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Le vague Adam [OneShot 162X]

Phrase d’accroche. Phase d’accroche.

Un paysage de rêve qui se dévoile sous un soleil levant. La tiédeur de la nuit qui fait place à la fraîcheur de l’aube venue avec sa bise aux dix frissons. Une plaine, des cailloux, de l’herbe. Plus loin, la mer et une petite crique cerclée de falaises hautes comme un palais. Acérées, mordantes, taillées par le vent et les vagues. La marée qui descend et l’eau qui s’étire en flaques. Sur les galets un chien qui gambade, jappe, va et vient jusqu’aux bottes de son maître réveillé aux sons du large qui s’était rapproché pour la nuit. Le sable qui crisse sous ses pas sûrs d’homme habitué. Un paradis. Un paradis qu’il connaît, que comme chaque matin sans exception depuis tant et tant de temps il arpente depuis les premières lueurs, pour à nouveau le redécouvrir vierge et sans autre âme que la sienne. Une terre loin de tout et, surtout, de tous. Seules les mouettes, qui le connaissent comme il les connaît, strient l’air de leurs cris âcres en volant alentour en quête de nourriture.

Quand le haut du disque rouge apparaît à l’horizon l’homme s’arrête et le chien aussi. Ensemble, silencieux, ils regardent le miracle sans cesse perpétué s’accomplir. La bête a la langue pendante mais la queue calme, se campe bien sur ses pattes de devant. Elle est attentive, comme son maître qui s’est assis sur ce gros rocher plat. Au loin là-bas, pas une ride vaporeuse, pas un nuage, pas un voile. La splendeur renouvelée de l’astre brûlant monte dans le ciel et, comme à son habitude, le promeneur ne cesse de fixer la boule de feu que quand sa vue commence à se brouiller sous la visière de son chapeau de cuir. Il lui faut alors un temps de réadaptation qu’il met à profit pour sortir, d’un geste tout à fait machinal qu’il saurait accomplir aveugle, une boule de pain et du saucisson de son petit sac de toile. A son ami dont les babines se sont humidifiées sous l’envie devenue réflexe, il lance une tranche de jambon extirpées du même mouvement. Et sans un mot, sans un geste superflu mais avec toute l’attention du monde l’un pour l’autre comme les deux vieux compagnons qu’ils sont devenus avec les années, ils grignotent le plein jour revenu.

Ils grignotent cette sérénité absolue des êtres contentés.

Et à chaque bouchée faite d’accoutumée les yeux durs d’expérience du baroudeur explorent un nouveau coin de son programme de la journée. Le bois à couper pour les jours à venir, la cuisson du pain à lancer, l’eau à remonter dans le baquet pour la douche, ce livre à lire peut-être que lui a passé le voisin du meunier dont il a déjà oublié le nom… Comment est-ce, déjà ? Henry ? Harry ? Artie. Un peu de pêche aussi, tiens, s’il fait toujours assez beau au midi pour ne pas prendre froid les pieds dans l’eau. Ca fait longtemps qu’il n’a pas mangé autre chose que ces petits poissons emprisonnés à marée basse dans les bassins qu’il a construits entre les rochers… Un peu de truite ne fera pas de mal pour changer du gibier, cette fois.

Au dernier morceau de la chair pas si grasse du tube de viande, la brise devient vent mordant et il bénit son haut col de laine, son épais pardessus qui le protègent des embruns agressifs. Actif mais toujours calme, il a tôt léché ses doigts, essuyé sa petite lame rengainée à sa ceinture et rempaqueté ses quelques affaires. L’homme d’extérieur est toujours prêt à bouger vite sans oublier son barda. Et c’est seulement à l’abri d’une muraille de pierre plus loin qu’il prend le temps de vider quelques lampées à sa gourde en peau. De l’eau bien sûr, car l’homme sage est homme de raison et car l’alcool dessèche inutilement l’organisme de celui dont la journée est un effort constant.

Woof ! Woof !
Belle ? Qu’est-ce que tu as trouvé ?

La voix est chaude malgré le dehors, mais attentive, toujours attentive et ouverte à l’inconnu qui se profile là-bas dans ces éboulis. L’animal depuis quelques temps est reparti vagabonder dans les rochers au pied de la paroi de terre et de roche mêlées. Et tourne en cercle depuis ce courant d’air plus frisquet que les autres. Et de ses pattes et de ses aboiements de solide chienne d’extérieur elle crie à l’homme de se dépêcher. Et plus encore quand il accourt enfin, ses cris résonnent sur les murs et sur les roches. Des oiseaux décollent de leurs aires plus haut tandis que plus bas un visage se penche sur un autre méconnaissable dans un bruit de caillasse mouillée qui roule.
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Dernière édition par Tahar Tahgel le Mer 8 Juil 2015 - 14:47, édité 2 fois
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Je m’appelle Adam. Dors.

La voix est la même, toujours chaude et rauque et posée, mais plus en accord cette fois avec l’environnement. En effet le feu crépite dans le poêle de fonte qui trône au centre de la pièce et une douce chaleur règne dans la cabane de bois brut. Une douce odeur de fumée aussi, qui chatouille les narines mais appelle à la tranquillité des longues veillées d’été. Dehors, le soir tombe déjà dans la plaine par les fenêtres, la journée a été longue mais a filé si vite… Et l’homme du matin contemple un instant encore depuis son fauteuil le pauvre diable qu’il a convoyé jusqu’à sa couche, offerte sans une arrière-pensée. Sur la table, en bois elle aussi, son chapeau trône et dans ses cheveux blancs se reflètent les flammes que laissent passer les fentes de la trappe à bois du chauffage. Elles dansent sans cesse, en contraste avec ses yeux fixes, plongés dans le vague de la vie trop triste qu’il observe.

Sous la table, il y a le chien. Belle dort comme dort sa race, un œil ouvert et les oreilles toujours à l’affût du moindre bruit. De temps en temps, une touffe de ses poils s’agite, mue sans doute par un demi cauchemar ou peut-être par une fourmi entreprenante. Il n’y a pas un son que les craquements presque réguliers de l’âtre, pas un bruit que les éléments étouffés derrière la lourde porte, dans le froid qui enveloppe la terre et dresse les arbres dans le clair du crépuscule. Contre le battant sèchent les morceaux du travois de fortune construit par Adam plus tôt pour ramener le corps de l’inconnu en l’abîmant le moins possible. Enfin pour ne pas l’abîmer plus… Et à deux ils l’ont tiré, cet étranger, depuis la crique jusqu’ici au milieu de la plaine, à la lisière des arbres et près du ruisseau. A eux deux, lui et cette chienne dévouée qui s’inquiétait pour lui. Et maintenant les brancards ne serviront plus.

Dors…

Maintenant les brancards ne serviront plus et autant les brûler. Boucler la boucle de leur venue en ce monde. L’homme sur la couche a encore ouvert les yeux mais dans son état parler ou être conscient n’est d’aucune aide. Depuis qu’il a fait ce qu’il pouvait le vieil ermite le surveille. Pas par sollicitude, parce qu’il n’y a pas grand-chose à surveiller désormais que les attelles sont posées, les points faits, les plaies nettoyées et couvertes de linges humides qu’il ne faut changer que régulièrement mais pas en permanence. Il faut juste attendre de voir s’il passe la nuit, si la fièvre le cloue au lit ou l’emporte avec elle. A la rigueur il pourrait en plus faire des emplâtres d’argile à poser sur les plaies, mais il préfère attendre demain de voir comment la situation évolue. Non, pour l’heure c’est de la simple attention. Une forme de sollicitude, tout compte fait, si, mais plus de l’ordre de l’empathie curieuse…

Pourquoi un homme sauterait du haut d’une falaise ? Oh, bien sûr, Adam connaît les humains. Il a vécu avec eux de longues et longues années, il les a fréquentés, il les a aimés, il en a détesté, il en a été blessé. Il connaît le doute, le malheur autant que la joie, la tristesse et même le désespoir. Mais entre aller sur une falaise en pensant pouvoir en sauter et le faire, entre se dire qu’on est assez mal en point pour penser que et passer à l’acte, il y a ce même fossé qu’entre la terre ferme et la mer, qu’entre le sol et le ciel. Tout est encore à faire, tout l’effort reste à accomplir quand vient l’heure de lever la première jambe au-dessus du vide, et encore plus pour ne pas juste la ramener contre soi.

Dors…

Et encore plus pour lever la seconde, pour franchir cette ultime marche vers le néant. Enfin… Après tout qu’en sait-il, il n’a jamais eu à tenter, lui, n’a jamais été à ce point. Alors que ce type, là, sur ses couvertures… Adam s’arrête soudain dans ses pensées et sourit. L’odeur qui lui parvient le tire de sa rêverie et il se dresse depuis son confortable fauteuil. Aussitôt Belle dresse la tête et aussitôt elle accourt à ses pieds pour avoir sa pitance à elle. D’un coin de l’entrée le reclus tire les restes de la carcasse du daim chassé dans l’après-midi et, obéissante, la chienne attend qu’il les ait posés là où il faut pour les attaquer de ses crocs pointus. Lui de son côté retourne à sa cuisine et tire de sur le poêle le ragoût qu’il a préparé. Tant pis pour la truite prévue. Dans sa gamelle de bois il verse deux ou trois louches fumantes puis dans un bol un peu du jus qu’il tentera plus tard de faire boire au blessé.

S… Soif…
Non.

La réponse est douce, inflexible.

Si tu ne voulais pas souffrir il fallait sauter à marée basse, mon garçon. Tu es là, tu ne bois pas…


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La nuit passe, battue seulement par le vent dans les feuilles et les épines. Au tout petit matin il n’y a plus dans le poêle que quelques braises en train de mourir. Les bougies sont éteintes mais déjà la lumière envahit l’espace et dans la pénombre se détache le profil couché de l’homme inconnu, dans le lit d’Adam, et les traits durs et un peu maussades de celui-ci s’agitent par terre. Il a dormi contre Belle, ou Belle a dormi contre lui pour lui tenir chaud, mais malgré l’épaisse couche de poils de la chienne il n’a pas eu un très bon sommeil. Il se relève d’ailleurs comme on se relève après une nuit blanche : l’esprit parfaitement clair et parfaitement aiguisé, réceptif à tous les petits bruits environnants.

Parmi ces petits bruits il y a son ronflement à lui là-bas, pas si régulier voire un peu chaotique, et parfois douloureux, à la limite du gémissement. Mais il dort et dort bien. Enfin, enfin il s’est abandonné à la douce quiétude de l’inconscience. S’approchant, le trappeur observe ses plaies sans y toucher. Les bandages seront à changer mais il attendra qu’il se soit réveillé de lui-même pour que son organisme puisse au mieux se régénérer, profite de chaque moment de pleine inaction pour ce faire. Un coup d'œil au front luisant le renseigne sur l’état de fièvre du convalescent, mais il opine sans sourciller. La fièvre a ses bienfaits, elle existe pour purifier et de purification il y a besoin. Quand viendront les hallucinations il sera là, en attendant, puisqu’il dort, autant sortir. D’abord entretenir le feu pour ne pas avoir de mal à le rallumer dans la journée, ensuite sortir. Au passage, emporter le bol vide du jus délaissé. Ca ne sera pas perdu, les insectes s’en régaleront…

Tu viens ?

Avant même le murmure, le chien avait compris et grattait presque à la porte qu’il entrouvre sans un grincement, sans un craquement de bois trop vieux. C’est qu’il en prend soin de sa cabane, Adam. Il referme de la même façon et réajuste les affaires qu’il a prises avec lui juste avant de sortir. Son manteau, son chapeau éternel, sa chemise et ses bottes. Déjà à quarante ou cinquante pas Belle aboie à petite voix pour s’éclaircir la gorge et va dans les arbres vivre son instant sauvage de la journée. Du côté du vieil homme qui salue le jour tiède, la barbe crisse sous sa main rêche. Il a vraiment souffert sur son plancher nu… La vieillesse, quelle tristesse, pense-t-il dans un soupir. Puis l’actualité se rappelle à lui et il descend pour sa part vers la rivière fraîche où il se nettoie la figure et le crin des fumées et des odeurs de viande morte cuisinée la veille. Il se baignera, mais plus tard.

Ensuite vient l’heure terrible où il réalise que recueillir le garçon le condamne à ne plus partir explorer les galets de la côte à l’aube, puisque s’éloigner c’est prendre le risque, non pas de le voir s’éloigner comme un voleur avec son équipement, mais bien que son état s’aggrave subitement et qu’il ne soit pas à proximité pour endiguer l’éventuel problème à temps. Un blessé a besoin de son infirmière pour le rassurer quand il ouvre les yeux. Laissé seul, il a peur et sa guérison est plus lente.

Soit…

Les yeux se plissent un peu, les mâchoires se contractent, sans plus. Un peu plus voûté peut-être mais pas tant que ça, l’homme se dirige vers les seules tâches à accomplir dans la proximité de la maisonnette. Couper du bois non loin, le tailler encore plus près, le ranger contre le mur le moins exposé aux intempéries, c’est l’occasion de remonter le stock. Le bois sec n’est jamais perdu. Et puis pêcher un peu, allons. Il y a la place pour un séchoir sur le flanc sud, et puis tant qu’il y sera il bricolera aussi un fumoir pour les prochaines pièces de viande qu’il récoltera. A trois, si le blessé se rétablit, ils vont consommer plus de nourriture. Et s’il faut l’enterrer pour finir, autant prévoir large et faire des réserves. Il faudra aussi qu’il trouve le moyen d’aller au village récupérer plus de farine, d’ailleurs… Bah. Quand le temps viendra où le laisser seul sans risques.

Woof.

Un bruit dans la cabane, et Belle avec son ouïe plus fine l’a entendu la première, interrompt Adam dans son labeur. Torse nu au plein soleil de la fin de matinée, celui-ci dévoile la bonne cinquantaine de celui qui a eu et a encore une bonne vie. Devenu un peu frileux néanmoins, il doit bientôt se recouvrir de sa chemise pour retrouver la nuit de l’intérieur sans frissonner. Et là-bas dans le coin le mieux isolé de la lumière du dehors, cette ombre torturée qui s’agite enfin sous les assauts du mal. Et Adam ravive le feu et s’assied et ne fait rien de plus qu’être là. Etre là pour cet anonyme sans âme.


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Deux jours passent et avec eux les séquelles les plus directes. Contre le chevet de la couche où dort celui qui commence à ouvrir les yeux de plus en plus longtemps et qui pour la première fois a bu son jus de viande, il y a un sabre qui brille dans l’ombre. Un sabre qu’Adam a récupéré sur la falaise d’où l’homme est tombé. Un sabre qui s’ennuyait, trouvé le matin même pour la première balade matinale depuis trois jours. Un sabre triste, à la mine grise de l’objet abandonné par son maître.

Par une des fenêtres, des oiseaux qui filent au sud, libres et encore en bonne santé.

Des oies peut-être, ou des grues. Des grues, oui.

Leurs cris discordants sont la touche harmonieuse du tableau, et les soirs deviennent longs pour Adam. A son oreille résonnent des cris oubliés, des vies passées qui ne doivent pas revenir.

Il se met à pleuvoir car c’est la saison, et l’eau ruisselle des toits vers les dalles qui bordent les murs pour ne pas patauger dans la boue en allant chercher le bois entreposé. Ruisselle, goutte.

Plic.


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Et deux autres jours encore…


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Dans la cabane d’Adam un homme qui n’est pas Adam se lève avec toutes les peines du monde. Son visage est maigre. Sa barbe est longue d’un pouce, ses cernes creusées autant que ses joues, son teint pâle, de la pâleur des morts. Il n’a pas d’énergie. Et quand la porte s’ouvre en grand, il ne bouge pas, sans doute paralysé dans ses réflexes par la fatigue. Même son arme, que pourtant il a agrippée plusieurs fois jusqu’à finir par dormir avec, il l’ignore. Le jour l’aveugle un temps.

Oh, tu es debout ?

Il y a comme un instant de gêne, que ne rompt le ressuscité qu’après quelques longs moments à chercher sa salive. Dans ses yeux, le vide de ceux qui ne sont pas là où ils pensaient aller.

C… Comb…
Combien de temps tu es mort ? Deux semaines…

Nouveau silence. Au bout du doigt tendu du chapeauté, un décompte des jours au charbon sur le tuyau du poêle. Seize traits seulement, Adam ne tient pas de calendrier d’ordinaire. Parce qu’il savait que ça aurait son importance, il a fait un effort. L’étranger hausse les épaules et va enfin se rasseoir.

Tiens, bois ça.

L’eau, liquide de vie. Elle coule de l’outre jusqu’à la gueule de l’assoiffé, inonde son visage, rebondit sur le plancher de la cabane, inonde le sol. L’hôte qui s’affairait à ouvrir enfin et aérer la maison devenue cloître depuis si longtemps revient d’un mouvement vif.

Eh, tu te doucheras après ! Rends-moi ça si c’est pour m’en mettre partout…

L’autre se laisse faire, un air presque penaud au visage.

… Bah. Tiens, voilà Belle.

Rencontre, présentation unilatérale, reniflement prudent des paumes de l’inconnu. Satisfaction. Le chien fait trois tours et prépare sa sieste sous la table. De son côté Adam finit de ranger ce qu’il a été chercher au bourg. Il était chargé. Etre prévoyant a du bon, les provisions vont servir.

Elles servent.

Sans un mot l’homme ingurgite le pain et la viande que lui tend son bienfaiteur. Bienfaiteur ? Hum. Sans un mot mais avec de la peine à mâcher tout avec assez de patience pour pouvoir avaler sans que la seule contraction de ses muscles engourdis sur ses articulations et ses os à peine en phase de solidification ne lui fasse un mal effroyable. Adam n’est pas surpris quand, porté par un sursaut de bienséance qui ne doit pas lui être coutumier, le mort se trouve les forces d’aller en courant vomir ce qu’il vient d’ingérer un peu plus loin que sur le pas de la porte. Quand par contre il s’effondre, paralysé par les hoquets bilieux qui le secouent, il va l’aider à se mettre dans une position où ses côtes sont mieux épargnées. Le regard de l’affamé est luisant de douleur.

Dans quel état tu t’es mis…

A la souffrance de ne pouvoir manger s’ajoute le manque d’alcool, et ça aussi Adam le lit dans les prunelles hagardes qui le fixent, lui et le magnifique pays qui les entoure tous deux, lui et le chien qui s’est relevé, alerté par les sanglots mal étouffés. Mais, seule règle à laquelle il s’est jamais astreinte, il n’y a pas d’alcool ici, et quand bien même il en aurait il n’est pas sûr qu’il lui en donnerait. Alors il fait la seule chose qu’il puisse faire, il reste à côté, et quand la crise est passée, quand l’estomac vide s’est enfin calmé, il laisse son protégé là où il est, va faire un brouet qui passera mieux, aux morceaux coupés aussi fin que sa vue et sa lame l’autorisent, et ne revient que quand le mets est prêt.

Dehors le spectre n’a pas bougé, malgré le vent, malgré la fraîcheur, dans ses guenilles et ses attelles défaites et ses bandages marrons du sang séché qui n’est pas parti au lavage. Eh tiens, ne serait-ce pas un peu de rouge frais qui point, là sous l’aisselle gauche ? Eh si. C’est.

Pas de remarque, d’aucun côté que ce soit. L’homme prend l’écuelle qui lui est tendue et boit. Avale.


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Dans la cabane d’Adam deux hommes vivent à présent, l’autre dans la routine de l’un. Pour l’instant le fait est supportable, et le convalescent a l’air de s’être fait à l’idée de n’avoir rien de fort pour se détendre le gosier en attendant de guérir. De s’être résigné à guérir. Il ne parle toujours pas beaucoup mais il a dit quelques mots. Utilitaires. Où sont les outils, où sont les. Une voix rauque, arrachée à chaque cartilage du larynx. Ils sont tous deux hommes de terrain, la vie pratique s’organise vite et sans impair. Les habitudes militaires du second ne font aucun doute au premier mais il ne pose pas de questions. Il n’aurait probablement pas de réponses et n’est pas forcément certain d’en vouloir, alors il s’est fait une raison. Ils étaient là, lui et Belle, ils étaient là et c’est sans doute tout.

Chaque jour qui passe les progrès du blessé sont visibles. Là, il tient sa tasse sans la renverser. Là, il fait le tour de la cabane sans tanguer. Là, il peut manier une scie. Là, il s’essaie à la hache. De temps en temps tout retombe. Là, alors que le vieil ermite s’occupait de son côté, un cri retentit, suivi d’un juron et en général accompagné d’un bruit d’objet cassé ou au moins frappé. L’homme semble en vouloir à quelque chose. Une colère sourde, contre lui-même ou contre tout le reste. Et puis tout reprend. Là, il va se laver et revient enfin propre. Transi par le mal mais propre. Et là, que fait-il ? Il… Il ramasse son sabre. Durement. Agressivement. Noirement.

Les premiers enchaînements sont gourds. Patauds. Ridicules même. Au bout de trois, de quatre, il jette l’éponge. Et le métal résonne, balancé avec rage contre la roche, le métal placide, patient, qui sait que son maître se retrouvera un jour, tard peut-être, mais qui ce jour sera prêt. Et le maître croit qu’un jour il sera prêt, semble le croire, le croit peut-être. Le croit pour un temps. Et sur son banc vidant deux lapins malchanceux, Adam voit, observe, croit aussi. Croit que l’homme se reconstruit.

Un jour, il lui demandera. Avant qu’il ne parte. Bientôt.

Woof !
Ahaha, attends, bientôt, bientôt je te les laisse…

Et pendant que l’autre décide qu’aujourd’hui il mangera rasé, la chienne se montre joueuse et tourne autour des deux humains, un peu attirée par l’odeur des entrailles. Elle est contente, la chienne. Elle a rarement vu autant de monde aussi longtemps depuis qu’Adam l’a recueillie et emmenée avec lui dans les profondeurs de la contrée. Et après la traditionnelle période de méfiance face à cet inconnu qui prenait de la place, elle a retrouvé sa curiosité d’animal innocent. Une sorte de seconde jeunesse pour une dame aussi âgée qu’elle. Son maître sourit car la soirée s’annonce calme et la nuit encore plus. Oui, l’autre a même dit qu’il avait assez récupéré pour dormir dehors, maintenant.


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Le soir suivant est calme aussi, trop peut-être. Comme toute la journée passée sans le taciturne.

Le calme après la tempête, la tension qui redescend après tout ce temps à se soucier d’un voisinage.

Il aurait dû s’en douter.

Woof…
Non Belle, je crois qu’il n’avait pas très envie de guérir en fait…

Et comme le vieil homme qu’il est devenu il s’était fait avoir. Tant pis. Pour lui, là-bas, si loin dans les musiques de la ville, qui marque un temps d’arrêt, une légère hésitation, avant d’entrer dans ce bar.


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