Posté Dim 18 Déc 2011 - 23:36 par Soren Lawblood
« Et le premier point de la partie est marqué par les Black Devils ! Ohlala mon cher Jean-Michel je sens que cette année ils ont soif de victoire !
- Tout à fait Thierry ! Il faut dire que leur flanqueur, Zimdine Zimdane, est tout simplement plus qu’en forme. Il serait capable de mettre un coup de boule à la balle, elle fuserait tout autant ! »
Le match avait commencé. Les spectateurs s’étaient tous massés au plus près du terrain, faisant fi des réglementations pourtant élémentaires. Tout ça pour un sport. La vie était si importante pourtant. Il fallait croire que la folie s’immisçait partout, même dans l’esprit d’innocents qui préféraient regarder une jolie balle plutôt que rester à l’écart d’un dangereux assassin.
Décidément Soren avait bien des soucis aujourd’hui. Les saignements s’étaient enfin arrêtés mais il avait déjà perdu beaucoup de fluide vital. Un costume si cher entaché ! Il ne s’en remettait pas. Les hommes sur place le conduisirent près du colonel Kuza. Qui n’était visiblement pas content :
« Incapable ! cracha-t-il. Je t’avais pourtant dit de le surveiller ! Regarde dans quel état tu as mis le stade. Et où est le Don ? Que lui est-il arrivé ? Si cette crapule est morte je t’assures que tu vas passer un sale quart d’heure.
- Nous nous disputerons plus tard colonel. Il y a plus urgent. Un homme, un criminel dangereux est toujours ici. »
A cet instant un soldat fit brusquement irruption dans la conversation :
« Colonel, commandant ! Nous avons capturé l’individu recherché.
- Vrai ? Qu’en avez-vous fait ? demanda le prêcheur.
- Il ne bougeait pas du tout, nous l’avons donc menotté et descendu près du quartier général souterrain.
- Bien soldat, il ne nous dérangera plus, se félicita le colonel véreux. »
Fini ? Bien au contraire, ils ne l’avaient pas attaché. Et même, l’attacher ne suffisait pas, il aurait fallu le rendre inconscient pour l’empêcher de nuire. Sitôt l’effet du poison dissipé il s’empresserait de faire un carnage avec son acolyte ténébreux. Et au sous-sol, c’était là où était entreposé l’argent ! Il n’y avait plus une minute à perdre :
« Colonel, prévenez la grande majorité de la sécurité, nous avons un meurtrier dans les sous sols. Il va pouvoir se mouvoir à nouveau, il faut l’arrêter avant qu’il ne fasse d’autres victimes. Il va sans doute essayer de s’enfuir avec l’argent. Nous devons le stopper ! Déployez vite des renforts ! »
Sans répondre aux questions hurlées par son supérieur, il quitta le bureau. Se déplacer était difficile, respirer tout autant. Il avait le goût caoutchouteux que peut avoir le sang se coagulant dans la bouche. Pas question de cracher cependant. Les sols n’avaient pas besoin d’être davantage salis.
En arrivant dans les sous-sols, escorté par un petit régiment, il trouva les résultats de son échec. De nouveaux pauvres militaires jonchaient le sol, les corps sans vie mutilés atrocement. Ce monstre ne s’était pas fait prier. En avançant il découvrit le Don. Enfin ce qu’il en restait. Un haut-le cœur lui souleva l’estomac. Cet homme serait tôt ou tard puni. Et le plus tôt serait le mieux.
Un des malheureux était encore vivant. Soren se pencha sur lui tendrement et lui demanda s’il savait où était parti son agresseur :
« Vers la salle… dit-il avec peine, vers la salle du trésor. Il… il veut l’argent. »
Toujours l’argent. Un moteur de folie, une source de malheur. Sur le moment il eut envie de brûler tous les billets de banque existants, de faire fondre chaque pièce d’or et de l’envoyer au plus profond de la terre, là où personne ne pourrait l’y toucher.
Ils avancèrent dans les tunnels. La tempe droite de Soren le lançait douloureusement, il était parfois proche de l’évanouissement. Même encerclé le malfaiteur restait hautement dangereux. Qu’allait bien pouvoir faire le commandant une fois retrouvé ? Il lui fallait un plan. Un plan pour immobiliser le pirate. Ou du moins le rendre aveugle, l’empêcher de donner des ordres à son familier démoniaque :
« Soldats, ordonna-t-il d’un ton qu’il s’efforçait de garder puissant et empreint d’autorité, je vais vous donner des instructions. Et vous allez les appliquer à la lettre. Je n’ai pas le temps de répondre à vos questions et j’en suis désolé, faites juste tout ce que je vais vous dire. »
Les militaires présents se turent et burent ses paroles avec un respect mêlé de crainte. Les couloirs défilaient et la cible était proche. Après avoir expliqué la suite des évènements, ils se positionnèrent près de la sortie que le malfrat emprunterait par précaution. Avoir demandé au garde survivant s’il existait une autre sortie allait peut être se retourner contre lui.
Peu après il arriva.
Le brigand avait trouvé ce qu’il cherchait. Un gros sac plein d’or il repartait, son garde du corps fantomatique faisant office de protecteur.
Au détour d’un couloir il ne restait plus qu’une large allée à traverser pour quitter les souterrains.
Soudain un vacarme de pétarades emplit les lieux. De la dynamite, placée stratégiquement et en quantité maîtrisée, explosait en endommageant les murs. Là n’était pas l’important. L’essentiel était qu’une épaisse couche de fumée, poussière due à l’explosion, réduisait à présent toute visibilité. La route située derrière le fuyard avait été également piégée et un tas de gravats empêchait tout retour en arrière. Il était condamné à avancer sans rien voir, à la merci des balles des soldats qui ne se faisaient pas prier pour venger leurs camarades.
Pendant une minute, les projectiles fusèrent. Sans s’interrompre. Le plan de Soren était sans faille. Enfin presque. Il savait que le créature pouvait protéger le criminel. Il savait que tout ceci ne serait peut être pas suffisant. Cependant il fallait essayer de le blesser le plus possible afin de ralentir son échappée et de l’empêcher de raisonner convenablement :
« Cessez le feu ! hurla le commandant. »
La fumée n’était toujours pas retombée, impossible de savoir s’il était encore vivant.
Le silence. Pendant deux à trois minutes, le couloir fut baigné d’un silence de mort. La tension était maximale, les nerfs mis à rude épreuve. Quand tout à coup le jeune soldat qui avait relevé plus tôt l’officier à terre n’y tint plus et avança, tout seul. Il était si fier, si beau dans son uniforme soigneusement repassé. Même Soren ne put l’arrêter. Il essaya bien sûr mais les mots s’étranglèrent dans sa gorge. Le temps sembla passer au ralenti, comme si ce jeune homme avait eu le pouvoir de figer tout ce qui l’entourait, comme s’il pouvait se mouvoir avec aisance dans un univers où tous les autres devaient produire un effort surhumain pour bouger une simple phalange. Il disparut dans le brouillard. On n’entendit alors que ses pas résonnant dans l’obscurité partielle.
Puis un coup de feu. Puis plus rien.
Puis le bruit d’une chose lourde qui tombe au sol. Une chose qui roula vers les marines encore en joue et qui s’immobilisa près d’eux, lentement. La tête du première classe venait de faire son dernier voyage.
Tout fut alors confus. La créature surgit de l’ombre en un éclair, envoyant voler au passage une demi-douzaine de soldats. Les rescapés tentaient de lui tirer dessus, sans aucun effet :
« Visez le pirate, pas la créature ! cria le fils Lawblood. Cherchez le pirate, c’est lui qu’il nous faut ! »
Mais le couloir était trop exiguë, la bête trop rapide et forte, les soldats tombaient comme des mouches et le meurtrier n’était toujours pas en vue.
Quand la place fut un peu plus dégagé il apparut enfin. Il était blessé ! Ses mouvements paraissaient plus lents et du sang suintait de son épaule et de sa bouche. Les marines restant ne le virent presque pas dans la cohue et le désordre qui s’était installé.
Il allait s’enfuir ! Son sac était toujours sur son dos, il allait réussir son coup !
Soren était trop loin. Trop loin et trop amoché pour espérer le rattraper. Une seule chose s’imposait à lui.
Il inspira une grande bouffée d’air, contracta ses muscles comme il le put et dégaina Argos avec force. Il allait devoir utiliser sa lame maudite. La lame qui lui donnerait la force nécessaire pour tenter un dernier coup d’éclat. Mais la lame qui lui sucerait l’énergie jusqu’à la dernière goutte comme un vampire suce le sang de ses victimes. Dans son état de faiblesse c’était une pure folie. Mais n’était-il pas en face d’un autre fou ?
Il sentit le pouvoir parcourir son corps, circuler dans ses veines comme un requin dans les profondeurs. Ses sens s’aiguisèrent, son corps cessa de le torturer momentanément. Le prix à payer serait immense, il le savait.
En rassemblant toute sa force il projeta sa dague en direction de l’inconnu qui avait déjà passé les lignes. Elle fila comme le vent, traversa la créature qui avait tenté de l’arrêter pour…se loger dans le sac et au passage la hanche de l’ennemi. Celui-ci poussa un cri, la lame, vidée de toute énergie, tomba au sol après avoir entaillé la chair et apposé sa marque sombre. Le sac, éventré, laissa son contenu se renverser sur le sol. L’homme garderait pour un bon moment, si ce n’était pour toujours, une belle cicatrice en bas de son dos. Les renforts n’allaient pas tarder, il ne put ramasser tout ce qui était répandu sur le sol. Il ne put conserver qu’une maigre part du butin. Petite consolation donc.
Soren lui, ne put dire ce qu’il se passa ensuite. Il tomba instantanément dans un léger coma. Le royaume des rêves était tellement plus doux.
Lorsqu’il rouvrit les yeux il se trouvait dans un grand lit. Il était recouvert de bandages et se demanda un moment s’il n’avait pas été momifié. En face de lui, une infirmière lui sourit d’un sourire qu’on adopte quand un malade dans une situation incertaine se réveille :
« Oh commandant, c’est une joie de vous voir ouvrir les yeux!
- Que, où est… parvint-il à peine à baragouiner, encore groggy.
- Vous avez eu de la chance, reprit la demoiselle. Un peu plus et vous seriez allé nourrir les vers sous la surface.
- Que s’est-il passé ? Combien de temps ais-je dormi ?
- Attendez un instant, un homme était chargé de vous surveiller je vais lui dire que vous êtes réveillé. »
Son corps le faisait encore souffrir mais il savait que le plus dur était derrière lui. Qu’était-il arrivé à son adversaire ? L’avait-on attrapé ?
Le lieutenant McLane rentra alors dans la pièce, un sourire railleur sur le visage :
« Ben dis donc t’as mauvaise mine ! Plus de deux jours que tu dors ! »
Il lui raconta la suite des évènements. Le pirate non identifié s’était bel et bien enfui. Il avait réussi à quitter le stade puis à se cacher dans la forêt avant de quitter l’île. De nombreuses victimes étaient à déplorer :
« Mais grâce à toi commandant, une grosse partie de la récompense a pu être récupérée. Ce gredin n’a pas eu tout ce qu’il désirait. »
Une bien mince consolation. Il n’avait pas réussi à l’arrêter et l’avait laissé tué de pauvres malheureux. Ce jour était un jour de honte :
« Enfin bref, le match s’est bien terminé et l’affaire ne sera pas trop ébruitée, reprit John. Si tu veux mon avis, ils ne veulent pas que le monde sache que quelqu’un peut s’introduire comme ça dans un lieu "hautement sécurisé". »
Il apprit même que le directeur des lieux le félicitait d’avoir gardé le butin presque intact. Bon nombre de marines prendraient exemple sur lui qu’il disait. Prendre exemple sur un perdant ? Il se souviendrait toute sa vie du visage de cet homme qu’il n’avait pas réussi à délivrer du mal. Son fardeau s’alourdissait encore un peu plus :
« Dernière chose commandant, il y a deux personnes qui ont insisté pour rester jusqu’à ton réveil. Apparemment tu leur a tapé dans l’œil. Faut croire que ça devient une habitude. »
Les deux délicieuses créatures qu’il avait fait entrer dans le stade deux jours plus tôt pénétrèrent dans la pièce, un petit sourire au coin des lèvres. La journée ne se finissait finalement pas si mal.