Deux semaines. Deux semaines qu’Alexander s’était effondré sur la chaise aux côtés d’Alheïri. Qu’il avait été conduit dans sa chambre et veillé nuit et jour par les médecins de la Marine. Ce qu’il avait fait était inconsidéré, avait-il mis sa vie en jeu ? Certainement, mais ce n’était pas un sacrifice, seulement un donc qu’il avait fait à son homologue Colonel. Le don de Dieu, la forme la plus pure de la force de sa foi. Il était médecin, fallait-il l’oublier ? Il ne travaillait pas avec de complexes mixtures ou médicaments élaborés, non. Il était le prédicateur de ses propres compétences. Ce fut un tendre rayon de Soleil qui le tira de son sommeil prolongé. Il ouvrit les yeux doucement, et cligna plusieurs fois des paupières. Il devait se réhabituer tranquillement. Il posa la main, hasardeux, sur la table de chevet et y trouve ses lunettes. Il les posa sur son nez et soupira. Il se sentait parfaitement revigoré. Un léger tiraillement dans le bras lui indiquait qu’on lui avait installé une perfusion, de même, ses blessures avaient été bandées. Il était comme neuf à présent. Sa faculté de récupération, alliée à la grâce du Protecteur, était incroyable. Il avait été au-delà de ses propres limites et il en payait le prix, mais à présent, tout allait pour le mieux. Enfin, presque. Le Prêtre releva son buste et fit glisser la couverture jusqu’à ses pieds. On avait eu au moins la décence de lui laisser ses chausses. Il arracha ses bandages et constata que ses blessures avaient du se rouvrir lorsqu’il avait pris soin de son homologue. Une fine cicatrice lui barrait le torse, ainsi que quelques autres traces d’estocs. Une découverte intéressante. Il lui avait insufflé l’énergie que son propre corps avait utilisé pour se régénérer. Enfin, énergie, c’était la Foi. Appuyant sur son artère, il ôta l’aiguille de la perfusion de son autre main, secouant la tête face à cette nouvelle médecine puis ouvrit les yeux. La lumière le fit moins souffrir qu’auparavant, mais elle suffit à le faire vaciller. Portant sa main à sa tempe, il se massa le crâne. Diantre. Voilà qui ressemblait fort à une gueule de bois, même si il n’avait jamais réellement eut l’occasion de tester la chose.
« Colonel ? » minauda une voix plaintive.
Alexander tourna la tête en direction de l’infirmière qui tenait un plateau emplie de seringues, bandes et attaches. Elle laissa tomber l’objet comme si elle venait de voir un revenant puis porta la main à sa bouche avant de se sauver par la porte grande ouverte. Le fils des océans secoua de nouveau la tête puis bascula ses jambes par-dessus son lit et posa doucement ses pieds par terre. La froideur du carrelage le fit frissonner, alors que la plante de ses pieds accueillait avec plaisir la terre ferme. Il essuya négligemment le sang qui perlait au niveau de la bouture de sa perfusion puis se saisit de sa bure qui était restée en l’état, pliée sur une chaise. Il la passa par-dessus ses épaules et avança tant bien que mal vers la fenêtre. Il la sentait à présent, cette odeur de renfermé, de mort. Comme si on l’avait mis là sans prétention à sa survie. Comme si ce n’était plus qu’une coquille vide. Comme si son esprit avait rejoint son Créateur. Il ouvrit en grand la fenêtre et fut pris de court par l’air frais qui vint lui fouetter le corps. Il frémit de plaisir et se laissa porter par les sons qui filtraient à présent jusqu’à lui. Le gazouillis des oiseaux, l’eau qui s’écoulait plus bas, dans un petit ruisseau. Et, au loin le ressac de la mer. Les mouettes qui piaillaient à qui mieux-mieux. Et cette odeur. L’embrun salé des océans. Il se sentait revivre. Peut-être était-ce vrai, après tout, vu la réaction de la jeune infirmière. Mais l’âme du Paladin n’était pas prête à passer de l’autre côté. Son Seigneur avait certainement du le renvoyer ici-bas, priant pour que sa mission continue et soit marquée par le succès. L’acte de sacrifice, qui pouvait vous ouvrir les plus belles portes du Paradis. Cette pensée fit sourire Alexander. Comme si ses portes lui étaient fermées. Non. Il ne fallait pas penser ainsi. Chaque geste au quotidien était un acte de Foi et de combat en l’honneur de Dieu, et pas pour sa propre âme. Sa propre âme était faite de lumière et baignée par la grâce du Seigneur, voilà tout. Voilà pourquoi il ne pouvait se permettre de douter.
Peu à peu, l’air frais du matin chassa l’odeur de la pièce. Le Prêtre se retourna alors et entreprit de ramasser ce que la jeune femme avait fait tomber, puis le posa sur la table. Il se dirigea ensuite vers les trois autres fenêtres de la salle et les ouvrit en grand. La poussière avait eu le temps de s’accumuler, ainsi qu’une dizaine de bouquets de fleurs fanées. L’avait-on vraiment laissé à la mort ? C’était dérangeant. Il espérait seulement que ses hommes ne se soient pas résignés aussi facilement. Quoi qu’il en soit, il leur avait demandé de retourner chez eux dès que possible. Ainsi, ils seraient libérés du fardeau que charriait le Paladin nuit et jour. Soudain, alors qu’il laissait son regard trainer dehors, des bruits de pas précipités firent écho dans les pièces voisines. Intrigué, Alexander releva la tête mais resta accoudé à la fenêtre. Une main glacée enserrait son cœur. Ou plutôt un sentiment de culpabilité et de honte. Il reconnaissait cette démarche, entre les autres. Il ne savait pas comment se comporter, se montrer joyeux ou repentissent. Il était rare qu’il ait pareille impression à l’encontre de quelqu’un, mais il était tout aussi rare qu’il fasse confiance et juge un homme méritant. Il prit alors son courage à deux mains, lui qui lui faisait défaut en cet instant précis alors qu’il n’hésitait pas avant de se lancer à l’attaque d’un monstre vingt fois plus gros que lui. Le Prêtre soupira et se retourna, l’air profondément accablé.
« Je m’excuse, mais je n’ai pas été totalement honnête, mon ami. » commença-t-il, avant que toute discussion ne se fasse.
Voilà, c’était dit. Et cela lui pesait beaucoup sur la conscience. N’était-ce pas un mensonge par omission ? Oui, c’était un péché. Mais quand aurait-il pu réellement lui en parler ? Le pirate avait coupé court à leur discussion, et s’en était suivi un échange de coups assez monumentaux. Non, il n’avait pas péché, mais cela lui était lourd à supporter. Il attendit avec humilité la remarque d’Alheïri.
« Colonel ? » minauda une voix plaintive.
Alexander tourna la tête en direction de l’infirmière qui tenait un plateau emplie de seringues, bandes et attaches. Elle laissa tomber l’objet comme si elle venait de voir un revenant puis porta la main à sa bouche avant de se sauver par la porte grande ouverte. Le fils des océans secoua de nouveau la tête puis bascula ses jambes par-dessus son lit et posa doucement ses pieds par terre. La froideur du carrelage le fit frissonner, alors que la plante de ses pieds accueillait avec plaisir la terre ferme. Il essuya négligemment le sang qui perlait au niveau de la bouture de sa perfusion puis se saisit de sa bure qui était restée en l’état, pliée sur une chaise. Il la passa par-dessus ses épaules et avança tant bien que mal vers la fenêtre. Il la sentait à présent, cette odeur de renfermé, de mort. Comme si on l’avait mis là sans prétention à sa survie. Comme si ce n’était plus qu’une coquille vide. Comme si son esprit avait rejoint son Créateur. Il ouvrit en grand la fenêtre et fut pris de court par l’air frais qui vint lui fouetter le corps. Il frémit de plaisir et se laissa porter par les sons qui filtraient à présent jusqu’à lui. Le gazouillis des oiseaux, l’eau qui s’écoulait plus bas, dans un petit ruisseau. Et, au loin le ressac de la mer. Les mouettes qui piaillaient à qui mieux-mieux. Et cette odeur. L’embrun salé des océans. Il se sentait revivre. Peut-être était-ce vrai, après tout, vu la réaction de la jeune infirmière. Mais l’âme du Paladin n’était pas prête à passer de l’autre côté. Son Seigneur avait certainement du le renvoyer ici-bas, priant pour que sa mission continue et soit marquée par le succès. L’acte de sacrifice, qui pouvait vous ouvrir les plus belles portes du Paradis. Cette pensée fit sourire Alexander. Comme si ses portes lui étaient fermées. Non. Il ne fallait pas penser ainsi. Chaque geste au quotidien était un acte de Foi et de combat en l’honneur de Dieu, et pas pour sa propre âme. Sa propre âme était faite de lumière et baignée par la grâce du Seigneur, voilà tout. Voilà pourquoi il ne pouvait se permettre de douter.
Peu à peu, l’air frais du matin chassa l’odeur de la pièce. Le Prêtre se retourna alors et entreprit de ramasser ce que la jeune femme avait fait tomber, puis le posa sur la table. Il se dirigea ensuite vers les trois autres fenêtres de la salle et les ouvrit en grand. La poussière avait eu le temps de s’accumuler, ainsi qu’une dizaine de bouquets de fleurs fanées. L’avait-on vraiment laissé à la mort ? C’était dérangeant. Il espérait seulement que ses hommes ne se soient pas résignés aussi facilement. Quoi qu’il en soit, il leur avait demandé de retourner chez eux dès que possible. Ainsi, ils seraient libérés du fardeau que charriait le Paladin nuit et jour. Soudain, alors qu’il laissait son regard trainer dehors, des bruits de pas précipités firent écho dans les pièces voisines. Intrigué, Alexander releva la tête mais resta accoudé à la fenêtre. Une main glacée enserrait son cœur. Ou plutôt un sentiment de culpabilité et de honte. Il reconnaissait cette démarche, entre les autres. Il ne savait pas comment se comporter, se montrer joyeux ou repentissent. Il était rare qu’il ait pareille impression à l’encontre de quelqu’un, mais il était tout aussi rare qu’il fasse confiance et juge un homme méritant. Il prit alors son courage à deux mains, lui qui lui faisait défaut en cet instant précis alors qu’il n’hésitait pas avant de se lancer à l’attaque d’un monstre vingt fois plus gros que lui. Le Prêtre soupira et se retourna, l’air profondément accablé.
« Je m’excuse, mais je n’ai pas été totalement honnête, mon ami. » commença-t-il, avant que toute discussion ne se fasse.
Voilà, c’était dit. Et cela lui pesait beaucoup sur la conscience. N’était-ce pas un mensonge par omission ? Oui, c’était un péché. Mais quand aurait-il pu réellement lui en parler ? Le pirate avait coupé court à leur discussion, et s’en était suivi un échange de coups assez monumentaux. Non, il n’avait pas péché, mais cela lui était lourd à supporter. Il attendit avec humilité la remarque d’Alheïri.