après tout, elle n’en avait jamais fait mention, ni même utilisé, que ce fût à Saint-Uréa ou ici. Mais tôt ou tard, leur supercherie serait découverte. C’était une raison supplémentaire pour agir vite.

Néantmoins jusqu’à leur approche supposée de l’île, ils n’entendirent nul coup de feu.
Ainsi, ils rejoignirent la côte est de la Nouvelle-Réa, à côté de laquelle flottaient quelques îlots inutilisés et inexploitables, à cause de leur composition uniquement rocheuse. Ils faisaient également une excellente cachette pour l’aplomb.
Ils attendaient que le brouillard se dispersât pour intervenir. Déjà pour savoir s’ils étaient au bon endroit, mais aussi et surtout pour pouvoir convenablement viser les pontons détruits avec les lance-harpons.
Quand la vision leur revint, ils effectuèrent une rectification de leur trajectoire avant que Grant ne jetât l’ancre. Aussitôt, Mama et Sasha s’emparèrent des lance-harpons et firent feu. Il leur fallut quelques tentatives afin que les embouts ne daignassent se planter dans le bois. Quand les premiers s’étaient logés dans les planches, ils s’assurèrent leur prise en tirant simplement mais fermement dessus. Hors de question de s’aventurer dans une escalade sans une autre sécurité ! Ils fichèrent alors deux autres cordes dans les débris du ponton et Mama envoya Sasha décrocher un premier harpon pour effectuer des noeuds marins qui renforceraient les prises du cordage utilisé pour leur ascension. Elle le fit également pour le deuxième ainsi que pour les bouts de sécurité.

Enfin le soleil se levait et réchauffait tout sur son passage. Le brouillard, naturel ou non, se levait tranquillement.
Sur les terres, les hommes commençaient leurs besognes. Que ce fût le travail à la ferme pour les esclaves, la surveillance et le maintien de la cadence pour les contremaîtres, ou les patrouilles renforcées pour les Marines. Avec sa constitution frêle, et malgré son anxiété, Sasha ouvrait la marche. Elle maintenait fermement un tiers du bâton météorologique entre ses dents, et celui-ci émettait des bulles d’air froid à sa droite. Celles-ci rendaient la tâche encore moins agréable, car outre les embruns et la pénibilité de la tâche, les bulles retombaient mollement sur elle et sur Mama juste en dessous non sans les transir sur leur flanc droit. A contrario, les bulles créées par le tiers de la baguette mordue par Mama réchauffaient leur flanc gauche. C’était une expérience tout à fait unique et pas très agréable. Leurs mains gauches manquaient d’aisance et de grippe et leurs mains droites glissaient davantage à cause de la transpiration.

Grant jura tout bas quand elles disparurent à ses yeux à cause du mirage. Seules des ondulations de l’atmosphère lui restaient visibles. Impossible de savoir si leur escalade se passait bien ou non … à moins d’entendre un choc sur le pont de la barge. A cette idée, il pria de toutes ses forces pour que cela ne se produisît pas.

Une fois hissées au sommet des falaises, elles se cachèrent derrière le relief en attendant que la magie du Clima Tact opérasse. Mama fit signe à Sasha de se placer sur son flanc gauche. Elle tenait sa baguette au bout de son bras droit et des bulles rouges en émanaient, pleines d’effervescence. Sasha se plaça à son tour et tendit le bras gauche. Enfin, leurs flancs pouvaient se réchauffer ou se rafraîchir. Elle lui chuchota qu’il leur faudrait souvent intervertir leurs tiers de baguette ou leur position afin que le charme continuât d’opérer. Sasha opina du chef.

Sur un mot du coq, elles se levèrent et osèrent se montrer. Après tout, il fallait bien commencer leur mission à un moment donné mais surtout, il fallait bien s’assurer qu’elles étaient invisibles, coincées dans leur mirage imparfait. Elles ne voulaient pas prendre trop de risques pour autant, et elles joueraient également avec le décor pour éviter de se montrer.

Elles avançaient lentement, prudemment, en formation serrée, en évitant non seulement les sentiers dont les cailloux crissaient sous leurs chaussures, mais aussi les troupes qui étaient sur le pied de guerre. Et en échangeant constamment leur tiers de baguette climatique. Ce n’était donc clairement pas chose aisée. A plusieurs reprises, elles s’attirèrent les regards méfiants et les froncements de sourcils de certains soldats qui venaient patrouiller dans leur direction. Une fois même, un marin les avait pistés grâce à l’herbe qui se couchaient sous leur pas ! Heureusement, contrairement à leur chef, beaucoup semblaient croire que les fugitifs ne reviendraient pas.mais tous obéissaient et quadrillaient scrupuleusement l’île. Il leur fallut une ferme désaffectée pour qu’elles pussent s’y réfugier.
Un autre des problèmes fut la méfiance des animaux qui ne se laissaient pas berner par leur vision erronnée. D’une façon ou d’une autre, ils sentaient Mama et Sasha, et regardaient fixement dans leur direction.

Cela leur prit une éternité pour libérer une poignée d’esclaves. Elles progressaient à force de détours, de retours sur leurs pas, de circonvolutions et d’aller-retours jusqu’à la barge. Elles ne voulaient absolument prendre aucun risque.
Elles intervenaient quand certains esclaves étaient seuls mais surtout quand elles étaient assurées qu’aucun dignitaire de l’autorité n’était suffisamment proche, ce qui diminuaient les possibilités. Elles chuchotaient leur prénom pour les attirer au milieu d’elles, certains cherchaient désespérément d’où venait le chuchotement, d’autres allaient crier quand elles leurs tapotaient sur l’épaule mais Mama intervenait rapidement pour plaquer une main sur leur bouche. Ceux-là faisaient les yeux ronds quand ils s’apercevaient du tour de magie en pénétrant au cœur du mirage et qu’elles apparaissaient enfin devant eux.

Un peu trop gourmandes ou impatientes, elles se risquèrent à embarquer trois esclaves d’un coup. Ce fut la pire idée qu’elles pussent avoir puisque la zone de turbulences atmosphériques était plus grande, tout comme celle d’herbes couchées sous leur poids mais surtout, ils faisaient davantage de bruit. Le retour jusqu’aux cordages fut long et périlleux.

Elles n’avaient pas mangé, elles n’avaient pas arrêté de marcher, les bras tendus et en s’échangeant les morceaux de bâton météo. A cette fatigue physique accentuée par leurs péripéties du mois entier se mêlait la fatigue psychologique d’être constamment sur le qui-vive, à faire attention tout le temps, dans toutes les directions.
Et puis en fin d’après-midi, comme les températures baissaient, le mirage faisait de moins en moins effet et elles manquèrent de se faire repérer.
Mama s’aperçut qu’un Marine la regardait. Il ne regardait pas juste à côté d’elle ou derrière elle, non, il la toisait les yeux dans les yeux !

— ILS SONT LA ! VOUS AVIEZ RAISON, COLONEL ! DE PLUS, ILS UTILISENT LA SCIENCE DU CLIMA TACT POUR SE DISSIMULER À NOS YEUX !
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Le soldat se lança au pas de course à leurs traces, suivi de peu par le reste de son unité qui appela des renforts.
Fort heureusement pour les révolutionnaires, ils n’étaient pas loin de la falaise sous laquelle Grant et les quelques esclaves libérés attendaient leur retour définitif en se rongeant les sangs. La course poursuite fut brève mais intense ! Et en guise de grand final, Mama eut un réflexe inconsidéré !

Elle chaparda le tiers de la baguette climatique de Sasha pour l’emmancher au bout du sien avant de les lui tendre à nouveau.

— Quand je te le dirai, tu souffleras dedans la tête en bas, aussi fort que t’es une nana bien !

Elle n’attendit pas sa réponse et attrapa par la taille elle et l’esclave qu’elles libéraient avant de les porter sur ses épaules comme de vulgaires sacs à patates. Arrivés aux cordages, elle s’empétra volontairement dans les cordages avant de … se jeter dans le vide !

— SOUFFLE ! ET GRANT, CHAUFFE !
— AIDEZ-MOI A LEVER L’ANCRE VOUS AUTRES !


Mama, l’esclave et Sasha hurlèrent de toutes leurs tripes en chutant du haut de la falaise. La terreur de Sasha, les lèvres scellées sur le bâton climatique, n’amplifiait que davantage la bourrasque qu’elle avait créée, ce qui avait empli brusquement le tube d’air et propulsé violemment les bulles d’air chaud et froid. Le vent qui en avait résulté cingla de plein fouet le pont du navire. Certes, leur chute fut ralentie sans douceur mais Sasha avait manqué d’envoyer par le fond la barge à cause du souffle violent, non sans envoyer valdinguer les esclaves qui se tenaient dans l’aire d’effet !
Une fois les cordes tendues par leur propre poids, et donc leur chute stoppée nette à moins d’un mètre de la barge, Sasha se défoula. Même sa personnalité alternative, Alexis, explosa dans son intonation !

— MAMA ! ESPÈCE D-DE … ! D’INCON… CONNASSE, VA ! ON A TOUS FAILLI CREVER !
— JE SAIS ! MAIS DEPECHE PLUTÔT DE COUPER LES BOUTS AVEC TON KATANA SI TU VEUX PAS QU’ON Y PASSE VRAIMENT !


Elle le dégaina et tous les trois s’écrasèrent lourdement sur le pont de la barge qui s’élançait mollement.

Aussitôt, Mama se saisit des deux tiers de la baguette climatique qui roulaient doucement près de Sasha, courut à la poupe, emplit les immenses sacs d’air qui lui servaient de poumons avant de souffler dedans de manière soutenu mais constante pour aider la barge à prendre de la vitesse.

— GRANT ! DIRIGE-TOI VERS LE PORT !

Quand ils virèrent de bord, le port pointait à mi-distance de l’horizon … ainsi qu’un navire dont Mama reconnut le fanion : c’était un bateau des Condors de Guerre, la milice de l’économiste de Saint-Uréa, Victor Bahia !

Grant, les yeux rivés sur sa destination, devina les intentions de sa femme et prit les devants.

— Mama, non ! J’te l’interdis !
— Je vais me gêner ! Sasha, garde mon bâton climatique ! Et fuyez ! C’est un ordre !
— Mama ! On ne peut p…
— Vous voulez mettre une dizaine de vies en jeu, en plus des nôtres ? Alors qu’on s’est fait chier à les libérer en toute discrétion ?
— Tu l’fais bien tout l’temps toi …
— Ouais, mais je suis la capitaine … enfin, capitaine de ce qui reste de notre ancien équipage. Et un capitaine doit savoir faire preuve de sacrifice, surtout quand il a autant merdé. Le dire une fois m’a fait chier, le répéter va m’arracher la gueule, alors écoutez bien ou c’est la vôtre que j’arrache à nos retrouvailles, parce qu’on se retrouvera, je vous le promets : C’EST UN ORDRE : FU. YEZ !


Sur cet ultime injonction, elle prit de l’élan et sauta sur les rochers qui bordaient la plage rocailleuse. Sa réception ne fut pas aussi bonne qu’escomptée et elle s’égratigna aux genoux et aux coudes mais elle se releva presque immédiatement. Le temps pressait, il lui fallait être impérativement en ville avant que les Condors de guerre n’eussent débarqués. Elle avait le temps de leur manœuvre pour y parvenir.

Sa course folle était bruyante à cause des cailloux qui roulaient sous ses pas, et outre ses invectives qu’elles avaient criées, cela ne manqua pas d’attirer l’attention des Marines qui revenaient de la côté est, puis ils lancèrent un regard à la barge qui filait à l’horizon. Certains d’entre eux visaient Mama, d’autres son navire. Immédiatement, elle leva les mains en l’air et toute l’attention se porta sur elle.

— On a réussi ! Je me rends ! Prévenez votre colonel, rejoignez-moi au port !
— Je suis là.


Mama tressaillit à ces mots mais ne s’arrêta pas pour autant. Elle devait absolument négocier sa liberté avant l’arrivée de Bahia qui ne l’entendrait pas de cette oreille. Elle aurait pu fuir, mais son sens de l’honneur l’en empêchait. Elle devait rendre compte de sa petite victoire, quoi qu’il pourrait lui en coûter !



* * *



Les centaines de mètres avalés, Mama était à bout de souffle après cette journée intense et forte en émotion. Elle était arrivée avec les mains toujours levées au ciel et toujours braquée par les Marines. Mais comme elle devait reprendre son souffle, elle n’en eût cure et se permit de se plier en deux, les coudes sur les cuisses, pour essayer de récupérer.

— On l’a fait ! … On a … On a libéré des esclaves … sans usage de la force !
— Je sais. Mais vous n’avez pas exactement respecté les termes.


Elle se releva. Späre déchiffrait son faciès d’incompréhension.

— Vous avez fui avec les esclaves. La moindre des choses aurait été de revenir au port au grand complet. J’aurais pu vous les céder en bonne et due forme, comme s’il s’agissait d’un véritable achat.
— On avait jamais convenu de ça, vieux croulant !
“Mieux coulant” … C’est sympathique de votre part, mais je ne vois pas comment je pourrais être plus avenant envers tout le monde. D’autres à ma place feraient certainement régner une tyrannie. Certes, ce n’est pas un endroit de rêve, et cela n’a jamais été le but. Mais pour autant que je sache, la Nouvelle Réa n’a rien à envier à Tequila Wolf, par exemple. Bien au contraire ! Je vais devoir répondre de cette libération, de votre révolte. Et si jamais je suis envoyé loin d’ici, qui sait ce que cette île deviendra ?


Mama baissa la tête, honteuse. Elle n’avait pas pensé à tout cela.

— Tiens, tiens … Qu’avons-nous là ?

Cette voix, Mama la connaissait. Elle lui fouailla les tripes et des sueurs froides perlèrent et glissèrent dans le creux des reins. Späre fit baisser les armes à ses soldats.

— Ce très cher Victor Bahia ! Que me vaut cet honneur ?
— Je dois me rendre à Zaun, mais avant tout, je dois remplir ma cale. Et vous alors ? Que me vaut ce déplaisir de voir cette sauvage à nouveau en liberté ?


Elle fit volte-face mais le sourire carnassier de l’économiste, son chapeau impeccablement vissé sur son crâne d'œuf, et les yeux méchamment amusés derrière leurs lunettes étouffa ses ardeurs. Malgré la tension palpable, les deux hommes ne devaient certainement pas s’apprécier, mais le flegme de Späre était indéboulonnable. Mama n’osait plus réagir, prise entre deux feux.

— Eh bien sachez que cette femme a acheté la liberté de certains des esclaves.
— Hin hin hin ! Mais quelle canaille vous faites !
“Quelle pagaille” … Non, pas tant que ça … Elle a plutôt été discrète à vrai dire …
— Et qu’est-ce qu’elle va devenir ?
— Elle ? Elle va retourner bien sagement à son poste.
— Hin hin. Intéressant. Comme je vous l’ai dit, je dois remplir mes cales avant de partir pour Zaun.
— Sauf votre respect, cette femme appartient au royaume de Saint-Uréa.
— Je n’ai jamais dit que je ne paierai pas. Bien que cette harpie m’ait déjà coûté bien trop cher … Mais elle va commencer par me rembourser ce qu’elle me doit depuis des années jusqu’à aujourd’hui, et ensuite elle me rapportera bien plus. Vous avez peut-être quelque chose à ajouter, Späre ? Hm ?


Mama supplia Späre d’un regard implorant. Elle ne savait pas quels tourments l’attendraient, mais elle avait bien une petite idée. Elle savait également qu’elle serait loin du compte. Il la regarda en retour mais ne laissa rien transparaître.

— J’imagine que non …
— Bieeen ! Fort bien ! Alors ne tardons pas, voulez-vous ? Je suis plutôt pressé à vrai dire.

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