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[quête] In nomine patris. {PV : Alheïri S. Fenyang}

Deux semaines. Deux semaines qu’Alexander s’était effondré sur la chaise aux côtés d’Alheïri. Qu’il avait été conduit dans sa chambre et veillé nuit et jour par les médecins de la Marine. Ce qu’il avait fait était inconsidéré, avait-il mis sa vie en jeu ? Certainement, mais ce n’était pas un sacrifice, seulement un donc qu’il avait fait à son homologue Colonel. Le don de Dieu, la forme la plus pure de la force de sa foi. Il était médecin, fallait-il l’oublier ? Il ne travaillait pas avec de complexes mixtures ou médicaments élaborés, non. Il était le prédicateur de ses propres compétences. Ce fut un tendre rayon de Soleil qui le tira de son sommeil prolongé. Il ouvrit les yeux doucement, et cligna plusieurs fois des paupières. Il devait se réhabituer tranquillement. Il posa la main, hasardeux, sur la table de chevet et y trouve ses lunettes. Il les posa sur son nez et soupira. Il se sentait parfaitement revigoré. Un léger tiraillement dans le bras lui indiquait qu’on lui avait installé une perfusion, de même, ses blessures avaient été bandées. Il était comme neuf à présent. Sa faculté de récupération, alliée à la grâce du Protecteur, était incroyable. Il avait été au-delà de ses propres limites et il en payait le prix, mais à présent, tout allait pour le mieux. Enfin, presque. Le Prêtre releva son buste et fit glisser la couverture jusqu’à ses pieds. On avait eu au moins la décence de lui laisser ses chausses. Il arracha ses bandages et constata que ses blessures avaient du se rouvrir lorsqu’il avait pris soin de son homologue. Une fine cicatrice lui barrait le torse, ainsi que quelques autres traces d’estocs. Une découverte intéressante. Il lui avait insufflé l’énergie que son propre corps avait utilisé pour se régénérer. Enfin, énergie, c’était la Foi. Appuyant sur son artère, il ôta l’aiguille de la perfusion de son autre main, secouant la tête face à cette nouvelle médecine puis ouvrit les yeux. La lumière le fit moins souffrir qu’auparavant, mais elle suffit à le faire vaciller. Portant sa main à sa tempe, il se massa le crâne. Diantre. Voilà qui ressemblait fort à une gueule de bois, même si il n’avait jamais réellement eut l’occasion de tester la chose.

« Colonel ? » minauda une voix plaintive.

Alexander tourna la tête en direction de l’infirmière qui tenait un plateau emplie de seringues, bandes et attaches. Elle laissa tomber l’objet comme si elle venait de voir un revenant puis porta la main à sa bouche avant de se sauver par la porte grande ouverte. Le fils des océans secoua de nouveau la tête puis bascula ses jambes par-dessus son lit et posa doucement ses pieds par terre. La froideur du carrelage le fit frissonner, alors que la plante de ses pieds accueillait avec plaisir la terre ferme. Il essuya négligemment le sang qui perlait au niveau de la bouture de sa perfusion puis se saisit de sa bure qui était restée en l’état, pliée sur une chaise. Il la passa par-dessus ses épaules et avança tant bien que mal vers la fenêtre. Il la sentait à présent, cette odeur de renfermé, de mort. Comme si on l’avait mis là sans prétention à sa survie. Comme si ce n’était plus qu’une coquille vide. Comme si son esprit avait rejoint son Créateur. Il ouvrit en grand la fenêtre et fut pris de court par l’air frais qui vint lui fouetter le corps. Il frémit de plaisir et se laissa porter par les sons qui filtraient à présent jusqu’à lui. Le gazouillis des oiseaux, l’eau qui s’écoulait plus bas, dans un petit ruisseau. Et, au loin le ressac de la mer. Les mouettes qui piaillaient à qui mieux-mieux. Et cette odeur. L’embrun salé des océans. Il se sentait revivre. Peut-être était-ce vrai, après tout, vu la réaction de la jeune infirmière. Mais l’âme du Paladin n’était pas prête à passer de l’autre côté. Son Seigneur avait certainement du le renvoyer ici-bas, priant pour que sa mission continue et soit marquée par le succès. L’acte de sacrifice, qui pouvait vous ouvrir les plus belles portes du Paradis. Cette pensée fit sourire Alexander. Comme si ses portes lui étaient fermées. Non. Il ne fallait pas penser ainsi. Chaque geste au quotidien était un acte de Foi et de combat en l’honneur de Dieu, et pas pour sa propre âme. Sa propre âme était faite de lumière et baignée par la grâce du Seigneur, voilà tout. Voilà pourquoi il ne pouvait se permettre de douter.

Peu à peu, l’air frais du matin chassa l’odeur de la pièce. Le Prêtre se retourna alors et entreprit de ramasser ce que la jeune femme avait fait tomber, puis le posa sur la table. Il se dirigea ensuite vers les trois autres fenêtres de la salle et les ouvrit en grand. La poussière avait eu le temps de s’accumuler, ainsi qu’une dizaine de bouquets de fleurs fanées. L’avait-on vraiment laissé à la mort ? C’était dérangeant. Il espérait seulement que ses hommes ne se soient pas résignés aussi facilement. Quoi qu’il en soit, il leur avait demandé de retourner chez eux dès que possible. Ainsi, ils seraient libérés du fardeau que charriait le Paladin nuit et jour. Soudain, alors qu’il laissait son regard trainer dehors, des bruits de pas précipités firent écho dans les pièces voisines. Intrigué, Alexander releva la tête mais resta accoudé à la fenêtre. Une main glacée enserrait son cœur. Ou plutôt un sentiment de culpabilité et de honte. Il reconnaissait cette démarche, entre les autres. Il ne savait pas comment se comporter, se montrer joyeux ou repentissent. Il était rare qu’il ait pareille impression à l’encontre de quelqu’un, mais il était tout aussi rare qu’il fasse confiance et juge un homme méritant. Il prit alors son courage à deux mains, lui qui lui faisait défaut en cet instant précis alors qu’il n’hésitait pas avant de se lancer à l’attaque d’un monstre vingt fois plus gros que lui. Le Prêtre soupira et se retourna, l’air profondément accablé.


« Je m’excuse, mais je n’ai pas été totalement honnête, mon ami. »
commença-t-il, avant que toute discussion ne se fasse.

Voilà, c’était dit. Et cela lui pesait beaucoup sur la conscience. N’était-ce pas un mensonge par omission ? Oui, c’était un péché. Mais quand aurait-il pu réellement lui en parler ? Le pirate avait coupé court à leur discussion, et s’en était suivi un échange de coups assez monumentaux. Non, il n’avait pas péché, mais cela lui était lourd à supporter. Il attendit avec humilité la remarque d’Alheïri.
      Il ne me restait plus beaucoup de temps à Shell-Town. Plus beaucoup… L’amirauté avait décidé, après m’avoir arraché le projet pour le remettre à la division scientifique, de me confier le commandement du Léviathan qui était bientôt achevé. Autant dire que la nouvelle fut pour moi un gros choc. Quelle mouche avait piqué l’amiral en chef ? Rire ou pleurer ? Comment vraiment le prendre ? Je ne le savais trop pas. Je m’étais longtemps questionné sur cette décision que je n’avais même pas vu venir, mais je n’avais malheureusement pas trouvé de réponses. Deux semaines d’incertitudes, de gros doutes. Qu’est ce qui avait pu faire pencher la balance ? Aucune idée très franchement. Pendant un moment, j’eus une pensée pour mon vice-amiral de père, mais celui-ci me respectait trop pour intervenir en ma faveur. Me bâtir ma propre renommée avait été ma priorité chose qu’il eut à accepter depuis belle lurette. Les pistons ? Trop peu pour moi. Mon appréhension était due à deux aspects : La première était cette petite rancœur envers l’amirauté qui n’avait pas eu de scrupules à m’écarter du projet de construction. Il m’arriva de temps en temps de fouiner mon nez dans l’affaire mais sans plus… Le deuxième aspect était tout simplement mon attachement à cette île que je gouvernais depuis bientôt deux années… Pour un gros paresseux comme moi, autant dire que Shell-Town, c’était l’eldorado. J’bossais pépère, j’mangeais et buvais à ma guise, j’baisais comme un dingue… Bref, que de gros avantages que j’allais laisser derrière moi, comme ça, tout d’un coup. N’était-ce pas à chier ? Ouaip. D’une manière, c’était à chier. C’pas pour dire mais j’me voyais bien faire la moitié de ma carrière ici. Ce que j’aurais bien voulu d’une manière. Parce que ouais, Grand Line, c’était pas une mince affaire quand même. On y allait pas la fleur au fusil…

      Même si d’une autre part… Cette nouvelle annonçait de grands changements dans mon existence. Et pas des moindres. Dans cette vie là, faut savoir relativiser comme il faut et c’est ce que j’essayais de faire, n’ayant même pas la marge de contester une telle résolution. J’pensais avoir perdu les bonnes grâces de mes supérieurs durant un bon moment maintenant, mais à croire que non… Comme quoi, l’bon Dieu n’oubliait jamais ses enfants. Piloter le Léviathan et l’emmener au Q.G de la marine sur les mers du nouveau monde, c’est avoir la pleine confiance des hautes strates et plus même... On parlait quand même du navire personnel du Big Boss. Il est bien vrai que je demeurais paresseux quoi qu’il arrive… Ce qui était d’ailleurs mon principal défaut luxure mise à part, mais c’était pas non plus comme si j’avais chômé depuis ma promotion en tant que colonel émérite. Mon bilan parsemé de petites erreurs comme tout autre humain était quand même positif. Très positif même. Ce qu’avait du remarquer l’amiral Shiro, moi qui était l’un de ses petits protégés au point de me contacter via escargophone depuis son poste sur Grand Line. Je n’en étais pas peu fier quand même. Et au bout du compte, l’idée d’évolution me faisait penser à tout un tas de choses. Ça avait les senteurs d’un nouveau grade, d’un nouvel équipage, d’une nouvelle vie qui promettait d’être riche en rebondissements. Ce qui n’serait plutôt pas mal quand on y repensait. N’était-ce pas moi qui convoitais à un moment l’entrée dans la cour des grands ? N’était-ce pas moi qui voulais devenir contre-amiral après avoir plusieurs fois fait mes preuves dans les Blues ? Rentrer et faire partie de l’amirauté… Ouaip… Mes ambitions pas tellement démesurées étaient p’être en passe de se réaliser. Comme quoi, l’travail, ça paye ! J’avais donc bien fait de me mettre sérieusement à la tâche…

      • COLONEL !

      • Hmmmmmm ?

      Long soupir qui traduisait ma reconnexion à la planète Terre. La voix était lointaine mais elle se rapprocha avant que la porte de mon bureau ne soit ouverte à la volée. L’action fut tellement emplie de vigueur qu’elle fit trembler tous les objets de la grande pièce dans laquelle je me trouvais. Je grognais un instant avant de retirer mon masque de sommeil noir, était paisiblement allongé sur l’un de mes moelleux sofas. Une très belle infirmière (Une nouvelle sans doute) s’approcha de moi avant de balbutier et d’émettre un charabia incompréhensible. Je plissais mes yeux en la regardant bizarrement avant de bailler sans gêne, puis, je me redressais tranquillement avant de curer grassement l’une de mes narines d’un air un peu gauche. Ce n’est que lorsque j’entendis les mots « Colonel Alexander » que j’écarquillais mes yeux comme si on m’avait chauffé le cul au fer rouge. Je commençais à froisser mon visage en m’attendant au pire quand j’entendis une nouvelle fois un mot qui me mit sur la voie : « Réveillé ». Sur le coup, j’ébauchais un sourire et me levait ce qui força le silence de la jeune femme qui du arquer sa tête vers l’arrière pour pouvoir me dévisager, l’air intimidée. Ensuite, sans crier garde, j’ouvris grand mes bras avant de la prendre contre moi pour lui faire un gros câlin c’qui provoqua chez ma tendre victime, un violent rougissement. Celle-ci, pétrifiée, se contenta de profiter de mon élan de bonté avant de me regarder sortir quelques secondes plus tard comme une vraie bourrasque. J’bousculais les gens sur mon chemin sans m’en rendre compte et j’arrivais quelques instants plus tard en cuisine. Là, j’fis quoi ? Deux minutes… ? Ouais, c’est ça, deux minutes avant de ressortir comme une furie avec un plateau plein de victuailles. Et là encore, j’traversais rapidement les couloirs pendant trois bonnes minutes avant d’entrer dans la fatidique pièce ouverte…

      • Je m’excuse, mais je n’ai pas été totalement honnête, mon ami.

      Hein ? Qu’est ce qu’il me chante là ? Encore l’une de ses phrases paraboliques ? Autant ne pas trop chercher à comprendre pour le moment.

      • Mais oui, mais oui… Disais-je d’un ton dont on parle à un enfant.

      Foutaises ? Nop. Pas véritablement. J’voulais qu’il se revigore, qu’il reprenne des forces après avoir bouffé ce que je lui apportais et la discussion s’en suivrait après. Rien de compliqué en somme. Tranquillement, je refermais la porte à l’aide de mon pied gauche vu que mes mains étaient occupées à tenir le plateau (bourré de bonnes choses que le colonel semblait aimer d’après le cuisinier qui m’avait servi tout ça) et je vins poser ce dernier sur la chaise inoccupée qui était à côté de son lit. Je jetais un coup d’œil à l’étendue de la chambre et déplorait le manque de professionnalisme des techniciens de surface de la base qui aurait quand même pu venir donner un coup d’balai pendant son hospitalisation. J’remarquais aussi qu’il était comme moi sur un point au niveau médical : Il n’aimait pas les perfusions. Je m’autorisais un sourire avant de m’approcher de lui et de poser ma main droite sur l’une de ses épaules : « Merci encore une fois pour ton aide, Alexander... » Là, ma voix était plus égayée, plus sincère, mais ma main se resserra sur sa prise… « … Mais là, tu es convalescent et donc, c’est à moi de te remettre sur pied je pense. » Par le biais des talents de mes hommes que ce soit en matière de médecine ou de cuisine bien évidemment. Aussi avais-je posé ma deuxième sur son épaule de libre avant de le tirer quelque peu brutalement vers son lit où je l’installais. J’finis par m’emparer du plateau que je plaçais sur ses cuisses pour l’inciter à manger. Des jours sans bouffer, Alexander devait certainement avoir la dalle et quand bien même c’était l’dernier de ses soucis. Pis avec toutes ces odeurs alléchantes et la température du repas, il n’pouvait pas refuser : « Manges mon ami. Rien ne presse. On aura tout le loisir de parler. » Je m’approchais de la chaise à nouveau libre et je m’y installais tranquillement, avant de commencer la discuss’ naturellement.

      • Tes hommes attendaient impatiemment ton réveil. Faut dire qu’ils seront très contents de te revoir. Ils ont envahis la chapelle de la base depuis au moins un bon moment maintenant, sans doute pour prier pour ton prompt rétablissement. Et tu sais quoi ? Le Léviathan est presque prêt enfin ! Mais à ce propos d’ailleurs, je dois t’annoncer une nouvelle…
      La bonté du Colonel Fenyang n’était plus à prouver aux yeux d’Alexander, et c’était ce qui n’en rendait son calvaire que plus dur. Il inspira longuement avant de se laisser guider sur le lit, par la main inquisitrice de son homologue. Il avait comme un goût de cendres dans la bouche et ne pouvait penser à autre chose. Il regarda le plateau avec dépit, puis reporta son attention sur l’extérieur, se demandant ce qu’il était advenu au final de ses hommes et de son navire. Il avait bien peu d’espoirs concernant ce dernier, mais mieux valait ne pas trop s’appesantir sur la question. Et pour ses camarades tombés, ils étaient morts au combat, combattant au nom de Dieu. N’était-ce pas là la mort qu’ils désiraient tous, au fond ? En tout cas, s’ils marchaient sur ses traces, c’était ainsi qu’ils finiraient, à n’en pas douter. Alexander eu un soupir de dépit, consterné par la douleur engendrée par la présence de cette engeance maléfique. Son combat n’en était rendu que plus juste, mais il voyait là un signe envoyé par le Seigneur. Il ne pouvait combattre entouré par des gens d’un tel calibre, son combat était des plus singuliers, car il se devait d’agir seul contre vents et marées. Il était la figure de proue de l’Eglise, et ne pouvait se permettre d’emporter d’autres âmes pures dans son sillon de guerres et de vengeance. Il était le Paladin, l’Elu Divin et ne pouvait compter sur personne pour le suppléer dans cette tâche. Seuls les hommes d’exception pouvaient espérer s’en tirer indemne à ses côtés, et encore. Alheïri y avait presque laissé la vie, en plus d’avoir sauvé celle d’Alexander.

      Le Paladin posa une main inquisitrice sur le bras de son ami, et secoua la tête, l’air profondément contrit. De nouveau, il soupira, et ses épaules tremblèrent légèrement. C’était un lourd poids qu’il portait là, sur ses épaules, et malgré son passé de massacre et de purification, il restait toujours autant démuni face à l’aspect éclatant d’une âme pure. Il était né pour protéger ces personnes là du Mal en le combattant par sa propre détermination, et sa propre folie. Il connaissait l’étendue de son propre démon, mais il avait dompté sa part de ténèbres pour la tourner face à ses ennemis, au nom de Dieu. Ce n’était pas une source de fierté, que de sentir son cœur s’emballer à la perspective d’un combat épique ou d’une épreuve mettant à mal ses capacités. Il était né pour le combat, et par le combat. Il était le guerrier choisi de Dieu, voilà ce qui inspirait sa quête. Le Paladin poussa le plateau sur le côté, ignorant la faim qui lui tailladait le ventre. Il y avait des choses bien plus importantes que son repas. À commencer par la pénitence et le jeun en offrande pour ceux qui étaient tombés. Le Prêtre arrêta toute remarque dans la bouche de son ami d’un regard appuyé puis déglutit lentement.

      «
      Je me dois de jeuner en mémoire de mes amis tombés. Ne t’inquiète pas, je suis parfaitement remis, mon corps est prêt. Laisse moi m’occuper de mon âme à présent. » le coupa-t-il, presque acerbe.

      « Et je n’ai pas été honnête car je suis venu en second lieu pour te demander l’autorisation de fouiller les catacombes de Shell Town, afin d’y trouver la dernière trace que je cherche ardemment d’un manuscrit appelé ‘Codex Sinaïticus’. Je cherche le Cinquième Evangile, écrit par l’Iscariote lui-même, avant sa prétendue mort, mon ancêtre et le plus fidèle des apôtres, le Treizième. » poursuivit-il, plantant son regard océan dans le mur de pierres de sa salle de soins.

      De nouveau, Alexander déglutit. Il n’avait jamais révélé à personne qu’il était lui-même un des descendants des premiers hommes de Dieu, ni même qu’il l’avait découvert au cours de toutes ses pérégrinations. C’était un soir d’été, enfermé dans un des plus funestes cachots d’East Blue, où il avait retrouvé la trace des pirates qui avaient mis à sac la ville où il avait vu le jour. Le fameux pirate qui lui avait valu la médaille Hagyar qu’il portait fièrement sur sa poitrine, tant comme un symbole de vengeance que comme un signe de la force que Dieu lui prêtait. Et c’est ainsi qu’il avait pris la juste mesure du destin qui l’attendait et de la tâche qui lui incombait : retrouver le cinquième évangile, celui qui s’était perdu. Le seul qui était marqué de l’estampille de Dieu et qui avait le pouvoir de châtier le mal, et plus particulièrement les démons. La première arme qui s’était levé contre les détenteurs de ces fruits maudits, des milliers d’années auparavant, la première d’une longue lignée : la Sainte Bible.

      « C’est une quête personnelle que je dois accomplir là, et l’événement avec ce maudit pirate m’a bien appris quelque chose, je dois m’y consacrer seul, mes hommes ont assez souffert. Ainsi, je m’en vais les libérer de leur serment et mettre fin à leurs tourments, qu’ils puissent rentrer dans leurs familles et quitter le front en récompense de leurs efforts. » continua le Paladin, avec une légère hésitation dans la voix.

      Un profond chagrin lui nouait la gorge, en repensant à tous ceux qui étaient tombés et qui ne le méritaient pas. La dernière image qu’il conservait de William lui fit serrer les dents et décupla sa rage. Il n’y avait aucun répit possible, et il n’y en aurait aucun tant qu’il n’aurait pas trouvé ces écrits saints. Il en ferait sa ligne d’honneur et personne ne pourrait l’en détourner, du moins tant qu’il n’aurait pas mis la main dessus. Il savait que les épreuves qu’il aurait à affronter seraient dures, mais il s’y plierait avec mansuétude, comme toujours. Janphol Dheux était le dernier homme à avoir utilisé ce Codex Sinaïticus, et il était originaire de Shell Town, ainsi Alexander espérait au fond de lui qu’il repose au fond d’une crypte, paisible et le grimoire entre les mains, mais il n’avait jamais pu savoir ce qu’il était advenu de lui : toute trace s’arrêtait prématurément, comme s’il était mort trop jeune pour être révéré comme saint. Avait-il manié cette arme sanctifiée sur le front ? Avait-il sombré au milieu des ténèbres ? C’était à lui, le Paladin, d’élucider ce mystère, et appréhender ce genre d’objectif le laissait pantois, il était indubitablement un homme de terrain.

      « Mais, excuse moi. Tu voulais m’annoncer quelque chose, mon ami ? Du moins, si j’ai toujours ta confiance … »
      murmura-t-il, partagé entre la honte et la colère à l’encontre de sa propre insolence.
          Je m’étais tranquillement tu lorsqu’il m’avait coupé la parole. J’avais bien senti une certaine tension sur son faciès. Tension indéniable. Il semblait avoir beaucoup de choses à me dire et c’est bien évidemment que je lui prêtais cette fois là, une oreille très attentive. Certaines de ses phrases auraient du me décevoir en temps normal. J’ai bien dit en temps normal. Mais au fur et à mesure qu’il s’exprima, mon visage s’éclaircit et un sourire naquit sur mon visage. Sourire encore plus grand que le précédent. Pour un convalescent, il avait d’la parlotte en tout cas. Et ce point déjà, il m’faisait grandement plaisir. Ce qui prouvait réellement qu’il avait repris le poil de la bête. C’est vrai quoi… Fallait pas non plus qu’il crève, moi qui voulais apprendre à le connaitre un peu plus et partager des choses avec sa personne. Parce qu’en lui, j’avais vu un ami, un vrai. Non pas ces autres lèche-bottes de la marine qui se contentaient simplement des pistons pour se faire un nom au sein des rangs. J’aurais voulu qu’il entame un peu son repas, mais il semblait plus soucieux de se vider, de se confier à moi. J’eus même la nette impression que les rôles s’échangeaient. Il semblait bien que je devenais le pilier sur lequel Alexander se reposait et ce n’était pas pour me déplaire. Au moins, je sentais clairement que je pouvais lui rendre la pareille comme je l’avais souhaité.

          • Je peux bien comprendre que tu veuilles effectuer ta quête seul. Mais tu ne penses pas que tu tuerais toi-même le reste de ton équipage si jamais tu prenais la décision irrévocable de t’en détacher ? Je crois que s’ils t’ont suivis jusqu’à Shell-Town, c’est bien parce qu’ils partagent avec toi les mêmes convictions et conceptions de la justice. Ces gens aspirent à un monde meilleur. Ils croient en toi d’ailleurs. C’est sans doute ce qui les a poussés à te suivre. Quitte à en mourir s’il le faut. Si tu avais voulu éviter des morts, tu n’aurais pas du engager d’hommes à tes côtés. Ce sont maintenant tes disciples. Et en aucun cas, tu ne dois t’en séparer puisqu'ils portent toi leurs espoirs. La mort n’est pas une raison valable à mon sens. Et tu es très bien placé pour le savoir…

          N’étaient-ce pas les ecclésiastiques qui affirmaient à tout va : « Je suis prêt à mourir pour le nom du Seigneur Jésus. » ? N’étaient-ce pas eux qui reprenaient cette sainte phrase de l’apôtre Paul ? Ici, la situation était presque la même, d’autant plus qu’eux tous servaient fidèlement le Seigneur. Rien que pour ça, ils avaient tous mon respect. Tous. Sans aucune exception. Parce que oui, ces gens le méritaient, eux qui avaient défendu ma ville comme s’il s’agissait de la leur. Je trouvais dommage qu’Alexander puisse penser ainsi. Congédier ses hommes n’arrangerait rien à l’affaire. Bien au contraire même. Tous en seraient meurtris et lui y compris. De plus, cette façon de voir les choses n’honorait en aucun cas les âmes de leurs défunts camarades qui eux aussi, avaient lutté jusqu’à la mort pour défendre leur capitaine et faire de cette Terre, un monde meilleur et un havre de paix. Ils ne reposeraient surement pas en paix si l’équipage ne continuait pas l’objectif qu’ils s’étaient tous fixés au départ suite à une dissolution désolante. Je voulais lui faire entendre raison sur ce point car ses dires à ce propos ne m’avaient pas ravi. Peut être avait-il énoncé ces paroles sur le coup de la tristesse ? Peut être bien qu’il aurait lui-même comprit avec du recul que ce n’était point la bonne solution ? Toujours est-il que le Capitaine Alexander avait le dernier mot.

          • Concernant tes recherches, je n’y vois aucun inconvénient. Après des années passées sur cette île, je ne pensais pas qu’il y aurait de tels objets ici… M’enfin… Tu peux chercher tranquille. Mais étant donné qu’il s’agit de ma circonscription, je me dois de t’y accompagner. J’espère que cela ne te poseras pas problèmes, protocole oblige si tu vois ce que je veux dire…

          Protocole oblige ? Pouah… Le piètre mensonge qui me fit moi-même pouffer de rire par la suite. Je n’étais même pas convainquant sur la fin. Mais je me forçais à supposer qu’Alex ne m’en voudrait pas. D’une part, je disais un peu vrai. Il était de mon devoir d’assister n’importe quel gradé ou agent gouvernemental lorsque ces derniers recherchaient quelque chose en particulier sur l’île. Les recherches pouvaient partir de criminels primés aux simples objets dénués d’intérêt, en passant parfois même par des animaux. D’une autre part, il n’était pas question pour moi de le laisser partir seul. S’il ne voulait pas que ses hommes qu’ils croyaient toujours éprouvés l’accompagnent, moi, j’pouvais le faire. Un peu comme quand sa précieuse aide face à l’équipage de Bhorbhor. Le juste retour des choses qui signifiait qu’il n’avait pas perdu ma confiance et qu’il restait tout de même mon ami. D’autant plus qu’il avait titillé ma curiosité le bougre ! Bibles… Judas… Treizième… Mysticisme… Aventure… Rigolades… J’me sentais devenir comme avant là. Aussi croisais-je mes bras sur mon torse musclé, tout sourire ; même si à priori, nous n’avions pas les mêmes conceptions de sa quête. Alors que j’étais sur mon petit nuage, je me rappelais soudainement que je devais lui annoncer une nouvelle. J’avais complètement zappé la chose. Mais il n’était pas trop tard hein…

          • En fait, ce n’est pas une mais deux nouvelles que je dois t’annoncer. Plutôt bonnes en tout cas. La première, c’est que les hautes instances ont bien voulu t’accorder l’insigne honorifique de « capitaine ». Ça c’est décidé après l’envoi de mon rapport sur l’attaque que nous avions contrée quelques temps plus tôt. Tu vois… A force d’efforts, tu es parvenu à me devancer, disais-je d’une voix joyeuse et taquine. La deuxième concerne le Léviathan, repris-je d’un ton on ne peut plus serein. Il sera bientôt prêt. Prêt à prendre le large. Et l’amirauté m’a confié son commandement. Dans quelques mois, je quitte définitivement mon poste ici pour les eaux de Grand Line… Voilà. C’est à peu près tout. Maintenant mange, tu as besoin de force si tu vraiment récupérer l’objet de tes convoitises actuelles.
          Un léger sourire se dessina sur la face du Prêtre. Il ne s'attendait pas à ce qu'Alheiri comprenne ce qu'il ressentait vraiment, mais recevait néanmoins ses arguments. Il savait que ses hommes le suivraient jusqu'au plus profond des Enfers, raison pour laquelle il devait empêcher cela. Il y avais des quêtes que l'on menait pour la gloire de Dieu, et d'autres que l'on développait pour soi, quand bien même il s'agissait d'une mission divine. Et là, c'était une quête de taille, quelque chose qui mettraient à tous leur vie en danger et qui détruirait bon nombre de choses, il le sentait. C'était comme un appel irrésistible, l'envie insatiable de marcher vers la lumière, là où le tunnel se terminait. Mais il n'était alors question que de renaissance, de résurrection. De nouveau, ses pensées se perdirent dans l'océan des contemplations. Un rayon de soleil, la gazouillis d'un oiseau. Après tant de jours de ténèbres, il se retrouvait enfin aux commandes de son corps, et pourtant pas une seule seconde ne s'était écoulée dans son esprit. Son corps affaibli s'était montré capable de le porter, mais il sentait que depuis cette décharge de volonté, il reprenait peu à peu consistance. Si la perfusion ne le nourrissait pas en totalité, elle suffisait à compléter ses besoins énergétiques, et même après tant de temps alité, son corps n'avait pas paru souffrir de l'inaction. Sa musculature était toujours aussi finement ciselée, mais il apparaissait plus maigre, plus faible. Il n'en était rien, c'était comme concentrer sa hargne et sa force en une puissance encore plus démentielle. Il se sentait grandi depuis cette victoire, comme si le feu de ses camarades tombés avait alimenté son âme. C'était à la foi une joie de les savoir toujours avec lui, et une souffrance lourde à porter. Mais Alheiri avait raison en un sens : c'était leur choix, quoi qu'il lui en coûte. De ce fait, il acceptait un peu mieux ce constat, et se laissa même à soupirer longuement. Dieu faisait ses choix, et il ne lui était pas permis de les interpréter, seulement de les suivre.

          "Non. Car cette fois il ne s'agit pas d'une lutte pour la Vérité et contre le Mal. Il s'agit de la recherche d'un édit bien plus ancien que nous tous. Une arme capable de lutter contre le Démon, une arme qui m'est propre. Ce livre contient toute la sagesse qu'il m'est encore nécessaire de gagner pour remplir ma tâche, celle d'être en première ligne face aux forces du Malin. Et nul doute que ce dernier fera tout pour m'empêcher de récupérer ce trésor Divin, à commencer par frapper là où je suis le plus faible. À commencer par tuer ceux qui me sont proches. Ce ne sera pas une bataille, mais une course à la mort, et je ne veux pas impliquer les miens." lâcha-t-il d'un trait, les yeux plongés dans le lointain.

          Et il avait parfaitement raison en ce sens. Ses hommes n'accepteraient pas ce choix, ils se battraient contre. Mais ils s'y plieraient. Il savaient que leur leader ne baissait pas les bras si facilement, la mort n'était qu'une conséquence, pas une finalité. De ce fait, ils pourraient comprendre le handicap qu'ils lui confèreraient. Ce n'était pas de l'arrogance, mais une réalité, ses hommes, dans une telle situation, l'affaibliraient : il ne pouvait combattre sans regarder derrière lui. Il ne pouvait laisser dans son sillage les cadavres de ses frères et alors, dans cette périlleuse mission, il échouerait. Nulle erreur ne lui serait permise, c'était aussi limpide que le cristal. Il se passa une main lasse dans les cheveux, ébouriffant sa tignasse qui avait gagné en volume et en taille. De même, il possédait une impressionnante chaumine jaunâtre qui lui courait sur le visage. Il se risqua à un sourire, il fallait dire que le mensonge d'Alheiri n'était pas très élaboré, mais il se devait de lui concéder cette curiosité. Il en avait le droit, non pas le devoir. Alors de ce fait, Alexander ne pouvait que s'incliner devant la volonté du Colonel, lui qui s'était montré bien plus sagace que lui lors du combat. Et d'une puissance phénoménale, à n'en pas douter ! Il éluda le mensonge, le trouvant de bonne guerre. Après tout, il avait les mêmes pouvoirs que lui, ainsi il connaissait les règles qui en découlaient. D'autant plus qu'il possédait autant voir plus d'expérience que lui à ce poste ...

          "Ce ne sont pas des objets que je cherche, mais des indices, des rapports de décès ou autres. Un homme pieux a passé les derniers jours de sa vie ici, et je cherche l'oeuvre pour laquelle il a sacrifié sa vie. Mais soit, j'accepte que tu m'accompagne, je ne suis que ton hôte après tout. Nous ne serons pas trop de deux pour explorer un tel ... endroit."
          répondit-il, avec un demi sourire.

          Non pas qu'il cherchât à l'en dégoûter, mais il ne voulait pas lui mentir. C'était un véritable travail de prospection auquel il devrait se livrer. Pas d'échappatoires, toutes les quêtes ne commençaient pas dans la gloire et la lumière, il était de bon ton de se salir les mains dans la poussière, de s'abîmer les genoux à force de trimer. Un prêcheur se devait d'être à la fois érudit et guerrier, après tout. Surtout un Paladin tel que lui. Quant à la suite des événements, il fallait dire qu'Alexander ne s'y attendait pas le moins du monde. Il écarquilla les yeux devant la nouvelle, honoré que son geste se soit ainsi fait récompensé, mais aussitôt chagriné par la façon dont cela s'était passé. Il avait défendu une ville de son corps, certes, mais y avait laissé de nombreux amis chers. Il sourit tristement à Alheiri, mais ne le coupa pas, attendant la suite de son récit. Deux bonnes nouvelles avait-il dit. Et Alexander ne fut pas déçu. De nouveau, il écarquilla les yeux, mais cette fois, un large et franc sourire se dessina sur son visage. Il enserra la main de son homologue des deux siennes et hocha de la tête à plusieurs reprise.

          "Mes félicitations ! Voilà un honneur incroyable ! Je ne suis donc pas le seul à voir les qualités qui sont les siennes, mon ami ! Et l'honneur dont on me fait preuve me fait tout autant chaud au coeur. Merci à toi, car cela t'es grandement du. Mais avant tout, il nous faudra fêter tout cela, je donnerais bien une messe en ton honneur, mais je ne pense pas me tromper en disant que ce n'est pas ainsi que je te ferais le plus plaisir." murmura-t-il, en adressant un clin d'oeil à Alheiri, comme quoi même un Prêtre savait plaisanter.

          "Et je suis parfaitement rétabli. Merci de ta considération, mais je me contenterais de pain sec et d'eau, cela est nécessaire pour mon âme. Le jeun est une autre forme de méditation et de respect. Sans compter que ce sérum physiologique m'a déjà bien revigoré. Tu féliciteras le médecin qui a su trouver la formule adapté à mes besoins." continua Alexander, mettant involontairement en avant sa maîtrise des sciences médicinales.

          Il se leva et se saisit de sa bure qu'il passa par dessus son corps. La joie qui coulait dans ses veines avait fait disparaître ses réserves. Il se sentait parfaitement d'aplomb, si ce n'était encore quelques légers vertiges. Il boutonna son veston et resserra le col blanc. D'un geste, il enfila ses bottines et attrapa sa Bible en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Comme s'il venait de se lever après une longue nuit. Il offrit de nouveau un sourire à Alheiri, c'était décidément une journée faste en simagrées. Puis, d'un pas assuré, il se dirigea vers la porte avant de se retourner.

          "S'il ne te reste que quelques mois, nous ne devrions pas perdre de temps en paroles, et nous précipiter dehors pour faire voir à nos ouailles que le Bien finit toujours par triompher. Qu'ils nous voient, et sache que Dieu nous garde en son sein. Non ?" proposa-t-il, incapable de rester statique plus longtemps.