Ils se retrouvent, à nouveau. De part et d'autre de la table de réunion. Les médiateurs. Vieux amis, meilleurs ennemis. Chacun d'eux est le bras droit du parrain de sa famille. Ils servent des intérêts différents pourtant, au fil du temps et des entrevues, ils ont appris à se connaitre. À passer outre leurs positions respectives pour découvrir l'homme derrière la fonction. Un profond respect lie ces deux hommes au code de la mafia chevillé au corps. Tous deux sont dotés d'une même sagesse, d'une même clairvoyance qui les rend si précieux pour leur clan. Dans le passé, maintes fois, ils ont réussi à éviter le pire; à dissiper les tensions naissantes en désamorçant des situations explosives, à éviter les litiges ou apaiser les velléités d'invasion des uns et des autres. Bien avant ça, ils avaient fait leur classe. Sobrement. Avec brio. Toujours. Leurs performances leur ont valu de gravir les échelons d'une même foulée, comme unis par un caprice du destin. À eux deux, ils comptabilisent pas loin d'un siècle d'expérience dans le métier. Sur leur visage, cependant, pas la moindre trace d'arrogance, ou de fierté. Ils n'en retirent aucune. Toute leur vie, ils l'ont vouée à leur famille. Elle passe avant toute autre chose. C'est la règle.
Aujourd'hui encore, le devoir les réunit. La trêve établie entre leurs deux familles est fragilisée par un incident majeur. Le vol d'une cargaison de marchandises. Et c'est à eux qu'il incombe de trouver un accord pour éviter un bain de sang qui assouvirait la soif de violence des plus belliqueux. Leur rencontre exceptionnelle se passe de cadre solennel. Ils se connaissent trop pour s'attarder sur de si menus détails. Le lieu des négociations, un vieil entrepôt désaffecté, en périphérie de ville, dont personne ne se soucie plus depuis des années. L'endroit est vétuste, le sol de simple ciment recouvert d'un épais drap de poussière; la seule table encore digne de ce nom est bancale, la plupart des chaises estropiées et hors d'usage. L'un jette son dévolu sur un vieux tabouret, l'autre sur une caisse de bois renversée. Les voilà attablés. Personne n'a encore soufflé mot. Ceux qui les accompagnent gardent le silence, tous tenus par un respect des rangs. Une minute durant, la situation se fige. De l'extérieur, personne ne soupçonnerait que va se tramer une discussion à l'enjeu capital entre ces quatre murs branlants.
Enfin, un sourire se dessine sur les traits de l'un. Le plaignant. Les soixante ans passés mais toujours plus charismatique avec l'âge, moustache et bouc blancs soigneusement entretenus, il émane de lui une force, une assurance intangible. Il incline légèrement la tête sur un côté, tire sur son cigare sans hâte puis avance une main ouverte devant lui, dans un geste rendu habituel par la fréquence de ces rencontres de l'ombre avec son interlocuteur, où sont scellée la vie de dizaines d'hommes à chaque fois.
Don'.
Wayne.
Nos petites discussions commençaient à me manquer.
Une touche de bonne humeur, sans sarcasme. Donald Akaga le sait. Il la goûte pour ce qu'elle est, mais ne sourit pas pour autant. Très tôt, on lui a inculqué le contrôle de ses émotions. Témoignage de politesse, symbole de sagesse. Cette sagesse, c'est savoir prendre le recul nécessaire sur chaque situation pour mieux l'analyser. Un mode de pensée qu'il respecte au quotidien pour mieux faire valoir ses bienfaits lorsque l'exige le contexte. Tout en lui, de sa gestuelle souple et lente à ses traits relâchés, véhicule cet apaisement de l'esprit qu'il cultive.
Elles ne sauraient souffrir de trop longues interruptions. La paix est éternellement menacée.
Mah, tu sais ce que c'est. On travaille pour faire en sorte que les patrons retirent la gloire sans avoir à en payer le prix. Jusqu'ici, ça réussit pas trop mal.
Souhaitons que ça dure.
Bon. On règle notre affaire ?
Il le faut bien.
Don' lève une main, fait signe à ceux de ses hommes restés en retrait d'approcher. Ils sont trois. Les deux premiers retenus et conduits à niveau d'épaule à la fois par le troisième, qui les amène devant la table, à mi-chemin entre les deux négociateurs. Puis, il s'efface pour revenir se positionner derrière son employeur. Les deux autres, âgés d'une vingtaine d'années à peine, attendent, debout, visage anxieux, devant leurs aînés.
Merci Rik. Voici les coupables, Wayne. Fixe tes conditions.
Wayne n'émet pas la moindre objection. Si son alter-égo assure que ces deux gamins sont les voleurs, alors c'est le cas. La véracité de son affirmation ne saurait être remise en question. Sobrement, il acquiesce d'un petit hochement de tête, passe la main dans ses favoris, où semblent se dessiner les contours d'un sourire. Le drame d'une vendetta encore une fois sera bouté au loin. Grâce à eux.
Il se lève. Marque un temps d'arrêt, poings fermés posés contre la table, tête plantée dans le sol, comme songeur. Puis lance un œil noir, perçant sur les deux malheureux auteurs du larçin. Un œil affûté comme la plus aiguisée des lames. Qui sonde l'âme, la blesse.
Alors, c'est vous ? Les fous qui ont cru dérober la Famille Amora ?
Aujourd'hui encore, le devoir les réunit. La trêve établie entre leurs deux familles est fragilisée par un incident majeur. Le vol d'une cargaison de marchandises. Et c'est à eux qu'il incombe de trouver un accord pour éviter un bain de sang qui assouvirait la soif de violence des plus belliqueux. Leur rencontre exceptionnelle se passe de cadre solennel. Ils se connaissent trop pour s'attarder sur de si menus détails. Le lieu des négociations, un vieil entrepôt désaffecté, en périphérie de ville, dont personne ne se soucie plus depuis des années. L'endroit est vétuste, le sol de simple ciment recouvert d'un épais drap de poussière; la seule table encore digne de ce nom est bancale, la plupart des chaises estropiées et hors d'usage. L'un jette son dévolu sur un vieux tabouret, l'autre sur une caisse de bois renversée. Les voilà attablés. Personne n'a encore soufflé mot. Ceux qui les accompagnent gardent le silence, tous tenus par un respect des rangs. Une minute durant, la situation se fige. De l'extérieur, personne ne soupçonnerait que va se tramer une discussion à l'enjeu capital entre ces quatre murs branlants.
Enfin, un sourire se dessine sur les traits de l'un. Le plaignant. Les soixante ans passés mais toujours plus charismatique avec l'âge, moustache et bouc blancs soigneusement entretenus, il émane de lui une force, une assurance intangible. Il incline légèrement la tête sur un côté, tire sur son cigare sans hâte puis avance une main ouverte devant lui, dans un geste rendu habituel par la fréquence de ces rencontres de l'ombre avec son interlocuteur, où sont scellée la vie de dizaines d'hommes à chaque fois.
Don'.
Wayne.
Nos petites discussions commençaient à me manquer.
Une touche de bonne humeur, sans sarcasme. Donald Akaga le sait. Il la goûte pour ce qu'elle est, mais ne sourit pas pour autant. Très tôt, on lui a inculqué le contrôle de ses émotions. Témoignage de politesse, symbole de sagesse. Cette sagesse, c'est savoir prendre le recul nécessaire sur chaque situation pour mieux l'analyser. Un mode de pensée qu'il respecte au quotidien pour mieux faire valoir ses bienfaits lorsque l'exige le contexte. Tout en lui, de sa gestuelle souple et lente à ses traits relâchés, véhicule cet apaisement de l'esprit qu'il cultive.
Elles ne sauraient souffrir de trop longues interruptions. La paix est éternellement menacée.
Mah, tu sais ce que c'est. On travaille pour faire en sorte que les patrons retirent la gloire sans avoir à en payer le prix. Jusqu'ici, ça réussit pas trop mal.
Souhaitons que ça dure.
Bon. On règle notre affaire ?
Il le faut bien.
Don' lève une main, fait signe à ceux de ses hommes restés en retrait d'approcher. Ils sont trois. Les deux premiers retenus et conduits à niveau d'épaule à la fois par le troisième, qui les amène devant la table, à mi-chemin entre les deux négociateurs. Puis, il s'efface pour revenir se positionner derrière son employeur. Les deux autres, âgés d'une vingtaine d'années à peine, attendent, debout, visage anxieux, devant leurs aînés.
Merci Rik. Voici les coupables, Wayne. Fixe tes conditions.
Wayne n'émet pas la moindre objection. Si son alter-égo assure que ces deux gamins sont les voleurs, alors c'est le cas. La véracité de son affirmation ne saurait être remise en question. Sobrement, il acquiesce d'un petit hochement de tête, passe la main dans ses favoris, où semblent se dessiner les contours d'un sourire. Le drame d'une vendetta encore une fois sera bouté au loin. Grâce à eux.
Il se lève. Marque un temps d'arrêt, poings fermés posés contre la table, tête plantée dans le sol, comme songeur. Puis lance un œil noir, perçant sur les deux malheureux auteurs du larçin. Un œil affûté comme la plus aiguisée des lames. Qui sonde l'âme, la blesse.
Alors, c'est vous ? Les fous qui ont cru dérober la Famille Amora ?
Dernière édition par Rik Achilia le Lun 21 Jan 2013 - 20:04, édité 1 fois