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«T’as le cœur là où les poules ont les œufs. »

J'ai perdu mon amour et j'ai perdu ma vie.



Certains disent que dans la vie d’un sans cœur, il n'y a pas d'amour. Normalement, ils ont raison vu la phrase mais en fait, je ne saurais pas expliquer pourquoi c’est faux. Je ne saurai pas le dire parce que c’est un sentiment si fort que même dans celle d’un connard qui pense que par son zizi, bah un moment il prend toute la place. Et dans son cœur fait de marbre ou de glace, y a ce qu’on appelle l’amour qui vit. Il est là, c’est un petit point qui progressivement devient tout gros puis le bougre commence à voir que par sa bien aimée. Son eau de vie. Sa vision. Sa Lana.

Lana, c’était une p’tite brune, comme j’les aime puis ses yeux verts c’était des billes transparentes, les yeux d'chats on dit. Et vous connaissez l’jeu d’billes ? Quand on gagne, on prend celles de l’autre. Ben elle, elle m’a gagné parce que j’me suis perdu dans les siens. Z’étaient couleur herbes, puis y avait des fissures dans les pupilles qu’étaient bleues azurs. Ça faisait une jolie couleur au soleil. Des fois, ils changeaient.
Elle avait du caractère Lana et j’avoue qu’j’suis tombé amoureux en premier. Moi les femmes j’les aime quand elles sont chiantes, quand elles arrêtent pas d’gueuler. Quand elles disent qu’elles veulent un garçon et pas une poupée. Et vous savez pourquoi ? Parce que quelqu’un d’invivable, c’est celui qui donne le  plus bel amour qui soit. Quand quelqu’un comme ça aime, il aime vraiment et elle était comme ça, elle était même pire que ça. Têtue et vraie chieuse... Mais belle à faire sortir un feignant d'l'ombre. Comment j’ai fait pour la piéger dans mes filets ? C’t’une question qu’j’me pose encore. Lana, elle méritait bien mieux qu’un sergent qu’on avait envoyé aux archives le temps qu’il s’calme un peu parce que ses méthodes de travail avec les soldats étaient un peu limites...

C’est là qu’j’l’ai rencontré. Une beauté. J’sais pas c’qu’elle foutait là. Elle était pas passionné par la Justice ni par la Marine, elle faisait les papiers seulement. Moi, j’avais 25 ans et j’avais passé ces années là à m’foutre sur la gueule avec des criminels alors quand j’ai vu cette femme, j’me suis rendu compte que j’avais raté ma vie. J’avais totalement zappé les battements d’cœur. Pas ceux d’quand tu t’bats et qu’t’es sur l’point d’faire un malaise, non, ceux qui t’foutent mal, tu sais plus où t’ranger… Tu sais plus rien. Comme quand tu bois trop. J'avais une boule au ventre, des maux d'tête, d'la fièvre en sa présence... Chaque jours elle était là, chaque soirs je pensais à elle. Puis quand j’étais dans la même pièce j’me contentais d’la regarder mais j’avais pas beaucoup d’temps, j’allais pas rester aux archives toute ma vie.

« Qu’est-ce que vous dites ? » qu'elle m’avait dit… Moi, j’connaissais pas l’amour. J’connaissais rien là d’ssus alors j’m’étais lancé directement en lui avouant tout de suite mes sentiments pour elle. Un peu d’façon racaille et pas préparé, héhé, ça f’sait p’t’être mon charme.

J’vous l’dis… j’crois qu’j’ai attrapé l'amour pour vous et c’est pas vous qu’ça emmerde. Ça m’fait vraiment chier parce que j’peux plus m’concentrer sur rien quand j’vous vois alors autant l’dire. J’veux qu’vous sortiez d’ma tête au plus vite sinon j’vais pété un boulon.

Elle avait rit. Son rire, il était léger, il était sincère. J’craquais encore plus. Elle m’regardait dans les yeux et là, j’vous le jure que mis à part à elle, jamais mais vraiment jamais j’ai quitté quelqu’un du regard. Et encore aujourd’hui. Elle… C’était quelque chose pas quelqu’un. C’était comme si j’affrontais mon contraire. Enfin, pour l’moment ! Parce qu’après ça s’est compliqué.

Enfin, il s’est passé d’bonnes choses, j’étais plus à l’aise quand j’la voyais et j’la rejoignais même dans son travail, j’m’y suis intéressé. Elle classait et rangeait les dossiers et parfois elle lisait. Elle aimait lire, moi j’détestais ça. Elle aimait rire, moi j’y arrivais pas. Au fond, j’l’admirais et encore aujourd’hui… J’l’admirerai jusqu’à la fin d’ma vie. Et puis comme ça, un jour y a eu une dispute. J’me rappelle plus du tout pourquoi on s’était fâché mais l’lendemain quand j’étais venu, elle était pas là. Et l’surlendemain aussi. Ça faisait mal… Trois jours. Trois jours et elle est revenue enfin… Elle m’a dit que elle aussi, au fond, elle m’aimait parce que mon absence la bouleversait et qu’c’était pas normal si elle ressentait pas d’sentiments… Jamais j’ai été si content d’ma vie, j’crois. Jamais.

Et voilà comment Lana s'est installée dans mon cœur . Au début, c’était pas vraiment elle, même moi j’étais pas vraiment moi. Les amoureux du débuts, sont jamais pareil qu’au milieu…v’suivez ? Et là après les jalousies, elle est arrivée ma Lana. Elle m’posait des questions sur ma vie d’avant, j’répondais honnêtement, comme quoi j’avais jamais connu d’femmes avant elle. Elle m’croyait pas. Et voilà qu’j'ai pu vivre avec son caractère si pourri…que j’adorai. Elle était plus que mignonne et là, tu t’rends compte qu’un « Je t’aime » ça peut changer un homme. Moi, j’savais pas quoi répondre, attends, c’est les tapettes qui disent ça ! Alors j’disais rien puis on se fâchait. Et on s’réconciliait dans l’lit. Elle faisait bien l’amour Lana, même les trois-en-un... Y a qu’avec elle que je l’ai vraiment fait 'vec les sentiments et encore aujourd’hui j’me dis qu’y’a qu’avec elle que je le ferai… même si

J’étais redevenu sergent parce que j’faisais n’importe quoi dans les papiers, on s’voyait que l’matin et l’soir. Et la première journée où j’avais reprit mon poste initiale, ça m’avait fait tellement mal toutes ces heures sans elle que j’ai fini par le lui dire… Je t’aime. Et là, ses billes elles étaient tellement lumineuses que j’ai cru qu’j’allais pleurer d’avoir perdu au jeu y a longtemps. J’les voulais tellement… Son sourire et ses fossettes. Sa balustrade, ses guiboles, ses miches et ses hanches… Elle était et restera merveilleuse. La plus merveilleuse de toutes.

2 ans. 2 ans avec Lana. Y a eu des fois où on s’disait qu’on s’aimait plus, des fois où elle passait nos journées dans mes bras. J’me sentais comme un enfant avec elle, tous les jours j’redécouvrais l’amour. C’est peut-être une phrase qu’tous les mecs disent à leurs radasses pour qu'elles soit contentes mais y en a très peu qui l’pensent. Moi j’le pensais, sincèrement. Et aujourd’hui, j’peux l’dire, jamais j’lui ai menti. J’aimerai bien qu’elle le sache mais

Puis la guerre contre les révolutionnaires est arrivée. Je devais partir mais elle, elle le voyait autrement. Elle voulait que je refuse la mission, que je reste ici. Elle y tenait vraiment, elle m’a supplié… J’ai dit non. Parce que j’étais un bastonneur et un servant d’la paix avant tout. C’est « l’avant tout » qu’elle avait pas apprécié. Elle m’demandait en séchant ses larmes, si elle, elle était rien ? Si elle comptait pas pour moi ? Si c’était du jeu seulement toutes ces années ? Comment qu'ça peut être que des mensonges ? Tu penses qu'j'aurais passé 2 ans à t'mentir ? Puis vint l’moment des insultes. Elle m’a insulté de tous les noms d’oiseaux qu’existent sur terre. Elle m’a haït, j’le sentais. Elle m’haïssait parce qu’elle m’aimait.

Peut-être que j’suis si mauvais mec que j’avais rendu ton cœur tout sec puis tes yeux.

Ils avaient tellement grossit à cause de tes pleurs qu’z’étaient devenus des calots, mais ils étaient toujours aussi beaux. C’est méchant d’dire ça alors qu’tu voulais que j’te quitte ? Moi, je t’aimais toujours. Je voulais revenir après avoir effectué la mission. Je voulais revenir, Lana. Je te l’ai dit cent fois mais non… Elle me disait que je pouvais mourir et que ce serait finit. Que tout se serait écroulé. Elle avait peur. Mais pas plus que moi. Bien sûr que j’avais peur de perdre la vie... Or c'est en perdant mon amour que je l'ai perdu, la vie mais Lana, j’étais un gamin d’la guerre et j’étais pas encore devenu adulte. P’t’être qu’après j’reviendrai grand et j’resterai avec toi jusqu’à la fin.

J’voulais l’embrasser mais elle m’a repoussé. J’ai insisté alors pour la prendre dans mes bras malgré ses repousses. J’avais besoin d’sentir son cœur en moi… J’la serrai si fort. Je t’aim…ais Lana. J’avais besoin d’prendre un peu d’toi en moi. J’l’ai lâché puis j’suis parti. Et ses dernières paroles ont été :

T’as le cœur là où les poules ont les œufs, Kiril…

J’l’ai trouvé marrante, cette phrase. D’ailleurs il s’passe pas un jour sans qu’j’la récite dans ma tête. Elle avait bien raison, v’pensez ? En passant la porte, j’ai senti qu’j’avais choisi un chemin sur la route où l'on marche tous, celle qui mène à la mort. Un chemin au lieu d’un autre. Peut-être que j’ai merdé… On reconnait le bonheur parait-il, au bruit qu’il fait quand il s’en va. Mais quand je reviendrai, on se réconciliera, me disais-je…

Sauf qu’j’suis jamais revenu.


Je m'en fais plus.