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Dans les cabines du Léviathan, les anges cohabitent avec les rousses!


Après avoir vécu quelque folles aventures avec Lilou et Oswald, Jeska retourna à sa cabine. enfin, ce n'était uniquement la sienne, vu qu'il y avait un autre lit. Pour le moment, l'aveugle était seule. Elle allait en profiter pour aller faire un brin de sieste.

Les rêves d'aveugles sont bien différents des nôtres. C'était uniquement des sensations et des sons. Et dans celui de Jeska, il y avait pêle-mêle : l'odeur de l'atelier de Lilou, la saveur des langoustes, et le toucher des mains d'Oswald sur sa poitrine. Mais en fait, il y avait surtout de vieux souvenirs d'enfance. Ceux où les enfants de l'orphelinat la brimaient parce qu'elle était différente. Ceux où elle pleurait toutes les larmes de son corps. Ceux où elle caressait le rêve fou d'avoir une famille comme tout le monde. Et enfin, le plus récent. Celui où le Commodore Jenkins lui disait qu'elle faisait partie de la grande famille des Rhinos Storms.

Puis soudain, elle se réveilla, elle n'était plus seule dans la pièce. Une jeune femme qui sentait le piment doux venait de rentrer.

Bonjour, je suis la Lieutenant Jeska Kamahlsson, enchantée de faire votre connaissance! C'est vous ma camarade de chambrée?

L'ange semblait enthousiaste, le visage strié d'une magnifique marque d'oreiller.


Dernière édition par Jeska Kamahlsson le Dim 12 Jan 2014 - 15:45, édité 1 fois
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J'pose mon bagage au pied d'mon lit, un peu lourdement. J'suis en sueur, j'ai du faire au moins deux fois le tour complet du bâtiment avant de trouver ma chambre. J'm'essuie le front avec le mouchoir sur lequel j'avais dessiné le plan et noté l'itinéraire, et j'me laisse tomber. C'est là, et seulement là que j'vois que j'suis pas seule, et même qu'on m'a parlé.

Bon, à ma décharge, elle fait pas de bruit. C'est même le genre fillette fragile comme y'en a toujours une ou deux dans chaque base marine, j'ai jamais vraiment su pourquoi. Avec mon esprit encrassé par la vie sur les docks, dans les poubelles et le long des trottoirs, j'pensais que c'était les tapins privées des officiers. Mais queud'. Y'a des exceptions, mais en général, c'est juste des erreurs de recrutement. Des filles d'officiers qui voulaient faire comme papa, des anciennes rescapées qui se sentent avoir une dette et qui décident de passer l'uniforme. De ce que j'ai vu.

J'lève les yeux, je l'observe deux secondes avant de lui répondre. Juste le temps qui faut pour pas que ça paraisse déplacé. Elle a des ailes... pas impressionnée. J'ai déjà vu ça. D'ailleurs, c'est dur d'être encore étonnée quand on a grandi dans le Grey T. et qu'on a fait trois fois le tour des Blues à force de mutation, en prenant bien soin de visiter les tavernes les plus miteuses à chaque fois. J'peux même le confesser devant Toi, Seigneur, il m'est arrivé de rencontrer un nain borgne unijambiste avec une tête de poulpe et un corps d'humain. Il dansait sur sa jambe de bois en jonglant avec des poignards et des torches, juste pour survivre. C'est quoi, une paire d'ailes à côté de ça ?  

Je traque le diable, c'est vrai. J'aime encore bien le tirer par la queue, voir comment il réagit, comment il me met en danger. J'suis pas raisonnable.

J'vois aussi qu'elle est aveugle, ça, c'est pas dur à capter. Le regard fixe qu'essaye de chercher le mien en devinant ma position, vaguement voilé.

Donc, si j'résume, j'partage ma piaule avec une représentante des quotas obligatoires de la marine, mais en condensé. Handicapée, ange et toute fragile.
Et le mieux ? J'déteste ces quotas absurdes, et encore plus les gens qu'entrent dans les rangs sans avoir rien à y foutre. La marine pour tous, c'est niquer des potentialités et faire croire que n'importe qui peut y arriver, alors que non. Y'a de l'insurmontable. Y'a des trucs que même si tu les désires de tout ton être, t'arriveras jamais à les avoir. Faut faire avec, la vie est dure. Surtout pour ceux qui la portent dignement.

Pourtant, j'tique en m'remémorant vite fait ce que j'viens d'entendre. « Lieutenante ». On est gradé pareil. Encore que, ça veuille pas dire grand chose. Le grade met à l'abri du sang, p'têtre bien qu'elle se cogne un titre honorifique la faute à la bienveillance de son papa qui voudrait pas qu'il lui arrive malheur. J'trouverai presque ça touchant.

-...  il semblerait que je le sois, oui. Lieutenante Serena Porteflamme, enchantée.

J'respire, j'garde le ton neutre et pas spécialement malveillant. Mon grade à moi sent la sueur et la mort, mais j'en suis même pas fière. Au fond, j'm'en fous. J'ai prévu d'aller causer à Jenkins dans la soirée, j'ai pas envie que des mauvaises pensées viennent tenir le squat dans mon cerveau. Pour une fois, elles pourront aller se trouver une tête moins rousse, j'suis pas d'humeur à héberger.
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Maintenant que Jeska était plus réveillée. Elle sentait mieux le bouquet qui entourait sa future partenaire. Les notes de tête qui composaient son parfum si particulier étaient vraiment très légères. Un soupçon de citronnelle. Tellement diffus que même une personne avec un nez aussi fin que l'aveugle aurait du mal à le percevoir. Les notes de cœur, quant à elles étaient principalement épicées et végétales. Il n'y avait pas de fleur ou de fruit. Enfin, venaient les notes de fond. Les odeurs boisées et balsamiques étaient certainement les plus présentes. C'était étrange. Mais ça indiquait à l'ange que la femme avec elle avait beaucoup bourlingué. Oui, son parfum sentait le vécu et les horizons aussi différents que lointains.

Mais surtout, sa fragrance lui indiquait que Serena avait besoin d'une bonne douche. Sans partir sur le mauvais cliché de la sueur des rousses, on peut juste dire que Jeska était assez sensibles aux odeurs corporelles. Surtout les mauvaises en fait. Mais bon, elle ne refusa pas la main tendue de demoiselle qui répondait au doux nom de Serena Porteflamme. Elle ne lui conseilla pas non plus d'aller faire un brin de toilette. En fait, elle lança sans même vraiment y réfléchir.

Super, on a le même grade!

Puis elle embraya sur une chose qui lui tenait à cœur. Son ton s'étant involontairement durci.

Je ne sais pas si tu l'as remarqué mais je suis aveugle. J'ai l'habitude que les gens soient prévenants avec moi. Pensant que je suis une petite chose fragile. Que le handicap c'est dur, ou d'autres choses du genre. Je suis née comme ça, et j'ai appris à compenser. Je ne vois pas comme vous, mais je perçois très bien mon environnement. En fait, même si ça paraît un peu prétentieux de dire ça, je pense que je vois plus de choses que vous. Enfin, bref, je n'aime pas trop être prise en pitié, je trouve ça vexant.

Jeska n'en dirait pas plus. Elle avait pas envie de partir sur une histoire pathos sur comment c'est difficile d'être une marine et de ne pas y voir. Après tout, elle n'avait aucune idée de ce par quoi Serena était passée pour se trouver là. D'autant plus qu'elle venait de dire qu'elle n'appréciait pas qu'on la prenne en pitié, ce n'était pas pour sortir un tire-larmes sur sa vie. Elle avait beau avoir des plumes noires et être vêtue de blanc, elle n'était pas Caliméro pour autant. Enfin, elle rajouta un petit quelque chose pour détendre un peu l'atmosphère.

Enfin, j'ai beau faire la fière comme ça, mais je me paume quand même dans ce fichu navire!

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-Hm ? Alors, tant mieux.

Ça, c'était pour le coup de la petite-aveugle-fière-forte-et-indépendante-qui-veut-surtout-pas-être-prise-en-pitié. Prise en pitié ? Personne le veut, pas sous cette forme. C'est tellement mieux d'essayer de faire naître chez l'autre une certaine forme d'admiration. Un drôle de sentiment sur lequel j'arriverai pas à mettre un nom. D'un côté, tu te sens supérieure, plus forte, plus complète, et d'un autre, tu te places en-dessous. Commisération ? J'sais pas si c'est ça. Mais le mot schlingue autant que son sens, si j'le devine juste.

Et tu tireras pas ça de moi, et encore moins ce soir. J'suis fatiguée, j'ai pas envie d'être là (même si c'est peut-être mieux qu'ailleurs), et j'me sens pas des masses d'humeur à faire preuve de charité. Brr. Encore un mot sans corps qui a gardé que son ombre, et qui empeste autant que son copain du dessus.

-Ouais, tout le monde s'y perd, je crois. C'est immense.

Et en disant ça, je m'allonge sur mon pieu. J'garde l'uniforme, j'ressors tout à l'heure. Pour être honnête, j'pensais prendre le temps de méditer un peu avec mes bouquins et mes prières, mais la présence curieuse de miss odorat-de-cochon-truffier (j'pense que c'était ce qu'elle sous-entendait par « je sens plus de choses que vous ») m'en a pas mal coupé l'envie. Qu'importe qu'elle soit aveugle, elle serait bien capable d'entendre le papier, et quand bien même elle l'entendrait pas, j'aime pas les gens trop curieux. D'autant que j'sais pas pourquoi, mais j'la sens pas. C'est comme si on vivait dans des mondes opposés. Y'a des gens chez qui ça s'sent dès le premier regard. Tu sais que le courant passera pas, qu'on parlera jamais de la même chose. On pousse sur la même montagne où on y pousse pas. Après, on peut être sur la même et regarder dans des directions opposées, mais c'est encore là que c'est le mieux. Se comprendre sans être d'accord.

-...

Le plafond de la cabine est moins bas que tout ce que j'ai connu. Mais ça m'empêche pas de pouvoir y compter les araignées. Et d'en voir une farouchement décidée à partir à la découverte de la chevelure de l'aveugle.

J'm'en occupe pas. Elle a bien dit qu'elle voulait pas de soin particulier ? Bon. Ça tombe bien, j'comptais pas trop lui en procurer. En espérant tout de même qu'elle craigne pas trop les bestioles. Tous les aveugles que j'ai rencontré détestaient ça. Ça, et les oiseaux.
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Serena avait répondu, et la conversation s'était arrêtée là. Comme ça. La nouvelle arrivante s'était allongée sur son plumard. Et puis rien. Du silence. Soudain, Jeska sent qu'une bestiole visite inopinément ses cheveux. Avec une infinie délicatesse, l'ange va chercher l'arachnide et s'en saisit. La bête semble s'amuser à escalader les phalanges de la jeune soldate. Et on pourrait presque croire que cette dernière partageait ce plaisir.

Finalement, l'aveugle posa l'araignée par terre. Sa compagne de chambrée ne lui avait toujours pas décoché un mot. En fait, Jeska avait l'impression que Serena ne faisait que répondre à ses questions. Ni plus, ni moins. L'hostilité n'avait pas d'odeur. Et l'ange pas assez d'expérience de la vie en communauté pour le comprendre. Elle se contenta donc de penser que sa nouvelle amie était timide.

Cependant, ce silence la gênait considérablement. Elle souhaitait un peu mieux connaitre la personne avec laquelle elle allait passer ses nuits. Sans sous-entendu scabreux, c'était tout de même très important. Son intégration à bord du Léviathan était très différente de ce à quoi elle s'attendait. Vraiment, il y avait beaucoup de monde, ce n'était pas facile de retenir tous ces noms et toutes ces odeurs. Elle avait déjà fait partie d'un équipage plus réduit, et son intégration s'était très bien passée. Mais là, le silence l'ennuyait.

Que devait-elle faire? Insister, au risque de passer pour une jeune femme qui a désespérément besoin d'attaches. Ce qu'elle était d'ailleurs. Ne rien dire, jouer les indifférentes, non, ce n'était pas sa nature. Elle devait donc trouver quoi dire. Un truc sympa, original et passe partout à la fois, mais il fallait surtout que ça lui permette d’engager une vraie conversation. Pas si facile. Tandis qu'elle réfléchissait, l'odeur de transpiration de Serena emplissait lentement la pièce. Devant son incapacité à trouver un sujet, Jeska se  décida à parler de la première chose qui lui passait par la tête.

Dis, Serena, tu ne veux pas prendre une douche?


Truc sympa : raté, elle venait de dire que sa voisine puait
Original : d'une certaine manière
Consensuel : à voir
Permettant d'ouvrir une conversation : si Serena était soupe-au-lait, la "conversation" risquait de tourner au vinaigre
Bref, un échec sur toute la ligne.
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Les araignées, ma perception de l'araignée. Conditionnée par un langage qui règle et détermine mon rapport au monde. Elles sont à la fois une essence - chose mouvante à huit pattes articulées dotée d'un corps rond en une, deux ou trois parties, à la piqûre plus ou moins douloureuse et toxique – le concept qui les réunit toutes, les grosses, les petites, les faucheuses et les trapues en un seul et même mot. « Araignée ». D'y penser, le mot reprend devant mes yeux à la fois toute sa substance, sa richesse, et son étrangeté. Et puis, je me focalise sur une seule araignée, immobile, plantée au fond de sa toile. Une seule. Unique, celle-ci et pas une autre. Une existence qui résiste à toute dénomination, parce que justement, il y en a qu'une, et que pour faire un mot, il faut un concept ; et pour faire un concept, il faut du général.

J'suis étalée sur le dos, perdue dans une méditation métaphysique coutumière que j'aime reprendre quand je ne peux pas lire et que j'ai besoin de paix. Une existence, donc. Celle de cette araignée. Dans cette existence, deux bouts. Un que je peux prévoir. Il va pas lui pousser des cornes d'un coup, elle va pas se mettre à rugir, elle a un code génétique et des attitudes d'araignée. Noétique. Et un autre que je peux pas prévoir. Elle va bouger ? Pas bouger ? Tisser ? Pas tisser ? C'est ça qui fait peur chez l'araignée. Tu sais jamais quand elle va sortir de son immobilité, et son activité est toujours soudaine et étrange. Le monde est libre et terrifiant. Pneumatique.

Deux pensées qui sont unies dans la réalité, mais qui ne se rejoignent pas. Qu'est-ce qu'il y a entre les deux ? Qu'est-ce qui fait que tout est un, que rien n'est complètement figé ou complètement chaotique et mystérieux ? Il faut un troisième terme entre les deux... il faut...

Je somnole, à mi-chemin entre la veille et le sommeil, suivant ma pensée comme une luciole dans l'obscurité. Ça s'allume, ça disparaît, ça revient plus loin, de nouveau la nuit, puis la lumière. Il faut un fond. Une toile de fond, quelque chose de fixe sur lequel tout puisse...

Quoi ? Une douche ?

-Ah ?

J'me frotte les yeux. J'sais que j'ai sursauté. C'est comme si on venait de faire éclater ma bulle, alors que j'étais bien installée dedans. Et y'a pire. Y'a la collègue de chambrée qu'est en train de confirmer la mauvaise impression qu'elle avait réussi à me donner d'elle-même en moins d'une minute. D'abord, je pige pas, j'crois à une manière détournée de dire qu'elle a peur de se paumer en y allant, et qu'elle veut que je l'accompagne. Mais ça colle carrément pas au côté super-indépendant-t'occupes-pas-de-moi qu'elle vient d'affirmer. Puis les douches sont à côté, en plus. Donc...

-Puisque vous ne souhaitez pas que l'on vous ménage, je vous dirais simplement d'aller vous faire foutre, lieutenante. Avec tout mon respect.

C'était excessif, mais j'en rougis pas. Ce grade, rien que ce grade, il suppose d'avoir passé du temps dans des dortoirs bondés et mixtes bien puants, d'avoir senti la sueur des missions à haut risque, l'odeur des cadavres au soleil ou celle des suaires les jours d'enterrement. Si elle a vraiment connu tout ça, elle comprendra la nuance d'ironie et l'absence de haine de mes propos. Si elle le pige pas, c'est que c'est bien une fille à papa qui a pris du galon en échappant à tous les dangers. Et pour ça, aveugle, borgne, cul de jatte ou pas, elle aura jamais droit qu'à mon silence.

Pas de mépris. Juste une trop profonde différence que j'sais pas encore combler. Et j'ai déjà du mal à communiquer avec ceux qui me ressemblent d'une manière ou d'une autre, j'vais pas tenter l'impossible. Même si c'est ce qu'exigerait la présence qui est en moi, la source de ce fond qui cerne toutes les choses du monde. Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir...
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La phrase de Serena claque dans l'air comme une rafale de vent du Nord. Cinglante, la répartie de la rouquine refroidit Jeska. C'était assez marrant d'ailleurs comment les gens avaient tendance à dire des formules toutes faites comme "sauf votre respect" et autres dérivés uniquement pour marquer le mépris. C'était un peu comme les vieilles dames qui vous donnent un ordre en commençant leur phrase par "sans vouloir vous commander". Cet effet de style devait bien avoir un nom, mais l'ange l'ignorait. Et, de la même façon, elle n'en comprenait ni le sens, ni le but.

La jeune soldate se retrouvait donc bouche bée. Le sifflet coupé par la réplique de sa camarade. Cette dernière venait de l'envoyer sur les roses sans avoir ôté les épines. Les joues de l'ange commençaient à rougir d'un mélange de colère et de honte. Ses lèvres s'ouvraient et se fermaient comme si elle essayait de dire quelque chose mais que les mots n'arrivaient pas à sortir. Il fallut bien quelques secondes à l'aveugle pour se remettre d'une telle grossièreté dans les propos.

Du coup, elle ne savait toujours pas comment réagir face à Serena. Devait-elle insister? Était-elle de mauvaise humeur parce qu'elle avait ses règles? Est-ce que leurs relations seraient toujours aussi peu agréables et courtoises? Mais Jeska savait une chose, elle garderait à présent ses avis pour elle en présence de cette pimbêche. L'ange se leva donc et ouvrit en grand le hublot. Un air encore plus glacial que les répliques de la jeune Porteflamme s'engouffra dans la piaule. L'aveugle se dépêcha donc d'enfiler un pyjama et de se fourrer dans son lit. Au passage, elle remarqua que sa colocataire était plus "chaude" qu'elle ne devrait l'être. Cependant, elle ne se permit pas de le faire remarquer à la principale intéressée. La soldate ailée mit donc l'humeur exécrable et les fortes odeurs de sudation de sa colocataire sur un dérèglement hormonal menstruel suffisamment balaise pour lui faire monter la température.

Bien au chaud emmitouflée sous une couette, l'ange savourait l'air marin. Certes, il était frais, mais au moins, il remplaçait agréablement l'odeur aigre de la sueur de la rousse. Jeska ne tarda pas à se mette en position de sommeil. C'est à dire allongée sur un coté, en chien de fusil, une main sous son oreiller. Il faut dire que la jeune femme n'arrivait pas à dormir sur le dos, à case de ses ailes, et qu'elle n'était pas assez ivre pour s'endormir sur le ventre. Il était intéressant de remarquer que Jeska tournait le dos à sa compagne. Et bien que l'ange refuserait de l'admettre, elle boudait Serena.


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Visiblement, c'est la première fois qu'on te manquait de respect ? Eh, ben. Je sais pas si le ciel t'a fait un cadeau en gardant tes yeux pour lui, mais j'crois définitivement que t'as quand même été bien préservée de la réalité des choses. C'est ça, fais la gueule, ouvre la fenêtre et endors toi.

J'suis un peu dure, mais le cœur n'y est pas. J'ai rien contre elle, Seigneur, vraiment. De penser que j'pourrais encore avoir agis contre ton sentiment, j'ai la fièvre qui monte. Ça fait bien deux jours que ça arrête pas. J'ai des frissons et des bouffées de chaleur, possible que j'ai choppé une saloperie quelque part. Peut-être après l'entraînement de Jenkins. J'étais allée un peu loin dans mes limites ce jour là, enfin, quand même... mais c'est Grand Line, je l'oublie pas.

Je me retourne sur mon lit, et je laisse pendre ma main vers le sol, vers mon sac. Au jugé, j'attrape un bouquin, le premier qui me passe sous les doigts. Peu importe son propos, peu importe mon humeur. Pour une fois, je veux juste lire par soucis contemplatif. Par méditation. Je veux arriver calme devant le commodore, calme et maîtresse de mon propre domaine. Je veux bien rabrouer une aveugle à qui on a donné un grade décent par pitié et pour honorer les quotas ; j'arrive pas à être convaincue d'avoir mal agi, d'ailleurs. Mais je veux pas juger mon capitaine trop vite. Andermann doit avoir ses raisons pour lui faire confiance.

J'espère juste avoir les mêmes que lui.

J'ouvre mon livre, un essai sur le cosmos à l'âge d'avant les ponéglyphes et l'histoire perdue. Mes yeux prennent vite le mouvement des lignes tandis que je m'efforce de ne pas buter à la première incompréhension. J'avance, et petit à petit, je sens le sens émerger sous la forme d'un homme blotti au sein du monde, certain de trouver le sens de sa vie dans la position des étoiles et les raisons de son agir dans l'harmonie et la beauté de la nature. J'pourrais trouver ça naïf, me marrer, mais j'ai arrêté. J'me suis souvent dit qu'en comprenant ces vieux auteurs, je finirai par comprendre des gens comme Jeska, arrêter de les considérer comme des altérités strictes sans rapport avec l'humanité que j'incarne.

Hum. J'sais. Je pense comme dans mes bouquins. Ça m'envahit la cervelle. J'tourne une page, je pose le livre. Et c'est en ayant complètement fait abstraction de la présence boudeuse de l'aveugle que je me roule une clope. J'y pense même pas, en fait. Juste l'envie de me sentir respirer en même temps que je lis. Un genre de méditation. Avant de savoir lire, je fumais moins. Dans les moments de stress. Mais alors, fumer, ça me rappelait trop Joe, les rades, les odeurs de peur dans les ruelles et sous les gouttières qui suintaient toujours, et c'était qu'un moyen de me canaliser ; trouver une contenance alors que j'savais pas me contenir, pas du tout ; qu'j'étais la violence et la rage. J'suis plus zen, malgré tout, c'est vrai. Et si j'fume, c'est pour me sentir méditer.

Mais alors que j'laisse tomber mes premières cendres dans ma blague vide, j'remarque en levant les yeux que Jeska existe toujours, et qu'elle s'est retournée. Mieux. Qu'elle se prend la fumée en pleine gueule et qu'elle a pas l'air d'apprécier. Pas du tout...
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Habituellement, lorsque l'ange se met en position de sommeil, elle s’endort aussi sec. En effet, l'aveugle vivant perpétuellement dans le noir, elle avait plus ou moins conditionné un réflexe pavlovien. Dès qu'elle s'allongeait et prenait une posture précise, son esprit savait qu'il devait dormir. Cependant, pour une fois, ce n'était pas le cas, elle était tellement blessée par ce que venait de lui sortir Serena qu'elle n'arrivait pas à s'abandonner dans les bras de Morphée. En effet, sa camarade de chambrée avait le don de souffler le chaud et le froid. Mais ce n'était pas ça qui empêchait la jeune soldate de trouver le chemin du pays des rêves.

La raison aurait tout à fait pu être que Serena avait un caractère de cochon. C'était à la fois logique et vrai, sans vouloir faire offense aux porcs. Seulement la réalité de la chose était plus simple et complexe à la fois. En effet, l'ange avait déjà mis la volcanique rouquine dans la catégorie des "chieuses antipathiques" et avait fait son deuil d'entretenir avec cette dernière des rapports amicaux. En fait, ce qui gênait l'aveugle c'était l'odeur de tabac qui commençait à imprégner la pièce. Ce n'était pas que ça sentait particulièrement mauvais. Il s'agissait juste d'une question de principes. On ne fume pas à l'intérieur du Léviathan. C'était une règle. Pour Jeska, c'était une vérité absolue, quasi-dogmatique.

La brune se tourna vers la rousse. Elle attendit patiemment que cette dernière la remarque, puis elle annonça froidement.

Je constate que tu n'es pas très à cheval sur les règles. Que ce soient celles d'hygiène, ou celles concernant la vie à bord ici. Il est interdit de fumer dans le Léviathan.

Elle remettait pas très subtilement une couche sur le fait que Serena ne devait pas sentir la rose. De toutes façons, ce n'était pas comme si elle voulait s'en faire un copine de espèce de furie cyclothymique qui lui servait de compagne de chambre. Cependant, même si c'est sacrilège, elle mit un peu d'eau dans son vin.

Il est interdit de fumer dans le Léviathan. Mais bon... on peut aussi dire que j'ai rien vu... pour cette fois.

Un petit sourire malicieux se dessine sur le visage de l'ange. C'était toujours le cas quand elle faisait un peu d'humour sur son handicap. Elle continua.

Tu comprends, moi, je souhaite que notre cohabitation se passe pour le mieux. Apparemment, on a pris un mauvais départ. Même moi, je vois que le courant ne passe pas entre nous. Alors, au lieu d'être copines, essayons de ne pas nous gêner mutuellement. En ce qui me concerne, je suis très sensible aux odeurs. Et toi, je suppose que c'est ma présence qui t'ennuie. Je me dis qu'il y a moyen d'avoir un échange gagnant/gagnant. Je peux tenir ma langue et te laisser tranquille. Toi, de ton coté, penses-tu pouvoir faire l'effort de ne pas m’incommoder avec des odeurs désagréables?



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J'écrase ma cigarette contre la bague en fer blanc de ma blague à tabac, après une dernière bouffée rapide. Okay, okay, j'suis peut-être allée un peu loin. Les mots, je les regrette pas. La clope, j'y pensais plus. Sans ce ton autoritaire d'institutrice en rogne, j'crois même que j'aurais demandé pardon. Mais là... j'sens que ça serait ce qui faudrait faire. Tenter de s'expliquer, dire que je suis désolée, prétexter un événement bidon, tout ça. On peut pas dire directement à quelqu'un « j'ai rien contre toi, mais ta manière d'être et tout ce que tu dégages m'insupporte. A partir de là, j'veux bien essayer de faire des efforts, de te faire sentir comme je sens, et de pas être trop hostile en attendant ». Mais faut pas déconner. Faut être un ange pour accepter ça. Et au sens figuré, ou plus propre que propre ; enfin, pas être juste un humain avec des ailes. Avoir un caractère immatériel et tout entier dirigé vers le bien.

Hum. A la réflexion, p'têtre bien que je les trouverai insupportables aussi s'ils s'incarnaient dans un corps, ces anges là. Leur problème est le même. Angels deserve to die.

Personne peut accepter d'être pas aimé pour des choses qui échappent à son contrôle. Pour sa présence, pour son odeur, pour sa voix, pour son aura. Je sais mettre des mots pour tout ça. Mais ça ne rend pas mon aversion moins vive. Je sais que c'est pas une réaction très rationnelle, mais si les deux tiers de nos réactions l'étaient, ça se saurait.

Le monde serait triste. Mécanique. Il faut que des monstres se dressent de tous les côtés pour que les héros puissent naître, et avoir une raison d'être.

Ma sagesse a moi n'a pas le goût de l'ordre et du cosmos. Elle veut une victoire pleine et totale, je peux pas me berner avec des « c'est pas logique » et des « sois raisonnable ». Et pourtant, je peux pas l'empêcher. Ça m'emmerde qu'elle comprenne pas. Qu'elle puisse même pas accepter que je sois d'un monde parallèle au sien, qui se rencontreront jamais. Même dans un espace en trois dimensions super bizarre. Encore que, faut jamais dire jamais.

-Parce que si je recommence, vous irez raconter au commodore que j'ai fumé dans une cabine ? Et que je pue, aussi ? Si vous n'aviez pas ce grade, je vous souhaiterai la bienvenue dans la marine.

J'ai pas relevé le trait d'esprit. Juste l'idée générale. On passe de « je suis une jeune aveugle courageuse et indépendante » à « je suis une première de la classe qui a droit à des égards, tout de même ». J'ai été un peu trop sidérée pour m'énerver, je crois. Tant mieux. Dieu me protège.

-Vous vous donnez le bon rôle, hein ? Bon. Je voulais pas en arriver là, mais maintenant qu'on y est, autant discuter.

Je me lève. J'fais quelques pas, et j'me pose sur un tabouret posé à l'autre bout de la pièce, contre une armoire. J'suis face à toi, histoire de. Et près de la fenêtre. D'ailleurs, j'en profite pour rallumer mon mégot. L'air nocturne attire toute la fumée à lui, et puis, j'ai jamais rien eu contre une petite provoc' contre menace. Surtout quand lesdites menaces sont à ce point puériles, et qu'elles me touchent si peu.

J'suis pas allée à l'école. J'ai appris la vie sur le tas. Un tas d'ordures, même.

-Non, je ne sens pas la rose, non, je ne suis pas très loquace, et oui, j'aime bien être seule. Ma dernière douche ne remonte qu'à hier soir, mais j'ai passé l'après midi en situation d'entraînement.  

J'repense aux heures passées à courir dans les rayons des boutiques de Navarone, toutes spécialement montées par Barbie. Aux tas de fringues baladées, essayées, la sueur au front. C'était bien plus physique qu'un série de pompes. Et plus éprouvant pour les nerfs. J'ai les narines tellement saturées de parfum que je sens même plus la saveur de mes roulées.

-Et pour autant que je sache, je n'ai pas été la première à avoir des mots déplacés, lieutenante. Vous êtes peut-être sensible aux odeurs, soit. Moi, c'est la candeur dans les rangs de l'armée que je supporte mal. Et si je peux me permettre, c'est nettement moins facile à faire partir.

Au moins, ça c'est dit. J'me sens un peu plus légère, ma fièvre s'adoucit. Maintenant, quoi qu'il se passe, je crois bien que ça me serait égal. Si ça se passe bien avec le commodore, j'lui demanderais de changer de cabine. Et ça sera réglé.
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Jeska ne savait plus trop comment faire. Que dire face à une personne comme Serena? Elle se repassait mentalement la scène dans sa tête pour chercher en quoi elle avait eu des mots déplacés. Il y avait bien eu ce moment de maladresse où elle avait sous entendu que la rousse de sentait pas la rose. Mais, ce n'était pas une attaque personnelle. Le Lieutenant Porteflamme le concédait d'ailleurs volontiers. Oui, elle puait. Alors où était le problème? La marine ailée lui avait juste fait remarquer une chose qu'apparemment Serena savait déjà. D'ailleurs, si elle n'ignorait pas qu'elle était sale, pourquoi n'allait-elle pas se décrasser sous une bonne douche?

C'était d'ailleurs d'autant plus étrange que d'après la rouquine, l'ange se donnait le beau rôle? Jeska n'avait pas l'impression de forcer quoi que ce soit chez elle. Ce n'était pas une façon de montrer une différence entre Serena et elle. Ses remarques n'avaient pas été formulées dans le but de dévaluer sa camarade. Et le fait de rappeler à l’ordre la fumeuse n'était pas non plus une façon de prendre de la hauteur vis-à-vis de la pimbêche. En fait, Jeska essayait tant bien que mal d'établir une relation d'égal à égal avec les autres. C'est alors qu'elle comprit enfin de quoi il retournait.

Nous y voilà enfin. Tu commences à dire ce que tu as vraiment sur le cœur. Et je comprend mieux certaines choses à présent. Tu ne peux pas me saquer. C'était pas très dur à deviner. En fait, c'est le pourquoi qui m'a donné du fil à retordre. Tu me déteste non pas pour ce que je suis, mais pour ce que je représente à tes yeux. Comme je te le disait tout à l'heure, je vois plus de choses que vous. Et c'est souvent du au fait que contrairement aux valides je ne me laisse pas abuser par le voile des préjugés qui recouvrent vos yeux. Toi, par exemple, dès que tu as vu que j'étais aveugle, tu en as de suite déduit que je devais être une sorte de mascotte faiblarde. Ou pire que je devais faire partie du quota de bras-cassés qu'on se fade toujours sur un navire de cette envergure. C'est d'ailleurs certainement pour ça que semble avoir autant de mal à digérer que nous ayons le même grade. Mais bon, les préjugés, j'ai l'habitude.

Jeska était aveugle de naissance. Elle avait toujours vécu ainsi. Et elle avait toujours senti sur elle le poids de la différence. Elle était aveugle, et elle avait des ailes. Noires qui plus est. Plus jeune, les autres enfants la traitaient de monstre juste à cause de son apparence. Elle avait toujours regretté que les gens ne puissent faire abstraction de son physique, ou de son handicap, voire des deux. Mais c'était mal connaître Jeska de que croire qu'elle allait se résigner. Aussi vrai que certains luttent contre leurs démons, l'ange, elle, se battait contre les préjugés.

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Insupportable.

J'avais dit que plus rien pourrait m'faire sortir de mes gonds, en fait, si. Me sentir jugée et enfermée dans une toute petite boite sur laquelle y'a plus qu'à coller « salope » dessus. Ou « connasse » ; voir ce que j'arrive pas tout à fait à formuler rabattu sur un prétexte dans lequel je me retrouve pas, et où je risque pas de me retrouver. Et toujours, toujours, sentir cette petite supériorité maligne qu'elle s'attribue avec les honneurs. Oui, je vois plus de choses que toi, vilaine fille aveuglée par ses préjugés ! Pourtant, je n'ai rien dit de mal, rien fait de mal, tu es tellement injuste ! Je suis pure et innocente et tu me détestes pour des idées reçues, mais je te pardonne comme j'ai pardonné à tous ceux qui m'ont offensée !

Amen ? Non, pas amen, Seigneur. Devant toi, je le jure. Je ne suis pas ce qu'elle me renvoie, et tu le sais. Oui, du premier coup d'œil, à la première parole, j'ai su que ça passerait pas. Mais pas pour ceci ou pour cela. Eh, Seigneur ! Les gens, ils chantent bien la gloire du coup de foudre amoureux, de partout dans le monde ! Ils veulent pas qu'on trouve de raison à ça, ils veulent garder le mystère jalousement, jeter la clef au fond du puits et oublier qu'elle y est, jusqu'à ce qu'elle rouille, qu'elle disparaisse, la garce ! Et elle disparaît ! Elle fond dans le miracle de leur bonheur, non ? Alors ?

Pourquoi est-ce qu'il y aurait pas aussi des coups de foudre inversés ? Pourquoi est-ce qu'il faudrait toujours des raisons à la haine ? Merde ! J'en ai rien à foutre qu'elle soit aveugle ! Elle aurait des lazers de Pacifista à la place des globes que ça serait pareil ! Qu'elle soit ange ou pas, blonde, rousse, ou brune, tu veux que ça me fasse quoi ? Et qu'elle soit tatouée ou non ? Les préjugés, ça se fonde là-dessus, ça concerne une masse, et ça disparaît dès lors qu'on rencontre concrètement une personne d'un groupe honni ! Comme les vieux d'Orange qui disent pas aimer les étrangers, mais qui font des exceptions pour tous ceux qu'ils ont rencontré ! Eux, non, mais toi, toi, toi, et toi si ! Mais t'es pas pareil, t'es pas comme eux. Eux, ils sont comme ci et comme ça ; toi, t'es autrement. On est tous autrement ! Les masses, c'est une putain de fiction qui donne quelque chose contre lequel se situer, se battre. Tiens, dire que les pirates sont des monstres qui méritent la mort, tous les pirates, sans distinction, c'est pas aussi un putain de préjugé ?

Seigneur, écoute, t'es le seul à pouvoir entendre ce que je gueule intérieurement, pendant que mon cœur s'accélère, que je balance mon mégot par le hublot !
J'aime pas ce qu'elle dégage, j'aime pas cette autorité pédante qui se drape dans la douceur pour bien cacher ses angles, j'aime pas cette voix toute calme, toute posée, toute maîtrisée, j'aime pas cette aura de membre du syndic' féministe de la marine, j'aime pas, j'aime pas, j'aime pas, je déteste, je hais ! Pardon de te montrer ce spectacle, à toi qu'est qu'amour et don. Ça doit être la Fortune qui me met tout ça dans la tête et dans les tripes, elle qui sait rien dire d'autre que « c'est comme ça ».

C'est comme ça. Je peux pas te blairer, Jeska. Je te déteste bien pour ce que tu es, pas pour une histoire de représentation fumeuse. Ou au moins pour ce que tu dégages. Tout ce que tu dis, tout ce que tu montres de toi et aussi ce que tu ne montres pas, ça m'irrite, ça m'agace, c'est comme une plaie qui gratte dans un recoin inaccessible du dos. Impossible à arracher, à soulager, à ignorer.

-Vous êtes idiote, ou vous le faites exprès ?

C'est sorti presque un peu malgré moi, sans réelle colère. Parce que je suis pas en colère. J'ai juste le poil hérissé, comme si tu me balançais une électricité qui allait pas avec mon propre feu.

-Si j'avais des préjugés, vous croyez vraiment que... oh, merde.

Le pas militaire, cadencé, large, j'reviens vers mon lit. Je chope un bouquin, ma tenue de rechange et deux trois conneries à droite à gauche. J'vais y aller, à la douche. Au moins, là-bas, je serais tranquille. Sauf que je trainerai bien, que j'irai voir le commodore dans la foulée, et que je reviendrai pas avant une heure tardive, et silencieusement. Qu'on bosse ensemble, d'accord. Que j'sois obligé de raconter ma vie, me justifier, pour finalement dire que non, je suis pas une garce, toi non plus, mais que je t'aime pas quand même, c'est pas possible. Ça servirait à quoi ? Elle chercherait encore des prétextes alors que c'est physique. Qu'il y aura toujours plus de prétextes que ce que je pourrais en dire. D'ailleurs, je les sens se multiplier sous ma couenne, comme une armée de punaises de lit. Et ça gratte, ça pique, ça enfle !

J'ai claqué la porte en sortant.


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L'ange ne comprenait pas. Vraiment pas. Qu'avait-elle dit ou fait pour mériter une telle animosité de la part de Serena. Elle était certes partie à la douche, mais la façon dont les talons de la malodorante rouquine claquaient sur le sol traduisant plus certainement que n'importe quel discours l'état de mécontentement dans lequel se trouvait la compagne de chambrée de Jeska. L'aveugle, quant à elle, était partie chercher le sommeil.

Mais tout ça la turlupinait. Jeska se triturait les méninges à essayer de comprendre le pourquoi. Mais ça lui échappait. C'était comme essayait attraper de la fumée. Quelle que soit la façon dont elle prenne le problème, la solution la fuyait. La Lieutenant n'arrivait pas à accepter qu'elle soit ainsi repoussée sans que Serena se soit la peine de lui donner des raisons valables. Ceci faisant, la rousse privait l'aveugle de toute contestation et même de toute possibilité d'amélioration.

C'était une terrible torture pour l'ange qui croyait dur comme fer aux causes et aux conséquences. L'attitude de Serena était tellement irrationnelle qu'elle sortait des capacités de compréhension de la nouvelle recrue. Et pourtant, Jeska cherchait quand même à trouver une explication. Elle voulait coller sa propre logique sur le monde de miss Porteflamme. Elle ne réalisait pas encore que c'était impossible. Un peu comme vouloir mélanger l'huile et le vinaigre.

Finalement, la fatigue eut raison de la volonté de Jeska et elle sombra dans un sommeil sans rêves.

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