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Premiers ennuis... [PV: Mémé nT]

21 septembre 1623

3 mois. 3 mois déjà que j'avais tout plaqué. Pour venir me fourrer ici. Ah quel malheur. À peine 3 mois, et j'allais déjà mourir. Enfin, il y avait peu de chances que je meure, je suis moi, et ce n'est pas rien. Ceci étant dit, il fallait peut être que je m'inquiète de mon sort. Je me trouvais sur mon radeau, mais il était tiré. Par un bateau assez grand, avec des voiles. J'étais donc en position de faiblesse. Le drapeau qui était hissé n'était pas un emblème de pirate. Il portait des armoiries que tout le monde connaissait à cette époque. Celle de la mafia. Il existait des dizaines de mafias ici, mais leurs symboles étaient toujours un peu pareils. Mais comment je suis arrivé là dedans moi?
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4 heures plus tôt, haute mer, North Blue.

J'étais tranquillement posé sur mon bateau. Cette période de l'année était particulièrement...désagréable. L'automne sur North Blue était pluvieuse et extrêmement froide! L'air était en permanence humide et en mer les odeurs d'iode et de vase remontaient à la surface. Une horreur. Mais là n'était pas le plus grand malheur. Le plus grand malheur était que mon horizon était tristement vide. D'accord c'est beau la mer, mais les matériaux ne vont pas s'acheter avec un peu d'eau salée non plus. Les clients étaient rares. C'était comme ça depuis le début. La seule raison pour laquelle j'étais encore en mer, c'était une grosse commande de sabres, qui m'avait rapporté suffisamment d'argent. Heureusement. Sans ça, je pouvais mettre la clé sous l'enclume.

Le vent changea soudain. Auparavant frais et relativement faible, il venait de s'arrêter. Quelque chose de gros s'approchait rapidement. La mer s'animait de quelques remous, confirmant ma théorie. Je priais alors de toutes mes forces pour que cela soit un client! Et à première vue, c'était un client. Face à moi, un gros bateau noir s'approchait. Et le pavillon sur le mat me détourna de ma première pensée. Avec un tel pavillon, ça n'était sûrement pas des clients. À cette époque, les mafie étaient très présentes sur North Blue. Une ambiance de menace qui ne laissait pas dormir les habitants. Et à vrai dire, ils étaient beaucoup moins conciliants que les pirates. Des durs à cuire, des sans cœurs. Mais là, ils se dirigeaient vers moi. Inquiétant. Et le pire, c'est qu'avec mon radeau, je pouvais difficilement fuir... Quel idiot de pas avoir mis de voile là dessus. Je devrais penser à changer ça une prochaine fois. Enfin, en comptant que je sois encore en vie plus tard...

Le bateau s'arrêta à côté de mon radeau, impressionnant de si près. Il avait vraiment l'air grand, et bien protégé. Je posais la main dessus. Un blindage recouvrait une partie de la coque. Je dus me reculer assez vite, car deux hommes me sautèrent quasiment dessus. Ils atterrirent juste devant moi, dans un geste aussi gracieux qu'il était idiot. Ils venaient de sauter du pont. Je devais reconnaître que leur entrée avait du panache. Mais leur tenue était beaucoup plus inquiétante. Ils étaient habillés de débardeur blanc, un collier en croix pendant sur leur poitrine. Une cigarette traînait dans leur bouche. Sur leur tête, un bandana était noué. Le truand de base quoi. Mais aussi une parfaite tenue de subalterne de mafioso. Et encore une fois mon instinct ne me trompa pas. Sans attendre, ils accrochèrent une corde à l'amarre de mon bateau. Je ne comprenais pas pourquoi...avant de voir le bateau qui arrivait de l'autre côté. Pas de témoin hein... C'était de plus en plus inquiétant...

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Cela devenait de plus en plus inquiétant. 4 heures que j'étais traîné derrière ce bateau. Avec les deux molosses pour me surveiller. Ils n avaient pas l'air puissants et j'aurais pu m'en débarrasser en deux lancers de marteau, mais cela ne ferait que m'apporter des problèmes. Comme si plus que ça c'était possible... Soudain je tombais par terre. Un choc dans l'avant de mon bateau. Les deux racailles d'éclatèrent contre le bois également. De plus en plus navrant. C'est alors que, dans une entrée semblable à celle des deux autres, un nouvel homme sauta sur le radeau. Je m'offusquais alors au vu de la marque qu'il avait laissé.

- Hé! Fais gaffe toi, tu vas me péter mon bat...
- Ta gueule toi! Vous là, les deux idiots, montez-le là haut au lieu de lécher les bûches de cette épave ambulante. Et dépêchez-vous, "il" n'est pas content.

Il venait, dans la même réplique, de me couper la parole, de rabaisser le bateau et de m'insulter. Si je ne savais pas qu'ils étaient plus de 50 là haut, cet homme ne serait d'ors et déjà plus qu'un tas d'os. Mais la peur me forçait à me tenir calme. Ce qui n'était pas du tout dans mon caractère. Le gradé était remonté, laissant les deux se relever lentement. Ils étaient totalement bêtes. Alors mon cerveau se mît à réfléchir très vite. Mes marteaux seraient trop visibles, il fallait pourtant que je reste armé... Une idée germa en moi, et je regardais les deux idiots à côté. Un petit sourire orna mes lèvres, alors que je prononçais ces mots, sur un ton commercial.

- Hep, tu voudrais pas faire quelque chose?
- Je dois te ramener! Viens en haut...!
[color=darkred] - Ah oui mais... C'est à dire que ce n'est pas très prudent de monter avec ces armes. Vous devriez les prendre. Sur moi j'ai deux marteaux ficelés et une batterie de couteaux de lancer...
- Il a raison Dario! T'es bête ou quoi? Il faut prendre ça, et le garder, comme ça, le patron, il sera content!
- Ah oué! On va faire ça Kenzo! Allez toi, donnes tes armes!
- Oh ciel, mes armes! Moi qui pensais les garder sur moi! Ces deux gardes sont décidément trop intelligents!

Avec un sourire de contentement, les deux s'emparèrent des armes mentionnées. J'aurais été fouillé sinon. Mieux valait qu'ils les prennent. Au moins, je pourrais les récupérer facilement. Mon pied se posa sur l'échelle déployée depuis le bateau. Plus grand chose ne pourrait me sauver maintenant, à moins qu'ils ne soient faibles...
    Ronronronronron...

    Le chat blanc est bien. Une main ganté se pose sur son pelage, et se livre à un allé-retour lustratif régulier. A côté, deux hommes en costume, avec de jolies paires de lunettes sont de part et d'autre de l'homme. Son siège est en chêne travaillé, fixé au sol du pont part de bonnes grosses chevilles bien costaudes.

    L'homme est un bon mafieux. On vient de lui apprendre la présence d'un commerçant itinérant, un forgeron, à en juger par son pavillon. En bon mafieux, il se doit de lui proposer ses services en échange d'une part substantielle de ses revenus. C'est une bonne journée pour un bon mafieux.

    Il tourne la tête vers la vieille dame immobile dans un coin du pont. Son visage, qui n'est pas sans évoquer celui d'un bouledogue s'immobilise sur la petite dame au chignon improbable et à l'allure aquilienne. Ses main sont menottés dans son dos, sa canne est sur le bureau du riche endimanché. Elle sourit.

    Mémé nT écoute son kidnappeur se moquer une n-ième fois de son acte. Comment une directrice de journal people pourrait faire une enquête sur la pègre sans se faire prendre. Surtout lui, qui à réussit à persuader tant de commerçant hauts placés qu'il pourrait les protéger mieux que le gouvernement. Elle ne sourcille pas. Elle n'en est pas à la première moquerie de sa vie, ni à sa première capture par un criminel classique persuadé d'être original.

    "Un plan ne résiste jamais face à l'ennemi, le tout est qu'il ne voit pas qu'il n'y en a pas qu'un."

    Sage enseignement que lui avait apporté un vieil homme isolé sur une île avec son élevage de tortues. Le petit inconvénient éest le forgeron qui s'approche. Une petite vieille massacrant une quarantaine de mafieux, ça fait pas crédible. Le gouvernement n'étant pas dans son ère la plus grandiose, il est plus adapté de mesurer ses actes et de ne pas faire trop de vagues.

    Les hommes remontent, devancés par un petit pâle tout sourire. Un bon commerçant qui même braqué et menacé par des criminels réagit comme s'il était avec une jeune dame demandant à orner son auriculaire d'un cinquième diamant. Les autres hommes forme une haie d'honneur.

    Aux dires de leur supérieur, cela fait plus mafieux.

    L'ancienne ne saurait dire si c'est vrai ou pas. Les hommes les plus mafieux qu'elle connait ne sont pas particulièrement adepte des débauches d'étiquetteries. Mais les mafieux qu'elle connait sont assez intelligents pour ne pas faire d'histoire aux journalistes qui risquent de les compromettre au premier article.

    Comme quoi l'omniprésente stupidité humaine n'a pas été avare de ses viles faveurs vis-à-vis de la pègre, et le chien en costard est manifestement un de ses favoris.

    Toujours souriante, elle guette le jeune garçon expert. Dans sa tête, qu'elle a fort massive d'ailleurs, une petite stratégie se mets humblement en branle.

    Monsieur, pardonnez-moi pour la rudesse de mon invitation, mais comprenez bien, les temps sont durs.

    C'est le massif boudiné au chat qui parle, enfin, le massif, pas le chat. Il fait son homme correct, son bon monsieur qui aime l'étiquette et la politesse. Un grand classique aussi. Passablement hypocrite, mais bon qu'attendre d'un homme qui place un chat angora sur les genoux de son costard en pleine période de perte de poils ?

    "La politesse est le maquillage que porte les prostituées au bonnet trop petit"

    Disait feu sa mère, qui avait travaillé un temps comme tenancière de maison de passe.

    En preuve de ma volonté de vous être le plus agréable possible, je vous propose même d'assurer la pérennité de votre petite affaire. En échange de quelques rémunération parfaitement anecdotiques, nous sommes entre hommes d'affaires avisés après tout !

    Pour ceux ne parlant pas couramment le véreux, langage prenant ses racines dans les lois sur la régulation des finances, et remanié par des générations de politiciens arnacophyles, le bouledogue anthropomorphe lui a dit quelque chose qui se traduit très simplement en substance. "Ton fric ou je te balance par-dessus bord avec assez de pierres aux pieds pour construire la moitié d'Alabasta"

    Nul doute qu'un jeune homme ayant assez de bases en doctrines commerciales pour afficher son sourire commerçant en de telles circonstances sera parfaitement capable de comprendre l'importance de tenter une négociation de son contrat dans des délais assez brefs, sous peine de voir une fin prématurée aux possibilités d'enrichissement futur.

    La vieille sent qu'elle doit lui donner des indices sur son plan. Un moyen de lui dire "t'inquiète pas petit, j'ai une idée pour nous sortir de là, par contre il va falloir qu'on travaille ensemble, et sans massacrer les mafieux par paquets de douze si possible".

    Attention... Communication !

    Gnéhéhé !

    Ah... Les bien fais de la concision !
      Effectivement. Mon instinct et ma vue ne m'avaient pas trompés. Je m'étais bien embarqué dans une merde pas possible. À bord d'un bateau mafieux. Et dire que j'avais eu l'audace de croire que je pourrais les battre. À un moment, il faut redevenir un minimum réaliste. À un contre 40, voire plus, j'avais toutes les chances de mourir. Malgré tout, je sentais que le destin était de mon côté. Alors, d'un instinct naturel, je me mis à sourire de façon totalement commerciale. Autant faire bonne figure. Et l'entrée dans le bureau était pire que tout. Autour de moi, il y avait deux files de mafieux, tous plus clichés les uns que les autres. Et le plus cliché était leur chef. Un petit homme trapu, portant une petite moustache, costume trois pièces noir, une rose à la boutonnière, un borsalino et un cigare dans le bec. Pour compléter ce tableau, il passait son temps à caresser un énorme chat angora. Tout ce qui pouvait m'énerver. Car oui, je suis facilement distrait. Et je savais que ce truc allait m'énerver.

      Le mafioso commença alors son speech habituel. Le ton mielleux qu'il employait était aussi facilement reconnaissable que mon sourire commercial. Et les mots qu'il employait ne visait qu'une seule chose. Tente de me soumettre de façon volontaire. Ainsi, il gagnerait en réputation. Sauf que ce qu'il ne savait pas, c'est que je n'étais pas juste un commerçant. J'allais lui donner ma réponse, mais une chose m'arrêta. Le gant de cuir brun n'avait pas cessé de caresser le matou obèse autant que poilu. Un petit détail qui attira toute mon attention. Je pense que je restais une bonne minute le regard scotché sur la bestiole, suivant des yeux le mouvement de balayage. Personne ne comprenait, et le silence se rompait peu à peu. Soudain ma voix s'éleva dans la pièce. Douce et calme.

      - Excusez moi monsieur le mafieux. Est-ce que vous pourriez bien avoir l'obligeance d'arrêter de caresser votre chat? Je ne me sens pas en état de répondre à vos questions maintenant...

      Le silence s'installa dans la salle, laissant bientôt place à un chuchotement qui parcourait les rangs. Et je pouvais aisément entendre ce qui se disais. "Le boss va le dégommer.",  "Le pauvre il sait pas ce qu'il vient de faire.", etc. Les phrases classique de pauvres gars apeurés par une saucisse dans une poche. Et maintenant le mouvement incessant de caresse venait de cesser. Enfin! Finalement ce n'était pas si terrible. Jusqu'à ce que le parrain ne se lève. Et saisisse un pistolet dans son tiroir, qu'il pointa sur moi. D'un ton violent et en hurlant presque, il m'adressa la parole.

      - TU SAIS À QUI TU PARLES PETIT MERDEUX? JE SUIS DON MARCO, LE PLUS...
      - Est-ce que tu voudrais bien la boucler!, l'interrompis-je, Je me fous de comment tu t'appelles ou quel est le petit surnom de ta femme! Tout ce que je sais c'est que tu vas me traiter un peu plus correctement. Parce que JE suis Yohoshi Kentarô et JE suis exceptionnel!

      BANG. Un coup de feu. Ce caïd d'eau douce à eu le courage d'appuyer sur la gâchette. Je tombe au sol et remarque une chose dans un coin. Ou plutôt une personne. Une prisonnière qui semble être...vieille... Et complètement gâteuse qui plus est. Depuis quelques temps elle émet un son étrange, entre grognement et charabia de bébé. Qui est donc cette personne?

      Pendant ce temps, le rire tonitruant du truand (Ouah le jeu de mots) se fait entendre dans tout le bateau. Il rit. Il est fier de lui. S'il savait que sa balle n'a touché que ma hanche. Mais le peu de sang écoulé et mon immobilité lui fait croire qu'il vient de me tuer...

      - Ça lui apprendra à me parler n'importe comment celui là. Je suis Don Marco tout de même.
        Il range calmement son arme.

        Il n'aurait pas du s'énerver comme ça. Certes le garçon à été insolent, mais après tout, il aurait put faire une source de revenu on ne peut plus intéressante. Il rattrape son chat. Le pauvre petit est encore effrayé par le coup de feu. Malgré son rire la vieille n'a rien fait. Il ne s'en inquiète plus. Après tout, que peut une octogénaire attachée contre Don Marco ?

        Il frappe dans les mains, deux hommes attrapent le corps pour le balancer à la mer. Deux ordres plus tard, 5 autres truands en costume fait sur mesure vont fouiller le navire du cadavre.

        Sortant du bureau, il se charge lui même de superviser l'opération. Il ne daigne même pas fermer la porte derrière lui. A l'autre bout du pont, il aperçoit ses deux hommes s'approcher du bord avec le corps. Une nouvelle perte malheureuse du à la cruauté de l'océan. Des choses qui arrivent en somme. En contournant la trappe béante qui mène à la calle, il se rend compte d'une erreur : il n'a pas allumé de cigare depuis longtemps. Il faut y remédier de toute urgence.

        Il n'a pas le temps d'allumer le symbole de sa supériorité.

        Un de ses hommes sort du bureau en courant. Comme l'intégralité des autres, il n'a pas de nom. C'est un bête homme de main, il n'a pas besoin de nom. Seuls Giovanni et Cesare en ont un. Ils sont les seuls assez puissant pour mériter un statut.

        La nouvelle par contre à de l'importance.

        L'homme est au bord de l’hystérie. La vieille c'est volatilisée. Elle était immobile à côté d'eux, elle a ricané, et a subitement disparu. Coup dur. Comment une journaliste peut disparaitre ainsi ? Comment une journaliste gâteuse peut disparaitre ainsi ?Il oublie le chat, il oublie le faux cadavre, il oublie le cigare éteint à ses lèvres. Un signe aux jeteurs de corps les font interrompre leur mouvement.

        Tous se dirigent vers le bureau.

        Mémé nT n'est pas connue pour avoir un fruit du démon. Comment aurait-elle put s'évaporer.

        Seul deux hommes demeurent à l'extérieur du navire. Armés de bêtes fusils.

        L'un deux est aux pieds du corps blessés à la hanche, l'autre est précisément à l'autre bout du pont. Nul doute que le jeune pseudo forgeron comprendra que c'est le moment ou jamais pour neutraliser un de ses bourreaux. Quant à l'autre...

        Don Marco arrive à toute allure avec l'intégralité de ses hommes. Son premier regard est dirigé vers son bureau. Il est vide. Mauvaise nouvelle, très mauvaise nouvelle. Il donne des ordres stricts. Les trois quarts des mafieux courent vers les parties inférieures du navire via les entrés situées dans son bureau même. Aucune journaliste ne défiera impunément Don Marco. Il vérifie son arme, Giovanni et Cesare sont à côté, armés jusqu'aux dents. Mais où est passé cette canne ?

        Sur le pont, notre deuxième garde est quelque peu inquiet. Les choses ne sont pas normales. Une femme à bord, ça portera malheur. Et on aurait pas du laisser ce cadavre ici. D'ailleurs, serait-il en train de bouger ? Mais, il attaque son compère.

        Poc...

        Gnéhéhé

        Ce rire est la dernière chose qu'il entend avant qu'il ne trébuche sur une canne mise en barrage au niveau de ses jambes.

        La vieille est sur lui. Littéralement.

        Il est évident qu'il doit la fermer s'il veut survivre. Il ne peut qu'assister impuissant à la neutralisation de son compère....

        Il devine à la position de la canne que l’ancêtre immobile contemple en souriant son nouvel allié.

        "C'est avec les vieux pot qu'on casse le plus facilement les jeunes crânes"

        Disait le grand-père Diego.
           La suite était assez prévisible. Et encore une fois tellement cliché. Le mafioso demande à sa troupe de parfaits petits caïds de le balancer à la flotte. Il parle de moi en disant cadavre. En même temps, si je ne bouge pas et que l'on me balance comme cela, j'ai une maigre chance de m'en sortir en remontant sur le radeau. En comptant qu'ils ne tentent pas de me le prendre juste après s'être débarrassés de mon corps. Ce qui avait environ 0,02% de chances d'arriver. Si ce n'était pas moins. Soudain, alors que je suis prêt à être balancé par les deux, une chose impossible arrive. Mes deux assassins s'arrêtent dans leur geste, et je sens que l'un des deux s'en va. Hein? C'est quoi cette folie? Pourquoi il s'en va? Il sait pourtant ce qu'il en coûte de défier le patron. La deuxième nouvelle arrive quand je me décide à ouvrir les yeux. En face de moi, me regardant avec des yeux de hareng saur, se tient Dario, l'imbécile classé X.

           Dans ma tête, cela ne prend pas quinze ans pour faire TILT. Je sais qu'il a mes armes sur lui, et je vois ma batterie de couteaux à sa ceinture. Sans plus attendre, je me relève, retourne la ceinture de sorte à ce qu'ils se trouvent maintenant pointés vers le ventre de cet idiot. Avec un petit sourire entre le sadique et le satisfait, je crochète ses jambes, et le fait tomber en avant. La gerbe de sang qui explose sur le sol du bateau confirme ce que je pensais. 15 couteaux plantés dans le ventre, ça fait mal. Il a cessé de vivre sur le coup, nul doute. Il serait sûrement plus libre et plus heureux dans la mort. En tout cas je l'espérais pour lui. Marmonnant une prière sur le destin, je détache sa ceinture contenant les couteaux. Je l'attache à ma taille, retenant un cri de douleur quand le cuir touche mon entaille de balle. Je peux me tenir debout, c'est parfait. Je me saisis de les deux marteaux, accrochés dans le dos du cadavre. Je lève les yeux à droite, vers la cabine, et je vois le regard horrifié de tout les mafieux, et plus particulièrement le regard empli de haine de Don Marco. Puis je regarde à gauche, cherchant un quelconque espoir...

           Quelle ne fut pas ma surprise de voir la vieille gâteuse, debout sur le ventre de Kenzo, sa canne coincée contre la gorge de ce dernier. Quoi? Elle peut se battre? Et quand bien même, elle vient de me sauver la vie. Mais peu importe. Il n'était pas le moment de penser à ce genre d'inepties. De l'autre côté du pont, Don Marco, accompagné de deux types en costard, dont celui qui est déjà venu me chercher, commence à s'avancer vers nous. Énervé. Sans plus attendre, plus par prévention qu'autre chose, je lance trois couteaux vers eux, commettant ainsi une erreur... Dans un geste d'une unité parfaite, les trois chefs des caïds évitent les lames, avec une facilité effrayante. Ils dégainent un pistolet, toujours dans cette uniformité incroyable. J'entends trois coups de feu partir. D'une roulade, j'arrive à les éviter à temps. Ça y'est les bases sont posées. Ils sont efficaces et puissant, je le suis aussi. Enfin dans ce combat, je crois que l'on peut dire: nous le sommes aussi...  
            L'inconvénient lorsque l'on tente de s'échapper d'un navire au milieu de l'océan, c'est que les points de sortie ne sont pas légion. Qui plus est, en cette période de l'année, les requins ont tendance à avoir du gout pour le met raffiné que constitue la viande humaine. Nature, c'est bien meilleur.

            Problème de taille pour l'ancienne, qui se trouve donc avec un équipage en colère sur les bras, un forgeron innocent à reconvertir en puissant et vaillant redresseur de tord, le tout dans un délai inférieur à la demi-seconde. Tâche ardue, il fallait l'admettre, mais parfaitement à la portée de l'ancienne.

            Déjà un trio de criminels arrivent en soutien, afin de protester activement contre les velléité de rébellion du duo improvisé. Ils font feu de tout bois... Enfin, de tout flingues.

            Première salve.

            Le commercial esquive magistralement le trio de billes de plombs. Le boss ne va pas être content s'il apprend qu'un vulgaire forgeron itinérant lui tient tête. Il va falloir faire mieux que ça, et veiller à ce que l'impromptu se transforme en passoire dans les plus brefs délais. Immobilisation, pointage de la cible. On expire avant de tirer, on ouvre les deux yeux. On ignore le mystérieux "poc poc poc" suit d'un ricanement qui se fait entendre.

            Feu...

            Gnéhéhaï

            Cette fois le petit ne pourra pas esquiver. Les mafieux furieux sont fier d'eux. Hélas, ils ne se doute pas de ce qui les attend. Lorsque leur rétine se remet du flash des armes à feu, ce n'est qu'un forme leur tournant le dos, et dominée par une immense chevelure à chignon qu'ils aperçoivent. La vieille semble s'être téléportée sur la trajectoire des tirs. Elle a prit les balles de plein fouet. Il n'y a pas l'ombre d'une goutte de sang sur sa robe. Serait-elle invulnérable ? Serait-elle plus qu'une simple rédactrice en chef de journal people ?

            Laissant à leur perplexité les hommes interloqués par tant d'obstination à ne pas daigner succomber comme il serait conventionnel de le faire en une telle circonstance, la doyenne du navire plante son regard perçant et narquois dans celui du petit commerçant. Même à deux, ils n'auront aucune chance face à un équipage complet. Le grand drame de la vieillesse. En son temps, elle se les serait tous prit à une main sans y penser. Heureusement, suivant une très vieille doctrine familiale, elle a un plan B, un plan C, un plan D et envisage sérieusement de se trouver un plan Q d'ici quelques minutes. Trêve de concision et de message codé, elle doit être clair avec le garçon en face, et n'hésite pas à rentrer dans le détails, malgré la pression d'un nouvel assaut imminent de nos mafieux si à cheval sur les principes de la non originalité.

            La cale...

            Ses yeux opèrent, après ce discours digne des plus bavards des politiciens, une rotation de quelques degrés vers le haut. Suite à ce mouvement, ils ne regardent plus le jeune forgeron, mais une immense trappe au milieu du navire, un peu plus loin derrière.

            Un homme consciencieux, et manifestement inquiet des possibles erreurs d'orientation des homes d'équipage à prit soin de placer un petit panonceau : "Cale, labyrinthe pour les méchants"

            Nul doute que le jeune homme saura trouver parmi ces subtiles indices disséminés ça et là le chemin pour la-dite cale.

            Bien sûr, nul doute qu'en bon héro potentiel en devenir, il saura se faufiler ça et la pour neutraliser un par un les mafieux qui, selon les normes en vigueur, auront le bon gout de ne jamais se déplacer en groupe de plus de deux. Après tout, c'est bien comme ça qu'on fait dans les milieux biens de la pègre.

            La vieille s'immobilise. Sur son visage, il y a un sourire sournois et figé qui lui a valut un nom dans nombre de milieux. Déjà, les hommes, soucieux de vérifier si leur expérience malheureuse n'est pas due à une erreur de visée, toujours à craindre en mer, par des vents un tant soit peu présents, se remettent à tirer une salve.

            Gnéhéhaï

            Toujours pas de dégâts... Nouvelle perplexité des mafieux. Le patron va commencer à croire qu'ils sont incompétents si même leur balles ne font plus leur travaille correctement. Au mieux, il balancera les balles à la mer avec un poids attaché au pied. Au pire, il fera de même, mais avec les tireurs attachés au bout des balles.

            Et puis ils ne peuvent plus voir le petit commercial à cause de l'obscène amas de cheveux qui se dresse au sommet du corps ridé. Le moment idéal pour le petit Yohoshiro pour effectuer une réadaptation de position pour l'établissement d'une position stratégique plus favorable.

            Comprendre : le moment parfait pour se carapater.
              L'action était décidément trop rapide pour moi et, bien que mes yeux suivaient tout, mon corps n'avait pas le temps de réagir. Si bien que, quand je vis partir la deuxième rafale de balle, j'avais encore les deux genoux au sol, essayant de me relever. Telle allait donc être ma fin? Je vis les balles partir au ralenti, comme dans un rêve. J'eus même la vague sensation que j'allais voir ma vie défiler à toute vitesse devant mes yeux. Mais ce ne fut pas le cas. Ce ne fut pas le cas car les balles ne m'atteignirent pour ainsi dire jamais. Je cherchais l'explication rationnelle, ne voyant aucun impact de balle autour de moi. S'ils m'avaient manqué, leurs tirs seraient restés incrustés dans le sol du navire. Non, aussi improbable que cela puisse paraître, quelque chose avait du les arrêter dans leur course. Plutôt difficile à croire, non?

              Ce sera encore plus dire de le croire lorsque vous saurez par qui, et non par quoi, furent arrêtées les balles. Cette triple rafale, tirée par un trio de dangereux mafieux, avait été stoppée par... une grand-mère au chignon démesurée et gâteuse! Celle-là même qui avait lancé un cri incompréhensible pour me prévenir du danger. Celle-là même qui m'avait sauvé la vie quelques secondes plus tôt. Et qui venais de recommencer. Dans ma tête, un étrange petit panneau s'alluma. Comme un tableau des score sportif. D'un côté il y avait écrit "Moi", avec un grand zéro clignotant au dessous et de l'autre côté il y avait écrit "La vieille rieuse", un magnifique deux s'affichant en dessous. Je chassais de ma tête cette illusion pour m'intéresser de nouveau à l'action. L'aînée me regarde intensément. Oh pardon,  je voulais dire fixement.

              - La cale

              J'entends pour la première fois la voix de la vieille combattante, assez désagréable pour être remarquée. Je préférais presque quand elle riait.

              Mais ce qui m'intéresse ce sont ses mots. Elle n'a rien dit et tout dit en même temps. Lorsque j'entends ces mots, mes yeux pivotent d'eux même vers le centre du bateau, pour chercher la trappe qui conduit d'habitude au cœur de ce dernier. Alors je la vois, m'apparaissant comme une illumination. Ou plutôt comme une aberration. En effet, la vue de cette trappe ressemble plus à une mauvaise blague de cartoon. Je me frotte les yeux, pour être certain qu'une telle chose est possible. Mais "IL" est toujours là. Par il, j'entends le panneau. Oui un panneau! Une pancarte claire et nette, indiquant la trappe et disant: "Cale, labyrinthe pour les méchants". En temps normal j'aurais pris ça pour un piège grossier et évident, mais dans ce cas là... J'avais eu un si bel aperçu des capacités intellectuelles des hommes d'équipage, que je ne doutais pas de la véracité de ce panneau.

              Trois nouveaux coups de feu éclatent, derrière le mur de cheveux de la mémé. Elle ne semble, cette fois encore, ne rien ressentir. Étrange... Étrange, mais pratique. Jugeant que le moment est venu, je me jette vers l'avant, dans une roulade digne d'un film d'espionnage, pour arriver vers le panneau. Je m'apprête à descendre quand une nouvelle idée absurde pénètre mon esprit. S'ils sont si crétins, autant les exploiter. Et si je pouvais m'arranger pour sauver la mise de la vieille, c'était encore mieux. Alors je sors un couteau et je grave sur le panneau ces quelques mots: "Je suis là". Je m'élance ensuite dans la cale, où il fait noir comme dans l'arrière train d'une vache, pour parler poliment. Fort heureusement, mon plan marche, et un premier sbire s'engouffre dans la cale, une torche à la main. Parfait. Je lui prends sa torche, lui flanque un coup de pied dans le derrière, et le laisse là, le nez par terre. Maintenant j'y vois clair.

              Je réfléchis donc quelques instants. La vieille est là haut, aux prises avec trois hommes puissants. Moi je suis dans une cale noire, avec une simple torche, 40 soldats s'apprêtant à me tomber. Je pense que la situation ne pourrait pas être pire. Ma torche éclaire alors une caisse, où il est marqué: explosif, danger. Et ce mot est répété sur toutes les caisses. J'ai la désagréable sensation qu'un petit robot dans ma tête dit d'une voix mécanique: "Nouvelle donnée analysée. Se promener dans une cale pleine d'explosifs avec une torche. Situation empirée". Il s'agit d'être calme à présent. Ils devaient recevoir des consignes tout de même. Un des leurs était devant, couché au sol. En toute logique et si ils voulaient coïncider avec leurs valeurs clichés, ils viendraient par groupe de deux, dans le but d'être plus efficace. Un grand vacarme attire alors mon attention. Je regarde derrière moi, ayant peur de comprendre. Et ce que je redoutait se produit. Les 40 hommes de main, aussi bêtes qu'ils sont nombreux, étaient en train de s'engouffrer tous en même temps dans la cale. Tous avec des torches. Pressentant le malheur arriver, je me dépêche de me sauver, courant vers l'autre côté, vers un endroit où je serais plus en sécurité.

              BOUM

              Je vois une porte devant moi, juste au moment où je sens le souffle de l'explosion arriver. À peine ai-je le temps de m'engouffrer dans la nouvelle pièce et de fermer la porte, que la moitié des sous-sols du bateau explose, dans une gerbe de feu. Le petit robot semble être de retour dans mon esprit, une nouvelle phrase pour moi: "Nouvelle donnée analysée. Se trouver dans un bateau sans fond. Situation empirée". Effectivement. Il paraissait évident que nous allions couler. Et dans très peu de temps. Enfin, pas tout le bateau je suppose, juste l'avant...

              -Hum,Hum.

              Mon sang se glace dans mes veines. Je me retourne lentement, ayant peur de comprendre. Un coup de poing vient alors me cueillir, juste sous le menton. Je décolle violemment du sol, pour passer à travers le plafond et me retrouver à l'air libre. Je ne sais pas ce qui s'est passé pendant mon périple dans la cale, mais je suis de retour au point zéro. Enfin presque. Les soldats sont hors d'état de nuire, mais il en reste trois. Et pas n'importe lesquels. Don Marco et ses deux lieutenants. C'est l'un d'eux qui m'a frappé. Je recule un peu, et heurte un corps. Je me retourne, et vois la mamy, toujours face au chef, paré au combat, enfin je suppose. Soudain, sans savoir ce qui me prend, je me décide à communiquer avec elle. Puis je me rappelle qu'elle est gâteuse. Alors, dans une phrase concise et explicite, employant un vocabulaire élaboré et adapté, je m'adresse à elle, lui souhaitant bonne chance.

              - Gnéhéhé...

              Peut être comprendra-t-elle ainsi. Qui sait...
                Le malheureux trio n'arrivait pas à concevoir l'incroyable improbabilité de la situation. Ils étaient parmi les trois meilleurs tireurs de l'équipage. En général, lorsqu'ils tiraient sur un impromptu, celui-ci avait tendance à s'effondrer dans un râle, en émettant quelques sons du type "arguelegue", "beuah" ou plus humblement "damned". Par contre, il fallait avouer que rester immobile et ricanant n'était absolument pas l'attitude conventionnelle. Ce chignon surplombant, la robe de très mauvais goût étaient décidément fort embêtants.

                Un regard s'échange, des épées sortent de leur fourreau et ils chargent. Si nos trois hommes en costard avaient appris une chose, c'était bien que même les gens improbables ne tolèrent que très mal de voir leur tête séparée de leurs épaules. La vieille ne semble pourtant pas décidée à effectuer le moindre mouvement. Elle ne les regarde même pas.

                Tant pis pour le commercial. Il doit avoir prit la poudre d'escampette depuis.

                Une épée vise les jambes, pour parer à toute fuite. Une autre vise le milieu du dos. On ne sait jamais, un saut avisé pourrait éviter le raccourcissement prématuré des membres inférieurs, chose toujours gênante, surtout considérant cette fâcheuse manie de se déplacer trop vite qu'a l'ancienne. La troisième épée, quant à elle a un objectif bien plus basique.

                Une bonne tête ennemie est une tête qui respecte une distance de sécurité de 10 mètres avec le reste du corps.

                Proverbe mafieux qu'aiment répéter les maîtres assassins de Don Carbopizza.

                Don Marco, a retrouvé un peu de son calme. Après tout, en homme de goût, il sait bien qu'il n'a aucune raison de se mouiller pour l'instant. Il est le patron, c'est aux anonymes de faire leur travail de larbins et de se faire déculotter. Giovanni est passé par la trappe du bureau. Comme toutes les trappes du navire, elle est surmontée d'un panonceau : "cale, labyrinthe pour les méchants aussi". Cesare fait son boulot de bras droit du grand méchant en regardant son boss procéder à l'allumage traditionnel de cigare de fonction. Enfin, à re-procéder étant donné que la première tentative a été grossièrement interrompue par la disparition de la prisonnière. Les coups de feu qu'il a entendu indique clairement que, si l'on suit la logique et la plupart des lois physiques régissant ce monde, les rebelles ont été convenablement châtiés de leurs actes. Il suffit juste d'attendre que les hommes aient vérifié la non-intégrité physique des gêneurs.

                GNEHEHE !

                Césare s'écroule en se tenant le crâne. Don Marco lui-même n'arrive qu'à grand peine à retenir le haut-le-cœur qui vient sauvagement retourner son estomac. Ce hurlement grinçant et dérangeant est ignoble. Il ne semble que peu plausible qu'il soit l’œuvre d'un larynx humain.

                En sage super-vilain, le parrain sait reconnaitre le moment où ses larbins ont été neutralisés. Il se retourne et s'élance vers la porte du bureau, suivit de près par le brave Césare qui, en excellent second, a tellement ingéré d'alcool dans sa vie qu'il résite très bien à la sensation de gueule de bois que le rire démoniaque à généré chez lui.

                Elle est là, au milieu du pont.

                Le visage ridé et souriant surplombe les trois corps meurtris des tireurs. Trois épées gisent au sol. Manifestement, ils n'ont pas aussi bien contrôlé leur estomac que leur patron. Et les bleus sur leurs yeux et leur gorge indique qu'une canne maniée de main de maître a prit grand soin de leur faire passer l'envie de vouloir contester la supériorité, on ne peut plus palpable, de celle qui ne semble être qu'une journaliste ayant un peu trop attendu avant d'envisager la retraite.

                Césare, laisse-la moi. Je m'en vais lui faire passer l'envie de rire.

                Césare ne discute pas. Aux vues de ce que l'ancienne s'est amusée à faire jusqu'à présent, il est sceptique concernant les chances de son patron. Mais étant bras droit, et non baby-sitter de celui-ci, il préfère garder ses réflexions pour lui. Ça lui laissera le temps de se rappeler où il a déjà entendu parler de ces gens qui se déplacent tellement vite qu'on les croirait en train de se téléporter. Puis, si ses calculs sont exacts, Giovanni ne devrait pas trop tarder.

                BOOM.

                Ah... Voilà qui est inattendu et fâcheux. Voir très inattendu et très fâcheux. Par expérience, notre brave homme de main sait qu'un navire n'est pas censé trembler ainsi, et encore moins voir une partie de sa coque exploser sans raison. Même le Don, pour le coup, semble contrarié. La preuve, il s’interrompt en plein élan afin de manifestement obtenir un indice quelconque sur l'origine de cette anomalie. D'ailleurs, en parlant d'anomalie. Il semble peu naturel à nos deux bandits qu'un navire s'enfonce spontanément ainsi dans la mer.

                Heureusement une réponse fait son entrée, sous la forme du jeune marchand, suivit par un Giovanni manifestement peu enclin à appliquer une solution non violente au problème.

                Ironique, quand on constate que le jeune homme tente une communication avec notre chère Mémé nT. En plus, il le fait dans le propre langage de l'ancienne. Bon, pas de chance pour lui, il a un méchant accent et au lieu de l'encourager, comme il le souhaitait, il lui a proposé de manger une omelette aux macarons ce midi. Cela dit, la rédactrice est une femme dont la magnanimité n'est plus à démontrer, et faisant fi de ce léger souci de communication, elle répond par une phrase, volontairement choquante, et pleine d'encouragements.

                Gnéhéhé !

                Ah, le patron, remit de sa stupeur, entreprend à nouveau un assaut sous l’œil attentif de Césare. Giovanni fait de même sur le jeunot.

                Mémé nT ne semble pas particulièrement intéressée par l'éventualité d'un déplacement quelconque, même pour esquiver le coup de poing qui va manifestement l'atteindre d'ici peu. Pire que ça, elle se permet même une entorse à ses moyens de communication habituels en adressant plus d'un mot à son nouveau compagnon d'arme involontaire.

                On change d'adversaire !

                Saute-ennemi, une variante ancestrale du saute-mouton que trop peu de gens apprécient à sa juste valeur...

                  Je ne sais même pas de quelle façon je suis censé narrer les événements qui se sont produits devant moi. Tout simplement parce que moi-même je n'y ai rien compris. Tout s'est passé tellement vite et de façon tellement absurde que je peine à m'y retrouver.Bon.

                  Tout d'abord, ô comble de la joie et des bonheurs spirituels, la vieille semblait avoir bien compris ce que je lui disais. La discussion s'était enfin établie entre nous, dans un langage adapté aux convenances de notre civilisation. Deux êtres de notre rang doivent savoir se tenir, même en pareilles circonstances. La mémé me répondit de la même façon, avec une pointe de nuance, ce que je percevais comme étant approximativement la même phrase. C'était tout du moins le même sentiment. Ensuite et sans attendre longtemps, la vieille se remis face à son adversaire, visiblement décidée à combattre. Puis, sans que je sache vraiment ce qui venait de lui traverser l'esprit, elle me parla. Je n'entends pas par là qu'elle cracha cet espèce de gargouillement immonde que nous utilisions auparavant pour communiquer. Non. Elle parla. Elle construit une phrase avec des mots, placés correctement, donnant un sens presque normal à cette phrase. Sans m'inquiéter de ce qu'elle voulait dire par: On change d'adversaire. Je m'élançais vers elle, un grand sourire aux lèvres, ravi de cette nouvelle.

                  -Hé mais tu parles vraiment Mamy! En fait tu n'es pas gâteu... PAF

                  Outre le fait que ce bruit était particulièrement ridicule et absolument inspiré des cartoons les plus idiots, il me fit un mal de chien. Pas le bruit, le coup de poing qui suivait. Qui l'avait provoqué contre mon crâne en vérité. Je tombe en avant, de la façon la plus ridicule qui soit. Mon nez se plante dans la coque du bateau, me coinçant dans une position encore plus ridicule. Si le ridicule tuait, je crois qu'en une simple action j'aurais commis un génocide. Derrière moi j'entends le rire gras et entrecoupé de souffles, sûrement dûs au cigare dans sa bouche, caractéristique d'un parrain de mafia. Je viens de repenser à ce qu'a dit la vieille. Elle avait vraiment changé d'adversaire. Elle avait maintenant devant elle Giovanni et Vincenzo, selon les étiquettes à leurs poitrines, les deux lieutenants de Don Marco. Le même Don Marco qui est derrière moi, sûrement en train de sortir un flingue d'environ 40 centimètres de long, dans le but de m'exploser le crâne sur le bateau façon purée. Bien. Je pense que je dois maintenant agir. Sans attendre, je pousse sur mes mains, décrochant mon nez du bateau et, dans le même mouvement, je relève mes jambes...pour frapper violemment les bijoux de famille du patron des mafieux.

                  PING

                  ...Mais qu'est-ce que c'est que ce bruitage idiot encore une fois? Je ne vis pas dans un cartoon! Cette journée à beau prendre un tournant de plus en plus fou, je reste en danger de mort. Mon mouvement extrêmement classe et d'une lâcheté sans pareille achevé, je me relève correctement. C'est maintenant à moi de rire devant le mafieux plié en deux devant moi. Les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer. Il se met à souffler comme un gros bœuf, en se relevant. Je jette un rapide regard derrière moi, et je vois que la grand-mère s'est éloignée. C'est bien le moment de me laisser seul, tiens. En face de moi, le mafioso dégaine deux pistolets de belle taille. Dans un enchaînement très rapide, il tire deux balles, que je bloque avec mes marteaux, dégainés en une seconde. Le son qui en résulte me donne envie de tuer quelqu'un. Voici un résumé sonore de la situation que je viens de décrire.

                  SHLIFF, PAN, PAN, SHOUFF, CHTING, CLAC, TOC, TOC

                  Je crois que lui aussi a remarqué ce problème sonore car il fait une drôle de tête. Ou bien est-ce parce qu'il ne s'attendait pas à ce que j'arrête ses balles. Toujours est il que je reste moins longtemps surpris que lui. Les deux marteaux dans mes mains s'en échappent à une vitesse folle, allant frapper, dans un "SCHTUNG" assourdissant, la mâchoire carré du parrain. Une couronne en or massif s'en échappe, que je rattrape au vol. Elle pourra toujours servir. Les temps sont durs non?

                  J'espère que la vieille folle va bien...