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[FB 1615]Évasion, survie, résistance et fuite [FINI]


    La salle est froide et moche, c’est une cellule de taille moyenne, aux parois lisses et métalliques, éclairée de manière crue par une unique lumière. Hormis deux chaises et une table, la pièce est vide.
    Sur les deux chaises se trouvent deux hommes. L’un d’eux est nu et menotté à sa chaise, c’est la victime. L’autre est habillé et assis derrière la table, c’est le bourreau…

    -Je vais vous appeler numéro 17. Vu l’avenir de nos relations ce sera amplement suffisant…

    L’homme nu menotté sur la chaise en face de l’interrogateur ne répond pas, il a froid, son corps porte des marques de coups et des hématomes violacés plus ou moins anciens, il est concentré sur sa douleur et son silence…

    - Alors numéro 17 êtes vous disposé à coopérer ?

    La victime a passé le stade de la rébellion, il ne se débat plus, n’insulte plus son bourreau, ne dit plus rien, mais il n’est pas encore maté, son esprit résiste toujours…
    Sur un signe du bourreau un garde entre avec un seau qu’il jette sur l’homme attaché. C’est de l’eau, glaciale… L’homme réprime un frisson et un gémissement, mais ne dit rien. Se concentrant sur les gouttes qui tombent entre ces pieds. Ne rien sentir, ne rien faire, ne rien dire…
    Le garde n’a pas la patience du bourreau, il dégaine une matraque et frappe l’homme attaché. Au ventre d’abord. Puis au tibia. L’homme sursaute mais ne parle pas…

    - Ramenez-le en cellule, ça suffira pour l’instant.

    Le bourreau n’est pas pressé, au final, tout n’est qu’une question de temps. Et il a tout le temps qu’il veut…

    (...)


    -Alors ? Comment ça c’est passé ?
    Dans le couloir sombre ou sont installés les cellules, le moindre murmure résonne comme un cri. Entassé comme du bétail dans une cellule dépourvu de la moindre commodité, les quatre hommes font de la place au dernier arrivant. Il est trempé, grelotant, au bord de l’hypothermie… Alors les autres l’entourent, l’empêchant de toucher la pierre froide du sol et le couvrant du mieux qu’ils peuvent de leurs corps pour le réchauffer.
    -Il est gelé, il n’a rien dit..
    Articulant avec difficulté entre deux claquement de dents, le soldat Ran confirme « rien dit… »
    Dans le silence qui retombe sur la prison, le sergent Bara se rappelle…

    … Ils terminaient à peine leur dernière mission, ils c’est l’escouade d’élite numéro sept, mais entre eux ils s’appellent les tigres de Goa, l’ile dont ils sont tous originaires. Les caporaux Soap, Tao et Mika, le soldat de première classe Ran, et lui, le sergent Bara… Une mission accomplie avec brio, une de plus. Assurer la sécurité d’un type le temps de sa visite à Marijoa, un inconnu, agent du gouvernement ou plus haut…
    Tout s’est passé comme prévu, une semaine sur la brèche et trois jours de permissions en récompense. Et comme d’habitude ils sont allés fêter ça en groupe, puis se sont dispersés. C’est la qu’ils se font fait choper. Mika était tellement soul qu’ils ont du le cueillir dans son sommeil. Soap et Tao se sont fait choper par des types qui les attendaient planqués chez eux. Ran s’est fait surprendre et assommer par une bande de types masqués sur le chemin du retour. Pour Bara ça s’est passé pareil, avec en plus la satisfaction d’en avoir abimés plusieurs avant de se faire allonger… Maigre satisfaction… Pour ce que ça lui sert maintenant…

    Bara se secoue, penser aux erreurs passées ne sert à rien. Ce n’est pas comme ça qu’on gagne. Il est le sergent, il est responsable des quatre hommes de la cellule. Responsable. C’est à lui de les tirer de la avant qu’ils soient trop faibles pour le faire. Ou pire, que le bourreau les ait vaincu.

    Le bourreau connait son affaire, il veut savoir ce qu’a fait le type qu’ils ont escorté, ou il est allé. Qui il a vu. C’est surement un révolutionnaire. C’est pour ça qu’ils ne les torturent pas pour les faire parler. Enfin, pas vraiment…
    Bara sait ce que le bourreau cherche, il veut les briser, moralement, les broyer jusqu'à ce qu’ils ne soient plus que des épaves, des loques humaines frissonnantes de peur, incapables de résister ou de se battre. Bara sait que c’est possible, il l’a déjà vu.
    Alors il suit les étapes que le bourreau égrène avec soin. D’abord fragiliser le sujet. Le sujet, on ne dit jamais le nom du prisonnier, pour ne pas l’humaniser, c’est tellement plus facile de faire souffrir un numéro. D’abord s’attaquer au physique. Peu de nourritures, pas de lumières, ou au contraire trop. Pas d’habits et un froid glacial qui mine leur résistance et détruit leurs réserves. Quand ils veulent dormir des bruits les en empêchent, quand ils commencent à se réchauffer les gardes arrivent et les aspergent d’eau. Ils n’ont pas de toilettes et l’odeur qui émane du coin qu’ils ont choisi devient de plus en plus suffocante. De temps en temps les gardes viennent en chercher un et l’emmènent. Parfois le bourreau est la et pose des questions. Parfois non.
    Bara à du mal à se concentrer, il a faim, il a l’impression de ne pas avoir dormi depuis une semaine. Et les cotes qu’il s’est fêlé en se battant lui rendent chaque inspiration douloureuse. Il sait aussi que c’est encore plus dur pour les autres. Surtout pour le soldat Ran. Le plus jeune. Le plus faible.
    Et il sait que le bourreau l’a compris aussi. Alors que les autres n’ont pas bougé de la cellule, les gardes sont venus chercher Ran trois fois. Et malgré leurs efforts pour le protéger, malgré les rations qu’ils conservent pour lui et la chaleur qu’ils essayent de lui donner. Ran est en train de crever.
    Ran tousse encore, sortant Bara de ses pensées. Le pauvre gamin est malade, ses inspirations sont de plus en plus sifflantes et difficiles, et chacune de ses quintes de toux à l’air de lui déchirer les poumons comme un coup de couteau.
    Et Bara sait qu’il n’aura bientôt plus la force d’agir non plus…

    (...)


    -Alors numéro 17 êtes vous disposés à coopérer ?

    Le prisonnier numéro 17 ressemble à un zombi. Ses yeux sont caves, profondément enfoncés dans ses orbites, sa poitrine est creuse et couverte de chair de poule. Il a l’air à peine conscient. Il ouvre la bouche pour répondre mais une quinte de toux le secoue des pieds a la tête. Il crache du sang et de la bile. Et se tait.

    - Regardez-vous numéro 17, vous êtes en train de mourir…

    Le bourreau se lève et s’approche de Ran, lui saisissant le menton pour le regarder dans les yeux.

    -Vous allez mourir. Pour rien…Quel gâchis…
    Le bourreau repousse les cheveux de Ran en arrière, délicatement, presque une caresse.
    -Il vous suffit de me donner quelque chose pour être sauvé, n’importe quoi. Dites moi quelque chose sur l’homme que vous avez protégé ?  Quelque chose sans importance…Allons, dites moi quelque chose et je donnerai à manger à vos compagnons…

    Dans les yeux de Ran se lit la lutte qui se livre dans son esprit. Instinct de survie contre Devoir. La réponse était si simple jusqu'à maintenant. Le devoir avant tout. Mais maintenant Ran hésite. Il sait les privations que ses frères d’armes endurent à cause de lui, les douleurs et la faim supplémentaire qu’ils leur causent. Il pourrait les aider…

    -Il… Il s’appelait… Il s’appelait Red…
    -Vous voyez Ran, ce n’était pas si difficile… Grace à vous tout va aller mieux maintenant, vous verrez, je vais vous faire soigner… Et vos compagnons auront à manger…


    (...)

    Les soldats n’ont pas ramenés Ran dans la cellule. A la place ils ont apporté à manger. De la vrai nourriture, assez pour les quatre soldats. Et ils leur ont donné des fringues aussi. Des sortes de tenues grises aussi fines que du papier, moches et qui grattent, mais des fringues quand même. Personne n’habille le bétail, alors se retrouver de nouveau avec quelque chose sur le dos c’est un peu comme redevenir humain…
    Le problème évidemment, c’est qu’ils savent tous le pourquoi de ce changement de régime, parce qu’il ne peut y avoir qu’une seule raison. Si les gardes les traitent subitement moins durement c’est qu’ils n’en ont plus besoin. Et si ils n’en ont plus besoin c’est que Ran a parlé, c’est qu’il a trahi son serment et la marine. C’est qu’il les a trahi eux, ses frères d’armes.
    Le lendemain, ou peut être plus tard, on revient les chercher, les gardes leur offrent une sortie. On leur garrotte les pieds avec des barres de fer, puis on les enchaine les uns aux autres. Malgré leur état les gardes sont prudents, pas de failles, pas d’erreur. Quand ils sont attachés on les emmène lentement à travers un dédale de couloir jusqu'à l’extérieur. Ils se retrouvent dans une cour de terre battue, trois cotés de mur d’au moins deux mètre, le quatrième coté est une falaise surplombant la mer d’au moins cinquante mètres. Et même la les gardes ont mis un grillage, hors de question pour eux d’offrir une échappatoire quelconque aux prisonniers. Même dans la mort.
    Ran est la aussi. Il a l’air d’aller mieux, beaucoup mieux. Il est attaché aussi mais seulement les mains pour lui. Et il n’a pas de garde attitré. Juste un type qui le surveille depuis la porte.
    La façon dont il hésite en regardant son ancienne équipe est plus parlante que n’importe quel traitement.

    Alors quand il s’approche pour leur parler et qu’il s’excuse, quand il leur dit qu’il n’a pas eu le choix, qu’il était obligé, qu’il a fait ça pour eux… Tao détourne la tête. Mika crache par terre à ses pieds, et Soap, qui a toujours été le plus sanguin de la bande ne peut pas se retenir… Et quand Ran tombe à genou en pleurant il se jette sur lui, entrainant les quatre autres…
    Et puis les gardes arrivent avec leurs matraques, sortent Ran de la mêlée et tabassent méthodiquement les autres. De vrais professionnels, ils savent ou les coups font mal sans risquer d’incapaciter. Ils visent les bras, les épaules, le ventre. Ils évitent la tête qui peut causer problème, et les jambes pour ne pas avoir à trainer de prisonniers.  Et quand ils estiment la punition suffisante ils ramènent tout le monde en cellule. Et ils confisquent les fringues. Retour case départ.

    (...)


    Bara se lève discrètement et réveille les trois autres. C’est la nuit, il en est sur. Depuis que les gardes les ont virés de la cour il n’a pas cessé de compter dans sa tête, une seconde après l’autre, une minute après l’autre. Un vieux truc appris dans les commandos de marine pour les assauts nocturnes.
    Les trois autres sont debout sur le champ, le repas de la veille leur a fait du bien. Ils savent tous qu’il faut agir maintenant, pendant qu’ils ont l’avantage et qu’ils vont un peu mieux. Ils sont prés, ils sont confiant et prêt à tout, ils savent que Bara a un plan. Ils l'ont lu dans ses yeux. Et il a toujours su les sortir des situations difficiles…
    Quand Bara sort le passe partout bricolé de sa poche tout le monde à le sourire. Les braves idiots, ils doivent croire qu’il l’a piqué à un garde pendant la baston. Ou qu’il l’a fabriqué avec les barreaux de la cellule. La ferveur dans leurs yeux lui donne envie de chialer. Ils sont tellement sur que leur sergent est capable de tout, tellement sur qu’avec lui tout est possible…Peut être que cette fois ça marchera encore…
    Bara ouvre la porte de la cellule avec une rapidité d’expert. Au cours de sa carrière Il a eu plus que son tour de mise au fer à  fond de cales, et que ce soit des menottes ou des portes fermés, aucune serrure ne peut lui résister bien longtemps. Et ombres parmi les ombres, les quatre hommes se glissent les uns derrière les autres dans le couloir…

    Progressant en file indienne ils avancent silencieusement jusqu'au premier poste de garde. Par signe Bara distribue les ordres, et dés qu’ils sont prêts ils passent à l’action. Avec l’efficacité qui leur a valu d’être cité deux années de suite au tableau d’honneur, les quatre hommes font irruption dans la pièce, neutralisant et désarmant promptement les deux gardes qui y font relâche. En deux minutes les deux hommes sont proprement attachés et bâillonnés sur leur siège. Et Bara explique la suite…

    -Tao, Mika, prenez les clés et allez me chercher Ran.
    -Chercher Ran ? Mais… Il nous a vendu !
    -Bandes d’idiots… D’après vous, d’où je tiens le passe partout ?
    -Quoi c’est lui qui l’a fait ? Tu plaisantes ?
    -Ouais c’est lui, j’suis désolé les gars, je pouvais pas vous en parler avant, j’étais pas sur qu’ils nous écoutaient pas dans la cellule… Alors il a du leur faire croire qu’il était assez mal pour tout balancer…Et lâcher quelques infos bidons pour qu’ils lui lâchent un peu de lest…C’était risqué, mais c’était le seul moyen de se tirer de la…
    -Et la bagarre d’hier c’était pour…
    -Ouais, un coup monté pour qu’il me passe l’outil… Vous avez été parfait, mais je crois que vous pourrez plus l’appeler le bleu…

    Cinq minutes plus tard et l’équipe est à nouveau au complet, le temps manque pour des excuses dans les formes, alors on se contente d’une étreinte fraternelle avant de distribuer les armes et de passer à la suite…

    (...)


    Du poste de surveillance situé au sommet de la tour le bourreau surveillait le petit groupe courant vers les bateaux. Ils s’étaient sortis de la prison avec une rapidité remarquable, mais rien de surprenant pour une équipe de ce calibre. Après tout c’est précisément parce qu’ils faisaient partie des meilleurs qu’ils s’étaient retrouvés ici.

    -Le bateau est prêt monsieur, ils ont assez de vivres pour rallier sans problème la base navale.
    -Parfait, pas de pertes ?
    -Non monsieur nous avons fait attention...

    Le bourreau se souvenait de jeunes soldats qui lui avaient demandés une fois quelles étaient les qualités nécessaires à un agent du Cypher Pol . Ils avaient parlé de sa vitesse, de sa force, de sa précision et de son absence de pitié… Et ils avaient tout faux. Après tout, la marine était pleine de types puissants, le monde plein de tueurs tous plus dangereux les uns que les autres…
    Evidemment ces qualités n’étaient pas négligeables. Mais ils avaient omis de parler de la seule chose sur lequel le Cypher Pol ne pouvait pas transiger. La seule chose vraiment nécessaire pour travailler parmi les meilleurs agents du gouvernement. La seule…. Une loyauté totale et inconditionnelle...Ce genre de sens du devoir qu’on ne trouve que chez les meilleurs. Qu’on ne trouve que chez ceux qui sont prêts à mourir sans hésiter pour leurs idées. A coté de ça tout le reste n’a pas d’importance. Tout le reste s’apprend…




    Rapport de l’agent Red sur le test CP N°187

    Destination: Direction CP5

    Les éléments évalués ont réagis conformément à nos attentes. L’escouade d’élite numéro sept à subie avec succès les techniques d’interrogatoires que j’ai personnellement supervisés sans divulguer aucunes infos cruciales. Outre une résistance largement au delà des normes standards ils ont aussi mis sur pied une contre offensive tout à fait efficace et ont réussi à s’évader de la zone de test.

    Ils sont donc à mon avis tout à fait aptes à intégrer le Cypher Pol.

    Vous trouverez le déroulement détaillé du test en annexe.

    Red…