Holyday with ice

Y'a la dalle qui se fait sentir. C'est pas une faim pour un gigot de quinze kilos, mais bon, un ptit casse-croute passerait bien. Faut dire que l'après-midi est bien avancée et que de courir avec cette bande de gosses vaut pour la meilleure séance de fitness qu'il soit. C'est donc avec joie que Walters avisa une jeune vendeuse de glace.
Un sourire d'ange, des yeux d'emeraude, une longue chevelure de couleur terre glaise encadrant un menton se trahissant un léger dédoublement. Une vraie beauté émmergeant de cet univers plein de rouages et puant la graisse. Une vraie beauté offrant ses parfums à quiconque l'accostait. Le borgne tomba sous le charme. Il s'approcha, commanda des glaces pour les bambins et lui. Elle n'osait croiser son regard. Cette timidité lui plu. Il se pencha en avant, jusqu'à ce que sa bouche se trouve à côté de son oreille, pour lui demander son nom.
Sa voix douce, quelque peu enrouée par la peur de cet homme de la mer, de cet aventurier audacieux qui sur elle a bien voulu poser les yeux, prit son temps avant de se faire entendre.

"Eva. Eva Beaumary."

Et quel nom ! Quel nom rempli de promesses, rempli d'espoir ! Il n'en fallait pas plus pour que Walters Scott tombe sous son charme. Il plongea son regard dans celui de la glacière. Elle put sentir l'odeur des embruns envahir ses narines ainsi que les fragrances subtiles de iode, de transpiration, de poudre à canon et de fientes de mouette qui accompagnent ses hommes de la mer.

Sérieux, elle a du nez la gamine vous trouvez pas ? Ou alors une sacrée imagination pour renifler autant de choses là où elle ne sont pas. Sérieux, de mémoire d'homme, Walters ne c'est jamais fait chier dessus par un volatile.
Les gamins regardent les deux tourteraux tourteriser à leur guise, jusqu'à ce qu'Amy, trouvant la scène un peu chiante, vient tirer sur le pantalon de son père. Ce dernier, tiré de sa rêverie, pense enfin à présenter ses gosses. Eva est charmée, elle a elle aussi une fille de l'âge de la cadette. Son nom c'est Guerte. C'est moche. Pas d'chance hein.
Après une petite discussion, la maternelle propose à la clique Scott de se rendre chez elle afin que les enfants puissent faire connaissance. Certaine d'avoir affaire à des braves gens venus de l'océan, Eva le guide jusqu'à une coquette bicoque entourée d'un jardin où le gazon est parsemé de pissenlis. Elle leur ouvre, et allume une bougie pour éclairer l'intérieur. Très vite, les enfants vaquent à leurs occupations, et les adultes aux leurs.
La question du père de Guerte survient. L'homme reste souvent absent des semaines entières, trop prit par son emploi de docteur pour prendre soin de sa famille. Mais c'est pour la bonne cause, c'est pour les nourir et leur assurer un logis. Puis celle de la nuit qui ne tarde pas à survenir. Accueillante, l'hotesse propose à la petite famille de la passer dans sa chaumière.

Il ne rentrera pas ce soir. Ils ont tout leur temps.
    Au petit matin, après une bonne nuit de sommeil, Walters sorti de la petite maison, l'air heureux. Ses enfants étaient déjà partis, Guerte voulant leur montrer quelque chose. Les deux parents avaient passé une bonne partie de la matinée ensemble, profitant de la présence du borgne pour accomplir quelques travaux autours de la maison.
    Maintenant que le bosco se promenait seul dans les rues, il remarqua une série de détails quelque peu troublants. À commencer par la présence assez élevée d'escargo-caméra de surveillance sur les murs des maison. Ensuite, le nombre restreint de passants comparé à la veille. Peu de soldats également. En fait, la première personne qu'il croisa fut la jeune Guerte, qui lui demanda où était sa mère.

    "T'inquiètes, elle va bien. Elle est restée dans le jardin."

    La fillette, satisfaite de cette réponse, s'empressa de partir à la recherche de sa génitrice tandis que Walters se remémorait sa maxime. Après quelques minutes de marche supplémentaires, il croisa un groupe d'une vingtaine de soldats. Sans y faire plus attention que ça, il passa à côté d'eux. Leur chef l'interpella.

    "Monsieur Scott ? Veuillez m'excuser, je vous demanderais de bien vouloir nous suivre."

    Devant l'air étonné du pirate, le milicien crut bon de préciser:

    "Cela concerne vos enfant, monsieur."

    Tout de suite suspicieux, Walters voulu en savoir plus. Mais le soldat était radin en ce qui concerne ce genre de renseignements. Un de ses subordonné passa derrière le pirate pour lui poser une main sur l'épaule. Un premier avertissement fut donné. Les soldat priaient le borgne de les suivre de son propre chef, sinon ils devraient utiliser la force.
    Un second avertissement aurait été superflu, au vu de l'angle que formait dès à présent la main qui était posée sur l'épaule de Walt' avec l'avant bras auquel elle était rattachée.
    Tout de suite, une foule le canons de fusils et de pointes de sabre se braquèrent sur l'homme appréhendé. Il n'allait visiblement pas suivre les milicien de son propre chef. L'un après l'autre, ces derniers comprirent qu'il n'allait probablement pas les suivre du tout.
    Après quelques minutes de combat, les soldats étaient tous à terre. Le seul debout était leur capitaine. Enfin, debout, plaqué contre un mur, les chaussures suspendues à quelques centimètres du sol. Son visage était boursoufflé, et son corps couvert de blessure. Mais il était toujours conscient. Et ses dents étaient encore intactes.
    Le forçant à ouvrir sa mâchoire, Walters posa un pouce sur une canine.

    "Je t'ai déjà la posé la question, et t'as pas répondu. Du coup, j'vais me montrer un peu plus persuasif."

    -hurlement-

    "Tu vois le genre ? Alors maintenant tu me dis où sont mes gosses. Pas envie ?"

    -hurlement-

    "Voilà, t'as compris comment ça fonctionne. À toi maintenant.

    "Chi pa chu, ichétaient pas à notch kuché."

    -soupire-

    "ATCHEN ! Shi chétaient pas là ba, jdoij etch dans le labo."

    "Et il est où le labo ?"

    "Chpeu pas tji-hurlement


    "J'sais pas pourquoi, mais j'pense que les molaires vont faire bien plus mal."

    "Chte promè quchait pas-hurlement

    "J'te l'avais dit non ? Pas plus d'idée ? Tant pis. J'trouverai."

    Plusieurs dizaine de mètre sous terre, des hommes habillés de blouze blanche se consultaient en regardant des écrans de surveillance. Il y virent le pirate jeter le cadavre du capitaine à terre. Dès que Walters Scott quitta l'écran où la tentative d'arrestation c'était déroulée, l'image se coupa.
    Comme prévu, le plan A avait été un échec, il faudrait recourir au B.
      Trouver quelqu'un qui sait. Un type qui lui dira. Pas d'autres préoccupation en tête. Et s'il croise un autre membre de l'équipage tant mieux.
      Mais c'est vide. Les rues sont complétement désertes. C'est un putain de bled fantôme que le borgne parcours en ce moment. C'est assez flippant dans un sens: tout ce qui bouge, c'est les engins méchaniques qui trainent un peu partout, et il y en a quand même quelques uns faut dire. Ils font des petits cliquetis-toc avec des rythmes variés. Inquiétant. L'idée qui vient à l'esprit du borgne c'est de se mettre à courir dans tous les sens jusqu'à ce qu'il trouve quelqu'un. Un pauvre quelqu'un. Mais...
      PAPAAAAAA


      Au quart de tour, le pirate démarre dans la direction du cri de sa fille. Une ruelle sombre, une silhouette dans l'ombre qui fuit, et un père inquiet qui la course. Inquiet et énervé. Énervé et bien décidé à retourner toute cette île pour retrouver ses gamins. Autant dire que ça risque de faire du grabuge dans le coin. Mais le fuyard a l'avantage du terrain. Il sait ce qui l'attend à chaque tournant alors que Walters fait tomber toutes les poubelles qu'il croise. Le grabuge ça passe par foutre le bordel non ? Jusque là pas de soucis donc.

      En dessous, dans la salle aux écrans de surveillance, le type qui dirige les opérations fait un petit signe de tête. Passage à la suite du plan. On lui lâche un "bien monsieur Beaumary" avant de presser un bouton. Dans les maisons, dans la pierre et les briques, ou plutôt dans les espace entre celles-ci, des roues dentées s'activent. L'huile coule et une grille s'élève devant le pirate. Derrière aussi, au dessus pareil. Le voilà coincé dans une ruelle.

      Le métal est solide. Assez pour l'arrêter. Le borgne voit la silhouette disparaitre à droite et se décide. Les barreaux sont solides, mauvais, c'est visiblement étudié pour pas le laisser passer. Le mur de brique sur les côtés de la cage par contre, il s'en est déjà fait un pareil, sur Union John. Il a pas la chute cette fois-ci, mais sa force brute suffit. Dans la ruelle, y'a un trou en forme de Scott dans un mur. Une fois dans la maison, il avise les gens qui le regardent paniqué, se tourne à nonante degrés, et fonce. Avec la vitesse c'est plus facile. Le revoilà dans la rue, et la course poursuite continue.

      Les hommes en blanc s'attrappent le menton. Pourquoi ils ont décidé de ne pas l'attraper comme les autres déjà ? Ah oui, les drogues qu'Eva lui a donné n'ont pas eu d'effet. Son mari devra avoir une discussion avec elle à ce sujet. et au sujet du plaisir indécent qu'elle a prit à accomplir sa mission. Mais ça pouvait attendre. Héhé. Pour le moment, la priorité posée est d'arrêter ce taré. La cage n'avait pas fonctionné. Second piège: la trappe.

      Les rues s'enchainent et se ressemblent. Sur les toits par contre encore un truc nouveau. Des miliciens prennent leur poste et commencent de tirer sur le poursuivant, histoire d'assurer son avance au poursuivi plus que pour le descendre. C'est juste une gène. Walt' aggripe sa masse et fend une des parois supportant l'immeuble sur toute la longueur. Elle craque, ça penche et s'effondre.

      Les armes du pirate posent un problème. Une solution... Beaumary attrape un escargophone et donne quelques instructions avant de retrourner aux écrans. Il va bientôt arriver à l'endroit prévu, plus que quelques minutes et il serait à eux.

      Soudain, un bruit survient depuis le haut. Une corde qui fuse, qui se noue autours des armes et de la pelle du bosco. Un pro du lasso, ou du grappin plutôt, qui attendait là le désarme. Pas le temps de s'en charger, faut chopper l'autre type qui tient Amy. Le matériel c'est un détail qui sera réglé plus tard. Faut savoir poser ses priorités dans la vie.
      Quelques virages, gauche-droite-droite-gauche, et Walters voit enfin sa proie s'arrêter au fond d'un cul de sac. La silhouette se retourne, pas d'Amy. Pas grave, ce type doit surement avoir des dents à perdre. Le poursuivi lève un bras alors que le pirate continue de lui fonce dessus. Il lui tire un fuck, juste pour style, juste quand le sol se redresse devant le père en rogne. La pierre, c'est comme la brique, ça se pète, sans trop de soucis.
      Une fois de l'autre côté, le borgne revoit le kidnappeur supposé. Y'a plus de fuck. C'est un autre doigt qu'est tendu cette fois. Un index. Vers le bas. Vers le sol. Qu'est plus là.

      Walters Scott tombe. Le piège a fonctionné.