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Usual Business [PV]

Le soleil trône, haut dans un ciel sans nuage. Après plusieurs jours d'averse, il fait enfin son grand retour au premier rôle. Assis confortablement en terrasse dans une chaise-longue, l'homme qui sirote son Mojito derrière ses lunettes de soleil le fait remarquer à son hôte, Marine entre deux âges d'un certain charisme et dont le regard recèle une lueur d'intelligence pétillante. Ses galons sont ceux d'un Colonel, ses manières celles d'un gentilhomme. Déjà à sa demande, un champagne brut d'un grand crû qu'il présente avec emphase leur est apporté. Le bouchon saute, les flûtes se remplissent du doux breuvage. Le civil vide d'un trait son verre et accepte volontiers ce changement d'alcool. Il n'y a pas de raison de douter de ce champagne, après tout, le Mojito était délicieux.

Je suis bien placé pour le savoir, c'est moi qui l'ai bu. Oui, je me dore la pilule chez une Mouette, classe, non ? Et puisqu'on en est aux présentations, autant continuer. Face à moi se tient le Colonel Holmes, officier en chef des troupes marines dans la région. Que me vaut l'honneur d'être son invité de marque, moi, petit joueur de cartes aux états de service méconnus de tous ? J'ai une histoire à raconter. Le genre d'histoire que beaucoup veulent entendre, et qui mérite d'être traité avec les égards dus à un vrai sultan. Alors j'en profite.

Je me délecte de ce champagne, souriant, surjouant presque l'extase.


J'espère que vous savez ce que vous faites, certains vous placent encore dans la liste des suspects de notre enquête, jeune homme...

Trembler devant ce genre de menace détournée, c'est pas dans les habitudes de la maison. Et Holmes le sait. Je me suis forgé une petite réputation ces derniers jours ici; celle d'un jeune aventurier de vingt-quatre ans qui n'a pas froid aux yeux. Avec l'arrogance de la jeunesse et la chance du joueur en veine. Alors j'en profite.

Allons Colonel. Que vous dit votre instinct ? De vous fier à moi. Et croyez moi, avec les informations que j'ai en ma possession, vous ne serez pas déçu, je vous le garantis.

Bien. Si nous commencions justement ? Savez-vous où se cache notre John Doe ?

Haha, vous êtes bien impatient, Colonel. Je pensais que vous vouliez dissiper toute l'ombre qui plane sur cette enquête. Pour bien saisir l'affaire dans sa totalité, il convient d'entendre toute l'histoire.

Holmes contient difficilement un geste d'humeur. S'il aime réfléchir et jouer aux devinettes pendant son temps libre, l'exaspération le gagne vite lorsqu'il est dans l'exercice de ses fonctions. Rester dans un état d'incompréhension face à une énigme est à ses yeux le pire des maux qui puisse être. Mais, la frustration évacuée, il convient vite de la justesse de mon raisonnement, et m'invite à me lancer d'un geste de la main. Je goûte du bout des lèvres au champagne, m'humecte les lèvres par la même occasion, et me lance.

Tout a commencé au casino tenu par Don Gracilio, le Vegas. Un nom éloquent pour un établissement ou rien n'est fait dans la demi-mesure. Son propriétaire avait récemment fait fortune. Sur Grand Line comme pirate désormais rangé selon certains, d'autres soutenaient qu'il était ancien joueur passé de l'autre côté du tapis. Les seules certitudes étaient l'amour sans bornes qu'il vouait à sa fille unique Flaca, véritable prunelle de ses yeux, son immense richesse, le luxe de son établissement et la notoriété toujours grandissante dont il jouissait. Une notoriété prompte à attirer les convoitises. Celles de bon nombres de voleurs en tout genre, vous aurez l'occasion de vous en rendre compte au fil de mon récit, mais aussi de rivaux. Rivaux, en tête desquels figurait Don Almegro, ancien ami de Don Gracilio au moment de leur arrivée combinée en ville il y a de ça un an, mais surtout businessman frauduleux masquant derrière une entreprise de façade ses actions en tant que trafiquant d'armes.

Sur quoi vous basez-vous pour avancer de telles allégations ?

Les casinos ont des oreilles, Colonel. Soyez sans crainte, vos hommes trouveront sans peine les preuves pour corroborer mes propos dans les ruines de l'ancien building, à commencer par le sous-sol non déclaré. Il n'est pas dit que Don Garcilio soit blanc comme neige de son côté, mais un gérant de Casino n'est pas jugé sur sa probité, n'est ce pas ? Et si l'on s'en fie aux méthodes pour le moins percutantes de son second Mik la Poigne, Don Garcilio était non seulement dur en affaire, mais également féroce créancier auprès des joueurs malheureux.

Voir un jeune bohème lui en apprendre plus que ses services de renseignements sur les faits et gestes des hommes forts de la ville a le don de courroucer ce brave Holmes, même s'il le cache bien. Si j'en ris intérieurement, je n'en retire pourtant pas grand prestige.

Avec ceci, vous avez le contexte de notre drame. Maintenant, il me suffit de vous dévoiler la chronique d'une catastrophe annoncée. Tout a donc commencé au Vegas, il y a six jours à peine...


Dernière édition par Rik Achilia le Dim 11 Sep 2011 - 12:34, édité 1 fois
    Ce soir-là, au Vegas, c'était le grand gala. Don Garcilio avait mis les petits plats dans les grands, et on sentait qu'il voulait épater la galerie. Encore plus que d'habitude. Il y avait une raison toute trouvée à ça. Deux jours plus tôt, son rival Don Almegro avait donné une soirée princière, invitant éminents représentants en commerce, ambassadeurs et même héritiers de divers Royaumes des Blues dans sa demeure aux aspects de gratte-ciel futuriste. Ainsi, son convive crucial, Don Garcilio en personne, ne pouvait que contempler la cérémonie, destinée à lui montrer qui était le Roi du Pétrole dans le coin. Sans trop m'avancer, je pense pouvoir dire que ça avait titillé la fierté du vieux fauve au point qu'il réplique.

    Don Garcilio ne pouvait pas perdre la face, il devait assumer son rang.

    Comme vous dites, Colonel. Mais organiser pareille réception quarante-huit heures seulement plus tard, c'était un signe fort. Le succès fut total. La zone des tables ressemblait à une fourmilière grouillante d'activité; les jetons circulaient, valsaient de main en main. Côté salon, les poignées de main chaleureuses se faisaient légion, la piste de danse était bondée. Pour couronner le tout, un buffet digne des Rois, une musique Divine. Dans cette ambiance, le maître de logis paradait, on pouvait deviner sa position dans l'établissement à la clameur qui le suivait partout où il allait. Signe révélateur de son triomphe, il avait consenti à offrir à sa fille, un charmant petit ange de neuf ans aux cheveux noirs jais et bouclés, une sortie en public. Sa retenue, sa candeur, son air adorable ont fait fondre bien des cœurs, ce soir-là. Tout était réuni pour le véritable sacre de Don Garcilio. Personne ne pouvait en toute bonne foi contester la victoire du gérant de casino, dans ce concours particulier. Don Almegro avait tiré le premier, mais la réplique avait été dévastatrice.

    Holmes suit attentivement mes propos. Entrouvre parfois la bouche, comme si une question le taraudait, puis la referme, se contentant de griffonner dans son petit calepin quelques remarques.

    Pour le trafiquant, ça revenait à recevoir en plein museau un "apprends à rester à ta place, ici t'es le numéro deux." Ça devait faire mal. Mais quand on était comme moi à ce moment-là, et qu'on s'en foutait de qui se faisait chef d'orchestre du moment que la musique était bonne, on laissait de côté les querelles et on profitait du show. Et bon sang c'était bon...

    ...

    Je te sers quoi, beau gosse ?

    La serveuse au sourire aguicheur, c'est Nancy. Vingt ans tout juste, une beauté farouche, yeux noirs, cheveux de feu tombant à mi-dos. Ça fait un mois maintenant que je joue ici régulièrement, je commence à la connaitre. Nous avons parlé, une ou deux fois. Mais pas ce soir. Elle a trop de clients, j'ai de la compagnie.

    Une flûte de champagne pour la ravissante Demoiselle à mon bras, un Mojito pour moi.

    Ma cavalière, je l'ai croisée à une table de poker. Nous avons échangé quelques mots seulement, mais il n'en était pas besoin de plus. Lorsque nous nous sommes lancés dans une main hasardeuse l'un contre l'autre et que la belle y a perdu tous ses jetons, l'occasion fut trop belle de transformer ce face à face en tête à tête.

    Nous avons dansé, un long moment, sous les étoiles argentées pendues au plafond, sur un parquet lui-même luminescent. Toujours sans discuter, pour mieux profiter du moment présent. Et l'attirance fut réciproque.

    ...

    Oui, selon certain témoignages que j'ai recueillis, vous n'avez pas fait dans la discrétion, avec votre conquête.

    Que voulez-vous, on n'est jeune qu'une fois Colonel.

    Hmm. Venez-en à l'évènement déclencheur, je vous prie.

    L'évènement déclencheur oui...c'était trop beau pour se dérouler sans fausse note, je suppose. Quand l'incident survint, j'avais abandonné la douce créature qui m'accompagnait jusque là. À bien y repenser je ne l'ai pas revu depuis...

    ...

    Alors, joli cœur, minuit passé et personne au bras. Ta princesse a quitté le bal dans sa citrouille ?

    Chez Nancy, se moquer allègrement d'autrui est une seconde nature. À se demander comment elle s'arrange pour ne pas faire de gaffe avec les clients. Hmm, peut-être qu'elle en fait délibérément à y bien réfléchir. Hmm, oui, c'est probablement le cas. Pas le genre à craindre les représailles, celle-là.

    Sois pas si jalouse beauté, ton tour viendra. Tu pourras même m'offrir un verre. Même maintenant si tu veux.

    Rêve toujours.

    Allez, pour un habitué quoi. J'ai plus un rond.

    Tiens tiens, la terreur des tables est ratissée ? Comme c'est triste.

    C'est très mal de se moquer, je le dirais à ton frère.

    M'en fiche.

    Son frère, c'est Johnny. Un gosse de seize ans à peine, mais volontaire comme pas deux. Et casse-cou en prime. Avec sa sœur, ils bossent tous les deux pour Don Garcilio, afin de rembourser l'ardoise de leurs parents qui ont passé l'arme à gauche il y a un an de ça. Nancy amasse un max, ça doit pas être loin d'être la serveuse la plus populaire; Johnny lui, file tout droit pour finir truand, si on tient compte de son CV déjà bien rempli pour un quasi néophyte dans le métier.

    Pitié, si ma "princesse" me croise sans le rond, c'est cuit. Un beau geste.

    Non.

    Elle est sans cœur, faut croire. Bah, jm'en remettrai. Plus de quoi boire, ni de quoi retourner jouer. Enfer et damnation. Je m'ennuie ferme. Je passe derrière le comptoir et m'improvise serveur, officiellement pour aider Nancy, et aussi un peu pour boire à l'œil. Les verres se remplissent, mais c'est trop terne. Ma vie, je la considère comme un spectacle continuel alors j'improvise, apporte un peu de dynamisme dans le tableau; je tente de nouveaux cocktails, offre quelques verres gratuits aux plus ravissantes demoiselles. Puis gagne en assurance et me surprend même à jongler avec les verres, les shakers et les bouteilles. Deux bouteilles à la fois. Puis trois. Puis quatre. Et puis soudain...

    Tchink.

    Voilà ce qui devait arrivé à force de faire le mariol...

    Je l'ai pas brisé, cette bouteille, Nancy, elle a littéralement explosé en plein vol.

    Nancy me regarde comme un idiot.

    Je suis formel. Quelqu'un a "descendu" cette bouteille.

    Nancy reste silencieuse, perplexe. Je tire une gueule qui exprime bien le léger malaise qui m'oppresse. Mais je n'ai pas le temps d'approfondir la question. Au même instant ou presque, une petite huitaine de braqueurs, masqués, tous armés font irruption dans la pièce. Une rafale de coups de feu couvrant les bruits des festivités fauche les lustres au plafond, la musique qui meurt dans un couac et la soirée toute entière. Hystérie générale. La foule se met à crier. Mais les nouveaux arrivants chassent bien vite le boucan à grand renfort de coups de feu tirés en l'air, avant de brailler leurs ordres. Merde. C'est un hold-up. Le hold-up. Ça m'en fige sur place, je reste coi. Un des braqueurs donne les ordres, les autres le relaient. Très vite, les convives sont enjoints à se coucher au sol, face contre terre. Ça va vite, c'est professionnel. De mon côté, je suis forcé de me serrer dans un coin de la pièce avec les employés, mains sur la tête, sans émettre un bruit.

    ...

    Vous dites donc qu'il s'agissait bel et bien d'un hold-up ? Pourquoi dans ce cas la situation a t-elle dérapé ?

    Haha, Colonel, il y a une réponse toute simple à votre question. L'irruption de vos troupes. Tout se passait bien jusqu'à ce qu'un des braqueurs posté à l'extérieur de l'établissement annonce l'arrivée d'une troupe de marines. C'est là que le mec a totalement perdu les pédales. La partie a échappé à son contrôle, comme à celui de n'importe qui d'autre en fait. Le drame prit à cet instant une tout autre dimension...

    ...

    Ringo, La Marine arrive, on s'arrache !

    Attends, on va prendre une garantie... Par ici ma petite !

    Un cri enfantin perce le silence de sanglots et de mort qui régnait. Puis s'élève la plainte déchirante d'un père. Le père. Don Garcilio. Il implore le braqueur, à genoux lui le Dieu vivant de la soirée, offre son or, son établissement même en échange de la liberté de sa fille. La seule réponse qu'il obtient du ravisseur est un coup de crosse au visage qui le laisse assommé.

    Je suis le spectacle, attentif, parqué dans mon coin avec Nancy et les autres, toujours tenu en respect par le canon d'un fusil qui pointe notre groupe. Personne n'ose agir. Il est de toute façon sûrement trop tard, puisque le groupe se replie déjà, le boss emportant sous le bras comme un fétu de paille la malheureuse Flaca.

    Heureusement que Johnny n'était pas là, il aurait encore joué les têtes-brûlées.

    Nancy est rassurée, respire un peu mieux. Replace même dans son esprit les priorités. Mais moi, je ne peux. Le sort de cette môme m'inquiète. Alors, discrètement, quand le dernier homme masqué disparait de mon champ de vision, je m'esquive par la première porte de sortie près de laquelle nous nous situons.

    Rik ?

    Trop tard, je suis parti.

    ...

    Holmes a allumé une pipe à tabac. Cela lui donne un air encore plus détective, allez savoir pourquoi. L'odeur qui s'en dégage m'incite à rouler moi aussi une cigarette. Aussi, je suspends mon discours quelques instants. Suffisant pour laisser au Colonel l'opportunité de réagir.

    Quel preux chevalier vous faites.

    Que voulez-vous, Colonel, je suis comme ça.

    Ce n'est pas de la fausse modestie, bien au contraire. Je joue de ma popularité, tout au plus. Et puis, elle autorise bien quelques petits caprices.

    L'apéritif porte à sa fin, mais l'histoire n'en est encore qu'à son commencement. Tant mieux Holmes avait tout prévu. Une nouvelle salve de serviteurs fait irruption sur la terrasse, et dresse la table pour nous.

    Vous allez avoir la chance de goûter à des mets exotiques, aujourd'hui. Mais poursuivez, je vous prie. Qu'avez vous fait une fois hors du casino ?

    Oh, si peu de choses Colonel. Si peu de choses...


    Dernière édition par Rik Achilia le Dim 11 Sep 2011 - 12:38, édité 1 fois
      J'avais donc échappé à la vigilance de tous et m'étais glissé hors du casino discrètement. Mon intention était dans l'idéal de libérer la jeune Flaca, mais rien ne s'est passé comme prévu.

      ...

      Sans un bruit, je rabats la porte puis me retourne. Où suis-je ? Dans une ruelle, côté sortie de service du casino. Personne en vue. Parfait, on ne m'a pas vu sortir. Et à partir de maintenant, on ne me remarquera pas non plus. La nuit va être mon alliée dans cette affaire, comme souvent. Depuis l'entrée principale de l'immeuble me parviennent des échanges de tirs nourris. Sans doute les troupes marines qui s'envoient quelques politesses avec les braqueurs. Tant mieux. Leur attention ainsi détournée, je pourrais œuvrer dans la plus grande discrétion.

      Silencieusement, je longe les murs du casino, remontant vers les coups de feu qui déjà se font plus rares. Ou les représentants de la Justice ont rapidement pris le dessus et maîtrisent déjà la situation, ou, plus probable, les renforts sont arrivés trop tard et les ravisseurs ont déjà pris la fuite. Je dois en avoir le cœur net.

      Alors ?

      Je me fige. Une voix, non loin. Un échange bref, trop lointain pour que je puisse percevoir distinctement les propos. Puis des pas, saccadés. On vient par ici. Probablement les fuyards. Je dois me planquer. Ce n'est pas l'obscurité qui manque ici, il me suffit de me glisser dans un recoin et d'attendre que le petit groupe me dépasse, puis de les prendre en filature. À peine ai-je le temps de m'accroupir derrière un tonneau qui sert habituellement à recueillir l'eau de pluie que le groupe arrive. Un coup d'œil, fugace, et je suis fixé. Ce sont eux. Ils me dépassent au pas de course. Sans m'apercevoir.

      Moins d'une dizaine de secondes s'écoulent. Je sors de ma planque, prêt à m'élancer. À l'entrée de la ruelle, un peloton de marines surgit. Un individu crie, probablement à mon encontre, puisque je suis le seul visible à cette distance dans le noir. Je me retourne, sans geste brusque.


      Vous là-bas. Halte ou nous...

      BAOOOM.

      Le malheureux ne finit pas sa phrase. Entre lui et moi, une explosion terrible, aveuglante, me force à détourner le regard un instant. Puis, je brave le mur de flammes, m'approchant au pas de course. Le groupe entier de soldats se retrouve soufflé, sous mes yeux. Je ne peux me retenir de lâcher un juron, que le rugissement des lambeaux de murs qui s'écroulent couvre sans peine.

      Nom de dieu !

      Que faire. Aller porter secours aux blessés ? Ou prendre en chasse la bande ? Le temps presse, mais je ne peux me décider. Une balle qui fuse non loin de moi à travers le brasier m'aide à faire mon choix. Au diable ces mecs, ils sont payés pour ça. Dans la nuit noire, je m'élance sur les traces de la bande, déterminé à retrouver Flaca...

      ...

      C'est donc vous que le 3è classe Mast a vu ce soir-là. Dans sa déposition il dit apercevoir un individu se redresser brusquement et le sommer de se rendre avant qu'il ne prenne la fuite dans l'explosion.

      Oui, ce devait être moi, je présume, cela concorderait bien.

      Holmes caresse doucement sa barbe en hochant le menton. Dans son esprit, il recolle déjà les morceaux du puzzle.

      Hmm, je vois. Ensuite, que s'est-il passé ? Vous avez rattrapé Ringo ? Vous l'avez mis hors de danger ?

      Pas dans un premier temps, non. J'avais pu retrouver sa piste et suivre ses faits et gestes dans l'ombre, mais il était avec ses hommes et la petite restait sous bonne garde. Je devais attendre le moment propice pour intervenir.

      Certes. Mais pendant ce laps de temps précieux, la situation entre Don Garcilio et Don Almegro se détériorait d'heure en heure.

      J'allais l'apprendre par la suite, malheureusement. Mais que pouvais-je y faire ? Au début, je n'avais pas moi-même la certitude que ces individus n'étaient pas à la solde de Don Almegro. Je ne devais pas lâcher la piste maintenant que je la tenais. Aussi j'avais pris la décision de rester coûte que coûte avec ceux-là.

      C'est justement votre absence prolongée qui nous a paru suspecte. Mais dites-moi plutôt, comment ont-ils procédé pour échapper à la traque qui se menait contre eux ? Et vous, par quel miracle ne vous ont-ils pas découvert ?

      Dans sa voix plane encore un je ne sais quoi de doute. On me soupçonnerait encore, Colonel ? Bah, à sa place, j'en ferais sans doute tout autant.

      J'y viens, Colonel, j'y viens... Succulente entrée au passage.

      Vous aimez ? Vous m'en voyez ravi. La verrine de saumon compte parmi mes plats favoris.

      Sacré Holmes. Il ne peut se départir d'un certain raffinement bien que brûlant d'envie de connaitre le fin mot de toute cette histoire. Je souris devant cette confidence inattendue, puis reprend en gobant la dernière bouchée de mon assiette.

      Leur chef avait décidé d'un plan. Chaque homme irait à son tour, seul, se tenir informé des agissements en ville, reviendrait en référer à la bande, puis quitterait la région comme tout bon civil, l'air de rien. Il aurait été impossible de condamner les entrées et sorties dans Manshon, sous peine de causer une émeute. Ainsi, durant deux jours, les hommes apportèrent leur rapport puis s'éclipsèrent l'un après l'autre. D'abord, les blessés, au nombre de trois si mes souvenirs sont bons. Puis les valides. À deux reprises, il leur fallut changer de planque, quand la Marine organisait des descentes vers le repaire qu'ils avaient choisi. Et toujours le groupe échappait à la loi. Tout en accumulant les informations sur la situation en ville, qui plus est.

      Et c'est là que tout se complique.

      Exactement. Don Garcilio suspectait fortement son rival dans cette affaire. Presque tout naturellement. Les relations étaient déjà difficiles entre les deux hommes, ils étaient plusieurs fois entrés en conflit ouvert dans un passé proche. Cet accroc fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Deux requins dans un même aquarium, ça ne laisse présager rien de bon. Chacun pouvait sentir l'ambiance en ville devenir électrique.La boucherie approchait. Et si vos hommes tentaient de maintenir le calme, dans l'ombre, les deux Chefs de Famille se préparaient eux à mener leur Vendetta. Ce qui nous mène à la deuxième nuit succédant l'enlèvement de Flaca...
        Deux jours que cela dure. Cette filature usante, interminable. Rester en position sur un toit ou dans une ruelle, constamment aux aguets pour éviter de se faire repérer. Mais aussi prendre tous les risques, essayer d'en apprendre toujours plus, attendre patiemment l'opportunité d'intervenir, sans relâche... Et devoir se contenter de suivre à distance. Un scénario qui se répète inlassablement.

        Deux jours sans manger, deux jours sous la pluie froide et agressive, à vivre comme un fantôme. Mes rares informations, je les obtiens au détour des conversations que je surprends. Mon acharnement paye, parfois. Mais ce que j'apprends n'est guère de bon augure.

        Don Almegro a d'abord clamé haut et fort son innocence, avant de prendre ses précautions et d'embaucher un des plus fins limiers de la région pour tirer cette affaire au clair et faire éclater la vérité au grand jour. Mais Don Garcilio lui en laissera t-il le temps ? Le gérant humilié, marqué dans sa chair, réclame vengeance et a juré de faire couler le sang pour laver l'affront. Ce soir doit être le grand soir. Celui de l'expédition punitive.

        Pour moi aussi, le temps est venu d'agir. D'essayer de stopper cet engrenage infernal. Le destin semble m'être favorable; au compte goutte, la bande perd ses unités. Une stratégie sibylline au début à mes yeux, mais manœuvre d'une grande sagesse en vérité. Ces hommes ont peut-être manqué leur coup au casino, la marine ne leur a pas laissés le temps de repartir avec un butin, mais il ont préservé l'essentiel. Leur liberté. Et elle mérite qu'ils se battent pour la conserver.

        Ce n'est pas moi qui les en priverait. Je veux simplement la gosse, pour tenter d'apaiser les rancœurs, d'éviter le massacre. Et le plus tôt sera le mieux. Alors je vais me lancer.

        L'occasion se présente à la tombée de la nuit. Un nouveau mec encapuchonné s'en va. Un de plus. Une poignée de minutes après lui, les bougies sont soufflées à l'intérieur de la chaumière. Les autres sortent aussi. Je ne savais pas quel était leur nombre exact jusque là, désormais, je suis fixé. Il n'y a plus que deux malfaiteurs. L'un porte un sac de toile, lourd. Suffisamment pour ne laisser planer aucun doute quant à son contenu. La môme est dedans. Si je les prends par surprise, il me suffit de m'occuper du premier, puis de pointer mes flingues sur le second. Ses mouvements seront plus lents, s'il doit poser le sac avant d'agir. Présenté comme ça, l'affaire est jouable. Je tente.

        La situation est simple. Ils sont sortis du baraquement et sont au milieu de la rue désormais, trois-quart dos à moi, qui suis embusqué dans une ruelle étroite rive droite. De leur côté, ils auront deux choix de fuite possible. Deux rues rive gauche. L'une en amont de leur trou à rat, l'autre en aval. Ils prendront la première, pour ne pas avoir à passer devant moi, logique. Dans tous les cas, il va falloir intervenir vite et bien où les oiseaux s'envoleront.

        J'empoigne mes pétoires fermement. Les phalanges presque blanchies tant je serre la crosse. Il va pas falloir se louper, Rik. Mais je me sens serein. Je peux le faire. Je vais le faire !


        Haut les mains !

        Haut les mains !

        Ils se retournent, mais y'a comme un écho. Merde, un autre braqueur ? Non, c'est une voix féminine. Je pivote et aperçoit celle qui pointe désormais moi et les deux ravisseurs de sa winchester à canon scié. Une chasseuse de primes. Celle dont parlaient ces mecs, à coup sûr. Don Almegro l'aura embauché pour régler ses problèmes.

        Je suis avec v...

        Bang.

        Pas tendre, la minette.

        Toi, ta gueule ! Hauts les...

        Elle a parlé, s'est déconcentrée, et derrière ça réagit. Ils tirent. Elle riposte. Je tire. La fusillade éclate.

        Je replonge dans mon abri et évite la première salve. La trouble-fête en fait de même et trouve refuge dans une des deux ruelle flanc gauche de la rue. Les ravisseurs replongent eux dans leur baraque. Chacun tient sa position, le triangle est formé. Quelques balles fusent, personne n'épargne les autres camps, mais rien ne fait mouche. Le temps joue en ma faveur. Le crépitement des coups de feu attirera la marine. Je dois temporiser. Mais on ne m'en laisse pas l'occasion.

        La miss, décidément bien turbulente, lance quelque chose vers moi. Un sale joujou. Une grenade. Pas de ça. Je l'allume en plein vol. L'explosion relance les hostilités. Ça repart de plus belle. Forts de leur nombre, les deux braqueurs tentent une percée. L'un couvre l'autre qui s'élance, sac sur le dos, sans se retourner. La gosse. La traqueuse bondit. Passe devant moi sans me jeter un regard. Elle ne le sait pas mais elle me doit une fière chandelle. Le second malfrat était tout prêt de l'ajuster comme à un tir au pigeon mais j'ai canardé le bonhomme pour le forcer à se mettre à couvert et l'empêcher ainsi de tirer. Jusqu'à ce que.


        Clic.

        Plus de balles. Tant pis. Un dernier effort s'impose pour permettre à la belle que le canon d'un revolver pointe à nouveau dangereusement d'aller sauver la gosse en arrêtant le premier gars qui sera bientôt hors de mon champ de vision. Je me rue sur le type posté à la lucarne. Sautant sur lui, je défonce la fenêtre et le plaque au sol dans le mouvement. Mon poing vient lui chatouiller les maxillaires, du sang gicle. Déjà, ma main s'élève à nouveau et menace de s'abattre mais une désagréable sensation d'acier vient refroidir mes ardeurs. On me plante un flingue sous le nez.

        Okay, du calme mon pote, j'ai compris.

        T'as compris quoi, ducon ?

        Première boite pour m'envoyer rouler un peu plus loin. Deuxième pour me faire signe de regarder à l'autre bout de la pièce, dans la pénombre. Troisième, triomphatrice, pour me montrer que j'ai tout faux de bout en bout.

        Merde.

        ...

        Quoi, qu'y avait-il de si terrible ?

        Devant moi, bâillonnée, yeux bandées, j'avais la petite Flaca. L'autre ravisseur avec le sac de toile était une ruse.

        Holmes lâche sa bouchée de lasagnes et en tape du poing sur la table de dépit.

        Pour ne rien gâcher, Ringo n'était pas complètement stupide. Il savait que le leurre ne tarderait pas à être percé à jour par la turbulente inconnue. Il fallait changer de coin, ça commençait à sentir sérieusement le gaz pour lui dans les parages.

        Logique. Et qu'a t-il fait d'autre de si judicieux, pour rester introuvable de mes troupes tout ce temps là ?

        Tout simple Colonel, il m'a planté son flingue sous le nez une nouvelle fois et il m'a dit, toutes dents dehors ...

        ...

        Je devrais te faire sauter la cervelle, mais ça ne changerait rien au problème. À cause de toi, ma planque va devenir le repère à flicaille le plus côté de la ville dans l'heure qui vient. Allez, pas de temps à perdre, gringo, emmène moi chez toi.

        Et à mirer son sourire carnassier, la moindre entourloupe me sera fatale ce coup-ci.


        Dernière édition par Rik Achilia le Lun 12 Sep 2011 - 15:02, édité 1 fois
          Boom. Boom. Boom.

          Aye...Aye...Aye...

          Les coups de poing pleuvent sur ma gueule. Ça fait un moment que j'ai arrêté le décompte. Huit ? Dix ? Plus encore, peut-être. Ringo a les nerfs, ça se sent. Il a eu peur tout à l'heure. Et se retrouve tout honteux maintenant d'avoir l'espace d'un instant tremblé comme la fillette qu'il retient captive, quand l'imprévu est venu toquer à sa porte. Alors, il se venge. Sur ma tronche, c'est encore ça le plus regrettable dans l'histoire. M'enfin, à jouer avec le feu, fallait bien que je finisse par m'y brûler.

          Je l'ai conduit jusqu'à mon petit chez moi comme il me l'a demandé. Docilement, sans tenter de coup fourré. Pas envie de me ramasser un pruneau dans le dos en guise de clap de fin, ça serait moche. Et le mec m'a clairement fait comprendre qu'il lui faudrait un exutoire, c'qui signifie que si ça devait pas être moi, ça serait la môme. Tchh, présenté comme ça forcément, mon âme de paladin s'en est retrouvée toute chamboulée...

          Alors on est chez moi. Une piaule miteuse dans une taverne parmi les moins côtés de la ville. Pas classe je sais mais en arrivant sur Manshon, j'étais sans un rond en poche ou presque; ceci explique cela. Maintenant ça va mieux. Enfin, ça allait mieux avant que Butch Cassidy et ses copains ne décident de s'en prendre au repère de Don Garcilio, cela va sans dire.

          Alors on est chez moi et le copain Butch m'avoine copieusement la citrouille. Pas fameux, encore que ça pourrait être pire. Ça peut toujours être pire. J'crois bien.


          ...

          C'est donc de là que vous viennent ces contusions au visage...

          Je tâte mon visage encore endolori en plusieurs points et lance presque fataliste.

          Hé oui, une énigme en moins à résoudre, pas vrai Colonel ?

          Remarquez, vous avez eu de la chance dans votre malheur. On en a retrouvé mort pour moins que ça.

          Mon infortune ne coupe pas l'appétit de Holmes, bien au contraire. Son coup de fourchette se fait toujours plus farouche à mesure que l'histoire avance. Il sent le mystère qui entoure cette affaire se percer peu à peu, attisant sa curiosité naturelle. Mais je ne peux lui donner tort, mon sort aurait pu être bien plus funeste ce soir-là.

          Pas trop déçu, j'espère ? C'est grâce à ce heureux coup du sort que je peux vous racontez dans le détail cette histoire aujourd'hui...

          La suite, mon garçon, la suite...

          C'est qu'il serait presque impatient avec ça.

          Oh, bien, m'sieur...

          ...

          Je me réveille, la gueule comme un pot. L'autre a frappé suffisamment fort et souvent pour me foutre Knock Out. Je suis où maintenant ? Il fait sombre. Très sombre. J'y vois rien. J'ai mal. Pas la place de bouger, ici, y'a des murs de part et d'autre de moi. Le plancher craque. Y'a d'autres bruits non loin. Des bruits de combat. Flippant. Trop de questions, pas assez de force. Et je me sens déjà replonger...

          Merde, j'ai repiqué un somme. Comme si j'avais le temps. Ce coup-ci, on tourne pas de l'œil comme une danseuse. Ça joue du tambour dans ma caboche, mais c'est pas grave. Ça prouve que je suis vivant. J'ai encore quelque chose à faire, moi. Tirer la petite de ce guêpier. Alors d'abord, sortir de cette boite. Du nerf. Par où j'commence ?

          Mon cerveau reprend du service. Il m'apporte une première réponse. Y'a pas trente-six solutions, ma chambre a rien du palace royal. Je suis enfermé dans l'armoire. Ma vue s'adapte à l'obscurité. Je n'aperçois qu'un pâle halo de lumière sur fond d'encre, par l'entrebaillement de la porte. La lune. Il fait toujours nuit, je n'ai pas perdu trop de temps. Parfait. Je dois...


          Boom.

          Boom ? Caractéristique, ça. Je reconnais facilement le bruit, on m'a joué une partition complète de cette gamme là pas plus tard que tout à l'heure. Ce son, c'est celui de cinq doigts refermés en un poing qui s'écrase gentiment sur une gueule. Ringo ? S'il s'en est pris à Flaca, ça va...

          ...la mémoire te revient ?

          Non. Une voix féminine. Celle-là aussi, je la reconnais. C'est la brouilleuse de cartes. Celle qui fausse la donne et vous ôte tout le bénéfice de votre travail de sape au moment crucial. C'était ça le bruit, tout à l'heure, elle a encore mis le grappin sur sa cible. Elle se démerde bien. Mieux que moi, même. Bah, on s'en fout un peu. L'important est ailleurs. Sortir, puis aviser. En savoir plus sur les intentions de l'inconnue. Aviser, là encore. Mais pour le moment, impossible de me débarrasser de mes liens. Et eux, ils parlent, alors je tends l'oreille.

          Navré, plus tu me cognes, plus ms souvenirs s'évaporent ma belle.

          Soit, si tu t'entêtes. Monsieur Almegro m'a chargée de retrouver sa fille et d'offrir la tête de son ravisseur à Don Garcilio en signe de paix. Je peux toujours remplir une part de mon contrat.

          Un bruit, léger. Comme une lame que l'on sort de son étui. Ringo risque de passer un sale quart d'heure si la miss met sa menace à exécution. Mais il ne semble pas perdre son calme pour autant.

          Hin, intéressant, tu bosses pour Don Almegro. Bon à savoir...mais j'en reste pas moins incapable de me rappeler où est passée cette fichue gosse. C'est vivace, à c't'âge là aussi, pas ma faute...

          Tant pis, tu scelles ton propre sort, l'ami.

          Merde, elle va tout bonnement lui trancher la ...

          Laissez donc la tête de notre "ami" là où elle se trouve. Et retournez vous lentement, mains sur la tête.

          Qu'est ce que ... ??

          Impossible. Cette voix, c'est ... ?

          ...

          Comment !? Comment est-ce possible ?

          Holmes en a bondi de sa chaise. Il vit l'histoire, littéralement. Et si les morceaux se recollent petit à petit, il n'en revient toujours pas.

          Oui, mon Colonel ?

          Cet homme, qui vient de faire irruption, c'est bien ... ?

          Il n'ose y croire, et pourtant.

          Comme vous l'avez deviné, Colonel. C'était Don Garcilio lui-même. Vous aviez intuité qu'il accompagnerait ses hommes chez Don Almegro, mais eux n'étaient mené que par son second, Mik la Poigne.

          Mais par quel miracle a t-il su où se trouvait sa fille ?

          Haha, c'est curieux, n'est ce pas ? Prodigieux, même... Vous vous souvenez de Nancy ?

          La serveuse ?

          Elle-même. Et bien, je n'étais pas le seul à mener ma petite enquête. Son frère, le risque-tout, Johnny la gaffe, était également sur le coup. Uniquement pour épater la galerie et essayer de soutirer une promotion à Don Garcilio, certes, mais peu importe les raisons. Il était sur le coup. Et il trainait au bon endroit au bon moment lorsque la fusillade en début de soirée avait éclaté. Alors, tout fier, le brave Johnny était parti répéter ce qu'il savait à Don Garcilio quand il surprit Ringo me forcer à lui offrir mon appartement. La suite, cousue de fil blanc; le vieux sage s'était rendu chez moi et avait attendu le moment propice pour intervenir dans la scène. La chasseuse de primes de Don Almegro n'ayant pu soutirer la localisation de Flaca à Ringo, celui-ci intervenait en personne.

          J'entends bien ce que vous me dites, cher ami, mais dans ce cas. Nous avions Ringo seul et à la merci des deux autres. Cette chasseuse de prime sans intention belliqueuses à l'encontre du businessman. Et lui savait désormais que Don Almegro n'avait pas commandité l'enlèvement.

          Holmes réfléchit un instant. On sent dans le ton de sa voix qu'il est presque agacé. Quelque chose lui échappe, et il n'aime pas ça.

          Don Garcilio touchait au but. Il allait libérer sa fille. Ringo serait arrêté, l'enfant sauvée, tout rentrerait dans l'ordre !

          L'officier s'emporte presque, exaspéré.

          Absolument, Colonel. Vous dites juste.

          Mais alors...

          Le marine suspend sa phrase. Son visage marque la plus grande incompréhension. Ses yeux me fixent comme si je détenais la connaissance absolue. Enfin, il pose sa question, trahissant toute son impuissance.

          ...comment avons nous pu en arriver à ce carnage ?
            Contraint d'assister sans pourvoir intervenir, je ne perds pas une miette de l'échange. Don Garcilio, Ringo, la chasseuse de primes. Réunis. À priori, tout devrait rentrer dans l'ordre très bientôt. Ne reste qu'un point à éclaircir, point que soulève la remaque de Don Garcilio.

            J'ignore quelle était votre intention en enlevant ma fille monsieur, mais force est de constater, vous avez échoué. Si vous consentez à me la remettre, peut-être aurez-vous la vie sauve.

            Ne me prenez pas pour plus bête que je ne suis, c'est de cette information que dépend ma vie à ce moment précis.

            Don Garcilio tient toujours en joue l'employée de Don Almegro, celle-ci n'a pour le moment pas fait mine d'intervenir. Elle n'aurait aucun intérêt à agir de toute façon.

            J'ignore aussi quelles méthodes a employées cette Dame pour vous soutirer l'information qui nous intéresse tous, mais j'ai des moyens plus que persuasifs à ma disposition pour obtenir gain de cause...

            Dans ce cas, je crains que vous n'ayez à en faire usage.

            Il en a une paire, et une belle.

            J'y viens. Mais avant cela...

            Sa main plonge dans sa poche. La belle ne peut retenir un petit mouvement de recul. Don Garcilio apaise ses craintes, ton rassurant, baissant même son arme qui la gardait en joue depuis tout à l'heure en garantissant ne lui vouloir aucun mal.

            Voyez ?

            Il ressort quelque chose de petit. Je suis incapable de distinguer ce que c'est exactement, vue brouillée par la sueur qui me perle le long du front et sur les yeux. De toute façon, je suis enfermé trop loin de l'action pour pouvoir tout discerner. Mais bien vite, la conversation me renseigne sur la nature de l'objet. Un Den Den Mushi.

            Qui appelez-vous ?

            Sa voix est toujours méfiante. Elle reste sur ses gardes, elle a raison. Dans ce genre de profession, il vaut mieux vérifier tout deux fois avant de baisser sa garde.

            Un instant je vous prie...

            Peuleu. Peuleu. Peul...Click.

            Allo ?

            Mik, c'est moi.

            Patron ?

            J'ai la situation en main. Tout est sous contrôle.

            Tout est sous contrôle, patron ?

            C'est ce que j'ai dit.

            Entendu. Clock.

            Notre affaire est close, Madame. Vous pouvez retourner auprès de votre employé, et lui assurer que notre différent est réglé.

            Aussi simplement que cela ?

            Aussi simplement que cela.

            Elle a une sensation étrange. Désagréable. Moi aussi. C'est facile. Trop facile. Mais Don Garcilio garde son sang-froid, se montre ouvertement serein. Cache t-il un atout dans sa manche ? Ou cherche t-il simplement à détendre l'atmosphère ?

            Des pas, prudents. On se déplace vers la porte de la chambre.

            Bien, je m'en vais vous laisser dans ce...

            BAOOM.

            Nom de ... ? Une explosion, terrible, dantesque. Qui ? Où ? Les trois se regardent, interdits. Le flingue de Don Garcilio pointe à nouveau vers la miss, dont le bras levé est prêt à lancer le couteau qu'il tient.

            Du calme. Restons calme...

            Peuleu. Peu....Click.

            Allo ???

            La voix de Don Garcilio monte dans les aigus. Il semblait imperturbable il y a une minute à peine, et le voilà à deux doigts d'imploser.

            Mik, qu'est ce qui se passe bordel ?

            C'est horrible, patron...Tout a sauté...

            À l'autre bout du fil, la terreur dans la voix de son second ne semble pas feinte le moins du monde.

            Comment ça tout a sauté ??

            Don Almegro...krrfrz...sa baraque...krrfrz...des ruines...Tuut.

            Allo ? Allo ???

            La connexion est perdue. Mais la nouvelle balaye tous les efforts consentis de part et d'autre pour régler pacifiquement cette affaire.

            Qu'est ce que cette mascarade ? Vous avez organisé un attentat chez Don Almegro ?

            Non, je vous assure ... restons calme... je...

            Vous voulez me tuer aussi peut-être ?!

            Ça va tourner au bain de sang. Je dois intervenir. C'est maintenant ou jamais. Je rassemble toute l'énergie qu'il me reste et vient percuter la porte du meuble pour la faire céder. Une fois. Ils hurlent. Deux fois. Ils se menacent. Trois f...

            Bang. Tchak. Bang.

            Le silence, trois secondes. Puis un bruit sourd. Un second. Et des pas saccadés. Je continue de cogner contre l'armoire, toujours plus violemment. Elle cède. Je m'écroule au beau milieu de la pièce. J'ai à peine le temps d'apercevoir un individu passer le pas de la porte, boitant bas, peut-être blessé. Ringo. Et devant moi, deux corps inertes. L'un dont s'échappe une flaque de sang depuis l'abdomen. La tueuse. L'autre, un coutelas fiché en plein cœur, Don Garcilio. Derrière lui, un petit Derringer encore fumant. Probablement une arme que Ringo avait caché sur lui, dans une botte ou une manche. Il a profité de l'inattendu pour s'enfuir, à nouveau.

            Je suis seul, ligoté au sol, avec pour seule compagnie deux cadavres encore chauds.

            Quelle merde...


            ...


            Le repas s'achève. Et le silence tombe. J'ai fini mon histoire.

            Alors, c'est comme ça, n'est ce pas ?

            Holmes semble dépité. On se passera de digestif. Leur goût en serait bien trop amer pour l'Officier. Des morts absurdes, et encore beaucoup de questions sans réponse.

            Le scénario serait presque risible si la fin n'était pas si macabre, je vous l'accorde.

            Et la fille, qui l'a sauvée ?

            Le jeune Johnny. Don Garcilio lui a dit de se tenir en retrait, mais il n'en a rien fait. Tête brûlée, comme toujours. Quand Ringo me foutait une avoinée dans ma propre piaule, il s'est glissé dans la chambre où il gardait la môme. Sans doute la chasseuse de prime a t-elle pu prendre Ringo par surprise quand celui-ci s'est rendu compte de la disparition de Flaca et s'est montré moins vigilant. La suite, vous la connaissez.

            Et l'explosion, dans ce cas ? Elle a coûté la vie à Don Almegro, ne l'oubliez pas. Elle a bien été commandité par Don Garcilio, vous ne pensez pas ?

            Le Marine cherche a tout prix à trouver une logique dans le massacre, mais je ne peux lui en offrir. Une dernière fois, je livre mes impressions en me levant à Holmes. Mais il en faudra bien plus pour le satisfaire.

            Je suis prêt à parier qu'il ne jouait pas la comédie, sa surprise était réelle. Et celle de Mik aussi.

            Mais vous étiez encore sonné, peut-être vous êtes vous trompé. Vous vous êtes sûrement trompé !

            J'ai ramassé ma veste accrochée au dossier de ma chaise, réajusté mes lunettes. Mon hôte me fixe encore, comme si la vérité allait enfin lui apparaitre ainsi.

            Je vous ai dit tout ce que je savais.

            Holmes s'avachit dans son fauteuil, bras ballants. Il est résigné.

            Adieu, Colonel.

            L'affaire est close, comme l'aurait dit Don Garcilio. L'étape à Manshon porte à sa fin. Je quitte sa demeure. Un dernier passage par ma piaule pour récupérer quelques effets personnels et je prends déjà la direction de la sortie de la ville.

            Spoiler:


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